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_______________________________________ _______________________________________ Le régime juridique des contrats administratifs : classification, conclusion, exécution et contentieux (cours)

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Le régime juridique des contrats

administratifs : classification, conclusion,

exécution et contentieux (cours)

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Table des matières

Table des matières .................................................................................................................................. 2

Introduction ............................................................................................................................................. 3

I – Classification des contrats administratifs ........................................................................................... 4

Les marchés publics ............................................................................................................................. 4

Les délégations de service public ........................................................................................................ 5

Les contrats de partenariat ................................................................................................................. 6

II – La conclusion des contrats administratifs ......................................................................................... 7

L’appel d’offres .................................................................................................................................... 7

La procédure négociée ........................................................................................................................ 9

Le dialogue compétitif ....................................................................................................................... 10

La procédure adaptée ....................................................................................................................... 11

Les délégations de service public ...................................................................................................... 12

Les documents contractuels .............................................................................................................. 13

III – L’exécution des contrats administratifs ......................................................................................... 14

Les prérogatives de l’Administration ................................................................................................ 14

Les droits du cocontractant ............................................................................................................... 16

L’influence des faits extérieurs au contrat ........................................................................................ 17

IV – Le contentieux des contrats administratifs .................................................................................... 19

Le plein contentieux .......................................................................................................................... 19

Le contentieux de l’excès de pouvoir ................................................................................................ 22

Le contentieux des pratiques anticoncurrentielles ........................................................................... 24

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Introduction

Bien que les contrats administratifs soient fort variés, il est possible de distinguer deux grandes catégories que sont les marchés publics et les délégations de service public, contrats fortement influencés, ces dernières années par le droit communautaire. A ces deux types de contrats, il faut ajouter l’apparition récente des contrats dit de partenariat qui sont des contrats globaux traitant, à la fois, du financement, de la réalisation et de l’exploitation d’équipements publics (I). Ce qu’il importe de retenir est que le régime juridique de ces contrats présente, en comparaison avec celui applicable aux contrats de droit privé, de notables spécificités.

Il en va, ainsi, d’abord, en ce qui concerne leur conclusion ou les impératifs de publicité et de mise en concurrence s’imposent à l’Administration et limitent, ainsi, sa liberté contractuelle (II). En effet, si l’Administration peut, en vertu du principe de la liberté contractuelle, décider de recourir au contrat, en déterminer le mode et le contenu, ou encore choisir les partenaires, elle se doit aussi, s’agissant du choix du cocontractant, de respecter des obligations de transparence et de mise en concurrence aussi bien pour les marchés publics que pour les délégations de service public. Ces différentes obligations se déclinent en trois principes que sont la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et le principe de transparence des procédures. Plusieurs modes de conclusion des marchés publics, que sont l’appel d’offres, le marché négocié, le dialogue compétitif et la procédure adaptée, pourront, alors, être évoqués, ainsi d’ailleurs que la conclusion des délégations de service public.

Si pour la conclusion des contrats, l’Administration est fortement liée, celle-ci, lorsqu’il s’agit de l’exécution de ces actes, dispose de pouvoirs qu’un contractant privé ne saurait posséder (III). En effet, le régime applicable aux contrats administratifs présente de remarquables spécificités du fait de la mission d’intérêt général poursuivie par l’Administration. C’est, ainsi, lui qui justifie et légitime les pouvoirs exorbitants de cette dernière. Mais, le cocontractant de l’Administration n’est pas dépourvu de prérogatives : on dit, en effet, qu’il a droit à l’équilibre financier du contrat. L’autre particularité des contrats administratifs tient à l’influence que peuvent avoir des faits extérieurs au contrat sur celui-ci : il s’agira ici d’évoquer les cas de force majeure, de fait du prince et d’imprévision.

Enfin, le dernier point nous amènera à analyser le contentieux des contrats administratifs, qui se divise en trois branches : un contentieux de pleine juridiction, un contentieux de l’excès de pouvoir et un contentieux des pratiques anticoncurrentielles (IV). Ce que l’on peut, d’ores et déjà dire, est que de nombreuses évolutions récentes ont marqué la matière. D’abord, les recours en la matière étaient, par le passé, principalement des recours de plein contentieux. Mais, progressivement, la jurisprudence a élaboré différentes hypothèses ou un recours pour excès de pouvoir est possible. Par ailleurs, le juge a élargi à des personnes extérieures au contrat le champ des personnes pouvant le saisir. L’ensemble de ces changements s‘est accompagné, en matière de plein contentieux, d’un élargissement des pouvoirs du juge administratif, puisque celui-ci n’est plus limité par la sanction de nullité, mais peut, au contraire, adapter ses solutions à la diversité des situations et à l’ensemble des intérêts privés et publics en cause. Enfin, le droit des contrats administratifs a été marqué par la prise en compte sans cesse plus importante du droit de la concurrence, avec la création de deux référés.

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I – Classification des contrats

administratifs

Bien que les contrats administratifs soient fort variés, il est possible de distinguer deux grandes catégories que sont les marchés publics et les délégations de service public, contrats fortement influencés, ces dernières années par le droit communautaire. A ces deux types de contrats, il faut ajouter l’apparition récente des contrats dit de partenariat.

Les marchés publics

La question de l’encadrement juridique des marchés publics est fondamentale du fait du poids économique de ces derniers : 8 % du PIB en 2006. La réglementation applicable a profondément été modifiée depuis le début des années 2000 du fait de la nécessaire prise en compte du droit communautaire dérivé. Alors que l’on aurait pu penser que la fixation des règles relevait de la loi, le juge constitutionnel et le juge administratif ont considéré que la compétence en la matière revenait au pouvoir règlementaire. C’est donc par décret que le régime des marchés publics a été modifié : une première fois le 7 Mars 2001, une seconde fois le 7 Janvier 2004, et enfin le 1° Aout 2006 pour transposer en droit interne les directives communautaires du 31 Mars 2004. Trois décrets ont aussi été pris en 2008 afin d’adapter le Code des marchés publics à l’évolution du droit communautaire, notamment en ce qui concerne la modification des seuils ou encore le développement de la dématérialisation. Précisons, enfin, que l’ensemble des marchés publics a la qualité de contrat administratif depuis la loi MURCEF du 11 Décembre 2001.

La définition des marchés publics est donné par l’article 1° du Code du même nom : ainsi, il s’agit des contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs (l’Etat et ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités locales et les établissements publics locaux) et des opérateurs économiques, qui peuvent être publics ou privés, pour répondre à leurs besoins de travaux, de fournitures et de services. Ainsi, l’on distingue trois types de marchés publics : ceux de travaux publics par lesquels l’Administration confie à un tiers la construction ou l’entretien d’un immeuble, les marchés de fournitures qui permettent l’acquisition de produits et matériels, et les marchés de services comme, par exemple, ceux ayant pour objet le nettoyage des locaux administratifs. Dans le cadre de ces marchés, le cocontractant est rémunéré par un prix versé par l’Administration, ce qui distingue ces contrats des ceux de délégation de service public.

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Les délégations de service public

La délégation de service public a pour objet de confier à une personne publique ou privée la gestion d’une mission d’intérêt général. Pour ce faire, l’Administration dispose de trois types de contrats. Le plus ancien et le plus répandu est la concession de service public ou le concessionnaire assume les frais d’investissement et d’exploitation à ses risques et se rémunère, notamment, par une redevance perçue sur les usagers. A l’inverse, dans le cadre d’un affermage, les ouvrages et installations qui servent à gérer le service sont fournis par l’Administration, en échange de quoi une partie des redevances perçues par le fermier est reversée à l’Administration contractante. Enfin, il faut noter le cas de la régie intéressée ou l’exploitant est rémunéré par un forfait et par une participation aux résultats, la collectivité assumant seule les pertes éventuelles et la charge des investissements.

La question fondamentale en la matière est de déterminer comment distinguer ces contrats de délégation des marchés publics. Si l’on peut utiliser le critère de l’objet propre à chacun de ces deux types de contrats, le critère retenu tient au mode de rémunération du partenaire de l’Administration : dans le cadre d’un marché, celui-ci est rémunéré par le versement d’un prix, alors que dans l’hypothèse d’un contrat de délégation la rémunération du cocontractant est assurée substantiellement par les résultats de l’exploitation, notamment par la perception de redevances sur les usagers. Pour apprécier cette notion de rémunération substantiellement liée aux résultats de l’exploitation, le juge administratif a repris à son compte la position de la CJCE : ainsi, une rémunération est substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation lorsqu’une part significative du risque de l’exploitation demeure à la charge du cocontractant, qu’il s’agisse des recettes, des dépenses ou du résultat de l’exploitation lui-même (CE, 7/11/2008, Département de la Vendée).

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Les contrats de partenariat

A mi-chemin entre les délégations de service public et les marchés publics, les contrats de partenariat sont des contrats globaux qui traitent à la fois du financement, de la réalisation et de l’exploitation d’équipements publics. Ce type de contrats est apparu en France au début des années 2000 dans des secteurs connaissant des besoins urgents en matière d’équipements, tels que les prisons ou les hôpitaux. Après autorisation du législateur, c’est le Gouvernement qui, par l’ordonnance du 17 Juin 2004, a posé le régime global applicable en la matière. Ces contrats, qualifiés de contrats administratifs, ne sont pas soumis au Code des marchés public, mais les règles communautaires en matière de publicité et de transparence leurs sont applicables. Ils peuvent, par ailleurs, être conclus aussi bien avec une personne privée qu’avec une personne publique. Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel et celle du Conseil d’Etat, les contrats de partenariat devraient rester d’application limitée : ainsi, pour le juge administratif suprême, l’utilisation de ce procédé doit être réservé au cas ou il existe une « nécessité objective de rattraper un retard particulièrement grave » (CE, 29/10/2004, Sueur) ou bien un retard « préjudiciable à l’intérêt général et affectant le bon fonctionnement des services publics » (CE, 23/07/2010, Lenoir). Enfin, il importe de relever, à la vue des données factuelles, deux considérations. D’abord, ces projets profitent surtout aux grands groupes du BTP, comme Bouygues, Vinci ou encore Effiage : en effet, ces contrats portent souvent sur des montants financiers importants que les PME ne peuvent assumer. Ensuite, et pour conclure, l’on note un regain d’intérêt pour ce procédé contractuel : si la plupart des projets de l’Etat concerne de grands travaux, tels que le regroupement en un seul lieu des 12 sites du ministère de la Défense (projet Opale), ceux relevant des collectivités locales sont d’ambition beaucoup plus diverse.

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II – La conclusion des contrats

administratifs

Les contrats administratifs sont négociés et signés au nom de la personne publique par un représentant habilité : le ministre pour l’Etat, ou l’exécutif local pour les collectivités territoriales après autorisation de l’assemblée délibérante. Le respect de ces règles de compétence est important, car un vice provoquera automatiquement la nullité du contrat ; il en ira, d’ailleurs, de même si le consentement n’est pas libre ou éclairé, comme en cas de dol ou d’erreur. Afin de garantir une certaine moralité dans la commande publique, différentes règles ont été élaborées : ainsi, les délibérations auxquelles ont pris part des membres du conseil municipal intéressés à l’affaire sont illégales, tandis que les agents et élus qui abuseraient de leurs fonctions en vue de procurer un avantage personnel lors de la conclusion du contrat peuvent être poursuivis pour prise illégale d’intérêts (art. L 432-12 Code pénal).

Du point de vue des grands principes qui encadrent la conclusion des contrats administratifs, deux exigences doivent être respectées : la première doit garantir les droits de l’Administration, la seconde les droits des cocontractants. Dans la première hypothèse, c’est le principe de la liberté contractuelle qui permet aux autorités administratives de décider de recourir au contrat, d’en déterminer le mode et le contenu, ou encore de choisir les partenaires. Le Conseil constitutionnel a fait de ce principe un principe à valeur constitutionnelle (CC, 13/01/2003), tandis que le Conseil d’Etat indique que les dérogations à la liberté contractuelle doivent être interprétées strictement, ce qui est de nature à accroitre le champ d’application du principe. Mais, dorénavant, cette liberté contractuelle est, s’agissant du choix du cocontractant, fortement encadrée du fait de l’influence du droit communautaire : c’est là la seconde exigence. Ainsi, différentes directives ont imposé des obligations de transparence et de mise en concurrence aussi bien pour les marchés publics que pour les délégations de service public. Ces différentes obligations se déclinent en trois principes de valeur constitutionnelle (CC, 26/06/2003), censés assurer la bonne gestion des deniers publics, le respect de la concurrence entre les candidats, mais aussi la moralisation de l’action publique : l’on distingue ainsi la liberté d'accès à la commande publique qui interdit d'écarter des concurrents sur la base de considérations étrangères au code des marchés publics, l'égalité de traitement des candidats qui suppose que l'Administration traite tous les candidats sans discrimination, et enfin, le principe de transparence des procédures qui doit permettre une information suffisante de tous les candidats. Concrètement, une fois ces trois exigences satisfaites, l’Administration retrouve sa liberté pour choisir son cocontractant. Précisons, cependant, que cette mise en concurrence n’est obligatoire qu’au-delà de certains seuils : 125 00 € pour les marchés de fournitures et de services de l’Etat, 193 000 € pour les marchés des collectivités locales et 4 845 000 pour les marchés de travaux publics.

Il est, alors, possible de distinguer quatre modes de conclusion des marchés publics – l’appel d’offres, le marché négocié, le dialogue compétitif et la procédure adaptée, l’adjudication qui reposait sur l’attribution du marché au candidat le moins-disant ayant été supprimé en 2001 -, et d’évoquer la conclusion des délégations de service public. Pour finir, il faudra relever quelques considérations sur les documents contractuels.

L’appel d’offres

L'appel d'offres présente la particularité d'être ouvert ou restreint. Dans le premier cas, toutes les entreprises peuvent présenter une offre. Dans la seconde hypothèse, les entreprises doivent d'abord se porter candidates; puis, après examen des candidatures, l'Administration dresse

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la liste des entreprises autorisées à présenter une offre. Concrètement, la procédure commence par la définition par l'Administration acheteuse de ses besoins, ce qui doit permettre, via les différents documents contractuels, de préciser notamment l'objet du marché et les différentes étapes de la consultation. Puis, il faut procéder à la publication de l'avis d'appel public à la concurrence au Bulletin officiel administratif des marchés publics, et au Journal officiel de l'Union européenne pour les marchés les plus importants. Une fois les offres reçues, leur examen se fait en séance non publique. Quant au choix du cocontractant, c’est la Commission d’appel d’offres qui prendra la décision à l’aide de différents critères : le prix bien sur, mais aussi les garanties techniques et financières, les délais d’exécution, l’expérience professionnelle. De nos jours, sont aussi pris en compte des critères liés à l’environnement ou à l’insertion sociale. Concrètement, c’est l’offre économiquement la plus avantageuse qui sera être retenue.

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La procédure négociée

Cette procédure a succédé aux marchés de gré à gré. Ici, l'Administration n'a pas à respecter les procédures de droit commun : en effet, il s’agit d’une procédure dans laquelle le pouvoir adjudicateur négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs économiques. Ainsi, les cahiers des charges n’ont pas être aussi précis qu’en matière d’appel d’offres puisqu’ils peuvent être discutés et remodelés. Cependant, le recours à cette procédure n’est possible que dans un nombre d’hypothèses limitativement énumérées par l’article 35 du Code des marchés : ainsi, l’on distingue les marchés négociés après publicité et mise en concurrence et ceux qui sont dispensés du respect de telles obligations. Dans la première série d’hypothèses, le recours au marché négocié est, notamment, possible en cas d’appel d’offres infructueux, ce qui a conduit à certains abus : en effet, certaines Administrations étaient tentées de déclarer infructueux un appel d’offres, afin d’échapper à des formalités contraignantes. En conséquence, le législateur est intervenu pour rendre plus difficile le recours au marché négocié en pareille situation.

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Le dialogue compétitif

Cette procédure est utilisée quand le pouvoir adjudicateur n'est pas en mesure de définir lui-même toutes les conditions du projet. Ainsi, le dialogue compétitif ouvre des possibilités de discussion avec les candidats, et surtout d’adaptation des offres en cours de procédure : il s’ensuit que le cahier des charges n’est arrêté définitivement qu’à l’issue de ce dialogue. Elle ne peut être utilisée que si la personne publique ne peut, par elle-même, définir les moyens techniques ou le montage juridique et financier. C’est cette procédure qui est utilisée pour les contrats de partenariat.

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La procédure adaptée

La procédure adaptée concerne les marchés de faible montant, que l’on appelle aussi « achats informels ». Dans la mesure ou ces derniers représentent 50 % de l'achat public, les modifications apportées au Code des marchés publics ont prévu leur soumission à ce code, ce qui implique que l'Administration doit respecter les trois principes vus plus haut, mais avec des adaptations liées à leur montant. Concrètement, dans le cas ou le seuil d'application des procédures formalisées n'est pas atteint, l'Administration doit respecter une mise en concurrence "dont les modalités sont librement fixées par la pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat" (art. 28 CMP). Il s’agit, ainsi, de trouver un juste équilibre entre les exigences du droit de la concurrence et la nécessaire souplesse qui doit accompagner l’Administration dans son choix du cocontractant en la matière. La liberté de choix de l’Administration dépend, alors, du montant du marché : elle est totale pour les marchés inférieurs à 4 000 €, allégée de 4 000 e à 90 000 €, et fortement encadrée au-delà. Par ailleurs, si rien n'impose juridiquement à l'Administration de négocier les offres reçues, dans les faits elle sera obligée de le faire afin de minimiser la dépense publique et de ne pas encourir de critiques de la part tant des électeurs que des juridictions financières quant à un mauvais usage des deniers publics. Enfin, doit être rapprochée de cette procédure adaptée, la question des marchés « in house » (dits aussi de prestations intégrées) dont la passation n’est pas soumise aux procédures de publicité et de mise en concurrence (CJCE, 18/11/1999, Teckel) : concrètement, il s’agit des marchés dans lesquels l’Administration exerce sur son cocontractant un contrôle analogue à celui qu’elle exerce sur ses propres services, l’autre condition étant que le partenaire réalise l’essentiel de son activité avec la collectivité publique en cause.

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Les délégations de service public

A l’origine, l’Administration disposait d’une grande liberté pour choisir la personne à qui confier la gestion d’un service public ; en effet, l’intuitu personae était déterminant. Mais, suite à différents scandales de corruption et sous l’influence du droit communautaire, la loi du 23 Janvier 1993, dite loi Sapin, a soumis la conclusion de l’ensemble des contrats de délégation de service public à une procédure de publicité et de mise en concurrence. Celle-ci est simple pour l’Etat et ses établissements publics, et plus complexe pour les collectivités locales. Précisons, cependant, que pour les délégations représentant un faible montant et dont la durée est inférieure à trois ans, la procédure est simplifiée. En dehors de cette hypothèse, la procédure commence par l’information des candidats sur les critères de sélection, puis une Commission établit, après examen des offres, la liste des candidats admis à se présenter. La personne publique choisit, ensuite, le délégataire en fonction de ses garanties professionnelles et financières et de son aptitude à assurer la continuité du service public et l’égalité des usagers devant le service public. A ce stade, le principe de la liberté de choix du délégataire reprend sa place et l’Administration peut librement négocier les offres avec leur auteur, à condition que la négociation ne remette pas en cause l’égalité entre les candidats. Il faut, enfin, noter que la candidature des personnes publiques à de telles délégations est possible, celle-ci n’étant pas en elle-même anticoncurrentielle. Il n’en ira autrement que si la collectivité publique bénéficie d’avantages particuliers lui permettant, par exemple du fait des subventions qu’elle reçoit, de présenter des prix anormalement bas (CE, avis, 8/11/2000, Société Jean-Louis Bernard Consultants).

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Les documents contractuels

Une fois le cocontractant choisi, le contrat peut être signé. Seulement, le contrat proprement dit n’est pas le seul document contractuel. En effet, à coté de celui-ci, existent différents cahiers des charges. L’on distingue ainsi, en matière de marchés publics, les cahiers des clauses techniques générales et les cahiers des clauses administratives générales qui fixent les dispositions applicables à toute une catégorie de marchés, et les cahiers des clauses techniques particulières et les cahiers des clauses administratives particulières qui fixent les dispositions propres à un marché donné. Il faut, cependant, noter que les parties sont libres de se référer ou non à ces cahiers, ou même d’y déroger. Surtout, depuis les lois de décentralisation, ces cahiers sont devenus de simples modèles afin de laisser plus de liberté aux collectivités locales. Mais, dès lors que ces documents font partie du « bloc contractuel », la signature du partenaire de l’Administration vaut adhésion à l’ensemble de ces documents. Il faut, aussi, préciser que du point de vue du contenu de ces différents documents, certaines clauses sont obligatoires, comme celles fixant la durée et l’objet du contrat ou encore les modalités de rémunération, tandis que d’autres sont interdites, comme celle prévoyant une tacite reconduction ou celle permettant d’abuser d’une position dominante. Relevons, enfin, qu’en matière de contrat de délégation de service public, les clauses qui ne régissent pas directement les rapports entre l’Administration concédante et le délégataire, mais visent, au contraire, à règlementer l’organisation et le fonctionnement du service présentent un caractère règlementaire et sont donc susceptibles d’un recours pour excès de pouvoir (CE, 10/07/1996, Cayzeele). A ce stade, le contrat peut commencer à être exécuté.

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III – L’exécution des contrats

administratifs

Si les contrats de droit privé sont régis par le célèbre article 1134 du Code civil selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites », le régime applicable aux contrats administratifs présente de remarquables spécificités du fait de la mission d’intérêt général poursuivie par l’Administration. C’est, ainsi, lui qui justifie et légitime les pouvoirs exorbitants de cette dernière. Mais, le cocontractant de l’Administration n’est pas dépourvu de prérogatives : on dit, en effet, qu’il a droit à l’équilibre financier du contrat. L’autre particularité des contrats administratifs tient à l’influence que peuvent avoir des faits extérieurs au contrat sur celui-ci.

Les prérogatives de l’Administration

Toute personne publique qui conclue un contrat administratif dispose de ces pouvoirs : cela signifie d’une part qu’il en va ainsi même s’ils ne sont pas mentionnés dans le contrat, et d’autre part que la personne publique ne peut y renoncer. Quatre types de pouvoirs doivent être relevés : le droit de direction et de contrôle, le droit de sanction, le droit de modification unilatérale et le droit de résiliation. Précisons, avant de commencer, que la Cour européenne des droits de l’Homme reconnait la validité des deux dernières prérogatives, dès lors qu’il y a motif d’intérêt général et compensation (CEDH, 23/09/1982, Sporrong).

1 / En vertu de son droit de direction et de contrôle, l’Administration peut effectuer des contrôles à tout moment pour vérifier la bonne exécution du contrat ; ce pouvoir se traduit, dans les faits, par l’édiction de notes de service lorsqu’elle détecte des défaillances dans cette exécution. Dans l’hypothèse des contrats de délégation de service public des collectivités locales, les partenaires de ces dernières sont même obligés, chaque année, de fournir un rapport d’activité sur leur gestion financière et la qualité du service rendu.

2 / Si les notes de services n’ont pu corriger le comportement du cocontractant et que ce dernier est fautif, l’Administration peut recourir à son pouvoir de sanction qui s’exerce par le biais de décisions administratives unilatérales. Ces sanctions sont, sauf urgence ou clause contraire, prononcées après une mise en demeure. Mais, ces sanctions doivent, bien sur, être adaptées à la gravité de la situation. Plusieurs niveaux de gravité de la faute du cocontractant peuvent être distingués. Ainsi, en cas de défaillance mineure, l’autorité administrative aura recours à des sanctions pécuniaires, comme des pénalités de retard, des amendes ou encore des dommages et intérêts. Même non prévues par le contrat, ces sanctions sont applicables (CE, 31/05/1907, Deplanque). Autre niveau de gravité, si l’exécution du contrat est menacée par le comportement fautif du cocontractant, l’Administration pourra avoir recours à des sanctions coercitives, ce qui signifie que soit elle se substituera à son partenaire défaillant, soit le remplacera par un tiers aux frais et risques du cocontractant. Concrètement, ces sanctions se traduiront par la mise sous séquestre d’une concession ou encore la mise en régie d’un marché de travaux publics. Le plus haut niveau de gravité est atteint lorsqu’est décidée, après mise en demeure, la résiliation-sanction du contrat aux torts du partenaire, ce dernier étant fautif. Il en va, ainsi, en cas d’interruption du service ou du chantier, ou

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en cas de fonctionnement défectueux du service. Notons, cependant, qu’en matière de concession, seul le juge peut la prononcer sous forme de « déchéance ».

3 / L’Administration dispose, par ailleurs, d’un pouvoir de modification unilatérale fondé sur les exigences du service public. Ce pouvoir a été consacré par deux arrêts. La principale question était, cependant, de savoir si l’Administration détenait ce pouvoir en fonction de textes ou des clauses contractuelles, ou si elle le détenait, indépendamment de telles dispositions. Le premier arrêt laisse planer certains doutes. Ainsi, dans l’arrêt Cie. Générale française des tramways (CE, 11/03/1910), le Conseil d’Etat reconnait à l’Administration contractante un pouvoir de modification unilatérale du contrat, et ce dans le silence des clauses du contrat. Mais, pour une partie de la doctrine, ce pouvoir pouvait trouver sa source dans les textes applicables à l’espèce en question. Au contraire, pour d’autres auteurs, ce pouvoir était reconnu à l’Administration indépendamment de toutes dispositions textuelles aussi bien législatives ou règlementaires que contractuelles. Plusieurs arrêts postérieurs à celui de 1910 semblaient d’ailleurs aller dans ce sens. Cette position est consacrée par l’arrêt Union des transports publics urbains et régionaux (CE, 2/02/1983) par lequel la Haute juridiction reconnait, dans le silence des clauses du contrat, le pouvoir de modification unilatérale de l’Administration. Plus même, ce pouvoir découle « des règles générales applicables aux contrats administratifs » ; autrement dit, il existe indépendamment de toute disposition textuelle. Un tel pouvoir apparait donc comme exorbitant par rapport au régime des contrats de droit privé. Mais, il se justifie par la nécessaire adéquation permanente entre l’action administrative et la satisfaction de l’intérêt général. En effet, ce pouvoir de mutabilité des contrats administratifs implique que l’Administration puisse, à tout moment, apporter les modifications nécessaires au contrat afin que son exécution soit adaptée à l’évolution des nécessités de l’intérêt général.

Pour autant, ce pouvoir n’est pas sans limites. En effet, il s’agit ici de tenir compte de l’accord de volontés résultant du contrat et ainsi de poser des limites aux prérogatives de l’Administration. D’abord, ces modifications doivent être justifiées par l’intérêt général ou l’intérêt public. Par ailleurs, si ces modifications entrainent un bouleversement du contrat, le cocontractant est en droit de demander au juge la résiliation du contrat ; plus généralement, ces modifications ne doivent pas être si innovatoires que l’on pourrait penser qu’un nouveau contrat aurait du être conclu. De plus, certaines clauses du contrat ne peuvent être modifiées que par accord des volontés des parties : il en va, ainsi, des clauses définissant l’objet du contrat, et des clauses financières. Enfin, si l’usage du pouvoir de modification unilatérale alourdit les charges du partenaire de l’Administration, celui-ci a droit à la compensation intégrale du préjudice ainsi causé. En effet, l’Administration doit rétablir l’équilibre financier du contrat.

4 / Dernière prérogative de l’Administration : le droit de résiliation qui est différent de la résiliation-sanction vue plus haut. Ici, cette mesure, qui peut être décidée d’office par l’autorité administrative aussi bien pour les marchés publics que pour les concessions de service public, ne peut être prise que lorsque l’intérêt du service l’exige, comme c’est le cas, notamment, quand se présente la nécessité de réorganiser le service (CE, 2/05/1958, Distillerie de Magnac-Laval). Bien sur, dans la mesure où aucune faute n’est reprochée au cocontractant, celui-ci devra être indemnisé de l’intégralité de son préjudice. Précisions, enfin que les clauses contractuelles qui excluraient cette prérogative seraient frappées de nullité (CE, 6/05/1985, Ass. Eurolat).

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Les droits du cocontractant

Précisons, pour commencer, que même lorsque l’Administration méconnait ses obligations, le cocontractant ne peut suspendre l’exécution du contrat, car cela compromettrait la continuité du service public. Mais, il peut céder, sans nouvelle mise en concurrence, mais après autorisation de l’Administration, le contrat dont il est titulaire. Le point le plus important réside, cependant, dans les droits en matière financière dont le cocontractant est titulaire. Ainsi, et d’abord, celui-ci doit recevoir le prix intégral rémunérant la prestation effectuée. En la matière, longtemps a prévalu la règle du paiement après service fait. Mais, pour faciliter la gestion de la trésorerie de son partenaire, il est dorénavant prévu, en matière de marchés publics, que l’Administration procède au versement d’avances forfaitaires ou d’acomptes. Par ailleurs, le juge administratif a élaboré, en matière de marchés de travaux, la théorie des sujétions imprévues : concrètement, l’entrepreneur doit être indemnisé lorsqu’il fait face à des difficultés imprévisibles comme, par exemple, l’instabilité des sols. Le juge a même appliqué la théorie civiliste de l’enrichissement sans cause aux cas ou l’entrepreneur a spontanément effectué des « dépenses utiles ». Surtout, le juge administratif a développé le système de l’équilibre financier du contrat : concrètement, lorsque l’Administration remet en cause, par une décision licite, cet équilibre, elle doit, par l’octroi d’une indemnité, compenser la charge nouvelle. Des aides financières peuvent aussi être accordées par l’Administration lorsque des faits extérieurs au contrat bouleversent ses conditions d’exécution.

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L’influence des faits extérieurs au contrat

Trois situations peuvent être distinguées : la force majeure, le fait du prince et l’imprévision.

1 / Comme en droit civil, la force majeure se définie par son extériorité vis-à-vis des parties au contrat, son imprévisibilité dans sa survenance et son irrésistibilité dans ses effets, les phénomènes naturels violents et d’une durée exceptionnelle en étant les exemples les plus typiques. En pareille hypothèse, l’exécution du contrat devient impossible, et le cocontractant d’une part ne peut voir sa responsabilité engagée, et d’autre part a droit tant à la résiliation du contrat, qu’à une indemnisation.

2 / Le fait du prince constitue, en quelque sorte, un aléa administratif : concrètement, cette hypothèse correspond à la situation ou l’autorité administrative contractante prend, non en tant que partie au contrat, mais au titre de l’exercice de prérogatives extracontractuelles de puissance publique, une mesure qui modifie indirectement le contrat, ce qui altère son exécution. C’est, par exemple, le cas lorsqu’un maire prend, en tant qu’autorité de police administrative générale de la commune, un arrêté modifiant la règlementation de la circulation et que cette modification accroit les charges du service de transports en commun que la commune a concédé à une entreprise. En pareille hypothèse, le cocontractant a droit à l’indemnisation de son préjudice. Mais, pour qu’il en aille ainsi, il faut que le fait litigieux altère véritablement l’exécution du contrat, et non qu’il la rende simplement plus difficile.

3 / La théorie de l’imprévision, qui a d’ailleurs été reprise par la Cour de cassation (C.Cass., 16/03/2004, Huard), correspond, elle, à un aléa économique. Elle consiste principalement dans le fait que l’Administration se doit d’aider son cocontractant, lorsque celui-ci, confronté à un évènement présentant certaines caractéristiques, ne peut plus faire face à ses obligations (CE, 30/03/1916, Cie. Générale d’éclairage de Bordeaux). Il peut en aller ainsi en cas de guerre, de changements importants des conditions économiques, d’inflation, … Concrètement, cette théorie se justifie, s’agissant des contrats de concessions de service public, par la nécessité d’assurer la continuité des services publics. Mais, elle trouve aussi à s’appliquer à d’autres contrats administratifs, sur la base de la nécessaire continuité de la satisfaction de l’intérêt général. De nos jours, la plupart des contrats administratifs contiennent des systèmes de révision des tarifs, mais cette dernière circonstance n’a pourtant pas fait disparaitre la jurisprudence sur l’imprévision, ces clauses ne pouvant tout prévoir. Notons aussi que, dans un souci d’équité, l’indemnité d’imprévision peut être demandée même après l’expiration du contrat. Ces précisions étant faites, il est possible d’évoquer d’une part les conditions d’application de cette théorie, et ses effets d’autre part.

Quatre conditions doivent être réunies pour que l’état d’imprévision soit reconnu. D’abord, l’évènement en cause ne doit pas être prévisible par les parties au contrat au moment de sa conclusion. Ensuite, l’évènement doit être indépendant de la volonté du cocontractant et de celle de l’Administration : ainsi, il doit s’agir de circonstances extérieures aux parties. L’état d’imprévision peut, alors, avoir des causes diverses : des évènements politiques comme les guerres, des cataclysmes naturels, ...Aussi, l’évènement en cause doit avoir pour conséquence un véritable bouleversement de l’économie générale du contrat. En d’autres termes, il doit s’agir d’un bouleversement qui va au-delà de l’aléa normal inhérent à tout contrat. Comme le relève le professeur Chapus, « l’évènement doit aggraver les charges du cocontractant dans une mesure telle qu’une situation extracontractuelle se trouve créée ». Il faut donc que l’exécution du contrat soit mise en péril, mais non rendue impossible. C’est, là, la dernière condition : en effet, le

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bouleversement du contrat doit être temporaire, ce qui signifie qu’en cas de difficultés chroniques, il n’y a aucune raison à ce que l’Administration prenne en charge, au frais du contribuable, les dépenses du cocontractant. En pareille hypothèse, l’on est face à un cas de force majeure, et l’Administration ou le cocontractant sont en droit d’obtenir du juge la résiliation du contrat, avec éventuellement une indemnisation.

Une fois ces conditions réunies, l’état d’imprévision emporte des conséquences. Il faut d’abord préciser que l’état d’imprévision ne libère pas le cocontractant de l’Administration de ses obligations. Ainsi, celui-ci est tenu de poursuivre l’exécution du contrat, malgré les circonstances. Dans le cas contraire, le partenaire de l’Administration ne pourra pas obtenir une indemnisation au titre de l’imprévision. Concrètement, les parties sont tenues de tenter d’adapter le contrat aux nouvelles circonstances, par exemple, par une réduction de certaines charges du cocontractant ou une augmentation des tarifs. Si la négociation échoue, le partenaire est en droit d’obtenir, du juge administratif, la condamnation de l’Administration au versement d’une indemnité. Cette dernière n’est pas intégrale. En effet, le juge estime que l’Administration n’étant pour rien dans l’aggravation des charges du cocontractant, ce dernier doit supporter la part du déficit se rattachant à l’aléa normal de tout contrat : dans les faits, l’indemnité versée couvre, en général, 90 à 95 % des charges nouvelles.

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IV – Le contentieux des contrats

administratifs

Le contentieux des contrats administratifs a été marqué par quatre évolutions. D’abord, les recours en la matière étaient, par le passé, principalement des recours de plein contentieux. Mais, progressivement, la jurisprudence a élaboré différentes hypothèses ou un recours pour excès de pouvoir est possible, ce changement s’expliquant par la présence dans les contrats administratifs de clauses s’apparentant, de par leur généralité et leur impersonnalité, à des règlements. Par ailleurs, le juge a élargi à des personnes extérieures au contrat le champ des personnes pouvant le saisir. L’ensemble de ces changements s‘est accompagné, en matière de plein contentieux, d’un élargissement des pouvoirs du juge administratif, puisque celui-ci n’est plus limité par la sanction de nullité, mais peut, au contraire, adapter ses solutions à la diversité des situations et à l’ensemble des intérêts privés et publics en cause. Enfin, le droit des contrats administratifs a été marqué par la prise en compte sans cesse plus importante du droit de la concurrence, avec la création de deux référés. Il est, alors, possible d’examiner ces différents points au travers de trois rubriques : le plein contentieux, le contentieux de l’excès de pouvoir et celui des pratiques anticoncurrentielles.

Le plein contentieux

Le recours de plein contentieux contre un contrat administratif est, en principe, réservé aux parties. Mais, une exception à cette règle à récemment été consacrée puisque dorénavant les concurrents évincés peuvent saisir le juge d’un recours contestant la validité du contrat. Surtout, dans ces deux hypothèses, le juge administratif s’est reconnu une large palette de pouvoirs allant au-delà de la simple déclaration de nullité. L’ensemble de ces évolutions ont, ainsi, permis au Conseil d’Etat de remodeler en profondeur, à partir des années 2000, l’office du juge des contrats. Ce mouvement a même été poursuivi récemment dans l’hypothèse du déféré contractuel. En plus de ces trois cas de contentieux de pleine juridiction, il faudra terminer en relevant une troisième hypothèse : celle de la responsabilité contractuelle.

1 / Le recours de plein contentieux peut être exercé par les parties au contrat. Il ne pouvait d’ailleurs l’être que par elles il y a encore peu de temps. Par ailleurs, à l’origine, celui-ci ne pouvait que déboucher que sur la nullité soit d’une clause contractuelle, soit du contrat dans son ensemble si la clause irrégulière présente un caractère déterminant. On le comprendra, ce type de recours, en raison de son effet radical, était de nature à bouleverser considérablement la stabilité des relations contractuelles. C’est pour cela que par l’arrêt Commune de Béziers (CE, ass., 28/12/2009), le juge du contrat a entrepris un remodelage global de son office, le but étant de se doter de tous les pouvoirs qu’un juge de plein contentieux doit normalement posséder. L’arrêt Commune de Béziers innove sur deux points : d’abord le juge doit apprécier la gravité de l’irrégularité invoquée devant lui, ensuite, il doit peser cette irrégularité pour décider du sort à réserver au contrat.

En premier lieu, lorsqu’il est confronté à des irrégularités entachant un contrat administratif, le juge doit en apprécier l’importance et les conséquences. Surtout, le Conseil d’Etat pose que toutes les irrégularités ne peuvent être invoquées par les parties. La Haute juridiction fait ici référence à l’exigence de loyauté des relations contractuelles : ce dernier principe est posé pour permettre au juge administratif d’écarter les moyens d’irrégularité qu’une partie invoque alors même qu’elle est l’auteur de cette irrégularité. Ce faisant, le juge administratif renoue avec sa jurisprudence passée

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fondée sur le principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans. En d’autres termes, une partie ne peut dans un litige se rapportant à un contrat se prévaloir d’une irrégularité qu’elle a elle-même commise.

En second lieu, là ou par le passé, le juge administratif n’avait comme d’autres choix que d’annuler le contrat, le Conseil d’Etat pose ici comme principe que l’irrégularité affectant le contrat doit être pesée afin de déterminer le sort à réserver à ce contrat. En d’autres termes, l’annulation n’est plus automatique en cas d’irrégularité. Le juge dispose désormais d’une palette élargie de pouvoirs. Et, dans la mise en œuvre de ces derniers, il doit peser les exigences découlant du principe de légalité et celles découlant tant de la stabilité des relations contractuelles, ce qui signifie que le contrat doit, autant que possible, être maintenu, que de l’intérêt général. Le juge reprend ici la méthode élaborée par l’arrêt Tropic (voir infra). Ainsi, celui-ci peut, d’abord, décider de la poursuite de l’exécution du contrat, avec éventuellement des mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties. Deuxième solution, le juge peut prononcer la résiliation du contrat : mais, ici le juge doit faire la balance entre les exigences du principe de légalité, et celles liées à l’intérêt général. En d’autres termes, la résiliation ne doit pas porter une atteinte excessive à l’intérêt général ; ainsi, s’explique la possibilité de prononcer la résiliation avec un effet différé afin que la personne publique puisse s’organiser pour assurer la continuité du service public. Enfin, le Conseil d’Etat n’admet l’annulation du contrat que dans deux hypothèses, à savoir l’irrégularité tenant soit au caractère illicite du contenu du contrat soit à un vice d’une particulière gravité relatif, notamment, aux conditions dans lesquelles les parties ou donné leur consentement.

Il faut, enfin, noter l’arrêt Commune de Béziers bis (CE, 21/03/2011) relatif aux pouvoirs du juge vis-à-vis des mesures de résiliation d’un contrat administratif. . Jusqu’à présent, le juge administratif ne se reconnaissait pas le pouvoir d’annuler une telle décision ; la seule option du requérant était de déposer une demande d’indemnité. Avec l’arrêt de 2011, le juge administratif se reconnait, désormais, lorsqu’il est confronté à une mesure de résiliation d’un contrat administratif entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, le pouvoir soit d’imposer aux parties la poursuite des relations contractuelles, soit d’octroyer au cocontractant une indemnité. La seconde voie devra être choisie si le vice est mineur. En revanche, pour décider de la reprise des relations contractuelles, le juge devra procéder à un bilan du type de celui effectué dans le premier arrêt Commune de Béziers. En d’autres termes, pour décider d’accepter ou non le recours, le juge devra apprécier si, eu égard à la gravité des vices constatés, à la gravité de l’éventuelle faute du requérant, ainsi qu’aux motifs de la résiliation, la reprise des relations contractuelles est de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général et même aux droits du titulaire d’un nouveau contrat conclu après la résiliation litigieuse. Si le juge décide d’ordonner la poursuite des relations contractuelles, il décidera lui-même de la date à laquelle l’exécution du contrat devra reprendre : cette date sera la plupart du temps concomitante ou postérieure à celle de la décision du juge ; mais, elle pourra, dans certains cas rares, être antérieure : cette hypothèse vise à permettre au cocontractant de faire valoir ses droits dans le cas ou il aurait poursuivi l’exécution du contrat en dépit de la résiliation.

2 / C’est en 2007 qu’il est admis pour la première fois que des tiers au contrat, en l’occurrence des concurrents évincés, peuvent, dans les deux mois de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, contester la validité de celui-ci (CE, ass., 16/07/2007, Société Tropic Travaux Signalisation). Dans le cadre de ce nouveau recours, les pouvoirs du juge sont larges : en effet, celui-ci peut adapter les mesures qu’il prendra à la gravité de l’illégalité. Concrètement, il peut prononcer la résiliation du contrat ou modifier certaines de ses clauses, décider de la poursuite de l’exécution du contrat sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, ou encore de l’octroi d’indemnités. Il peut, enfin, après avoir vérifié que l’annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits des cocontractants, annuler,

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totalement ou partiellement, le contrat. Certes, ce nouveau recours est de nature à remettre en cause la stabilité des relations contractuelles, mais elle se trouve justifiée par d’autres arguments. Tout d’abord, le contrat administratif est un moyen de l’action publique, il concerne donc de ce fait l’intérêt général. Il n’est donc pas illogique de soutenir que d’autres personnes que les parties au contrat puissent être concernées par ce contrat. De plus, certains tiers sont suffisamment proches de la sphère contractuelle qu’il peut arriver que la conclusion ou l’exécution du contrat lèsent des droits subjectifs qu’ils détiennent.

Précisons aussi, qu’alors que le Conseil d’Etat avait retenu en 2007 une conception stricte de la notion de concurrent évincé en la limitant aux concurrents qui ont effectivement participé à la procédure de passation du contrat, le juge administratif suprême est revenu sur cette position avec l’avis Société Gouelle (CE, avis, 11/04/23012) ou il a admis que ce recours était ouvert plus généralement aux concurrents de l’attributaire, ce qui couvrent toutes les personnes qui pourraient exécuter les prestations objet du contrat litigieux, qu’elles aient ou non participé à la procédure de passation du contrat. Avec cet avis, le Conseil d’Etat devait aussi préciser que les requérants peuvent invoquer tous moyens sans avoir à justifier que les vices auxquels ces moyens se rapportent aient été susceptibles de les léser.

3 / Les lois de décentralisation de 1982 ont accordé au préfet la possibilité d’exercer un déféré préfectoral à l’encontre des contrats des collectivités locales. Jusqu’à présent, le déféré contractuel était considéré comme un recours pour excès de pouvoir (CE, 26/07/1991, Commune de Sainte-Marie). Mais, le Conseil d’Etat a, récemment, changé de position et considéré que ce type de déféré relevait du plein contentieux (CE, 23/12/2011, Ministre de l’intérieur c/ SIAN). La conséquence a été la reconnaissance, comme dans les jurisprudences Tropic et Commune de Béziers, d’une large palette de pouvoirs au juge administratif.

4 / Dernière hypothèse de contentieux de pleine juridiction : le contentieux de la responsabilité. Ici, une partie à un contrat peut invoquer le manquement de l’autre partie à ses obligations contractuelles, une faute simple suffisant. Bien sur, la personne poursuivie peut s’exonérer de sa responsabilité par la preuve d’un cas de force majeure ou d’une faute de la victime, mais non d’un fait du tiers. Précisions aussi qu’en matière de marchés de travaux publics, une responsabilité spécifique existe : en effet, le maitre de l’ouvrage est garanti, pendant dix ans, par les entrepreneurs et les architectes cocontractants, contre les vices graves affectant les gros ouvrages, ce régime étant un régime de faute présumée. Enfin, il faut rappeler l’existence d’une responsabilité pénale des élus et agents des collectivités locales, qu’il s’agisse de la prise illégale d’intérêts ou du délit de favoritisme.

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Le contentieux de l’excès de pouvoir

Ce qu’il importe de retenir est qu’un recours pour excès de pouvoir (REP) reste toujours impossible lorsqu’il est dirigé contre le contrat lui-même. Mais, la jurisprudence a progressivement admis la recevabilité d’un tel recours lorsque sont contestés ou des actes détachables du contrat, ou des dispositions contractuelles qui présentent un caractère règlementaire, ou encore les contrats de recrutement d’agents publics non titulaires.

1 / C’est avec l’arrêt Martin (CE, 4/08/1905) que le Conseil d’Etat a élaboré la théorie des actes détachables du contrat. Concrètement, le juge administratif considère qu’il existe dans l’environnement du contrat des actes qui lui sont extérieurs et qui doivent être considérés comme des actes unilatéraux susceptibles, par voie de conséquence, d’un REP. Ils ont, en quelque sorte, une vie autonome par rapport au contrat. Concrètement, ces actes se rapportent soit à la formation du contrat, comme la délibération du conseil municipal autorisant le maire à signer le contrat, soit à son exécution, comme par exemple le refus de prendre les mesures nécessaires pour assurer cette exécution. En revanche, les actes intéressant les relations financières, ne sont pas, en principe, détachables. Ce type d’actes peut être attaqué tant par les parties au contrat que par les tiers, tels que les contribuables, les usagers du service public, les entreprises écartées ou encore les membres d’un assemblée délibérante. Notons aussi que les requérants ne peuvent invoquer que des moyens de légalité et non la méconnaissance des dispositions contractuelles.

La question principale qui se pose, par ailleurs, est de déterminer les effets de l’annulation d’un acte détachable sur le contrat lui-même. Concrètement, le principe veut que l’annulation d’un acte détachable n’entraine pas automatiquement la nullité du contrat (CE, 10/12/2003, Institut de recherche pour le développement). Cette solution s’explique par le fait que le vice affectant l’acte détachable peut être mineur. Surtout, l’exécution du contrat jusqu’à son terme peut revêtir une importance pour le bon fonctionnement du service public. Or, l’automaticité de l’annulation du contrat serait de nature à mettre en danger un tel intérêt. En pareille situation, le juge impose à la personne publique de tirer, au regard du contrat, toutes les conséquences de l’annulation de l’acte détachable. Ainsi, et en premier lieu, l’Administration doit, avant de saisir le juge du contrat, tenter de résoudre la difficulté par la voie gracieuse. Ce n’est que si ces démarches n’aboutissent pas qu’elle doit, en second lieu, saisir le juge du contrat pour qu’il tire toutes les conséquences de l’annulation de l’acte détachable : ici, le juge du contrat doit apprécier la gravité du vice ayant conduit à l’annulation de l’acte détachable pour déterminer les conséquences de cette annulation sur la validité du contrat, celles-ci ne se limitant pas à l’annulation du contrat. Mais, à ce stade, un autre problème apparait : l’Administration peut se dérober à ses obligations. Dans cette hypothèse, afin de faire respecter l’autorité de la chose jugée, le Conseil d’Etat a admis la possibilité pour le juge de prononcer une astreinte contre la personne publique contractante, afin qu’elle prenne les initiatives nécessitées par l’annulation de l’acte détachable, telles que notamment la saisine du juge du contrat. Ces principes ont fait l’objet d’une consécration par l’article L 911-1 et s. du CJA. Ainsi, le juge administratif peut, si les requérants le lui demande en même temps que l’annulation de l’acte détachable, prescrire la mesure d’exécution que l’Administration doit prendre pour assurer l’effectivité de l’éventuelle annulation d’un acte détachable, et il peut aussi assortir cette mesure d’exécution d’une astreinte. Le principe évoqué plus haut reste donc valable : l’annulation d’un acte détachable n’implique pas nécessairement la nullité du contrat. Ainsi, saisi d’une demande d’enjoindre à l’Administration de saisir le juge du contrat pour le faire annuler, le juge administratif devra, comme le relève le professeur Lachaume, « prendre en compte la nature de l’acte annulé ainsi que le vice dont il est entaché et vérifier que la nullité du contrat ne portera pas, si elle est constatée, une atteinte excessive à l’intérêt général ». Le juge de l’injonction peut, en effet, estimer que le motif d’annulation de l’acte détachable du contrat n’impose pas à l’Administration de saisir le juge du contrat pour qu’il en prononce la nullité. Mais, lorsque le juge du contrat intervient en tant que juge

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d’exécution d’un jugement annulant un acte détachable et enjoignant aux parties de saisir le juge du contrat pour qu’il en prononce l’annulation, il ne dispose plus de la compétence d’appréciation vue plus haut : il ne peut que constater la nullité du contrat ; il est, en effet, lié par l’autorité absolue de la chose jugée.

2 / Lorsque l’on examine les dispositions d’un contrat, un constat s’impose très vite : certaines dispositions, bien que contenues dans le contrat, ne présentent pas un nature contractuelle, mais sont, au contraire, de nature règlementaire. Le Conseil d’Etat a, alors, admis que ce type de dispositions pouvait faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir de la par des tiers (CE, ass., 10/07/1996, Cayzelle). Récemment, le Conseil d’Etat a jugé que ces clauses étaient divisibles du contrat par nature (CE, 8/04/2009, Ass. Alcaly).

3 / En 1998, le conseil d’Etat a admis que les tiers y ayant un intérêt peuvent demander au juge administratif l’annulation pour excès de pouvoir d’un contrat par lequel une collectivité publique procède au recrutement d’un agent non titulaire (CE, sect., 30/10/1998, Ville de Lisieux). Ici, il n’y a pas lieu de distinguer selon la nature des clauses du contrat : c’est le contrat dans son ensemble qui peut faire l’objet d’une REP.

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Le contentieux des pratiques anticoncurrentielles

L’ordonnance du 1° Décembre 1986 prévoit que le droit de la concurrence s’applique à toutes les activités de production, de distribution et de service, y compris lorsqu’elles sont le fait de personnes publiques. En cas de pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité de la concurrence peut prendre des sanctions, telles que des injonctions ou des amendes. Ses décisions relèvent de la Cour administrative d’appel de Paris, y compris normalement lorsqu’elles concernent des mesures de dévolution d’un service public. Mais, le Conseil d’Etat a souhaité reprendre une partie de sa compétence en jugeant en 1989 que les décisions prises par une personne publique dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, comme par exemple l’acte de délégation d’un service public, relevaient de sa juridiction (TC, 6/06/1989, Ville de Pamiers). Plus tard, le Conseil d’Etat posera que le juge administratif a compétence pour apprécier la légalité d’un acte contractuel au regard des règles de la concurrence posées par l’ordonnance de 1986 (CE, 3/11/1997, Société Million et Marais). Ainsi, en matière de délégation de service public, le juge administratif doit, en plus du respect de la liberté du commerce et de l’industrie, s’assurer du respect du droit de la concurrence que celui-ci résulte de textes nationaux ou du droit communautaire. Ces précisions étant faites, il est possible d’examiner deux types de référés qui permettent de faire respecter les exigences relatives au droit de la concurrence lorsque sont en cause tant des marchés publics que des contrats de délégation de service public.

1 / Le référé précontractuel est créé par la loi du 4 Janvier 1992 sous l’impulsion du droit communautaire. Concrètement, ce référé permet d’obtenir d’un juge unique, statuant en urgence, avant la signature du contrat, la condamnation d’une personne publique s’apprêtant à conclure un marché public ou une délégation de service public à respecter les obligations de publicité et de mise en concurrence. Ce référé peut être exercé, avant la signature du contrat, par une personne ayant intérêt à conclure le contrat et qui est susceptible d’être lésée, mais aussi par le préfet, en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence. Ce qu’il faut retenir est que, depuis 2008, ces manquements ne peuvent être invoqués par un candidat que s’ils sont susceptibles de l’avoir lésé ou qui risquent de le léser personnellement (CE, 3/10/2008, Smirgeones) ; en d’autres termes, une entreprise candidate ne pourra invoquer un manquement de cette nature, même bien réel, s’il ne l’a pas lésé. Le juge dispose, par ailleurs, d’une large palette de pouvoirs qui va de la suspension de la passation du contrat, à l’annulation des décisions irrégulières en passant par la mise en demeure de l’Administration de modifier les clauses dans le sens indiqué. De plus, depuis 2000, le juge peut enjoindre aux parties de différer la signature du contrat jusqu’au terme de la procédure et pour une durée maximum de 20 jours, ce qui permet d’éviter que les parties ne signent en vitesse le contrat avec pour objectif que le juge des référés ne puisse plus statuer, ce dernier ne pouvant, en effet, prendre de mesures une fois le contrat signé. Précisons, aussi, que l’ordonnance du juge n’est susceptible que d’un pourvoi en cassation. Enfin, il faut noter que ce référé, à la différence des autres, débouche sur un jugement définitif au fond.

2 / Le référé contractuel est apparu avec l’ordonnance du 7 Mai 2009 transposant une directive communautaire. Le régime est le même que pour le référé précontractuel – mêmes requérants, mêmes contrats, jugement rendu uniquement au regard des obligations de publicité et de mise en concurrence -, la seule différence étant qu’il intervient après la signature du contrat, au plus tard dans les 30 jours suivant la publication de la conclusion du contrat. Précisons, cependant, que le requérant qui a intenté un référé précontractuel ne peut utiliser cette seconde procédure, le but étant d’éviter d’en faire un moyen détourné d’appel. Là encore, le juge dispose de larges pouvoirs : suspension de l’exécution, résiliation, réduction de la durée, sanction de nullité (sauf raisons impérieuses d’intérêt général). Il faut, enfin, remarquer ce recours sera sans doute éclipsé

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par le recours « Tropic » dans la mesure où ce dernier est plus large puisqu’il permet en plus de l’invocation des règles de publicité et de mise en concurrence celle de toute autre règle de droit.