243
Froucle Aena, les terres de Missionnaire - Collection Jeunesse - Retrouvez cette oeuvre et beaucoup d'autres sur http://www.inlibroveritas.net

Aena, les terres de Missionnaire

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Aena, les terres de Missionnaire

Froucle

Aena, les terres deMissionnaire

- Collection Jeunesse -

Retrouvez cette oeuvre et beaucoup d'autres surhttp://www.inlibroveritas.net

Page 2: Aena, les terres de Missionnaire
Page 3: Aena, les terres de Missionnaire

Table des matièresAena, les terres de Missionnaire................................................................1

Prologue...............................................................................................2Chapitre 1............................................................................................5Chapitre 2..........................................................................................13Chapitre 3..........................................................................................26Chapitre 4..........................................................................................34Chapitre 5..........................................................................................36Chapitre 6..........................................................................................38Chapitre 7..........................................................................................49Chapitre 8..........................................................................................58Chapitre 9..........................................................................................67Chapitre 10........................................................................................74Chapitre 11........................................................................................82Chapitre 12........................................................................................96Chapitre 13......................................................................................107Chapitre 14......................................................................................114Chapitre 15......................................................................................127Chapitre 16......................................................................................144Chapitre 17......................................................................................154Chapitre 18......................................................................................173Chapitre 19......................................................................................181Chapitre 20......................................................................................188Chapitre 21......................................................................................199Chapitre 22......................................................................................212Chapitre 23......................................................................................220Chapitre 24......................................................................................228Epilogue...........................................................................................237

i

Page 4: Aena, les terres de Missionnaire

Aena, les terres de Missionnaire

Auteur : FroucleCatégorie : Jeunesse

Fantasy/comique

Aena, jeune fille de 16 ans travaille dans la ville de Druaror commeserveuse avec son meilleur ami Tey. Mais depuis quelques jours, desétranges hommes avec un médaillon similaire défilent. La suite c'est à vousde la découvrir, ce que je peut vous dire c'est que leurs vies ne seront plusjamais les mêmes.

Licence : Art libre (lal)

1

Page 5: Aena, les terres de Missionnaire

Prologue

Un cliquetis métallique se fit entendre. Aena baissa la tête et découvritune petite broche qu'elle fourra dans sa poche. L'objet en question devaitsûrement appartenir à la femme d'un client ivre. Elle retourna ensuite aubar crasseux et astiqua les chopes d'hydromel vides qu'elle rangea dans levaisselier au coin de la pièce. Elle eu à peine le temps de remplir une autrechopine que l'aubergiste l'appela. « - Aena, va ramener Monsieur Miguel chez lui, il est un peu trop rondpour y aller tout seul ! »- Oui Roberto, j'y vais, annonça la jeune fille avec une moue tirée.- Gnagnagna, Monsieur Miguel .... Marre .... Grogna-t-elle parderrière.Elle se dirigea vers un client complètement ivre qui était à moitié endormisur une table ; il avait bu une bonne partie de la nuit et s'était endormi icijusqu'à l'ouverture. Aena poussa un second grognement et essaya de lesoulever avec sa force. Impossible, il était deux fois plus lourd qu'elle. Lajeune fille décida de lui parler.- Allez monsieur Miguel, votre femme doit sûrement vous attendreà la maison.- Où ... est ... ma broche articula-t-il lentement en cherchant un peupartout.L'adolescente lui caressa tranquillement le bras et lui dit d'une voix douce :- Vous avez dû la laisser chez vous, venez, on va la chercherensemble !- O...OuiL'homme ne parvint pas à se mettre debout, il n'arrivait pas à garder sonéquilibre et bafouillait des paroles insensées. Elle le tira mais il ne bougeaitpas, il l'attirait dans l'autre sens.- Ne tirez pas de l'autre côté ! lui conseilla la jeune fille.Elle commençait à s'énerver et tira de plus en plus fort. Le gros homme necillait toujours pas. Aena jugea bon d'appeler Roberto.

Prologue 2

Page 6: Aena, les terres de Missionnaire

- Patron, venez m'aider, je n'y arrive pas ; il est trop rond !Roberto vint. Il posa son tablier sale et prit monsieur Miguel par un bras,Aena par l'autre.- A trois on pousse, ordonna t-il à sa serveuse.- Oui, répondit-elle.- un...deux...trois Aena et Roberto tirèrent ensemble vers la sortie ; Monsieur Miguelréussi enfin à se lever et à aligner un pied devant l'autre. Le patron, envoyant cela, se frotta les mains et retourna à ses autres tâches, laissantAena se débrouiller seule. Heureusement, la jeune serveuse avait l'habitudede Monsieur Miguel ; chaque mardi soir il venait et chaque mercredimatin, il fallait le ramener chez lui : c'était un habitué du coin. Elle allait ouvrir la porte de l'auberge quand un homme la bousculadevant l'entrée. Il était vêtu d'une grande cape noire en lambeaux et on nediscernait pas son visage. Aena remarqua le collier qu'il portait. Elle eutout juste le temps de distinguer un symbole, ou plutôt une lettre ; un grandM, que le voyageur disparut au comptoir. Aena, elle, disparut dans la rue,traînant M. Miguel. Elle soutenait difficilement l'homme, il était lourd. Elle le ramena chezlui en à peine une minute ; c'était la maison en face de son lieu de travail.Elle n'eut donc qu'à traverser la rue. Elle rentra avec le client dans le petitappartement et le posa sur son lit. La jeune serveuse profita de ce momentpour fouiller. Elle découvrit un objet brillant dans un coffre sculpté. C'étaitun petit bracelet, sobre, peut-être valait-il un peu d'argent ? Elle alla à lacuisine et se coupa, sans vergogne, un bout de pain. Elle le mangea ensilence tout en entendant à côté, le ronflement de l'homme qui dormaitdans son lit. Elle sortit en souriant : elle avait un petit butin qui la feraitvivre toute la semaine. C'était la routine, elle devait constamment voler des objets précieux auxclients pour satisfaire ses besoins vitaux. Aena retourna donc dansl'auberge, l'homme mystérieux était toujours là. C'est à ce moment-là que la porte s'ouvrit. Un second homme entra.Plusieurs détails l'alertèrent ; il portait aussi une cape noire et avaitégalement à son cou une amulette dorée en forme de M. Il lui fallutquelques minutes avant de comprendre. Les deux hommes avaient un point

Aena, les terres de Missionnaire

Prologue 3

Page 7: Aena, les terres de Missionnaire

en commun ; mais lequel ?La voix de Roberto la fit sursauter :- Aena, le service est fini pour aujourd'hui, tu peux disposer.L'adolescente ne se fit pas prier, elle quitta l'auberge sans plus penser à ceshommes.

Aena, les terres de Missionnaire

Prologue 4

Page 8: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 1

Aena astiquait consciencieusement le comptoir de l'auberge quand unhomme entra. Il devait avoir environ une quarantaine d'années et arboraitde vieux vêtements de voyage. Ses cheveux poivre et sel ressemblaientplus à une tignasse qu'à des cheveux. Il était grand et musclé, rien despécial en somme si ce n'était l'étrangeté qui émanait de lui. La jeuneserveuse reporta alors son attention sur les autres clients qui bavardaienttranquillement au comptoir :« Tu imagines ? Moi quand j'ai entendu cette rumeur, ça m'a fait drôle.Imaginer qu'une école de magie et de combat puisse encore résister àl'empereur et même oser se dire indépendante. Ça relève du miracle ! »L'homme qui venait de parler semblait déjà avoir beaucoup bu et leva sonverre vide vers Aena en souriant de toutes ses dents.- Un hydromel serveuse !L'adolescente le foudroya du regard, il se permettait de lui donner desordres. Si elle aurait pu, elle ne se serait pas gênée de lui montrer de quelbois elle se chauffait ! Elle prit la chopine et alla la remplir à la cave. Quand elle revint dans lapièce accueillante, le voyageur s'était installé au comptoir. Elle soupira etdonna l'hydromel à l'ivrogne et regarda l'étranger :- Vous devez avoir soif, une p'tite bière pour la route ?- Quoi ? Pour finir comme les autres ? Non merci.Aena haussa les épaules.- Si tout ça vous indispose monsieur, c'était pas dans une auberge desquartiers malfamés de Druaror qu'il fallait aller.L'homme ne prêta aucune attention à la serveuse et se perdit dans sespensés tandis que les alcooliques à côté de lui polémiquaient :- Alors, tu penses que c'est vrai cette histoire de vallée indépendantequi forme l'armée des révolutionnaires contre l'empereur Quarl et quiprotège en secret nos frontières des Barbares ? Le second homme, tout aussi imbibé que le premier, répondit d'un ton

Chapitre 1 5

Page 9: Aena, les terres de Missionnaire

réchauffé :- Pff, l'empereur est tellement occupé avec sa cour. Tu crois qu'ill'aurait remarquée ? Non, surtout qu'il a dissout l'armée depuis dix ansdéjà. Que veux-tu qu'il fasse ? Et il s'en fou de nous, tans qu'il peux resterempereur et augmenter les impôts. De toute manière, je ne vois paspourquoi se serait impossible. Ca m'a toujours étonné que les Barbares nemettent pas à feu et à sang Moona. L'étranger parût soudainement intéressé, il écoutait les deux hommes.Aena, elle, soupira ; elle avait l 'habitude des discours stériles etinintéressant des ivrognes. On était mardi matin, il y avait peu de gens etl'adolescente s'ennuyait. Elle décida donc d'affirmer haut et fort son pointde vue :- Pff, c'est là que je vois les dégâts que l'alcool peut faire sur vous ; jen'ai jamais entendu d'aussi grosses âneries. Un était indépendant, unearmée de révolutionnaire ! Vous feriez mieux de vous taire un peu plus.Un homme lui renchérit instantanément :- Oh, toi tu te calmes là. Je ne vois pas pourquoi on autoriserait lesgreluches dans ton genre à parler. Des bâtardes comme toi, on devrait lespendre à la naissance ! Moi j'dis que ça devrait être interdis des mélangespareils. Retourne donc chez les tiens !Aena se raidit, outrée. Mais pour qui se prenait-il celui-là ? La porte s'ouvrit. La jeune femme n'y fit pas attention, elle essayait envain de garder son calme. Elle avait l'habitude pourtant ; depuis sanaissance, sa vie n'avait pas été facile. Elle était née de parents inconnus etavait vécu dans l'orphelinat de Druaror. Sa morphologie en soit n'avait riende bien spéciale excepté ses yeux ; celui de droite était vert alors que celuide gauche était ambré. On devinait aussi chez elle une ascendance Barbare,en raison de sa stature robuste et élancée ; ce qui lui valait l'appréhensionde pas mal de monde. En effet ; le peuple du Nord revendiquait Moonadepuis longtemps. Il était d'ailleurs étonnant qu'ils n'aient pas encoreenvahis les terres. Les frontières Nord n'étaient plus protégées depuis quel'empereur avait renvoyé tous les soldats. Messire Quarl s'était alors retirédans la capitale, bien en sécurité dans le Sud. Depuis, il passait son temps àfestoyer. Le pays était la proie de l 'anarchie la plus totale, maisétonnement, aucune révolution n'avait encore éclatée. Chacun pouvait

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 1 6

Page 10: Aena, les terres de Missionnaire

encore manger son pain quotidien.- Ouais ! Sale chienne, tu peux être bonne qu'à une seule chose detoute manière !Aena se mordit la lèvre inférieure. Elle bouillonnait :- Je sais pas s'qui me retie... eut-elle le temps de marmonner.- Aena, laisse tomber ! Tu vaut mieux que ça ma vieille.Tey venait de faire surface, il lui tapota l'épaule et la réconfortachaleureusement :- Je sais que ça te démange, je te connais. Mais tu vas encore leregretter ... comme à chaque fois.L'adolescente grogna, puis se calma doucement.- T'es là depuis longtemps ?- Non, lui répondit-il, mais Roberto m'a dit qu'il fermait tôtaujourd'hui, alors je suis venu te chercher.Aena sourit, Tey était tout pour elle. Ils étaient meilleurs amis depuis leurplus tendre enfance. Ils s'étaient rencontrés à son orphelinat ; elle jouaitseule dans la cour quand le garçonnet, vivant dans le même quartier, avaitcommencé à lui parler. Ils avaient vite sympathisés et depuis ce temps là,ils étaient inséparables. D'ailleurs, quand elle avait quitté l'orphelinat à sesquatorze ans, c'était Tey qui l'avait hébergé chez lui le temps qu'elle trouveun travail. Il vivait avec Naya, sa mère. Elle l'avait élevé seule. Tey rêvaitde devenir mage de guerre, rêve idyllique pour l'époque actuelle, à laplace, il effectuait de menus travaux dans Druaror pour pouvoir vivredécemment avec sa mère. L'auberge se vida progressivement de tous ses clients. L'étranger fut ledernier à partir. Aena aurait pu, comme tout les jours, fermer la porte etpartir se promener avec Tey, mais ce jour là fut différent. Le voyageur attira son attention ; il portait au cou un médaillon doré,incrusté d'un saphir en son centre. Elle remarqua deux initiales : un M etun A. Mais qu'est-ce que ça pouvait représenter ? Elle se souvint alors dequelque chose ; depuis plusieurs jours, des hommes étaient venus dans sonauberge, ils portaient aussi des médaillons. Elle ferma l'établissement à clef puis regarda la silhouette s'éloignerdoucement. Une certaine culpabilité l'envahissait ; c'était la chance de savie.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 1 7

Page 11: Aena, les terres de Missionnaire

- Aena, on va au marché ? lui demanda son ami.L'adolescente hésita ... puis répondit hâtivement :- On change de programme !- Hein ? Qu...- Tais-toi et suis-moi ! le coupa t'elle.Le garçon allait protester quand Aena le tira de force dans la rue, l'hommemarchait plus loin, à l'ombre de divers magasins. Elle expliqua alors saconduite à son ami :- L'homme là-bas porte un bijou qui nous permettrait de vivretranquille, sans travailler ! Fini la pauvreté.- Quoi ?! failli s'étrangler Tey.- Il possède un médaillon en or avec des pierres. C'est un vieux, on lesuit dans un endroit reculé et on l'assomme, on vole juste son bijou, rien deplus ...Tey poussa un petit cri, il était contre la violence, mais là, c'était l'occasionde sortir de la pauvreté. Il baissa la tête et émit un grognement qu'Aenadécrypta comme un oui. Elle lui annonça, avant de suivre la trace del'étranger :- Tu sais, tu n'es pas obligé de m'accompagner, mais alors, tu n'auraspas ta part du marché !Le jeune garçon l'escorta d'un pas nonchalant. Aena ne fit pas attention àlui et continua son observation : Le vieux marchait sereinement, elle ne lequittait pas des yeux de peur de le voir disparaître à un coin de rue. Il prit l'allée des dragons noirs à sens inverse, remontant vers l'avenuedes Chaudrons, mais au dernier moment, il tourna dans une petite ruelle,qui était en fait, un raccourci vers la place du marché. Tey s'en étonna :- Oh ! Je ne me rappelle pas de l'avoir déjà croisé ici et il connaît déjàun raccourci que moi-même je devrais connaître ! Si je l'avais su, çam'aurait évité un détour de deux kilomètres pour aller au marché !- Ben tu vois, on pourra y aller après ... Ils s'engagèrent sur le trottoir de pierre, évitant soigneusement lesflaques de boues et les ordures qui jonchaient le sol. L'homme n'était pluslà, il venait de les dépasser : en une seconde, il avait détalé de leur champde vision. Tey paniquait déjà, mais Aena restait calme, il devait juste avoirdéjà tourné.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 1 8

Page 12: Aena, les terres de Missionnaire

Elle commença à courir. L'étranger était là, sur un banc. Il lisait quelquechose qui ressemblait à un journal, songeur. Il se retourna. Pendant uninstant, Aena cru qu'ils les avaient démasqués, mais, il tourna la tête versd'autres personnes qui marchaient le long du carrefour marchand. Il passaensuite sa main dans ses cheveux : chose qui fi t beaucoup rirel'adolescente :- Tiens, il a le même tic que toi. Et moi qui croyais que ça devais êtregénétique. Remarque, c'est p'tetre ton père qui sait ?Tey grogna. Son père était son model ; plaisanter sur lui, même aussilégèrement ne lui plaisait pas du tout :- Mon père était un puissant mage de guerre mort héroïquement surun champ de bataille. En plus dans mes souvenirs il a les cheveux bruns ...comme moi quoi.Le ton sec de son ami calma Aena qui s'exclama sur un ton d'excuse :- Ben ... j'ai dit ça comme ça, il aurait juste vieilli. La jeune fille ne pouvait s'empêcher de taquiner son meilleur ami. Elleétait tellement angoissée à l'intérieur qu'au lieu de sauter dans tout les sens,elle devait parler, même pour ne rien dire. Ils pouvaient rester comme çaen filature des heures. Et même, peut être devraient-ils le suivre pendantplusieurs jours si une occasion ne se présentait pas avant. Il ne fallait pasabandonner, c'était la chance de leur vie ! Un homme seul, assez âgé, quiportait un médaillon en or massif incrusté ! L'homme se leva, et se dirigea mollement vers une échoppe. Il y entra.Aena et Tey se postèrent à l'angle du magasin et purent voir toute la scènede l'extérieur. Le voyageur était dans une armurerie ; et pas n'importelaquelle ! « Chez Silvor », la meilleure de la ville. L'adolescente le vit quiposait une bourse remplie sur le comptoir. Le marchand se dirigea alorsdans son angle mort. Quand il réapparut, il portait une cuirasse et une épée.Le voyageur les saisit, le pectoral était très imposant : recouvert de plaquesd'acier, côte de mailles intégrées. L'épée, elle, était aussi longue que large.Un vrai tranchoir. Elle était tellement colossale qu'il l'attacha dans son dos. Quand il sortit, Aena et Tey étaient toujours cachés. Ils glissèrent devantle magasin. Le vieux filait déjà à cent mètres devant eux. Mais commentavait-il parcouru ce chemin aussi vite ? Et en plus, sans faire le moindrebruit ? Aena fonça d'un côté de la rue, Tey de l'autre, chacun avançait le

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 1 9

Page 13: Aena, les terres de Missionnaire

plus possible dans l'ombre, mais il n'y avait pas d'endroit convenable pourse cacher. Ils traversèrent l'allée des habitations. Rien de spécial : unesimple route de pierres rectilignes. Puis, ils passèrent l'arche du bonheur :la pierre taillée à même le granit brillait à cause des rayons du soleil, c'étaitun bon présage. Cette arche, surplombant la place de la ville était animéede nombreuses personnes, surtout le mardi. Là, Aena et Tey pouvaient sefondre tranquillement dans la foule, sans prendre le moindre risque. Aena s'approcha de l'homme, elle n'était plus qu'à quelques mètres. Lajeune fille aurait même pu toucher sa cape de voyage. Elle ne fit rien ; tropde monde. Elle hocha la tête vers son ami ; au prochain quartier tranquille,ils passeraient à l'action. Logiquement, l'homme irait aux quartiers deshôtels, et, vu qu'il avait l'air de bien connaître la ville, passerait par lesquartiers tertiaire. Ce serait le bon moment ! Il n'y aurait en spectateur quedes clochards et des lépreux. Aena était vibrante d'excitation et de peurmêlée. Elle était dans sa rêverie quand un marchand l'accosta :- Hey, ma p'tite dame, regardez moi ces magnifiques robes ! Qu'ellessont jolies !- Laissez-moi ! beugla Aena.L'homme l'empoignait fermement, l'obligeant à regarder ses produits.Furieuse, elle fit un signe à son ami, elle le rejoindrait ... plus tard. Tey fut surpris, il n'avait pas prévu ça ; il fallait que se soit lui qui serapproche. Il se retourna et regarda la foule, Aena revenait, luttant contre leflot des passants. Tey était derrière l'étranger qui tourna enfin vers lesquartiers mal famés. C'était à lui de porter le coup. Aena était trop loinpour le faire à sa place ; il sentait déjà la sueur lui perler le front. Le vieuxralentissait, comme s'il avait su. Le garçon s'approcha discrètement, ildevait faire vite. Il marchait toujours derrière l'homme, celui-ci pouvait seretourner n'importe quand, les quelques témoins étaient soit drogués, soitlépreux, et puis, on n'enverrait pas les quelques soldats qui restaient surune simple affaire de vol ! Tey visa la tête de l'homme et abattit ses poings. L'étranger se retourna àce moment et l'empoigna à la gorge, il jeta l'adolescent quelques mètresplus loin et commença à le ruer de coups. Aena profita de cette diversionimprévue pour porter elle-même le coup à l'homme. Il ne broncha pas ;bien qu'elle y eu mise toutes ses forces !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 1 10

Page 14: Aena, les terres de Missionnaire

Tey était par terre et maintenant ; elle aussi, il n'avait fallu qu'unefraction de seconde à l'homme pour les neutraliser! Il plaquait Tey au solde son pied, Aena de l'autre.- Alors, on fait moins les malins ? Aena ne répliqua pas, même si elle avait envie d'arracher les yeux à sonmeilleur ami.- Pourquoi des mioches de votre espèce m'ont suivi ? Vous êtes desespions ?Tey voulut parler mais Aena le foudroya du regard, il allait encore toutfaire foirer.- Répondez ! hurla l'hommeL'étranger pointa la lame brillante de sa nouvelle épée au dessus de Tey. Ilprit de son autre main Aena par les cheveux, la levant jusqu'à sa hauteur, ilparut surpris quand il vit vraiment sa tête.- Ah, la serveuse du bar ... Vous êtes forcement des espions souscouvertures, mais je vous ais démasqués !Il s'apprêtait à tuer Tey, mais Aena cria à pleins poumons.- Non, vous vous trompez, on n'est pas des espions ! Pitié !Pour seule réponse, l'homme la regarda avec un regard de braises, unregard haineux qui la fit frissonner jusqu'aux os !- Vous savez quoi de moi ? lui cria-t-il- Je ne sais rien, bafouilla la fille.- Ne mens pas ... chienne !Il avançait la lame de son épée toujours plus près de Tey, il fallait qu'elleinvente quelque chose, n'importe quoi, et tout de suite !- Euh ... Vous avez un rapport avec cette rumeur de valléeindépendante !Sa réponse avait fusée, sa bouche avait pris le devant. Elle s'étonnait de nepas être morte de rire devant cet argument qui vaudrait sans doute la vie àTey !L'homme la regarda avec un mimique étonnée, il la prit par le bras etclaqua des doigts, une corde vint s'enrouler autour du poignet de la jeunefille : il venait d'utiliser la magie !- Lâchez-moi ! cria-t-elle.- Vous en savez trop, soit vous me suivez, soit je vous tue sur place,

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 1 11

Page 15: Aena, les terres de Missionnaire

ce qui sera facile. Alors tenez vous à carreaux, compris ? Il ne les regardaitmême pas.Les deux adolescents hochèrent en même temps la tête, l'étranger les laissaenfin se relever. Aena avait les poignets liées, l'homme avait compris quec'était elle qui commandait Tey suivrait, surtout après les raclés qu'il avaitessuyé ! Et puis, son épée large de trente centimètres était très persuasive.Mais cela n'empêcha pas Tey d'ajouter bêtement.- Euh, on sera de retour pour ce soir ?L'homme se retourna et dévisagea l'adolescent qui comprit enfin que ;quand on était otage, on ne posait pas des questions aussi bêtes. L'étrangerlui sourit ironiquement, un sourire qui aurait pu passer pour sadique.- Pourquoi ? On t'attend ?Tey rougit violement avant d'ajouter :- Euh ... ma mère.L'homme sourit encore plus ; il aurait eu envie de rire et ça se voyait, ilajouta simplement :- Pas avant les cinq prochaines années, minimum syndical !Tey ne répondit rien, il baissa juste la tête. Comment sa mère ferait-ellepour vivre sans lui ? Elle était intelligente, elle trouverait sûrement, et lapension de l'Etat l'aiderait un peu. Mais arriverait-elle à ne plus être triste àcause de sa disparition ? Le jeune garçon déglutit et se replongea dans ses pensées, il réalisa quece n'était pas un jeu et qu'ils étaient tous les deux prisonniers, sanséchappatoire possible. Plus personne ne parlait. Aena, regrettait amèrementd'avoir entraîné Tey dans la partie ; leurs destins se définissaientmaintenant à la seule volonté d'un homme terrifiant qui pouvait lessupprimer en moins d'une minute. Aena décida pour conclure de poser elleaussi une question débile, mais à la différence près qu'elle était réfléchie ;elle annonça simplement, sur un ton provocant.- Au fait, c'est quoi ton nom ?L'étranger répondit froidement sans même la regarder.- Aaron

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 1 12

Page 16: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 2

Cela faisait maintenant plusieurs minutes que la petite troupe se dirigeaitvers la sortie de la ville, les passants se faisaient plus rares et les maisonsaussi. La verdure reprenait ses droits ; les pavés gris laissèrent place auvert majestueux du parterre mousseux. Les trois personnages se trouvaientmaintenant en pleine nature, la ville était derrière eux, les arbres poussaientde tous côtés, grands, feuillus et certains complètement tordus. Ilscontinuèrent sur le chemin sinueux, escarpé, raide, étroit, enfin un cheminde montagne en pleine plaine. Il fallait faire attention où l'on mettait lespieds car les petits cailloux étaient nombreux, c'est ce que Tey prouva àmaintes et maintes reprises en s'étalant de tout son long dans la poussièreocre du chemin. Ils continuèrent un moment dans cet étendue de verdure avant de rentrerdans une forêt. Les arbres étaient plus nombreux, plus denses, plus serrés.Il faisait plus sombre, et la litière de feuilles au sol étouffait le son de leurspas. De temps en temps, on apercevait au loin un cerf ou une biche quis'enfuyait très vite. Plus ils marchaient, plus l'odeur de la mousse leurmontait aux narines, se mélangeant avec une agréable odeur de sous-boiset de champignons. Soudains, la lumière sembla percer, comme si le soleil venait de faire untrou dans les feuilles, les arbres se clairsemèrent et l'herbe commença àleurs lécher les pieds. Les végétaux disparaissaient et faisaient place à uneimmense clairière, remplie de fleurs multicolores qui formaient des motifssur l'herbe aux couleurs claires. Aena, ravie par ce magnifique spectaclepressa le pas. Mais pourquoi donc les avait-ils amenés ici ? Pour les tuer ?Dans un si bel endroit ? Aena sourit à cette pensée, elle préférait cent fois mourir dans cemagnifique lieu de plaine, que dans une petite ruelle sombre de Druaror.Ici, les fleurs lui tiendraient compagnie avec Tey. Elle préférait ça auxlépreux.

Chapitre 2 13

Page 17: Aena, les terres de Missionnaire

Un hennissement la fit sursauter. Une licorne passa devant elle, elle criad'effroi ! L'animal se cabra et partit au galop. La superbe créature auxreflets blancs argentés, disparut dans les bois avec une grâce inégalable.- Je n'en avais jamais vu ... si j'avais su qu'il en existait si près de moi... déclara solennellement l'adolescente.Aena était à son comble de l'extase, elle n'avait jamais vu un animal aussibeau et la perspective d'être une rare personne à en voir une la fit rire.- Pff...! renchérit Aaron avec son habituelle voix glacée.Tey avait aussi aperçu l'animal, il n'avait rien dit, mais resta bouche bée.Aaron en le voyant dit seulement :- Referme la bouche, tu vas gober les mouches !Tey rougit légèrement et ferma la bouche sans mot dire. Ils marchaient depuis quelques minutes dans la clairière et des odeurs desoupes commencèrent à se faire sentir, ils approchaient donc d'une sourcede vie. Le médaillon d'Aaron poussa un petit crissement et l'or se mit àétinceler. Le vieux comme seul geste passa la main sur l'amulette etcelle-ci s'arrêta immédiatement. L'épisode du Médaillon rappela à Aena les2 hommes qui s'étaient arrêtés dans son auberge, ils avaient tous les deuxla même cape de voyage noir en lambeaux et exactement la mêmeamulette, avec la même lettre un M doré ! Et voilà, elle avait vite fait lerapprochement, enfin, ils avaient un rapport entre eux, mais lequel ?- Quels rapports as-tu avec les hommes qui sont venus dans monauberge ? - Quels hommes ? répondit simplement Aaron, sans une onced'émotion, comme s'il savait de quoi elle parlait mais ne voulait pas serisquer à en dire plus.- Ils avaient la même cape que toi et le même médaillon !Aaron comme seule réponse fit silence. Après une minute d'attente, ilmurmura tout bas en se lamentant.- Je leur avais dis d'être discret ... - Mais vous n'avez toujours pas répondu à ma question, se plaignitAena.- Tais-toi ! Tu sauras bientôt tout ce que tu dois sav.....- ... Et dites, est-ce que je rêve où y'a un campement devant nous ? lescoupa Tey.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 2 14

Page 18: Aena, les terres de Missionnaire

Il avait raison, les deux, tellement occupés à se chamailler n'avaient pas vule campement. L'expression « champs de tentes » sembla bien convenirpour ce qu'elle avait sous les yeux. Le camp grouillait de monde, deguerriers, pour la plupart avec de grosses armures métalliques ainsi qu'unecape noire et ... des médaillons dorés. Aena n'avait pas besoin de voir cequ'il y avait écrit dessus pour savoir exactement ce qu'ils représentaient.Donc, Aaron faisait partie de ces « hommes », enfin, on ne pouvait pasappeler ça un « ensemble d'hommes » car on pouvait distinguer plusieurssortes d'elfes, des elfes noirs par exemple ; ceux-là, il était difficile de lesvoir car ils se fondaient dans l'obscurité avec une parfaite aisance. Aenaremarqua aussi des elfes à la peau jaune. Comparé à ceux là, un guerrierbien bâti faisait plutôt penser à un nain. Ainsi que des hommes au corps decheval et même du sable qui bouge ! Elle poussa un soupir, mais qu'ellecruche ! Ce n'était pas du sable mais des êtres couleurs terre qui n'étaientpas plus hauts que trois pommes. Elle n'avait jamais vu autant deconcentration de peuples magiques. En tout cas, ils avaient l'air de tousbien s'entendre. Un détail de plus alerta alors son attention. S'il y avaitautant d'hommes, en armure et avec des armes, pas de doute, c'était unearmée. Mais, depuis quand trouvait t-on une Armée dans l'empire ?Tey fut aussi surpris, mais garda encore et toujours le silence avec sabéante bouche entrouverte. Aaron ne semblait pas choqué le moins dumonde. - Mais vous avez vu ça ? Une armée magique ! cria presque la jeunefille. - Quoi ? demanda le vieux d'un ton amorphe. - Rien, laissez tomber !Aena lâcha le morceau. Avec Aaron, mieux valait parler à un mur ! Rienne le surprenait, même l'apocalypse devait sûrement lui sembler fade. Elle comptait bien avoir le morceau et se remettre à la chasse auxréponses, mais heureusement pour Aaron, alors qu'elle allait ouvrir labouche, les soldats poussèrent de grands cris de joie et s'attroupèrentautour des nouveaux arrivants, en faisant un cercle parfait. - Hep, patron, vous êtes en r'tard, et d'hab, vous êtes jamais enretard ! déclara un homme dans le tas.- Ouais, mais là, j'ai été retardé ! répondit froidement Aaron, en fixant

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 2 15

Page 19: Aena, les terres de Missionnaire

les deux jeunes gens de son regard glacial.Un autre, qui semblait plus intelligent déclara :- Mais on aurait déjà du être partis depuis 11 heures, il est déjà 12heures !- C'est à cause des deux là !Un autre, dit en souriant ironiquement tout en changeant littéralement desujet.- On ne vous connaissait pas comme ça, moi, j'veux bien prendre lafille !La foule tomba dans l'hystérie générale.- Vous, pouvez-vous garder le garçon, nous, on se fait la fille !- Vous les voulez tant que ça ? déclara Aaron avec une voix mielleuse.- Ouais, passez-les nous, dirent tous les soldats en riant d'avantage.Aaron ne se le fit pas répéter deux fois et donna un coup de pieds dans lesfesses d'Aena qui se trouva projetée dans la foule. Elle crut qu'elle allaittomber dans la boue mais un guerrier la rattrapa de justesse. Elle seretrouva la tête contre l'armure froide et les mains dans le dos, pas trèsconfortable cette position.- Elle est à moi ! cria le guerrier qui l'avait rattrapée. C'est à ce moment que le pauvre Tey fut lui aussi projeté la tête lapremière dans la foule. A son passage, tous les hommes s'écartèrent et Teyse retrouva par terre. Ce n'est qu'après avoir supplié longuement, qu'on luicoupa les cordages qui lui entravaient les poignets. L'adolescent put enfinse mouvoir et un groupe de guerriers l'invita à manger avec eux. Tey sedépêcha d'y aller et partagea une bonne assiette de soupe bien chaudependant qu'il racontait son histoire qui faisait rire tous les gens autour delui. Pendant ce temps, Aena était avec le guerrier qui l'avait rattrapée, ill'avait emmené dans sa tente. Un petit habitacle confortable en forme decercle. Le sol était poussiéreux et quelques coussins faisaient office dechaises. Aena du s'asseoir contre son gré. Elle n'avait pas eu le temps deprotester. Plusieurs de ses copains combattants étaient là. Que deshommes ! Ils tâtaient le terrain, prêts à fondre sur leur proie innocente.Aena n'était pas bête, elle comprenait très bien leurs sous-entendus, maiselle attendait le moment propice pour les remballer, c'était une occasion

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 2 16

Page 20: Aena, les terres de Missionnaire

pour en savoir plus et puis ... la soupe était si gentiment proposée ! Elle semit donc à questionner l'homme :- Vous êtes une armée ?- T'as vu tout juste petite ! déclara le guerrier qui l'avait rattrapé enbombant fièrement le torse.- Je ne savais pas que l'empire avait une armée ?- Mais de quoi me parles-tu là ? L'empire a une armée ? Il lui fit unemoue tirée avec une expression idiote.Ou cet homme était bête, ou il était très malin et était en train de fairesemblant de ne rien comprendre, en clair, de jouer aux idiots- Cette armée là, c'est l'armée impériale ? recommença Aena.- Bon, dit le guerrier en chuchotant, si Aaron t'as laissée en vie, jepense que je peux te le dire.Il se pencha pour lui chuchoter un mot dans le creux de l'oreille, mais aulieu d'entendre le son de sa voix, elle sentit un contact chaud remonter lelong de sa cuisse. Elle mit quelques secondes avant de comprendre quel'homme était en train de lui caresser les jambes. Elle n'aimait pas lesmains baladeuses de ce dernier et son premier geste fut d'envoyer l'assiettede soupe sur lui et de s'enfuir. Elle ne le regarda même pas ; Aena entenditseulement son cri de surprise et de douleur mêlés qu'il poussa alors que sesamis, ébahis, regardaient sans rien faire. La soupe était peut-être assezchaude mais, j'ai loupé l'occasion d'en savoir plus. Elle continua de selamenter, en fait, il n'avait pas été si bête ! Aena grogna, elle aurait dujuger d'abord l'instinct primaire de son ennemi avant de réfléchir et là ; elleavait complètement négligé ce point on ne peut plus important. Une phrase célèbre de la bonne soeur de l'orphelinat lui revint, elle sesouvenait, deux ans plus tôt, la veille de son départ de l'orphelinat qu'elleavait connu toute son enfance.- Méfie-toi ma petite, tu as eu 14 ans, les hommes ne te regarderontplus de la même façon et ...- J'en suis heureuse ! avait répondu Aena avec une malice dépassantl'entendement de la religieuse. Celle-ci avait simplement déclarésévèrement avant de refermer définitivement la porte de l'orphelinat :- Méfie-toi Aena, un homme reste toujours un homme.Et c'était comme ça que la jeune fille était partie, avait définitivement rayé

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 2 17

Page 21: Aena, les terres de Missionnaire

sa vie d'enfant, dans l'orphelinat de Druaror, sous le regard anxieux desoeur Augusta. Elle avait ensuite sillonné les rues de la ville. Pendant 3jours, malgré son jeune âge, elle avait cherché dans toutes les auberges untravail. Pendant ce court laps de temps, Tey l'avait accueilli chez lui et luiavait parlé de l'auberge de Roberto, là où il travaillait. Et voilà comment,Aena avait eu, deux ans auparavant son travail de serveuse. Aena se remémora ses joyeux souvenirs avec mélancolie, mais lemoment n'était pas à la flânerie, elle avait du pain sur la planche ; déjà, elledevait arriver à s'enfuir ! Mais comment ? Aaron avait dû prévenir qu'elleétait un otage car o& ugrave; qu'elle allait, des gardes la suivait du coin del'oeil. Impossible de s'échapper et en plus, elle n'en savait toujours pas plussur ces hommes ni de leur destination. Elle retrouva Tey en pleineconversation avec ses « nouveaux amis ». Elle le prit alors par un bras etl'attira près d'une tente à peu près déserte.- Tu as appris quelque chose ? lui demanda t-elle.- Qu'est-ce que j'aurais du apprendre ? questionna le jeune homme.Aena grogna. Comme d'habitude, il n'avait pensé qu'à son ventre ! Quelimbécile quand il s'y mettait ! Elle n'eut pas le temps de continuer de lesermonner car les soldats commencèrent à ranger les tentes et les deuxotages furent évidemment réquisitionnés pour ce travail. La troupe allait bientôt partir, Tey aidait un soldat pendant qu'Aena sepromenait au milieu du grand champ de terre battue, encadrée de loin et deprès par un garde à l'allure très persuasive. Aucun des deux otages n'étaitau courant de leur situation actuelle. Ils avaient l'impression de se trouverdans une grotte, totalement noire, sans torche, ils étaient en territoireinconnu !Tey arriva vers elle ; il lui chuchota au creux de l'oreille :- J'ai entendu Aaron parler de nous, il a dit un truc et un autre soldat arépondu : Non ! Tu ne vas pas faire ça ? T'es vraiment horrible !Aena frissonna, Tey avait l'air très sérieux et anxieux, et, pour fairepaniquer Tey, il fallait se lever de bonne heure. La jeune fille réfléchit, elleavait l'impression que plus le temps filait, plus leurs chances de survies'amenuisaient. Elle réfléchit avec le peu de matière grise qui lui restait.Qu'est-ce qu'il va faire ???Cette question revenait sans arrêt, et pourtant, la réponse était inexistante,

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 2 18

Page 22: Aena, les terres de Missionnaire

son esprit était vide de toutes formes de pensées ; pour une fois ...Elle soupira. Elle avait un très mauvais pressentiment, surtout vu la têteque Tey faisait, comme s'il assistait à l'enterrement de Naya ! Sa mère.Depuis ce matin, elle n'avait pas vraiment eu peur mais là, elle étaitterrifiée par ce qu'Aaron aurait l'intention de leur faire ! Avec une synchronisation exubérante, le vieux arriva à cet instant préciset il déclara tout aussi froidement qu'habituellement :- On va partir, et bonne nouvelle, on se sépare tous en groupes de quatreou cinq. Vous viendrez avec Moi et Angello, nous serons le premiergroupe, il vous faut donc un cheval et j'ai enfin réussi à vous en trouvez un.Venez !Aena n'avait pas eu le temps de répondre que déjà, il était partit, traînantdans son sillage Tey.Elle se résigna donc à les suivre. Ils traversèrent l'ancien campement etarrivèrent aux enclos des chevaux, bâtis à la va-vite. Il n'en restait plus,sauf un. A l'intérieur, un magnifique étalon noir, au pelage luisant et auxmuscles puissants paissait. Il avait la crinière tombante et ses yeuxintelligents étaient d'un rouge sanglant à faire peur. Aena failli s'étranglerquand elle vit de petites canines blanches pointer de la bouche du cheval. Ilétait plus beau que la licorne, plus majestueux, plus fier. Aena le comparaitau roi des chevaux. Il n'arrêtait pas de la regarder et elle lui rendait sonregard ; autrefois, il avait du appartenir à un guerrier, son encolure étaiténorme et son squelette, bâti pour l'endurance et la vitesse, ses pattes,osseuses lui garantissaient un appui solide sur tous les terrains. Ce chevalavait sans doute toutes les qualités que l'ont puisse espérer d'un vraidestrier digne de ce nom, même s'il était plus qu'un simple cheval. Elle allait directement sauter dans l'enclos pour monter sur son dos, bienqu'elle n'ait jamais monté à cheval quand Aaron lui dit :- Je te le donneAena failli s'étouffer sur le coup ; c'était impossible.- Quoi ?!- Tu as très bien compris ! Dépêchez vous de monter Ténèbre, on doittout de suite partir !Aena discerna une lueur sadique dans ses yeux. Bizarrement, c'étaitétrange qu'il lui donne un cheval aussi beau, ça sentait le roussi.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 2 19

Page 23: Aena, les terres de Missionnaire

- Vous êtes sûr ? le questionna t-elle.Aaron, toujours pareil à lui-même ne répondit pas et fit comme si de rienn'était.Elle arriva dans l'enclos par la porte de bois ; ses pieds collaient à la bouedu sol. L'étalon, en la voyant, arriva vers elle, d'abord d'un pas tranquille,puis au triple galop, fonçant sur elle, comme pour l'écraser. La jeune fillepaniqua, elle ne savait pas quoi faire et ce cheval était ... tellement bizarre,elle n'avait pas connu beaucoup de chevaux mais celui-là qui ce précipitaitsur elle ... Ce n'était à vrai dire pas un très bon signe. Elle se retourna, ellevoulait quitter l'enclos. Elle allait sortir par la porte quand celle-ci refusade s'ouvrir. Elle essaya encore et encore, impossible, elle était bloquée ! Lecheval tueur était très proche d'elle ; sans réfléchir, dans une pousséed'adrénaline, elle se mit à détaler le plus vite qu'elle pouvait. Elle regardaitTey, pourquoi ne l'aidait-il pas ? Aena vit très vite que le garçon étaitplaqué au sol par Aaron. Alors son instinct avait vu juste : c'était bien unpiège, et Aaron était dans le coup, c'était donc de cela qu'il parlait ! Elle continua sa course effrénée, l'étalon avait l'air de s'amuser, il couraità sa hauteur, il avait trouvé son rythme de croisière lui au moins ! Ellehaletait mais le cheval ne s'en préoccupa pas, il préféra essayer de lacoincer contre un bord de la clôture. Heureusement pour la jeune fille, iln'y parvint pas. Elle se dépêcha donc de prendre un peu d'avance. Soncoeur semblait avoir triplé de volume, comme si le poids de son organevital la ralentissait. L'étalon assoiffé de sang revenait à la charge, il nesouffrait pas, il était beaucoup plus endurant que la jeune fille. Celle-cifrémissait sous le souffle chaud de l'animal, elle sentait ses canines luieffleurer la peau. Elle se glaça, elle n'avait aucune chance ! Il fallait serendre à l‘évidence, c'est ce monstre qui allait la tuer ! L'étalon lui donnaun violent coup de tête et la jeune fille décolla, ses pieds se détachèrent dusol, elle était comme en lévitation jusqu'au moment pénible ou elle sentit lecontact désagréable de la terre battue. Elle roula à terre et sa tête touchaune pierre. Elle crut entendre un petit craquement d'os et Aena commençaà sombrer dans l'inconscience. Sa vue se brouillait et déjà, elle entendait lerenâclement sourd de la bête qui revenait à la charge.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 2 20

Page 24: Aena, les terres de Missionnaire

***

Elle battit des paupières, elle sentait la chaleur du soleil la pénétrer.Terminé le noir froid ! Aena ouvrit totalement les yeux, le soleill'aveuglait. Elle sentait sous elle un mouvement régulier sur une petitemusique.‘Ploc, plic, ploc'.Le bruit ressemblait à celui de la pluie, mais en plus doux, et sans lesgouttes. Elle réussit enfin à ouvrir complètement les yeux, elle vit unmagnifique ciel bleu, parsemé de quelques joyeux nuages. Elle sourit endécouvrant ce ciel qui n'avait jamais été, aussi loin qu'elle s'en souvienne,si beau. Elle avait l'impression de nager dedans, de sentir les nuages flotterautour d'elle. Etait-elle morte ? Elle n'arrivait pas à penser, son esprit étaitcomme verrouillé par un gros cadenas doré. Elle entendit une voix qu'ellepensa être masculine, une voix familière :- Elle s'est enfin réveillée ! Quel miracle !- Pff... !Ce soupir était plus rude, plus lourd, c'était donc une voix différente quel'autre qui parlait ! Elle essaya de se mettre debout pour savoir qui parlait,elle n'y arriva pas. Alors la première voix dit doucement :- Essaye de te reposer encore un peu !Un visage vint éclaircir le ciel. Elle ne voyait pas bien, elle discerna justeune peau blanche, des yeux verts et une tignasse marron. Cette personnelui était familière, mais qui pouvait-ce être ? De grosses lettres capitales semirent à bouger dans son esprit et se placèrent sur un fond blanc, faisant unjoli contraste.‘ T. E.Y, Mais Tey, bien sûr !'Elle se laissa de nouveau vagabonder dans le temps, au rythme du pas ducheval, dérivant dans les méandres de son imagination. Le soir arriva avec la vitesse d'un ouragan, le ciel s'assombrit et Aena puenfin se mettre debout, les forces lui revenaient. Elle découvrit alors avecpeine qu'elle était sur un cheval, derrière Tey, et pas n'importe quelcheval ; Ténèbre, l'étalon tueur. Celui-ci marchait paisiblement, rechignaitde temps en temps et commençait à vouloir prendre le dessus sur Tey. Lejeune garçon lui proposa gentiment :

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 2 21

Page 25: Aena, les terres de Missionnaire

- Tu veux essayer ? C'est trop bien, et c'est facile en plus, mais ne laissepas le cheval prendre ses droits, il partirait tout de suite plus vite !Elle frémit mais elle fit quand même un petit hochement de tête pour direoui. Tey la fit passer devant lui sur la selle. Elle apprit comment arrêter lecheval et le faire tourner, les bases quoi. Tey n'en savait pas plus qu'elle.C'était Aaron qui lui avait dit comment faire pour réussir à guider lecheval. La troupe venait de déboucher sur un chemin, assez large pouraccueillir les 3 boeufs. Aaron était à gauche, sur son cheval, un bai balzaneà la crinière cendrée et aux yeux ... bleu glacier. Etrange ! Angello était àdroite, un colosse de plus de 2 mètres qui semblait, à vu d'oeil, trèspersuasif. Il montait un cheval à la carrure aussi impressionnant que sonpropriétaire, comme le dit le proverbe ‘Tel maître, tel cheval !'. Lecanasson avait une robe grise pommelée, assez sombre cela dit, avec degrands yeux bruns, des sabots aussi gros qu'une patte de taureau, unebonne encolure et une crinière en brosse. La jument de trait avait unedocilité effrayante et un calme absolu, marchant paisiblement le long duchemin tortueux. Et entre l'armoire à glace et Aaron, les 2 otages ; coincés. Aena avait maintenant repris entièrement ses esprits et l'expérience decavalières lui donnait des sensations qu'elle n'avait jamais ressenties, levent dans ses cheveux, le pas régulier du cheval. Elle aimait tout cela, ellesentait les muscles puissants de l'étalon vampire remuer sous la selle, elleentendait la respiration lente de l'animal, elle sentait ses moindres gestes,sa crinière couleur ébène lui effleurait ses mains et rien que de pouvoirmonter cet animal, cette force de la nature, et qu'il était à elle ! Elle n'avaitjamais rien possédée de plus beau, même sa vie semblait valoir beaucoupmoins que celle de son cheval. La jeune fille se mit à se tortiller, sesmuscles fessiers se plaignirent ; cela faisait plusieurs heures qu'elle avaitintégrée la selle, et Tey aussi avait l'air de souffrir de cet étrange mal. Elleet son meilleur ami n'avait jamais touché à un équidé. La selle leurparaissait bien dure ! Le paysage changea, de la plaine verte sans fin, ils passèrent à la forêt entrès peu de temps. On aurait dit que les arbres avaient poussé très vite. Onaurait même pu prendre une craie et faire une limite entre la forêt et laplaine, cela faisait un contraste pour le moins étrange. Ils entrèrent alorsdans la forêt dense, remplie de lianes, de broussailles et au sol, d'un tapis

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 2 22

Page 26: Aena, les terres de Missionnaire

de ronces infranchissables. Les arbres étaient tellement touffus qu'il yfaisait nuit noire et qu'il était impossible de quitter le chemin de terrebattue. D'ailleurs, Aaron expliqua que ces bois étaient tellement serrésqu'aucun mammifère n'y vivait, seuls les insectes et les oiseaux ypullulaient. Angello poussa un grognement sinistre, on aurait dit un oursmal léché. L'homme à la carrure de bête poussa un second grognement enpassant sa main gauche dans ses épais cheveux noirs, il détestait lesmoustiques. Aaron stoppa le convoi d'un signe de tête et déclarafroidement :- Arrêtez-vous sur le chemin, on campe ici cette nuit, Angello, montela tente des otages, je m'occupe de la nôtre et des chevaux.Angello, aussi silencieux que son supérieur s'exécuta et se mit à fouillerses bats alors qu'Aaron attachait les chevaux. Angello finit par en sortirune toile de tente, rigide et sale, mais assez grande pour accueillir deuxpersonnes. Le colosse parla pour la première fois et leur demanda d'unevoix de stentor:- Aidez-moi à mettre votre tente !Aena et Tey se dépêchèrent et commencèrent à monter leur tente pendantqu'Aaron faisait la sienne. Après avoir dressé les deux habitacles, le petitgroupe alluma un feu entre les deux huttes. Aaron venait de chercher dubois qu'Angello, prévoyant, en avait déjà retiré de ses bats, Aarons'exclama avec douceur :- Ah, si je n'avais pas déjà Ko, je te prendrais à sa place comme apprenti,tu es un des seuls élèves que je n'ai pas encore réussi à tuer !- Merci beaucoup monsieur, mais ce n'était pas la peine.Aena aurait eu envie de pouffer de rire, apparemment, avoir uncompliment d'Aaron devait être très rare et ... très recherché. Mais les mots« apprenti » et « élèves » résonnaient encore dans sa tête. Apparemment,Aaron, vu sa démonstration de magie dans la ville et sa façon d'être nedevait pas être le premier paysan venu ! Après le feu allumé, la petite troupe se mit à dîner ; enfin, pas latotalité ! Tey et Aena furent privés de nourriture et restèrent à voir Angelloet Aaron s'empiffrer devant eux avec des bruits de mastication étonnementélevé. Les 2 hommes les narguaient et Aena et Tey salivaient devant laviande et le pain. Au bout d'un moment, l'adolescente se désintéressa du

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 2 23

Page 27: Aena, les terres de Missionnaire

repas, elle voulait éclaircir un point :- Mais, Ténèbre, il est à moi ?- Ben, euh ... ouais aller ! réussit à articuler le vieux avec son habituelleaptitude pour énerver les gens, tout en continuant de grignoter un grosmorceau de jambon.- Euh, c'est-à-dire que... un animal comme ça, ça se donne pas !renchérit la fille.- Mais c'est que, soit je le tuais, soit on lui trouvait un cavalier qui nefinisse pas en steak !- QUOI ? cria Aena.- Ben, j'ai eu 3 morts, rien qu'avec ce cheval, on a perdu 3 soldats avantla bataille ! J'ai besoin de tous mes effectifs moi ! commençait à s'énerverAaron.- Quelle bataille ?Le vieux n'ajouta rien de plus, il ne voulait pas en parler.Aena avait une étonnante envie d'exploser de rire mais, elle décida de seretenir, en mémoire aux 3 morts, qu'elle aurait dû rejoindre dans lajournée !- Mais quelle bataille ?Aena s'énervait tandis qu'Aaron restait étrangement stoïque. Même en letorturant, le quadragénaire n'aurait pas avoué. Aena décida de commencerun autre thème, sans doute pour détendre l'atmosphère : - Pourquoi j'ai pas finie en steak ?Aaron dut expliquer à contrecoeur :- Tu demanderas au ch'val, j'sais pas moi, il allait te bouffer et après, ilest tranquillement reparti, comme si de rien n'était. Alors, on vous a misdessus vite fait avant qu'il change d'avis !- Ah, ok ... Mais en fait, c'était prémédité quoi ! Vu que Tey n'était pasplaqué au sol pour rien !- ...Sa question resta encore et toujours sans réponse, ce qu'Aena prit pour un« oui » malgré elle. Mais, vu le caractère d'Aaron, il ne devait pas avoir deremords et encore moins s'excuser, ça lui écorcherait littéralement lalangue ! L'adolescente aurait encore voulue poser une demi-douzaine dequestions en plus mais Angello les poussa de force dans leur tente. Aaron

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 2 24

Page 28: Aena, les terres de Missionnaire

lui, se leva et se promena autour de campement, enfin, sur la route ; Aenane vit pas ce qu'il faisait, elle remarqua juste qu'il s'approchai très près dusac de nourriture et crut le voir y déposer quelque chose. Elle se passa lamain sur le front, elle avait un peu de fièvre, elle commençait à divaguer ...Elle rentra dans la tente, de la terre et du tissu, voilà les 2 seules choses quel'ont y trouvaient. Et chose inespérée, Angello leur offrit une magnifiquecouverture en patchwork qui fit rire Aena, elle ressemblait à celle de sachambre à Druaror.Les deux enfants se couchèrent à même le sol, aussi serrés l'un contrel'autre que les arbres de la forêt, se donnant mutuellement la chaleur queleur couverture n'arrivait pas à leurs transmettre ! On put entendre les pasd'Angello qui se posa devant la tente ; il la gardait :- Je prends la première partie de la nuit chef !- Non Angello, tu n'en auras pas besoin, je m'en occupe !- Mais ....Aaron haussa le ton :- Je m'en occupe moi-même ! Tu n'as pas à répliquer !Aena distingua les pas lourds de l'armoire à glace s'éloigner, elle entenditégalement le bruit du tissu qu'on écartait, Angello était donc dans sa tente.Au bout de cinq minutes, Aaron fit de même et bientôt, on n'entendit que lesilence de la forêt, accentuée par les bruits des animaux. Aena, couchée, semit à sourire, elle avait une idée : elle allait s'échapper ... cette nuit !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 2 25

Page 29: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 3

La jeune fille se réveilla, il faisait encore nuit noire et elle ne percevait quela respiration lente de Tey ainsi que les ronflements d'Angello et d'Aaronréunis. Son esprit réunissait les dernières touches finales qui manquaient àson plan d'évasion. Le vieux les avait laissés sans surveillance, comme siles deux otages étaient assez bêtes pour ne pas tenter le coup ! Quellenaïveté cet Aaron ! La jeune fille murmura à mi-mots, comme pourelle-même :- Ca doit être la vieillesse qui le rend gâteux !Et maintenant, les deux adolescents allaient partir et retrouver leurs petitesvies tranquille, Tey retrouverait sa mère et elle ... Aena retint les larmes qui commencèrent à monter, Tey avait sa mèremais elle ? Elle n'avait personne ! Depuis ces plus lointains souvenirs, ellese rappelait l'orphelinat de Druaror, elle y avait vécu, on lui avait juste ditque sa mère l'avait abandonnée sur une marche. Et un jour, elle devaitavoir huit ans. Tey, qui, ayant le même âge, se promenait et il était rentrédans la cour où les orphelins jouaient. Les deux enfants avaient tout desuite sympathisé et s'étaient régulièrement retrouvés. Et voilà, depuis, ilsétaient meilleurs amis. Aena se rappela plus en détail de son orphelinat,elle se souvenait des quatre bonnes soeurs qui s'occupaient des enfants,elles n'étaient pas très câlines mais au moins, ils avaient de quoi manger etboire ainsi qu'un lit. Plusieurs familles étaient venues la voir, mais,personne ne l'avait adoptée, on voulait des garçons pour les fermes ! C'estainsi que le temps avait passé. A ses quatorze ans, elle avait quittél'orphelinat et avait très vite trouvé sa place de serveuse. Nourrie, logée, etc'était elle qui blanchissait ! La paye était petite, elle avait dû voler pouravoir un peu plus et voilà où ça la menait ! Chez des inconnus qui latrimballaient sur les routes. Si seulement elle avait su ... Elle grogna, elle ne devait plus penser... fermer son esprit, arrêter le fildes évènements ! Elle devait s'échapper, pas rêver et puis, elle s'était juréede ne jamais repenser aux souvenirs, le passé était fini, il fallait le laisser

Chapitre 3 26

Page 30: Aena, les terres de Missionnaire

où il était. Mais un jour ... il survenait, remplissant la tête de flashsincontrôlés !Aena n'arrivait plus d'arrêter de penser, ça lui arrivait ces temps-ci, luidonnant de la fièvre et l'empêchant de réfléchir ; des milliers d'imagesvenaient au même instant dans son esprit, elle ne comprenait plus rien, ellen'avait pas le temps, elle devait arrêter. Elle s'entendait crier dans sa tête« COUPE LE FIL !!! ». Et bizarrement, au bout d'un petit moment, sa têtelui sembla plus légère, lui obéir, enfin, et la libérer. Mais il lui fallutquelques minutes pour se remettre. Mais qu'avait-elle ? Depuis cetterencontre avec Aaron, des choses bizarres arrivaient. Les médaillonsmagiques, le campement, un armée illégale, une licorne, un chevalvampire, et surtout, de la magie ! Tout le monde savait qu'elle existait,mais depuis que l'empereur ne faisait rien et avait fermé toutes les écolesqui la pratiquaient, à part pour certains nobles. Plus personnes n'enfaisaient ! Mais qui étaient-ils ? Un petit ronflement de Tey la remit directement sur la bonne planète, etplus précisément le pays Moona ! Elle se souvint de son évasion, elledevait réveiller Tey. Elle se mit à le secouer énergiquement ; le garçon,toujours endormi, s'enroula de plus belle dans le tissu chaud qui lui servaitde couverture. L'adolescente lui souffla à mi-mots en chuchotant :- Tey, on y va, lève toi - UmmhmmLe jeune homme bâtit légèrement des paupières, il ne semblait pasdéterminé à se lever. La jeune fille continua : - Allez, fait-le pour moi !Il n'émergeait toujours pas du dessous de sa couverture, elle l'entenditsimplement murmurer :- J'ai faim.Aena voulut l'étrangler, mais, on ne faisait pas ça à son meilleur ami, çaaurait été une erreur et puis, il pouvait servir ! - Bon alors, ça tombe bien parce que moi aussi, je vais chercherles provisions d'Aaron ... Et dès que je reviens dans la tente, tu as intérêt àêtre prêt !Le jeune homme approuva en sortant de la couverture. Il commença à selever pendant qu'Aena était sortie de l'habitacle à pas de velours.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 3 27

Page 31: Aena, les terres de Missionnaire

Le sol était sec sous ses pieds, cela lui faisait un avantage. La fraîcheuragréable d'une nuit d'été lui fit pousser un petit soupir de bien-être. Ilfaisait bon, au milieu de cette forêt impénétrable, l'air avait des odeurs desapins, on sentait la sève. La forêt vivait et avait un air accueillant. Aenaétait bien loin de chez elle, à des kilomètres de l'enceinte de la ville ; elleavait été traînée depuis ce matin, des quartiers de Druaror jusqu'à cetteforêt profonde. Elle l'avait bien aimée d'ailleurs, en cette journée chaude etmouvementée, lui donnant fraîcheur et sécurité. Elle réalisa alors qu'elleavait plus voyagé que jamais dans sa misérable vie passée dans sa villenatale. Elle secoua sa petite tête et commença à avancer discrètement.Avançant de plus en plus de la tente des 2 hommes, bien cachée, dansl'ombre. Elle prit un pan de tissu et rentra dans la tente en faisant très attention defaire le moins de bruit possible, même si les 2 hommes ne devaient pas êtredu genre à avoir le sommeil léger. Surtout à cause de leurs ronflementssonore qui permettaient à Aena de rester totalement discrète ; d'ailleurs,elle aurait peut-être pu crier, ils n'auraient rien entendu tellement ilsfaisaient du brouhaha à eux 2 ! La jeune fille, sans l'avoir prévu commença à avoir une quinte de touxqu'elle avait du mal à arrêter. Elle enjamba les 2 hommes d'une foulée etatterrit devant le petit sac miteux à provision. Elle le prit et entreprit defaire le voyage en sens inverse. Mais hélas au moment où elle passa,Angello se retourna, manquant de la faire tomber. Mais elle ne put retenirun petit cri anxieux. Heureusement, aucun des 2 hommes ne se réveilla.Elle se dépêcha donc de sortir, sans regarder derrière elle, respirant mal etsuffoquant à moitié. Elle sentait la sueur glacée couler jusque dans son doset tremper sa chemise déjà sale. Elle refit le chemin inverse vers sa tente.En passant, elle admira son cheval. Quel bonheur d'avoir un animal pareil ! Tey sursauta presque quand elle entra et il se mit à pousser un petitsoupir de soulagement. Le jeune homme toisa ensuite avec envie le sac denourriture. Aena lui murmura dans le creux de l'oreille :- c'est pour le voyage, viens, on y va ! L'adolescent ne se fit pas prier et se leva. Il était habillé et décida delui-même de porter le sac. Le petit groupe sortit dehors en quelquesfractions de secondes, incognito, en prenant bien soin de ne pas faire

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 3 28

Page 32: Aena, les terres de Missionnaire

craquer la moindre brindille alors qu'à côté, Aaron et Angello ronflaientcomme 2 taureaux. La jeune fille défit la bride de son cheval. Tey lui, attendait à l'écart. Il nefaisait pas trop confiance aux chevaux, et surtout pas aux chevauxvampires. L'étalon renâcla, il sentait l'anxiété de la cavalière et piaffaitnerveusement. Tey monta derrière Aena à contrecoeur non sans légerstremblements. Ténèbre n'avait pas du tout envie de manger, en tout cas, del'humain. Il ne fit donc pas attention aux 2 adolescents qui s'empressèrentde quitter le camp au triple galop. Aena dirigea les rênes vers l'ouest, versDruaror. Ils passeraient sur le même chemin qu'ils avaient pris la veille. Le cheval avait à peine parcouru quelques mètres qu'il s'arrêta,brusquement. Impossible de le faire avancer plus ! Aena eu beau toutessayer, il resta droit comme une statue, ne hennissant même pas. Tey finitpar lui chuchoter.- Je descends.- Ouais, pour une fois que tu proposes quelque chose d'utile !Tey sauta de la selle et prit fermement la bride de l'étalon. L'adolescent semit à tirer le plus fort qu'il pouvait, l'étalon ne cilla toujours pas, mêmeAena était perdue. Mais comment fallait-il faire pour qu'il se décide àavancer ? La jeune fille prit le sac de nourriture et l'ouvrit. Elle venait d'avoir uneidée de génie. Elle en sortit une carotte, bien orange et la passa à Tey en luidisant :- Essaye avec ça de l'attirer !Tey fit oui de la tête et mit la carotte sous les naseaux du cheval, celui-cifit comme si de rien n'était.- Allez Ténèbre ! Ce n'est pas le moment !L'étalon le regarda et soudain, prit la carotte. Tey poussa un soupir desoulagement. Mais, Ténèbre lui, préféra s'amuser à jeter le légume bienplus loin, il s'en servait comme d'une balle et la carotte finit bien vite dansles broussailles. Tey se mit à se lamenter.- On est de nouveau au point de départ.Aena descendit elle aussi et se mit à quatre pattes, à ausculter le cheval, leventre, le dos, les jarrets, les pattes et les sabots. Rien, aucune plaie ! Tey,à bout de patience, commença à marcher vers sa ville natale. Peu lui

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 3 29

Page 33: Aena, les terres de Missionnaire

importait de mettre plus de temps, tans pis avec ce stupide canasson. Ilavançait résolument quand une douleur lui transperça le visage. Il venait dese prendre un mur, où du moins, avait-il l'impression. Son nez le lançait etse mit un peu à saigner, comme si Aena lui avait envoyé une pierre enplein visage. Il se remit en marche, et tans pis pour le nez, s'il arrivait sainet sauf chez lui. Il se prit encore un mur, et pourtant ; rien, le calmesilencieux. Il réessaya et buta encore contre l'obstacle. Il y avait bien unmur devant lui ; mais invisible. Le jeune homme jura à voix basse tout en appelant Aena qui étaitoccupée avec la bourrique. Elle arriva tout de suite et regarda.- Qu'est-ce qu'il y a encore ?- Essaye d'avancer ...- Quoi ?- Marche lui dit-il sévèrement.Elle ne posa pas d'autres questions et le regarda avec un regard curieux sonmeilleur ami. Devenait-il fou ? Où avait-il une idée derrière la tête ?Aena mit un pied devant l'autre, avec assurance. Le choc fut terrible. Ellese fracassa contre l'obstacle et essaya de retenir un cri de douleur. Elledevenait écarlate.- Tu aurais pu me le dire !- Je voulais être sûr que c'était pas mon imagination qui ... Aena venait en deux misérables secondes de passer d'une assez bonnehumeur à une humeur massacrante ! Au bout d'une minute, quand ellefinissait de reprendre son souffle, elle déclara.- Mais c'est quoi ? Je vois rien !- Ca doit être un mur invisible, sans doute mis par Aaron ! Aena cette fois ne put pas arrêter le cri de rage qu'elle poussa. Encore cetAaron, mais qu'avait-il toujours à leur barrer la route, espérons qu'il n'avaitpas créé un mur de l'autre coté.- Ténèbre l'a sûrement senti ; c'est pour ça qu'il s'est arrêté ! Aena regarda son meilleur ami, il venait de passer les cinq dernièresminutes à parler comme quelqu'un de normal et de lucide, ce qui ne luiarrivait pas souvent. Elle, jeune fille examina de plus prêt les occasions quise présentaient à elle : la forêt était impénétrable, il était donc impossiblede passer à travers les arbres pour revenir vers Druaor.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 3 30

Page 34: Aena, les terres de Missionnaire

Elle se dépêcha de monter sur son cheval qui renâcla bruyamment.Angello et Aaron n'avait pas l'air réveillés ; on pouvait encore entendreleurs ronflements. Tey lui, se positionna derrière la jeune fille et ilslancèrent le cheval vers l'avant. Ils devraient donc aller droit devant ets'arrêter au prochain village, ensuite, ils devraient se payer un éclaireur :Aena serait sans doute d'une précieuse aide pour ce travail ; et enfin, ilsretrouveraient Druaror. Les enfants se mirent à prier secrètement, ensilence pour qu'Aaron ait oublié d'invoquer un mur de l'autre côté ! Ténèbre passa sans encontre, sans s'arrêter. Il avait la tête haute et ne sefatiguait pas. Aena éclata de rire, elle prit une grande bouffée d'air frais etcommença enfin à se détendre, il était passé. Tey lui se dit dans sa tête.« J'arrive Maman ! ». Les enfants se concentrèrent ensuite sur le cheval etle chemin ; leurs yeux se fermaient tout seuls et l'aube ne tarderait pas àéclater à l'horizon. Et ils seraient désormais loin. Aena imagina Aaron etAngello dans le campement, en train de s'exciter et de crier dans tout lessens et sans provisions en plus ! Quelle bonne blague, ça leurs apprendra àkidnappés des personnes. Au grand étonnement d'Aena, la forêt ne tarda pas à disparaître, laissantà la place, un ciel violacé ainsi que de grandes plaines désertes de toutesvies humaines. Silencieuses, spacieuses, infinies et puissantes, s'étendantsur des kilomètres carrés à la ronde. Prenant des airs de jardin d'Eden, avecles quelques majestueux arbres. L'herbe verte devenait orange sous lesoleil levant. Celle-ci était grasse, ondulant sous la brise légère du vent,montrant très loin devant, des pitons rocheux et d'abruptes montées. Cespectacle de grandeur n'aurait pu exister que dans les rêves les plus fous dela jeune fille. Une agréable sensation d'euphorie commença à circuler dansses veines, la relaxant. Elle venait de comprendre ce qu'était la vraieliberté. Celle qui vous donne l'impression de voler et de crier tout l'air devos poumons, salis par l'odeur et la saleté de la ville. Pendant que la troupeavançait à bonne allure, toutes les 5 minutes, de la nourriture sortait du sacpour finir dans leur estomac. Aena eut juste le temps de prendre 2 bouts depains et 1 de lard que Tey avait déjà tout fini. Même si la jeune fille auraitpassé au peigne fin le fond du sac, elle n'aurait rien trouvé, même lesmiettes avaient disparu. La jeune fille excédée jeta le sac par-dessusl'encolure de l'étalon et elle le regarda s'affaler dans l'herbe, comme un tas

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 3 31

Page 35: Aena, les terres de Missionnaire

de terre molle. Elle concentra son attention sur l'auteur du méfait, Tey, et lesermonna :- Tu aurais pu me laisser la moitié ! J'en ai marre, maintenant,on a plus rien à manger et on ne sait pas où on est, ni dans combien detemps se trouve le prochain village !- Mm... ais calme-toi, j'avais faim moi ...- QUOI ? TU OSES ME CONTREDIRE ? SI J'ETAIS PIRE,JE TE BALANCERAIS DU CHEVAL MOI, TU M'ENTENDS ?C'est à ce moment là qu'un noyau se coinça dans sa gorge, il n'arrivait pasà respirer ! Il virait à l'écarlate tandis qu'Aena lui criait dessus. Au boutd'un moment, la jeune fille remarqua que son ami s'étouffait, elle lui donnaun violent coup dans le dos et il avala, sur le coup de la surprise, leresponsable de sa suffocation. Il n'en fallu pas plus à Aena pour se remettreà crier, et encore plus fort. Même Ténèbre, apeuré par l'adolescente se mitau triple galop, poussant des hennissements de fureur. Aena tira sur lesrênes tellement fort que le cheval saigna un peu de la bouche, poussantencore un second hennissement de rage, qui acheva Aena. Tey essaya de lacalmer mais dans ses moments de crises, c'était impossible. Ses parolesfirent plus de dégâts. Aena le terrorisait, et c'était de sa faute,Le pauvre jeune homme, venait de faire passer Aena, d'une mauvaisehumeur généralisée à -6 sur l'échelle de la très mauvaise humeur ! Et direqu'il devrait la supporter comme ça longtemps encore ! Maintenant, unechose à faire, attendre que ça passe sans faire la moindre faute. Il ne fallaitpas non plus parler, toutes paroles, même bénignes pouvaient entraîner surlui, horreur, cris et calamités !Dès qu'il entendit Aena finir sa phrase, il fit signe que oui de la tête, ne laregardant même pas dans les yeux ; mais quelle idée d'avoir une meilleureamie caractérielle ! C'est alors que Tey eut une bonne idée, un truc pourfaire baisser la pression, il demanda gentiment à sa meilleure amie :- Tu ferais mieux de dormir, je prends les commandes !Pour la première fois depuis 10 minutes, la jeune fille accepta, sans cri,sans même parler, elle s'effondra sur la selle, à bout de forces et laissa Teymanoeuvrer, elle murmura juste avant de s'endormir :- Toujours sur le chemin.Il dut donc prendre les commandes, lui aussi voulait dormir, lui aussi

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 3 32

Page 36: Aena, les terres de Missionnaire

voulait fermer les yeux, lui aussi voulait, l'espace d'un instant, oublier ces24 dernières heures ! Cela faisait 2 heures que Tey avait pris les rênes, et rien ne s'était passé, àpart le fait qu'il avait failli s'endormir, mais sinon ... La pleine forme, lecheval ne s'était pas emballé, une créature magique inconnue n'avait pasessayé de les manger et Aena n'était pas encore morte. La belle vie quoi !Tey, sentant son esprit qui voyageait vers les méandres du pays des rêves,il se concentra donc sur les montagnes, au-delà des plaines. Abruptes ! Quedes cailloux et de la terre ocre, des gouffres, des falaises, sûrement desgrottes et bien sûr, pas d'herbe pour Ténèbre. Sur ce point, Tey ne se posapas de questions, l'étalon n'avait rien mangé depuis qu'ils l'avaient connu.Même avec toute cette herbe autour de lui, il ne s'y était pas attardé, était-ilmalade ? Tey, perplexe, se dit qu'après tout, ce n'était pas son cheval etqu'il n'avait pas à s'en préoccuper. Aena choisit ce moment pour s'éveiller.Elle n'avait pas dormi longtemps et il faudrait continuer à ce rythme 1 ou 2jours. Elle changea de place avec le garçon qui s'endormit aussitôt, bercépar le silence. L'adolescente arrêta le cheval à un ruisseau. Tey,complètement affalé sur la selle ronflait légèrement. Elle démarra un petitfou rire et plongea ensuite sa tête dans l'eau fraîche. Elle put boire de toutson saoul et prit une gourde qu'elle avait volée dans la tente d'Aaron. Elleentreprit de la remplir et s'assit dans l'herbe. Reprenant des forces. Elledécida de ne pas rester longtemps et remonta en selle. Ténèbre ne semblaittoujours pas fatigué et reprit la cadence sans protestations.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 3 33

Page 37: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 4

Pendant tout ce temps, dans un petit campement, 2 hommes s'éveillaientsous le soleil levant. Aaron entendit les pas lourds d'Angello se déplacer, il était sûrementdéjà réveillé. Aaron se leva à contrecoeur et sortit de la tente, voyantAngello s'exciter comme une puce :« Patron, les prisonniers se sont échappés vers l'ouest, si nous nousdépêchons, nous arriveront facilement à les rattraper, ils sont allés versl'ouest, j'ai vu leurs tra ... !- Calme-toi Angello, nous avons tout notre temps !Angello le dévisagea, perplexe, il éteignit le feu et se précipita dans satente. Aaron lui, prit une paillasse et la mis près du charbon encore ardent.Il se recoucha, poussant de petits ronronnements de satisfaction. Angellose précipita vers Aaron et essaya par tous les stratagèmes de le faire sebouger. Ils n'avaient pas de temps à perdre, surtout avec les caprices duvieux ! Angello, à bout d'idées continua de ranger la tente qui avait servieaux 2 otages pour la nuit. Puis il entreprit de vider toute sa tente pendantque le soleil montait dans le ciel. Il fouinait, s'accroupissait, cherchant duregard, comme s'il avait perdu un objet précieux. Il eut beau s'activer alorsqu'Aaron s'était roulé en boule, il ne trouva rien. Il se mit, toutnaturellement à grogner comme un animal, dans sa barbe.- Journée de merde ...Il cracha par terre et scruta de nouveau sa tente, complètement vide.- Nourriture ... gnangnan ... balise de téléportation ...- Qu'as-tu dit ?Cette voix était celle d'Aaron, qui semblait s'être brusquement réveillé enentendant Angello geindre. Le colosse lui, parut intrigué et se mit à répéterminutieusement :- Nourriture, balise de téléportation, sa ...- Balise de téléportation, j'étais sûr de te l'avoir entendu dire !Aaron releva la tête, le regardant avec un sourire puis il se recoucha,

Chapitre 4 34

Page 38: Aena, les terres de Missionnaire

bredouillant des directives.- Tu me réveilles à 12h, et tu me prépares à manger !Angello, ouvrit grand la bouche, comme pour crier, il la ferma presqueaussitôt et affirma d'une voix très calme :- Mais, ils sont partis avec le cheval, la nourriture et je n'arrivepas à trouver ma balise pour ...- Ttssss... calme toi, respire et met les éléments dans l'ordre ;sac de nourriture, balise de téléportation, otages en fuite vers l'ouest, sac denourriture volé ...Angello le regarda, sans un mot, le fixant, oeil pour oeil, tête à tête. Il futpris d'une violente asphyxie sous le choc de la révélation d'Aaron. Il avaitcompris, il déclara, bouche bé en baissant la tête :- Vous n'allez pas oser ?Aaron se leva et tourna le dos à Angello, faisant quelques pas vers la seuletente debout en prenant à une main sa couchette.- Tu crois vraiment que je vais me gêner ?Aaron se retourna brusquement en le regardant plus intensément, insistantsur les dernière syllabes jusqu'à leur donner une signification étrange, voireterrifiante.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 4 35

Page 39: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 5

Aena regarda Tey dormir, il ronflait légèrement, la tête vers l'arrière.Faisant bouger sa pomme d'Adam au rythme de sa respiration. Elle luisourit, même s'il ne pouvait pas la voir et elle regarda l'ascension devantelle. Ténèbre gravissait une montée, en plein dans les Montagnes. Cafaisait une heure que le duo de choc avait quitté la plaine et ils déprimaientdéjà. Adieu les verts pâturages, le soleil et la bonne humeur, bonjour lamontagne, le vent, les pierres, les pentes rocheuses et les gouffres ! Ellesoupira, elle espérait secrètement qu'un panneau pointerait enfin le bout deson nez et lui montrerait l'itinéraire à suivre, mais hélas, le temps passasans le moindre indicatif. Ténèbre suivait une corniche, Aena, qui avait peur du vide, pritfermement les rênes, en sueur, elle n'osait pas regarder en bas, elle sentaitune pression sur elle, elle avait l'impression d'étouffer et de suffoquer. Ellerespira profondément, s'obstinant de regarder la route droit devant elle. Soncheval, lui, ne semblait pas gêné, il continua donc d'avancer avec la têtebien en l'air, d'un pas assuré, jetant des regards vers le vide, regardant lesplaines et les forêts au loin.- MhmmmAena sursauta, son sang ne fit qu'un tour dans ses veines et elle dû seretenir pour ne pas crier.- Ah ... C'est ... Toi.- Ah ... qui ça. pourrait être ... d'autre ?Tey avait dit ça en s'étirant et en poussant un grand bâillement à s'endéboîter la mâchoire. Aena reprit peu à peu son sang-froid et se concentradevant elle, chuchotant doucement pour elle-même.- Calme-toi Aena ...Tey s'étira encore une fois et regarda sa compagne de voyage. Ellecommença à chantonner une petite chanson que la soeur Victoria lui avaitapprise quand elle était plus jeune. Ténèbre arriva vers la fin de lacorniche. Plus que quelques mètres, pensa la jeune fille.

Chapitre 5 36

Page 40: Aena, les terres de Missionnaire

Aena croyait qu'elle en avait fini avec les précipices quand, d'un troudans la roche, un éclat de soleil aveuglant les éblouirent . L'étalon vampire,apeuré, rua et désarçonna Aena qui sombra dans le vide. La jeune filletâtonna et trouva une pierre, elle l'enserra de ses doigts avec la force dudésespoir. Mais hélas, cela ne suffit pas. Elle sentit bientôt sa prises'éloigner et son corps basculer. Son coeur s'arrêta de battre et elles'étrangla avec son cri de peur. Et ce n'était pas encore fini ...

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 5 37

Page 41: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 6

Aena se sentit plonger sans pouvoir s'arrêter. Elle avait vaguementconscience de ce qui se tramait autour d'elle. Elle percevait les lois del'apesanteur se refermer sur elle, lui donnant plus de poids. Au loin, ellediscerna un cri de terreur. Elle ne réfléchit pas plus, lançant frénétiquementses bras contre la paroi. Elle crut réussir à l'atteindre mais au derniermoment sa prise céda, elle se sentit tomber toujours plus vers la vallée, laconduisant à une mort certaine. Elle leva la tête et sourit. Tey se tenait là,la regardant et lui tendant la main. Elle l'attrapa, le faisant un peu basculervers le précipice. Sa bouche était crispée et ses yeux fuyants. Il essaya àmaintes reprises de la tirer mais il n'y parvint pas, il n'avait pas assez deforces. Le temps semblait en suspension et la main chaude de Tey glissaitimperceptiblement de quelques millimètres. Aena le regarda en se mettantà pleurer, elle ne bougeait toujours pas, sentant la roche froide contre elle.Tey essaya de la rassurer comme il pouvait :- Je suis là ... On va y arriver ! Aena pleura de plus belle, regardant son meilleur ami dans les yeux. Elles'aggripait avec vigueur à la main de son sauveur. Essayant de trouver uneprise avec son autre main de libre. Aucune ; la paroi était lisse.Elle glissa un peu plus vers le bas, elle tenait maintenant la main de Teyaux doigts. Aena poussa alors un cri de terreur et de peur mêlés, suppliantTey du regard de lâcher, de la laisser partir et de continuer, elle dit dans unsouffle :- Va retrouver ta mère, moi, je m'en vais ...Ce fut Tey qui commença à éclater en sanglot, elle ne l'avait pas beaucoupvu pleurer dans sa vie.- Non, ne me laisse pas, articula t-il péniblement, si j'y vais, jevais avec toi.Il s'avança un peu plus d'elle, accentua la pression sur les doigts de la jeunefille, les broyant au passage. Aena descendait toujours plus ; mais Tey

Chapitre 6 38

Page 42: Aena, les terres de Missionnaire

tenait. Aena le voyait tranquillement glisser vers elle. D'abord de quelquesmillimètres puis de plus en plus vite. Il le sentait aussi et les deuxcondamnés se regardaient dans les yeux. Goûtant les derniers moments devie qui s'offraient à eux.Soudain, un bruit déchira le ciel et Aena se sentit basculer. Tey aussi ; etleurs pieds battaient furieusement le vide pour rester en équilibre. La jeunefille, comme paralysée regarda son ami fixement, elle le suppliant duregard. Il ne dit rien, il était pâle et en sueur. Aena se débattait pour qu'illâche sa main mais Tey glissa plus encore. Aena sentit son corps tomber etelle vit Tey venir avec elle. Elle poussa un cri de terreur et Tey ferma lesyeux. Heureusement ; derrière Tey, un visage facilement reconnaissablevenait d'apparaître. C'était Aaron. Aena le vit prendre la jambe de Tey et leremonter. Aena qui tenait toujours la main du garçon se sentit elle aussimonter. Quand elle fut sur le sol, elle se coucha et reprit de l'air. Son coeurbattait la chamade et Tey était à côté d'elle, leurs membres tremblaient.Aena, hors d'haleine s'assit et enlaça amicalement son ami ; se fourrantdans ses bras. Tey ne protesta pas et mit sa tête sur l'épaule d'Aena. Seulela voix d'Aaron brisa le silence :- Désolé de vous interrompre mais il faut y aller

Les deux adolescents se levèrent et toisèrent Aaron ; toujours pareil àlui-même, mais comment avait-il fait pour les retrouver ?A ce moment là, Angello réapparut. La brute venait d' « apparaître » àdroite d'Aaron. Aena surprise cria encore un fois : ses nerfs étaient à rudeépreuve aujourd'hui. Elle analysa la situation, ils avaient de nouveau utiliséla magie. Donc, ils étaient venus ici comme ça ! Tout s'expliquait. Aenacomprenait mieux maintenant ; mais pourquoi avaient-ils fait ça ? - Pourquoi vous avez fait exprès de nous laisser nous échapper ?Aaron entra dans un de ses fous rires machiavéliques :- Grâce à vous, nous avons gagné une nuit de route forcée etsans bouger en plus, toujours grâce à vous, nous serons arrivés àdestination ce soir !Aena jubila ; il les avait donc fait faire le voyage à leurs places ! Ellegrogna et regarda Aaron avec haine.- Alors comme ça je suis gâteux ? demanda Aaron.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 6 39

Page 43: Aena, les terres de Missionnaire

Et en plus il provoquait Aena, il avait tout entendu, tout vu, il savait tout !Mais qui était donc cet homme ?- Comment vous avez faits pour « venir » ici sans bouger ?Il se mit à rire et la regarda dans les yeux, sans oser baisser le regard :- Tu ne connais pas la téléportation ? Et je me demandais si labalise était bonne !- Quoi ?Mais que disait-il là ? Vraiment, Aena n'y comprenait rien ! Aaron reprit laparole :- Bon alors ; pour faire de la téléportation, il faut trouver unebalise ; et je l'avais glissé dans le sac de nourriture. Donc, si je suis ici avecvous c'est que toi ou, Aaron fit un signe de bras vers Tey, avez mangé cettebalise, qui appartenait à notre très cher Angello, il fit un 2eme signe vers lejeune homme. Je me pose alors juste une question : qui a mangé sa balise ?Tey rougit, c'était donc avec ça qu'il avait manqué de s'étouffer ! Aenadevait lui en vouloir terriblement. Ayant vu qu'il rougissait, tout le mondese retourna et le toisa. Angello et Aaron souriaient à pleine bouche maisAena était furieuse. Ses espoirs de fuite étaient révolus et sils devraient lesaccompagner. Quelle perte de temps, ils étaient fatigués et tout cela n'avaitservi à rien !Aaron claqua des doigts et des cordes s'enroulèrent autour de leurspoignets et de leurs cuisses. Aena et Tey tombèrent à terre, déséquilibrés.Aaron prit Aena qui se débattit violemment, mais l'homme la tenaitfermement, il s'amusait même à jeter en l'air et à la reprendre par un brasou une jambe pour la remettre sous son bras. Il la portait comme un sac depatates. Tey n'était pas mieux logé qu'elle. Et les 2 adolescents furent« mis » à travers la selle. Aena avait beau crier, Aaron ne semblait pasentendre. Il attacha une corde à son cheval et prit l'autre extrémité qu'ilenroula à la bride du cheval vampire. Aaron et Angello se remirent en selleet lancèrent leurs chevaux lourdement chargés au galop. La matinée passa très vite et au grand soulagement d'Aena, lesmontagnes furent vite passées. Aaron et Angello ne parlaient pas et le cielétait bleu. Les chevaux continuaient à une allure soutenue et se fatiguaientau fil des heures. Sauf Ténèbre qui avalait les kilomètres. Au loin, très loinmême, une ombre grandissait, vague, comme une montagne sauf que ce

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 6 40

Page 44: Aena, les terres de Missionnaire

n'en était pas une. Aena n'arrivait pas à deviner ce que c'était et Aaron nevoulait pas le lui dire, ce qui n'était pas surprenant d'ailleurs. Il répondaitseulement :- Tu verras bientôt !Au fil des minutes, l'attente devenait plus pesante et l'atmosphère aussi.Les chevaux redoublaient d'ardeur. Ils reconnaissaient l'endroit. Aaron etAngello semblaient à l'aise. Ils venaient sûrement aussi de ce bâtiment auloin.Bientôt, l'édifice s'agrandit très vite, on y vit apparaître des créneaux, destours. Il était tout en pierre ; imposant. Jamais Aena n'avait vu un châteauaussi grand.Aena vit Aaron se retourner et leur sourire. Mais où étaient-ils ?Reverrait-elle un jour Druaror ? Elle en doutait. Dès qu'ils arrivèrent devant l'imposante herse, un homme l'ouvrit et vintles accueillir avec joie. Il devait avoir un peu moins de la trentaine et étaitlui aussi, imposant. Aena le toisa, toujours ligotée, elle posait sur lui unregard interrogateur. L'homme ne la vit pas et alla directement chez Aaron.Celui-ci descendit de cheval et serra l'autre homme dans ses bras ;amicalement sous le regard bienveillant d'Angello. Après une bonneminute de retrouvailles ; l'homme s'intéressa enfin aux otages et demanda àAaron :- Qui est-ce ?Aaron se mit à sourire :- Oh, mais Arcanna, d'habitude, tu as un sens de l'observationplus développé !Ainsi, cet homme s'appelait Arcanna. Il devait habiter dans cet immensechâteau. Aaron et Angello aussi ; ils avaient l'air de très bien se connaîtreen tout cas.- Bon, j'ai compris ; mais explique moi s'il te plaît, reprit ledénommé Arcanna.- Je les ai croisé sur la route.Arcanna se permit d'esquisser un sourire discret et répondit :- Et dans quelles circonstances pour être ligoté de cettemanière ?- Ils ont essayé de me voler et après, ils ont tenté une petite

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 6 41

Page 45: Aena, les terres de Missionnaire

escapade nocturne, bref, faudra que je t'en dise 2 mots ; tout à l'heure.- Tu as tout intérêt ; mais, explique-moi pourquoi tu les asramenés ?Aaron fit signe à Arcanna d'aller un peu plus loin. Ils allèrent s'adossercontre la herse d'acier noir et Arcanna claqua des doigts. Du cheval, les 2otages ne les entendaient pas, ils les voyaient juste bouger les lèvres etfaire des gestes. Après quelques minutes, Arcanna claqua des doigts et labulle opaque qui les recouvraient disparut. Ils s'échangèrent un derniersigne de tête et revinrent vers Aena. Arcanna s'approcha de la jeune fille ets'accroupit pour avoir son visage à la même hauteur qu'elle.- Bonjour petite, je m'appelle Arcanna ...- J'avais cru comprendre.Aena avait répondu au quart de tour, affichant une expression offensive surle visage.- Calmez-vous, vous n'êtes pas en possession de force.Arcanna l'avait dit d'une manière tellement douce et pourtant tellementconvaincante. Cet homme avait un charisme incomparable, Aena songeaqu'elle n'avait jamais vu un homme d'une douceur aussi prononcée. Rienque son visage donnait cet impression de légèreté : sa peau pâle et finedélimitait un visage jovial et parfaitement agencé, son nez était entrompette et ses yeux pétillaient agréablement. Ses pupilles étaientargentées et ses lèvres minces. Il était vraiment très beau et inspiraitconfiance. L'adolescente se calma et le regarda dans les yeux :- Qu'allez-vous faire de moi et de Tey ?- Personne autre que toi et ... Tey ne peuvent choisir votredestinée.Aena tressailli, il n'arrêtait pas de les tutoyer puis de les vouvoyer, Arcannan'avait pas l'air de s'en rendre très bien compte.- Mais comment ?- En acceptant la proposition que je vais vous offrir.Aena acquiesça et attendit, le souffle court.- Vous êtes sur les Terres indépendantes de Missionnaire, leslois autres que les miennes ne s'appliquent pas ici.Il respira profondément et reprit :

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 6 42

Page 46: Aena, les terres de Missionnaire

- Le château de Missionnaire est une école de magie et decombat ; vous êtes libres de rentrer dans les rangs de l'armée indépendantede ces terres ou de périr.Aena le regarda, elle et Tey n'avaient pas vraiment le choix. Elle réfléchitet se tourna du mieux qu'elle le pouvait vers son ami. Il était pensif, toutcomme elle. Aena choisit le mieux pour eux ; peu importe où elle vivait,mais elle devait vivre.- J'accepte le fait d'entrer dans cette école et dans l'armée desTerres de Missionnaire.Elle venait de tirer un trait sur son ancienne vie tellement radicalement. Etavec un ton si doux ; elle avait l 'impression qu'Arcanna lui avaitcommuniqué sa sérénité. Elle se sentait apaisé et après tout, elle ne sesentait pas trop coupable ; Tey rêvait de devenir mage de guerre commeson père, il pourrait enfin vivre pour ce qu'il aimait au lieu d'être dans uneauberge pourrie. Soudainement, alors qu'elle était perdue dans ses pensées jusqu'à enoublier le monde, on coupa les cordes qui la plaquait à la selle de soncheval. Elle allait tomber sur l'effet de la surprise mais Arcanna la retint.Elle eue alors le temps de se rattraper et fut finalement debout. Arcanna sedirigea vers Tey avec un poignard étincelant :- Et toi ?Le regard de Tey zigzagua entre Aena et le poignard puis il dit avec unemimique tirée :- La même chose qu'elle.Le poignard siffla dans l'air et Tey se rattrapa de justesse à la selle deTénèbre. L'étalon essaya alors de le mordre et il fallut qu'Aena le tiennepar la bride pour qu'il se calme. Tey se réfugia alors derrière sa meilleureamie. Arcanna fit signe à Angello de ramener les chevaux et siffla Aaronpendant que le colosse allait vers le nord. Aaron lui, se positionna à côtéd'Arcanna :- On va devoir vous poser toutes sortes de questions pour vousfaire rentrer dans le château, prouvez nous que vous êtes dignes deconfiance et nous vous laisserons tranquille mais si vous êtes des espions...-les yeux d'Arcanna se mirent à briller- nous vous torturerons sansremords.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 6 43

Page 47: Aena, les terres de Missionnaire

- Et c'est moi qui m'en occuperais personnellement !Aaron venait de prendre la parole subitement, faisant déglutir Aena et Tey.Ils avaient intérêt de bien se porter.- Même châtiment si vous essayez de vous enfuir des terres deMissionnaire.Aena sentit Tey à côté d'elle qui commençait à trembler. Les 2 otagesfirent un petit « oui » de la tête.- Et alors ? demanda Aena.- Les questions ? C'est que tu es impatiente toi ! Donc : oùêtes-vous nés ?- Druaror ! répondirent en coeur Aena et Tey.- Qui sont vos parents, père et mère ?Tey prit d'abord la parole- Ma mère s'appelle Naya Quasa, père inconnu. Aaron, enentendant ce nom, sembla frémir. Il questionna plus en détail Tey :- Père inconnu ? Explique-moi un peu plus ! Si je ne metrompe pas, le nom de ta mère est un nom qui à des racines du sud, quefait-elle au Nord ?Tey se racla un peu la gorge et entreprit de répondre :- Ma mère m'a toujours dit qu'elle avait quittée sa famille avecun vagabond, elle n'a jamais voulut me dire son prénom. Ils ont voyagé etdu jour au lendemain, il est devenu bizarre et en passant à Druaror, il aabandonnée ma mère et est parti, il n'est plus jamais revenu et ma mère aaccouché de moi plusieurs mois après ; d'ailleurs, en souvenir de cethomme qu'elle aimait, elle à légèrement changé le nom de famille de cetinconnu et me la mis en prénom ; Tey Quasa.Aaron écouta ce que Tey lui disait, pensif :- Et tu aimerais le rencontrer ?- C'est un de mes rêves !Aaron sembla être soulagé et Arcanna prit la parole à sa suite mais avecAena :- Et toi ?- Moi ? On m'a déposée à l'orphelinat de Druaror à quelquessemaines et j'ai vécu là-bas.Il hocha la tête.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 6 44

Page 48: Aena, les terres de Missionnaire

- Est-ce que vous savez pratiquer la magie et l'art du combat ?Les 2 adolescents firent non de la tête.- Question la plus importante : trouvez-vous que legouvernement est efficace ?Cela sentait la question piège, Aena et Tey le sentaient mais il fallaitchoisir ; Aena décida de dire la vérité, comme d'ailleurs à toutes les autresquestions : - Non, l'empereur ne se soucie pas du peuple et n'entraîne plus desoldats qui défendent nos frontières. Nous sommes menacés, la seulearmée reste à côté de lui et ne fait rien, elle est inefficace, vivement la finde l'empire et sans héritier de préférence ! - Vous croyez-vous capables de vous battre pour cette noble causeque de protéger les citoyens, de devenir de puissants mages de guerresjusticiers ?Les yeux de Tey brillaient, il vivait le plus fou de ses rêves, le plus intime,après tout, qu'importaient les conditions de sa venue : - Oui ! Tey venait de crier, Arcanna lui intima de se calmer. - Bon, je crois que ça ira, je vais vous faire visiter le château.Aaron, tu peux disposer. Arcanna s'engagea dans la forteresse. Devant eux, une petite cour poussiéreuse avec quelques bancs dispersésainsi que des jeunes gens, la plupart étaient des adolescents, on rencontraitaussi parfois des enfants qui jouaient et couraient, toutes races confondues.Elfes, Orques, Centaures, et bien d'autres, les Humains étant quand mêmela race dominante. Aena remarqua qu'ils portaient tous un médaillon doré.Arcanna leur montra le rez-de-chaussée, les salles les plus importantesétaient la grande arène où se déroulaient les cours et les entraînementsainsi que le grand réfectoire qui pouvait servir de salle des fêtes, Arcannaprit la parole, renseignant Aena et Tey sur la vie au château : « Ici, c'est le réfectoire, vous pouvez venir pour manger à chaque repas etc'est aussi la salle de rassemblement. »Il reprit son souffle.« Comme je vous l'ai dit avant, vous êtes nourris, logés et ... plus blanchispour le moment, faute de femme de ménage, bref, en échange, vous devezaller aux cours quand nous vous appelons et faire des corvées pour aider lechâteau. Quelques fois, vous serez obligés de passer une semaine aux

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 6 45

Page 49: Aena, les terres de Missionnaire

cuisines. Je vais vous présenter Sin ! »- Qui est-ce ? demanda Aena.- Le cuisinier, lui répondit Arcanna.Arcanna passa devant et toqua sur une porte en chêne massif. Un jeunehomme vint lui ouvrir et ils entrèrent dans une pièce entièrement en pierre.On y distinguait plusieurs tables remplies de mets délicieux, un grand évieren granit et un grand banc en bois de noisetier. Un homme musclé y étaitcouché, à côté de lui, une coupelle d'argent remplie de raisins. Il prenait lesgrains 2 par 2 et s'amusait à les gober et si jamais il n'en restait plus qu'unseul, il le prenait et le plantait dans un pot de terre à l'angle de la pièce.Arcanna l'appela et il vint vers lui.- Arcanna ! Que me vaut l'honneur de ta visite ?- Rien, je fais visiter à 2 nouveaux !Sin regarda les 2 adolescents. Il était grand et à peu près de la mêmestature qu'Angello, sa mâchoire anguleuse était encadrée par une barbe de2 jours et ses courts cheveux blonds en pagaille lui allaient jusqu'à lanuque. Il avait aussi un médaillon ; mais Aena remarqua que celui-ci avaitun saphir incrusté au milieu du M, comme celui d'Arcanna, Angello etAaron. Les jeunes n'avaient pas de pierre sur leur pendentif.Sin hocha la tête puis donna quelques ordres aux autres personnes quis'activaient dans la cuisine. Arcanna posa sa main sur son épaule et sortitde la pièce. Il se retourna vers Aena et Tey et leur fit signe de marcher. Ilsprirent un escalier qui montait vers le 1er étage. Il y avait un énormecouloir qui durait en longueur mais n'était pas très large. Les innombrablesportes de ce couloir menaient à des chambres, certaines individuelles,d'autres par 2, 4, 5,7 ou 9. Vers la fin du couloir, il désigna d'un geste sonfond :« - Là-bas, l'infirmerie, les thermes du 1er et mon Bureau. Ne vous en faitepas, c'est marqué sur les portes ! N'oubliez pas, je suis le directeur maisj'autorise tous les élèves, à venir me voir, pour n'importe quel sujet et àtous les moments, sauf le soir. Suivez-moi, je vais vous donner vosmédaillons. »Aena et Tey ne dirent rien et suivirent docilement Arcanna. Il ouvrit laporte de son bureau qui était étonnement d'une couleur rosée. Il soupirad'agacement :

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 6 46

Page 50: Aena, les terres de Missionnaire

« - Rien qu'à voir l'immonde couleur, je peux déjà dire qui est l'élève quim'a fait ce stupide tour.»Malgré l'air profondément vexé du jeune homme, Aena devinait facilementqu'il n'était pas en colère. Il lui suffisait simplement de toucher la portepour que la peinture laisse la place à un bois de chêne rustique. Aena et Tey rentrèrent dans la pièce. Ils constatèrent qu'elle étaitoctogonale et bien éclairée. Un grand bureau en marbre volcanique trônaitau centre de la chambre. Pendant qu'Arcanna rangeait quelques papiers,Aena alla discrètement voir près du secrétaire. De multiples lettrestraînaient et le contenu d'un encrier était déversé sur les feuilles. Mais leplus intriguant parmi cet amas, c'était des boules de cristal. Une lumièrebleutée en émanait, renvoyant sur le mur des images : des couloirs, leréfectoire, l'entrée des thermes ou l'infirmerie. Aena voulut voir ce qui sepasserait si elle touchait par inadvertance la surface bleutée mais Arcannalui posa une main sur l'épaule :- Ce n'est pas bien de toucher lorsque ce n'est pas à soi, prendsplutôt ça ...Il lui tendit un médaillon : le même que toutes les personnes qu'elle avaitcroisée dans le château.- Enfile-le !Elle le mit autour de son cou et remarqua que Tey avait reçu le même.Arcanna les raccompagna dans le couloir. Le jeune homme se retourna etfit signe à une jeune fille qui sortait d'une chambre de venir. Puis ils'accouda à une fenêtre et soudain s'écria :- Désolé mais les autres groupes arrivent, je dois vous laisser.Kasuni, accompagne les nouveaux élèves dans leur chambre, vu que je neles avais pas prévus, euh... disons dans la chambre de Nouka et Ko, c'est laseule avec assez de place !La jeune fille rousse s'exclama :- Il n'y a pas d'autres solutions ? Ko va encore faire desréclamations surtout si ... elle dort là !Aena se sentait gênée qu'on parla d'elle de cette manière, mais ni Kasuni,ni Arcanna ne s'en rendaient compte.- Non, pas d'autres solutions, fait ce que je te dis, etexplique-leur la vie du château ainsi que toutes les pièces s'il te plait !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 6 47

Page 51: Aena, les terres de Missionnaire

Avant de partir, il ajouta :- Au revoir, et soyez au réfectoire pour 6h30 pile !Puis, Arcanna partit. Aena demanda à Kasuni, sans ton particulier :- C'est normal qu'il mélange le vouvoiement et le tutoiementparfois ?Kasuni affirma avec un sourire :- On y fait même plus attention à force !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 6 48

Page 52: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 7

La petite femme rousse leur montra le 2eme étage. Les portes défilaienttandis que Kasuni énuméraient les pièces :« Ici, c'est les thermes et les latrines. Il y a des lavoirs pour les vêtements.Ah, j'oubliais, ici, c'est le passage vers le chemin de ronde. »Et elle continuait comme ça, avec un grand sourire. Aena et Tey notaientsoigneusement chaque pièce dans leurs têtes. Ce château était tellementgrand ! Aena profita de la sympathique adolescente et commença à laquestionner :- Kasuni, attends ! J'aimerais juste que tu m'expliques à quoiservent ces amulettes !Kasuni s'arrêta et les regarda, elle chercha ses mots et dit d'une voixflûtée :- Nous recevons tous un médaillon à notre arrivée, quand nousréussissons notre « diplôme » de l'école, on nous insère sous le grand M unsaphir. Il permet d'écrire des messages codés mais je ne sais pas comment,je ne suis pas encore diplômée ; il parait qu'avec ce saphir, on peut fairescintiller n'importe quel autre médaillon, qu'importe la distance ou fairepasser des messages. Bref, ils sont vraiment utiles et facilementreconnaissables. Avec les nôtres, on ne peut que recevoir un message.Aena et Tey échangèrent un rapide regard et posèrent instantanément leurpaume sur le grand M du médaillon. Ils y discernèrent une petite encoche,de la taille d'un gravier. Ainsi, c'était la place du saphir. Aena hocha la tête,elle comprenait, ces médaillons magiques seraient d'une grande utilité !Mais comme d'habitude, elle n'était pas rassasiée en réponses.- Et comment on sait si on reçoit un message ?- L'amulette vibre, émet de la lumière où, s'il s'agit d'unmessage vocal, euh... transmet tout simplement le message.- Je crois que je comprends, fit Aena qui en fait ne voyait pasoù elle voulait en venir. Juste une dernière chose : qu'est-ce qu'ellereprésente ?

Chapitre 7 49

Page 53: Aena, les terres de Missionnaire

Kasumi ne sembla pas ennuyée par les questions d'Aena, elle débitait lesréponses à une vitesse phénoménale. Même Tey avait parfois du mal àsuivre.- Et bien regarde et penche toi bien sur ce signe, tu le vois.- Oui, répondit Aena.La jeune adolescente se pencha encore un peu plus sur l'amulette, essayantde voir si elle reconnaissait un autre signe à part le grand M central.

« Le M c'est le M des Terres de Missionnaire et si on regarde bien, ondistingue un A de travers, c'est le A de Arcanna ! »Aena remarqua le A et fit un sourire à Kasuni, elle avait au moins vraimentcompris quelque chose dans cette histoire.- Et les autres petits signes ?Kasuni comme seule réponse fit une moue tirée et répondit d'une voixenjouée :- Bon, votre chambre est là, et en face, c'est les quartiersprivés d'Aaron. La salle de détente est un peu plus loin.Aena entendait des voix venant de la chambre. Elle se rappela que Arcannaet Kasuni avaient dit qu'ils devraient partager cette chambre avec 2compagnons, mais elle ne se souvenait plus de leurs noms. Kasuni partitvers la salle de détente et leur fit un petit baiser sur les joues en guise d'au

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 7 50

Page 54: Aena, les terres de Missionnaire

revoir, faisant rougir Tey.- Bonne chance avec Ko et Nouka, je vous plains. Mais çadevrait aller, on se retrouve au réfectoire dans 3 minutes, juste le temps dedéposer vos affaires. Je vous garderais une place à une table.Tey regarda Kasuni partir puis, observa sa compagne :- Tu la trouves comment ?- Bavarde, mais sympa ! On entre ?- Les femmes en premières !Aena soupira, d'habitude, il ne lui faisait jamais de galanteries. Tey n'avaitpas grand-chose d'un gentilhomme. Rentrant dans le dortoir sans frapper, Aena fut accueillie par un criperçant :- SATAN !Elle n'eu pas le temps de voir qui criait que déjà elle se retrouvait avec uncrucifix « braqué » sur elle.- Arrière créature du démon ! Tu ne saliras pas cet endroit, quetes péchés ne passent pas le seuil de cette porte !Aena recula, mais où était-elle tombée, chez les fous ?- Mais, vous devez faire erreur, je veux juste dormir ici cettenuit ...- Ah, vous entendez ? Le mal se cache sous des airs decréatures magnifiques et innocentes, mais ce n'est que pour mieux nouspoignarder le soir !Aena n'eu pas le temps de répliquer que le jeune élève habillé avec unebure beige l'aspergea d'eau bénite. Tey bien décidé à sortir Aena de cette situation se mit devant elle,regardant avec curiosité l'homme.- Mais qu'est-ce qui se passe ?On ne lui répondit pas et lui envoya un jet d'eau bénite sur la chemise.Aena profita de cet instant pour venir à côté du moine et lui envoyer unpoing bien mérité sur le nez. Il réussit par miracle à rester debout. Unevoix grave retentit, inconnue :- Ko, va te promener s'il te plait, je m'en occupe.Ko ne demanda pas son reste et partit d'une démarche rapide, lançant desregards inquisiteurs sur les 2 étrangers. La voix sortit de l'ombre, révélant

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 7 51

Page 55: Aena, les terres de Missionnaire

un jeune homme à la peau mate et aux yeux sombre, sans pupilles avecpour seule couleur, un anneau blanc.- Je suis Nouka Crawls, qui êtes-vous et que faites vous ici,vous avez dit que vous dormiriez dans cette chambre, est-ce vrai ?Tey prit la parole :- Oui, nous sommes nouveaux, vu qu'il n'y a plus de chambreslibres, Arcanna nous a dit de venir dormir ici, juste pour cette nuit. Ohpardon, je suis Tey Quasa et voici Aena Adanis.Le dénommé Nouka ne répondi t pas , hochant jus te la tê te e ts'accroupissant dans l'ombre. Aena et Tey semblaient gênés. Nouka pritune dernière fois la parole :- Vous pouvez prendre les 2 lits superposés là.Tey prit le lit en hauteur : Aena avait le vertige. Vu qu'ils n'avaient pasd'affaires particulières, ils furent vite sans tâches. Aena décida de sortir dela chambre, elle réussit à entraîner Tey avec elle.- Je crois qu'on aurait bien besoin d'un bon bain, au moinspour qu'on soit présentable au dîner !Aena retrouva bien vite les thermes. Quand elle entra par la porte, lesodeurs l'assaillirent : une douce senteur de fleurs d'orangers et de vanille. Ilfaisait beaucoup plus chaud ici. Deux autres portes amenaient aux lavoirset aux latrines. Aena vit à sa grande surprise qu'il n'y avait personne nisous les douches ni dans les grands bassins de pierre.- Moi, j'y vais, après toi, tu fais ce que tu veux.Aena allait commencer à se déshabiller quand Tey préféra aller au lavoir :- Euh, on passe 15minutes lavoir/thermes et on change, oui ?La jeune fille haussa les épaules :- Si tu veux.

Aena enleva vite sa robe éprouvée par le voyage. Elle choisit un bassinchaud et moussant et plongea dedans. Elle ne nagea pas et se mit sous unefontaine. Elle nettoya ses cheveux et son corps à l'aide de mousse puischangea de bassin pour se rincer. L'eau plus froide du second bassin ladétendit. Elle fit la planche et se reposa quelques minutes. La visionidyllique de Tey qui portait une serviette arriva trop tôt. Aena dut sortir dubassin à contrecoeur et prit la serviette que lui tendait un Tey nerveux. Elle

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 7 52

Page 56: Aena, les terres de Missionnaire

ramassa ses vêtements sales et se dirigea vers le lavoir. La jeune fille plongea sa robe dans l'évier et se dépêcha de savonner letout. Quand elle eut fini, elle la reprit et l'essora. Mais comment avait faitTey pour qu'ils soient secs ? Il avait un pantalon et une chemise quandmême ! Aena regarda dans toute la pièce et vit une poutre où l'on pouvaitaccrocher ses vêtements. Elle mit sa tenue et attendit. Dans un grondementdu tonnerre, les tissus commencèrent à prendre feu au grand étonnementd'Aena qui cria. Elle n'avait pas d'autres choix que d'attendre. Et commentelle allait faire pour se rhabiller ?Elle s'assit, écoeurée et attendit. Quand les flammes s'arrêtèrent, elleregarda et toucha le tissu étrangement encore coloré. Elle le saisit, sa robebleue rêche était douce au toucher et la couleur semblait revivre. Elle laprit heureuse et voulut montrer se miracle à Tey. Il s'était déjà rhabiller etquand il la vit comme ça, se précipita dans le couloir :« On s'attends dans le couloir ... »Aena soupira, ils s'étaient déjà vus quand même, mais quel pudique cethomme ! Tout le contraire d'un mage de guerre viril !Elle fit une petite tête dans l'eau juste histoire de bien profiter de ces lieuxque la porte se rouvrit. Elle ne regarda même pas.« Tey, merci de patienter encore une minute s'il te plait. »Et elle se retourna ... Se retrouvant nez à nez avec Ko qui s'enfuit encourant :- SATANNNNNNNNN !Elle se dépêcha de se rhabiller et retrouva son meilleur ami Tey quil'attendait patiemment dans le couloir. Aena déclara sans prendre encompte l'événement qui venait de se passer :- Bon, on y va au réfectoire ?Tey hocha la tête et suivit l'adolescente. Après 10 minutes de recherches ardues, ils trouvèrent la cantine. Pleind'élèves de tous âges y étaient déjà rassemblés, mangeant les plats quisortaient des cuisines portés eux-mêmes par les élèves de corvée decuisine. Soudain, une vois aiguë les appela :- Aena, Tey, ouhouuuu !- On arrive ! répondit Aena qui trouva bien vite Kasuni assiseà une grande table ronde en pierre blanche.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 7 53

Page 57: Aena, les terres de Missionnaire

Tey et Aena s'assirent, découvrant 2 filles encore inconnues. Celle à droited'Aena avait de grands yeux azur et la peau verte pâle, contrastant avec sescheveux violets et sa peau légèrement humide.- Aena, tu sens bon la vanille, tu étais aux thermes ? -Kasunine lui laissa même pas le temps de répondre- Tu en as pas marre de mettrecette robe bleue, ici, ça fait un peu ... bizarre.- Et bien, je n'ai pas d'autres vêtements de rechange, réponditAena en rougissant légèrement.- Mais comment ça se fait ? demanda Kasuni, empreinte d'unviolent accès de curiosité.Aena et Tey contèrent leur histoire, ce qui les occupa bien la moitié durepas. Kasuni faillit plusieurs fois s'étrangler tellement elle riait. Cettedernière, gentille de nature, donna des vieux habits où elle ne pouvait plusrentrer. Tout le monde était content. Tous, sauf Katlyn, la seconde amie deKasuni qui était son contraire : la peau mate, de taille moyenne, unedémarche de velours souple et une allure de féline. Elle ne parlait pas etfixait Aena dans les yeux. Bien vite, un malaise s'insinua entre les 2 filles.Aena ne comprenait pas, mais Katlyn la regardait toujours avec un sourireméchant et le tatouage noir qui descendait de ses yeux à ses jouesintensifiait son regard. Chose étrange, elle semblait se « lécher lesbabines » ! Arcana débarqua dans la pièce, toisant les gens qui mangeaient enparlant. Aucun incident spécifique ne venait de se produire et lesproblèmes dans l'école se faisaient rares. Il prit la parole :« J'ai une nouvelle à vous annoncer, Aaron est parti et ... »Arcanna n'eu pas le temps de finir qu'il fut coupé par une tonned'applaudissements et de cris enthousiastes. Il attendit que le silencerevienne et reprit la parole :« Vu que c'est Aaron, il peut être revenu dans 3 heures comme dans 3 ans,donc, les cours qui auraient dû avoir lieu n'auront pas lieu, sauf certainsque je prendrai en charge moi-même »De nouveaux cris fusèrent, sous le regard un peu inquiété d'Arcanna.Aaron était détesté de ses élèves mais dans le fond, tout le monde l'aimaitbien. Seuls les petits en dessous de 10 ans étaient chagrinés, il fallait voircomment Aaron les choyaient ! Jamais on n'aurait pu croire que c'était le

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 7 54

Page 58: Aena, les terres de Missionnaire

même homme : un vrai papy gâteaux !Arcanna continua avec une dernière phrase sur un ton on ne peut plusironique :« Je sais que vous l'adorez et comme d'habitude, nous ne savons pas nonplus où il se trouve ni ce qu'il nous racontera à son retour. Sur ce, je vouslaisse manger tranquillement en portant douloureusement le deuil de notreprofesseur favori ! »Un éclat de rire se répercuta dans toute la salle et les gens passèrent audésert sous l'auspice du bonheur. Chacun parlait et riait de bon coeur. Lesflans roses et les gâteaux aux fruits bleus passèrent de mains en mains.Aena et Tey découvrirent de nouvelles saveurs avec joie. Tout étaittellement étrange ici et finalement, ce château était un vrai paradis, un peudécalé de la réalité mais pas trop mal. Elle raconta comment Ko et Noukales avaient accueillis sous les rires puissants de Kasuni qui avait pris uneteinte écarlate. Un bruit du tonnerre éclata dans la salle, faisant crier quelques jeunesenfants. Tout le monde s'arrêta, les mains moites, la sueur coulant sur leursfronts. Ce bruit n'avait rien de connaissable, un bruit étrange, tellement fortet pourtant si bref ! Même Tey tremblait légèrement, et avait lâché sa partde gâteau. Arcanna dégaina son sabre sous les regards interrogateurs desélèves. Certains sortirent leurs couteaux de dessous leurs habits etattendirent ... patiemment ...Et puis soudain, un second bruit venant d'Arcanna. Les regards setournèrent et les souffles furent brusquement coupés. Finalement, un 3emebruit, encore plus violent que les 2 autres. Aussi improbable, une silhouettesombre se dessina à côté de Tey. Aena cria et la forme menaçante bougea,elle devint plus nette et devant tous, en un instant ... Aaron apparut ! Tout le monde retenait son souffle et certains poussèrent des soupirsd'horreur.- Coucou mes amis ! Dis donc Tey, bien la balise detéléportation que tu as avalée, c'est super pratique !Le silence devint encore plus pesant sous le regard sadique d'Aaron qui sefélicitait intérieurement de sa performance. Tous les élèves reprirent leurbrouhaha en regardant Tey avec un regard noir, rempli de haine. Mais bien vite, l'attention fut portée par ce que tenait fermement Aaron

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 7 55

Page 59: Aena, les terres de Missionnaire

par le poignet : une femme ! Aaron l'emmena sur la petite estrade où avaitpris la parole Arcanna. - Voilà, vos ne pourrez plus dire que je suis le méchant Aaron : jeviens de chercher moi-même la femme de ménage que je réclame depuistans d'années. Comme quoi, on n'est jamais mieux servi que par soi même.Tey semblait « captivé » par la femme. Il tremblait légèrement maispersonne ne semblait le voir. Haletant, il épongea la sueur qui lui coulaitdu front. C'était totalement impossible ! Irréaliste, il n'y avait pas d'autresmots ! Tey eu beau se pincer, la femme resta la même sur l'estrade, toisantde ses magnifiques yeux marron l'assemblée. Sa bouche fine était un peucrispée, montrant ses dents blanches. Aena ne regardait pas. Kasuni,Michelle et Katlyn étaient absorbées par la tirade. Aaron reprit :- Et plus de corvée de nettoyage pour les élèves ! Accueillez,Naya Quasa !Tous les élèves applaudirent Aaron et ce fut l'ovation totale. Tey n'enpouvait plus et courut dans les bras de Naya en poussant un grand cri :« MAMAN ! »Tout les élèves le regardèrent, plus qu'ébahis. La situation était tellementinattendue que personne n'osait rire. Naya quand elle aperçut son fils ouvritles bras et l'enlaça tendrement :- Oh, mon Tey, j'ai eu peur, je te croyais agressé, je n'ai pascru cet étranger au début, mais maintenant... J'aurais tout fait pour teretrouver !Aaron avait un sourire satisfait sur le visage, dévisageant le duo avec uneenvie sadique. La femme mate et rondelette se tourna vers Arcanna qui luisourit. La situation était tendue et tout le monde était partagé. Le moinsqu'on puisse dire c'est que c'était une drôle de soirée. Arcanna déclara,pour détendre l'atmosphère :- Allez, tous au lit, Pfuit... ! Allez, toi là, va au lit !Tous les élèves vidèrent la salle, Aaron ne se faisait pas entendre mais ilécoutait et regardait attentivement. Tey, après avoir embrassé sa mère, dutaller avec Aena, dormir. Quand ils rentrèrent dans la chambre, Ko n'était pas là et Nouka fitcomme s'ils n'avaient jamais existés. Ils se couchèrent vite, en regardant leplafond, méditant sur les événements passés. Mais pourquoi Aaron

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 7 56

Page 60: Aena, les terres de Missionnaire

l'avait-il amenée ? Comment avait-il eu la certitude que la mère de Teypouvait travailler au château ? Il y avait quelque chose là-dessous maisimpossible de savoir quoi. Cet Aaron était trop prêt des coïncidences pourne pas faire partie du lot. Quand Aena arrêta de penser, elle remarquaqu'elle était la seule à ne pas dormir. Elle vit aussi que Ko était rentré, ilécrivait sur le bureau, toisant Aena avec des yeux malveillants. Elles'étonna, la nuit était bien avancée et lui n'était toujours pas couché. Elledécida, poussée par la curiosité de lui demander :- Mais pourquoi tu ne dors pas ?Il lui répondit d'un ton rêche :- Comment ose-tu me parler Satan ? Je ne suis pas fou, j'aibien vu ton petit jeu, dès que je m'endormirai, tu en profiteras pour meplanter un poignard dans le dos ou Pire ...Aena n'eu pas le temps d'entendre la fin de ses mots qu'elle s'endormit,épuisée par la journée.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 7 57

Page 61: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 8

La lumière du soleil filtrait par les rideaux, éclairant le dortoir. Aena clignades paupières et se leva. Ko dormait, la tête sur le bureau en ronflantlégèrement. Le sommeil avait eu raison de lui. Aena eu une très bonneidée. Elle s'habilla et se dépêcha de faire sa toilette. Aena réveilladoucement Tey et lui intima l'ordre de ne pas faire de bruit. La jeune fillealla au bureau où Ko dormait. Elle le regarda. Hier, il lui semblait qu'ilécrivait très tard et sur le bureau : rien. Elle rechercha doucement dans lestiroirs, rien non plus, tout était complètement vide ! Elle aurait dû quandmême trouver quelques fournitures de bureaux mais c'était le néant total.Tout pour le moins étrange. Elle réussit quand même à trouver un bout depapier et prit l'encrier de Ko et marqua en lettres grasses : « Alors, t'ai-jepoignardé ? De Satan ». La jeune fille se dépêcha de sortir. Quelamusement. Elle imaginait avec délice l'instant où Ko se réveillerait. Tey la rejoignit bientôt et après avoir déjeuné, ils allèrent se promenerdans la basse-cour. La journée était magnifique et l'air frais. Rester àl'intérieur était la dernière chose à faire. Ils s'assirent à un banc et parlèrentpeu, préférant respirer l'air doux de la matinée. Soudain, les médaillons semirent à briller à l'unisson. Aena et Tey ne comprirent pas, c'était donc çaun « message » ? Mais comment fallait-il faire pour répondre ? Teypaniquait et cacha l'amulette dans sous sa chemise pour ne pas attirerl'attention. Déjà plusieurs enfants s'étaient retournés en voyant la lumière.Aena fit de même avec un sourire gêné. Ils attendirent au moins 10 bonnesminutes le temps que l'amulette redevienne comme avant. Et alors qu'ilssoupiraient de soulagement, Kasuni s'asseya à côté d'eux. Elle avait lescheveux mouillés et sentait bon la fleur d'oranger. Elle était allée auxthermes !- Alors, ça va ?- Pas mal et toi ?Et la discussion commença comme ça, sur un ton détendu. L'affaire duMédaillon semblait avoir disparu des esprits. Kasuni leur parla de la

Chapitre 8 58

Page 62: Aena, les terres de Missionnaire

chambre qui s'était libérée devant le bureau d'Arcanna au 3eme étage. Les2 garçons qui y dormaient s'étaient répartis sur d'autres dortoirs ; ils nepouvaient plus se supporter. Raison de plus pour la demander. Vivre neserait-ce qu'une semaine avec Ko pourrait devenir compliqué ! Aenaaffirma à Kasuni qu'elle la demanderait sans problème. Mais ils changèrentbrusquement de sujet ; et ce fut évidement Kasuni qui le lança :- Vous savez qu'un groupe va partir pendant une semaine poursécuriser les frontières nord-est du royaume, un grand groupe de Barbaresà été aperçu par Olaf, le messager/éclaireur de l'école.- Sécuriser les frontières contre les Barbares ? C'est nouveauça ! s'exclama Aena.Kasuni eut du mal à comprendre :- Quoi ? Non, ce n'est pas nouveau, c'est le travail principal deMissionnaire. J'avoue Aena que j'ai du mal à comprendre le fond de tapensée !Aena voulut répliquer mais la voix d'Aaron la stoppa, il criait :« Mais bon sang, ça fait 20 minutes que je vous attends à l'arène pour votrepremier cours ! Mais qu'est-ce que vous fichez, si je vous trouve, je vousétripe vivant ! »Tout le monde s'était retourné et dévisageait Aena et Tey qui seprécipitaient vers l'arène. Kasuni lança une dernière phrase :- On se retrouve ici après ... si vous êtes encore en vie !... Ils se dépêchèrent d'entrer dans la fosse où se tenait Aaron ; furieux. Illes regarda méchamment et les emmena dans l'armurerie. C'était unegrande pièce où les armes, armures et autres étaient entreposées. Il y enavait partout, sur les murs, par terre, sous les étagères !- Pourquoi vous n'êtes pas venus bon sang quand je vous aiappelés la première fois ?- Vous ne nous avez pas appelés ! Se défendit Aena.- Arrête de mentir, je déteste ça... sauf quand c'est moi qui lefait !...Tu devrais avoir honte ! Les médaillons sont infaillibles !- Mais, ils se sont juste allumés, dit Tey avec une petite voix- Hein ? Mais c'est ça, bien sûr que je vous ai appelés !Pourquoi vous n'êtes pas venus alors ?- Mais on ne pouvait pas savoir pourquoi la lumière clignait !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 8 59

Page 63: Aena, les terres de Missionnaire

répondit Tey avec une voix mal assurée.- Et mais attends, tu te moques de moi là ! Tu ... Eh, attends,vous savez décoder le morse ?Aena et Tey se regardèrent. Mais que chantait le vieux ? Aaron se ravisa etposa une main sur chacune de leur tête :- Bon, je m'excuse, je pensais que je vous avais déjà appris àdécoder le médaillon. Je n'ai pas le temps là, je vais vous l'insérez dans latête, il grogna, mais ça va me faire perdre de la magie ...Une lueur verte sortit de sa main et sembla englober les 2 adolescents,formant des flocons verdâtres qui volaient tout autour d'eux. Quel beauspectacle, mais hélas, il ne dura pas longtemps. Aaron leur désigna lesarmes :- Cherchez une épée, je vais voir ce que vous valez !Ils s'exécutèrent. Tey ramena une épée on ne peut plus simple, avec unmanche dorée et des inscriptions elfiques et Aena une trop lourde pourelle, avec non pas une lame mais 4 ! Une arme magnifique, tranchantecomme un rasoir. Aaron en voyant ça soupira ; c'étaient vraiment desdébutants :- Magnifique épée d'apparat Tey, mais que feras-tu en combatquand tu verras qu'elle ne coupera pas ? Et toi Aena, arme efficace pourdécapiter mais elle ne sert à rien si on ne peut même pas la soulever ! C'estbien ce que je pensais : des purs débutants ! Prenez ça !Ils leurs jeta 2 bâtons de combats. Celui de Tey était plus élaboré, pourcause ; Aaron expliqua qu'il n'arrivait plus à mettre la main sur les plussimples car il travaillait en ce moment sur les feux imaginaires et lesdébutants n'arrivaient qu'à faire du vrai, brûlant au passage les bâtons debois.- Bon, on y va ?Ils revinrent dans la fosse. Le sable les empêchaient de bien se mouvoir etAaron devait sûrement être un féroce adversaire. Tey admirait son bâton :il était fait en un métal argenté et luisant, poli avec amour. Il était trèsconfortable et était richement décoré avec des formes féeriques. Aena avaitnettement moins de classe avec son simple bâton de bois. Aaron répliqua :- Tey, au lieu de contempler ton bâton de combat,attaque-moi !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 8 60

Page 64: Aena, les terres de Missionnaire

- QUOI ?! Tey venait de crier, pris au dépourvu.- Ben attaque-moi ! Sinon je te jette une malédiction ! Je n'aipas que ça à faire, moi !Tey, mollement, bondit sur Aaron, son arme devant lui. Aaron le repoussafacilement :- Je crois qui si tu le tenais comme ça se serait mieux ! Prendsnotes Aena ! A ton tour fillette ! Et TRES fort !Aena ne se fit pas prier, comment avait-il osé l'appeler fillette ? Elle se jetasur lui mais au dernier moment, sauta de côté et essaya de lui mettre uncoup dans le dos. Il n'avait même pas bougé et attrapa à une seule main lebout de bois, entraînant la jeune fille dans le sable :- Bon, regardez, pour parez, vous faites comme ça, le bâton unpeu penché et devant vous. Et vu vos performances minables, je crois quevous devriez attaquer à 2 ! Allez, du nerf !Aena bizarrement sauta la première sur Aaron, Tey ne comprit pas et restaderrière. La jeune adolescente se retrouva hors-jeu aussi vite qu'elle étaitpartie. Tey s'avança doucement vers son professeur, le bâton devant lui.Aaron sourit et frappa dans ses mains en guise de mini applaudissement.Son élève, aussi gauche fut-il prenait en compte ses leçons. Aaron, attendant un coup de Tey qui ne venait pas se lança versl'adolescent. Tey réussit facilement à éviter le coup lent qui n'avait commebut que de le réveiller. Aaron se retourna et fit signe à Tey de l'attaquer. Lejeune adolescent réagit très vite et fit semblant d'attaquer, mais au derniermoment para en mettant tout son poids dans le bâton. Aaron, n'attendantpas cette réaction de son élève et désireux de montrer à ce dernier qui étaitle plus fort lança son épée avec le plus de force possible ; elle rencontra unmur de fer vertical. Le pauvre Aaron ne put qu'être déstabilisé par cetteparade pour le moins inattendue. Sous les huées des gens dans les tribunes.Ils acclamaient Tey de leurs cris et on pouvait aussi les entendre dire :- Le matou au poteauuuuuuu !Aena demanda :- Le matou ? Mais c'est qui ?La foule continua ses cris de rage sans que personne ne réponde à la jeunefille. Elle se dit donc qu'Aaron devait être le matou. Elle se concentra sur lecombat et acclama également son ami. Elle s'assit ensuite dans le sable. Au

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 8 61

Page 65: Aena, les terres de Missionnaire

fond d'elle, elle admirait Tey pour cette bataille sans équivoque et d'unautre côté elle le jalousait. Il avait mieux fait qu'elle. Elle se battait contreça, c'était un sentiment ignoble qu'elle rejetait, elle n'était pas comme ça etvoulait qu'il gagne. Il maniait le bâton comme s'il avait déjà combattu. Cen'était pas glorieux mais il réussissait à parer certains coups malgré le faitqu'il en avait déjà pas mal supportés ! La foule se mit à hurler. Un rebondissement venait d'avoir lieu ! Teyvenait de feinter au dernier moment et avait fracassé son arme sur l'épauled'Aaron. Aaron s'arrêta et reprit le combat ; il se déplaçait avec plus derapidité et sa stratégie était plus offensive qu'avant. Apparemment, il étaitpassé à la vitesse supérieure. Tey n'attaquait presque plus, il étaittotalement submergé par les attaques d'Aaron. On voyait bien qu'il cédaitdu terrain à son adversaire. Aaron souriait de toute sa bouche, heureuxd'avoir montré à tout le monde qu'il était encore capable de prendre ledessus sur ses élèves. Le silence se fit sur la salle. Tout le monde retenaitson souffle ... Aena regarda le combat. Puis, comme si la foudre l'avaitfrappée, elle fut paralysée. La réalité bascula et tout devint flou. Et elle sevit alors plaquer Aaron au sol et lui mettre victorieusement son bâton sousla gorge. Tout redevint flou et elle se retrouva à regarder Tey et Aaron quise battaient sous le silence des élèves. Une douce certitude l'envahit ; ellevenait d'avoir une vision et savait que Tey gagnerait ! Brisant le silence,elle cria :- Tey, courage !!!Certains furent surpris mais pas Aaron. Il donna un violent coup avec lepommeau de son épée. Tey n'arriva pas à retenir un gémissement dedouleur sous les cris de la foule. Il recula encore et heurta le mur avec sondos. Le combat allait se finir et il allait perdre. Il essayait de gagner dessecondes en parant avec force. Aaron se délectait de voir son ennemifaiblir. La foule restait plus ou moins silencieuse et beaucoup étaient déjàpartis. Sachant d'avance l'issue du combat. Tey arrêta tout et attendit lecoup qui l'amènerait à la défaite. Aaron, poussé par son orgueil démesurés'exclama haut et fort :- Alors, tu fais quoi maintenant ? Tey lui répondit avant mêmela fin de la phrase :- Ca !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 8 62

Page 66: Aena, les terres de Missionnaire

Dans un dernier élan, Tey s'accroupit et lança son bâton dans le ventrede son adversaire. Sous la douleur qui lui irradiait l'abdomen Aaron lâchason épée. Il s'effondra ensuite au sol, déstabilisé. Tey, surpris par cetteheureuse tentative ne sut pas qu'il avait gagné. Aena, poussée parl'euphorie du moment plaqua Aaron dans le sable et s'assit sur son ventre.Pointant une extrémité de son bâton sur la gorge du professeur. Tous lesélèves dans la salle crièrent en agitant les bras. Mais Aaron, pris d'un accèsde rage roula sur le côté et envoya un poing en direction d'Aena. Elle lereçut en plein visage et entendit son nez craquer. Il la jeta dans le sable entendant victorieusement le bâton d'Aena vers le plafond :- Quoi ?! vous n'y avez quand même pas cru ! A votre âge,prendre encore vos rêves pour des réalités ! Vous devriez bosser plus aulieu de flâner dans les tribunes !Les gémissements d'Aena mirent cette fois-ci vraiment fin au combat. Lesgens se dispersèrent, déçus. Aaron ne pouvait pas perdre, il s'était justelaissé battre. S'il avait combattu à pleine puissance, Tey n'aurait pas tenuplus de 5 minutes ! Aaron prit Aena par les épaules et la releva. Laissant découvrir un nezensanglanté. Pour seule émotion, il laissa échapper un petit « oups ». Ilserra les dents et prit Aena, la mettant sur son épaule en bougonnant desdirectives :- Tey, reste ici, je vais l'emmener à l'infirmerie.Il transporta Aena jusqu'a l'escalier, elle était turbulente et ne se laissait pasporter. En même temps, du sang coulait de son nez et laissait une longuecoulée sur le sol. On pouvait les suivre à la trace.« LACHE MOIIIIIIII JE NE VEUX PAS ETRE PORTEE ! »Elle tapait tellement des pieds et des mains qu'au passage des gens, ils seretournaient en regardant l'élève blessée. Aaron grognait plus fort et il n'eupas le temps d'arriver au premier étage qu'Arcanna arriva du couloir,pressé. Il regarda le carnage et soupira. Premier cours avec Aaron et déjàles ennuis qui commençaient !- Qu'est-ce que t'as fait encore ?Aaron prit un air étonné :- Moi ?! Mais rien voyons !- Alors pourquoi elle crie et perd son sang ?

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 8 63

Page 67: Aena, les terres de Missionnaire

- Oh, rien qu'un petit coup de poing sur le nez, un tout petit !Ce que c'est sensible les filles !Arcanna prit Aena et la déposa au sol et dit à Aaron :- Va chercher Naya pour nettoyer, je m'occupe d'elle.Aaron, tout joyeux d'être débarrassé de cette corvée se dirigea vers leréfectoire. Peut-être la trouverait-elle là-bas ! Arcanna, curieux emmena lajeune fille à l'infirmerie. La vaste pièce blanche et lumineuse offraitplusieurs lits. Vides aujourd'hui. Ainsi que d'étranges potions etpansements éparpillés sur les étagères. Il la déposa gentiment sur un des lits et s'assit à ses côtés. Il lui souritaffectueusement. Elle regarda ses yeux. Elle les avaient déjà remarquésdepuis le début ; d'un bleu profond et scintillant. Plus beaux qu'une nuitparsemée d'étoiles. En voyant la jeune fille le regarder de cette manière, iltourna la tête, gêné. Il n'en était que plus beau, des mèches immaculées luibarraient délicatement le front. Tout cela ne s'était passé qu'en quelques secondes. Il prit son pouls en lajaugeant. Puis, il passa ses mains sur le corps de la jeune fille pour vérifiersi Aaron n'avait rien cassé d'autre. Même si Aena n'avait mal qu'au nez. Ilse leva et parcourut la pièce des yeux. Aena lui demanda, d'une voixdouce :- Que cherches-tu ?Il lui répondit avec son habituelle voix lente et rassurante :- Des pansements et une potion anti-douleur.- Mais, tu ne peux pas me soigner par magie ?Il lui répondit, sans marque d'énervement :- Tu sais, nous ne pouvons pas utiliser la magie pour tout,nous n'avons pas une réserve de mana illimitée. Imagine que la magie estdans notre corps dans une certaine proportion. Si tu l'utilises, elle part. Etquand il n'y en a plus, ben, c'est la panne. Tu ne pourras plus utiliser lamagie avant quelque temps et sera très fatiguée.Aena continua, curieuse :- Mais, comment on sait combien il nous en reste ? Etcombien il faut attendre de temps ?Arcanna revint avec des pansements et une fiole argentée :- Tu le sens instinctivement, je ne peux pas te l'expliquer. Tu

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 8 64

Page 68: Aena, les terres de Missionnaire

le sens et c'est tout. Et pour le temps, ça dépend des gens ; Aaron arrive àse régénérer une bonne moitié en quelques heures. En fait, il n'a pastellement de magie en lui mais elle se régénère très vite. Généralement, jedirais que la moyenne est de 24 à 48 heures. Ouvre la bouche !Aena l'ouvrit sans faire de commentaires. Elle sentit les doigts d'Arcannapasser sur ses lèvres délicatement. Quelle douce caresse ! Il sembla ydéposer du liquide. Puis, il rentra ses doigts dans la bouche de la jeune filleet y plaça quelque chose derrière une de ses molaires. Il s'essuya les mainset ouvrit la fiole tandis que la jeune fille touchait avec la langue l'étrangeobjet. Ça avait une forme carrée et était aussi lisse que la pierre ; mais àchaque fois que la jeune fille enfonçait la langue à l'intérieur, du liquideamer en sortait. Elle voulut l'enlever : quel goût horrible ! Mais il la retint.- Non, n'enlevez pas la pierre de Fandyr, c'est un puissantantiseptique qui te protégera des inflammations et des infections. Bon, c'estvrai, ç'est délicieux, mais quand même...- Je n'avais jamais entendu parler de ça, mais qu'est-ce quec'est vraiment ?- Oh, rien que des algues venant des mers du Sud et qui enmourrant forment une pierre.Elle acquiesca. D'habitude, ce genre de conversation l'aurait énervée etennuyée mais avec Arcanna, tout semblait si ... différent. Il donnait l'enviede savoir, de découvrir. En fait, Aena remarqua qu'elle buvait le moindrede ses mots. Le jeune directeur lui tendit la fiole en souriant. Elle l'avala d'une traite,se préparant à un goût peut-être pire que la pierre de Fandyr. Mais non, laboisson laissa derrière elle un parfum de fleur dans sa gorge. Et quand elleparlait, une agréable odeur flottait autour d'elle.- Ca sert à quoi cette potion ?- Nectar d'ambroise. Pour éviter les hématomes et lescourbatures. Utilisé aussi pour soigner la gueule de bois.- Alors c'est pour ça la bonne odeur ?- Oui !Ils rirent aux éclats. La situation de son nez stagnait, bien qu'il ne saignaitet ne faisait plus mal.- Et maintenant, tu fais quoi ? demanda l'adolescente avec une

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 8 65

Page 69: Aena, les terres de Missionnaire

voix malicieuse.Comme seule réponse, il apposa sa main droite sur le front d'Aena. Il avaitrapproché son visage du sien. Ils se regardaient les yeux dans les yeux. Etalors il s'approcha encore, vraiment trop prêt. Tellement qu'elle sentit sonsouffle dans ses cheveux et ses lèvres frôler les siennes. Quel délice. Ellefrémit et ne put que faire un mouvement de recul. Elle s'aperçut alors qu'ilavait fermé les yeux et suait abondamment. Il se leva, tremblant commeune feuille, ses pupilles dilatées. Aena regardait sans comprendre. Il se retourna et respira ; revenant devant elle. Il était exactement pareilqu'avant, aucun signe de tremblements. Aena secoua la tête, ses breuvagesl'endormissait et la faisait halluciner. Elle rougit violemment : imaginerson directeur l'embrasser. Mais redescend sur Moona Aena, il est beaumais il y a une barrière entre élèves/professeur !!! Il apposa sa main sur son front et une paisible lumière bleue éclaira lapièce. De petites paillettes d'or voletaient au-dessus des paupières de lajeune fille. Elle sentait de la chaleur inonder son visage et plusparticulièrement son nez. Quand les paillettes et la lumière disparurent, ellecomprit : il l'avait soignée !- Je crois qu'on nous attend à l'arène ; hâtons-nous !- Au fait, je peux avoir la chambre en face de ton bureau ?

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 8 66

Page 70: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 9

Tey regarda Aaron emmener Aena à l'infirmerie. Ils disparurent au bout ducouloir, sans laisser de traces. Les élèves qui avant l'acclamaient dans lestribunes ne le regardaient même plus. Mais Tey ne s'en préoccupait pas. Ilfit comme Aaron lui avait demandé : ranger les armes et l'attendre. Et ilresta pendant une bonne demi-heure seul. Il s'assit sur la dernière marche des tribunes, les pieds dans le sable.Soupirant d'ennuis. Il ne parlait pas, personne ne faisait attention à lui. Ilréalisa alors que sans Aena, il n'était pas grand-chose et promena sonregard dans la salle. La grande fosse était vide et on voyait encore du sablerouge de-ci, de-là. Il faisait chaud et les gens, nombreux qui passaientn'arrangeaient pas le phénomène. La lourdeur de l'air l'acheva. Il se couchaentièrement sur la marche en regardant le plafond en forme de dôme. Quelennui ! Aena avait juste le nez cassé, Aaron aurait pu la soigner tout desuite, pas besoin d'aller à l'infirmerie ! Le carillon du château sonna ;11heures, déjà ?! Aaron ne venant toujours pas, Tey se leva et inspecta les environs. Maisoù était-il encore passé ? Il se souvint que Kasuni leur avait dit de reveniraprès le cours. Mais depuis le temps, elle ne devait plus attendre sur unbanc. Elle était assurément retournée à ses occupations. Il la chercha quandmême du regard, au cas où... Il la repéra sans trop de mal dans les tribunes,discutant avec d'autres élèves. Il lui cria :- Kasuni, vient !- J'arrive ! lui répondit-elle. Quand elle fut à côté de lui, elle félicita sa dextérité au combat et fut trèsétonnée quand il lui dit qu'il n'était qu'un débutant.- Tu as trouvé ton arme fétiche, c'est sûr ! Tu te bats commeun dieu avec un bâton. Arme assez rare ! Encore... quelqu'un qui se batavec une lance comme Sin ...mais avec un bâton.... C'est trop la classe !- Merci Kasuni. Au fait, tu ne sais pas où est Aaron ? Il esttoujours avec Aena ?

Chapitre 9 67

Page 71: Aena, les terres de Missionnaire

- Ah, je viens de le voir au réfectoire, en train de parlerlonguement avec Naya. Ils avaient l'air de dire quelque chose de trèsimportant. Elle lui a dit quelque chose et il a répondu qu'il avait déjà desdoutes mais que maintenant il en était sûr. Il a aussi ajouté : mais quellegalère ! Et après il m'a vu et se sont tus. Par contre, je ne sais rien surAena, elle n'était plus avec ! Tey bougonna :- Je crois qu'il m'a oublié.- Ça lui arrive aussi parfois. Enfin, après ce combat, j'en doute.- Bon, c'est tout, je vais attendre qu'Aaron revienne. On se voitau réfectoire après ?- Oui.Et c'est sur ces derniers mots qu'ils se séparèrent. Ni Aaron ni Aena n'étaitrevenus. Le jeune adolescent s'impatientait. Il se dit qu'après tout ce temps,il avait bien le droit de vagabonder. Aaron ne reviendrait sûrement plusavec Aena. Tant pis pour eux !Tey observa la pièce et découvrit une porte que personne ne prenait,menant vers la partie gauche du château. Inaccessible depuis la cour ! Ildécida de rôder vers cette mystérieuse porte. Mais que contenait cette ailedu château ? Il remarqua alors un jeune elfe noir qui regardait avec un intérêt toutparticulier la phrase « Salle du conseil, entrée privée » placardée en rougesur la porte. Le petit garçon devait avoir 2, ou 3 ans de moins que lui. Il sesouvint l'avoir déjà vu dans un quelconque couloir, une fois ou deux. Maisil ne le connaissait pas. Un grognement sourd l'interrompit dans sa contemplation. Il se retournaet se retrouva nez à nez avec un tigre blanc aux babines retroussées. Letigre avait un pelage immaculé et le noir de ses rayures contrastaitétonnement avec ses yeux bleus. Tey balbutia quelques paroles :- C'est un tigre ... blanc ?Une voix lui répondit :- Oui, un vrai et Il m'obéit.Tey se retourna, la personne qui lui parlait n'était autre que l'elfe noirdevant la porte.- Mais qui es-tu pour avoir dressé une espèce aussi

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 9 68

Page 72: Aena, les terres de Missionnaire

légendaire ? Je ne croyais pas que les tigres blancs existaient ! Et il estnormalement impossible d'en domestiquer un !- Je suis Arman Aldarane, j'ai été abandonné devant la portede l'école à ma naissance avec comme seule signe de ma famille, montigre : White Spirit.En entendant son nom, le félin leva la tête vers Aldarane qui le caressa. Letigre se coucha aux pieds de son maître et commença à ronronner. Puis, illeva les pattes, comme les chiens qui voulaient des caresses. Il n'était pasméchant du tout, Aldarane non plus d'ailleurs ! L'elfe noir aux yeux rouges fit un signe de tête à Tey vers la porte de lasalle du conseil :- A ton avis -comment tu t'appelles déjà ?- Qu'est-ce qui peutavoir derrière cette porte ?- Mon prénom c'est Tey. Ben la salle du conseil, pardi !Aldarane soupira :- Je l'avais deviné tout seul ! Mais j'ai trop envie de voir cequ'il y a dedans !- Ca tombe bien, moi aussi ; on y va ? Je m'ennuie, Aaron m'aoublié.Aldarane le toisa, étonné :- Oublié ? Hou, c'est mauvais signe ! Je crois que c'est unebonne idée d'entrer, mais c'est interdit aux élèves !Tey dit négligemment :- Ben, comme dirais ma mère : pas vu pas pris ! Et ça doitvaloir vachement le coup !Aldarane fit mine de réfléchir et lui répondit :- C'est d'accord ! Je suis trop curieux pour rester à attendre ! Les 2 jeunes hommes vérifièrent d'abord qu'aucun élève ne lesregardaient. Heureusement, le combat entre 2 diplômés les occupaient. SiTey n'aurait pas été là, il aurait adoré regarder les 2 guerriers. Ilss'envoyaient des pics de glaces, essayant de s'empaler avec leurs lances etne manquaient pas d'imaginations ! Aldarane et Tey rentrèrent dans lapièce à la vitesse éclair. Ils refermèrent la porte derrière eux et inspectèrentles lieux. La pièce était vaste et une immense table en prenait plus de la moitié.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 9 69

Page 73: Aena, les terres de Missionnaire

Aux murs étaient accrochés des boucliers, des épées, des lances et deshaches. Toutes des armes magnifiques ! Une statue trônait à une extrémitéde la pièce. Le plafond était en ambre la plus pur ! Tey aussi ébahiqu'Aldarane s'exclamaient en coeur :- Trop classe !Tey vit alors un bout de papier portant le sceau de Missionnaire. Pris decuriosité, il regarda la missive et la lut à voix haute, sans complexes :« Grand Empereur Quark, je sais que vous avez envoyé des espions dansmon école pour me surveiller, je ne suis pas dupe ! Olaf laisse souventtraîner ses oreilles dans vos couloirs lorsqu'il apporte mes missives.Comme votre messager d'ailleurs ...Je ne les ai peut-être pas encore démasqués mais je vous jure que je vaismettre Aaron à enquêter sur leurs cas. Car, pour bien espionner, il fautêtre 2 ! Telle est la règle !Je vous fais le serment qu'ils seront éradiqués avant Noël ! Soyez en sûr !Sur ce, je vous laisse ; et si vous essayez encore de m'en fourguer, je rompsnotre contrat de sécurisation des frontières !Laurias Arcanna ; directeur de l'école et des Terres Indépendantes deMissionnaire »Plus loin, Arcanna signait et Aldarane lut à son tour un post-scriptum toutaussi joyeux.« P.S. : Je vous rappelle que les espions à mon compte son toujours envie. Vous avez donc 3 morts sur la conscience. Ajoutés à tous les autres quisont pendus et assassinés, nous avons un total de 22 ! Vos services secretsne sont vraiment plus ce qu'ils étaient au temps de votre défunt père. » Tey se mit à rire. Arcanna était vraiment fort ! Provoquer l'empereur dela sorte ! Il aurait adoré voir la tête de Monseigneur Quark ! Aldarane, lui,paraissait plus soucieux.« Ainsi, les rumeurs concernant 2 espions étaient fondées ! Je n'y avais pascru ! A présent, je ferai attention à ce que je dis ! » Il regarda Tey d'un regard suspect :- Dis, t'es pas un espion ?- Non, pourquoi ?

- Comme ça ...

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 9 70

Page 74: Aena, les terres de Missionnaire

Le silence du lieu fut troublé par un grognement de White Spirit. Letigre blanc se jetait avec avidité sur les pauvres coussins. Les plumesvolèrent bientôt, sous les rires des 2 adolescents. Tey se saisit alors d'uncoussin éventré et le jeta sur Aldarane. La salle fut inondée de ‘neige'blanche. Le tigre s'en donna à coeur joie avec les 2 adolescents. Il sauta surTey, l'immobilisant tandis qu'Aldarane lui assenait des coups de coussins.Le jeune homme réussit néanmoins à tirer sur l'édredon que tenaitAldarane et à le mettre à terre. Leurs assauts puérils furent interrompus parAaron, le visage dur. Aldarane et Tey se remirent instantanément debout. Ils avaient peur.Qu'allait bien pouvoir leur faire faire le vieux ? Surtout qu'il allaitobligatoirement se venger sur Tey à cause du combat. Ils baissèrent enmême temps la tête. Même White Spirit semblait se baisser devant le géantde pierre.« Mais c'est quoi ce bordel ! Grouillez vous avant qu'Arcanna débarque ! » Voyant que les 2 adolescents ne se bougeaient pas, Aaron les empoignaet les mit comme des sacs de patates. Un sous chaque bras et partit enforçant le pas. Le tigre suivait docilement en regardant avec de grandsyeux inquiets son maître, ballotté dans tout les sens.- Hé, mais pourquoi vous faites ça ? crièrent Tey et Aldaraneen choeur.- Je vous sauve la vie ! Si Arcanna nous voit, on devranettoyer !- ...Aaron longea la fosse sableuse et tourna pour monter au premier étage. Iln'avait même pas pris la peine de refermer la porte ; déjà, les gensaccouraient, regardant avec curiosité les plumes blanches qui voletaientjusque dans l'arène ! Les 3 compères n'étaient pas très discrets avec des‘flocons' pleins les corps. Mais il faudrait s'en contenter ! Il voulut tourner pour arriver devant l'escalier mais il rentra de pleinfouet dans Aena, suivit d'Arcanna. La petite ne les avait pas vus à cause del'angle du mur et Aaron avait tout juste bougé. C'était Aena la plus àplaindre. Son nez saignait de nouveau abondamment, même pire. Sa lèvresupérieure éclatée ne faisait pas beau à voir. Elle pâlit et faillit s'évanouirquand elle vit le sang qui tombait en flots avant qu'Arcanna ne la

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 9 71

Page 75: Aena, les terres de Missionnaire

soutienne. Le directeur entendit alors les cris des gens dans la salle del'arène et vit alors la porte de la salle du conseil ouverte. La pluparts'amusaient à regarder dans la salle et à attraper au vol les plumesblanches. Arcanna regarda ensuite Aaron, Aldarane et Tey, blancs de latête aux pieds. Puis son regard alla jusqu'à Aena qui ne disait rien ; le nezet la lèvre en morceaux ! Il entra dans une colère monstre et leur hurladessus :- JE NE PEUX PAS VOUS LAISSER UNE MINUTESEULS ! VOUS ALLEZ ME RANGER CE BORDEL ! SANS MAGIE,SANS BALAIS ! VOUS AVEZ QU'À LES BOUFFER VOS PLUMES ! Tey et Aldarane étaient pâle : il y allait en avoir jusqu'à 3 heures del'après-midi ! Aaron restait stoïque, comme à son habitude. Il regardaitArcanna dans les yeux et soupirait d'ennui devant sa tirade. Le jeune directeur, à bout de souffle et en manque de patience prit Aenapar le poignet et remonta les escaliers pour aller à l'infirmerie.- Je vous préviens ! Vous devez aussi nettoyer le sang avec lalangue !Aaron répondit d'un ton glacial :- Eh... mais il ne faut pas pousser non plus !

***

Arcanna revint avec une pierre de Fandyr dorée, une potion anti-gueule debois et un baume de couleur rouge. Il posa le tout aux côtés de la jeunefille et elle ouvrit la bouche en retenant des cris :- Pas cette fois, je te passe la crème sur les lèvres d'abord !Il prit le baume et se dépêcha de s'en appliquer sur les doigts. Il les passaensuite sur les lèvres de la jeune fille. Elle se retint de ne pas hurler etserrait les dents. Le jeune homme avait du sang sur les doigts, il les essuyavite fait et attendit une minute, le temps que la crème agisse. Le sang arrêta de couler et Aena sentit qu'elle souffrait beaucoup moins.Elle essaya de bouger les lèvres mais peine perdue ! Arcanna passa alors lapierre de Fandyr sur la bouche d'Aena. Le liquide amer lui brûlait les tissuset quand il l'a lui eu mise derrière une de ses molaires, elle grimaça. Elle se demanda s'il allait de nouveaux utiliser la magie ? Allait-elle

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 9 72

Page 76: Aena, les terres de Missionnaire

avoir une autre hallucination ? Il s'approcha d'elle doucement et tout sefloua ...« Aena se voit se réveiller à ses côtés, il l'embrasse et commence à luiparler sur un ton très sérieux. La jeune fille se crispe dans ses bras etcommence à hoqueter. Aena sort de la chambre en courant, elle hurle, ellepleure, elle souffre. Elle s'arrête dans un couloir, nue et attend contre lemur froid ; déchirée ... » Sa vision se floua de nouveaux mais au lieu de réintégrer la réalité, lajeune fille revoit la chambre d'Arcanna.« Arcanna est tout seul, triste. Il s'en veut et on voit que des larmes ontcoulées. Il prend alors une missive et la cachette. Puis, regarde la voyantedans un coin sombre de la pièce ... » Aena revint à elle. Elle avait l'impression d'avoir dormi plusieurs heures.La lumière et la blancheur éclatante de la pièce lui faisaient mal aux yeux.Elle cligna des paupières et se crispa. Arcanna posa sa main sur le front dela jeune fille et cette fois encore, les flocons bleus virevoltèrent autour deses yeux. C'était toujours aussi magnifique ! Elle se rappela : pourquoi en sa présence voyait-elle des chosesbizarres ? Etait-ce normal ? Tey pouvait peut-être le faire lui aussi ! Maiselle ne comprenait pas pourquoi elle le voyait lui ... Elle l'embrassait, dansle même lit. Il avait dû se passer quelque chose avant ; et cette lettre après.Ils semblaient tous deux littéralement déchirés. La lettre était la raison ?Etait-ce ce qu'il lui avait dit ou autre chose ? Et la question la plusimportante : ses visions se réaliseraient-elles un jour ? Aena savait qu'elle ne saurait probablement pas les réponses, sauf si ellevivait elle-même ces visions ! Plus tard, la jeune fille, en pleine forme, rejoignit Kasuni au réfectoire.Tey et Aldarane nettoyaient toujours. Elle mangea tranquillement enracontant ses péripéties à son amie. Elle ne fit pas mention de ses visions.Seul Aaron pourrait vraiment lui dire de quoi il s'agissait.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 9 73

Page 77: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 10

Le lendemain, Aena et Tey furent interrompus en pleine conversation parAaron. Conformément au message de leur médaillon, ils allèrent à l'arène.Aena repéra sans problème Aaron qui envoyait un diplômé menaçant dansle sable. Le jeune homme repartit dans les tribunes en boitant. Aaron sereleva et les toisa, la mine satisfaite. Comme pour les impressionner, ils'étira. Ses os craquèrent légèrement et il s'avança vers eux avec un regardvainqueur. Tey se pencha vers Aena et lui souffla au creux de l'oreille :- Je crois qu'il veut me montrer qu'il est plus fort ! Ilfanfaronne le vieux !Aena sourit à Aaron qui se stoppa devant les 2 élèves. Le professeur lançaun regard meurtrier à Tey et lui tendit le bâton de la veille. Il enchaîna :- Petit rappel : j'entend tout ce que vous dites. Mais quandl'aurez-vous compris ?Il se retourna et regarda ses pieds avec grand intérêt :- On est déjà en plein milieu de l'année. Vous venez à peined'arriver et vous devrez avoir les mêmes compétences que les élèves devotre âge. L'écart est grand mais j'ai foi en vous. Vous devrez vousentraîner 4 fois plus que les autres, autrement dire : 6 heures minimum parjour à l'arène.Aaron se frotta les mains avec un air enthousiaste :- Aucun doute, nous nous verrons souvent ! Tiens Tey, côtécombat, tu n'as rien à envier aux autres ! Tu as presque le bon niveau. Tuas une rapidité phénoménale. Un instinct bien dosé. Mais aucunetechnique. Tes coups sont rapides : c'est ta force, mais désordonnés ! Tufrappes au hasard. Sans bien savoir jauger ton adversaire. Ne t'inquiète pas,je veillerais personnellement à ce que ton enseignement soit stricte etéducatif !Tey soupira et se mordit la lèvre. Aaron était entrain de se venger. Leprofesseur continua son semi monologue. Mais étrangement, là, il changeade ton pour en employer un plus mielleux :

Chapitre 10 74

Page 78: Aena, les terres de Missionnaire

- Ne m'as pas dit que ton père était mage de guerre ? J'y croisenfin. C'est bien son sang qui coule dans tes veines ! Et là, Aaron fit quelque chose qui surpris tout le monde. Il mit sa mainsur l'épaule de Tey. Celui-ci le regarda, il lui sembla qu'une petite flammeéclairait son visage. Il avait l'air ... fier. Et d'un coup, il envoya valserl'adolescent. Aaron avait sûrement dû utiliser un puissant sortilège car ses paumesrougeoyaient. Tout le monde retenait son souffle tandis que l'adolescent sedirigeait vers le mur à grande vitesse. A cette vitesse et hauteur, aucundoute qu'il meure ! Aena ferma les yeux et attendit avec angoisse le bruittant redouté. Un grondement du tonnerre se fit entendre. Bientôt, un groupe compact se colla autour de ce que devait être Tey. Del'endroit où Aena était, elle ne voyait rien et surgit de la foule en hurlant,ayant, au passage, frappé Aaron. Mais que ferait-elle sans Tey ? Elle l'avaittoujours connu et ne s'imaginait pas vivre sans lui. La douleur qui luitransperçait le coeur saignait abondement et sortait de ses yeux en torrentsde larmes. Elle poussa une solide guerrière et déboucha au centre ducercle. Elle s'accroupit devant une chose recroquevillée. C'était Tey mais ilrespirait. Aena poussa un petit cri de joie et le retourna. Il était bourréd'hématomes mais était vivant. Son corps aurait dû être démembré sous lechoc ! Le mur était trop intact, comme si rien ne s'était passé ! Tey ouvrit les yeux et se redressa. Il respira bruyamment et cracha unegerbe de sang qui salit le marbre blanc. Il haleta et regarda d'un oeilendormi la foule. Il reconnut Aena et tendit une main vers elle avant devomir. Une tache de sang se forma sur son ventre et les spectateursretinrent leur souffle. Aena se dépêcha d'ouvrir la chemise de Tey,découvrant une plaie béante. Elle hoqueta et ferma les yeux. Puis, décidéeà assister son meilleur ami dans ce moment, elle les rouvrit. Elle avait unesainte horreur du sang mais là, il avait besoin d'elle. Elle se rapprocha unpeu plus, jusqu'à être complètement joue contre joue. Elle lui fit un baisersur le front et le serra dans ses bras. La plaie à son ventre saignaitabondamment et elle sentait le liquide imprégner son haut. Elle reniflabruyamment et continua de pleurer, en silence. Elle faisait abstraction desgens autour d'elle. De toute manière, ça lui était complètement égal.Soudain, les élèves poussèrent des cris de surprise. Aena se décolla de son

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 10 75

Page 79: Aena, les terres de Missionnaire

meilleur ami et observa. C'est alors que sous ses yeux se passa un miracle :la plaie se referma petit à petit et laissa bientôt la place à de la peau touteneuve.Tey se releva avec l'aide de la jeune fille et ils marchèrent jusqu'à Aaron.Celui-ci contemplait avec lassitude ses ongles, une jolie marque rougegravée sur sa joue. Aena ne pu s'empêcher de sourire en voyant ce qu'ellelui avait fait et installa Tey dans les tribunes. A mesure que les minutespassaient, il avait repris des couleurs :- Ca va mieux ?- Oui, enfin ... je crois, j'ai dû mal à comprendre.Il toucha du bout des doigts l'endroit o& ugrave; il s'était blessé. La peaun'en gardait aucune marque et seule sa chemise trahissait un écoulement desang important.Aena lui sourit et ils s'enlacèrent amicalement :- J'ai eu si peur !Il ne lui répondait pas et regardait l'arène d'un oeil torve, il avait du mal àtout saisir. Pour lui, c'était comme s'il était devenu amnésique. Les 10dernières minutes lui paraissaient floues. Il se souvenait seulement de lamain d'Aaron qui le poussait et il lui avait semblé qu'il avait « décollé ».Dès qu'il eut reprit des couleurs et que son coeur ne cognait plus autantdans sa poitrine, il demanda :- Mais que s'est-il passé ?Tout le monde dans l'arène commença à parler, chacun disait sa propreversion de l'histoire. Autant dire que Tey ne comprit rien dans le brouhahaambiant.- ASSEZ ! Tout le monde obéit devant le cri sans équivoque d'Aaron. Ce derniers'assit en face de Tey et commença sa version froidement :« Je t'ai lancé contre le mur et ce qui devait arriver est arrivé. Tu te l'aispris. Mais au lieu de te retrouver en bouillie en sol, nous avons découvertun Tey presque flambant neuf qui avait transformé une partie de l'énergiedu choc pour soigner ses plaies et ainsi, se sauver comme un grand »Le jeune homme, bouche bée, écouta Aaron sans broncher.- Vous venez de dire que j'ai ... utilisé la magie ?- Oui et non, tu as simplement découvert ton Don.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 10 76

Page 80: Aena, les terres de Missionnaire

- Qu'est-ce qu'un don ?- Un don est une compétence magique qui sommeille en nous.C'est le seul pouvoir que nous savons utiliser instinctivement. Il est commeje viens de le dire instinctif et donc, nous savons déjà l'utiliser dans notresubconscient. Il est plus poussé que... attend, je vais te donner unexemple !Tey acquiesça, il avalait chacun des mots du professeur.« Imagine un Tey qui n'y connaît rien en magie. Disons que son pouvoirest la guérison et qu'en se blessant un jour, il découvre que c'est son don. Ilréalise qu'au lieu de se fracasser dans un mur et d'être retrouvé en plusieursmorceaux pas très appétissants, il est en vie et avec un cerveau non pas enpotage mais en pleine forme. D'ailleurs, je dirais même en meilleure formeque d'habitude. Bref, son pouvoir est déjà vraiment bien poussé et je diraisque vu son niveau, il doit déjà l'avoir utilisé (inconsciemment évidemment)pas mal de fois. Donc, Tey ne sait pas faire de la magie et est un maîtredans l'art de la guérison. C'est vraiment très dur à comprendre pour les pluscartésiens ! Et voici ce qu'est un Don jeune homme ! Mais attention, il abeau être très poussé déjà, si tu ne t'entraînes pas pour dépasser tes limiteset que tu travailles par exemple toute ta vie sur l'élément de base : feu, etbien tu deviendras bien vite un meilleur mage de guerre que guérisseur.Donc un don, ça se travaille autant que toutes les autres compétencesmagiques ! Allez, au boulot jeune homme ! »Aussitôt dit, Aaron prit son épée en entailla la joue droite de Tey. Ensuite,le mage l'attrapa par une manche et le jeta dans le sable.« Mais y toute ta force ! Ce n'est qu'une question de Volonté ! A nous,jeune fille, il serait aussi pratique de découvrir le tien ! »Aena et lui allèrent dans un coin de l'arène. La plupart des gens qui ycirculaient avaient repris leurs habitudes, noyant la salle dans un bruyanttintamarre.- Je doute que tu aies une capacité semblable à Tey et, vu ceque tu m'as fait à la joue, je ne devrais pas t'envoyer contre le mur. Surtoutque je ne serais pas sûr du résultat.- Mais pourquoi l'avez-vous fait pour Tey si vous ne saviezpas le résultat ?- J'en avais envie, tout simplement !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 10 77

Page 81: Aena, les terres de Missionnaire

Aena soupira d'agacement et attendit que son maître fasse quelque chose. Ilrestait comme une statue, droit et semblait dormir debout. Elle se cura lesongles en attendant qu'il décide à lui parler. Et sans avoir le temps de comprendre, Aena vit une boule de feu sediriger sur elle. Elle mit son avant-bras devant elle en guise d'autodéfense.Elle n'aurait pas eu le temps de s'écarter de toute manière !La déflagration lui arracha un cri de douleur et elle serra les dents. Il nerestait de son avant bras que quelques lambeaux de peau brûlés. Ellerespirait bruyamment et réussit par miracle à rester à la même place. Ellene pouvait s'empêcher de retenir le flot de larmes qui lui coulaient sur lesjoues, elle avait tellement mal !« Bon, au moins, je sais que tu n'as pas de pouvoir d'absorption de magie,de bouclier ; et même le plus intriguant ; d'éléments de base ! Tey ! Viens !Oh pardon ; tu es déjà là ? »Le meilleur ami d'Aena l'assistait et lui enfouissait sa tête contre lui. Aaronria un bon coup devant ce qu'il nomma ‘l'ironie de la situation' et continua :- Tey, on va faire plus simple, plus tu seras incompétent à lasoigner, plus elle souffrira. Je compte déjà.- Vous êtes un vrai salaud !- Merci, tu me touches beaucoup.Aaron s'assit sur une chaise qui n'était pas là deux minutes auparavant etcompta à voix haute.- Peut-être que ça irait mieux si tu mettais ta main au dessusde la plaie ! Aena criait de plus en plus et soufflait sur son bras, ce qui n'altérait enrien ses souffrances. Elle suppliait Tey du regard !Le jeune homme, peiné et sous le choc, apposa sa main sur la blessure deson amie. Il essaya mais rien ne passa ; puis se souvint de ce qu'Aaron luiavait dit : le tout, c'est la volonté.Il tremblait, il essayait encore et encore mais rien n'y faisait ! Aena criaittoujours plus et son estomac se serrait douloureusement !- TEY ! lui cria son amie.Sous la force du cri, il paniqua complètement et posa ses deux mains sur labrûlure. Mais au lieu des cris redoublants d'Aena, la peau sous ses doigtsse reconstitua. Et le plus drôle : on voyait de la buée s'« échapper » de la

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 10 78

Page 82: Aena, les terres de Missionnaire

plaie ! Quelques paillettes dorées volèrent même dans l'air et tournèrentautour d'Aena, la faisant sourire.Tey se retira, les jambes flageolantes et regarda son oeuvre. Indécis. Aaronsoupira :- 59 secondes ! J'ai l'impression qu'il faut juste te pousser unpeu et c'est bon ! Temps médiocre cela dit. Tu peux retourner dans tachambre mais Aena reste.Tey allait partir sans demander son reste :- Attends, j'ai oublié un détail très important, c'est au sujet dela magie, elle n'est pas en quantité illimitée dans ton corps, surtout que tudébutes !- Moi je sais le principe du Mana !Aaron se retourna vers elle, rieur :- Oh, l'élève studieuse apprend des leçons en douce ? On vabien voir si elle a tout bien retenue !La jeune fille qui s'était assise sur la chaise pour se reposer commença.Elle :« Nous n'avons pas une réserve de mana illimitée, la magie est dans notrecorps dans une certaine proportion. Si on l'utilise, elle part. Et quand il n'yen a plus, ben, c'est la panne. On ne pourra plus l'utiliser avant quelquetemps »Aaron applaudit et demanda à Tey :- Compris ?- Je crois.- Tu peux partir !

***

Aaron jeta au sol la lance que tenait Aena.- Ecoute, je crois que tu vas choisir toi-même ton arme et onverra déjà, compris ?Aena acquiesça et alla dans l'armurerie. Elle admira longtemps les étagèrespleines à craquer et choisit une grosse masse. Elle la rangea à sa ceinture et

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 10 79

Page 83: Aena, les terres de Missionnaire

retrouva son professeur.- Attaque-moi et ne fais qu'un avec ton arme !La jeune fille sauta sur son adversaire et donna un coup de masse qui futarrêté en plein élan. Elle ne fut pas surprise et roula sur le côté. Elle lançason poing dans le tibia de son adversaire. Aaron réussit à se rattraper et fitsigne à son élève de s'arrêter :- Tu es tout le contraire de Tey ; c'est marrant. Autant lui n'aaucune technique mais est très rapide autant toi tu as les techniques de baseet tu es lente. Cette arme ne te va pas, tu es une femme puissante maislente. Cette arme nécessite de la puissance et de la rapidité. Je ne serais pasétonné, vu ton caractère et ta stature que tu aies du sang Barbare dans lesveines. Je vais te donner une arme en conséquence, les Barbares sont trèsforts dans les armes lourdes. Elles sont très puissantes mais dures à porter !Aussitôt dit, Aaron disparut dans l'armurerie. Il revint avec une hache deguerre. Son manche était en bois et la lame en fer ce qu'il y avait de plussimple. Aucune décoration superflue n'ornait le métal, sauf le bout dumanche, fait en ivoire.- Je te l'offre, fait en bon usage, et surtout, honore ton capitalgénétique !Aena le toisa, puis soupira, et enfin leva la tête vers lui :- Voulez vous un peu éclaircir vos pensées sombres ...- Je répondrai quand tu sauras poser les bonnes questions. Aufait, ton arme te va à ravir. Soudain, le médaillon d'Aaron vibra, il se dépêcha de sortir et ajouta :- Aena, entraîne-toi, on se reverra un autre jour. Et je crois quevous êtes enfin prêts tout les deux pour les cours de magie par classes.Vous serez avec les débutants. Ne t'inquiète pas, je vous appellerai avec lesamulettes. Et ce serait pratique si tu découvrais ton Don par la mêmeoccasion !Il quitta la pièce, laissant Aena s'entraîner sur un mannequin en pleinmilieu de l'arène. Aaron, pensif se demandait quel serait le Don de sonélève. Apparemment, elle n'en possédait pas un parmi les plus courants.Quel serait-il ? Il lui tardait de le savoir !L'amulette émit plusieurs jets de lumière diffuse et se tût. Aaron soupira endécryptant facilement le message, il allait encore devoir parler avec

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 10 80

Page 84: Aena, les terres de Missionnaire

« elle » !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 10 81

Page 85: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11

Cela faisait déjà deux mois que Tey et Aena avaient gagné Missionnaire.En dehors des six heures d'entraînement quotidien, ils pouvaient faire cequ'ils voulaient. Certaines journées étaient très éprouvantes mais les deuxadolescents pouvaient compter sur le soutien de tous leurs nouveaux amis.Ils formaient à eux six un groupe soudé : Kasuni, Aldarane et Aenaanimaient, Michelle et Tey consolaient et Katlyn ne faisait rien, commed'habitude !Aena et Tey s'étaient enfin totalement intégrés et bénéficiaient de tous lesavantages de l'école : ils avaient une nouvelle chambre, pouvaient mangerdes plats succulents aux repas et apprenaient la magie ! Quoi demander deplus ?- Moi, j'ai réussi ce matin à envoyer trois boules de feu enmême temps sur un poteau, alors que j'étais dans l'armurerie ! Vousimaginez, j'ai juste visualisé le poteau et pouf ! Le feu s'est dirigé toutseul ! J'ai vraiment fait des progrès cette semaine depuis notre cour sur lesboules d'éléments premiers.C'était Kasuni qui venait de lancer la discussion.- Et toi Aena, tu as réussi à maîtriser ton Don un peu plus ? Ettoi Tey ?La jeune rouquine ne réalisa son erreur qu'après avoir prononcé sa phrase.Elle s'excusa auprès de son amie :- Excuse-moi, je ne voulais pas te blesser, j'avais oublié que tun'avais pas encore trouvé ton Don -Aena baissa la tête- tu sais, ce n'est pasgrave, tu n'es pas la seule dans ce cas !Aena détestait quand Kasuni parlait des Dons, elle se sentait exclue ! Toutle monde dans la bande avait trouvé le sien, même Katlyn qui en jouissaitd'un particulièrement puissant !Après une minute de silence sabbatique, la conversation reprit de plusbelle, sur le même sujet !- J'ai réussi à étrangler un diplômé avec une de mes ombres. Il

Chapitre 11 82

Page 86: Aena, les terres de Missionnaire

a dû aller à l'infirmerie les jambes par devant !Katlyn qui venait de sortir cette phrase pour le moins étonnante ne puretenir un petit rire sardonique sous les yeux ébahis de tous les autresautour !Aena ne la regarda même pas, elle l'avait fait exprès, c'était sûr ! Katlyn nel'aimait pas, pourquoi ? Aucune idée, mais en tout cas, sa réplique avec unepointe d'humour douteux n'était pas fait parce qu'elle avait eue unesoudaine envie de parler ! Elle avait voulu un peu plus enfoncer le couteaudans la plaie ! Aena n'allait pas se laisser faire. Il fallait qu'elle continue lesujet pour lui montrer que cela ne la dérangeait pas :- Bien Katlyn ... Moi, Arcanna m'a fait un cour particulier ! Ila essayé de trouver mon Don mais n'a pas réussi ! Et puis, il m'a appris àcréer un champ de protection ! Il m'envoyait des pierres par télékinésie. J'airésisté et à la fin de notre séance, j'avais les jambes flageolantes.- Quoi, tu as des cours particuliers avec Arcanna ? Personneici n'en a eu ! Tu en as de la chance, j'en connaîtrait moi des filles quidonneraient tout pour avoir un cours avec lui !Katlyn, en entendant Kasuni, sembla se rétracter.- Je ne vois pas de quoi tu parles ma rouquine, lui réponditAena.La jeune femme rousse éclata de rire en faisant un petit sifflement qui eutpour effet d'un peu plus agacer Aena :- Ouais mais Arcanna lui, c'est un homme avec un grand H, tuvois le truc ?Toutes les filles du groupe rirent en coeur, les garçons eux, boudaient.Katlyn, après avoir lancé un regard noir à Aena, parti en courant vers lepont-levis. Mais qu'est-ce qui lui prenait à la fin ? Comme si elle n'était pasassez bizarre comme ça ! Tey essaya de la retenir :- Kasuni, attends !Katlyn était déjà loin, mais la vraie Kasuni ne semblait pas vouloir prendrel'affaire de cette manière :- Tu l'as appelée Kasuni ? Et moi alors, je suis qui ? Katlyn estnoire et Kasuni est rousse, tu vois un peu le tableau ?Tey se défendit comme il pouvait, sur un air rieur.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11 83

Page 87: Aena, les terres de Missionnaire

- Oui mais j'ai du mal moi, tu sais, c'est pas facile pourquelqu'un avec le QI d'une huître elfique de retenir des prénoms dans unpays où 80% commencent par A ou K.- Une huître elfique ? Ca existe au moins ? demanda Michellel'elfe des mers.- Je ne sais pas, j'ai dit ça ; comme ça ...- OLAF ! Angello ! Kasuni se précipita sur les deux diplômés qui venaient à peine d'entrerdans son champ de vision. Le dénommé Olaf était un fantôme arborant unearmure en piteux état et semblait revenir d'un long périple. Mais cela nel'empêchait pas de sourire quand Kasuni l'enlaça :- Oh ma crevette adorée.- Mon messager millénaire préféré ; alors, les nouvelles de lacapitale sont bonnes ?Aena sourit, Kasuni s'arrangeait toujours pour savoir les événementsimportants avant tout le monde. Au moins, elle était intelligente : elle lescherchait à la source !- Vu la tête de l'empereur quand il m'a remit le message, unbrin de sadisme dans le regard, je dirais que ce n'est pas terrible mais bon,je ne lis pas mes messages moi !Le messager haussa ses épaules squelettiques. Puis il s'avança de sonhabituelle démarche lente et calculée pour s'arrêter devant le grouped'adolescents.- Et vous les jeunots, ça va ?A peine eut-il le temps de dire cela qu'il enlaça d'un coup tout le monde,frottant énergiquement ses deux mains sur les chevelures abondantes desadolescents. Aena grogna et partit tranquillement un peu à l'écart. Ellen'avait pas envie aujourd'hui et puis c'était tout ! - Oui, oui. - C'est bien alors.Olaf jeta un dernier regard rieur de ses yeux rouges et entra dans la salle duconseil, suivi par les pas lourds d'Angello qui lança sur un ton guttural :- Salut la crevette !Kasuni ne semblait pas s'être attendue à une parole du « nounours deservice » comme on aimait à l'appeler, car Angello, sous ses airs d'homme

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11 84

Page 88: Aena, les terres de Missionnaire

des cavernes étaient un vrai chamallow, tendre à souhait.- Euh, au revoir à toi aussi. Aena s'était assise sur un banc, décidemment, aujourd'hui n'était pas sonjour ! Tey en voyant son air morne la réconforta.- Tu es malade ?- Non, c'est bon, je vais bien.Il était étonnement attentionné avec Aena. Mais quelle mouche l'avaitpiqué ? Surtout qu'il semblait avoir mûri depuis Druaror. Il ressemblaitplus à un homme maintenant. Mais ce n'en était toujours pas un avec ungrand H comme aurait dit Kasuni !- Tu sais Tey, quand Olaf nous parle des rumeurs de lacapitale, j'ai l'impression d'entendre parler d'un monde lointain. Je suisnostalgique. Tu sais, nous avons vécu à Druaror, toi, la seule chose quigardait tes souvenirs heureux t'a retrouvé ici. Moi, je les garde là-bas, oudans ma tête ...Il lui passa tendrement une main dans les cheveux :- Nous sommes bien ici ! Mieux qu'à Druaror, tu aimesMissionnaire, bien plus que l'auberge alors pourquoi déprimer ? Tu as peurde perdre tes souvenirs, c'est ça ? Tout ce que tu as vécu ?Aena avait beau dire, Tey la bluffait, elle ne l'avait jamais vu aussi sage :- Ecris tes souvenirs, tu ne pourras pas les oublier,continua-t-il.- C'est une bonne idée, je le ferais, enfin, si j'ai le temps !Elle l'enlaça et lui donna un baiser sur la joue.- Merci.- C'est un peu mon boulot de meilleur ami. On doit tout se direet se réconforter mutuellement.Aena sourit un peu plus, Aldarane, Kasuni et Michelle s'étaient éloignés etdiscutaient avec d'autres élèves près de la grille. Tey voulait parler avec Aena de choses qu'il ne voulait dire qu'à elle.C'était secret :- En temps qu'amis, on doit tout se dire non ? Et bien, j'ai lu unmessage de l'empereur pour Arcanna. Des espions ont infiltré l'école, nousdevons nous méfier. Tout le monde peut être concerné et quand Katlyn estpartie brutalement, je m'en suis rappelé, elle est tellement bizarre cette

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11 85

Page 89: Aena, les terres de Missionnaire

fille.S'ensuivit ensuite l'histoire de la salle du conseil. Sa rencontre avecAldarane et la missive décachetée. Aena écouta le tout avec une grandeintention ; Tey semblait sérieux. La jeune fille le savait honteux d'avoir lucette lettre, sali la salle du conseil et énervé un homme aussi gentilqu'Arcanna. Mais bon, tout cela était déjà oublié ! Le directeur pardonnaità ses élèves comme s'il s'agissait de ses propres enfants. Toujours soucieuxde leur éducation et de leur problèmes. Il les écoutait et veillait sur eux.Vraiment, plus Aena apprenait à le connaître, plus elle l'admirait !- Tey, moi aussi j'ai quelque chose à t'avouer. Je ne dors pluscorrectement la nuit, je rêve de choses horribles ! Et une migrainepersistante me tiraille sans arrêt.La jeune adolescente baissa la tête comme s'il s'agissait de choseshonteuses !- De quoi rêves-tu donc ? lui demanda gentiment Tey.Aena aurait dû être heureuse de pouvoir en parler avec quelqu'un mais ellen'en avait pas envie. Elle ne voulait pas l'embêter avec ses histoires. Heureusement pour Aena, un cri retentit :- Arrête White Spirit, lâche-moi ! Je veux aller voir cequ'Aena et Tey mijotent !Evidemment, Michelle, Aldarane et le tigre suivirent et le groupe sereforma presque au complet. Mais au grand désespoir d'Aena, le sujet dominant resta les Dons et lescours. Elle décida de ne pas entrer dans un déprime et se fit une raison : lamagie, c'était bien aussi !- Regardez ma fiole magique ! Elle a changé de couleur !Surtout depuis que je maîtrise mon eau argentée même à l'intérieur duflacon ! lança avec une pointe d'excitation l'elfe des mers de la bande.Kasuni se rapprocha du contenant et le regarda sous toutes les coutures.Michelle maîtrisait l'élément liquide et arborait toujours autour du cou unemagnifique fiole en verre bleuté, finement décorée ! Dedans, on apercevaitde l'eau aux teintes argentées qui cognait frénétiquement contre la paroi.Le liquide semblait vouloir sortir et seul l'habile elfe arrivait à le contrôlerd'une simple pensée. Et le plus admirable, c'était que d'une simple fiole il yait assez d'eau pour créer une mer entière !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11 86

Page 90: Aena, les terres de Missionnaire

La jeune femme porta donc un soudain intérêt au verre elfique qui arboraiten cette fin d'après-midi une couleur rosacée. Kasuni reporta bien vite sonattention sur autre chose : de toute manière, elle avait une sainte horreur del'eau !- Mouais, pas mal ... mais je fais mieux ! Attends, libère lesflots, je vais te montrer de quoi je suis capable !Aldarane qui était à côté de la rouquine sentit qu'elle s'apprêtait à frapper etchangea de place pour se rapprocher de Tey. Il cria aux deux jeunesfemmes :- Je vous en supplie, ne pensez pas vos émotions trop fort ! Cava me décentrer, pas comme l'autre fois hein ?Kasuni, déjà rouge de peau en raison du soleil qui tapait toute la journéerougit un peu plus. La dernière fois, Aldarane avait capté un sentiment unpeu trop intime. Et manque de chance, il était intelligent et avait vitecompris.- De quel épisode vous parlez ?Le drow se tourna vers Aena et la dévisagea, il déclara entre deuxsourires :- Rien rien.Le reste de la troupe n'en sut pas plus et Michelle se mit enfin en position. La chevelure de Kasuni se teinta de nuances dorées et Michelle jeta lebouchon de son flacon dans la poussière. Ce simple geste eu pour Kasuniun effet plus fort que le dégoupillage d'une grenade. Elle mit son bras enposition de défense et un bouclier ardent se format tout autour d'elle. Michelle avait été très rapide mais pas assez, son liquide s'acharna sur lefeu mais rien n'y faisait. Il s'évaporait au moindre contact ! La rouquinesavait vraiment bien maîtriser son élément !- Attends, tu n'as rien vu ! amorça Michelle qui croisa trois deses doigts.L'eau d'un seul coup, enroba entièrement Kasuni. Le « pschitt » que fit lebouclier de la jeune femme en se désagrégeant fut instantané. Et bien vite,on l'entendit hoqueter.- C'est bon, tu m'as eue mais s'il te plait ... Gloup ... Enlèvetoute cette eau !L'elfe éclata de rire et siffla. Tout le liquide rentra en une seconde dans la

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11 87

Page 91: Aena, les terres de Missionnaire

fiole, laissant une Kasuni trempée/mouillée agenouillée au sol. Tey la fit s'asseoir sur un banc tandis que Michelle rebouchait sonflacon. Kasuni lança un regard incandescent sur son adversaire :- Je t'aurais ! Je t'aurais !- Et ben ce n'est pas encore demain ! Entonna avec une voixenfantine Michelle.Aldarane brisa cette magnifique scène pathétique :- Kasuni, n'ait pas d'émotions trop ... brûlantes. J'ai le crânequi chauffe !Seul un grognement sourd lui parvint aux oreilles.- Pas de ma faute, je ne supporte pas cette odeur de poisson.En effet, la jeune femme avait beau avoir s'être séchée avec magie, elleavait toujours l'impression que l'eau avait une étrange odeur poissonneuse.- Et puis dans ma famille, on est tous chaud bouillant commetu le dis si bien « Aldi », elle ne put s'empêcher de lancer un souriremesquin à l'elfe noir, un ninja chez nous, ça utilise des surikens, manie lesabre et contrôle le feu, c'est la classe quoi ! Moi au moins, je n'échappepas aux règles de ma famille !Elle lança un second regard à Michelle. Cette dernière serra des dents etrecula. Apparemment, les paroles de Kasuni avaient un double sens.- J'y vais, je dois ... je suis de corvée de pouponnage.L'elfe des mers partit sur ses dernières paroles rejoindre le troisième étage.Il n'était pas rare que les diplômées (et même des élèves parfois) donnaientnaissance à quelques chérubins, assurant à l'école, un futur renouvellement.Et depuis quelques années à peine, sous le chemin de ronde, une nurserieavait ouvert. Ainsi, les diplômés qui n'avaient pas beaucoup de temps àconsacrer aux enfants les laissaient là. Certains élèves et diplômés avaientdonc la lourde charge de s'occuper de toute un petit peuple. D'ailleurs,Aaron y était souvent et aussi étonnant que cela puisse paraître, adorait lesenfants de bas âges.- Je ne sais pas ce que tu lui as dit Kasuni mais en tout cas, çala touche particulièrement, commença Tey- Tu n'aurais pas dû ! finit Aena.- Eh, calmez vous, ce n'est pas de ma faute si j'ai un caractère... bouillant. Et puis, elle m'a énervée là !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11 88

Page 92: Aena, les terres de Missionnaire

Kasuni, il fallait le dire, n'avait pas beaucoup d'arguments valable. Elleavait été une vraie teigne. Aena ne pouvait supporter ce genre decomportement :- C'est entièrement de ta faute, tu devrais t'excuser. Moi,j'aurais honte !La jeune femme bredouilla de vagues paroles et courut vers le château,l'esprit débordant de bonnes intentions envers sa meilleure amie :- Vous avez raison, on se verra ce soir au dîner, je vais lachercher et m'expliquer !Aena soupira, ils n'étaient plus que trois maintenant. Tey, elle et « Aldi ».Mais que pourraient-ils faire pour passer le temps. Vivement le souperpour que Kasuni anime la table aussi bien que d'habitude. Aucun doute,Michelle fera partie de la partie !

***

Les bruits familiers de mastication se firent entendre tandis que Sinapportait victorieusement les dernières victuailles. L'ambiance, ce soir auréfectoire était particulièrement détendue : Kasuni et Michelle riaient auxéclats, Aldarane s'amusait à voler la viande des autres pour nourrir sontigre, Tey mangeait et Aena rêvait.Soudain, Arcanna se leva, pâle. Le directeur s'excusa encore une foiscomme depuis une semaine et se retira dans ses appartements, laissantAaron et Naya seuls à leur table. Cela faisait une semaine qu'Arcanna ne dînait plus avec les élèves, maisque se passait-il donc ? Lui d'ordinaire si joyeux paraissait mal en point. Ils'excusait auprès des pensionnaires et se disait souffrant. Mais quellemaladie ne présentait comme symptômes qu'une pâleur à concurrencerOlaf et capable d'affaiblir un monstre comme Arcanna ? Le directeur avaitbeau ne faire qu'un mètre quatre-vingt-dix, il avait des muscles et un morald'acier. Rien ne l'affaiblissait et il n'était de mémoire d'élèves pour ainsidire jamais tombé malade, alors pourquoi maintenant ?Il fallait dire que ce mystère intriguait à tout point Aena, mais pas Aaronen tout cas ! Le meilleur ami du directeur, avachi sur sa chaise et les deux

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11 89

Page 93: Aena, les terres de Missionnaire

pieds sur sa table parlait avec Naya ! Et chose encore plus étrange, il riaitdes blagues de la femme. Mystère tout aussi intriguant car Aaron ne riaitjamais qu'à ses propres blagues. Et celles de son meilleur ami. On aurait ditqu'il connaissait Naya depuis un long moment. Il fallait dire que cettefemme énergique et sympathique avait tout pour plaire ! Rieuse, enjouée,toujours de bons conseils, qui ne pouvait pas l'adorer ?- Aena, reviens sur Moona ?- A quoi tu penses ?- Hein, quoi ? réussit à articuler la jeune femme.- Laisse tomber.Aena commença enfin son assiette avec lassitude. Un peu plus et elles'endormait ! La jeune femme finit vite son assiette et souhaita bonne nuit à ses amis,un par un. Ce n'est qu'à ce moment qu'elle remarqua que Katlyn n'avaittoujours pas refait surface. Mais d'un côté, ce n'était pas une grande perte !Tey, lui, promit de venir se coucher plus tard tandis que Michelle riaitencore à une boutade de Kasuni. Tout avait comme d'habitude fini par êtreoublié. Et tant mieux ! Aena ferma la porte de sa chambre quand elle entendit un bruit en face.Elle rouvrit légèrement la tête, rien. Pourtant le bruit était sensé venir dubureau d'Arcanna, situé en face de son nouveau dortoir. Aena se coucha etlutta contre le sommeil. Elle dormait mal la nuit et ne voulait pas encorevoir quelque chose d'horrible. Mais hélas, les bras de Morphée l'enlacèrentsans qu'elle puisse résister !

« Une immense bataille fait rage. On peut distinguer le château enarrière-plan. Aena est avec Tey, elle combat furieusement tandis que lui estdos à elle et soutient un champ de force. Autour d'eux, c'est pareil, lesélèves sont aussi deux par deux, un qui fait le champ de force, l'autre quicombat. Mais bien vite, les assaillants plus nombreux réussissent à affaiblirtout ce monde, les champs de force rompent les uns après les autres et lamort survient. On voit de-ci, de-là, des combattants errant seuls sans leurmoitié tuée au combat.Soudain, tout se floue, Aena n'aperçoit même plus Tey qui est à coté. Unesilhouette se dirige lentement vers elle et ses contours lui apparaissent petit

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11 90

Page 94: Aena, les terres de Missionnaire

à petit.Arcanna se tient devant elle et l'embrassa d'un coup, férocement. Lasensation qu'elle éprouve est divine et quand elle se décolle à lui, sourianteelle voit quelque chose d'horrible. Arcanna n'est plus Arcanna. L'hommequi se tient devant elle plonge sur elle un regard empreint de sadisme. Dusang coule le long de sa bouche et Aena se sent soudainement très fatiguée,elle remarque alors qu'un poignard est planté dans son abdomen, mais c'esttrop tard. Elle appose ses mains et les retire pleines de sang. Elle se sentchanceler et à l'impression de tomber d'une falaise. Mais avant de tomber,elle l'aperçoit. Les yeux autrefois bleus sont maintenant argent. Descanines ornent sa bouche, ses tatouages bleu clair scintillent et sontdevenus entièrement noirs. Et le pire, des ailes noires et griffus lui ontpoussées derrières le dos. Les plumes noires volent dans les airs, ils y en atellement que sa vision devient noire »

Aena se réveilla en sursaut, couverte de sueur. Les légers ronflements deTey lui parvinrent aux oreilles. Elle toussa et sortit de son lit. La jeunefemme ouvrit alors la fenêtre, elle avait besoin d'un bol d'air frais. Elleposa ensuite son regard sur la cour, des feulements plaintifs lui arrivèrentaux oreilles : les vampires de l'école étaient de sortie ! Mais soudain, un autre bruit se fit entendre et il ne provenait pas dedehors ! La jeune femme referma en vitesse sa fenêtre et posa ses oreillescontre sa porte. Dans le couloir, quelqu'un marchait. Son bruit aurait puparaître inaperçu si le léger bruit d'une porte qui s'ouvre n'avait pas alertéAena !La jeune femme entrouvrit alors sa porte et se glissa dans le couloir, ayantcomme seul vêtement une simple chemise de nuit blanche, donnée parKasuni.La silhouette descendait l'escalier et se dirigeait vers le rez-de-chaussée.En passant, Aena remarqua que la porte d'Arcanna était légèremententrouverte, elle aurait bien aimé aller le voir mais cela ne se faisait pas !Surtout qu'il était malade et que le déranger sans raison à une heureavancée de la nuit ne se faisait pas chez les gens civilisés !Elle décida de passer son chemin et de suivre l'étrange personne qui venaitde déboucher dans l'arène, soulevant sans remords le sable dans la fosse.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11 91

Page 95: Aena, les terres de Missionnaire

L'anonyme entra dans la salle du conseil, Aena attendit qu'il en soit sortipour y entrer à son tour. Elle continua de le pister et elle dut le suivre dansla tour derrière la salle du conseil. Mais au lieu de monter comme elle s'yattendait, il descendit ! Mais qu'est-ce qu'il pourrait faire dans lescatacombes ? Aena descendit silencieusement en dernière, les murs de pierres grise etle manque de fenêtres faisait de cet endroit une cache admirable. Elle nepouvait pas se permettre de faire apparaître une boule de feu pour mieuxvoir, elle serait à coup sûr découverte ! Elle tourna à un coin de mur etdéboucha sur une allée, de chaque côté, des cellules de prison étaientouvertes. Certains étaient meublés ... tables de tortures et autresmonstruosités s'y trouvait. Aena se crispa et souffla un bon coup, ellecontinua son chemin et remarqua que l'allée finissait en cul-de-sac. Maisoù était passée cette personne ?Elle regarda autour d'elle, rien, absolument rien ! Si ça se trouvait, lapersonne l'avait entendue et s'était téléporté ! Aena ne voyait que cettesolution. La jeune femme soupira et s'apprêta à retourner dans sa chambre quandun miaulement strident se fit entendre. Elle se retourna mais trop tard !Une ombre venait de sauter sur elle ! L'espèce de créature aux contoursindistincts était plus noire que la nuit, d'ailleurs se n'était pas une créature,juste un morceau de nuit !Il enserrait de son corps le cou de la jeune femme, la forçant às'agenouiller. Aena suffoqua et essaya d'enlever cette chose ! Ce qui la composaitn'était en tout point comparable à quelque chose de réel, sa textureressemblait à de la pierre. Aucun toucher, rien. La jeune femme se sentitchanceler, comme dans son affreux rêve ! Elle tomba au sol alors qu'ellesentait l'air lui manquer. Bien vite, elle hoqueta, jamais elle n'avait pensé àune mort si horrible !Sa vue commença à se brouiller et elle posa sa tête au sol, ne luttant mêmeplus.- Qu'est-ce q... AhCe n'était pas elle qui venait de parler, elle n'en avait plus la force de toutemanière.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11 92

Page 96: Aena, les terres de Missionnaire

Soudain, d'horribles petits gémissements se firent entendre et la pressionsur sa gorge diminua. Quelque chose ou quelqu'un s'accroupi au dessusd'elle, elle sentit qu'on lui massait délicatement la poitrine et des lèvres seposèrent sur les siennes, lui donnant enfin de l'air. Le massage cardiaque fut efficace et elle rouvrit les yeux, penaude. Lecadavre de l'ombre gisait à ses pieds, transpercée par une claymore enargent. L'inconnu aida la jeune femme à se lever et elle put enfin voir sonvisage. C'était un homme on ne peut plus normal, de courts cheveux blondsencadraient un visage pâle avec de grands yeux indigo. Une balafre partaitde son front et zigzaguait jusqu'à sa joue gauche. Il lui demandagentiment :- Ca va beauté ?- Euh ... je crois que je suis en vie, ça devrait aller. Mais ques'est-il passé ?L'homme expliqua d'une voix vaguement inquiète :- Je dormais quand j'ai entendu du bruit et je suis sorti de monaquarium ...- Un aquarium ? Décidemment, le manque d'air avait fait desséquelles dans la tête d'Aena, elle avait des hallucinations auditives !L'homme parut gêné et l'emmena dans une pièce, non loin. Il claqua desdoigts et toutes les torches s'allumèrent en même temps. La pièce carrée est faite en pierres n'étaient meublée qu'avec desaquariums en verre elfique et donc incassable. Tous étaient remplis,certains avec des algues et autres plantes médicinales et certains avec ...des bébés et des enfants en bas âges !Aena s'en approcha pour mieux voir mais tomba ; elle avait encore un peude mal à marcher :- Je crois que tu devrais arrêter les efforts physiques !Il prit Aena et la posa sur une chaise, il fit aussi apparaître une couverturequ'il lui donna.- Repose-toi.- C'est bien des enfants qui dorment dans l'aquarium ?- Oui, ce sont des enfants elfe des mers, des chimères de types« hippocampes », sirènes etc.... Tu sais, à leur âge, il ne peuvent passupporter plus de quelques heures en dehors de l'eau et se déshydratent très

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11 93

Page 97: Aena, les terres de Missionnaire

vite.Aena le toisa, mais que faisait-il ici ?- Mais pourquoi vous errez dans les cachots la nuit ?- Je les surveille pardis ! Et j'avais bien raison, surtout qu'ils nesont plus en sécurité maintenant que des goules débarquent la nuit et tuentdes jeunes femmes qui se trouvaient là pour des raisons inconnues !Aena rougit, mais avait-elle bien entendu, lui avait-il parlé de « goules » ?- Des goules, qu'est-ce ?- Ce qui t'as attaqué. Des animaux ombres. En fait, ils sedistinguent des autres, ils n'ont pas d'organes mais sont réel car on peut lestoucher. Elles sont insensibles à la magie mais on peut les tuer avec desarmes normales. On n'en trouve pas à l'état naturel, seul quelqu'un qui faitde la magie peut en « invoquer ». Décidemment, je vais devoir faire monrapport à Arcanna, après m'être rendormi.L'homme se leva et enleva un rideau qui était masqué par un autreaquarium, un autre bien plus grand était disposé. Il y avait comme seulélément une simple table de pierre. L'homme allait plonger dedans quandAena l'apostropha :- Ne me dîtes pas que vous dormez là-dedans ? Mais vousallez vous noyer !- Je suis un homme requin, mes branchies me protègent de cegenre de désagrément mais je ne suis pas transformé là ! Je ne veux pas tefaire peur ...petite.- Aena.- Enchanté, bon, Sharky l'homme requin doit te laisser. A uneautre fois demoiselle !La jeune femme était éberluée, un homme requin ? Et ben dis donc, elle enapprenait tous les jours ! Mais elle ne se souvenait pas que cette raceexistait, elle n'en avait jamais croisé dans les livres et même Michelle quiconnaissait tout des mers ne leur en avait pas parlé !- Au revoir ... Sharky et à une autre fois !- Au revoir Aena, et ne te perds pas dans le château.Avant de partir, Aena vit sur une table le médaillon de l'homme, le saphirbrillait au centre : Sharky était donc un diplômé.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11 94

Page 98: Aena, les terres de Missionnaire

***

La jeune femme se recoucha, mais elle n'était pas sûre de retrouver lesommeil ! Ce n'est qu'à ce moment qu'elle réalisa vraiment qu'elle avaitfailli mourir. Elle avait envie de pleurer à chaudes larmes mais ayant tropde considération pour le malheureux qui dormait, elle sanglotasilencieusement.Sharky avait bien dit que le seul moyen de se servir d'une goule étaitd'utiliser la magie. Donc quelqu'un voulait sa mort ! Ce constat la fit encore plus pleurer, et elle qui se croyait bien ici !Etait-elle finalement bien à sa place ? Sans parler de ses horriblescauchemars où elle mourrait à la fin et de ses migraines.Aena avait du caractère mais qui pourrait vouloir la tuer ? Et en plus quiétait assez fort pour manipuler une goule ? Kasuni, Michelle, Aldarane ...Tey ? Non, impossible pas eux ! Ne parlons même pas d'Arcanna et deNaya. Peut-être Aaron ? Non, Aena doutait qu'il fasse ça. Au prochain courqu'elle aurait avec lui, elle devrait tout lui dire !Il ne restait plus qu'une seule personne possible !Une fille qui la détestait et avait comme Don les ombres ? KATLYN.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 11 95

Page 99: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 12

Aena la surprit en pleine discussion avec Angello. Elle lui demanda alors :- Kasuni, t'es au courant qu'on va avoir cour là ? On va fairede la lévitation avec Arcanna et pourquoi tu ne te prépares pas ?La jeune rousse au regard flamboyant toisa Aena d'un regard malsain.- J'ai encore le droit de discuter dans notre monde, non ?- C'est bon, prends pas la mouche, moi, j'y vais ! Au fait, t'aspas vu Tey ?Kasuni soupira et se dépêcha de faire signe que non. Elle était littéralementsuspendue aux lèvres d'Angello, buvant ses moindres paroles. Et ben ...c'était rare de la voir comme ça ! Aena se dépêcha de sortir du château. Elle traversa la plaine bordantl'édifice et se dirigea vers les écuries. La jeune femme accéléra encore lamarche. Elle voulait absolument être la première au cour pour toutexpliquer avec Arcanna. Cela ne pouvait pas continuer comme çà ! Ténèbre en la sentant arriver, hennit férocement. Sa cavalière voulut luimettre sur le dos une couverture mais il refusa. L'étalon s'obstina jusqu'aumoment où il reçut une carcasse encore chaude et bien saignante. Il la pritdans sa mâchoire et laissa Aena sauter sur son dos. Le cheval sortit delui-même des écuries en mâchonnant sa viande avec appétit. Aena lui ditd'une voix douce :- Arcanna nous avait dit la semaine dernière : Nous ferons uncour de magie portant sur la lévitation, il faudra aller au Nord du châteauen prenant vos monture jusqu'à apercevoir des piliers mais je vousexpliquerais l'itinéraire le jour venu !Donc si elle se souvenait bien, il fallait aller au Nord, pas de soucis, elle yattendrait Arcanna et pourrais tout lui dire ! Elle avait confiance en lui etsavait qu'il l'écouterait. Il comprendrait même peut-être, qui pouvaitsavoir ? La jeune femme lança son cheval vampire au galop, plein Nord. La bêtegémit de plaisir et renâcla avant de gratter la terre de ses sabots. Ténèbre

Chapitre 12 96

Page 100: Aena, les terres de Missionnaire

respirait bruyamment et secouait son abondante crinière dans tout les sens.L'étalon noir s'élança dans un triple galop dont il avait le secret, profitantde l'air frais de l'automne. Il était dans son élément et faisait la course,luttant contre le vent. Nul ne le contrôlait, tel l'animal démoniaque qu'ilétait. Aena ne pouvait que subir ses choix, s'il ne l'emmenait pas aux pilierselle devrait l'accepter. L'étalon vampirique suait à grosse gouttes et était comme en transe. Niles cris fous d'Aena, ni le hurlement du vent qui cognait son corps nel'arrêtait. Mais il était bien décidé à savourer cette promenade en liberté.Au loin, les ruines d'un bâtiment se firent voir. Seuls les piliers blancs etéventrés étaient préservés. Certains jonchaient le sol, d'autres, fissuréstenait miraculeusement en place. Cet endroit avait un air ancien etmystique. Ténèbre s'arrêta, haletant, il laissa Aena descendre et repartit encore plusvite, toujours plein Nord. Mais où allait-il ? Aena ne le saurait jamais maisen tout cas, elle le reverrait quand elle l'appellerait. Cet animal n'était pasun simple cheval. Il avait ses propres pensés et son caractère. Iln'appartenait à personne et avait choisit Aena pour une raison que lui seulsavait. Il comprenait chaque parole de la jeune femme comme s'ilsparlaient la même langue. La seule chose qu'il demandait était peu :considération, respect et liberté d'action ! Il était simplement unique. Au loin, tout en haut d'un pilier, une homme se déplaçait, cape au vent.Son regard était fixé sur Aena, et une chose était sûre : ce n'était pasArcanna. Mais vu la démarche de vainqueur et la hauteur démesurée dusujet, il devait s'agir d'Aaron. Mais que faisait ce bougre ici ? Attendait-ilArcanna ?Aena devait savoir où était le directeur, elle avait vraiment besoin de luiparler. En dernière solution, elle pourrait envisager de tout dire à Aaron. Ilrestait envers et contre tout un professeur !- Professeur, mais que faîtes-vous là ? demanda t-elle ens'approchant du plus grand pilier encore debout- Je prépare mon cour, mais je pourrais te reposer la question,je n'ai même pas encore appelé les autres élèves ! Ce n'est assurément paston genre.Aena leva les yeux au ciel attendirent qu'il descendit de sa tour improvisée,

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 12 97

Page 101: Aena, les terres de Missionnaire

mais rien. Il s'y assit et parlait à la jeune femme de là-haut.- Alors, pourquoi es-tu venue ?- Et bien, c'est un peu dur de parler de ça en haut, j'aimeraisbien que tu descendes !Aaron grogna et claqua des doigts, il se téléporta jusqu'à la jeune femme encontrebas. Il s'adossa au mur d'un air fatigué et dit :- Je te laisse parler en première.- Euh ... Mais, Arcanna n'est pas là ?Aaron leva les yeux au ciel :- Malade- Ah...Euh, pas de problèmes alors ...- Ne tourne pas autour du pot où ça va m'énerver moi ! Soit tume dis ou soit tu me dis pas mais si t'as pas encore choisis et bien vachoisir ailleurs !Aena baissa la tête, après tout, Aaron irait aussi :« Et bien, c'est à propos de moi. Je n'arrive plus à dormir sereinement lanuit et une affreuse migraine me trotte dans la tête, c'est très douloureux et... »- T'as qu'as aller à l'infirmerie :- Hé mais ne me coupé pas tout les cinq minutes !« Donc j'ai déjà essayé d'aller à l'infirmerie mais rien ne fut efficace contrece mal de tête et mes cauchemars me hantent toujours ... »- Comment ils sont tes cauchemars ?Aena soupira, agaçée :- Mais j'allais y arriver !« Donc ça dépend des nuits. La plupart du temps c'est assez étrange et neveux pas dire grand-chose enfin, je ne comprend pas trop. C'est comme sile rêve était crypté. D'autre fois c'est un peu plus explicite mais bof. Et parexemple, j'en fais quand je suis réveillée enfin ... »- J'avais bien dit que tu dormais debout le jour.- Aaron ?- Quoi ?- Tu ne crois pas que t'exagères ?- Non ! Aena soupira encore une fois et continua son récit.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 12 98

Page 102: Aena, les terres de Missionnaire

« Et certains de ces rêves ont été ... exhaussés. De simples histoires entreélèves comme d'habitude et j'avais vu le château dans une de ces« visions » comme je l'appelle. Tu sais, quand tu m'emmenais moi et Teyvers Missionnaire et bien j'ai vu l'école avant d'y poser les pieds. Etrangenon ? »- Et comment se passent tes « visions » en n'as tu pas, parhasard de plusieurs « types » différents ?- Enfin un commentaire constructif !- Répond !« Et bien quand j'ai une vision, d'abord ma vue se floue et je vois une scèneou quelque chose. Et quand elle est finit, tout se refloue et je revis àl'endroit et à la seconde même où je m'étais arrêtée. Pour ce qui est destypes, j'ai du mal à comprendre où tu veux en venir. Si c'est ça que tudemandes, parfois j'entends des voix dans ma tête et une fois, une odeurm'est parvenue aux narines. Mais une odeur qui je pense venait de ma têteenfin, je ne crois pas qu'on sente la mer en plein milieu de ma chambre,seule. Parfois, c'est confus dans ma tête. Je n'arrive plus de m'arrêter depenser. J'ai moi-même du mal à comprendre ces phénomènes. »- Je crois que je l'avais remarqué, bien et bon... j'ai un messageà écrire, à Arcanna justement et au fait, félicitation Aena.La jeune femme le toisa bêtement, mais qu'est-ce qu'il chantait ?- Hein ?- Tu as trouvée ton Don depuis longtemps nouille ! Cette révélation lui fit froid dans le dos. Ainsi, elle ne s'était pas renduecompte que ses visions étaient son Don ? Normal, personne n'avait lemême. D'habitude, on maîtrisait un élément, ou quelque chose de simplemais là ... Elle n'aurait pas pu avoir une capacité comme tout le monde ? Aaron s'assit à terre et sortit de dessous sa cape un parchemin vierge. Ilmit la feuille devant lui et prit d'une main son médaillon qu'il apposa sur lepapier. Au fil et à mesure qu'il scrutait l'horizon, sur un air concentré,d'étranges caractères s'écrivait d'eux-mêmes sur le papier. Aena sedemanda si elle pouvait faire ça aussi avec son amulette, mais non. Ellecontempla les lettres et son médaillon. Certains signes qui étaient dessus,comme l'étoile ou le cercle noir. Aaron écrivait donc un message codé ! Quand il eut fini, le maître se releva et cacheta par magie sa missive. Il

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 12 99

Page 103: Aena, les terres de Missionnaire

claqua ensuite des doigts, invoquant une manticore qu'il jugea « petite ». Illui remit la lettre et déclara :- Tu l'emmènes à Laurias Arcanna.La manticore ne se fit pas attendre et se dirigea vers le château de son pasbredouillant. Aena était éberluée par la facilité d'Aaron à invoquer ce genrede créatures magiques.- Mais dis, toi, c'est quoi ton Don ?Elle remarqua que son tutoiement faisait bizarre. Mais bon, Aaron latutoyait aussi et ce n'était pas maintenant qu'elle aurait dû réagir.- Ca semble logique après ce que tu viens de voir ! Ah, lesjeunes je vous jure, fainéants et bêtes. J'espère que ce n'est pas ça leprogrès ...- C'est les Invocations c'est ça ?Aaron ne lui répondit pas et lévita avec une grâce étonnante pour unindividu de ce poids. Il atteignit le sommet de son pilier tandis qu'au Sud,apparaissaient une troupe d'élèves. Aena, elle, distingua bien vite unetoison flamboyante qui sortait du lot. Kasuni la rejoignit très vite et lui demanda :- Tu vois que finalement je ne suis pas en retard ? Et, je metrompe ou c'est Aaron en haut du pilier ?- Non, justement. Répondit Aena.- Mais où est Arcanna ? questionna la ninja.- Malade.Kasuni baissa la tête d'un air faussement inquiet et rejoignit Michelle. Ellecommença évidemment une discussion narrant ses aventures amoureusesau sein de l'école. Aena, elle, préféra s'éloigner du groupe pour méditer letemps que les derniers retardataires arrivent. Elle avait un Don etfinalement, ce n'était pas plus mal ! Il faudrait juste qu'elle sache lemaîtriser et puis, cela pouvait être pratique pour voir l'avenir. Au bout d'un moment, Aaron prit la parole :- Venez tous me rejoindre sur le pilier par téléportation,comme vous avez appris en début d'année !Aussitôt dit, les élèves approuvèrent et disparurent. On les retrouva bienvite au sommet des piliers.- Qui peut me rappeler le thème d'aujourd'hui ?

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 12 100

Page 104: Aena, les terres de Missionnaire

- Lévitation. Répondit un élève.- Donc mettez vous en file indienne devant moi, voilà commeça et laissez vous faire. Etonnement, la lévitation est très facile à acquérir.Aaron sourit sadiquement et prit le premier élève par les épaules. Il lepoussa de force et l'envoya dans le vide. Tout le monde ne put retenir qu'uncri de stupeur. Les élèves attendaient avec une grimace le bruit que ferait lepauvre en tombant au sol. Et soudain on vit léviter l'élève en question. Pâle comme un linge maisvivant. Aaron le fit passer derrière les autres et déclara à voix haute :- J'ai vraiment cru que t'allais t'écraser toi mais d'un côté, c'estles risques du métier.Il ne pu s'empêcher de rire à sa blague qui n'était pas aussi drôle qu'elle lelui paraissait.- Suivant.Et les élèves défilèrent, se faisant pousser dans le vide. Certains durentrecommencer car ils n'avaient pas réussit et c'était Aaron qui les avaientfait revenir sur la plateforme avant l'écrasement au sol.- Plus vous échouerez, plus vous serez confrontez au vide,autrement dire, plus vite vous allez, moins vous aurez peur !Ces dirent marchèrent car, dans la file, certains se prirent à voleter dans lesairs avant d'y être passés. Cette situation fit rire Aaron qui s'en délecta :- j'adore les cours de lévitation ! Tout se passa presque bien jusqu'au moment où Tey fut le premier de lafile. Il s'apprêtait à faire le grand saut et avait pour cela revêtit sa plus bellegrimace d'enterrement. Aaron sourit encore une fois et l'empoigna, leregardant intensément. Il savait qu'un simple regard, parfois, était trèsefficace contre quelques élèves. Et il avait raison, le pauvre Tey blêmit unpeu plus et ne comprit pas quand le professeur l'envoya faire le grand saut.- AHHHHHHAena qui était maintenant la première ne pu s'empêcher de se ronger lesongles. Elle avait une phobie monstrueuse du vide. Tey tardait à remonter et le silence était complet. Au bout de trenteseconde, la compagnie n'y tenant plus. Tout le monde regarda au sol. Rien,pas le moindre cadavre. Aaron jura :- Mais où est-il passé ce bougre ?

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 12 101

Page 105: Aena, les terres de Missionnaire

Il réfléchit un moment avant de comprendre et de se lamenter :- Oh non, j'avais oublié qu'il avait une balise dans le ventre ...Aena, va chercher Tey au château et ramène le ici ! Tout de suite et pasdemain, hein ?Miracle ! Sauvée par Aaron ! Qui l'eut cru ? Mais les autres ne la laissèrentpas s'en tirer ainsi !- Et mais c'est pas équitable !- Ouais, pour qui elle se prend celle-là ?Aaron envoya un regard meurtrier aux élèves et s'avança vers Aena :- Vas-y et je suis profondément chagriné.La jeune femme n'était pas sûre de bien comprendre :- De quoi ?Elle s'approcha du professeur, interrogative. Quand celui-ci l'empoigna etla lança du haut du pilier. Pour le meilleur et surtout pour le pire ! Ainsi,Aaron restait Aaron. A retenir pour le prochain cour de lévitation ! Aena après avoir criée au-delà de la limite de ses poumons se mit enboule et ferma les yeux. Elle tremblait de peur, se croyait déjà morte. Et sielle n'arrivait pas à léviter à temps ? Comment fallait-il faire ?La jeune femme essaya de se concentrer mais peine perdue, elle paniquaitbien trop ! Même le bruit du vent se faisait offensif. Et si Aaron ne laremontait pas ? Aena avait peur de connaître une mort précoce etdouloureuse.Le sol n'était qu'à quelques mètres et elle décida d'essayer. Avec toute lavolonté qu'elle pouvait avoir, elle s'imagina remonter. Rien. Elle continuamais l'herbe en contrebas lui indiqua que la fin était proche. Elle angoissaencore plus et y mit tous ce qu'elle put trouver. Elle ferma les yeux etessaya de se concentrer. Elle s'imagina monter tout doucement pour enfinrevenir en haut du pilier. Et la, le miracle se produisit, Aena commença à monter doucement lelong du marbre blanc. Quand elle arriva en haut, elle sourit enfin, même sison visage gardait les marques de ces quelques secondes. Le cauchemarétait enfin terminé ! Maintenant, elle devait aller chercher Tey. Elle n'euequ'à fermer les yeux et imaginer sa chambre pour s'y rendre. Le jeunehomme était affalé sur une chaise, le souffle rapide. Il était encore plusblanc qu'elle !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 12 102

Page 106: Aena, les terres de Missionnaire

- Ca va Tey ? le réconforta Aena.Comme seule remarque, il leva les yeux vers lui. Il avait eu un choc.- j'y suis aussi passé ! C'est de la torture pure, il faut y aller.Il refusa mais Aena lui empoigna le bras et se téléporta. Etrangement, celane marcha pas. Aena avait beau essayé de se téléporter comme elle savaitle faire. Rien. Tey ne cillait pas !- Tey mais ... que se passe t-il ?Le jeune homme sourit faiblement et déclara :- Ma balise t'interdit de te téléporter. Tu as le droit de l'utilisercomme point d'arrivée mais pas de départ !Aena se désagrégea. Aaron ne l'avait pas prévenue de ce « détail ».- Vient !- Et pourquoi, tu as vu ce qu'il m'a fait !- Ce n'était pas ciblé, il l'a fait sur tout le monde voyons !argumenta la jeune femme.- Mais c'est ...- Aaron oui on sait ! répliqua avec lassitude Aena.- Ecoute Tey, si tu persistes, Aaron serais capable de te bannirde Missionnaire ! Pense à moi ou à ta mère ! Elle travaille ici, Aaron ne lalaisserait pas te retrouver ! Il nous séquestrerait, il en serait capable et ...- Aena, n'use pas ta langue pour dire des balivernes pareilles,je viens.Tey laissa Aena seule et bouche bée. Pour une fois, il l'avait eu !Décidément l'air de Missionnaire lui faisait du bien. Quand elle fut sur le pilier, Tey était déjà passé. Il avait tout de suitelévité ! Apparemment, il avait beaucoup de volonté en lui. Qui l'eu cru ?Tey de plus en plus changeait, et en meilleur heureusement ! Il avait gagnéen intelligence et en muscles. Il devenait chaque jour un homme nouveau ! Au fil et à mesure des minutes, tout le monde passa puis Aaron demandaà chacun de léviter sans son aide. Ils s'entraînèrent jusqu'à être apte à volerdans les airs pendant plusieurs heures, sans se déconcentrer. Tey réussissaittous les exercices avec une facilité consternante. Aena, elle, arrivait pasmal. C'était pour elle un plaisir de voyager ainsi. Rapide et pas fatiguant.Quand le cour se finit, Aena se résigna à lui dire la vérité sur Katlyn.Avant, elle ne savait pas si elle pourrait lui faire confiance ou pas mais il

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 12 103

Page 107: Aena, les terres de Missionnaire

était professeur, c'était son métier !- Aena, tu ne veux pas rentrer avec nous ? demandèrentinquiets le reste du groupe.- Je vous rejoindrais au château, juste cinq minutes, j'ai malévitation à améliorer. Mentit Aena.Katlyn ne fit pas le rapprochement et avait une facilité consternante pourparaître blanche de tout soupçons ! Elle parti tranquillement, commed'habitude accompagnée du reste de la bande. Vraiment, elle ne se gênaitpas ! Rester dans la même bande alors qu'on a voulu assassiner l'un de sesmembres, il lui manque quelque chose dans le cerveau ou elle est sansscrupules apparente ?- Aaron.- Quoi encore ? commença le professeur énervé.- J'ai quelque chose de capital à vous dire !- Encore ? Et ben dis donc, c'est mon jour à moi ...- J'ai failli me faire assassiner !- Juste ça ? Aena le toisa, éberluée. Rien que ça ? C'était déjà pas mal !- C'est tout ce que ça vous fait ?- Je crois. s'exclama t-il, songeur.« Hier soir, j'ai encore fait un affreux cauchemar et je me suis réveillée ensueur. Puis, j'ai entendu du bruit dans le couloir. Et c'est rare que les élèvessortent la nuit alors je ... »Aaron éclata de rire :- Baliverne ! J'ai toute une liste qui me dit lesquels font desescapades nocturnes ! Et comment tu crois que certaines filles vers ton âgese retrouvent en cloque ? Oh non, elle ne se promenait pas parinadvertance dans les couloirs près de la chambre de leur amant ; non,quand même pas ? dit Aaron d'un air faussement niais.- Ce n'est pas le sujet ; je continue« Donc je suis sortie et ait suivie l'ombre, elle m'a conduit aux catacombesde l'aile ouest. Mais au bout d'un moment, la personne a disparu. Plus riendevant moi, je me suis alors fait attaqué par une goule et me suis écrasée àterre. Si Zep n'aurait pas été là ... je serais morte ! Il a pourfendu la goule etm'a réanimé. Et autant vous dire qu'une fille qui maîtrise l'ombre et qui

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 12 104

Page 108: Aena, les terres de Missionnaire

aurait un motif de me tuer ; et ben dans mon entourage, il n'y en a pasmille ! »Lâcha Aena. Elle lui avait dit le tout pour le tout, sauf le contenu de sesrêves. Mais il n'avait pas à le savoir de toute manière !- C'est à Katlyn que tu penses n'est-ce pas ?- Oui- C'est vrai que dans ton cas, c'est ... flagrant mais pourquoit'aurais-t-elle fait ça ?- Je ne sais pas, mais elle ne m'a jamais aimée pour une raisoninconnue !Aaron réfléchit et soupira, il regarda Aena dans les yeux. Un oeil vert etl'autre ambre, il ne comprenait que trop bien pourquoi Katlyn avait fait ça.Mais il devait au moins le dire à Aena, pour qu'elle en parle avec Katlyn.Certes cette petite était impulsive mais elle comprendrait. Il faudrait aussiprendre les devant avec Arcanna. C'était son boulot de toute manière derégler les conflits !- Tu veux vraiment que je te dise pourquoi elle a fait cela ?- Oui ! Je le veux ! Mais moi au moins je ne vousinterromprais pas !- Manquerais plus que ça.Aena lui signala par un raclement de gorge qu'ils n'avaient pas toute lajournée.« Katlyn est très particulière, elle est la seule descendante d'une racemaintenant éteinte. Chose très difficile à porter pour quelqu'un de son âge !Elle est issue de la race des félins, humanoïdes chats qui il y a cinq centans étaient utilisés comme esclaves ou mercenaire. Ils avaient une agilité etun instinct hors pair. Mais ils furent exterminés. Le tout donna lieu à desmétissages entre humains et les seuls « félins » à être encore en vie sonthumains mais ils ont conservé quelque gènes dominants de cette racedisparue. Katlyn est de ceux-là, sûrement un métissage ou plusieurs ont étéfait dans son arbre des générations avant elle mais elle a eue le jackpot ! Jen'ai jamais vu une fille avec autant de gènes dominant, elle ronronne mêmela nuit et je sais, ce qui est prévisible ! Qu'elle aspire en secret à avoir leplus d'enfants possibles avec un homme qui aurait comme elle beaucoupde gènes dominant. Mais les chances sont extrêmement basses ! Elle ne

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 12 105

Page 109: Aena, les terres de Missionnaire

l'aurait sûrement jamais trouvé si ce n'est qu'elle t'a rencontré ! Leshumains n'ont que rarement les yeux verrons et encore moins ambre ! C'esttout félin ça ! Alors la pauvre. Elle a été dépitée quand elle t'a vue ! Parceque faire des enfants avec une autre femme ... bof. Enfin voilà quoi, elle nedoit pas être loin de la dépression à cause de toi. » Aena écouta, perplexe. Ainsi, elle est Katlyn avaient le même sang quicoulaient dans leurs veines. Mais cela ne voulait pas le dire qu'elle avait ledroit de vie ou de mort sur quelqu'un !- Ca ne justifie pas ce qu'elle a fait !- Si, mais pour elle. Son but premier, que dis-je, sa raison devivre est morte, écrasée par toi ! Elle voulait se venger froidement.Aaron éclata de rire avec sa boutade, froidement. La vengeance est un platqui se mange froid. Où peut-être était-ce encore plus tordu ?- Que dois-je faire ?- Tout ce que tu fais d'habitude ; parler bêtement avec Kasuni,t'entraîner, avoir des vues sur Arcanna, ce genre de chose quoi !- QUOI ? Des vues sur le directeur ? t'as bus trop d'hydromel.- Ca crève la vue comment tu le regardes, Aaron entra dans unjolie fous rire, tu n'es pas la seule et en parlant de ça, Katlyn aussi estamoureuse, et de la même personne. Au vu de la tête d'Aena, Aaron ria comme jamais. Il ne s'arrêtait pas etmanquait presque d'air.- Mais ce n'est même pas drôle et je ne suis pas amoureusevoyons. C'est juste que je le trouves très attirant, rien de plus. Oh lala,niveau beauté, il est pas mal mais c'est tout. Rien de plus ! Par contre, toi etNaya ! Je trouve que vous vous êtes rapprochés subitement. Aaron pâlit légèrement et se racla la gorge. Il s'arrêta de rire envers sonélève et partit. Aena, elle, siffla et attendit. Son cheval arriva et elle montasur son dos, puis, elle se dirigea d'un pas soutenu vers le château, le coeurbien plus légers qu'en venant.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 12 106

Page 110: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 13

Aena prit furieusement le livre qu'elle était en train de lire et le jeta dans lacheminée. Le feu le consuma bien vite et Aldarane entra alors en trombedans la salle de détente, brandissant une lettre devant lui.- Aena, Aena. J'ai une lettre de la part d'Arcanna pour toi !La jeune femme se retourna et le toisa, le jeune drow s'assit sur le fauteuilà côté d'elle, il lui tendit le message, encore cacheté. Aena le regarda sansgrand intérêt tandis qu'Aldarane trouvait que la bûche qui alimentait le feuavait une drôle de forme :- Euh, pourquoi tu as jeté ton livre dans le feu ?Aena soupira d'agacement :- Ce crétin d'écrivain a fait mourir mon personnage préféré !C'est inadmissible !- Ah ... Tu n'ouvres pas ta lettre ?- Si, mais j'attendais que tu quittes la pièce.Aldarane rougit tandis qu'Aena laissait sortir un peu rire ironique. Aena ouvrit finalement la missive dès qu'Aldarane eut passé le pas de laporte, elle ne reconnut que trop bien l'écriture fine et raffinée d'Arcanna :« Aena, j'ai reçu la lettre d'Aaron, il m'a tout expliqué pour ton Don.Rejoins-moi dans mes appartements, je t'apprendrai à t'en servir. Leproblème avec Katlyn est résolu, je lui ai parlé.P.S. : Le cerbère de garde sera sceptique avec toi, le mot de passe c'est‘Aaron est le maître du monde'ReP. S. : C'est évidemment Aaron qui a trouvé le MP » Aena referma la missive avec un grand sourire. Aaron faisait croire qu'ilétait narcissique ; mais seulement pour se donner un style ! Aena relut uneou deux fois le message et elle remarqua qu'Arcanna n'avait pas préciséd'heure. Elle soupira et dut donc se mettre en route pour le voir. Elle repassa devant sa chambre et toqua à la porte du bureau dudirecteur. Une voix gutturale s'en éleva :

Chapitre 13 107

Page 111: Aena, les terres de Missionnaire

- J'écoute.- Aaron est le maître du monde.La porte s'entrouvrit tandis que tous les élèves passants à proximité d'Aenapouffaient de rire. La jeune femme entra dans la pièce octogonale engrognant. Le cerbère de garde sortit pour surveiller le couloir. Avant departir, il poussa un aboiement féroce :- Mr Laurias vous attend dans sa chambre damoiselle Aena. La jeune femme pensa que jamais un homme n'avait été aussi galantavec elle. Elle ouvrit ensuite la porte se trouvant au fond à droite dubureau. Les appartements du directeur ne ressemblaient en rien au bureau.Tout était parfaitement propre, aucune trace de bordel. Pas comme lebureau ! Arcanna était agenouillé devant la fenêtre. Aena remarqua qu'ilétait habillé avec un pantalon de combat moulant. Elle lui sourit et sepermit de rompre le silence :- Arcanna ?Il se retourna en moins d'une seconde, surpris, il n'avait pas l'air de l'avoirentendue !- Tu es déjà là ? Je ne t'attendais que dans trois heures !- Mais tu as oublié de le mentionner dans ta lettre !- Vous êtes très mignonne aujourd'hui ! Aena rougit violement et baissa la tête, regardant ses pieds. Avait-ellebien entendu ? En plus, le phénomène vouvoiement/tutoiementcaractéristique à Arcanna gênait encore plus la jeune femme.- Bon alors, assied-toi sur mon lit et laisse moi faire.Sa requête pouvait paraître étrange, surtout en comparaison à ses dernièresparoles. Aena s'exécuta donc, pas trop confiante. Le lit à baldaquin du directeurétait très confortable, de beaux draps rouges ornés de fils d'or donnaient àce meuble un style royal. Une petite commode ainsi qu'un bureau enmarbre bleu elfique ornaient le reste de la pièce. Arcanna s'assit donc à coté de son élève, il lui posa une main sur le frontet attendit. Aena bougeait sans cesse et avait une drôle d'impression. Soncorps s'était transformé en coton. On aurait dit qu'Arcanna la privait detoute son énergie vitale ! Quand il enleva sa main, Aena cru que toutrevenait à la normale mais non, elle était chancelante.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 13 108

Page 112: Aena, les terres de Missionnaire

- Je viens de te prendre ton pouvoir pour le tester moi-même etrepousser ses limites.Aena le regarda, perplexe. Elle avait toujours mal au crâne :- T'es sûr ? Je souffre toujours le martyr !- Enfin, je t'en ai laissé, de toute manière, d'ici demain, tuauras recouvert tout ton mana et ton pouvoir ! Et je t'ai préparé un remèdeà base d'herbes miracles des contrées du Fandyr. Ça avait bien marchéchez toi la dernière fois.Il lui sourit et lui tendit un verre en étain qu'elle vida d'une traite. Aenaferma les yeux et fit une grimace. Arcanna rigola doucement et passa sesmains dans les cheveux d'Aena.- Non ! Ne commence pas comme Olaf !- D'accord, j'arrête. Maintenant passons aux choses sérieuses.Grâce à mes grandes connaissances magiques, je devrais réussir à maîtriseren partie ce nouveau pouvoir.Le directeur se concentra et se mit à marcher dans la pièce. Il faisait desronds parfaits et plissait le front d'effort. De la sueur perla progressivementà le surface de sa peau et il n'avait pas l'air d'arriver au résultat escompté. Au bout d'un moment, il s'arrêta et soupira. Il n'arrivait à rien ! Il pritdonc une craie et fit un pentagramme : un cercle avec à l'intérieur un M etun A croisé. Aena reconnut tout de suite le signe du médaillon deMissionnaire ! Il prit Aena par le bras et lui demanda gentiment :- Assieds-toi sur le M, moi j'irais sur le A.Ils s'exécutèrent et il lui tendit ses deux mains. Ses paumes étaient tièdes. Ilcommença :- Je vais te redonner ton pouvoir et nous allons parler, jen'arrive pas à le faire marcher seul ! Dès que nous aurons trouvé ce foutudéclencheur, tu arriveras à le contrôler ! Ce n'est pas un pouvoir comme lesautre qui marche seulement à la volonté. Je n'ai pas le temps d'apprendre àm'en servir. A la base, c'est toi qui dois en profiter !Aena acquiesca, elle ne savait pas pourquoi mais elle était nerveuse, elleavait comme un pressentiment !- Je vais te communiquer des petites décharges électriques quistimuleront ton système nerveux et ton cerveau !- D'accord.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 13 109

Page 113: Aena, les terres de Missionnaire

Arcanna baissa la tête et tendit les muscles de ses bras. Aena sentit bientôtde petits fourmillements l'envahir. Elle frissonna et ne put s'empêcher desecouer la tête. Arcanna arrêta donc et lui demanda :- Alors, ça a marché ?- Non.Il bougonna et redit d'une voix douce :- Bon, je dois être plus violent alors. Tu ne dois réagir qu'à deschoses plus fortes ! Normale sinon tu aurais des visions vingt-quatreheures sur vingt-quatre. Il lui sourit et posa ses mains sur le cou de la jeunefemme. Elle se sentit paralysée et se sentait refroidir. De la glace sortaitdes mains de la jeune femme et l'enrobait d'une fine couche glacée. Aenafrémit et tremblante, le supplia :- Arrête, je t'en supplie, j'ai froid !Arcanna fit une moue et demanda vite fait :- Rien ?- NON !Le jeune directeur alla ensuite un peu plus loin et lança une boule de feusur la jeune femme. Etrangement il semblait qu'à son contact, la glace sedésagrégeait et au bout d'à peine dix seconde, Aena était trempée, maisavait bien chaud !- Ecoute, je sais pas pourquoi mais tout ce qui aurait dûmarcher ne marche pas ! Il n'y a pas de meilleure stimulation quel'électricité, le feu ou la glace. Je ne comprends pas ...Il la regarda songeur. Puis d'un mouvement brusque, se jeta sur elle. Il laplaqua au sol violemment et elle sentit ses doigts se refermer sur sa gorge.Elle ahanait et pourtant, sentait une zénitude profonde en elle. Il étaitentrain de la tuer mais peu lui importait, elle se sentait bien ! Elle ne sedébattait même pas ! Arcanna la regardait, éberlué. Pas une once de peur. Rien. Il enleva sesmains de la gorge de la jeune fille.- On peux dire que vous êtes résistante, c'était la simulationnuméro quatre : le danger de mort ! La plus violente et celle qui marche àpresque tous les coups. Il n'en reste plus qu'une à test...- Arcanna, le coupa Aena.- Quoi ?

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 13 110

Page 114: Aena, les terres de Missionnaire

- C'est normal que je n'aie pas eue peur, renchérit la jeune fille,je savais que tu n'allais pas me tuer !Ils pouffèrent ensemble et le Directeur put enfin continuer :- Bon, il n'en reste plus qu'une seule à expérimenter. Tu aurasenfin une vision. Repère bien quelles sont les sensations qui te traversent àce moment-là, après, tu n'auras plus qu'à te les refaire mentalement pourque, à mon avis, tu puisses avoir des visions sur mesure !Aena souffla un bon coup et attendit.- Je suis prête, lança-t-elle.- D'accord, mais ne faites aucun geste brusque !Arcanna la regarda sereinement, il attendit le moment où elle était la plusdétendue et il se prépara. Après avoir baillé un bon coup, il ferma lespaupières de la jeune femme.- Arcanna ? Ce sera douloureux ?Le jeune homme se mordit la lèvre inférieure, il n'ajouta rien ce qui fitblêmir Aena. La jeune femme trembla un peu plus, la pièce était calme,trop calme. Soudain, un crissement se fit entendre, Aena cria et se mit en positiond'autodéfense. Un « aoutch » sonore lui rappela qu'elle venait de donner uncoup de pied à Arcanna. La jeune femme ouvrit les yeux et retrouva sonmaître se tenant l'abdomen, rouge comme une pivoine :- Mais qu'est-ce que tu foutais ?- Je barrais le pentagramme, j'avais pas envie de te retrouvermétamorphosé en quelque chose d'étrange juste parce que tu asmalencontreusement effleuré la craie avec ta main. On ne sait jamais avecces pratiques de Nécromant. Enfin bon, ça m'apprendra à avoir peur pourtoi !- Je suis ... sincèrement désolée.Aena baissa la tête et referma les yeux. Mais quand allaient-ils enfinréussir à lui faire déclencher une vision ?- Ecoute, vas-y tout de suite qu'on en finisse, je te jure que jene bougerai pas !Aussitôt dit, Aena referma les yeux et mit ses mains derrière son dos, aucas où ... Arcanna s'approcha, mi-confiant, mi-anxieux. Il s'accroupit en face

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 13 111

Page 115: Aena, les terres de Missionnaire

d'elle et respira un grand coup. Aena avait les yeux bien fermés, il pouvaity aller. Il espérait quand même qu'elle n'allait pas mal le prendre.Maintenant, c'était décidé, il le ferait et vite ! Aena n'eu pas le temps de comprendre quand Arcanna l'embrassa. Sesmuscles étaient raides sous le coup de l'effet de surprise et elle fut prised'une envie de meurtre. Mais bizarrement, elle le laissa faire et ne bougeapas, elle se laissait aller et les sensations bouillonnaient en elle. Elle se mitbien vite à suer abondamment et tout se floua autour d'elle.« Aena n'est pas elle-même, elle est dans la peau d'un autre, mais elle nesait pas qui, elle baisse la tête et aperçoit un corps difforme et poilu. Elleaimerait crier mais seul un grognement animal sort de sa bouche. Elle ne secontrôle pas et saccage tous les étages supérieurs. Elle remarque denombreuses décorations qui pendaient au mur. Au loin, elle entend les riredes élèves au rez-de-chaussée. Une seule pensée lui traverse l'esprit : C'estla soirée de Lowen. »Le contact chaud sur ses lèvres se décolla brusquement, la faisant retrouversa réalité. Elle n'était pas à la soirée de Lowen, elle était dans les brasd'Arcanna. Encore toute tremblante, elle le regarda, ses jambesflageolantes. Le directeur l'enlaça alors tendrement tandis qu'elle halètaitcomme une folle :- J'ai mal fait ? s'inquièta-t-il.- Non, c'était ... waouw !- Epoustouflant ? demanda Arcanna avec un demi-sourire.- Non, divin ...Aena se dégagea de ses bras, encore sous le choc, trop de choses luitaraudaient l'esprit : sa nouvelle relation avec Arcanna, ses visions toutesplus pessimistes les unes que les autres. Il fallait qu'elle aille méditer unbon coup sur le haut de la tour de guet ! Elle se dépêcha de franchir le pasde la porte, Arcanna n'essaya même pas de la retenir, dépité :- Je pense que tu as eu une vision, essaye de reproduirementalement tes sentiments pour en déclencher une autre. La prochainefois, je t'apprendrai à maîtriser le fil de tes pensées, tu vas enfin pouvoirdormir tranquille la nuit....Aena songea qu'il ne valait mieux pas imaginer ce qu'il allait lui enseignerd'autre la prochaine fois !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 13 112

Page 116: Aena, les terres de Missionnaire

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 13 113

Page 117: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 14

Le petit elfe se prit une boule de neige en pleine figure, ce qui n'arrêtapas de faire rire son ami qui venait de la lancer.- J'vais l'dire à Naya, bredouilla le petit en rogne.Il courut vers la femme, assise sur un banc. Elle scrutait la neige encompagnie d'Aaron, mains dans la main. Autour d'eux, tous les enfants del'école jouaient.- Naya, il m'a envoyé une boule de neige !- Qui ? demanda sereinement la femme de ménage ens'enroulant un peu plus dans son châle.- Lui, là ! montra le petit blondinet en désignant un enfanttellement enroulé dans la laine que personne n'avait remarqué jusqu'àprésent que c'était une petite fille.- Pamela, tu t'excuses tout de suite sinon j'appelle ton frère !commença Aaron avec un ton légèrement plus dur.La fillette ne se préoccupa pas d'eux et continua de jouer dans la neige.Naya sourit faiblement et rassura le petit elfe :- Allez, va jouer, et évite la si elle continue.Naya murmura ensuite au creux de l'oreille du professeur :- Tu sais, la menace aurait été plus crédible si Angello avaitété dans les parages, mais il est consigné avec Zep dans les cachots pourpréparer la déco là-bas. Alors la prochaine fois que tu essayes d'éduquer unêtre vivant, tu me demandes avant. Je te rappelle que tu n'as pas la scienceinfuse et que jusqu'à présent, c'est moi qui l'ait élevé seule. Alors s'il teplait, ce n'est pas en voyant des petits enfants toute la journée que tu saurastout de l'art d'être père.Aaron ne régit pas à la tirade. L'elfe, lui, était déjà repartit au triple galop dans l'épaisse coucheblanche. Il adorait l'effet de la poudreuse sous ses semelles. Il arriva bienvite sous un pilier de la cour et regarda avec délice les stalactites quiornaient le mur. Pris d'une envie folle, il essaya de s'en saisir mais du haut

Chapitre 14 114

Page 118: Aena, les terres de Missionnaire

de son mètre, il lui était impossible de les toucher ! Il leva la tête, ellesétaient tellement belles ; il leva encore plus la tête jusqu'à voir une façadedu château. Il remarqua avec surprise qu'on l'observait du haut d'unefenêtre. Aena sourit en voyant le bout de chou au loin. Elle soupira et arrêta descruter le paysage hivernal. Elle avait encore un peu de travail devant elle.Elle tourna ensuite la tête vers le réfectoire, bondé de tables. Durant lamajeure partie du matin, elle avait dû mettre les nappes, ranger les couvertsen argent et installer ces fichues banderoles au mur. Normalement, celaaurait dû être le travail de Kasuni mais celle-ci, trop petite avait obligéAena à le faire à sa place. La jeune fille, sujette aux vertiges avait faillittomber de l'échelle et ce n'était que grâce au soutient moral de Tey que lesbannières avaient pu enfin être accrochées. Certes, elles n'étaient pas tout àfait droites mais il ne fallait pas exagérer non plus ! Aena n'allait quandmême pas devoir remonter pour si peu, non ? Tey fit remarquer sa présence à la jeune fille en lui tapotant l'épauleénergiquement :- Eh, on a du travail encore ! Vient m'aider moi et ... Tyana aulieu de regarder ton oeuvre artistique qui nous as donné autant de mal cematin ! Tu refusais de bouger de ton échelle et après deux heuresd'acharnement, c'est même pas droit !Aena baissa la tête et entrouvrit les lèvres. Tyana, c'était la crétine d'elfequi le suivait comme un caniche depuis trois jours. Elle lui avait demandéd'être son cavalier pour la soirée de Lowen. Tey étaient dans les griffesd'une blondasse manucurée avec du rose ; autant lui dire que ça ne luiréussissait pas ! Mais pas du tout ! Il essayait par tous les moyens d'être lemoins possible avec elle, et Aena se retrouvait interpellée pour n'importequelles raisons.- Tey, lui susurra t-elle d'une voix mielleuse, en prenant soind'imiter au plus possible l'elfe.- Quoi ? demanda le jeune homme, stressé.- Va voir chez Tyana si j'y suis. Aena accentua toutparticulièrement le prénom de l'elfe, histoire de remuer encore plus lecouteau dans la plaie. Le jeune homme repartit la tête basse et la queue entre les jambes.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 14 115

Page 119: Aena, les terres de Missionnaire

Tyana l'accueillit à bras ouvert et vu la mine déconfite de Tey, il détestaitles sobriquets qu'elle lui affligeait. Aena se cacha pour rire. Tyana ladétestait déjà, pas besoin d'en rajouter une couche supplémentaire ! Soudain, la porte s'ouvrit avec fracas et une jolie rousse aux yeuxardents entra. Kasuni slaloma entre les tables impeccablement préparé pouraller chez son amie, en passant, elle ne pu qu'admirer les fanions aux mursavec une pointe d'ironie.- Aena, on nous attend pour manger dans les couloirs, onn'allait quand même pas commencer à salir ces si jolies nappes blanches ?- Je viens tout de suite, répondit Aena.En partant, cette dernière remarqua que Tyana venait de plaquer Tey dansun coin sombre du grand réfectoire. Elle lui susurrait de doux mots àl'oreille et caressait son torse doucement, ses mains avaient l'air dedescendre. Le pauvre Tey, lui, semblait paniqué ! Tétanisé même. Aena nepouvait quand même pas le laisser endurer ça, elle cria dans la pièce d'unton niais :- Bon, les tourtereaux, il est l'heure d'aller manger ! Les couloirs étaient remplis de monde, Naya et Aaron étaient rentrésavec les enfants. La plupart des gens mangeaient les délicieuses galettes deSin, mais certains, trop zélés sans doutes, continuaient de décorer les murs.Aaron avait à peine prit le temps de manger qu'il avait continué sabesogne, inspectant les moindres détails. Il affirma à voix haute :- Si ça ne tenait qu'à moi, je mettrais que du noir partout, jen'ai jamais compris pourquoi Arcanna me l'a toujours refusé ! C'est bienconnu, plus c'est rustique, mieux c'est !Personne ne lui répondit, les rires étaient à peines masqués et tandis quecertains s'amusaient, les derniers retardataires invitaient les cavalières. Laplupart des filles, elle, s'occupaient de réfléchir à la robe qu'elles allaientinvoquer. La plus belle d'entre elle serait regardée par tous et bénéficieraitd'un prestige sans limites. C'était un peu la Miss Missionnaire de cetteannée !- Aena, je voulais te dire merci ! Je n'aurais pas supporté dec....- TEY ?- A ... soir.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 14 116

Page 120: Aena, les terres de Missionnaire

Tey repartit au triple galop sous le rire tonitruant de Kasuni. La rouquineirait au bal avec Angello. Ils étaient devenus amis, c'était une relationsolide qui s'était bâtie sur plusieurs mois. Katlyn, de son côté, affirmait que Kasuni sortait de leur chambrescertaines nuits et ne revenait que quelques heures après, le nouvel amant deKasuni ne devait pas être innocent dans cette étrange affaire. Pour lemoment, aucun de ceux qui avaient tenté de savoir le nom de l'heureuxvainqueur n'avait eu de réponse. La jeune rouquine voulait garder secret sarelation amoureuse. Aena n'était pas étrangère de ce genre de pratiques. Certaines de sessoirées étaient aussi occupées par un homme charmant : Arcanna. Ilsparlaient pendant des heures sur des sujets divers et variés. Arcanna étaitun homme juste et cultivé, calme et intelligent ! Chacun de ses baisersplongeait Aena dans de nouvelles sensations. Ils découvraient ensemble,les territoires encore inexplorés de l'amour. Déjà à ce stade de sa relation,Aena n'aurait pu supporter l'idée de devoir le quitter. Certes, cette relationétait difficile mais en valait la chandelle ! Aena souffrait un peu plus tousles jours du regard neutre qu'il lui portait en compagnie des gens, mais dèsle soir, lorsque tout le monde était censé dormir, il la dévorait des yeux etregorgeait de gestes tendres comme personne ! Aussi, Aena avait désormais un but précis : Avoir son diplôme pourvivre une vraie relation devant tout le monde avec Arcanna ! Soudain, alors qu'Aena songeait avec délices à sa dernière nuit avecArcanna, Aaron l'apostropha. Son rêve éclata en mille morceaux tandis quele matou lui expliquait :« Aena, vient avec moi, je dois te parler de tes bannières dans leréfectoire ! »

***

Aena manqua de tomber à la renverse. Elle maudit encore une fois samédiocrité pour l'invocation et lança un regard meurtrier à l'enfant quivenait de la bousculer. Elle continua ensuite son chemin et au passage, elleprit un verre de liqueur-de-vie pour digérer le festin. Devant elle, elle

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 14 117

Page 121: Aena, les terres de Missionnaire

discerna Tey, morose qui faisait semblant d'écouter Tyana. Mais quandcomprendrait-elle qu'elle était de trop ? Sûrement jamais ! La jeune femme, pour profiter au mieux de la musique sans devoir lutterpour garder son équilibre se posta à un coin du réfectoire. En la voyantarriver, Nouka et Ko se turent brusquement. Le soleil qui se couchait àpeine envoyait dans la pièce encore assez de lumière pour qu'Aena puisseles distinguer. Ko pour changer, n'était pas dans une bure miteuse maisdans une soutane noire et blanche très élégante. Il revêtait un chapelet auxperles dorées qui contrastait avec la couleur foncée de sa tenue. Nouka lui,portait un ensemble simple mais raffiné pour l'occasion. Ko en voyantqu'elle ne repartait pas, la dévisagea encore plus :- Il y a un problème le Catho ? grogna Aena d'un ton féroce.- Que nenni ! Je réponds, Au diable Satan ! Je compte bienm'amuser ce soir ! Nouka, viens, nous partons.Aena fut éberluée par cette phrase. Ca ne ressemblait pas du tout à du Ko,peut-être ne supportait-il pas l'alcool ! Aena les regarda s'éloigner et se mit un peu plus dans le coin duréfectoire, la musique commença. Certains dansaient mais la plupartparlaient entre eux. La jeune fille aurait tellement adorée partager un slowavec Arcanna mais c'était tout bonnement impossible. Elle rumina doncdes pensés noire malgré la bonne humeur ambiante ! Soudain, tout le monde se tut ! Aena tourna la tête pour voir de quoi ils'agissait et elle ne put s'empêcher d'ouvrir la bouche, éberluée. Aaronvenait de monter sur scène, tout le monde les regardait car Naya venaitd'apparaître à son tour. Aaron était habillé dans une tenue très chics, etNaya dans une robe courte et moulante, pailletée. Autant dire que les deuxréunis faisait un couple pour le moins étrange. Aaron claqua des doigtsavec son habituel sourire mesquin. Naya, elle, semblait plus nerveuse. Lamusique commença, mais pas un instrument n'était sur scène, c'était unehallucination auditive ! Tout le monde semblait entendre ce morceauinstrumental et la plupart des élèves sifflèrent. C'était une vieille chansonassez connue au rythme très entraînant :- Monsieur, vous n'allez pas chanter ça ?Aaron se retourna et toisa le malchanceux avec haine :- Quoi, qu'est-ce qu'elle a ma chanson ? Tu sais, si elle te plait

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 14 118

Page 122: Aena, les terres de Missionnaire

pas ... on avisera, fit Aaron en faisant craquer ses articulations.- Euh ... non rien, elle est vieille mais ... c'est une chouettechanson ...L'élève en question disparut au milieu de la foule, il ne donna plus aucunsigne de vie durant le reste de la soirée ! Aaron commença à bouger, lentement, suivant le rythme des pulsations.Naya l'accompagnait en claquant la langue. Tout le monde les observaient,ils avaient tous l'air tendu et se concentraient à ne pas rire. Sinon, qui auraitpu dire dans quel état se serait mit Aaron ? Quand Aaron se mit à chanter, personne ne bougea. Le professeur, vexé,cria à la foule :- Mais CHANTEZ !L'ordre s'avéra utile car tout le monde reprit les paroles, évoquant lesguerriers au combat. Au fur et à mesurer que la musique augmentait, lesgens osaient bouger jusqu'à ce que tout le monde chanta à tue-tête etsautèrent dans tout les sens. Même Naya s'y mettait, ce qui entraînaitencore plus de monde. Aena fut entraîné par un diplômé inconnu qui dansa avec elle, le rythmeétait insoutenable et personne n'arrivait à rester statique sans avoir l'envieirrésistible de danser.- PLUS FORT ! crièrent Aaron et Naya, on leur répondit pardes hurlements féroces. Et bientôt, tout le monde acclama le couple.Même Aena avait retrouvé le sourire et dansait. Elle changea bientôt departenaire et opta pour un second. Elle fit mine de danser mais en secret,regarda la salle. Elle trouva vite ce qu'elle recherchait ; Tey. Il dansait avecTyana, enfin, c'était Tyana qui dansait surtout. Elle l'entraînait dans unechorégraphie elfique particulièrement inapproprié à la soirée. Le jeunehomme, honteux, s'occupait de regarder ses pieds d'un air morne.Apparemment, il devait être la seule personne présente à ne pas s'amuser !Enfin, pas le seul, certains élèves manquaient ; comme les maladesconsignés à l'infirmerie ou les quelques récalcitrants qui révisaient dansleurs chambres. Mais les trois quarts des pensionnaires de l'établissementse trouvaient quand même dans le réfectoire. Quand la chanson prit fin, Aaron et Naya quittèrent l'estrade sous lesvociférations des gens présents. Et bientôt, toute la salle reprit sa quiétude.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 14 119

Page 123: Aena, les terres de Missionnaire

On pouvait encore voir quelques nostalgiques qui dansaient mais ilsn'étaient plus vraiment nombreux. La magie de Missionnaire n'avait étéactive, que le temps d'une chanson ! Aena soupira et reprit sa place un peu à l'écart, elle ne manquait pasd'espionner Tey qui voyait sa soirée anéantie. Un contact chaud sur seshanches la fit tressaillir, elle se retourna en vitesse et découvrit Arcanna, lesourire aux lèvres :- Oh, doucement ma Tigresse.- Arcanna ! mais tu es fou, on va nous voir.- Je sais mais c'est Lowen ce soir, c'est le moment de toutes lesfolies !Il l'embrassa rapidement et l'entraîna derrière une table, à côté d'unefenêtre. Aena était tellement heureuse de pouvoir le retrouver, même si elledevait faire semblant de lui parler normalement. Leur relation devait restersecrète ! Après avoir longuement parlé, il commença à aventurer ses mains enterritoires encore inexplorés. Ainsi, la jeune femme sentit qu'il jouait avecles rubans qui fermaient sa robe.- Nous pourrions peut-être nous retrouver dans un lieu un peuplus intime pour parler ? lui susurra-t-il au creux de l'oreille.Aena rougit imperceptiblement :- Arcanna ... on pourrait nous v...- Regarde, dit-il en lui montrant la nuit étoilée.Moona la première lune éclairait tout le pays de sa lumière diaphane tandisque la Lune sans Nom, aux éclats bleus tournait autour de la première.Mais on pouvait également apercevoir une troisième Lune cette nuit, elleétait plus petite que les deux premières mais sa couleur était légèrementrougeoyante.- Arcanna, il y a une troisième Lune dans le ciel ce soir !s'étonna Aena.Le jeune homme déposa un petit baiser sur sa nuque et continua :- C'est Iluk'änva, en elfique ça signifie « qui vient tout lesmille ans ». Regarde la bien, tu as la chance de l'apercevoir. Ce soir enplus, Iluk'änva est pleine ! Cela ne se reproduira plus que dans mille ans.Aena était fascinée par cette dernière Lune, elle avait le privilège de

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 14 120

Page 124: Aena, les terres de Missionnaire

l'admirer et si Arcanna ne le lui avait pas dit, elle serait passée à côté de sespectacle magnifique. Le contact chaud du corps de l'homme pressé contre le sien la fit revenirà la soirée. Le directeur lui écarta une mèche de ses cheveux et luimurmura doucement :- Tu imagines, notre première fois ce soir, avec Iluk'änva.Laisse toi tenter.Aena frémit, elle se sentait fondre en entendant sa voix, elle ne pouvait pasrésister. Il l'entraîna vers la porte, ils durent faire semblant de se parler de choseet d'autre ; puis, Arcanna partit sans attirer l'attention. Aena alla au buffetet sirota un verre d'hydromel, et enfin, partit discrètement. Quand elle ouvrit la porte de sa chambre, il l'attendait déjà, assis sur lelit, un sourire vainqueur dessinait ses lèvres. Aena le rejoignit, timide. Il laprit par les hanches et la fit s'asseoir sur ses genoux. Après avoirdélicatement délacé ses cheveux, il caressa son dos nu. La jeune femmesentait à peine le mouvement de sa main qui s'attardait sur les rubans ensatin. La chaleur de la pièce sembla monter de quelques degrés quand leruban tomba inerte au sol. L'étoffe se souleva doucement et Aena sedégagea de sa seconde peau devenue encombrante et se retourna vers lui,nue. Elle n'avait plus peur et son visage rayonnait :- Que les choses sérieuses ... Commencent !

***- Ecoute Tyana, ce n'est pas pour te vexer mais nous n'allonspas ensemble. Tu es une elfe trop intelligente pour moi et il est clair que jene suis pas à la hauteur, bafouilla l'adolescent.La jeune femme aux pommettes hautes et aux lèvres pulpeuses s'approchade lui, effleurant son visage avec sa main. Le jeune homme tressaillit à cecontact :- Tu n'aurais pas envie de goûter à des plats typiques elfique ?demanda t-elle en pressant son corps contre le jeune homme.- Euh ... Non merci, répliqua Tey en se dégageantbrusquement.Il se dépêcha de s'arracher de l'étreinte de la femme et rentra dans la foule

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 14 121

Page 125: Aena, les terres de Missionnaire

compacte. Elle exagérait vraiment cette fille !Il vérifia qu'elle ne le suivait pas et constata avec soulagement qu'elle étaitrestée dans son coin, dépitée.- Ouf, je ne voulais pas lui faire de mal mais là, elle m'a faitfranchir le seuil critique ; je vais aller prévenir Aena et on va enfin pouvoirs'amuser ensemble tranquillement. Tey eu beau chercher dans la salle, il ne la trouva pas. Il rencontrafinalement Kasuni mais celle-ci était en train de danser un slow avecAngello. Ce duo était tout à fait étrange ; Kasuni était une petite rousseénergique et Angello un énorme colosse froid et inerte. Kasuni était pâle etavait l'air fragile, Angello, lui, ressemblait à une montagne. Il y avaitencore tant de choses qui les opposaient que Tey passa son chemin,préférant les laisser seuls. Après avoir fouillé tous les endroits potentiels, il était bredouille. Aenasemblait avoir tout bonnement disparu. C'est alors qu'une autre hypothèsegerma dans sa tête : Et si son amie était allée se coucher, elle devaitsûrement s'ennuyer seule ! De toute manière, rien ne l'empêchait d'allervérifier par lui-même ! Et puis, il pourrait en passant prendre quelquesaffaires, comme un potion de Fandyr, il digérait mal l'alcool et était sur leseuil critique. Sa tête commençait à lui faire mal. Tey sortit donc du réfectoire bruyant et monta l'escalier pour arriverjusqu'à sa chambre. En chemin, il croisa quelques élèves qui cuvaient ensilence. Une fille qui paraissait totalement folle descendit même lesmarches sur les fesses en projetant des bouteilles de vin. Le tout dans uneambiance festive ! Tey tourna et arriva enfin dans le couloir menant aubureau d'Arcanna. Sa chambre à lui et à Aena était en face de son bureau.Le jeune homme remerciait le Directeur de leur avoir donné volontierscette chambre, sinon, qui aurait pu dire combien de temps ils auraientsupporté Ko ? Il fallait dire que cette énergumène était de la pire espèce.Tout le monde passait par une douche d'eau bénite en entrant dans la pièce,sans compter les prières à toutes heures du jour et de la nuit. Le pluslassant devait quand même être ses regards noirs et inquisiteurs. Enfin bon,Tey ne regrettait pas ses anciens compagnons de chambrée. De curieux petits bruits le firent sortir de sa rêverie quand il fut aumilieu du couloir. Et au fur et à mesure qu'il se rapprochait de sa chambre,

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 14 122

Page 126: Aena, les terres de Missionnaire

les bruits se faisaient plus distincts, jusqu'au moment où il s'arrêta devantla porte. Il écouta un bref instant ; mais il le regretta aussitôt ! Lesgémissements qu'il percevait n'étaient employés que dans une situationparticulière qu'il ne comprenait que trop bien ! Aena était avec un hommeet il le faisait dans leur chambre ! Quand même, ils auraient pu aller danssa chambre à lui. Les soupirs de plaisirs se firent plus fort et Tey se décida à repartir leplus vite possible, et le plus discrètement aussi. Aena ne devait jamais lesavoir ou sinon elle le tuerait ! Et puis, à les entendre, il se sentaitextrêmement gêné, le rouge lui montait aux joues. Il se dépêcha d'atteindrel'escalier mais il perçut une parole :- Arcanna !C'était Aena qui venait de parler dans un moment de jouissance. Tey ne putrésister et dévala l'escalier en trombe, essayant d'oublier tout ce qu'il venaitd'entendre !

***

Elle ouvrit les yeux quand Arcanna lui caressa le visage. Aena lui souritet alluma sa lampe de chevet, elle avait tellement chaud ! La jeune femmese hâta et se força presque à sortir de son lit. Arcanna ne s'était pas autantdépêché et regardait par la fenêtre, nu. Aena avait ainsi une belle vue surses fesses très blanches, ce qui la fit rire :- Quoi ?- T'as une marque de bronzage sur les fesses... hihihi.- ...Le jeune homme passa une main dans ses cheveux, fit une mimique etcommença enfin à s'habiller. Aena se rebrossa les cheveux pour effacertoutes les traces possible, leur secret était très important ! Arcanna, lui,s'épousseta rapidement et se jugea comme bien.- Mais regarde, lui fit remarquer Aena, tu as mis ta cravate àl'envers !- Oups, désolé, mais c'est de ta faute de toute manière, tu m'asfait tourner la tête alors je ne sais plus où en donner !Il lui sourit et l'enlaça tendrement, jouant machinalement avec les rubans

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 14 123

Page 127: Aena, les terres de Missionnaire

de la robe de sa compagne :- Oh non, tu vas pas recommencer ?- J'aime bien ces rubans, d'ailleurs, c'est la seule chose de beaudans cette robe. Tu n'as rien trouvé de mieux à Invoquer ?Aena baissa un peu la tête, il était vrai que cette robe n'était pas super !Elle se l'était imaginée à la hâte en deux minutes. Comme si elle avait euele temps d'y penser avant :- Attends ma chérie, je vais vous faire un cadeau !La phrase aurait pu être charmante si Arcanna ne l'avait pas vouvoyé. MaisAena savait qu'il ne le faisait pas exprès, elle ne lui en voulait pas. Arcannas'assit sur le lit , i l tendit les mains et regarda Aena. Ses doigtss'illuminèrent et un petit tourbillon se forma sur le parquet. Les particulesqui tournoyaient dans le vent se détachèrent jusqu'à former ensemble uneétoffe fushia.Arcanna ferma ses paumes ; la robe était fin prête !

***

Arcanna entra en douce dans la salle. Il était seul et croyait avoir étéassez discret pour ne pas s'être fait voir. Ce fut une erreur car, plus loin, onle surveillait. Tey ne l'aperçut que trop bien et grogna, ainsi, il avait bien entendu. Ilserrait les poings et se retint pour ne pas aller dire au Directeur ce qu'il enpensait ! Cet homme n'avait pas ce grand H comme Kasuni le disait tant. Ilsautait apparemment sur la première fille fragile et l'usait jusqu'à la moelle.Jusqu'au jour où il la lâchait et où lui, Tey, serait là pour recoller lesmorceaux. Aena sous ses airs de guerrière Barbare cachait un coeur tendreet généreux, les gens auxquels elle avait confiance comptaient beaucouppour elle. Arcanna en faisait partie et vu comment elle s'était donné à lui,elle l'appréciait vraiment, même plus ! Et si jamais il la tromperait, quipourrait dire dans quel état se trouverait Aena ?- REGARDEZ !- Ouah !Un troupeau s'était formé à l'entrée. Beaucoup criaient et le restes'exclamait à voix haute. Tey poussa quelques personnes, renversa trois

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 14 124

Page 128: Aena, les terres de Missionnaire

hydromel et put enfin voir le motif de l'agitation. Quand il comprit, il faillits'étrangler : c'était Aena ! La jeune femme, droite était fière. Ses cheveux aussi noirs que lecharbon se déversaient en une cascade de boucles jusqu'à ses épaulesblanches. La couleur pourpre de sa magnifique robe plissée saisissait etretenait le regard. Ses mains, fines, étaient cachées par une draperie en soierouge et lisse. Et ses yeux, les deux couleurs, si différentes, semblaientbriller d'une lueur nouvelle. Aena était plus que belle, elle était parfaite !- Miss Missionnaire ! crièrent un peu plus fort les gens entendant les bras vers elle. La jeune femme les salua tous et la salle, petit à petit, reprit sa sérénitéd'antan. Mais souvent, on se retournait au passage de la jeune femme, onparlait d'elle ou on imaginait de quels compliments on pourrait la gratifier.D'ailleurs, la plupart des compliments venait de la gente masculine, leursidées n'étaient qu'à peine voilés ! S'ils avaient su ! Arcanna, lui, regardait lascène avec tristesse, il ne pouvait aller lui parler, plus assez discret. La porte massive de chêne s'ouvrit avec fracas, découvrant une vingtainede jeunes gens. La plupart arboraient des vêtements sobres et non de fêtes,certains portaient dans les bras d'énormes livres runiques. Ils hurlèrent :- Nous on essaye de réviser ou de dormir et vous faitestellement de bruit que vous nous gâchez la soirée, ça va pas là !L'adolescent qui venait de parler sortir de la masse devait être le leader des« intellos ». Ils ne voulaient pas se joindre aux autres même si c'étaitLowen, pas n'importe quelle fête ! Toujours réviser, apprendre. D'oùpouvait venir cette aspiration ? D'une volonté à toute épreuve, ou autrechose ? En tout cas, cet état d'esprit pouvait les mettre sur les nerfs !- Arrêtez votre bouquant d'accord ? Y'en a qui révisent !La plupart des fêtards levèrent les yeux au plafond et firent mine de setaire. Mais dès que la porte serait refermée, nul doute que les joyeux luronsreprendraient leur tintamarre ! Ni Aaron ni Arcanna ne firent attention à cegroupe d'individus qui venait de débarquer. Le carillon sonna, il étaitminuit !- Je ne dis pas ça pour plaisanter ! Je veux que vous arr... Il n'eu pas le temps de terminer sa phrase qu'il tomba à terre, inerte. Toutle groupe chancela et en à peine trois secondes, plus aucun « intello »

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 14 125

Page 129: Aena, les terres de Missionnaire

n'était debout. Quelques personnes présentes crièrent de peur et la paniques'installa dans la salle. Tout le monde n'envisageait que trop bien que lecoma de ces élèves n'était pas le fruit d'un pur hasard ! Aaron et Arcanna avancèrent en courant, ils touchèrent les pouls ; ilsvivaient tous mais étaient entré dans un sommeil profond, rien ne pouvaitles réveiller à par le temps !- Magie offensive ! cria Aaron- Tout le monde en rang ! hurla Arcanna en s'activant.Naya, elle, était déjà en train d'énumérer les prénoms !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 14 126

Page 130: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15

- Netam Ko ? Crawls Nouka ? Dernier appel !L'ambiance était électrique, tout le monde se regardait. Mais dans la foule,personne ne leva le bras, toujours pas ! Ko et Nouka n'étaient pas dans lasalle ! Au bout d'une minute de silence, Naya descendit de l'estrade etregarda Aaron droit dans les yeux. Les deux élèves étaient les seulsmanquants et Aaron baissait la tête : Ko était son apprenti !- Aena, Tey, venez, murmura Arcanna à l'intention des deuxadolescents pendant qu'Aaron prenait des mesures drastiques :« Personne ne bouge de la salle sans être accompagné ! Le réfectoire vaêtre fermé et Naya va aller à l'infirmerie veiller sur les malades ! Moi etArcanna nous partons dans le château chercher les élèves manquants etessayer de nous renseigner sur cette magie offensive ; qui est l'auteur,pourquoi ... Préparez-vous à lutter, on ne sait jamais ! Ça sent les espions àpleins nez ! » Personne ne trouva quelque chose à redire. Tout le monde était tendu etles élèves s'assirent dans le plus grand silence. Arcanna également, en faced'Aena et Tey et leur chuchota son plan :- Vous êtes les seuls ici à avoir été en contact assez procheavec les deux disparus. Ils étaient ... insociables et les moindresinformations pourraient être bonnes pour nous. Nous devons savoir s'ilsont un rapport avec le sort de tout à l'heure. Ça m'a l'air d'être un plan trèsbien préparé !Aena avalait les moindres de ses mots et réfléchissait si un jour, Ko ouNouka lui avait semblé bizarre. D'ailleurs, c'était très dur avec eux de direce qui était étrange dans leur comportement car celui-ci se trouvait êtretoujours saugrenu.Tey se risqua alors :- Mais ... ils vont bien ceux qui se sont ... endormis ?Arcanna répondit avec nonchalance :- Ils vivent mais rien ne peut les sortir de leur sommeil avant

Chapitre 15 127

Page 131: Aena, les terres de Missionnaire

que le charme disparaisse. Je pense personnellement qu'ils devraient seréveiller d'ici demain ... au plus tôt. Venez plutôt, nous allons fouiller lachambre des disparus, et en chemin, si vous vous souvenez de quelquechose, n'hésitez pas ! Aena et Tey acquiescèrent et se levèrent en même temps que leDirecteur. Tey ne put s'empêcher d'éprouver de la colère envers Arcanna.Aena le regardait avec une béatitude à peine feinte, et dans le fond, cethomme le dégoûtait au plus haut point ! Mais il fallait le dire ; il maîtrisaittrop bien la situation que c'en était presque écoeurant pour Tey. Il étaitobligé de se soumettre à sa volonté, mais ce n'était que partie remise ! Aaron ferma la porte derrière eux et ils montèrent l'escalier du premier.Aena eut beaucoup de mal à se mouvoir ; sa robe longue et ses chaussuresà talons la ralentissait. Aaron soupira et, en voyant la magnifique tenue queportait la jeune femme, sourit :- Très belle robe ; si seulement tu arrivais aussi bien àmaîtriser ton Don qu'à corrompre tes amants ! Ah les femmes, toutes lesmêmes !- Mais je n'ai pas d'amants ! s'indigna Aena.Aaron haussa un sourcil et avança un peu plus vite :« C'est ce qu'elles disent toutes de toute manière. »- On est arrivé ! s'exclama Arcanna en mettant un doigt sur labouche d'Aena qui s'apprétait déjà répliquer.Aucun bruit ne parvenait de la chambre, ils ouvrirent donc la porte endouceur, aux aguets. La pièce était pareille que lors de leur première visite. Elle étaitfaiblement éclairée et Aaron se mit donc à côté de la seule fenêtre.Arcanna, lui, n'eut qu'à faire un pas dans la pièce pour trouver un indice, ils'accroupit au sol et montra le parquet :- Regardez, il y a des traces de lutte, comme si on avait grifféle parquet, ça semble violent et le choc s'arrête ici.Il montra le coin du bureau, on y distinguait des éraflures. Il avait raison ;les deux garçons semblaient s'être battus ce soir, ou peut-être remontait-ceà un autre jour ? Non, les quelques taches de sang à terre étaient fraîches.Le directeur reprit ses explorations tandis qu'Aaron baillait aux corneilles.Ils ne trouvèrent rien dans la commode à part des vêtements. Ils

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 128

Page 132: Aena, les terres de Missionnaire

s'attaquèrent ensuite au bureau. Toujours rien. Le vide total !- Il n'y a pas d'encrier ? s'informa naïvement Aena.Arcanna objecta de la tête.- Pourquoi tu me demandes ça ?- Ko écrivait souvent.C'est ce moment que choisit Tey pour se réveiller :- Maintenant que tu le dis, ça me revient en mémoire ! Moi, jeme souviens qu'il prenait ses messages et qu'il les envoyait partéléportation ! Je n'ai jamais su à qui il écrivait mais j'ai vu où il mettait seslettres ; dans ce tiroir exactement.Tey montra fièrement un tiroir tout aussi vide que les autres. Arcannahaussa les épaules :- Bien essayé, je suis sûr que si nous retrouvions ces lettres,nous pourrions en tirer quelque chose mais vu que Ko les a cachées...Aaron, toujours adossé à sa fenêtre leva les yeux au plafond :- Ko n'était pas mon apprenti pour rien, il était malin, trèsmalin. Vu de loin comme ça, je dirais que ce que vous cherchez est sousvotre nez.- Mais il n'y a rien dans ce tiroir, râla Arcanna.Aaron regarda une dernière fois dehors et quitta sa place, il alla près duDirecteur et lui avoua :- Ko maîtrisait parfaitement son Don ! Ce n'était plus del'invisibilité, c'était de l'art ! De la dissimulation à l'état pur ! Les chosesqu'il choisissait de faire devenir invisibles l'étaient et en plus, elles étaientintouchables, insonore, on ne pouvait pas non plus les sentir, toutsimplement parfait.En disant cela, on percevait de la part d'Aaron une très grande admirationpour Ko. Cela suffit à Aena pour qu'il remonta un peu dans son estime.Arcanna n'était pas aussi ému que la jeune femme, pour lui, le seul but étaitde trouver cette lettre ou toute autre information qui lui permettrait deretrouver les deux adolescents ; après tout, ils étaient les premiers suspectsde ce qui venait de se passer !- Pas le temps de savoir qu'elle est la limite de l'art ! Je doistrouver ces lettres, je suis sûr qu'elles ont un rapport avec ce qui vient de sepasser ! Et Aaron, je suis désolé de te le dire mais je ne crois pas que

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 129

Page 133: Aena, les terres de Missionnaire

Nouka et Ko soient innocents dans cette affaire.Aaron baissa la tête et dit à voix haute :- Je sais mais je ne peux pas m'y résoudre. Ko n'est pascomme ça ... je l'aurais remarqué non ?Il se mordit les lèvres. Arcanna voyant qu'il était troublé par ce qu'il venaitde dire tapa amicalement dans le dos :- Ressaisis-toi Aaron, on va utiliser un sort pour voir ce qui aété dissimulé ! Tey, va dans mon bureau et cherche mon amulette duchâteau, et si en passant tu trouves une bague violette et dorée, j'en auraisbesoin pour le charme ! Mais surtout, dépêche toi !Tey hocha la tête tandis qu'Aaron et Arcanna cherchaient sous le lit deNouka d'autres indices. Le jeune homme sortit de la pièce et se retourna audernier moment. Il demanda d'une voix anxieuse :- Aena, tu ne viens pas ?- Non.Ce simple Non blessa Tey, il était tellement froid et inexpressif. Tout d'uncoup, ce fut une évidence pour lui : Aena et lui n'étaient pas une seule etmême personne, il avait sa vie et elle la sienne. Il devait arrêter d'être samarionnette ! Ça suffisait maintenant ! Tey se mit en route, il ne regardamême pas derrière lui, allant tout droit. Dès le lendemain, il lui dirait tout !Tout ! Plus rien ne serait secret et voilà ; quand tout serait déballé, il seraittranquille. Il n'avait été jusque là qu'une chrysalide de papillon attendant lebon moment pour se fissurer. Après avoir dormi autant de temps, il étaitsur le point de s'envoler. D'ailleurs, rien qu'en prenant toutes cesrésolutions, il se sentait déjà mieux. A partir de maintenant, il était Tey,Tey Quasa ; et rien d'autre ! Le jeune homme accéléra la marche ; Arcanna lui avait dit de sedépêcher. Arcanna ... rien, qu'en pensant à lui, Tey avait envie de vomir.Cet homme était écoeurant et désormais, Tey ne ferait plus semblant ! Ilétait un homme, il lui dirait ce qu'il en pensait de lui et Aena ! Aena, elle, ill'adorait tellement qu'elle l'envahissait. L'attachement qu'il lui dévouaitétait plus que celui d'un frère à une soeur. Mais il venait de s'en rendrecompte : elle était une plante grimpante, plus elle montait et plus ellel'étouffait ! Il lui faudrait se détacher un peu d'elle, ce serait pour lui unesouffrance terrible, plus dure encore que d'arrêter la poudre violette, mais il

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 130

Page 134: Aena, les terres de Missionnaire

le fallait. Toutes les aventures qu'ils avaient vécues ensemble nes'effaceraient pas ; ils resteraient amis et en plus, il serait lui. Alors c'étaitd'accord ; Tey avait pris ses résolutions et il s'y tiendrait. Le pacte étaitscellé avec son propre sang, il ne pouvait plus reculer. Jamais ! Le frisson qui le traversa quand il entendit le hurlement de la bête luiglaça le sang. Un cri perçant. Inhumain. Il n'avait jamais rien entendu detel, même les hennissements de Ténèbre quand il tuait une proie faisaientpâle figure à côté de cela. Tey se rapprocha en silence, il aurait eu envie departir, loin, très loin. De ne pas être là, tout simplement. Mais avait-il lechoix ? Il n'était pas un lâche et on comptait sur lui pour ramener la bagueet l'amulette ! Tey continua d'avancer, le couloir du premier ne lui parutjamais aussi hostile. Il remarqua que beaucoup de décorations gisaient ausol ; les morceaux de verre des boules traînaient et une longue griffureserpentait le long des lambris du plafond. Le sang de Tey se figea. Quipouvait bien avoir fait cela ? Etait-ce « ça » qui avait lancé le sort sur les‘intellos' ? Tey n'eu pas le temps de s'interroger plus. Son instinct avait été le plus fort, il se mit à courir vers le fond ducouloir ; sa chambre, là où était son bâton de combat : sa seule chance dese défendre ! La pâleur des trois Lunes réunies n'était pas suffisante pourvoir correctement et Tey tâtonna devant lui pour trouver la poignée de saporte. Il glissa, ses mains étaient moites. Vite, la chose arrivait, ill'entendait ! Sa chambre lui parut extremement sombre et une odeur de fauve yrégnait. Il se promit de repeindre sa nouvelle chambre en vert. Ce seraitbien plus lumineux et accueillant que ce marron. Il ferma le verrou etcourut se réfugier derrière son lit. Il s'accroupit dans un coin de la pièce. Labête se mit à lacérer la porte en bois qui émettait de curieux crissement,tout ça ne la retiendrait pas longtemps. Vite, son arme ! Tey se mit à platventre et mit son bras sous son lit. Il tâtonna un moment avant de tombersur le manche dur et froid de son bâton. Il se releva, tenant fièrement sonarme et le mis devant lui, en signe de parade. Il se rapprocha de la porte,aux aguets; la chose semblait être partie, mais qui aurait pu le savoir ? Teyn'eut le temps que de poser une main sur le verrou.Un bruit. Son cri d'horreur. Tey sauta de côté pour éviter la main poilue qui était sortie du bois.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 131

Page 135: Aena, les terres de Missionnaire

Voyant que le jeune homme lui avait échappé, la chose hurla. Unhurlement rauque, bestial, terrifiant. Tey frissonna. La porte n'opposa pasde résistance à la bête qui la brisa comme un fétu de paille. Et Tey pu enfinla voir. La bête se tenait sur ses deux pattes arrières et toisait le jeune hommeavec ses yeux injectés de sang. Tout le reste du corps était noyé sous unemasse de poils sombres, sales et hirsutes. Quand Tey croisa son regard, ilsut ce qu'il avait en face de lui : un vrai Loup-Garou ! Tey gémit etfrissonna, son arme faisait pâle figure face au monstre qui n'attendaitqu'une chose : un mouvement. Le loup-garou pouvait se jeter sur lui àn'importe quel moment, Tey sentait les muscles de la bête qui étaienttendus. Les regards s'affrontaient, en silence. Le jeune homme n'osait rienfaire, mais cette situation n'allait pas durer. Le loup se jouait de lui, il étaitsa proie. Le monstre se jeta sur lui. Tey, n'étant pas assez rapide, ne put quemettre dans un geste d'autodéfense son bâton devant lui. La bête se heurtaau métal et poussa un râlement. Le loup bondit sur le côté, l'arme avaitlaissé une longue trace sans poils. Ça sentait la viande grillée. Tey enprofita et attaqua. Le loup-garou l'évita avec une étonnante souplesse. Teyavança encore un peu mais la bête l'évitait toujours. Il fallait faire vite, elleattendait qu'il se fatigue. Le loup-garou grognait, montrant des canines jaunâtres. Sa queuefouettait furieusement le sol. Tey s'arrêta, les sens aux aguets. Il devaitattendre que le loup attaque. Il avait une idée mais il n'était pas sûr durésultat. Il n'avait pas vraiment le temps de chercher autre chose.Maintenant, il comprenait pourquoi Aena avait eu du mal à s'en remettreavec l'histoire de la goule. Quoique, il lui semblait qu'elle ne lui avait pastout dit ! Le loup-garou avança doucement. Tey ne bougea pas,tremblotant. Sa sueur descendait de son front jusqu'au menton. Il ne pritmême pas la peine de s'essuyer. D'ailleurs, il n'y pensait pas ! Il était loinde tout ça, se concentrant sur le moindre mouvement du loup qui semblaitsourire. Tey se crispa un peu plus, les secondes passaient lentement, troplentement. Il avait l'impression que des heures s'étaient écoulées et que lemonde autour de lui n'existait pas. Même sa respiration ralentit jusqu'àdevenir presque imperceptible.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 132

Page 136: Aena, les terres de Missionnaire

Puis tout d'un coup, le silence total. La nuit venait de se refermer sureux. Un silence saisissant, mort. Tey n'entendit qu'un simple bruissement.Aussitôt, il se contracta et ferma les yeux. Le bruit sourd d'un choc lesurprit. Il roula sur le côté et rouvrit les yeux. Le loup-garou était étendu àterre et une aura violacée tournoyait autour de Tey. Son plan avaitfonctionné. Le loup ne resta pas sonné longtemps. Il se releva en vitesse et hurla.Apparemment, il n'avait pas aimé le coup du champ de protection. Leloup-garou désormais ne tremblait plus et le bruit de ses griffes quigrinçaient sur le parquet glaçait Tey. Il se rendit compte alors du danger desa situation. Il se battait contre un Loup-garou et un seul d'entre euxsurvivrait. En plus, Tey n'était pas spécialement puissant, par contre le loup... Tey s'élança le premier, son arme devant lui. Il n'envoya passpécialement beaucoup de force dans son coup. Son plan marcha ; le loupesquiva sur le côté. Tey également. Le jeune homme comptait coincer leloup dans un coin de la pièce. Il y réussit. Son assaillant, voyant qu'il étaittrop tard, sauta sur lui. Tey avait déjà paré son attaque. Tu as déjà employé« coup ». Pas vraiment une répétition, mais éviter. Le loup hurla de douleur. Une longue ligne oblique sur son bras étaitmaintenant là. Aucun poil. La peau rouge et squameuse puait le brûlé. Onvoyait aussi de grosses cloques noires se former. Tey regarda son bâton,incrédule. Il était ensanglanté. Le jeune homme mit plusieurs secondesavant de comprendre ; son arme était en argent et les loups-garous nesupportaient pas ce métal ! Son temps de réaction fut ralenti et la bête enprofita. Elle déstabilisa Tey en fonçant sur ses jambes. Le jeune hommetomba et sa cheville craqua. Il n'eut pas le temps de comprendre qu'il étaitplaqué au sol par la créature (« loup » apparaît souvent), son arme avaitroulé à son opposé ! Il ne restait plus grand-chose de son pantalon, la bêtel'avait déchiqueté quand elle lui avait sauté dessus. Tey souffrait, il nevoyait pas l'état de sa cheville mais une chose était sûre : il ne risquait pasde pouvoir se relever, il allait mourir. Le loup-garou grogna, lui rappelant qu'il était au dessus de lui et qu'ilavait gagné. Babines relevées, dévoilant de longs crocs jaunes. L'haleinefétide du monstre saisit Tey à la gorge. Il avait autant de chance de

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 133

Page 137: Aena, les terres de Missionnaire

survivre qu'un campagnol dans les serres d'une chouette. Il essaya de criermais aucun son ne perça, les griffes de l'animal étaient profondémentplantées dans sa gorge. Il sentait déjà son sang couler le long de son torse.Le monstre le voyant si désespéré, ne combattant même plus ouvrit labouche, mais il ne le mangea pas, il avait d'autre projet :- Je veux te voir mourir, sous moi. Admire comment je tedomine d'un simple geste. Je te promets humain insignifiant et faible debien me servir de tes yeux. C'est la meilleure partie de ton corps !La voix caverneuse s'arrêta. Ainsi, les loups-garous parlaient ? Tey ne futmême pas surpris. Ça ne changeait rien dans sa vie, il ne serait plus là dansdix secondes. Le monstre se pencha sur lui et ouvrit sa gueule abyssale. Tey sentit lalangue visqueuse lécher son cou et les dents frôler sa jugulaire. Un simplecoup de mâchoire et il n'aurait plus de cou ! Au fur et à mesure que lesdents appuyaient sur sa gorge, Tey plissait le front. Il avait peur, jamaismême dans ses pires cauchemars il n'aurait imaginé mourir de cettemanière. Le plus terrible dans tout ça : sa vraie vie n'avait durée qu'unquart d'heure ! Toutes ses résolutions d'homme libre ne pourraient aboutirà rien ! Il aurait tellement voulu tout dire à Aena. Il aurait simplementdemandé de vivre ; ne serait-ce qu'une journée de plus ! La vie étaittellement cruelle ! Trop cruelle.- TEY ! NAONNNNNNLe monstre releva la tête. Telle fut sa première erreur. Une arme luitransperça le poitrail et il chût (s'écroula sonne mieux) sur le parquet.Ensuite, sa deuxième erreur fut de se débattre car des fils d'argentrentrèrent encore plus profondément en lui jusqu'à ce qu'il s'évanouit, brûléde l'intérieur. Ces quelques secondes de calvaire ne parurent pasinaperçues ; il avait tellement hurlé que maintenant, les élèves en basdevaient sûrement céder à la panique ! Tey, encore tout penaud resta à terre. Aena s'accroupit près de lui etsanglota doucement. Il en fut très sensible et se mit sur les coudes, ilenserra Aena et prit affectueusement la tête de son amie qu'il posa sur sontorse. Il empestait le loup mais cela n'empêcha pas Aena d'enfouir un peuplus son visage dans le reste de la veste du jeune homme. Il avait faillitmourir et il consolait Aena... Dans ce genre de situation, n'aurait-ce pas dû

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 134

Page 138: Aena, les terres de Missionnaire

être l'inverse ? Non, Tey était un homme désormais, il garderait sonchagrin et ses craintes pour plus tard. La situation était impropice à tout ça.Alors, il repoussa gentiment Aena. Certes il était flatté de voir qu'Aenatenait tout de même à lui, mais d'un côté, il avait eu envie de lui rendre lamonnaie de sa pièce. De se venger tout simplement. Elle sanglota :- Je ... Je suis désolé, j'aurais dû venir avec toi !Tey ne répondit pas. Son silence frappa Aena, elle baissa la tête et séchases larmes :- Tu as fais ce que tu as voulu et moi aussi. Chacun à sespropres choix Aena. J 'ai les miens et ce qui s 'est passé est maresponsabilité et non la tienne. Si je n'avais pas accepté d'y aller, j'auraisévité cette situation. J'ai choisi.Une voix inconnue avait prit la place de celle de Tey. Son ton ne faiblissaitpas. Les propos qu'il tenait touchèrent Aena qui s'exclama :- Tey voyons, ressaisis-toi. Tu allais pourtant bien ava...- Avant je n'étais pas Tey. Maintenant je le suis, fin de ladiscussion. Aena, choquée par ces propos s'éloigna de lui et se mis près duDirecteur. Ils étaient avec Aaron au coin de la pièce. Tey, se releva sansl'aide de personne. Sa cheville ne lui faisait pas mal et à part des traces desang sur ses vêtements, la plupart des blessures avaient disparu. Maishélas, Tey se sentait très faible. Pour une fois que son Don avait opéré sansmême qu'il y eut pensé. Finalement, la magie pouvait s'avérer très pratiquedans certaines situations ! Il avait du mal à marcher droit et Arcanna vint le soutenir. Tey acceptavolontiers cette aide même s'il aurait adoré (préféré va mieux) le repousser.Il s'en empêcha ; dans ce genre de situation, pas le temps d'être hypocrite !Aaron sortit et tâta mollement le cadavre du loup avec son pied. La lumièredes deux lunes montra à Tey que les yeux d'Aaron étaient rouges etgonflés. Il semblait avoir pleuré.- Racontez moi exactement ce qu'il s'est passé depuis que jesuis parti, souffla Tey, je veux tout savoir.Arcanna le fit s'asseoir sur le lit et commença d'une voix neutre. Aaron lui,se retourna pour ne pas regarder les deux hommes. Il appuyait sa têtecontre le mur décrépi.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 135

Page 139: Aena, les terres de Missionnaire

« Après que tu sois parti, nous t'avons attendu. Tu as mis tellement detemps que j 'ai décidé d'uti l iser l ' intégrali té de mon Mana pourdésensorceler le bureau. Et j'y suis arrivé grâce à l'aide d'Aaron. Nousavons trouvé une lettre. Lis-là, tu comprendras. Tout s'explique et ... enfinbon, lis. » Les derniers mots du Directeur étaient prononcés sans vigueur. Aaronlui, s'était mis à se taper la tête contre le mur. Arcanna se mordit la lèvre envoyant son ami se faire du mal. Il donna la lettre à Tey et claqua desdoigts, puis, alla réconforter Aaron qui pleurait. Une boule de feu lévita aucentre de la pièce, illuminant le tout. Tey pu enfin lire cette fameuse lettre,conscient que son contenu ne devait pas être inintéressant :

« N,Je me suis levé plus tôt pour que tu lises ceci. Je suis au couloir en traind'aider pour cette fête minable. Je vais prétexter que tu es souffrantpendant que tu liras ces informations. En passant, j'ai dissimulé deuxpoisons : au premier étage et au second. Voici le plan de ce soir.

D'abord, nous irons à la fête et ferons semblant d'être là, tout pour que lesgens nous voient. Tu reviendras dans notre chambre à partir de huit heuresdu soir. Pendant ce temps, je resterai à la fête pour qu'on ne noussoupçonne pas.A l'heure de minuit moins dix je ferai éclater le poison à distance. Unsimple clignement de l'oeil me suffit. Tout les gens non présents au RDCseront infectés et tomberont dans le coma exactement dix minutes après.Tu sais ce qu'il faut faire pour résister ! Tu m'attendras toujours.Ensuite, à minuit moins cinq, je m'éclipserai et te rejoindrai. Ainsi, àminu i t , nous serons ensemble e t l e s é tages supér ieurs nousappartiendront !Tu connais notre but tant convoité ; les bureaux des « deux obstacles » !Les balises que j'ai volées et que j'ai cachées sous ma soutane nous serontutiles. En moins d'un quart d'heure, tout le contenu des bureaux seraenvoyé dans les appartements de Monseigneur Quarl.Enfin, j'utiliserai mes dernières ressources de mana pour nous rendreinvisible. Nous n'aurons plus qu'à fuir jusqu'à la capitale pour recevoir

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 136

Page 140: Aena, les terres de Missionnaire

notre prime retraite et après, à nous la belle vie ! Ah, quel bonheur, jepeux déjà imaginer notre petite maison de campagne. Nous serons tout lesdeux, heureux à vie ! Ah, Nouka, tu pourras hurler à la pleine lune, libre.Moi je te comprends mais pas les autres. Ils ne pourront rien dire. Ce seraun secret. Nous vivrons enfin tous les deux !

De ton Ko ! »

- Tu as fini ? demanda nerveusement le Directeur qui étaitrevenu près de Tey.- Oui, fit ce dernier, pâle comme un linge.Aucun mot ne fut prononcé. Avec ça, Ko et Nouka étaient irréfutablementdécouverts. Ils travaillaient pour l'empereur.- Ainsi le message que j'ai vu dans la salle du conseil disaitvrai ; il y avait bien des espions dans le château ? demanda Tey sans oserregarder Arcanna.- Oui Tey.Arcanna ne leva même pas la tête vers le jeune homme. Il semblait écrasépar ce fardeau. Pour Aaron c'était pire ; son apprenti l'avait trahi. D'autres questions brûlaient les lèvres de Tey ; que faisaient-ils ici ?N'étaient-ils pas allés voir dans les bureaux ? Qui étaient au courant de lalycanthropie de Nouka à part Ko ? Aena vit son désarroi et comprit, elle répondit sans aucune émotion :- Ils n'avaient pas prévu une chose ; Iluk'änva. La pleine lunequi ne vient qu'une fois tous les mille ans. Nouka s'est transformé et ne secontrôlant pas les cinq premières minutes de sa mutation, a mordu Ko quies t devenu lu i -même loup-garou . Vu que c ' é ta i t sa premièremétamorphose, il est devenu incontrôlable et a sauté par la fenêtre. Allanton ne sait où. Nouka a donc dû exécuter le plan seul, en plus, les intellosne sont pas restés dans leur chambre cette nuit. Bref, Nouka était dans lebureau quand il t'a entendu arriver. Et la suite, tu la connais. Missionnaire aeu beaucoup de chance. Il ne nous reste plus qu'à trouver Ko qui doit errerdans les environs. Heureusement que les portes du réfectoire sont scellées ! Tey acquiesça, les dernières pièces manquantes du puzzle étaient là !Tout s'assemblait et maintenant le but de la soirée était clair : trouver Ko et

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 137

Page 141: Aena, les terres de Missionnaire

punir les deux espions !Hors de question de le laisser en vie. Aaron, soupira en entendant tout, ildit, à contrecoeur :- Pas besoin de le chercher longtemps, il va venir. Vu leshurlements de Nouka et les odeurs de sang. Je dirais que dans trentesecondes, c'est prêt ! Préparez-vous tous ! Tey tressaillit et Aena alla vite chercher sa hache. Elle fendit sa robe etrevêtit en vitesse son pectoral. Aaron se mit dos à dos à Arcanna, il tapotason médaillions qui clignota. Les deux hommes invoquèrent ensuite leursarmes et invitèrent les deux adolescents à faire de même. Au loin, onentendit un hurlement strident. Arcanna jura :« Tey, n'use plus de mana ! Aena, fait un champ de force, moi et Aaronnous... »Il n'eut pas le temps de finir qu'une masse blanche sauta par le trou de laporte. Ko ne ressemblait pas à Nouka. Son pelage était immaculé et ses yeuxdorés. Il était plus petit que Nouka mais un peu plus large. Il restait malgrétout très persuasif. Aena ne fit pas de champs de force, elle voulait sebattre. Elle le devait. Tey ne pouvait pas laisser Aena se faire dévorer ! Ill'aiderait, quoiqu'il arrive ! Aena s'élança sur Ko alors qu'il toisait immobile les deux adultes. Sahache ne toucha même pas un poil du loup qui se retourna et envoya unemain griffue sur elle. La jeune femme serait devenue borgne si le bâton de Tey ne s'était pasabattu sur Ko avant sa main. Le loup-garou fut brûlé à l'épaule etn'apprécia pas. Il hurla et sauta derrière Tey. Les réflexes du canin étantbien meilleurs, il envoya Tey à l'autre bout de la pièce sans que ce derniern'oppose la moindre résistance.- Tey !Aena courut vers Tey qui était affalé sur le parquet. Sa tête avait cogné unmontant du lit. Il était inconscient. Aena s'en voulait affreusement, ellen'aurait pas dû bouger et comprenant la leçon, fit un champ de force autourd'elle et de son ami. Elle entendit vaguement Arcanna crier et le vit s'enfuir(battit en retraire se retrouve 3 lignes après), sans même avoir combattu.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 138

Page 142: Aena, les terres de Missionnaire

***- Arcanna, c'est mon combat ! Va surveiller les deux imbécilespour éviter qu'ils ne se tuent.Aussitôt dit, Arcanna obéit, il battit en retraite. Aaron toisait froidementson ancien apprenti, la haine le submergeait !- Ko, j'avais vraiment cru en toi ! Tu me déçois beaucoup ! Le loup se désintéressa des deux proies faibles qui l'avaient dérangé. Ilse retourna et s'avança vers l'humain le plus vieux. Aaron s'échauffa, sagrande lame noire sur son épaule. Si Ko ne l'attaquait pas dans dixseconde, il prendrait le premier offensif. Ko n'attaqua pas, préférant sourire à son professeur. Aaron attaqua, pardevant, sans surprise. Ko feinta avec habileté malgré sa corpulence (àsupprimer : un loup est svelte), il se mis sur ses quatre pattes et fondit surAaron. L'attaque du loup fut un échec ; Aaron en avait vu d'autre. Il se contentade sauter un peu de côté et d'entailler la chair de son adversaire. Ko nebroncha pas, sa peau était dure et les maigres entailles qu'on venait de luifaire ne semblaient pas le gêner. Aaron soufflait bruyamment, il se tenait lebras. Il l'enleva en douceur et reprit sa lourde épée à deux mains. Unebalafre saignait et partait de sa main jusqu'à son avant-bras. Une voixsifflante l'accueillit :- De toute manière, tu sais bien que Missionnaire ne tiendrapas longtemps dans cette position, ce n'est qu'une question de temps. Lejour où les Barbares en auront marre de jouer avec les frontières, ilsattaqueront ici et ce jour là ... le château n'existera plus. On murmurequ'une femme est venue au pouvoir, elle se nommerait Daelanor, unenécromant. Le temps qu'elle prenne bien les rênes en mains, et voilà. Je nevous apprends rien quand même ?Aaron soupira et se remit en place, ignorant sa blessure et les sarcasmes deson ancien apprenti.- Cela m'est égal Ko, tout ce que je veux maintenant, c'est tefaire la peau ! Ko reprit ses esprits et attaqua ; il se jeta sur Aaron. Celui-ci ne réussitpas à l'éviter et n'eut pas le temps de se servir de son arme. Il n'arriva pas àparer et perdit l'équilibre. Il tomba lourdement sur le plancher. Aena, Tey

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 139

Page 143: Aena, les terres de Missionnaire

et Arcanna retenaient leur souffle à l'unisson. Fallait-il intervenir ?- Mais c'est son combat ! s'indigna Aena.Arcanna se crispa un peu plus.- Je sais Aena mais je ne peux m'y résoudre et...- Chut, regarde ! Le loup souriait, canines à l'air. Il plaqua violement Aaron qui nebougeait toujours pas. Ko leva une de ses pattes. Il visait la joue d'Aaron etpourrait faire éclater la mâchoire de son maître. Rien qu'en y pensant, leloup-garou en frémissait de joie. Sa main s'abattit, toutes griffes sorties. Il attendit le moment où ilsentirait la peau se déchirer sous lui. Il ne vint pas. Au lieu de ça, uneimpressionnante douleur lui transperça l'omoplate. Aaron donna un coupde pied et renversa Ko. Le loup-garou essaya de se relever le plus vitepossible mais il avait tellement mal ... Aaron «était déjà à côté de lui,souriant. Aussitôt que le loup tenta de se remettre droit, son dos craqua.Ses os étaient comme bloqués et il sentait son sang qui coulait le long de sacolonne, débordant par terre. Aaron prit son épée par le manche, le loup garou était vraiment sonné !La lame s'était enfoncée d'au moins dix centimètres entre les deuxomoplates. Un épais liquide rouge en suintait, tachant le pelage immaculéde Ko. Le professeur tira de toutes ses forces et le loup hurla. Il tomba àterre, se recroquevilla comme un foetus puis, gémit. On pu lire dans lesyeux d'Aaron une pitié sans limites. Ses yeux étaient couverts de larmes. Il leva son épée bien haut, au-dessus du corps implorant. Ses brastremblaient et il parlait à voix basse, comme pour se rassurer.- Ko, que Dieu ait ton âme.Le loup se recroquevilla un peu plus. Baignant dans une marre de sonpropre sang. Il sanglota d'une voix enfantine tandis que son corpsredevenait humain.- Nouka, où es-tu, j'ai si froid ... Aaron ferma les yeux et reprit une grosse bouffée d'air frais.- Adieu Ko !La lame s'effondra sur l'adolescent au sol. Il n'avait plus rien du Ko quetout le monde connaissait. Insultant, méprisant et orgueilleux. Il étaitcomme tous les êtres humains devant la mort ; craintif, pathétique et faible.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 140

Page 144: Aena, les terres de Missionnaire

Il n'avait jamais été aussi pâle et ses cheveux autrefois blancs baignaientdans son hémoglobine. Un énorme abysse se trouvait au niveau de soncoeur, s'ouvrant dans le dos. Si quelqu'un aurait voulu lui arracher lespoumons, il aurait pu. L'épée se planta fermement dans le parquet, à côté de Ko.- J'peux pas, se lamenta Aaron en tremblant de tous sesmembres, j'ne peux pas ... Et encore, si ce n'était que par sadisme pour levoir agoniser. Non, je n'en ai pas la force.Aaron ne put empêcher ses larmes de couler. Pour la première fois de savie, il lui était impossible de mettre fin aux jours d'un espion. Arcanna luitapota gentiment l'épaule.- Ça ira, tu verras. Ce fut à ce moment qu'Angello arriva. Il dut se baisser pour arriver surle lieu du carnage. Il toisa la scène avec dégoût mais ne fit aucuncommentaire.- Aaron m'a appelé avant. Que dois-je faire ?

*** Les cachots semblaient encore plus froids qu'à l'ordinaire. Aena, livideattendait avec Tey le verdict. Angello tenait sur ses épaules les deuxespions. Ko respirait faiblement, on l'avait soigné. Nouka aussi mais il étaittoujours dans un coma profond. D'ailleurs, nul n'aurait pu dire s'il aurait étéencore « bon ». Son cerveau devait être touché. Peu importe de toutemanière, vu ce qu'on avait prévu d'en faire ! Ils arrivèrent devant une énorme porte en métal. Angello cassa lecadenas d'un simple coup de poing et entra dans la pièce. Il dut allumer desbougies pour y voir clair. Aena constata avec stupeur qu'elle venait d'entrerdans une salle de torture. Seuls plusieurs cadenas pendaient au mur. Pasbesoin de voir pour imaginer la scène. On attacherait les deux traîtres aumur et on les ferait parler. Aaron devait être heureux de pouvoir s'enoccuper. Les espions pris sur le fait étaient tellement rares ! - Angello, occupe toi de lui, fit Aaron en pointant du doigtNouka, lui, je m'en fous, tant que toutes les informations seront recueillies.Je veux TOUT savoir, jusqu'à plus rien.Le colosse acquiesça en silence. Les ordres d'Aaron ne lui faisaient rien. Il

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 141

Page 145: Aena, les terres de Missionnaire

semblait totalement blasé. Aena se prit à l'admirer ; il avait une volonté etune robustesse dépassant de loin toutes les personnes qu'elle avait connuesjusqu'à présent. Mais dans le fond, Angello était un homme pur, sanspréavis, toujours prêt à aider. Il s'était comme fabriqué une coquille bienplus dure que le métal de la porte. Maintenant elle comprenait l'expressionMoonienne « être aussi dur que du roc des montagnes ». L'ordre était cruel mais vital ; l'empereur aurait fait de même. Il n'y avaitque dans les contes de fées que personne ne mourait et où les traîtres serévélaient être des anges. Ils l'avaient bien mérité ; mais à leur âge. Ko etNouka venait de fêter leurs 17 ans ! Si jeunes ! Aena n'imaginait même pasl'entraînement qu'ils avaient du subir. Titanesque tout simplement !Angello attacha Nouka au mur et se retourna vers son maître. Aaron avaitdu mal à se contenir. Tout ça l'affectait terriblement.- Encore une question Maître, que dois-je faire de l'autre ?Aaron se crispa et fit craquer sa mâchoire.- Ce que tu veux, mais je t'en supplie, fais que je ne l'entendepas crier ! L'autre, pas de problèmes, tu peux le faire gémir toute la nuitmais l'albinos, non, qu'il souffre en silence.Et sur ce, Aaron quitta la pièce et referma la pièce à double tour. LaissantAngello avec les deux espions. Arcanna posa un regard triste sur Aena etTey et leur murmura sur un ton réconfortant :- Il faut dormir maintenant, demain, quartier libre. Hop, au litj'ai dit !- Mais je n'arriverais pas à dormir avec ce que j'ai vu, seplaignit Aena, et notre chambre est ... enfin.Arcanna leva les yeux au plafond, ce détail lui était passé outre la tête.- Désolé, sincèrement, ce que je peux être maladroit. Ben euh,vous pouvez pas vous arranger avec des amis à moins que je me décarcassepour vous trouver une chambre de libre pour vous deux ?Tey prit la parole, son ton était neutre :- Non, c'est bon, pas besoin. On va survivre tu sais, je croisque je vais aller chez Aldarane et Kasuni sera sans doute heureused'accueillir Aena.Aena n'objecta pas. Elle demanda seulement :- Dis-moi Arcanna, je ne peux pas l'avoir, ma potion

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 142

Page 146: Aena, les terres de Missionnaire

d'endormissement ?

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 15 143

Page 147: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 16

Tey rentra dans ce qui avait été sa chambre auparavant. Aena l'y attendaitdéjà et recherchait tout ce qui pouvait être sauvé. La pièce était saccagée ;le plancher arraché par endroit et les lits retournés. Il ne restait du sangversé, que des taches plus sombres et difformes sur le bois, comme si cedernier l'avait absorbé pendant la nuit. On pouvait tomber sur des touffesde poils arrachés et il faisait très froid. Normal, on était en hiver et lafenêtre n'avait plus de vitres.- Tey, n'as-tu pas vu ma tenue de combat ? demanda Aena.Le jeune homme tâtonna derrière les restes de son lit et dénicha l'intégralitéde son armure. Il rangea le tout dans son sac. Quand il eut fini, il seretourna vers Aena et lui dit solennellement :- Non, mais je dois te parler de quelque chose d'important.La jeune femme ne daigna même pas lever la tête vers son interlocuteur :- Oui, j'écoute, fit-elle d'un ton nonchalant. Tey respira un bon coup et commença :« Je t'ai toujours considérée comme bien plus que ma meilleure amie, noussommes très proches l'un de l'autre. Trop même. Tu m'étouffes. J'ail'impression de ne pas exister. Mais tout va changer maintenant ; nousallons nous séparer et je vais enfin pouvoir être moi. Dit adieu à l'ancienTey, me voilà ! » Aena daigna enfin lever la tête vers le jeune homme. Elle le toisa et neput réprimer un soupir d'ennui :- Soit, maintenant que tu as pu t'exprimer de tout ton saoul,aurais-tu l'obligeance de m'aider à finir ma valise ? La phrase résonna longtemps dans la tête de Tey qui se rapprochad'Aena. Le ton cinglant le blessa à vif. Le tenait-elle pour si peu pour luidonner autant de considération ? Le jeune homme fut pris d'une envie demeurtre. Il déblatéra sèchement une phrase qui était incompréhensible auxoreilles d'Aena :

Chapitre 16 144

Page 148: Aena, les terres de Missionnaire

- Si je te dis tout ça, c'est pour t'avouer ce qui me pèse sur lecoeur depuis longtemps déjà : Aena, je t'aime !La jeune femme ne lui adressa aucune marque de surprise. Les mots nesemblaient pas avoir produit leur effet escompté. Aena ne comprenait pas ;d'ailleurs, ne voulait-elle peut-être pas comprendre ? Le silence prit pleinepossession de la pièce. Aena mit quand même une bonne minute avant dechoisir de le briser :- Tey, arrêtes tes idioties et vient m'aider à retrouver cettefichue tenue de combat.Le jeune homme se sentit défaillir. Un feu intérieur brûlait en lui. Etait-cesi dur à comprendre ?- Aena, je t'aime. Je t'A.I.M.E !La jeune femme ; toujours autant ennuyée se retourna et lui lança un regardardent. Ses magnifiques yeux montraient l'incompréhension qui régnait enelle. Elle se résigna de lui expliquer le fond de sa pensée. Tey n'étaitvraiment pas sérieux aujourd'hui. Peut-être était-ce la potion soporifiquequi embrumait son esprit ? Tey reprit la parole :- Mais Aena -elle lui lança une plainte si mélancolique qu'ilabandonna- Oh, et puis laisse tomber ! Le jeune homme était si chagriné qu'il s'accroupit dans un coin de lachambre, il avait tellement envie de pleurer. Aena ne s'en soucia pas, elle retrouva enfin sa tenue et boucla sa valiseavec joie. Elle quitta la chambre heureuse d'elle. Elle ne saisissait paspourquoi Tey boudait dans son coin. Sa plaisanterie n'avait pas étéappréciée, et alors ? Il n'y avait aucune raison de faire la tête pour si peu. Tey regarda la femme de ses rêves s'éloigner. Il avait essayé de tout luiavouer. Elle avait fait semblant de ne pas entendre ses cris. Vraiment, ladeuxième journée de sa « renaissance » ne se passait pas comme il l'auraitsouhaité ! Il n'avait pas de chance : le femme qu'il aimait couchait avecl'homme qu'il détestait le plus au monde et restait de marbre à ses avances.En plus, il avait mal dormi, les cris de Nouka s'étaient même faitapercevoir dans ses rêves. Il revoyait son combat où il avait failli perdre lavie. Après un long moment, il arrêta de se morfondre. Il faisait tellementbeau dehors, il aurait été dommage de gâcher cette belle journée. Tey sortit

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 16 145

Page 149: Aena, les terres de Missionnaire

donc de son ancienne chambre, son sac sur le dos. Il remarqua alors que lavalise d'Aena était posée contre le mur d'en face ; la chambre d'Arcanna.Le jeune homme serra les dents. Encore lui ! Décidément, la vie était tropinjuste. Il avait la désagréable impression que tout lui tombait dessusaujourd'hui. Tey fut pris d'une envie de vengeance. Un désir incandescent et intensede savoir ce que les deux tourtereaux mijotaient. Il aurait pu utiliser samagie pour, mais tout le monde savait que le bureau d'Arcanna était isolémagiquement. Tey colla alors son oreille contre la porte. Miracle ! Par ceprocédé si simple, il arrivait à écouter !«Arcanna, est-ce normal que tu aies des mèches noires dans lescheveux ? »Tey ne perçut ensuite plus aucun bruit. Puis, après quelques secondes,Aena enchaîna d'une voix peu assurée :- Oh, excuse moi. Je ne sais pas ce que j'ai, je vois des chosesbizarres. D'un côté, cela ne m'étonne pas ; les cris de Nouka étaienttellement ... Brr, j'en ai encore la chair de poule. Mais comment veux-tuavoir un sommeil réparateur en situation pareille ? De nouveau, le silence. Seul les pas d'Arcanna trahissaient d'unequelconque présence humaine dans la salle. Il marcha jusqu'à la jeunefemme et l'embrassa sur la nuque :- Ça ira mon amour, Tey du renoncer à l'envie de se taper latête contre les murs, viens te reposer avec moi.Le petit rire que poussa Aena se répercuta jusque dans le couloir :- C'est que tu deviens romantique mon beau.- Oh ma tigresse, mes mains épouseront les formes graciles devotre corps et je ...Aena éclata de rire une seconde fois, un rire plus grave et plus fou :- Oulala, pas de massacre d'accord ? Reste naturel. En plus, çaaurait été bien mieux si tu ne m'avais pas vouvoyé, comme d'habitude.Enfin bon, viens t'étendre avec moi un moment. C'en fut trop pour Tey qui voyait sa volonté faiblir. Il rêvait d'entrerdans cette pièce et de tuer Arcanna. Simplement. C'était une pulsion idioteet animale, mais Ô combien délicieuse. Il n'avait ni la force, ni la ruse pourpareille entreprise et qui aurait dit qu'après, Aena le choisirait lui ?

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 16 146

Page 150: Aena, les terres de Missionnaire

Le jeune homme, impuissant, abandonna, et, plus déprimé que jamais,chercha un endroit où méditer en paix. Les cachots l'attirèrent toutparticulièrement. Il se résolut donc à cette idée, et descendit dans lesentrailles du château. Il croisa le dénommé Zep en grande conversationavec Michelle. La jeune elfe des mers le regardait droit dans les yeux etelle était très bien habillée. Une élégante -et légère- robe bleue lui tombaitjusqu'aux chevilles. Une étoile de mer était collée à sa poitrine et sesboucles d'oreilles en corail attiraient l'attention. Tey n'était pas un spécialiste mais il fallait dire qu'un parfum d'amourflottait dans l'air. Le jeune homme soupira et changea de cap quand leur conversationl'intéressa :- Tu peux tout me dire Michelle, tu le sais, l'encourageal'homme requin, pourquoi ne veux-tu jamais me parler de ta famille ?Michelle baissa la tête et des larmes s'écrasèrent au sol :- Je m'en veux terriblement. Je les aime encore, malgré tout cequ'ils m'ont fait. Tous ces rituels, ces traditions me tuaient. J'ai subi millepérils. Brûlée vive pas endroit ou obligée de nager pendant des jours sansme reposer. Des pratiques censées m'endurcir. Je les hais. Et ma petitesoeur qui est encore là-bas. Non, j'aurais du m'enfuir avec elle. Ce que jeme sens coupable ...Zep ouvrit les bras et Michelle s'y lova. Il la réconforta d'une voix douce :- Non, tu n'es coupable de rien. Et il est normal qu'une filleaime ses parents, aussi cruels soient-ils. Cela montre au moins que tu n'espas comme eux. Et en ce qui concerne ta soeur, tu n'aurais pas pu !Arcanna nous as dit que tu étais au bord de la mort quand il t'a retrouvée.Tu avais tellement nagé puis marché pour arriver au château. Si tu avaisencore attendu, peut-être ne serais-tu pas ici en ce jour. Ensuite, plus aucune parole ne sortit de la bouche des deux enlacés. EtTey reprit son chemin, conscient qu'il n'était pas le seul à souffrir. Il déboucha devant la salle de torture. Sa mère attendait devant. Quandelle vit son fils, elle s'exclama :- Tu tombes bien toi, j'ai besoin d'aide pour tout nettoyer. Il ya plus de litres de sang sur les murs que de pierres dans ce château. Je suisépuisée, j'ai passé ma nuit à ranger le reste alors, panne de mana.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 16 147

Page 151: Aena, les terres de Missionnaire

- Bon Olaf, c'est quand que tu sors ? se mit à crier Naya quitapait frénétiquement contre la porte en acier blindé. La porte crissa et le fantôme traversa le métal. Il avait l'air commed'habitude mais on pouvait remarquer que son armure déteignait dans lescouleurs sanguines.- J'ai remplacé Angello. En tout cas, j'ai bien fait mon boulotet j'ai même fouillé dans leurs âmes, trouvant moult informations. Mauditsespions ! Si ça c'est pas du professionnalisme, moi je n'sais pas ! Enfinbon, tout s'est à peut près bien passé. Nouka a bien crié. Ko lui, Aaron mel'avait interdit. Mais il ne faut pas croire que je l'ai épargné, ah ça non !Son âme a été découpée en morceaux ! J'ai juste eu un problème avecNouka. Pas un problème, non, juste une sensation étrange. Mais le but estaccompli, pas vrai ? Naya ouvrit la porte et ne pu réprimer un cri de surprise et de dégoûtmêlé.

- Alors là, pour ça oui. Bon euh, tu restes pour m'aider aussi ?Olaf sourit et lui serra la main :- L'éternité m'attendra.Tey aussi fut réquisitionné pour cette noble tâche. Le spectacle n'était -etde loin- pas des plus appétissant à voir. Toute la pièce était inondée desang, plus aucune pierre dans le champ de vision, juste du sang. Plafond,murs, sols, partout ! Ajoutez quelques bouts de chair non identifiable sebaladant et un poumon en décomposition et vous aurez la salle de tortureaprès les passages d'Angello et d'Olaf. Nouka et Ko reposaient inertes dansune flaque, les yeux d'un jaune vitreux. Le jeune homme fut pris d'un haut le coeur mais ne vomit pas. L'odeurqui les assaillait les empêchait de respirer correctement. Ce fut sa mère quis'élança la première, un pan de tissus sur sa bouche. Elle prit son courageet son balai à deux mains et invoqua un seau. Elle commença par leplafond tandis qu'Olaf, grâce à son mana, faisait jaillir un jet d'eau de sespaumes. Tey, qui restait les bras ballant fut bien vite appelé pour un travailingrat :

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 16 148

Page 152: Aena, les terres de Missionnaire

- Tu veux bien amener les cadavres dans la fosse ? Merci. Tey n'eut pour ainsi dire aucun choix de renoncement. Il se contenta detirer Nouka par une manche, traînant pitoyablement le cadavre à terre.D'étranges fourmillements parcouraient ses articulations. Pour jeter les corps, il fallait les hisser sur un rebord et les laisser tomberdans le trou béant. Il regarda une dernière fois ce qui avait été son ennemiau combat. Sa mort avait dû être une délivrance. Sa peau grise était molleau toucher et striée de blessures. Plus aucune trace de poils ne permettaitde reconnaître un authentique loup-garou. Les petits pincements de sa main se transformèrent subitement enbrûlure et Tey lâcha le cadavre qui chût à terre. Il dévisagea d'un regardétonné sa paume. Elle verdoyait légèrement. Il n'eut pas le temps de sedemander pourquoi qu'une main cadavérique l'enserra. Il tourna la tête etvit avec horreur que Nouka s'était relevé ; un rictus démoniaque défiguraitson visage et ses globes oculaires étaient noirs. Le cri d'horreur de Teyresta dans sa gorge sur le coup de la peur. Le mort-vivant tremblait, ce quiétait encore moins rassurant. Les phalanges se refermèrent encore plus surle bras de Tey qui était affolé. Soudain, Nouka parla, une voix rocailleuse qui semblait non pas sortirde ses lèvres éclatées mais d'outre-tombe :- La clef ne servira plus à rien ...Et les orbites se ternirent. Le cadavre se figea dans un ultime sombre sautet chuta au sol. Ses doigts se desserrèrent sur l'avant-bras de Tey qui puenfin respirer normalement. Il avait eu tellement peur. Par quel procédéNouka était-il revenu d'entre les morts ? Tey ne comprenait pas de quelleclef il s'agissait et encore moins pourquoi elle ne pourrait plus servir. Ilfrémit et recula ; il avait peur de se rapprocher de Nouka. Tey leva alors lesmains et essaya de soulever le corps de l'ancien loup. Il réussit avec succèset ramena en douceur le cadavre au dessus de la fosse. Il ferma les poingset la magie s'arrêta.- NAON !Tey se retourna en sursaut, mais trop tard. Aaron venait d'arriver et claqua des doigts. Nouka se releva in extremis.Un peu plus et le cadavre allait s'éclater sur les rochers en contrebas. Lecorps fut posé au sol. Ensuite, le professeur s'agenouilla devant le corps

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 16 149

Page 153: Aena, les terres de Missionnaire

inanimé et expliqua à Tey qu'Olaf avait eu du mal avec l'âme de Nouka. Ilpassa la main sur tout le corps froid. Après plusieurs minutes, son visagese durcit. Il dirigea vers Tey un regard brillant d'impatience :- Je n'y crois pas ! Un morceau de son âme est resté dans lecorps. Et pas n'importe lequel, son essence de lycanthrope !Aaron arracha son médaillon et le déposa sur le torse de Nouka. Il envoyaun petit flocon doré sur le mort. Rien ne semblait se passer jusqu'à ce quele saphir de l'amulette devienne rouge. Aaron l'enleva et le pressa contreses doigts calleux. Il se concentra. Bientôt de la sueur coula de son front, preuve des difficultés qu'iléprouvait. Tey ne pouvait rien faire d'autre que de regarder, impuissant, lemanège d'Aaron. Celui-ci abandonna et prit la pierre précieuse qu'il éclataà terre. Une brume grise se répandit autour d'eux et se dissipa sur lesdernières paroles d'Aaron :- Paix à ton âme Nouka.Puis, le professeur fit signe à Tey.- As-tu une idée sur ce que je viens de faire ?Le jeune homme hocha négativement la tête. Aaron soupira et continua :- Je n'ai pas trouvé ce que je cherchais. L'essence delycanthrope est vide de souvenirs. Mais je sens qu'ils étaient là il y avaitmoins de deux heures. Des informations assurément capitales pour avoirété emprisonnées dans ce fragment d'âme qui a survécu même après lamort. Nouka s'est damné pour ça. Il n'aura sans doute pas de vrai reposéternel et hantera peut-être ces lieux. J'ai quand même chassé l'âme. Siseulement j'avais trouvé ces informations ! Ah, Nouka restera mystérieux,même dans sa propre mort ! Surtout Tey, ne répète rien de ce que je viensde te dire, je te fais confiance.Le jeune homme acquiesça, surprit qu'Aaron lui témoigne autant deconsidération. Il était quand même étrange qu'Aaron lui fasse desconfidences. Etrange... Quoique, cette journée était tellement spéciale... unpeu plus ou un peu moins. Nouka ne lui avait pas parlé d'une clef ? Etait-cecela l'information capitale ... peut-être !- Aaron, Nouka m'a parlé, il y a à peine dix minutes.Le professeur montra encore plus d'intérêt pour Tey et posa une mainchaleureuse sur son épaule. Il lui susurra d'une voix tellement douce et

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 16 150

Page 154: Aena, les terres de Missionnaire

paternelle que Tey ne résista pas :- Qu'à t'il mon petit ?- Il a parlé d'une histoire de clef qui ne fonctionne plus. Untruc comme : la clef ne servira plus ... et il est mort une deuxième fois.Tey sentit les ongles d'Aaron s'enfoncer dans son épaule et son visagepâlit.- Ecoute, je dois partir tout de suite. Je devais normalement teparler de quelque chose et bien ... ça attendra. Tu n'as qu'à demander à tamère d'en parler. Mais après avec Olaf qui l'a dit les problèmes et tout ...contretemps là. Au revoir Tey.Il se dépêcha et Tey se retrouva de nouveau seul. La journée prenaitvraiment des dimensions insolites. Le courant d'air froid qui venait de la fosse le fit frissonner. Il n'allait pasrester ici plus longtemps, cadavres ou non. L'endroit lui fichait la chair depoule. Il retrouva sa mère, devant la tour. Elle avait fini depuis longtemps lasalle de torture. Grâce à la magie d'Olaf, elle n'avait plus eu grand-chose àfaire. Dès qu'elle vit son fils, elle s'interrogea :- Oh mon dieu, que tu es pâle mon Tey. Ça va ? On dirait quetu as parlé à un mort !- Si tu savais maman, si tu savais ! Au fait, Aaron m'a dit quetu devais me parler de quelque chose d'important ... Il n'a pas eu le tempsd'éclaircir tout ça qu'il est parti.Naya rougit et prit son fils par le bras, elle l'emmena vers les cuisines.- On va se boire un bon chocolat chaud pour se parler de toutça, d'accord ?

***

Le son étrange de bottes cloutées la réveilla. Elle émergea du sommeil etsecoua Arcanna à côté d'elle. Ils se regardèrent, arrangèrent vite fait leurscheveux et allèrent dans l'autre pièce. On toqua à la porte et une voixlourde et barbare se fit entendre :- Arcanna, on doit causer. Très urgent.- Entre Aaron ! cria Arcanna sur le ton le plus réveillé qu'il

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 16 151

Page 155: Aena, les terres de Missionnaire

trouva. Le colosse entra, salissant avec ses bottes pleines de sang la nouvellemoquette d'Arcanna en centaure albinos.- Aaron mais fais attention, se plaignit le Directeur, manouvelle moquette !- Je préférais l'ancien marbre, grogna le professeurapparemment de très mauvaise humeur.- Bon, de quoi veux-tu me parler ? s'enquit Arcanna.C'est alors qu'Aaron remarqua Aena, restée silencieuse durant tout cetemps. Il se contenta de montrer son avant bras. Arcanna hoqueta et pria àAena de sortir. La jeune femme, courroucée, partit, elle entendit simplement Arcannaprononcer une dernière phrase avant de refermer brutalement la porte :- Je le sens, ça se rapproche ... Aena fut bien obligée de reprendre sa valise qu'elle emmena dans lachambre de Kasuni, vide à cette heure là. Elle se précipita ensuite à larecherche de Tey dans le château. Après avoir appris d'un obscur élèvequ'il avait été aperçut parlant avec la femme de ménage devant un chocolatchaud au réfectoire, elle s'y dirigea. Elle entra dans la grande pièce bienéclairée et trouva bien vite la mère et son fils. Tey était pâle à faire peur etil déversait tout le contenu d'une bouteille de liqueur de vie sur un morceaude sucre.- Que fais-tu Tey ?Elle revit un regard sombre comme réponse :- Je me fais un canard, ça ne se voit pas ?- Mais tu vas être ivre ? Tu vas bien ? Tu es tellement pâle ...Aena s'inquiétait pour son ami. Depuis hier il n'allait vraiment pas bien.C'était un peu normal : il avait failli mourir. Elle connaissait aussi ça !Quand Katlyn avait envoyé sa goule sur elle, elle avait aussi désespérée unmoment. Mais l'hiver était arrivé et Arcanna avec, lui apportant desinstants de bonheur inégalables. Naya se mordait les lèvres et quitta la salle, laissant sa place à la jeunefemme. Aena s'assit et contempla son meilleur ami.- Tu sais, tu peux tout me dire ... Pourquoi fais tu ça ! Tesaouler n'arrangera pas ta vie !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 16 152

Page 156: Aena, les terres de Missionnaire

Tey soupira, avala son canard et but le reste de la bouteille avant deprendre la parole d'une voix réchauffé.- Ma journée est une horreur. Tellement horrible que ma mèrea essayé de me consoler en m'apprenant qu'elle allait se marier avecAaron ! Cool non ?Le hoquet qu'allait sortir Aena resta coincé dans sa gorge, ça c'était unenouvelle !- Alors, t'en pense quoi toi ?- ...

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 16 153

Page 157: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17

Tey faisait les cent pas devant l'arène. Une cinquantaine de jeunesadultes attendait dans le hall, transformé en salle d'attente. Ils avaient tousreçus une lettre leur indiquant qu'ils pourraient passer leur diplôme cetteannée. Kasuni entra en trombe dans la salle. Tout le monde se retourna. Laguerrière arborait une robe légère et blindée à la façon des ninjas. Larobe-armure était fendue au niveau des cuisses et finissait d'une longueurdécroissante jusqu'en dessous du genou. On aurait dit que Kasuni portaitun pagne, montrant au moins la moitié de son anatomie, ce qui ne la faisaitpas passer inaperçue dans une foule. Tey, lui, ne porta pas la moindreattention à la jeune rouquine :

- Kasuni, tu me donnes froid à te promener les jambes à l'airen plein mois d'Oct !L'intéressée fit mine de se trémousser devant Tey pour l'énerver un peuplus.

- Pas de ma faute si mon anniversaire est si tard dansl'année ! Mes parents n'allaient pas me donner ma tenue de ninja avant mesvingt-deux ans tapantes ! Autant en profiter et puis ... j'ai toujours chaud ! Tey pouffa et laissa sa place à la jeune ninja. Il alla ensuite voirAldarane qui sondait mentalement les esprits aux alentours pours'entraîner. Bien que n'ayant que vingt ans, et donc deux années de moinsque toute la bande, il participait aussi à l'examen. Dans la salle, les âgesvariaient, les plus jeunes devaient avoir environ quinze ans, voire moins.Mais eux, nul doute qu'ils avaient commencé leurs entraînements aucombat et aux arcannes depuis leur plus tendre enfance. Aena et Tey eux, n'étaient là que depuis six ans.

Chapitre 17 154

Page 158: Aena, les terres de Missionnaire

Ils avaient dû tout rattraper pour avoir le même niveau que Kasuni etcompagnie. Heureusement pour eux, ils avaient un esprit assez vif et uncertain don pour l'apprentissage. Encore fallait-il qu'ils possédentnormalement toutes les bases et la discipline pour intégrer les rangs del'armée de Missionnaire. Mais attention, être diplômé ne voulait pas dire ne plus travailler, non. Ilfallait s'entraîner tous les jours deux heures minimum. Ils se combattaiententre eux et étaient respectés de tous. Le plus grand échelon social deMissionnaire car l'armée n'avait pas vraiment de hiérarchie. Elle n'étaitcomposée que de soldats. Aaron et Arcanna faisaient office de capitainesmais à part eux, personne ne donnait d'ordre. En fait, Missionnaire n'avaitpas assez d'hommes pour qu'ils puissent établir une stratégie suffisante. Encas d'attaque, il faudrait défendre le château, il n'y aurait pas assez desoldats pour soutenir plusieurs fronts à la fois et en plus, défendre l'école...à moins d'avoir une idée vraiment élaborée. Enfin, privilèges suprêmes : chambres individuelles au dernier étage dela forteresse et une vraie vie normale d'adultes. Possibilité de fonder unefamille et pourquoi pas, de s'installer dans l'un des villages de la vallée.Mais de toutes manière, en cas de guerre, tous ceux qui vivaient en dehorsde la forteresse étaient immédiatement rappelés avec leur médaillon ! Aena arrêta ses rêveries et en voyant Kasuni lui dit d'une voixcompatissante :

- Tu as raison, le rouge te va à ravir.Kasuni bomba fièrement le torse sous le rire tonitruant de son amie.

- Il faut dire que tu as aussi fière allure dans cette armuredorée et rutilante. Paladine va ! se moqua la rouquine.Aena fit mine d'être courroucée et lui donna un coup de coude.

- Comment oses-tu ? Aena se jeta sur sa meilleure amie et la chatouilla jusqu'ace que pleurss'ensuivent. Elles avaient un peu mûri depuis leurs seize ans mais parfois,ça leur reprenait. La folie de la jeunesse en somme.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 155

Page 159: Aena, les terres de Missionnaire

Etre paladin était un titre à la mode ces temps-ci. Mais Aena et Kasunipensaient d'eux qu'ils étaient flemmards, inutiles et vulgaires. Ils avaienttous une épée mais bien peu savaient s'en servir. Heureusement, ce n'étaitqu'un effet de mode et sûrement bientôt, tout serait révolu. Michelle entra dans la salle, elle avait décidé de dormir plus longtemps.Elle avait pris son temps pour se préparer et son arc reposait dans son dos,encore brillant d'huile. Une armure de fabrication elfique et étonnementsouple la recouvrait des pieds à la tête. Différents motifs ornaient le métalvert : des poissons, des étoiles ou des flèches. Elle ressemblait à une vraiearchère dans cette tenue. On aurait dit que l'armée de Missionnaire s'étaitretrouvée toute entière dans cette salle. Tout le monde était harnaché avecarmures, armes et beaucoup de patience. Evidemment, tous ne passaientpas en même temps et Aaron et Arcanna attendaient dans l'arène. Parfois,un élève ressortait sous des tonnes d'applaudissements, livide, puis il enappelait un autre qui rentrait à son tour dans l'arène.Et c'est ainsi que tous passaient dans l'ordre alphabétique. Tey, toujoursaussi stressé arpentait le couloir, même les plaisanteries d'Aldaranen'arrivaient pas à le décoincer !

- Mais Tey, qu'est-ce que tu fais ici ? Tu as un nom en Q, tune risques pas de passer ce matin !

- Oui mais... je n'arrivais pas à dormir et ... bafouilla t-il.

- Aena Adanis.La jeune fille se leva en tremblotant. Kasuni lui donna une frappe amicaleet l'encouragea. Aena avala sa salive et pénétra dans l'arène, peu confiante. Après dix minutes, la porte se rouvrit et Aena fut accueillie par de fortsapplaudissements. Elle était en sueur et son armure était rayée par endroit.Apparemment, elle avait combattu. Elle appela alors d'une voix neutre :

- Bablow Katlyn.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 156

Page 160: Aena, les terres de Missionnaire

La féline se leva et rentra, sans prononcer le moindre mot. Au passage, elletoisa Aena de ses yeux noirs et accusateurs, mais cela n'eu aucun effet surla jeune femme qui fut ensuite bombardée de questions par Kasuni etAldarane :

- Alors, qu'est-ce qu'il fallait faire ? Et qui étaitl'évaluateur ?Aena haussa les sourcils et dit d'une voix neutre :

- Moi, c'est Arcanna qui m'a fait passé le test. Il m'a dit quelui, faisait passer les élèves le matin et Aaron l'après-midi. Tey en entendant le prénom du Directeur sentit comme un goût amer danssa bouche. Quelle coïncidence ! Arcanna prenait les élèves qui avaient unnom de famille dans les premières lettres de l'alphabet et oh ! -pur hasard-Adanis commençait par un A ! Tey fulmina dans son coin. De toutemanière, personne du groupe ne faisait attention à lui ; ils étaient tous tropoccupés à questionner Aena.

- Alors, c'était quoi comme épreuves ? demanda Kasuniavec une impatience non feinte.

- Eh bien -Aena se racla la gorge- il y a deux catégories :magie et combat. Moi, j'ai pris la magie d'abord. Il te demandera de fairepleins de choses. Ça peut aller d'allumer une bougie jusqu'à déclencher unbrasier ardent dans la pièce. Mais d'après ce que j'ai compris, tout le monden'a pas la même chose car i ls te disent de faire les choses queprincipalement ils ont vu que tu avais du mal à faire pendant les cours !Kasuni était littéralement suspendue aux lèvres d'Aena et buvait la moindrede ses paroles. Aldarane, lui, était plus sceptique.

- Et en combat ?

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 157

Page 161: Aena, les terres de Missionnaire

- Un duel, tout simplement. Le but est simple, vaincre tonadversaire et ...

- Quoi ? Et tu as réussie à battre Arcanna ? la coupa Kasuni

- Oui, mais je crois qu'il ne font pas un vrai duel tu vois,enfin, qu'ils n'usent pas de toutes leurs possibilités.Tey, qui n'écoutait que d'une oreille fut subitement intéressé :

- Tu es confiante en ce qui concerne les résultats ?Aena s'assit puis lui répondit :

- Oui, je le pense. Mais rares sont les élèves qui n'ont pasleurs diplômes car on n'appelle que ceux qui pourraient l'avoir. L'annéedernière, sur les cent cinquante-trois personnes qui ont tenté de l'avoir,seulement quatre ont échoué. Et d'habitude, ils savent à l'avance s'ilsl'auront ou pas. Mais moi, personnellement, je suis presque sûre d'avoirréussi !Après ce petit discours, tous furent apaisés et attendirent. Aena resta avecles autres membres du groupe, d'ailleurs, qu'aurait-elle fait sinon ? Sepromener à l'extérieur ? Faire une balade avec Ténèbre ? Flâner dans sachambre ? Bof, rien de vraiment exaltant. Elle était trop impatiente d'êtrece soir. La fête allait être superbe et quelle émotion de recevoir lessaphirs ! Une toute petite chose qui récompensait des années de travail etde patience. Enfin, après six ans et tant d'heures d'entraînements ...Et ils devraient aussi partir en mission aux frontières. Se battre en vrai,contre des Barbares féroces ! Au moins, il y aurait de l'action. Actioncertes mais morts également. Les Barbares du Nord étaient de solidesguerriers, plus forts que deux Missionnairiens s'étant entraînés depuis leurenfance ! Mais heureusement, l'armée des terres Indépendantes avaitquelque chose que les Barbares n'avaient pas : la magie.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 158

Page 162: Aena, les terres de Missionnaire

Tout ça formait la puissance de l'école. Assurant en même temps sa survie. Kasuni passa ensuite un peu plus tard dans la matinée, s'ensuivitd'Aldarane et de Michelle. Puis vint midi, Sin apporta ses fameusesgalettes. Il était affabulé d'un foulard rouge le long de la taille et un autre,vert, sur la tête. Il ondulait la taille comme les danseuses du ventre. Ce quifit rire tout le monde à l'unisson.

- Ça te va très bien Sin ...conclut Aena en gloussant.

- Merci, roucoula t-il.Kasuni, elle, était rouge comme une pivoine et s'étouffait de rire. Aena luidonna une tape dans le dos et Kasuni tomba par terre, riant de plus belle.Evidemment, tout le monde dans la salle avait les larmes aux yeux et Sin,après avoir distribué les repas s'avança vers Kasuni.

- Au moins, y'en a une qui s'amuse.Kasuni n'arriva toujours pas à prononcer le moindre mot. Aena prit laparole à la place de son amie :

- Elle te trouve très classe comme, ça, tu devrais t'habillercomme ça tout le temps.Sin sourit et quitta la salle.

- Si je dois m'amuser un jour dans l'année, c'est biencelui-là ! Allez, bonne chance les diplômés ! Et n'oubliez pas la grande fêtece soir.Le reste de l'après-midi se passa sans réels événements perturbateurs.Aena, Kasuni et compagnie était allées faire une balade en cheval autourdes Terres. Aldarane, lui, avait préféré rester avec Tey qui attendaitpatiemment son tour. Il était plus de quatre heures quand on l'appela :

- Tey Quasa.Aldarane enlaça une dernière fois son ami et lui murmura dans le creux del'oreille :

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 159

Page 163: Aena, les terres de Missionnaire

- Tu vas assurer !

- Merci Aldy ... Tey s'approcha de la porte et posa sa main sur le verrou. Il tremblait etdut attendre dix secondes avant de réussir à l'ouvrir. Il entra dans l'arène,lieu si familier à tout habitant du château. La salle et les gradins étaientétrangement vides et l'atmosphère semblait pesante. Tey soufflaitbruyamment et s'approcha de la silhouette capée qui attendait au milieu dela fosse. Assise dans le sable dorée. Le dôme coloré renvoyait ses rayonsun peu partout, Tey était émerveillé. La silhouette fit volte-face, montrant les traits si caractéristiquesd'Aaron. Il souriait sadiquement, comme d'habitude.

- Ah mon beau-fils ! C'est donc moi qui aurait l'honneur dete tester pour ton diplôme.Tey lui répondit amèrement :

- Tu le savais depuis longtemps.

- Alors, par quoi commençons nous ? Magie ou Combat ?

- Combat, sans hésitation, renchérit avec colère le jeunehomme.Le sourire d'Aaron s'élargit :

- Je vois que tu es en forme ; excellent. J'ai l'impression deme voir dans ma jeunesse.Tey serra les dents. Depuis qu'Aaron s'était marié avec sa mère, il prenaitun peu trop de libertés vis-à-vis de lui. Il l'appelait beau-fils et se montraitparfois sarcastique. Sans compter que grâce à Naya, il possédait des

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 160

Page 164: Aena, les terres de Missionnaire

arguments parfois intimes sur la vie de Tey. Et le moins que l'on puissedire, c'est qu'il essayait de les utiliser. Aaron quoi ... Tey était un hommedésormais, il regardait avec rires tout ce que faisait le vieux. En fait, Aaronétait pathétique, il s'ennuyait, rien de plus. Heureusement que Naya sesentait bien avec son compagnon sinon Tey l'aurait déjà arrangé. Sa mèreaimait Aaron et était heureuse. Ils se promenaient main dans la maincomme de jeunes tourtereaux et s'embrassaient encore tendrement. Aumoins, elle était rayonnante depuis six ans. Elle avait élevé Tey pendanttoute sa jeunesse et maintenant, c'était à son tour d'être heureuse. Tey étaitcontent pour sa mère, rien de plus. En fait, il ne détestait pas Aaron, il étaitjuste indifférent. Aaron n'avait aucune complicité avec son beau-fils.

- Alors ! Tu combats ou tu rêves ? Tey prit son bâton et le tendit devant lui.

- A-t-on droit à la magie ?

- Bien sûr !Tey se jeta sur son adversaire, Aaron para. Mais le vieux professeur n'avaitmême pas sorti son épée du fourreau. Un bouclier magique sans aucundoute. Il voulait de la magie ? Il allait en avoir !Tey était spécialisé dans les boucliers et la guérison du corps. Riend'offensif en soi. Mais pour faire une protection, il fallait de l'énergie. Ets'il faisait un bouclier qui renvoyait l'énergie ? Pas mal l'idée mais il luifaudrait au moins trois minutes le temps de le mettre en place sur soncorps ! Juste faire en sorte qu'Aaron ne le sente pas, ce qui lui ferait mettreencore plus longtemps.

- Concentre toi Tey ... se chuchota-t-il pour lui-même. La tâche était ardue, il devait bloquer ou parer les coups de son ennemitout en se recouvrant de magie et sans que ce dernier n'en sache rien.Plusieurs fois il faillit échouer mais il arrivait in extremis à tenir le coup. Ilsentait son armure glisser sur sa peau à cause de sa sueur et ses cheveux secoller à son front.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 161

Page 165: Aena, les terres de Missionnaire

Aaron attaquait et Tey parait aisément. Mais le professeur jura :

- Il faut te dépêcher ! Dans dix minutes nous devons avoirfini ce combat. Arrête de tourner autour du pot et attaque !Tey était obligé de le faire, sinon Aaron se douterait de quelque chose. Lejeune homme sentait déjà un voile léger et pétillant recouvrir sa peau.C'était bon, le bouclier était prêt !

- Toujours pas ? Dans ce cas j'attaque ! rugit Aaron.Tey ouvrit bien grand les bras quand Aaron se jeta sur lui, son immenseépée devant lui. Il fut surpris que Tey se laissa faire à ce point, lui offrantson corps, mais il était trop tard ! Aaron était lancé et il ne pouvait plusreculer, poussé en avant par sa force. Normalement, son épée aurait dû traverser le corps de Tey dans touteson épaisseur mais au lieu de cela, Aaron se sentit décoller. Il futviolement projeté sur le mur à une vitesse exorbitante. Les briques engarderaient encore longtemps la marque et Aaron se leva, en piteux état. Ilavait volé jusqu'aux gradins ! Tey jubilait :

- Ça, c'est ma revanche pour le jour où tu m'as fait vivre lamême. expérience !Aaron se tint les côtes, il cracha du sang et retourna dans l'arène enclaudicant. Il fallait le dire, Tey avait été très fort et intelligent. Il était fierde son élève.

- Tu te crois drôle ? Aaron s'essuya sa bouche avec samanche et soutint son regard.Tey tourna la tête et ne pu réprimer une mimique d'amusement. Il attenditnéanmoins que son adversaire puisse se soigner tranquillement. Puis,Aaron haussa la voix:

- On reprend.Les deux combattants se remirent en position et s'élancèrent l'un versl'autre, épée contre bâton.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 162

Page 166: Aena, les terres de Missionnaire

Le choc fut violent et ils luttèrent longtemps, jusqu'à ce que leurs frontsse perlassent de sueur. Aaron lança énergiquement à son beau-fils :

- Alors, on fatigue ?Tey ne répondit pas à son sarcasme et en profita. Il mit d'un coup toutes sesforces et Aaron tomba dans le sable. Son épée l'aurait sûrement empalé s'iln'avait pas eu le réflexe de la jeter plus loin. Le fruit de l'expérience sansdoute. Tey plaqua le professeur à terre et approcha son bâton de la gorgede ce dernier. Soudain, Tey sentit une déflagration le brûler jusqu'au os. Il hurla dedouleur et se roula sur le côté, dans le sable. Le feu s'éteignit et Tey sereleva, tout son torse était calciné.

- Ce n'est pas ça qui m'aura ! cria le jeune homme.Il ne prit même pas le temps de se soigner, son corps s'en chargeait pourlui. Sa peau et ses muscles se ressoudaient tranquillement. Les combattants se remirent en position de combat pour la énième fois.Aaron fit une magnifique pirouette et égratigna de son épée -qu'il avaitrecherchée auparavant- la joue de Tey. Le jeune homme s'essuyanégligemment et allait répliquer quand une main puissante sortit du sableet lui tint fermement le mollet. Il chuta au sol tandis que la main tordait sacheville. La douleur était intense mais Tey réussit à rester lucide. Il envoyaune boule de feu sur la chose qui poussa un cri étranglé avant dedisparaître.Y en avait-il d'autres ? Tey ne pouvait marcher en raison de son os tordu. Heureusement, lablessure se soignait facilement d'elle-même, mais Aaron n'était pas loin. Ileut sans peine accès à un endroit non protégé du corps de Tey et lui assénaun coup d'épée assez dévastateur. Tey aurait dû normalement s'effondrer sur le sol, abandonnant, mais ildécida qu'il n'en serait pas ainsi ! Au dernier moment, il se jeta face contreterre et envoya son bâton contre les vertèbres du cou de son professeur.Aaron ne le vit pas arriver mais réussit en partie à l'éviter. Son dos craquaet il dut se retenir pour ne pas hurler. Il pouvait encore bouger ; Tey n'avaitpas attaqué assez fort pour sectionner sa moelle, dommage pour lui.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 163

Page 167: Aena, les terres de Missionnaire

- Mauvais choix ! susurra AaronEt le colosse l'empoigna à la nuque et l'envoya voler dans le sable. Tey serattrapa et fit une roulade. Il se releva, sans problème.

- Tu crois vraiment que ça m'aurait touché ?

- Non mais c'était pour voir si tu arrives à reprendre unéquilibre stable, dit froidement Aaron avec son habituelle voix froide etcalculatrice.Tey soupira et reprit son bâton. Cette partie du duel n'était pas vraimentépique, plutôt banale. Pas de vraie situation de combat en duel à mort.Aaron sentit ce que pensait son élève et fit mine de bailler :

- Tu t'ennuies ? Moi aussi d'ailleurs, je vais pimenter letout !Il ne pu s'empêcher de pousser un rire machiavélique et claqua des doigts.Tey se colla contre un mur, les mains sur son bâton. Au début, rien ne se produisit. Puis, le sable commença à prendre vie etsemblait bouillonné. Autours de Tey, trois petits monticules s'étaientformés. Le sable glougloutait et crépitait. Une étrange odeur assaillit lesnarines du jeune homme qui dut se confronter à sa propre peur. Qu'est-cequi l'attendait ? Car comme personne ne l'ignorait, Aaron avait commeDon les Invocations et c'était toujours avec plaisir qu'il faisait sortir àn'importe quel moment des monstres prêts à faire cauchemarder n'importequelle personne. Un cri inhumain retentit. Trois silhouettes sombres se dessinèrent ethurlèrent à l'unisson. Les monstres étaient des quadrupèdes avec d'épaismuscles noueux qui apparaissaient distinctement. Pas la moindre pelliculed'épidermes ne recouvrait leurs peaux et les moindres organes étaient àdécouvert, de même que leurs vaisseaux sanguins et leurs artères. Leur couétait aussi large qu'ils étaient gros et leurs têtes, comme taillées dans unbloc de granit rouge faisaient penser à un croisement entre un loup et un

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 164

Page 168: Aena, les terres de Missionnaire

cheval. Leurs orbites étaient vides du moindre oeil et le sommet de leurscrânes, hérissés de piquants. L'un d'eux bailla, ce qui révéla à Tey une mâchoire articulée présentantquatre rangées de crocs ! Mais comment allait-il battre ces trois choses ? Il remarqua alors qu'elles obéissaient à un ordre hiérarchique. La plusgrosse, de couleur ténébreuse, se tenait de l'autre côté de l'arène etgrognait.Les deux autres, plus petites et couleur feu, l'écoutaient et avançaient versTey, les babines retroussées. Ainsi, la noire était la chef ? Tey jura, son bâton était une arme défensive, pas vraiment offensive. Lebois était arrondi et il ne pouvait entamer la chair, juste frapper. Qu'à celane tienne ! Il claqua des doigts et refaçonna l'argent. Les deux bêtes leregardaient, incrédules. Leurs épines dorsales étaient sorties et ellesgrognaient comme des chiens. Elles semblaient ne pas beaucoup aimer lebrouillard coloré qui serpentait le long du bâton. Tey n'y prêta pasattention ; d'ailleurs, cela était assez plaisant qu'elles n'osent pas encoreattaquer, ainsi il aurait le temps de fabriquer sa nouvelle arme tout en seconcentrant. L'argent refondit et Tey, par simple pensé, le fit tranchant. Il ne mitqu'une petite minute pour accomplir son oeuvre. Le bâton n'y ressemblait plus, il possédait maintenant, deux tranchantsainsi qu'une pointe. Seul deux endroits, non tranchants étaient destinés auxmains de son possesseur. Tey décida de rebaptiser son arme, qu'il nomma‘Hallebarde'. Cela ne correspondait pas au design d'une lance, c'était toutde même assez proche. Ce n'est que la première version, je l'amélioreraiencore sûrement, songea Tey. Aaron, lui, regardait toute la scène avec unintérêt grandissant. Le jeune homme se ressaisit et se mit en position de combat, il étaitmaladroit en raison du nouveau poids ainsi que de la nouvelle longueur desa hallebarde. Il valait mieux pour lui qu'il s'y habitue vite, très vite. Lesmolosses bavaient abondamment, prêt à sauter sur leur proie.Tey devait se dépêcher. Il était dos au mur et les deux chiens l'encerclaient.S'il attendait qu'ils se jettent sur lui, il aurait échoué. Il devait faire quelquechose ! Le jeune homme reprit une bouffée d'air et s'élança, il alla à droite et

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 165

Page 169: Aena, les terres de Missionnaire

tendit son arme devant lui. Le molosse ne réagit pas vraiment, le bâtondevant lui devait lui sembler si peu épais qu'un coup de crocs l'auraitfendu, mais il ignorait l'utilisée de la pointée finale. La lame rentraprofondément dans son poitrail et les gestes qu'il fit pour se sauver letuèrent. Tey dû écarter le corps avec sa magie, il s'était trop enfoncé. Il continua de courir et atteignit le centre de l'arène. Etrangement, ilavait cru que l'autre molosse l'aurait suivi, mais non, il s'était accroupi prèsde son compagnon mort et gémissait. Le chef de la meute, se mit à hurleret se dirigea vers Tey. La grosse masse noire était rapide et le jeunehomme décida de repousser la future attaque. La chose était si rapide qu'elle l'atteignit sans qu'il puisse bien la voir,elle sauta d'un côté, mais, au dernier moment, bondit de l'autre. Tey avaitété trop lent et offra son jarret aux mâchoires dévastatrices. Son armure nepouvait pas protéger cet endroit et Tey hurla de douleur quand les crocss'enfoncèrent jusqu'à l'os. Il pivota et envoya sa hallebarde. Evidemment,la bête l'avait déjà évitée et repartait à la charge. Parfois, elle se retournaitet injuriait avec des grognements affreux l'autre monstre qui était apeurépar le chef. Tey était cerné et faiblissait, ses jambes étaient éraflées et blesséespartout. Il avait de plus en plus de mal à se tenir debout et la créatureprofitait de ses épines pour infliger encore plus de dégâts.D'ailleurs, il n'aurait pas été étonnant que quelques unes soient restées dansles plaies sanglantes. Aaron regardait chaque goutte de sang avec extase ets'était allongé dans les tribunes, comme un simple spectateur. Ilapplaudissait avec zèle :

- Bravo Tey, tu vas te faire bouffer !Le jeune homme était trop occupé pour répondre. La bête qui lui arrivaitjusqu'à mi-cuisse le harcelait et il peinait à la suivre. Plus déconcertant, iln'arrivait pas à trouver le moyen de savoir où elle lancerait sa prochaineattaque. Pour Aena, tout aurait été trop simple, elle l'aurait sentit grâce à saDivination et l'aurait déjà tailladé à coups de hache. Il ne pouvait pas nonplus utiliser sa magie, il n'avait pas sa concentration et le temps qu'il fassequelque chose, la bête l'aurait pris à la gorge ! Ce qui devait arriver arriva, le molosse se jeta sur Tey et le plaqua au

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 166

Page 170: Aena, les terres de Missionnaire

sol, détrempé de sang. La bête pesait facilement dans les quatre-vingt kiloset Tey, un petit énergique assez musclé n'en faisait que soixante-quinze.Autant dire qu'il ne pouvait plus bouger et que la bête allait se repaître desa gorge. Si elle aurait eu des yeux, il aurait pu y lire les mêmes sentimentsque dans ceux de Nouka. Nouka le loups garou ... Le souvenir ce fitdéchirant, il se revoyait, six ans plus tôt dans la même position, unloup-garou sur le ventre. Mais cette fois-ci, Aena ne serait pas là pour lesauver, sans compter Aaron ! Il allait le faire, lui, Tey Quasa ! Quand la bête ouvrit la gueule et fondit sur la chaire tendre de lajugulaire, elle ne s'attendait pas à être arrêtée de plein fouet par une lame.Le choc la fit valser en avant et elle fit un rouler bouler peu gracieux.Toute la partie supérieure du dos avait été coupé et les épines avec. Unebonne chose de faite ! pensa Tey qui profita de se moment de répit pour serelever. Maintenant, c'était l'assaut final, le coup de grâce. La bête était aussifatiguée et blessée que lui. Ses muscles dorsaux étaient arrachés et lesveines coupées, déversant le liquide vital au sol. Le sang se mélangea ausable et forma une marre puante. La bête ne pourrait pas survivrelongtemps dans cet état ! Dans un dernier effort, elle l'attaqua à nouveau. Iln'en fut pas vraiment surpris et réussit sans problème à l'éviter. Il donna uncoup de pied dans le ventre de l'animal qui s'écroula au sol. Son attaqueavait été faible, elle n'avait eu aucune chance. Tey fit ce qu'il devait faire et abattit sa hallebarde sur le monstre. Ilvalait mieux une mort rapide plutôt qu'une agonie douloureuse. La bête nesouffrit pas et Tey pu entendre ces dernières respirations. Elle n'était pasencore morte, quelle puissance de la nature ! Soudain, derrière lui, surgit le troisième monstre ; peureux. Il se couchaà côté de son chef, chuinant comme un jeune chiot à la vue du corps qui sedésagrégeait. Les Invocations ne pouvaient perdurer après leurs morts etTey fut pris de pitié pour cette troisième créature, faible et craintive. Ilavait l'impression de se reconnaître avant, peureux et chuineur. Exactementlui. Le dominé enfuit alors sa tête prêt de son dominant et lui mordillal'oreille pour lui montrer qu'il était avec lui. Ce fut au dernier moment qu'il se passa quelque chose d'étrange.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 167

Page 171: Aena, les terres de Missionnaire

Le chef se retourna et planta ses crocs dans la gorge de son proprecompagnon et mourut. L'autre, blessé mortellement ne pu rien faire d'autreque de gémir, de moins en moins fort, jusqu'à ce que la mort survienne àson tour sur lui. Tey ne pu s'empêcher d'éprouver encore plus de pitié pourla chose qui n'avait pas vraiment eu de chance :

- Diable, que ces créatures sont cruelles entre elles !s'exclama-t-il.La dernière bête tourna sa tête vers le jeune homme et poussa une ultimeplainte avant de commencer à disparaître. Tey sentit ses yeux le picoter ;non, il ne pouvait pas faire ça ! Il s'agenouilla rassembla toutes ses forcessur la plaie. Le corps semblait être presque translucide que Tey apposa ses mains. Leflot de magie se déversa sur la chose et l'engloba. Petit à petit, la matièrerevint.

- Ah ! ARRETES CE SUPPLICE !Aaron hurla à la mort, il se tenait le ventre et crachait du sang. Il avaittraversé toute la longueur de l'arène pour venir aux côtés de son beau-fils,mais il éprouvait maintenant une douleur irrationnelle. Tey laissa la bête se reposer et s'agenouilla près d'Aaron. Etrangement,les crampes cessèrent bien vite et le professeur put se relever. Sespremières paroles furent « Idiot ! ». Tey ne répondit pas, occupé à regarderl'animal qui se relevait doucement.

- Tu es totalement con ! T'as ressuscité une Invocation ! J'aifailli crever à cause de tes bêtises ! Aaron cracha par terre et on voyait quela douleur défigurait encore son visage.

- Cher beau-père, déjà apprenez que je ne l'ai pas ressuscitémais soigné, elle était encore en vie et je vous prie de parler moinsvulgairement.Aaron toisa son beau-fils d'un regard incandescent. Il serrait ses mâchoires.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 168

Page 172: Aena, les terres de Missionnaire

- Mais t'es quand même cinglé ! A cause de ce que tu asfait, tu as rompu le lien de servitude qui me reliait à cette Invocation !J'avais l'impression qu'on me prenait un tendon et qu'on l'étirait, qu'onl'étirait ... ah et quand ça a cassé ....Tey pouffa et répliqua d'une voix gaie :

- Oh moins, ça vous fait du bien de souffrir de temps entemps.

- Oh toi, j'me retiens de te ... Pars ! Pars tout de suite aveccette chose ! Et que je ne vous revoie plus avant la fin de la journée !Tey s'exécuta, un sourire sur les lèvres. La créature se releva et le suivitdocilement, elle frottait sa tête contre la jambe du jeune homme etronronnait. Il sortit de l'arène et revint dans la salle d'attente. Arcanna attendait nerveusement et quand il vit Tey, lui demanda ce qu'ils'était passé avant.

- Il parait qu'Aaron a hurlé, se justifia t-il.Tey haussa les sourcils et le rassura :

- A part blessé dans son orgueil, rien de grave ne t'inquiètepas.La créature, restée calme jusqu'à ce moment là se mit à grogner, babinesretroussées vers Arcanna qui la regardait hautainement :

- Qu'est-ce ? questionna-t-il d'une voix indifférente.

- Mon nouveau compagnon, répondit seulement Tey.Le Directeur fut courroucé par ce ton cinglant. Avait-ce un rapport avec cequ'il s'était passé dans l'arène ?

- Ça va bien Tey ? Je te sens irrité.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 169

Page 173: Aena, les terres de Missionnaire

Le ton paternel et enfantin qu'utilisa Arcanna acheva de le mettre encolère :

- Arcanna, il faut qu'on se parle d'homme à homme !Le directeur parut très surpris, comme si une phrase comme cela nepouvait franchir ses lèvres.

- En en privé, ajouta le jeune homme.Arcanna se résigna et pria son interlocuteur de le suivre jusqu'à son bureauau deuxième étage. Tey le suivit, son molosse restait à côté de lui, lesurveillant. Dès que la porte se fut refermée sur les deux hommes, Tey se mit deboutface à Arcanna et se prépara à dire ce qui faisait mal. Le grand Taboudepuis six années.

- Je sais tout de toi Arcanna. Mais Elle est à moi, avec toi,elle ne cessera de souffrir et tu le sais pertinemment. Tu n'es qu'unégoïste !Arcanna soupesa les mots. C'était impossible que Tey ait dit cela.Comment pouvait-il comprendre, et même, à quel degré ?

- Quoi ? Mais ce que tu me dis est insensé !Alors ainsi, Arcanna feintait l'ignorance ? Il allait être servi.

- Ne soyons pas bêtes Arcanna. Tu me comprends très bien.Je l'aime autant que toi. Un jour, elle verra aussi bien que moi ta véritablenature. Je te haïs. Ah, si tu savais comme elle tient à toi la pauvre ! Tu esun Monstre ! Tu entends ? Un monstre !Arcanna baissa la tête et Tey claqua la porte. Enfin il lui avait dit tout cequ'il pensait. Enfin il était un homme ! Ensuite, le reste de la journée passa très vite et la nuit tomba. Leréfectoire était bondé de monde et tous les futurs diplômés -ou non- étaientsuperbement bien habillés. Aena arborait une magnifique robe noireouverte en haut par un décolleté vertigineux. Une simple cordelettepailletée cintrait sa taille fine. Kasuni, elle, avait son habituelle -et

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 170

Page 174: Aena, les terres de Missionnaire

élégante- robe de ninja tandis que Michelle portait une robe bleue en corailet son cou était orné d'un collier de perles. Simple mais raffiné.

- Veuillez regagner vos places, nous allons appeler lesdiplômés.Tout le monde regagna sa place et attendit avec impatience qu'Arcannareprenne la parole. Aaron s'inclina, descendit de l'estrade et sortit de lapièce, il réapparut avec un panier rempli de saphirs, destinés auxmédaillons.

- Cette année, voici les noms des brillants soldats :Et il commença à énumérer. A chaque nouveau prénom, la personne selevait -avec beaucoup d'émotion- et montait sur l'estrade. Elle fermaitensuite les yeux -tradition oblige- pour prendre un saphir. Le nouveaudip lômé n 'ava i t p lus qu 'à reveni r à sa p lace sous des tonnesd'applaudissements et à insérer son saphir dans son amulette. AMissionnaire, pas de papiers qui ne serviraient à rien ni de blabla, juste desapplaudissements et une bonne ambiance ! Les gens défilèrent. Michelle etAldarane étaient déjà passés. Ils pleuraient de joie. Arcanna appela unautre prénom, sa voix semblait moins enthousiaste :

- Tey Quasa Toute la table cria. Tey se leva, ferma les yeux et monta sur l'estrade. Samère l'acclamait avec force ... Mais pas Aaron qui apparemment boudait.Sans doute était-il encore blessé ? Surtout que Freya, sa ‘chienne' -Car Teyavait l'intime conviction que c'était une femelle- le suivait sans relâche. Iln'y voyait pas s'inconvénient tant qu'elle n'attaquait personne. Il mit sa main dans le panier que lui tendit Aaron et y récupéra unsaphir. Puis, il alla se rasseoir à sa table, pleurant de joie. Il se sentaittellement léger et bien. Ce n'était plus arrivé depuis longtemps. Freyas'était couchée à ses pieds.

- Aena Adanis.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 171

Page 175: Aena, les terres de Missionnaire

La jeune femme ébouriffa au passage les cheveux de Tey et marcharapidement vers l'estrade. Elle se permit un regard rempli d'amour endirection d'Arcanna. Il l'intercepta et sourit à sa bien-aimée.Que deviendrait-il sans elle ? Aena se dirigea vers Aaron, puis, piochadans le panier les yeux fermés. Son saphir était bleu nuit et ses bordsétaient arrondis. Il n'était même pas plus gros qu'un petit caillou ! Ellesentait les larmes lui venir aux yeux, enfin, après tant d'année, sondiplôme ! Ça représentait beaucoup pour elle, elle qui désormaisconsidérait Missionnaire comme sa famille ! Elle pourrait combattre lesBarbares, se battre pour ‘Mimi', être enfin une Missionnairienne ; une vraiede vraie ! La fête battit son plein. Les nouveaux diplômés festoyaient et buvaient.De la musique faisait rage et les rires pouvaient s'entendre à plusieurskilomètres à la ronde du château ! Même les corvées de patates étaientabolies pour la soirée, de quoi soulager tout le monde ! Tey, lui, cherchaitAena, il voulait profiter de ce moment de complicité ! D'ailleurs, il étaitétrange qu'elle ne soit pas venue le voir ! Depuis qu'il était devenu unhomme, Aena était encore plus proche de lui ; et il s'en délectait. Ellesavait ses sentiments à son égard mais n'en avait jamais reparlé.

- Aena ? Où es-tu ?Au bout de cinq minutes, il abandonna et se laissa choir sur la premièrechaise venue. Freya vint lui lécher affectueusement la joue. Il caressa leflanc de l'animal et sourit. Etrange animal, mais très gentil. Peu à peu, i l reprit ses opérations de repérages de son pointd'observation. C'est comme cela qu'il vit qu'Arcanna avait quitté la salle.

- Oh non ! Ils ont fait le même coup que la dernière fois ! seplaignit le jeune homme.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 17 172

Page 176: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 18

Ils venaient de faire l'amour. Aena avait la désagréable impression quec'était la dernière fois qu'elle partageait un si bon moment avec son amant.Elle était dans ses bras, emmitouflée sous la couette. Il lui caressaittendrement les cheveux et l'embrassait sur le front. Elle se sentait tellementbien avec lui, détendue. La soirée promettait d'être calme. Ils parleraient,s'embrasseraient et dormiraient. Tout un programme en sorte. La pièce sentait bon l'encens. Les rideaux en soie rouge était ouverts etla porte fermée. La lune diffusait une faible lumière diaphane et tout n'étaitque silence. Aena appréciait se moment de bonheur et de totaleinsouciance. Les plaisirs simples étaient toujours les meilleurs. Mais au fil et à mesure que les minutes passaient, elle sentait qu'Arcannaétait plus tendu. Une gène planait sur lui et maintenant, sa main s'étaitarrêtée de la caresser. Elle ne voulait pas gâcher un si bon moment, mais ilfallait qu'elle sache ce qui le tracassait :- Qu'as-tu ? Je te sens stressé mon amour.Arcanna se tendit brusquement. Il écarta les draps de sa peau et se leva.Ses traits étaient tirés et il marcha jusqu'à la fenêtre. Son regard était perdudans l'horizon, sa voix lointaine et mélancolique :- Je vais vous raconter une histoire ma chère, soyez attentive.Aena se redressa, tout cela ne lui ressemblait pas. Elle ne pouvait sel'avouer, mais elle avait un mauvais pressentiment.« Il était une fois un roi. Ce roi avait deux fils ; Quarl et Uriel. Quarl étaitl'aîné et Uriel le cadet. Le premier était avide du pouvoir et espéraitreprendre le trône de Moona. L'autre, plus petit, était appelé par un autredestin ; il haïssait le pouvoir ainsi que son frère. Quand le roi mourut, Quarl reprit le pouvoir et instaura un régimelaxiste. Il était un grand amateur de femmes et de festivités et ne s'occupapresque pas du royaume qui vécut dans l'anarchie. Il y eu des famines etdes émeutes, mais rien n'y fit. Quarl resta au trône. Uriel, âgé alors dedix-huit, et au coeur pur, nourrissait une haine encore plus profonde envers

Chapitre 18 173

Page 177: Aena, les terres de Missionnaire

son frère aîné, il ne supportait plus son règne et essaya de comploter. Quarlle sut et Uriel fut contraint de quitter la capitale en urgence. Son frère fit delui un hors-la-loi et aux yeux de tout le monde ; il n'existait plus ! Uriel vagabonda pendant deux longues années, son éducation de princeétait utile, il savait monter à destrier et se battre. Il fit le tour de Moona à larecherche de révolutionnaires. Il postait des messages dans des auberges etau bout d'un an, il chercha une terre propice pour son armée. Il ... »Mais pourquoi lui disait-il tout ça ? Et surtout sur ce ton, on aurait dit qu'ilallait mourir :- Mais pourquoi me dis-tu tout ça ! demanda t-elle.Arcanna se retourna, ses yeux étaient noirs et lançaient des éclairs, sa peau,elle, était presque translucide. Ses tatouages, rayonnaient d'une lumièreténébreuse.- Laisse moi continuer ! Ordonna t-il.Aena se ratatina un peu plus, ses yeux rougis par les larmes qu'elle essayaitde contenir. Jamais il ne lui avait parlé comme ça !« Uriel a également fait la connaissance d'un puissant nécromant qui lui aexpliqué comment il pourrait faire pour réaliser son rêve. Uriel a accepté etscellé son destin à jamais ! Il s'est damné pour aider Moona. » Arcanna était étrange et Aena remarqua qu'il tremblait. Elle avait de plusen plus peur et se sentait de moins ne moins en sécurité.- Je ne comprends toujours pas ... mon amour.- CE N'EST PLUS ARCANNA, TAIS TOI MAINTENANTET ECOUTE !Aena éclata en pleurs, Arcanna continua, indifférent :« Uriel est né prince, et un prince n'a pas de magie qui coule dans sesveines. Il devait y remédier pour son but ! Pour les révolutionnaires ! Lenécromant a donc appelé un démon. Pas n'importe lequel d'ailleurs, pas unsimple énergumène de bas échelle ; non, un noble : un démon assezpuissant pour tuer pas mal de monde pendant le rituel. C'est ce qui s'estpassé ! Le nécromant ainsi que toute l'armée qui avait suivit Uriel périt. Ilne restait plus que le pauvre possédé ! Condamné à vivre avec un démondans sa propre chair et à mourir sous peu. Mais le démon ; dans sa grandeclémence, offrit quelque chose au jeune homme. Un pacte, scellé avec savie. Il lui donnerait vingt-deux clefs. Ces clefs lui seraient intégré dans

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 18 174

Page 178: Aena, les terres de Missionnaire

l'avant-bras et canaliseraient l'énergie destructrice de la créature. Ainsi,Uriel verrait sa vie augmenter de vingt-deux années durant lequel ilpourrait faire ce qu'il voulait de tous ses pouvoirs. Le jeune prince acceptaet se greffa la première clef dans l'avant bras droit. Il était conscient qu'ilne verrai jamais ses quarante-quatre ans et qu'un jour, sa dernière clef neservirai plus à rien. Le démon reprendrait alors l'entière possession ducorps d'Uriel et l'âme de l'homme se consumerait. Il serait donc mort. Uriel se dépêcha, seul, d'atteindre la vallée fertile qu'il avait trouvé. C'està ce moment là qu'arriva un homme, il se nommait Aaron est était le seulrescapé du rituel. Pourquoi ? C'était très simple ; il n'y était toutsimplement pas. Il avait vu les messages révolutionnaires quelques joursaprès que la troupe soit partie. Ainsi, ils construisirent, à eux trois, un château. Mais rien ne pouvaitêtre complet si Uriel n'avait pas changé de nom et ne s'était pas fait appelé... »- ARCANNAAena se jeta sur son amant. A son contact, il tressaillit et tomba. Quand il se réveilla, Arcanna semblait normal. Aena l'embrassa et leserra contre sa poitrine. Son visage était couvert de larmes :- Qu'est-ce qui s'est passé ? J'ai eue tellement peur pour toi ! Etcette histoire de possession m'a donné la chair de poule. Aena enfouit son visage sur le corps d'Arcanna. Aucun mot ne futprononcé et pourtant, les coeurs saignaient abondamment. Arcanna ne sejustifiait pas, il n'essayait même pas de lui expliquer ce qu'il s'était passé !Non, elle n'y comprenait rien.- Ce n'est pas une histoire vraie ?Arcanna la regarda tristement de ses yeux délavés et lui répondit sur un tonlas :- Ce n'est que trop vrai à mon goût.Aena haletait, non, impossible !- Alors Uriel ; non, ce n'est pas toi ! AVOUES !Arcanna resta de marbre et essaya de ne pas défaillir :- Je ne me suis jamais appelé Arcanna. Je m'appelle Uriel et jesuis le frère de l'empereur Quarl.- NON ! Je ne te crois pas ! hurla-t-elle à pleins poumons

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 18 175

Page 179: Aena, les terres de Missionnaire

Elle se retourna et ferma les poings, ses ongles s'enfonçaient dans sespaumes, elle appuyait jusqu'à ce que le sang coule. Elle faisait uncauchemar, rien de plus ! Arcanna, l'homme de sa vie n'allait pas mourir ?- Arrête, tu vas te faire du mal.Il ouvrit les poings de la jeune femme et lui caressa délicatement le front.D'habitude ce simple geste l'aurait apaisé. Mais là, elle ne pu s'empêcherd'éclater en sanglots. Arcanna ne pouvait pas être un démon, non !- Dis-moi que tout ça n'est qu'un cauchemar ! Que tu n'es paspossédé !Elle l'implorait, la douleur étai si vive, que pouvait-elle faire d'autre ? Sonrêve s'écroulait. Comme elle l'aimait ! Elle ne pouvait imaginer sa vie sanslui. Arcanna souffrait autant qu'elle, elle le sentait. Leurs espritstourmentés ne pourraient plus être apaisés avant longtemps au moins. Tousces bons moments vécus avec lui ! Ses mots doux, ses caresses, sonattitude ! Elle se serait sacrifiée pour lui et maintenant, il lui disait qu'ilallait mourir !- Si ! Aena, tout l'histoire est exacte. Je suis possédé, je vaismourir sous peu, tu vas me manquer. Je t'aime comme jamais je n'ai aiméde femme.- MENTEUR !Aena ne se contrôlait plus et sa main partit et tapa violemment contre levisage de son amant. Elle l'aimait tellement, tout ça était impossible !IMPOSSIBLE ! Elle retira sa main quand elle sentit une douleur l'envahir. Sa peau étaitrouge et couverte de cloques, brûlée. Sur la joue d'Arcanna, on voyaitexactement la même chose, la marque de la main de sa compagne, la peaubrûlée également. Sous les yeux ébahi d'Aena, ce n'était plus Arcanna qui se tenait devantelle, non. Ses yeux étaient noirs ainsi que ses tatouages. Sa peautranslucide n'avait plus la même consistance, elle était froide. Un rictuss'était formé sur ses lèvres et de grandes ailes de plumes noires sortaientd'entre ses omoplates. Il leva son avant bras, la peau était rouge et tiré,comme s'il y avait quelque chose à l'intérieur que le corps voulait expulser.Aena ne douta pas ; la dernière clef d'Arcanna était en train d'êtreconsumée par le pouvoir destructeur du démon !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 18 176

Page 180: Aena, les terres de Missionnaire

- Bonjour jeune et belle Barbare !Aena ouvrit grand les yeux, surprise qu'une autre voix que celle d'Arcannafranchisse ses lèvres.- Mais c'est quoi ce truc ?Le démon qui avait presque la même apparence qu'Arcanna sourit et fitune révérence gracieuse à la jeune femme :- Sîhl, pour vous servir !Aena sentit toute son amertume survenir. Ainsi, c'était à cause de lui queson amour allait mourir ? Il avait des pouvoirs, et en échange, devait vivreavec lui ? Et si elle le tuait, sa moitié survivrait-elle ? La jeune femme ne réfléchit pas plus et mit sa main sur la gorge de Sîhl.Elle dut la retirer en vitesse car sa peau brûlait. Le démon éclata d'un riremachiavélique :- Tu me plais, fillette ! Et si tu veux, quand j'auraisdéfinitivement pris ce corps et ces pouvoirs, tu pourras être ma reine etvenir avec moi. Que la vie sera belle, tuer toute la journée jusqu'àl'extinction de toute sorte de vie ...Aena ne le laissa pas le temps de finir et eut une irrésistible envie demeurtre, ses poings la démangeaient et elle aurait aimé le tuer de sespropres mains. Pour Arcanna, son Arcanna ! Elle allait se jeter sur luiquand le démon haussa le ton :- Si tu me tues, l'âme d'Arcanna mourra également. La seulefaçon de me battre -et Arcanna le sait pertinemment- c'est de tuer Arcannaavant que je ne prenne son corps. En gros, tous les choix mènent à la mortde l'hôte !- SALAUD ! hurla Aena qui lui envoya une giflemonumentale. Le démon chancela et quand il rouvrit les yeux, c'était ceuxd'Arcanna.- Tu vois que tout cela est vrai, je m'en veux tellement de nepas avoir été assez fort pour empêcher notre relation. Je suis tellementfaible d'esprit ! Mais ce que je t'aime bon dieu ! Chaque pulsation de moncoeur me ramène à toi, à toute la souffrance que je t'ai infligée ... je suisdésolé. Mais j'ai pensé à quelque chose ... Aena chancela et se rattrapa sur le lit, sa tête la brûla alors et elle sesouvint :

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 18 177

Page 181: Aena, les terres de Missionnaire

Elle avait, six ans auparavant, eue une vision : elle, dans cette chambre,pleurant. Et Arcanna qui ouvrait une lettre ensuite. Tout était clairmaintenant : ses visions étaient prémonitoires. Elle était déchirée par toutce qu'elle avait entendue, elle avait tellement de mal à y croire.- J'ai pensé à quelque chose, reprit-t-il d'une voix triste, la seulemanière de tuer le démon c'est que je me tue. Il ne pourrait alors pas fairel'Apocalypse sur Moona. Mais, mais ... je n'ose pas seul ! Aena, je t'aime ;faisons le suicide des amants ! Aena en resta bouche bé : le suicide des amants ? Cette pratique quiconsistait à transpercer, d'une dague, les deux corps serrés l'uns contrel 'autre. Etait-i l fou ? La colère monta en elle avec une facil i tédéconcertante.- Quoi ? Le suicide des amants ! T'es pas malade ? Lâche ! Commentoses-tu ? L'école a besoin de toi ! Comment peux-tu penser à me faireencore souffrir après ce que tu m'as dis ? Alors montre moi cette fichuelettre ! Je veux savoir maintenant ce qu'elle contient ! Je te haïs Arcanna !Je te haïs autant que je t'aime !- Je ...je ... Tu veux vraiment savoir ?- OUI ! Tout de suite ! hurla-t-elle hors d'elle.- Et bien ... Les Barbares vont attaquer l'école, ils seront ici dans deuxsemaines ! Ça te va, heureuse ? Arcanna s'était emporté. Aena ne tint plus et sortit de la pièce encourant, sans même prendre le temps de s'habiller. Avant de partir, elle luidit sur un ton amère et austère :- Tu comptais abandonner ton école ! Ton rêve ! Et moi qui croyaisque tu étais un type bien ! Tu as vendu ton âme pour rien en plus ! Tu medégoûtes ! Tey avait raison, tu es un monstre !Aena n'avait qu'une seule envie : ne plus souffrir ! Elle l'aimait tellement !Six ans d'amour pour ce résultat. Maintenant elle voyait la vraie natured'Arcanna. La vie était si injuste ! La jeune femme descendit jusqu'aux cuisines et but toutes les bouteillesqui passaient, puis, avec une migraine affreuse, s'assit. Elle avait froid maisne s'en souciait pas. Elle continua de pleurer jusqu'à ce qu'aucune larme nepuisse plus franchir ses yeux. Des pas se firent alors entendre et Sindébarqua. Il vit la jeune femme, pleurant de tout son saoul au milieu des

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 18 178

Page 182: Aena, les terres de Missionnaire

cadavres de bouteilles. Il fut pris de pitié et retourna dans sa chambre,chercha un drap qu'il posa sur ses épaules. La jeune femme ne broncha pasmais fut reconnaissante. Elle n'arrivait pas à s'exprimer tellement latristesse lui arrachait le coeur.- Ça va ma p'tite ?- Non !Telle fut sa seule parole avant de recommencer à hoqueter. Sin la ramenadans sa chambre, presque aussi secoué qu'elle. Aena demanda au cuistot de la déposer devant celle de Tey et Aldarane.Elle voulait absolument voir son meilleur ami, lui seul pouvait lacomprendre. Elle mit beaucoup de temps avant de réussir à ouvrir la porte.Tout se bousculait encore dans son esprit : Arcanna, sa possession, Sîhl, lesuicide des amants, les Barbares ... tout se mélangeait sans qu'elle arrivevraiment à savoir si elle avait rêvé ou pas.- Tey.- Oui ?Le jeune homme la toisa, ses yeux étaient légèrement rougis, il n'arrivaitpas à trouver le sommeil. Aena tourna la tête, le second lit de la pièce étaitvide, Aldarane n'était pas là. Ouf ! Elle pourrait parler tranquillement. Quand Aena entra dans sa chambre, Tey se douta que quelque chosen'allait pas. Elle ne portait qu'un drap sur elle et sa démarche étaitétrangement chaloupée. Et pourquoi était-elle venue dans sa chambre ?Que lui voulait-elle ?- Ça va Aena ?- NON !La jeune femme faillit tomber mais elle se rattrapa sur le lit de son meilleurami. Elle s'étendit à côté de lui et le prit dans ses bras.- Si tu savais Tey ... ce que je souffre.- C'est à cause d'Arcanna ? demanda t'il.Et la jeune femme recommença un de ses sanglots dont elle avait le secret.Evidemment ! Qui d'autre pourrait faire pleurer Aena de cette façon ? La jeune femme tout d'un coup eue une idée, son visage s'illumina etelle s'allongea sur Tey. Elle commença à promener ses mains sur le torsedu jeune homme qui s'exclama :- Aena, arrêtes, tu pues l'alcool !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 18 179

Page 183: Aena, les terres de Missionnaire

Aena ne dit rien et continua de plus belle. Tey essaya de se dégager del'étreinte de la jeune femme mais elle le supplia en pleurant :- Tey, je t'en supplie, fais-le pour moi !

***

Aaron fut tiré de son sommeil par le bruit distinctif de bottes sur lemarbre. Il se leva et découvrit Sin à l 'encadrement de sa porte.Heureusement, Naya dormait encore à poings fermés.- Qu'est-ce qu'il y a encore ?Sin baissa la tête et murmura à l'oreille d'Aaron ce qu'il avait vu auxcuisines :- Aena était ivre et nue au beau milieu de ma cuisine. Elle atellement pleuré, tout ça m'inquiète.Aaron s'éloigna, songeur :- C'est pour ça que tu es venu ? Seulement ! Ah, je vais merecoucher.- Mais elle pleurait tellement, se justifia le cuisinier, je n'aijamais vu quelqu'un qui sanglotait autant !Aaron leva la tête :- Soit c'est Arcanna qui lui a tout dit, soit elle a eu une vision.- De quoi ! Que fait Arcanna dans cette histoire ?- Laisse tomber Sin, c'est normal que tu ne comprennes pas !Bon, je suppose qu'il lui a tout dit ! Ah, il est tellement bête ! Tu peuxdisposer Sin, moi, je vais parler avec Arcanna ... ou pas.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 18 180

Page 184: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 19

Aena ouvrit péniblement les yeux. Elle avait l'impression que sespaupières avaient triplé de volume ! Sa bouche était pâteuse et ses lèvressèches. Elle mit du temps à se souvenir de la veille. Tous ces sentimentsdéchirants déclenchèrent chez elle une migraine. Elle se retourna dans le litpour ne plus avoir le soleil dans les yeux, mais elle tomba nez à nez avecquelque chose qui n'aurait pas dû en temps normal se trouver là : Tey. Lejeune homme se réveilla en douceur et lui caressa tendrement les cheveux,elle le laissa faire.- Aena, je t'ai toujours aimée et j'ai passée une nuitmerveilleuse, même si tu n'étais pas dans ton état normal.Elle prit ça pour un compliment et lui répondit d'un ton las :- Tey, je sais que tu m'aimes, mais tu sais que je suis prise parlui. Je l'aime encore, ... et comme une folle !Tey se releva et s'exclama, indigné :- Il t'a fait souffrir ! Tu lui offres encore le privilège de l'aimeret ...- Soit, le coupa Aena, je ne veux plus parler de lui !Elle se leva pendant que Tey s'habillait, elle était aux anges. Son rêves'était enfin réalisé cette nuit. Aena avait peut être le coeur brisé, mais elleétait jeune, et à son âge, ce genre de blessures se cicatrisait vite ! Elle avaitquand même passé six années de sa vie avec ce salaud, il lui faudraitsûrement beaucoup de temps pour oublier, mais après, peut être serendrait-elle enfin compte qu'il était l'homme qui lui conviendrait le mieux.Qui sait ? Soudain, le médaillions de Tey cligna. Aena, elle, avait laissé le sien-ainsi que toutes ses affaires- chez Arcanna. Elle n'avait pas envie d'allerles chercher et espérait ne plus voir son ancien amant avant un bon bout detemps ! Elle s'habilla en toute hâte et aida son compagnon à décoder lemessage« Venir urgemment réfectoire »

Chapitre 19 181

Page 185: Aena, les terres de Missionnaire

Aena grogna, elle était loin de tout çà, elle pensait à Arcanna, toujours.Quel lâche ! Il avait osé lui parler du suicide des amants, il voulaitabandonner l'école aux mains des Barbares. Les Barbares, elle n'y avait pasrepensé depuis la veille. Le château était menacé ainsi que les gens de lavallée. Combien de temps tiendraient-ils ? Un mois tout au plus face àl'armée de Daelanor. Et si Missionnaire perdait, qu'est-ce qui lesretiendraient ? Plus rien, ils conquerraient Moona et dévasteraient lescampagnes. L'empereur le sait mais il n'enverra pas la moindre troupe. Ilpréférerait donner son royaume en échange d'un exil en paix. Maintenant,Aena comprenait mieux pourquoi l'empereur ne les aideraient jamais,Uriel, son frère qui l'avait trahit et ...- Aena, il faut qu'on y aille, c'est urgent, dit Tey qui voyaitbien que son amie rêvait encore. Ils sortirent dans le couloir. Freya les rejoignit entre-temps. La nuit, elledormait dans le couloir, près de la porte de son maître. Ils marchèrent donctous les trois, ensemble. Tey, heureux comme un dieu, avait passé un brassur les épaules d'Aena, qui ne s'en souciait guère. Tout ce qu'elle avaitentendu la veille l'avait abattue, elle ne voulait plus combattre. La jeunefemme savait que ce n'était pas bien de le laisser se bercer d'illusions, maisau fond de lui, il savait qu'elle ne voulait pas de lui. Ils tournèrent et avant d'emprunter les escaliers du premier, Teyl'empoigna par la taille et l'embrassa fougueusement. Etrangement, elle yprit un certain plaisir, mais des moindres comparés aux baisers tendresd'Arcanna. Elle se mit à imaginer que c'était lui qui se tenait en face d'elle,son odeur, ses cheveux blancs, ses yeux délavés ... Tout en lui l'attirait.Elle entendait même sa voix fluttée :- Aena, je m'excuse pour hier soir, j'ai été un peu brusque maiscomprends-moi, c'est pour ton b... Tey arrêta son baiser et se retourna. Aena fit de même et découvritArcanna, le vrai, à deux pas d'elle. Il était surpris et lâcha brusquement lesvêtements de la jeune femme qui s'étalèrent sur le sol. Quand ses yeuxrencontrèrent ceux de Tey, son visage se transforma, Aena vit avec horreurque ses pupilles se noircissaient. Heureusement, Tey ne le remarqua pas etdit d'un ton hautain :- Que fais tu ici à traîner près d'elle. Elle ne veut plus te voir,

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 19 182

Page 186: Aena, les terres de Missionnaire

tu l'as trop fait souffrir !Arcanna grimaça et se mordit la lèvre inférieure. Ses poings étaient serrés,sa chaîne en argent, accrochée à sa ceinture. Il la détacha et l'enroulamécaniquement autour de son poignet.- Tey, tu es à ce jour la personne que je déteste le plus, la seulechose qui me ferait du bien -à part un moment avec Aena- serait de voir tamort.Tey claqua des doigts et son arme apparut dans ses mains. Aena ne pouvaitpas les laisser s'étriper pour elle. Elle s'interposa devant Tey et regardaArcanna dans les yeux d'un regard suppliant :- Je t'en supplie, ne fait pas ça, tu vaux beaucoup mieux. Je neveux pas vous perdre l'un comme l'autre, je tiens trop à vous. Arcanna,reprend le dessus et chasse celui qui te manipule ! Résiste, je t'en conjure... pour moi.Arcanna sembla s'affaisser sur lui-même et ses yeux redevinrent clairs, iltremblait légèrement.- Aena, tu as le pouvoir grandiose de le faire taire ... Merci.Tey, euh ... désolé. Le Directeur ne savait quoi dire, il avait failli se battre, lui, dans sapropre école. Non, décidément, le démon arrivait trop tôt. Il ne pouvait sepermettre de faire courir un aussi grand danger aux élèves, il fit alors cequ'il aurait pu faire de mieux pour tout le monde ... il partit. Aena, déchirée une fois de plus le suivit en courant, laissant Teyramasser ses affaires.- ARCANNA !La clef perdait de son efficacité un peu plus à chaque instant. Il avait deplus en plus de mal à contenir le démon qui sommeillait en lui. Tout le monde fut étonné de voir le Directeur courir à toute allure dansles couloirs suivit d'Aena qui essayait de le rattraper en hurlant. Certains enrirent, mais Aaron qui passait par là les fit taire d'un regard accusateur. Ilcomprit ce qui se passait et les suivit à son tour. Tout çà n'était pas de bonaugure.- Je savais bien que c'était une mauvaise idée qu'il avait eue decommencer une relation avec cette femme ... si seulement cet ânem'écoutait parfois ! se plaignit Aaron.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 19 183

Page 187: Aena, les terres de Missionnaire

Il arriva devant le château, Arcanna s'était arrêté, Aena également. Il lesrejoignit de son habituel pas lent et calculé.- Je ne peux pas supporter de te voir avec lui ! C'est au-dessusde mes forces ! Je dois partir et tout oublier, jusqu'à en mourir s'il le faut.Aena ne su pas quoi répondre et le Directeur partit en courrant vers leNord. La jeune femme essaya de le rattraper mais Aaron l'immobilisa et luitint fermement le bras :- Non, il a fait son choix, laisse-le courir, c'est sa façond'extérioriser la douleur. C'est très mauvais signe, crois en mon expérience.La dernière fois qu'il a fait ça c'est quand il s'est greffé la première clefdans l'avant-bras. Je suppose que ce n'est pas grave que je te dises cela vuqu'il t'a tout raconté en détails cet abruti !Elle ne pu réprimer quelques larmes. Aaron ouvrit ses bras et l'enlaçaamicalement.- La vie est cruelle Aena. Cet imbécile n'aurait pas du joueravec tes sentiments. Il savait son échéance proche mais comprend-le, ilavait envie ... d'un peu de bon temps. De profiter un peu de la vie, toutsimplement.La jeune femme se décolla du professeur, elle regarda longtemps l'horizon,puis, sécha ses larmes pour enfin relever la tête.- Je le sais ça, mais je ne peux pas le haïr, je l'aime trop pourça ...- Aena, viens avec moi, on nous attend pour le discours auréfectoire. Tu sais évidemment de quoi il s'agit !La jeune femme haussa les épaules ; un seul choix possible.- De l'armée de Daelanor qui va faire rayer de la carte notrebelle vallée.Aaron la toisa tristement et soupira :- Quel idiot !

***

Aena s'assit seule, à l'écart. Elle attendit patiemment qu'Aaron prenne laparole. Tous les élèves autour d'eux semblaient si heureux. Dans quelquesinstants, leurs vies basculeraient.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 19 184

Page 188: Aena, les terres de Missionnaire

« Bonjour à tous, le Directeur et moi avons quelque chose à vousannoncer, c'est extrêmement important »- Mais où est le Directeur ? demanda un élève.- Il a dû partir précipitamment aux frontières de la vallée pourles surveiller, écoutez la suite, vous comprendrez.La voix d'Aaron était tellement naturelle, personne n'aurait pu croire quec'était un mensonge. Aaron était un manipulateur en puissance, mais pasun très bon orateur, d'ailleurs, il ne le serait probablement jamais.« Euh voilà, Missionnaire est en grand danger, les Barbares vont déferlersur la vallée dans deux semaines. Il faut vous préparer au combat ! »La déclaration du professeur, aussi simple soit elle, fit l'effet d'une bombe.Une clameur s'éleva des rangs qui furent secoués de tremblements et mêmeune fillette s'évanouit. Mais bientôt, le calme revint dans la salle.« Donc je disais que le combat était imminent et que, comme nous n'avonspresque pas de chances de remporter ce combat, tous les élèves de quinzeans ou plus et n'ayant pas encore leurs diplômes sont autorisés à combattre,les autres devront organiser une défense du château et surveiller les pluspetits. Nous avons donc deux semaines de dur labeur.Ah oui, autre chose, pour ceux qui combattent : vous serez deux par deuxsur le champs de bataille, un qui protége avec un champ de force, l'autrequi combat. Obligation de faire un champ de force de niveau quatre ! »- Quoi ?! hurlèrent les gens, ... niveau trois !Aaron, soupira :« Imaginez les Barbares grouillant de partout, et vous, avec un joli boucliermagique. Les ennemis buteront dessus tandis que vous, vous pourrezlancer votre arme qui passera le champ de force et les tranchera comme ille faut. Autres questions ? »- Et que ferons-nous quand nous n'aurons plus de Mana ? criaun diplômé au fond de la salle.Aaron fut un tantinet déstabilisé.« Petit malin va, tu as trouvé notre faille ... Et bien disons juste que ; plusvous en aurez tué durant ce laps de temps, moins il y en aura à combattre àmains nues. Je peux vous confirmer qu'un Barbare, c'est vachementrésistant alors il faut deux diplômés pour en venir à bout. Moins il enrestera pour les combats, plus on aura de chances de gagner. »

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 19 185

Page 189: Aena, les terres de Missionnaire

Le silence retomba lourdement, pesant. Personne ne pipait mots maisdans leurs têtes, les pensées faisaient rage. L'école allait être détruite parune horde de Barbares sanguinaires. Presque tous ici considéraientMissionnaire comme une seconde famille. Tous souffraient à l'idée de laperdre. Aaron, les voyant si dépités, essaya de les rassurer :« Ne faites pas cette tête voyons, nous ne sommes pas encore morts ! Auboulot, il faut préparer les défenses. Mettez des barbelés devant le châteauet sur les murs ainsi que le chemin de ronde. Instaurez aussi des tours degardes aux frontières, surtout du côté de l'océan, les Barbares ont de jolisbateaux et ils seront sûrement heureux de s'en servir. Il faut aussi prévenirles villes agricoles de la vallée, proposez-leur de se joindre à la bataille etde défendre le château, cherchez aussi des guérisseurs en prévision ! Ah,tellement de travail alors qu'est-ce que vous faites encore ici ? » Ce fut sur ces derniers mots qu'Aaron quitta le réfectoire, énumérantencore de nombreuses autres tâches. Les élèves l'imitèrent bientôt et lasalle se vida petit à petit. Aena allait faire de même, Aaron avait raison, aulieu de s'apitoyer sur leurs sorts, ils feraient mieux de mettre toutes leschances de gagner de leur côté ! La jeune femme sortit mollement de la salle quand Kasuni se jeta surelle avec une énergie étonnante.- Aena, je vais me marier !Les mots mirent un temps fou avant de produire leur effet :- Quoi ? Toi ? Mais avec qui ?La rouquine prit un air niais avant d'ajouter :- Tu ne devines pas ?- Angello ? lança Aena au pif.Qui d'autre aurais-ce pu être ? Kasuni et lui sortaient ensemble depuis lafête des diplômes. Il l'aurait demandée en mariage un jour plus tard ?Etonnant ! Kasuni était certes impulsive mais pas à ce point !- Oh, je suis si heureuse.- Déjà ? Mais vous n'êtes ensemble que depuis hier soir ! faillits'étrangler Aena.La rouquine, toute excitée, sautait dans tout les sens.- Comment te dire ! Je suis avec lui depuis bien pluslongtemps mais j'ai toujours refusé de me montrer avec lui avant mon

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 19 186

Page 190: Aena, les terres de Missionnaire

diplôme. Et puis Aldarane a toujours été au courant, tu sais avec son Don,je n'ai pas réussi à lui cacher.Aena enregistra tout ce qu'elle entendait. Ainsi, elle leur avait caché sarelation ? Maintenant qu'elle y repensait, elle se souvint qu'ils dansaientensemble à la soirée de Lowen et que certains soirs, Kasuni s'éclipsait desa chambre pour en regagner une autre. Et si c'était déjà Angello àl'époque ? Non, impossible, ça ferait quand même déjà six ans !- Ca fait combien de temps que tu es avec lui ? demanda lajeune femme.Kasuni fit une moue tirée et regarda le ciel, songeuse. Au bout d'un petitmoment, elle lui dit sur un ton monotone :- Six ans je crois ... Quelque chose comme ça. En tout cas j'aibien cachée ma relation, vous ne vous êtes doutés de rien.Aena sourit, six années, comme elle et Arcanna. Quel hasard, elle avaitl'impression que tout se rapportait à lui aujourd'hui.- Moi aussi j'étais avec un homme durant ces six ans, il m'aplaquée par obligation hier. Si seulement ... je l'aime encore.Kasuni se retourna violement :- Quoi ? Mais comment il a osé ? Si je savais qui c'était, je tejure qu'il m'entendrait ! s'indigna la rouquine.- Si tu savais Kasuni, si tu savais ...

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 19 187

Page 191: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 20

Chapitre 20

Aena détacha les sangles qui retenaient l'armure de son cheval à son dos.Elle la rattrapa, l'huila avec soin et la rangea sur une armoire. Elle cherchaensuite une brosse et une carcasse sanguinolente qu'elle lança dans le boxde Ténèbre. Il la dévora tandis que sa maîtresse entretenait son pelage noiret luisant. Quand elle eu fini, elle contempla son oeuvre, satisfaite. Un chevaln'était pas une responsabilité à prendre à la légère et, depuis qu'Aaron le luiavait donné, elle s'en était toujours occupée. Elle inspecta la stalle de soncheval, et, après avoir vérifié que tout était en ordre, partit en laissant leverrou ouvert. Ténèbre tenait à sa liberté, la nuit, il partait chasser commele bon étalon vampirique qu'il était. Parfois, il revenait avec quelquestrophées le matin comme des vêtements, une tête ou un pied ... une fois ilavait donné à Aena -sans doute pour montrer son affection- un casque àpointe. Où il l'avait cherché ? Mystère ! Son propriétaire devait sûrementse promener seul et avait croisé la route de l'étalon qui avait dû le mettre enpièces. Aena sourit et s'assit sur un banc dans le couloir, elle regardait lesécuyers travailler tandis qu'elle rêvait. Elle était un peu déçue et pourcause, elle s'entraînait depuis deux jours à monter à cheval en armure, maisAaron venait de lui annoncer qu'il n'y aurait pas de cavalerie. Les chevauxauraient été laborieux à gérer pour les mages avec les boucliers et lesBarbares étaient suffisamment forts. Pas besoin de se rajouter unedifficulté supplémentaire ! Au meilleur, ils se seraient rués sur la montureen l'amputant ce qui aurait fait chuter le cavalier. Après, il ne restait plusqu'à l'égorger, à moins que son destrier, dans la panique, ne le tuelui-même. Finalement, il était impossible et inconcevable qu'Aena puissecombattre avec Ténèbre dans une semaine et demie. La jeune femme sentit une vibration émaner de son médaillon. Une

Chapitre 20 188

Page 192: Aena, les terres de Missionnaire

heure de l'après-midi ? Déjà ? Elle grogna et se dépêcha de regagner lechâteau. On l'attendait pour la visite médicale obligatoire des diplômés.Sans compter qu'elle devrait ensuite s'habiller en robe et aller célébrer lemoment le plus important de sa meilleure amie ; son mariage avecAngello. Elle imaginait déjà la rouquine, sautant à tue-tête dans sachambre en compagnie de Michelle qui se désespérait de réussir à l'habillercorrectement. Sans parler d'Angello, nerveux comme un pou qui titilleraitle lustre de sa chambre pendant qu'Aldarane réglerait les derniers détails desa tenue. Aena sourit en silence et vit se dresser devant elle la façade du château,on pouvait la repérer de loin désormais. Du barbelé était disposé un peupartout, sur le mur, à sa base et par terre. Un vrai fouillis apparemment pastrès organisé qui faisait que la jeune femme eut du mal à trouver lepont-levis. Elle s'arrêta devant la grille, fermée et leva la tête. Michelleétait sur le chemin de ronde, son arc était bandé. Tiens, elle n'était pas avecKasuni ? Les tours de garde étaient obligatoires ; Katlyn devait sûrements'occuper de la jeune mariée.- Michelle, comment ça va ? Tu es seule ?L'elfe des mers sourit et déclara en faisant de grands gestes :- Oh tu sais, ce n'est qu'une illusion, si tu pouvais voir tout lesarbalestiers camouflés dans les meurtrières, tu ne dirais pas ça. On doit êtreune petite centaine à suivre notre conversation.- Au moins, c'est rassurant, le château est bien défendu. Bon,quand m'ouvres-tu cette grille ? Kasuni m'attend.Michelle hocha la tête et se tourna vers sa droite. Elle donna un ordresilencieux et la porte se leva doucement. Aena s'engouffra dans la cour duchâteau, également investie par les diplômés. Depuis la nouvelle de l'invasion des Barbares, on ne sortait que très peuet solidement armé. Même au sein de l'école, les élèves portaient toujoursune arme à la ceinture. Aena et bien d'autres, amateurs d'armures lourdes,les portaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour s'y habituer. Lajeune femme avait eu beaucoup de mal à s'y remettre et à se mouvoir, maismaintenant, elle arrivait de nouveau à courir et ses muscles ne la faisaientpresque plus souffrir. Elle atteignit le rez-de-chaussée et se dirigea versl'escalier. Elle devait aller à l'infirmerie.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 20 189

Page 193: Aena, les terres de Missionnaire

Pas un rire, pas un bruit. Les couloirs étaient mornes et il régnait unecertaine tension dans l'air. Quand on la croisait, la plupart se taisaient,mais, parfois, certains murmuraient au creux de l'oreille de leur voisin.Aena n'était pas bête, elle avait dans son sang au moins la moitié d'héritageNordique. Qui ici ne la prendrait pas pour une ennemie ? Les espionsétaient tellement redoutés ; et si l'un d'entre eux parvenait à passer laporte ? Heureusement, on la voyait souvent et les craintes se dissipaient.Depuis six ans qu'elle était dans ce château, une diplômée en plus ... Maiselle comprenait leurs peurs et leurs craintes, elle avait les mêmes !C'étaient les effets néfastes du stress et de la tension, rien d'autre. Elle toqua à la porte. Une fois, deux fois, trois fois. La porte s'ouvrit.Elle entra dans la pièce en silence. L'infirmerie était une salle aux murscouleur crème, baignés de lumière. Un bureau, quelques chaises faisaientoffice de meubles. On distinguait une porte au fond, c'était la pièce où lesmalades dormaient. Une femme regardait par la fenêtre, et, quand elleentendit Aena, elle se retourna.- Enfin ! Je ne vous attendais plus Mademoiselle Adanis.Aena leva les yeux au ciel, elle n'avait pas que ça à faire non plus, et si çan'avait été qu'elle, elle n'y serait même pas venue ! Ce bougre de Teyl'avait fait jurer de s'y rendre, la trouvant trop pâle et chétive. Aena allaitmieux depuis ‘le jour' : là où tout avait basculé. Elle vivait avec ce poids etapprenait à ne plus trop souffrir ; plutôt à contenir sa douleur, à l'atténuer.L'alcool faisait partie d'un de ses remèdes miracles. Elle enleva son armure à la demande de la femme et la laissa toucherson corps. Elle détestait tout ceux qui se prétendaient guérisseurs ou qui sepermettaient de la toucher, elle n'aimait pas ça, tout simplement. Après l'avoir tâté longuement, la femme se réinstalla à son bureau etdéclara à voix haute :« Cernes ; pas très étonnant vu la crise actuelle ! Bon, les yeux ont l'airtrès secs, j'ai des gouttes par là pour les réhydrater ... »- Pour les yeux c'est normal, j'ai beaucoup pleuré il n'y a paslongtemps, répondit seulement Aena.L'infirmière acquiesça et continua sa déclaration tout en griffonnant :« Côtes saillantes et ventre légèrement gonflé ; problèmes digestifs ?Parasites ? ... »

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 20 190

Page 194: Aena, les terres de Missionnaire

- Perte d'appétit.« Euh, bon ... Hématomes, cicatrices ; anodins. Blessures mais toutesguéries » continua la femme.- Je m'entraîne toute la journée pour être prête, se justifiaAena.La plume d'oie dérapa brusquement, l'infirmière jeta sa feuille et en pritune autre, elle recommença son énumération :« Pâleur inquiétante du sujet »- Ma nouvelle chambre m'est plus agréable que mescongénères ces temps-ci, seule moi sait pourquoi.« Tendance à la dépression. »- Vous ne savez pas ce que je vis, répondit hargneusementAena.« Et pour finir, Agressivité »Elle écrit une dernière fois et regarda son travail, satisfaite.- C'est bon, rien de grave pour l'heure actuelle. Tout semblebien se passer mais si vous avez les symptômes classiques qui apparaissentplus vite que ce qui est prévu ... Venez, j'ai des potions qui font desmiracles. Il ne faut pas être timide vous savez, beaucoup de diplômées icion eu recours à moi pour leur grossesse.- QUOI ? Aena avala de travers. Elle devait sûrement devenir folle.- Grossesse ? Nan, vous faites une erreur !L'infirmière la toisa en soupirant :- Plus de dix années d'expérience ; une fiabilité record. Et je lesens grâce à ma magie mademoiselle.- Et votre magie peut vous tromper ! C'est n'importe quoi, jene peux pas être enceinte voyons ! Je n'ai pas de nausées, hurla Aena quisentait sa patience défaillir.

- « ventre gonflé, cernes, manque d'appétit, d'envie et desociabilité, dépression, agressivité » Le tableau est complet, peu demagiciennes ont des nausées, notre magie nous le rend bien. Vous piochezdans vos réserves de mana et d'énergie pour supporter cette grossesse. Case comprend vu les circonstances ; la guerre qui se prépare et le reste ...

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 20 191

Page 195: Aena, les terres de Missionnaire

Reposez vous, voilà que vous irez bien mieux ! Bon, ce n'est pas que vousgênez mais j'ai des gens qui attendent.Aena croyait rêver ; ou plutôt cauchemarder ! Elle avait abusé del'hydromel, rien de plus. Ce n'était qu'une vision et elle se réveilleraitbientôt, dans son lit ! Elle n'y croyait pas, mais elle devait avoir certitude sibébé il y avait ; une question en particulier la chiffonnait.- Mais, à votre avis, si je suis enceinte, enfin, depuis combiende temps ...L'infirmière haussa un sourcil et retroussa le nez :- Franchement ? Difficile à dire ! Pas longtemps en tout cas.C'est juste grâce à ma magie que je le sais.Aena se mordit la lèvre inférieur ; sa vraie question était en fait : Qui étaitle père ? Tey ou Arcanna ? Il faudrait prévoir des ennuis à l'horizon,surtout qu'elle avait eue des relations avec les deux la même nuit.- Mais est-ce que ça peut dater d'à peine trois jours ?La femme se pencha sur le ventre et le retâta avant d'ajouter d'une voixfroide et inexpressive :- Je vous signale que ça change rien trois jours ou unesemaine. On peut rien voir encore, c'est juste mon instinct ! C'est monmétier quand même, je sais ressentir ce genre de chose. Si vous avez fini,j'ai des autres rendez-vous qui m'attendent. Aena grimaça et se rhabilla. Elle partit en claquant la porte. Ce n'étaitpas chez cette incompétente qu'elle aurait ses réponses. Ses yeux lapiquaient affreusement, toute cette histoire l'angoissait. Tey ? Arcanna ?Bon, il y avait globalement plus de chances pour qu'Arcanna soit le père.Elle ne comprenait tout de même pas comment cet enfant était arrivé là !Elle contrôlait parfaitement son cycle et n'aurait pas dû être fertile avantdeux semaines. Pourquoi son corps en avait ainsi décidé autrement ? Son médaillon vibra doucement. Le temps pressait, elle devaitabsolument se changer et se rendre à la fête. Si elle arrivait en retard,Kasuni lui en voudrait. Aena se ferait remonter les bretelles mais ellen'avait pas envie. Elle voulait juste s'arracher les ongles et hurler. Arcannaou Tey ? Pourquoi le fallait-il maintenant ? Pourquoi ? Elle caressadoucement son ventre. Sans compter la guerre, allait-elle survivre, oupérir ? Et Arcanna, où était-il en ce moment ? Avait-il abandonné

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 20 192

Page 196: Aena, les terres de Missionnaire

Missionnaire ? Le désespoir la rongeait. A quoi bon vivre quand on était condamné ?Mieux valait pour cet enfant de ne pas connaître ce monde et son père. Il yavait une solution très simple pour éviter les problèmes à Tey ou Arcanna... très simple même. Trop. Aena choisit une robe légère et simple. Elle ne prit pas le temps des'arranger et partit d'un pas rapide en direction d'un village jouxtantMissionnaire. La fête aurait lieu dans un champ en jachère, tout prêt. Ellese dirigea vers ce fameux champ mais quand la rumeur des gens lui parvintaux oreilles, son coeur se serra. Les relents de nourriture lui tournèrent latête. Prise d'une subite envie de vomir, elle respira profondément. Non, elledevait aller à cette maudite fête, moral en dent de scie ou pas. Kasuni était tellement euphorique qu'elle ne vit même pas sa meilleureamie arriver et se mettre en retrait. Elle portait une magnifique robe armurede couleur blanche, extrêmement décolleté et fendue aux niveaux descuisses. Ses cheveux flamboyant avaient été soigneusement coiffés pour lacérémonie et étaient ornés d'un lys blanc. Elle tenait dans ses mains uneépée finement ciselée. La foule applaudit soudainement et se mit à hurler frénétiquement.Aena sans même comprendre, rejoignit le mouvement, les lèvres pincées.Elle était brûlante de fièvre. Elle ne se sentait pas bien et son espritvagabondait à mille lieux de cet endroit. Angello rejoignit sa belle, leregard triomphant. Il arborait une côte de maille surmontée de l'emblèmede Missionnaire : Le M et le A. Un troisième personnage arriva. C'était un homme de petite taille,dégarni et rond. Il était habillé d'une longue robe grise et de sandalettes encuir. Il fut également salué et annonça d'une voix fluette :« Si nous sommes venus ici en se jour, c'est pour honorer le mariage deFranck Kasuni et Aengell Angello. Que les trois lunes de Moona veillentsur eux et que la fidélité marche dans leurs pas ... Que le bonheur inondeleur vie et que ... » Tout le monde était captivé, certains avaient même les larmes aux yeux.Les deux mariés, eux, se regardaient passionnément. Le prêtre reprit sonsouffle, se frotta les yeux et continua de sa voix chancelante :« Que ce couple soit uni, pour le meilleur et pour le p... »

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 20 193

Page 197: Aena, les terres de Missionnaire

- Bon, j'abrége moi ! dit Angello avant de se jeter sur safemme qu'il embrassa goulûment.Kasuni se laissa faire et tomba dans les bras de son mari qui la souleva etl a p o r t a , i l l a f i t t o u r n o y e r l o n g u e m e n t s o u s d e s t o n n e r r e sd'applaudissements et sous le regard meurtrier du prêtre qui finit sondiscours en ajoutant :« Et donc, je déclare ce couple uni par les liens sacrés du mariage » On entendit le bruit caractéristique d'un bouchon de vin elfique qui sauteet la foule commença à remuer. Aena fut bien vite bousculée par unetroupe de jeune guerriers au gosier sec et la jeune diplômée dut se retenirpour ne pas leur montrer le respect qu'ils lui devait ! Elle serra les poings etse mit encore un peu plus à l'écart. Elle était seule, debout comme unpiquet au milieu des herbes des champs. Les gens ne la voyaient mêmepas, trop occupés à féliciter les nouveaux mariés. Aena pouvait voir Tey etAaron discuter un peu plus loin. Kasuni était toujours collée aux lèvresd'Angello et Michelle entrain de voler quelques petits fours. Aena ne supportait plus ces rires enthousiastes, elle souffrait trop. Ellevérifia d'abord qu'elle possédait un poignard sous sa robe et partit d'un pasrésigné vers le nord. Personne ne la pleurerait, personne ne saurait et elleemporterait le dernier de ses secrets avec elle. Une larme perla, mais ellel'essuya vite fait, se concentrant sur le nord. Elle dut au moins faire un ou deux kilomètres avant d'arriver au sommetd'une petite bute. La vue était magnifique, montrant des champs de blésdésertés, parfois moissonnés par endroits seulement. Au loin, lesmontagnes se dressaient. Ce serait par de là que viendraient les Barbares.Plus qu'une semaine et demie, mais Aena ne serait plus là pour le voirelle-même, il ne lui restait plus longtemps à vivre. Elle passa sa main soussa jupe et sortit un poignard, caché. Elle le regarda tristement avant de lemettre contre sa poitrine, juste sous la jugulaire. La jeune diplômée ne sevoyait plus vivre après ce qu'elle avait appris, et Arcanna qui ne revenaittoujours pas ! Les miettes de con coeur s'envolaient déjà au vent lorsqu'ellese décida que le plus tôt serait le mieux. Elle appuya la lame coupante etl'enfonça progressivement. Au début, elle ne sentit qu'une petite piqûre, puis, le trou s'élargit avantde commencer à saigner abondamment. Elle continuait toujours plus

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 20 194

Page 198: Aena, les terres de Missionnaire

profondément, se vidant de toutes substances. Elle se mit alors à manquer de force quand la lame fut au tiers de samortelle besogne. Elle voyait des flammes danser devant ses yeux etsentait ses bras trembler. Elle ne pouvait pas abandonner aussi vite ! Pasmaintenant ! Il lui suffit de poser une main sur le bas de son ventre etd'imaginer le visage d'Arcanna, torturé par Sîhl pour qu'elle acceptât enfind'en finir pour de bon. Elle s'apprêtait à enfoncer d'un geste brusque le reste de la lame quandelle se sentit tomber en arrière. Elle lâcha le manche par surprise et selaissa faire, incapable d'avoir la force de se remettre sur ses jambes. Le corps de la jeune femme se rigidifia et elle ferma les yeux. Des voixlointaines et familières lui parvenaient, ce qui l'apaisa. Les sons émisétaient rassurant, comme si elle les connaissait, mais le sens des phrases luiétait inconnu :- Aaron ! Tu dois pouvoir la sauver !- Sans doute, mais je ne vois pas à quoi sa va servir, vu sonétat, elle va sûrement recommencer dans pas longtemps ...- Mais Aaron ! Ne la laisse pas se vider de son sang !- Tey, c'est toi l'expert, démerde toi seul, moi je finis monhydromel.Un contact chaud pressa contre la gorge ouverte d'Aena qui perçut d'abordde petits fourmillements avant de reprendre peu à peu ses esprits. Elleouvrit de justesse les yeux mais ne reconnut personne. Elle avait devantelle un vieux grisonnant et un jeune châtain.- Aena ! Ah, tu te réveilles enfin ! J'ai eu peur pour toi. Maispourquoi as-tu fait cela ?- Qui êtes-vous ? bafouilla péniblement la jeune femme.- Aena ? Tu ne me reconnais pas ?Aaron bougonnait dans son coin :- C'est normal, il faut attendre que le sang circule de nouveaujusqu'au cerveau.Tey poussa un soupir, indigné et revint au chevet de sa meilleure amie. Lepoignard avait déjà été extrait et reposait au fond du talus, bien loin de lajeune femme.- Aena, pourquoi as-tu fais ça ? Encore à cause de lui, c'est

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 20 195

Page 199: Aena, les terres de Missionnaire

ça ?Aaron se retourna brusquement, se retrouvant nez à nez avec le jeunehomme. Il plongea ses yeux argentés dans ceux de son fils :- Quoi, t'es au courant aussi ?- Oui, Aena m'a tout raconté !« Abruti » lâcha Aaron entre ses dents.- Je peux ? demanda la jeune femme affaiblie qui tentaitvainement de se relever. Elle prit le manque de réponse pour un ‘oui' et se mit sur son séant. Elleparla d'une voix tremblante, s'arrêtant parfois pour respirer bruyamment oupleurer :« Arcanna est un démon, il va mourir et maintenant, il est parti en croyantque j'aimais Tey ! Mais je l'aime à la folie et je ne peux me résigner à leperdre ... Le pire n'est pas là, l'infirmière vient de m'avouer que je suisenceinte. Le seul problème : le père peut être le Directeur comme Tey. Jeveux mourir, tout le monde va mourir, l'école va être rasée. Je ne veux pasvoir mon enfant grandir sans son père et je ne supporterait pas de l'éleverseule. Et je n'imagine même pas si Missionnaire est rayé de la carte ! » Aaron tremblait légèrement alors que les yeux de Tey se remplirentprogressivement de larmes. Aena enceinte de lui ? Son rêve en somme ! Ils'imaginait déjà avec un magnifique chérubin dans les bras, mais sonvisage se ternit quand il entendit parler d'Arcanna ! Encore lui ! Mais cetteenflure était partout ou quoi ? Et que voulait dire Aena quand elle disaitqu'il allait mourir ? Au moins une bonne nouvelle dans la journée. Et ellequi venait de comprendre qu'il était un démon, Tey le savait depuis ledébut qu'il n'était qu'un monstre adepte de jouissance ! Il serait heureux depiétiner sa tombe ! Aena serait enfin à lui ! Elle disait le contraire mais illui suffirait juste d'être patient, rien de plus. Elle l'oublierait bien un jour celamentable déchet humain. Elle valait bien mieux. Le vieux professeur criade vive voix :- Quoi ? Enceinte d'Arcanna ! Alors là vous allez trop loin !Déjà que j'étais contre cette union et maintenant un gosse. Mais dansqu'elle merde tu t'es fourrée Aena ? Aaron faisait les cents pas, songeur tandis que Tey consolait son amiequi hoquetait telle une poule. Elle n'arrivait même plus à pleurer et ses

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 20 196

Page 200: Aena, les terres de Missionnaire

joues étaient écarlates. Soudain, Aaron s'exclama :- Bon, il ne reste plus qu'une seule option. Tey, viens ici, jedois te mettre dans la confidence. On va trouver un arrangement commun !

***

Aaron revint vers la jeune fille, l'air satisfait ; Tey avait accepté sonplan. De toute manière, c'était désormais la seule issue possible !- Vu l'état où elle est, on ne peut pas lui laisser autantd'informations sur le dos en sachant qu'elle va forcément réessayer satentative et ébruiter l'affaire. Personne d'autre ne doit être au courant !Tey vint tenir la main de son amie, elle s'était assoupie. Son visage étaitlas, il savait tout maintenant. Il était honteux et comprenait un peu mieuxArcanna ; un peu seulement. Il n'avait pas bien compris pourquoi Aena lesurnomait en disant «démon », il l'avait pris au sens métaphorique ... S'ilavait su plus tôt.- Mais ce n'est pas dangereux de supprimer ses souvenirs et deremplacer Arcanna par moi ? Je ne veux pas la voir indéfiniment vivredans une vie qu'elle n'aura pas vraiment vécue.- Ne t'en fait pas Tey, je vais faire qu'elle les retrouve petit àpetit ... pour ne pas sombrer dans la folie. Et fait comme si ! N'oublie pas,elle va croire que vous êtes ensemble depuis six années et qu'elle attend unenfant de toi. Ensuite, elle va se souvenir qu'Arcanna son meilleur ami estgravement malade et est parti se soigner. Je n'ai rien changé concernant lasituation de l'école.Tey acquiesça, il devrait jouer le jeu, peut-être même longtemps. Mais aufond, c'était toujours ce qu'il avait rêvé.- Et pour les autres ? demanda-t-il, angoissé.- Ne t'inquiète pas, je m'arrangerais pour censurer leurs esprits.Ils ne pourront pas y penser, et donc, comprendre quelque chose. Pour eux,se sera comme ça et pas autrement, il seront incapable de faire unquelconque rapprochement. Maintenant, je vais accomplir mon travail, etsurtout, laisse la se réveiller en douceur !Le vieux partit, laissant Aena aux soins de Tey.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 20 197

Page 201: Aena, les terres de Missionnaire

Après plus d'une heure d'attente, la jeune femme se réveilla, dans lesvapes. Elle se jeta immédiatement au cou de son amant :- Tey ! Mais que fais-je ici ? Que s'est-il passé ?- Rien mon amour, tu as eu un malaise. La réconforta le jeunehomme.- Et le bébé ? questionna Aena avec tristesse.- Tout va bien ne t'en fais pas ! Ça va aller, on va devoirretrouver Kasuni pour son mariage, suis-moi.Et ils partirent main dans la main ...

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 20 198

Page 202: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 21

Chapitre 21

Aena et Tey étaient ensemble quand le médaillon du jeune hommevibra. Il prit alors les mains de la jeune femme et lui déclara tendrement :- Excuse-moi mon ange, je dois te laisser, Aaron me convoquedans son bureau. Apparemment, c'est urgent.- Encore cette histoire de boucliers de protection ? demanda lajeune femme.- Sûrement. Je dois y aller, Aaron va être furieux sinon. J'ai vuKasuni et Katlyn dans la bibliothèque avant, tu ferais bien des les yrejoindre.Aussitôt dit, le jeune homme s'approcha d'Aena et posa ses lèvres sur sonfront. Il partit alors, la laissant au milieu du couloir. La jeune diplômée sesentit soudainement très seule. Elle n'allait pas bien depuis le mariage deKasuni. Une étrange sensation ne la quittait jamais, c'était comme unesorte de vie en elle. Dès qu'elle croyait savoir de quoi il s'agissait, elleoubliait. En plus, Arcanna lui manquait terriblement. Elle avait peur pourlui, depuis qu'elle était à Missionnaire, elle ne l'avait encore jamais vumalade. Son école était la proie des Barbares et il n'était même pas là !Aena le connaissait bien, il aurait préféré mourir plutôt que de ne paspouvoir défendre ses terres. Lui était-il arrivé malheur ? Tey avait raison, Kasuni et Katlyn se trouvaient bel et bien à labibliothèque. Il avait juste omis de dire qu'Olaf s'y trouvait également. Lemessager fantôme se faisait harceler par une rouquine hystérique etsurvoltée. Katlyn, elle, lisait un livre volumineux nommé « les poisons lesplus mortels au monde», le cuir qui l'ornait était craquelé et recouvert depoussière. Un grimoir de nécromancien sans doute. Aena n'y fit pasattention et s'assit dans un gros fauteuil molletonné, regardant avec déliceles supplications de Kasuni.- S'il te plait Olaf, va lui dire que je l'aime !

Chapitre 21 199

Page 203: Aena, les terres de Missionnaire

- Mais je suis déjà aller lui dire tout ça il y a un quart d'heurema crevette ! se plaignit le fantôme.Kasuni essaya même sa technique secrète des gros yeux mais rien n'y fit,elle leva alors le ton :- D'habitude, tu es toujours dans mes pattes en pleurnichant ;tu t'ennuies et n'as rien à faire. Et pour une fois que j'ai une mission pourtoi.- Les missions que je fais, c'est relier Missionnaire à lacapitale, c'est très dangereux et excitant ... toi, tu me demande d'aller dire« je t'aime, tu me manques mon bichon » à Angello. Tu pourrais y allertoi-même.Il n'y avait rien à faire, Olaf était un fantôme aussi têtu qu'une mule. Il nechangerait pas d'avis. La jeune femme changea alors de stratégie, elle seretourna vers Katlyn.- Katlyn ?Personne ne lui répondit. Elle du alors utiliser sa dernière botte secrète :- Aena ?- C'est bon, j'y vais. Soupira-t-elle.- Oh tu es un ange ! dit Kasuni avant d'enlacer amicalementson amie. Aena allait sortir quand elle s'arrêta. Elle devait dire quelque chose àAngello, mais elle ne savait même pas où il était et le message à délivrer.- Kasuni, que dois-je dire en fait ? Et où traîne-t-il ?- Oh euh, dit lui que je pense sans arrêt à lui, que je l'aime,qu'il me manque et ... c'est tout ! A oui, il est devant le château, sur le futurchamp de bataille. Il se prépare.Aena acquiesça et sortit, mais elle s'immobilisa ; une autre questions'imposait :- Mais pourquoi tu n'utilises pas ton médaillon pour pouvoirlui parler ?Kasuni ria un bon coup avant de crier de l'autre bout de la bibliothèque :- Il l'a oublié ce matin dans notre chambre !Aena ne pu s'empêcher de sourire et partit, cette fois-ci pour de bon. Elle trouva facilement Angello. Le colosse traînait seul, au milieu duchamp de bataille. La terre était boueuse et il faisait assez froid. Ce serait

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 21 200

Page 204: Aena, les terres de Missionnaire

ici que le combat contre les Barbares aurait lieu. Au loin, on voyait lesmontagnes escarpées ... et le col par où passerait bientôt l'armée ennemie.Derrière ce rempart naturel se trouvaient les terres du Nord. On distinguaitaussi plusieurs formes sombre et droite ; des tours de garde. Maintenant, lavallée de Missionnaire en était truffée. Les diplômés étaient chargés de lesgarder, et de prévenir Aaron au moindre ennemi en vue. Aena, elle, sesouvenait d'avoir passé tout le mois derniers dans une tour comme celle là,mais plus au Sud. Ce travail était pénible et ennuyant. Angello était maintenant assis par terre. Aena pouvait sentir un fluxmagique flotter dans l'air. A tous les coups, il était entrain d'utiliser samagie. Elle ne comprit que quand elle se mit à sa hauteur. De petits tunnelsapparaissaient sous la terre. Presque imperceptibles. Au bout d'un moment,l'homme se releva. A l'extrémité de ses doigts, des fils de fer. Etait-ce doncune nouvelle arme ? La jeune diplômée ne savait pas.- Que viens-tu faire ici ? Encore Kasuni je suppose ...Aena et Angello se prirent à sourire en même temps. Tellement prévisible.- Elle m'a dit de te dire qu'elle t'aimait et que tu lui manquais... autre chose aussi mais je ne m'en souviens plus ... un truc dans le genre.Le géant soupira et se prit à regarder l'horizon, pensif.- Si tu la revois, tu pourras lui dire la même chose.Il rétracta d'une simple pensée le fer au bout de ses doigts et admira sontravail, claquant de temps en temps des doigts pour apparemment faireopérer des changements sous la surface de la terre. Aena ne comprenaitpas. Et elle n'aimait pas ça du tout !- Mais que fais-tu au juste ?Angello lui adressa une oeillade coquine :- Tu verras le moment venu ! En tout cas, ça va êtreimpressionnant !L'homme prit ensuite une grosse pierre et la positionna devant lui. Il claquades doigts et frotta la craie qu'il venait d'invoquer contre le caillou.- Et ça va te servir à quoi ? questionna avidement la jeunefemme.- Tu verras, tu verras. C'est une marque, pour moi.Aena soupira et abandonna. D'étranges bruits se firent entendre. Comme une armée. Les cliquetis

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 21 201

Page 205: Aena, les terres de Missionnaire

métalliques des armures étaient accompagnés de voix. Aena et Angelloregardèrent instinctivement vers les montagnes. Personne. Ils seretournèrent alors, ils ne s'attendaient pas à voir cela ! La moitié de l'armée de Missionnaire se trouvait devant le château. Ilrégnait une certaine pagaille ; tout le monde piaillait tandis qu'Aaronessayait de maîtriser la masse grouillante. Aena nota que les trois quartsétaient des peuples aquatiques. On le devinait facilement en raison de lamajorité des cuirasses bleu ou turquoise. Aaron criait et s'agitait de plus enplus. Angello se mit alors à courir vers cette étrange manifestation, Aena lesuivit. Quand ils arrivèrent près du maître, celui-ci s'exclama :- Enfin Angello ! Mais ça fait dix minutes que je t'appelle surton médaillon !Le colosse baissa la tête et maugréa :- Je l'ai oublié.- Bon, l'essentiel c'est que tu sois là et ...- Et pourquoi je n'ai pas été appelé moi ? demanda Aena. Oùest Tey ?Aaron lui lança un regard meurtrier :- Tey est dans les parages, et je n'accepte pas les femmesenceintes pour le combat moi.- Quoi ! Quel combat ? rugirent Angello et Aena réunis.Le vieux professeur leva les yeux au ciel.- On m'a averti avec mon médaillon que les Barbaresattaquaient à la mer ! D'ailleurs, l'éclaireur devrait bientôt ...- IL ARRIVE ! crièrent en choeur toute la mêlée. En effet, un homme chevauchant comme un fou arrivait. Il s'arrêta à leurniveau et ouvrit son casque, ruisselant de sueur. Sa monture était aussiessoufflée que lui. Il entama d'une voix chancelante et éreintée :- Les ... les ... Ils arrivent ! Leurs bateaux de guerres sont là,près de notre côte. Heureusement, nous avons pu les voir arriver. Il faut ...les attaquer tout de suite. Il faudrait ... des archers et ... des peuplesaquatiques pour les saborder.- J'ai déjà tout prévu mon petit, ainsi que tout les gens de cechâteau ayant un don pouvant s'utiliser à distance. Nous allons les écraser.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 21 202

Page 206: Aena, les terres de Missionnaire

Toi, reste avec tout le reste de l'armée au château. Envoyez encore plus degardiens vers les montagnes. J'ai peur que ce ne soit qu'une diversion. Ilsne nous surprendront pas !Aaron tapota l'épaule du pauvre homme qui haletait :- Tu as bien fait ton boulot, j'ai confiance en toi. Ne me déçoispas mon petit.Le diplômé se dépêcha d'utiliser son médaillon et rentra en courant dans lechâteau. Déjà, une vingtaine d'arbalestiers se précipitaient sur le chemin deronde. Une patrouille sortit par la porte arrière et s'élança en courrant versl'est.Aaron hurla alors :- Tous prêt ? ON Y VA ! Un écho guerrier lui répondit. Ils étaient prêts, avides de bataille et degloire. Tous les écus portant les signes de Missionnaire étaient levés,montrant une armée au top de sa forme. La course à la mer débuta. Lerythme était soutenu. Aena peinait même et se fit bientôt distancer. Ellelaissa Angello et Aaron mener seuls le début de l'armée. Elle se retrouva aumilieu de la cohorte. Soudain, une toison rousse jaillit de la mêlée. Kasuni était là, devantelle. Aena l'interpella.- Kasuni !- Aena !La jeune diplômée battit des paupières. Kasuni était une humaine, n'avaitpas de Don qui serait avantageux pour la bataille et ne maniait ni l'arc nil'arbalète. Mais que faisait-elle ici ?- Pourquoi es-tu là ? Tu as voulu suivre Michelle et Katlyn,c'est ça ?- Non, mais Angello doit être là dedans ! Je ne veux pas leperdre. Si il se bat alors moi aussi !La déterminée Kasuni sembla défaillir. Au fond, elle était rongée par lapeur. Aena la rassura :- Ne t'inquiète pas. Angello est tout devant, avec Aaron.- Merci merci merci !Et la jeune rousse se mit à courir telle une folle, poussant les guerriers àson passage. Comme quoi, l'amour pouvait bien donner des ailes.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 21 203

Page 207: Aena, les terres de Missionnaire

Aena se retrouva donc encore une fois seule. Mais où était passésMichelle, Katlyn et Tey ? Derrière sans doute. Elle ralentit alors sacadence, essayant de reconnaître quelqu'un de familier. Devant euxs'étendait enfin l'océan. Le ciel était bleu, sans nuage. Belle journée pourmourir. Au loin, de petits points foncés : les Barbares ! Le spectacle qui s'ensuivit fut impressionnant ; des bataillons entierss'enfoncèrent dans l'eau. Les archers, eux, montèrent dans les tours degardes et se dispersèrent le long de la côte. Ils enflammèrent leurs flèches.Ne restait, en retrait, que les magiciens qui pourraient utiliser leur magie àdistance. Il fallait qu'ils n'usent que leurs Don, et pour cause ; vu ladistance, ils perdraient déjà beaucoup de mana, et utiliser leur Don seraitbien plus économe. Aena grimaça, elle ne servirait pas à grand-chose. A moins qu'ellen'essaye de deviner où tirerait les bateaux ainsi que le nombre de personnesà bord. Elle pourrait également voir si les Barbares n'avaient pas prévu uneautre attaque surprise. Finalement, elle pouvait bien servir à quelque chose. Aaron hurla alors à tout le monde :- La règle est simple : couler les bateaux. Les barbares nesurvivront pas dans l'eau. Evitez leurs projectiles et soyez forts !Combattez !Aena vit alors Michelle et Zep main dans la main plonger. Le jeunehomme s'était métamorphosé, il ressemblait à un gros requin. Aena puencore voir son aileron à la surface de l'eau, brisant l'écume et fondre versun navire lointain. Elle baissa alors la tête et soupira. Faites qu'aucun demes amis ne meurent. Elle se rendit alors compte qu'ils étaient tous là ;Kasuni Angello, Michelle, Zep, Katlyn, Tey, Aldarane. Elle essaya de nepas trop y penser et dévala une butte de sable pour aller chez Aaron, ellevoulait l'aider.- Aaron, je peux t'aider.- A oui, et comment ?- Je peux deviner des choses, où ils tireront, etc...Le vieux paru songeur avant de déclarer :- J'aurais plutôt besoin d'une assistante qui connaît beaucoupde monde, cherche Kasuni ! Elle me sera d'un plus précieux secours. Aena ne répliqua pas et se mit au travail. Trouver Kasuni fut simple, sa

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 21 204

Page 208: Aena, les terres de Missionnaire

robe armure rouge ainsi que ses cheveux roux étaient facilementreconnaissable. Elle l'attrapa vers le poignet et l'entraîna vers le centre dela plage :- Viens ! Aaron a besoin de ton aide.La jeune rouquine se laissa faire, mais derrière eux, une voix hurla :- Attendez moi !Un elfe noir les rejoignit ; c'était le jeune Aldarane. Son front était trempéde sueur. Apparemment, il avait déjà bien commencé à utiliser son mana. Le petit groupe revint chez le professeur, il s'occupait de manoeuvrerl'attaque. Pour le moment, toutes les unités aquatiques s'étaient retiréesdans les profondeurs, attendant que les drakkars soient à portés de flèchespour commencer leur assaut. Ceux-ci, voyaient déjà l 'armée deMissionnaire sur les berges. Se doutaient-ils de ce qui allait de passer ? Entout cas, on pouvait déjà entendre leurs chants guerriers jusque sur laplage. La bataille n'allait plus tarder.- Aaron, voici Kasuni, dit Aena en tenant fermement son amiequi répliqua ;- Que dois-je faire ?Aldarane, lui, s'assit à même le sable et ferma les yeux, il se concentrait etréunissait toute sa magie en un bloc compact.- Kasuni, prend ton médaillon et préviens toutes les personnesconcernées au moindre de mes ordres, nous allons diriger les troupes àdistance, compris ?La rouquine acquiesça, les ordres ne pouvaient être plus simples.- Déjà, organise une petite infirmerie pour les blessés, quelquesoldats volontaires qui, comme toi, n'auraient rien à faire ici. Surtout toiavec ton Don élémentaire de feu ... en pleine mer. Il doit y en avoirquelques uns qui doivent avoir suivi leurs amis. Bon, après, il ne nous resteplus qu'à attendre qu'ils soient prêts de nous ; six minutes tout au plus.- No problem, chef !Elle se mit au garde à vous en riant puis finit par fermer les yeux en posantune main sur son médaillon, elle exécutait les ordres. Aena fut priée de rester aussi avec Aaron, sa mission était tout aussiclaire : deviner tout ce qui pourrait aider Missionnaire. Ce n'était pas trèsdur, il fallait juste qu'elle fasse abstraction du chaos environnant et qu'elle

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 21 205

Page 209: Aena, les terres de Missionnaire

se focalise sur son esprit. En soit, rien d'impossible.- Je crois que c'est le bon moment ... murmura le vieux,bombant le torse.- Dois-je les prévenir ?- Ben à ton avis bougre d'idiote ? C'est le but non ?Kasuni se redressa et tapa frénétiquement sur son médaillon, le faisantlégèrement crisser. Sous leurs yeux ébahis, la bataille commença. Des tourbillons d'écumesse formèrent à la surface de l'eau et des soldats en jaillirent, s'agglutinantau bois des navires. Ils essayaient de les couler. D'autres, grimpaient àbord, s'accrochant à l'ancre. Ils n'avaient plus qu'à combattre sur le pont.- Archers en position ! hurla Aaron.Les flèches se levèrent, les bras étaient tendus. Tout le monde retenait leursouffle, même les cris au loin semblaient s'être tus.- TIREZ !Les cordes sifflèrent. Un nuage enflammé déferla alors vers les drakkars.Les soldats alliés avaient été prévenus par l'habile Kasuni et avaient déjàformés leurs boucliers de protection. L'effet fut immédiat. De la fumée se forma au dessus de quelquesnavires. Certains eurent de la chance et réussirent à étouffer le feudébutant, les autres commencèrent à brûler.Kasuni s'exclama sur un ton mielleux :- Drakkar numéro deux touché, numéro quatre touché, numérosept touché...Aaron ne pu s'empêcher de sourire, il ajouta simplement :- J'étais très fort à la bataille navale étant petit, tu vas voir quej'ai pas encore perdu la main !Aussitôt dit, il cria :- Magicien, utilisez votre magie ! Archers, rechargez !Aena ne trouvait rien. Mais c'était trop calme, ils allaient sûrementrépliquer avec leurs balistes, si gigantesques ! La jeune femme essayaencore une fois de se concentrer sur son flux magique mais rien n'y fit ...son Don s'obstinait à marcher correctement. Elle se tourna alors vers Aldarane, en transe. Ses poings étaient fermés,arrachant le sable au sol. Il poussait de petits gémissements étranges et ses

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 21 206

Page 210: Aena, les terres de Missionnaire

yeux rouges sortaient de ses orbites. Tout cela était assez effrayant.- Que fais-tu ? demanda inquiète la jeune femme.- Je ... vais ... dans ... leurs ... esprits ... je ... les ... manipule,dit le drow en butant sur les moindres mots. Regarde ... admire ... le ...spectacle !Aldarane sourit et serra encore des dents. Son Don d'empathie était trèspuissant mais également difficile. Il pouvait faire surgir des sentimentschez ses victimes, les manipuler ou même entrer dans leurs rêves. Ilpouvait leur faire subir les pires tortures morales. Aena, interloquée, admirait l'océan et les galères. Elles tiraient àintervalles réguliers des projectiles, visant en priorité les bataillons dansl'eau ainsi que les tourelles de combat. La jeune femme pouvait distinguerdes corps flottant, sans doute morts ... quelle horreur ... Elle ne pus'empêcher d'avoir un soubresaut. C'était ça la guerre, des morts. Elledevait s'y habituer, il y en aurait tellement d'autres ... Le spectacle qui s'offrit à ses yeux fut alors surprenant. Elle voyait dessilhouettes lointaines enjamber la rambarde et sauter par-dessus bord. LesBarbares étaient en train de ... se suicider ! Ils se précipitaient dans les eauxtumultueuses, en plein milieu de l'armée adverse ! Aldarane ne pouvaits'empêcher de pousser de petits cris d'extase quand il les voyait se jeterd'eux-mêmes dans l'océan.- Tu vois ...je les ... manipule.- C'est super Aldarane. Moi, j'ai toujours été fascinée par tonDon. Continue !Il sourit et ses yeux redevinrent noirs. Il continua sa mortelle besognetandis que la jeune femme se rongeait les ongles. Elle n'avait plus revu Teydepuis qu'il l'avait laissée en début d'après-midi. Il fallait qu'elle sache s'ilse portait bien ... après peut-être réussirait-elle à se concentrer. Elle s'éloigna mais Aaron l'apostropha :- Où vas-tu comme ça ?- Je dois retrouver Tey ! argumenta la jeune femme.- Soit ... mais d'abord, reste pour voir comment je vais mettrehors de nuire plusieurs de ces galères.La jeune diplômée fut obliger d'attendre. Regarder le massacre de Barbaresne l'intéressait pas en soit. Kasuni se chargeait d'appeler les soldats

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 21 207

Page 211: Aena, les terres de Missionnaire

concernés pendant qu'Aaron ordonnait :« Les Elfes des mers doivent détruire entièrement la coque ; Drakkarneuf. »La rouquine pianota furieusement sur son médaillon, puis, une fois qu'elleeut terminé, elle se détendit, admirant la scène.« A oui, prépare les archers et dis-leur de se focaliser sur les Drakkarnuméro deux et quatre. »Aussitôt dit, son assistante dut se remettre au travail. Les tours de garde semirent à briller à cause des flèches enflammées. On entendit un petit bruit. Un second nuage enflammé fendit le ciel, leteintant de nuances orangées. Les flèches volaient en plein vers leur cible.Espérons que les bateaux allaient être touchés ! Soudain, Kasuni s'exclama, euphorique :« Drakkar numéro deux touché, numéro trois touché. WAOUH ! Drakkarnuméro sept coulé ! » Tout le monde applaudit. On pouvait voir le bateau s'enfoncerprogressivement dans l'eau. Il fut bientôt suivit de près par quatre autresnavires ! Leurs voiles avaient pris feu. Cette bataille se transformait enhécatombe ! Aena grimaça et partit à la recherche de Tey, dégoûtée. Tans de morts,des deux côtés. Pourquoi l'homme apporte-t-il la guerre ? Pourquoi ne pasvouloir la paix ? Etait-ce donc un monde comme cela, commettant sanscesse les mêmes erreurs, dans lequel son enfant allait naître ? Elle utilisason médaillon. Pas de réponse. C'est alors qu'elle commença vraiment às'inquiéter. D'habitude, il lui répondait tout de suite, et elle était sûre qu'ilportait son amulette. Elle se rappelait de l'avoir vu à son cou ! Elle alla à l'infirmerie crée spécialement non loin de la plage. Tey ne s'ytrouvait pas. Grand soulagement. Aena découvrit avec horreur desguerriers mutilés, amputés, mêmes morts parfois. Une horrible puanteur etodeur de sang et de charogne stagnaient dans l'air. Toute cette vision futaffreuse pour la jeune femme qui alla vomir au dehors de la tente blanche.Quelques larmes firent son apparition ; Mais où était son Tey ? Et cetteétrange sensation de vide qu'il l'oppressait en permanence ! Elle pouvaitmourir d'un instant à l'autre. D'autres étaient déjà morts. Elle s'assit à terre, ouvrit son esprit et essaya de respira profondément.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 21 208

Page 212: Aena, les terres de Missionnaire

Sa magie opéra enfin« Tey est par terre, au milieu du sable. Il est pâle, très pâle. Il regardetristement l'horizon, les yeux humides de larmes. Aena remarque qu'ilsemble bouleversé, comme s'il avait appris quelque chose de troublant. Onpeut entendre, en bruit de fond, les boulets de canons et les cris deshommes. » Aena, instinctivement, se dirigea entre la végétation rase. Elle sentaitqu'il était proche, on lui soufflait à l'oreille que son amant se trouvait ici.Elle le chercha, jusqu'à ce qu'elle l'aperçut, couché sous un arbre. Sahallebarde était à côté de lui, il avait cet air de chien battu, comme si sonmonde s'était écroulé.- Tey. souffla doucement la jeune femme.Le jeune homme ne lui répondit pas. Il essuya son nez avec sa mancheavant d'enlacer Aena. Il n'allait pas bien du tout, il était de son devoir de leconsoler :- Ça va aller, raconte moi tout ... lui chuchota t'elle au creux del'oreille.Tey la serra un peu plus fort avant de dire d'une voix défaillante :- Tout ce en quoi j'ai cru toute ma vie était faux. On m'a menti.La jeune femme, émue, caressait doucement les cheveux de son amant.Aussi incroyable que ça pouvait paraître, elle se sentait bien là, loin de labataille et de la mort, dans les bras de son amour.- Pourquoi ? questionna la diplômée.Tey la repoussa gentiment, il se mit sur son séant et lui fit signe de se tairependant toute la durée de son récit :« Je pensais que mon père était un héroïque mage de guerre mort aucombat ... j'avais tort. Mon père biologique n'est autre ... qu'Aaron ! Non,je ne raconte pas n'importe quoi ; Aaron, le seul, l'unique.Il aurait apparemment rencontré ma mère durant sa jeunesse. Ensemble, ilsauraient commencé leur voyage vers les Terres de Missionnaire, ayant vules messages des révolutionnaires dans les différentes villes mooniennes.Ma mère a très vite gêné. Tu connais Aaron, il aurait fallu qu'elle marchejour et nuit pour le suivre. Un soir, Aaron est allé chercher du bois ... iln'est jamais revenu. Naya, seule et sans le sou, ne sachant pas encorequ'elle était enceinte, est allée à la ville la plus proche, Druaror. Et voilà, je

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 21 209

Page 213: Aena, les terres de Missionnaire

suis né.D'un côté, cela paraît logique. Quand Aaron m'a vu, il a trouvé que je luiressemblais pas mal, ainsi qu'à une de ces anciennes connaissances. Enplus, comble du hasard ; je vivais à Druaror. C'est pour cela qu'il nous aemmené avec lui et que nous ne sommes pas morts. De plus, tu te rappellesles étranges questions qu'il me posait sur ma mère. Ce ne fut que là qu'ilcomprit qu'il avait engrossé une femme seize ans plus tôt. Dernier point, ila ensuite fait venir ma mère à Missionnaire. Pas trop le fruit du hasard nonplus. Et finalement ... ils se sont réconciliés ...Franchement ; que dire ? » Aena s'affaissa sur elle-même. Les mots mirent quelque temps avant deproduire chez elle leur choc. Aaron le père de Tey ? Maintenant qu'elle ypensait, c'était vrai que tout ces ‘petits hasards' étaient étranges.Evidemment, sur le coup, elle n'avait pas fait le rapprochement.- Il n'y a rien à dire Tey, mais je comprends que tu soiseffondré. Ça choque.- Oui Aena, je suis choqué !Elle lui sourit et l'embrassa tendrement dans la nuque. Il devait être fort,remettre ses questions à plus tard, il y avait urgence là ... Une bataille avaitlieu.- Tey, nous devons faire passer nos problèmes après notrevallée. Nous devons combattre, sois fort mon ange.Le jeune homme releva la tête, fier. Il bomba le torse et se releva, tendantune main vers Aena :- Tu as raison, je suis faible. Viens mon coeur, Missionnaire àbesoin de nous.- Tey ! J'adore quand tu parles comme ça !Elle l'embrassa et ils partirent vers la plage le coeur léger. Quand ils arrivèrent, Aaron et Kasuni étaient encore à la tâche. Il nerestait plus que deux navires ; les deux les plus solides et les plus armés.Les soldats en faisaient déjà le siège depuis l'océan tandis que les archersse préparaient à lancer une autre envolée. Les drakkar, eux, bombardaientles tours de boulets de canons féroces qui arrachaient des murs entiers.Plusieurs garnisons étaient déjà perdues.« Kasuni, dit leur d'envahir le pont. Les hydres en premier pour les calmer

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 21 210

Page 214: Aena, les terres de Missionnaire

et les elfes en second. Compris ? »- Oui mon général !Aaron se détendit un peu et aperçut enfin Aena et Tey.- Ah, vous voilà ! Il ne nous reste plus beaucoup d'ennemis.Nous aurons bientôt détourné les Barbares de leur but ; nous surprendre etnous attaquer par derrière !Il sourit et fit un petit signe à la rouquine qui s'activa un peu plus. On voyait une multitude de petits points qui grimpaient le long descoques des bateaux. Les Barbares leurs jetaient des casseroles bouillantes.Certains furent pris et retombèrent à l'eau, en entraînant d'autres à leurpassage. Mais finalement, ils montèrent sur le pont et se battirent. Onentendait résonner le bruit des lames qui s'entrechoquent.- Bel abordage ! fit remarquer Tey.- Tu l'as dit ; des années d'entraînements ! N'est-ce pas fiston,répliqua Aaron avant de donner une bourrade à son fils qui déglutitpéniblement.Aena soupira ; Aaron, toujours en finesse.« Drakkar numéro quinze abordé, Drakkar numéro quinze coulé ! »commenta Kasuni, excitée comme une puce.En effet, le bateau chancela avant de retrouver tous les autres au fond del'océan. Il ne restait plus qu'un seul navire de guerre. On put le voir alorsremonter sa voile et faire demi tour. Aaron pouffa de rire avant de crier àKasuni :- Dis à l'armée de revenir sur la plage, nous allons partir.- Et ce bateau ? demanda la rouquine avec vigueur.- Dis aux archers de préparer leur dernière envolée ! A monavis, ils ont déjà dû prévenir Daelanor qui doit attendre derrière lesmontagnes. Retour vers Missionnaire. Pendant que les archers sontoccupés, commencez ce qui est moins drôle : recenser les morts et ramenerpar civière les blessés.Aena prit Tey par la main. Il y avait beaucoup de pain sur la planche. Touss'activaient tandis que des flèches enflammées obscurcissaient le ciel pourla dernière fois de la journée.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 21 211

Page 215: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 22

Chapitre 22

Ils pataugeaient dans la boue depuis deux heures déjà, droits comme despiquets. Personne ne parlait, tous étaient silencieux et mornes. C'était legrand jour. L'armée des Barbares avait passé le col de la vallée en début de matinée.Missionnaire s'était alors préparé, tous les soldats avaient pris leur positionsur le champ de bataille, aux aguets. Aena était en première ligne, Tey àcôté d'elle, lui tenant la main. Elle respirait tout juste, rien ne la rassurait.On pouvait entendre les chants Nordiques ainsi que le bruit des tamboursde guerre, donnant le rythme de la marche se rapprocher lentement. MêmeAaron, si stoïque paraissait mal à l'aise, Naya était collée contre lui,flottante dans son armure. Aaron se détacha alors de la mêlée, Naya à sonbras ; ils se dirigèrent tout à la droite de l'armée. Puis le maître leva unbras ; les deux armées étaient face à face. Etrangement, les rangs s'ouvrirent sur Kasuni et Angello, tremblotants.Le colosse la tenait par la taille, il se dirigea vers le milieu du champ debataille, seuls tout les deux. Kasuni le suivait docilement, elle savait ce quevoulait dire cette mise en scène. Ils marchèrent en silence puis s'arrêtèrentdevant une pierre. La même pierre qu'Angello avait posée quand Aena étaitallée lui délivrer son message ! Ainsi tout était prévu depuis longtemps.Mais qu'allait-il se passer ? Soudain, les Barbares qui s'étaient immobilisés à environ trois centmètres d'eux, rugirent. Les premières lignes s'avancèrent en courant et enbrandissant leurs armes. Ils ne devaient pas êtres très riches, la plupart neportaient pas d'armures et leur armement était primitif. Des esclaves sansdoute ; on envoyait à la mort les personnes les moins précieuses à lasociété. Aena déglutit, ils étaient énormes ! Angello paraissait de petite taille encomparaison. Les Barbares avaient une forte constitution et hurlaient avec

Chapitre 22 212

Page 216: Aena, les terres de Missionnaire

tellement de sauvagerie et de hargne qu'ils vous glaçaient le sang. Leursbouches étaient ouvertes sur des dents pointues et jaunâtres, d'énormescasques cornés ornaient leurs têtes et des peaux de loups ceignaient leursceintures. Kasuni était pâle, ses petites mains frêles enserraient la taille de sonmari, elle était derrière lui et elle serrait de toutes ses forces, apparemmentmorte de peur. Angello lui faisait rempart de son corps de géant. Commentréussissait-il à rester aussi immobile face à une armée entière ? Aena lesregardait, ébahie ; plus les ennemis avançaient, plus son coeur secompressait. Elle ne pouvait pas laisser faire ce sacrifice ! Kasuni, Angello... Ses deux amis. Elle ne voulait pas les regarder se faire mettre en piècessans réagir ; c'était bien trop dur ! Elle devait combattre avec eux. Elle pritsa décision et s'avança. Derrière elle, elle entendit la clameur des soldatsébahis. Aaron lui cria :- Arrière malheureuse !- Mais quoi ? Pourquoi ...- ARRIERE ! hurla Angello de sa voix de stentor avant debrandir ses mains devant lui.Aena eut juste le temps de se remettre à sa place qu'un bruit déchirant se fitentendre ; on aurait dit que la terre se déchirait. Les Barbares étaient à peine à deux mètres du colosse ; i lss'immobilisèrent en même temps, comme si le temps s'était arrêté. Lespectacle était impressionnant. Pendant plus de dix secondes les corpsétaient figés, plus un bruit, plus un geste. Les Barbares ne bougeaient plus,ne respiraient plus. Au bout d'un moment, Angello se redressa, il toucha dubout des doigts l'homme devant lui, son épée était levée vers le couple ;trois secondes de plus et il les aurait empalés. La tête tomba mollement ausol, sectionnée au niveau du cou. Angello regarda, satisfait. C'est alors quele corps fit la même chose : les membres sectionnés roulèrent au sol ;ensuite, le reste de l'armée l'imita, coupée en petits bouts. Des fils de feraussi tranchants que des rasoirs sortaient du sol sur tout le périmètre du préet rejoignaient les doigts d'Angello qui souriait. Ainsi c'était ça son plan ?Découper en bouts tous les Barbares qui s'avanceraient ? En tout cas, ilavait fait fort ; toutes les premières lignes étaient décimées ! Il ne restaitpersonne debout, il avait tué à lui seul un tiers des ennemis !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 22 213

Page 217: Aena, les terres de Missionnaire

Les Barbares étant restés à l'arrière se remirent à la charge, l'effet desurprise n'avait pas duré plus d'une minute. Kasuni dut soutenir Angello, ilétait incapable de se tenir en équilibre ; il était très fatigué en raison dunombre important de mana dépensé. Ils se mirent de côté comme ils lepouvaient, maintenant, la bataille allait commencer à proprement parler. Aaron leva son bras, puis le rabattit sèchement :- A l'assaut !Un tumulte lui répondit ; l'armée de Missionnaire se mit en route. Lesbataillons n'étaient pas organisés ; on était par groupes de deux, un champde protection et un combattant. Les soldats fonçaient sur les Barbares, ilfallait en tuer le plus possible jusqu'à la disparition des forces magiques ;c'était la seule chance de gagner de la vallée. Les premiers chocs eurent lieu. Les Barbares butaient sur les champs deforce, il suffisait de passer son épée à travers le flux magique et de les tuer.Rien ne pouvait atteindre quelqu'un protégé de la sorte, les ennemis étaientrapidement mis hors d'état de nuire. Hélas, leur nombre ne décroissait pas.Ils étaient parfois tellement agglutinés contre un bouclier que les réservesde mana de la personne étaient mises à rude épreuve. Lutter contre unBarbare passe encore mais contre une quinzaine en même temps quis'élançaient contre votre magie était un travail extrêmement difficile deconcentration. Si jamais quelqu'un échouait, une seule option restait : lamort ! Tey soutenait le champ de force tandis qu'Aena se battait avec sa fidèlehache. Le dôme bleuté qui les recouvrait était transparent et donc, la jeunefemme n'avait aucun problème pour réussir son travail. La tâche était arduemais elle se combattait pour la bonne cause : l'avenir de Missionnaire étaitdans leurs mains à tous. Autour d'eux, les mêmes schémas. Quelques milliers de dômes et desBarbares à perte de vue. On pouvait entendre les feulements des vampiresse jetant sur leurs proies ou les hurlements des loups-garous jaillissant toutd'un coup d'un bouclier pour se jeter sur trois victimes désarmées. Katlyncombattait avec un autre diplômé, elle lançait d'affreux poisons tuant lesgens dix mètres à la ronde. Elle pouvait aussi sortir non protégée etétrangler ses victimes avec sa chaîne ainsi que leur éclater la colonnevertébrale d'un simple geste. La féline était tellement agile et légère qu'elle

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 22 214

Page 218: Aena, les terres de Missionnaire

réussissait facilement à grimper sur le dos des Barbares et à éviter leurscoups lents d'épées. Michelle, plutôt à l'aise dans l'eau envoyait des raz-de-marée sur sesennemis. Elle était à l'abri avec Zep et pouvait tranquillement utiliser sonarc à distance, tandis que l'homme requin se concentrait. On pouvait aussientendre Aldarane d'assez loin, les Barbares près de lui devenaient fous etse retournaient contre leur propre équipe ! Ils tuaient leurs coéquipiersjusqu'à ce qu'un des leurs leur tranche proprement la tête. Tout allait bienmais bientôt, on entendit des cris indignés venir du centre du champ debataille. La voix fut reconnue d'Aena :- Mais fais quelque chose ! Il s'excite tout seul là ...Les deux jeunes gens se déplacèrent ; quelle ne fut pas leur surprised'apercevoir Olaf ainsi que trois de ses amis faire ... une partie de carte aumilieu de la bataille ! Une multitude de cadavres s'étaient formés à leurspieds. Un homme était encore debout et essayait de tuer le messagerfantôme, mais sa hache traversait le corps transparent du mort sans rien luifaire.- Ecoute petit, si tu ne nous laisses pas tranquille, je te tued'accord ?Le Barbare ne s'arrêta pas pour autant, d'ailleurs avait-il compris lemessage ? Olaf soupira devant ce manque de réponse et envoya sa maindans la poitrine de son adversaire. Il la ressorti, emprisonnant un coeurencore battant. Il le jeta, ne portant aucun regard à l'homme qui s'effondramort au sol. Le messager continua et abattit une carte, il cria alors :- Un as ! Raziel, c'est toi le perdant, tu dois enlever unvêtement.- Alors je laisse ma cuirasse, répondit le fantôme.Un autre ramena un tonneau de bière qu'il ouvrit comme si de rien n'était,tuant au passage quatre ennemis qui avaient l'air d'être intéressés par laboisson.- Sympa cette auberge Olaf, mais un peu turbulente quandmême ...Aena haussa les sourcils, elle savait Tey dans le même état qu'elle. Desgens hurlaient à la mort et se vidaient de leur sang à deux pas d'unejoyeuse bande de fantômes jouant aux cartes.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 22 215

Page 219: Aena, les terres de Missionnaire

- Tey, je ne rêve pas ? demanda inquiète la jeune femme.- Euh ... je ne crois pas. Ça doit être l'éternité qui leur faitperdre les pieds. Ils doivent avoir plusieurs siècles de retard.Le couple s'empressa de retourner dans la multitude, ils avaient autre choseà faire qu'à regarder une bande de morts complètement fous.- Après tout, qu'importe la manière tant qu'ils tuent desBarbares. La boucherie continua ; il y avait du sang partout. Les cuirasses étaienttachées, le sol en était imprégné, les visages étaient barbouillés, l'odeurétait partout présente et on marchait sur les cadavres. Beaucoup étaientdéjà morts, les blessés n'avaient que peu de chance de survivre, piétinés detoute part. Les plus chanceux étaient emmenés à l'infirmerie, les autresagonisaient dans la boue. C'était l'horreur de la guerre. Au fil des heures, le moral et surtout les forces des troupes baissaient.Le mana commençait à manquer. Heureusement, Tey était assez endurant,mais tout deux souffraient de mal de dos et d'articulations. Leurs armuresétaient lourdes et ils se déplaçaient constamment. Pour le moment, leuradrénaline leur empêchait de trop souffrir mais bientôt le manque d'énergiese ferait sentir. Aena acheva un ennemi et trancha le bras d'un autre Barbare de sahache. Il essaya de s'enfuir mais la jeune femme lui brisa la colonne d'unseul coup de pied. Le cadavre chuta mollement dans la boue. Celui-ci avaitété coriace, il évitait ses attaques bien plus que ses congénères, mais pasencore assez pour survivre. Elle se détendit un peu avant de continuer samortelle besogne, Tey suait abondamment, il était fatigué. Soudain, une chevelure rousse attira l'attention de la jeune femme, ellevoulait en être sûre. Elle donna un coup de coude à son amant qui étaitoccupé à introduire sa hallebarde aux articulations de l'armure à plaques deson adversaire. Il le tua et demanda à Aena :- Quoi ?- Tey, j'ai cru apercevoir Kasuni.Le jeune homme ne se fit pas prier et ils bougèrent vers l'endroit où Aenaavait vu une rouquine. La scène qui s'offrit à leurs yeux resta l'une despires pour la diplômé, son coeur se brisa : Kasuni et Angello se battaient bravement, une horde de Barbares les

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 22 216

Page 220: Aena, les terres de Missionnaire

encerclaient et appuyaient sur la minuscule boule de lumière qui lesilluminait. Elle clignait et ne tarderaient pas à s'éteindre ! Angello étaittellement exténué, son visage était tiré et couvert de sang séché et de bleus.La jeune rouquine, si dynamique d'habitude se tenait les côtes, elle essayaitde renforcer mentalement le lien magique de son époux mais rien n'y fit, ledôme régressait toujours ! La jeune femme était très intelligente et savaitque c'était trop tard, elle se colla contre son homme et l'enserra de ses bras,arrêtant de lutter et acceptant son tragique sort. Angello fit de même et serétracta sur la femme, la protégeant de son corps. Aena aurait voulu être là, mais Tey la retint, ils étaient trop loin, c'étaittrop tard. La jeune femme ne se laissa pas faire et courut à toute allure,s'exposant au danger. Une fiole fendit alors l'air pour exploser sur les sixhommes amassés en tas sur le sol. Aena se retourna, Katlyn lui faisait face.La féline n'avait plus cette grâce qu'on lui connaissait. Elle étaitbarbouillée de terre et ses cheveux noirs étaient arrachés par endroit, il nerestait rien de son armure et son abdomen était ouvert en une plaiesanguinolente. Aena n'eu pas le temps de comprendre ce qu'elle faisaitseule sans partenaire qu'une lance lui transperça le ventre.- KATLYN ! hurla à pleins poumons la jeune femme avant decourir vers la femme chat qui tomba dans ses bras.Aena leur fit un champ de force et regarda en direction de Tey. Il était avecKasuni et Angello, le poison avait tué tous les Barbares et le petit coupleavait réussi à faire subsister leur protection assez longtemps pour ne pasmourir, le jeune homme les soignait. Katlyn tremblait dans les bras d'Aena, elle avait très froid. La jeunefemme ne savait que faire, elle n'avait plus de magie et le bouclier usaittoutes ses réserves ! La féline mourut dans ses bras ; ses traits tirés par lasouffrance :- Je suis désolé Aena de ne pas avoir réussi à ne pas te haïr ...lui souffla-t-elle comme dernière paroles.La jeune femme ne pu s'empêcher de verser des larmes, Katlyn s'étaitsacrifiée pour Kasuni et Angello et elle comprenait ses réactions. Lapauvre n'avait jamais eu la vie qu'elle méritait, la plus grande descendantedes félins s'était éteinte lors d'une bataille en sauvant sa meilleure amie.Personne ne conterait ce destin de femme qu'on aurait pu qualifier

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 22 217

Page 221: Aena, les terres de Missionnaire

d'héroïque, la jeune femme n'avait que vingt-deux ans, elle n'avait pasvécu ! Personne ne viendrait déposer de fleurs sur sa tombe et elle seraitoubliée. Ce serait ça la mort ? Tey, Kasuni et Angello rejoignirent en boitillant Aena qui pleurait. Lecolosse détourna la tête de la jeune femme et lui dit froidement :- C'est fini pour elle Aena, elle s'est bien battue, viens.- Non ! cria la diplômée, Je veux emmener son corps pourqu'elle ait une sépulture descente !Personne ne trouva quelque chose à redire, ils auraient été incapables delaisser le corps de leur amie au milieu de la boue et des cadavres. Tey, quiétait le plus valide, prit le corps sur ses épaules. Ils se dirigèrent versl'infirmerie organisée près du château. Le voyage fut dur, il fallait sans cesse se battre contre la multitude deBarbares qui semblaient toujours plus nombreux. Ils virent beaucoup desleurs renoncer et mourir, on pouvait croiser de plus en plus de diplômésblessés, ayant perdu leur partenaire au combat. Quelques-uns se joignirentà leur groupe ; la mort était partout. Ils déposèrent le corps sans vie de Katlyn, Tey avait pris soin de rabattreses paupières. Il n'y avait rien de plus désagréable que la vision d'uncadavre aux yeux ouverts, les traits tirés et crispés dans sa dernièresouffrance. Kasuni, Angello et Tey observèrent une minute de silence àl'honneur de la jeune femme. C'en fut trop pour Aena qui éclata en sanglotet qui sortit de la tente. Elle ne pouvait plus voir ça, c'était trop horrible.Elle s'assit dans la boue et contempla alors le château. Des barbelésrecouvraient tout son périmètre et de jeunes adolescents étaient auxmurailles, les arcs bandés. Au loin, on pouvait voir l'armée Barbareessayant de d'encercler celle de Missionnaire. Aaron revenait versl'infirmerie, il hurlait :- REPLIEZ-VOUS VERS LE CHATEAU !Aena baissa la tête, c'était bon, la bataille était perdue pour la vallée, ilsallaient gagner. Ils étaient bien trop nombreux pour que Missionnairepuisse les battre, d'ailleurs, ils étaient en train d'essayer d'encercler l'arméed'Arcanna, s'il y arrivaient, la guerre prendrait fin sur la victoire deDaelanor. Le but des Barbares était d'isoler Missionnaire, ils n'auraientdonc plus qu'à tuer tous les petits groupes, ce serait facile pour eux grâce à

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 22 218

Page 222: Aena, les terres de Missionnaire

leur supériorité numérique. Il fallait les contourner, tenir le plus longtempspossible. Tey, Kasuni et Angello sortirent enfin de la tente, les yeux rougis. Laperte de Katlyn les affectait tous, mais ils n'étaient pas les seuls. Un peupartout, des visages en deuil, des sanglots et des pleurs. Des corps entassésprès des fondations, comme s'il s'agissait de vulgaires animaux. Lespectacle était déchirant, voir une veuve pleurer devant le cadavre mutiléde son mari, un fils prenant la main de sa mère agonisante. Pourquoi toutça ? Y aurait-il eu des solutions pour éviter ce massacre ? Le regard d'Aenase perdit dans le vague, regardant tristement le chemin de ronde. Soudain, elle reconnut une silhouette familière ne ressemblant à aucuneautre. Une seule personne pouvait avoir cette stature et cette démarche, sescheveux blancs balayés par le vent. Quelque chose se brisa en elle et untorrent de souvenirs jaillirent dans son esprit, la seule chose qu'elle réussitpour contenir sa douleur fut de hurler à pleins poumons :- ARCANNA !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 22 219

Page 223: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 23

Chapitre 23

Le choc qu'Aena venait de subir était trop grand pour qu'elle puissel'ignorer ; des tas de souvenirs terribles lui revenaient. Elle revoyait l'atrocemoment où Arcanna lui avait tout avoué ; là où tout avait basculé. Lesavoir vivant était une bénédiction du ciel ; mais après tout, ne faisait-ellepas encore un affreux cauchemar ? Ce fut Tey qui la réveilla de son demi-sommeil :- Aena, qu'as-tu ? Tu es toute pâle !La seule chose que la jeune femme réussit à prononcer fut :- Les Dieux soient loués, il est vivant ...- Mais qui ? demanda Tey.- Lui ... répétait inlassablement Aena.La diplômé ne pensait plus qu'à une chose : Arcanna ; il hantait sespensées ! Elle voulait le revoir, elle ne serait tranquille que quand elle luiaurait reparlé. Tey, Kasuni et Angello ne comprirent pas ce qu'Aena avait ; la jeunefemme se mit à courir comme une folle vers le château, oubliant toute safatigue et ses blessures. Tey essaya de la rattraper mais Angello posa unemain amicale sur l'épaule du jeune homme :- Laisse-là ... Katlyn est morte dans ses bras, elle doit à toutprix faire la paix avec elle-même et vite.- Mais ... mais ! bafouilla le diplômé. On a besoin de nous surle champ de bataille.Angello soupira doucement et posa ses yeux sur l'horizon :- Le destin de Missionnaire n'est plus dans nos mainsmaintenant, nous ne sommes que des pions.

***

Chapitre 23 220

Page 224: Aena, les terres de Missionnaire

Les retrouvailles furent émouvantes. Leurs regards se croisèrent, leursmains s'effleurèrent, puis enfin leurs corps se rapprochèrent. Arcanna étaitbel et bien vivant, un soulagement immense coulait en Aena et irriguaitson coeur ; elle avait l'impression qu'il n'avait jamais autant palpité dans sapoitrine.- Arcanna, je t'aime tellement ! cria t-elle avant de se jeterdans ses bras.L'homme, d'habitude si fort, chancela. Il la retint en tremblant avantd'ajouter d'une voix fatiguée :- Et ... et Tey ?- Au diable Tey ! hurla la jeune femme avant de l'embrasser àpleine bouche. Jamais un de leur baiser ne fut aussi long et langoureux. On aurait ditque les tourtereaux s'étreignaient pour la dernière fois, ils semblaient ymettre l'énergie du désespoir. Dès que leurs lèvres se décolèrent, Aena nepu s'empêcher d'éclater en sanglots ; tant de stress accumulé depuis deuxsemaines ... et le bébé. Devait-elle lui annoncer la nouvelle ? Non, elle nevoulait pas gâcher la fin de sa vie, elle voyait bien qu'Arcanna souffrait,tout cela ne présageait rien de bon.- Arcanna je ... non rien, dit-elle avant de le repousser et debaisser la tête.- Aena ... que me cache tu ? lui demanda t-il gentiment.Arcanna mis son index sous le menton de la jeune femme, il soutint sonregard. Aena eu un mouvement de recul, ce n'était pas les yeux de l'hommequ'elle connaissait ; le regard était terne et l'oeil vitreux.La flamme de vie qui l'animait autrefois était partie, il n'avait plus envie devivre. La colère monta en elle comme une furie ; il n'avait pas le droit de

renoncer, il ne pouvait pas ! Le Directeur était son modèle, s'ilabandonnait, que ferait-elle ? Elle voulait y croire ! Pour lui ... pour elle ...pour son enfant qui n'était peut-être pas de lui. Elle voulait voir en l'avenir

autre chose qu'une tombe, était-ce légitime ? Incompréhensible ?- Que faisons-nous là ? Regarde par delà ces remparts ! Tonarmée recule ; nous allons perdre la bataille. Pour une fois, cesse de te

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 23 221

Page 225: Aena, les terres de Missionnaire

conduire en lâche et viens avec moi, mourrons ensemble ...Il serra plus fort les bras de la femme en murmurant :

- Tu veux dire que ... tu acceptes le suicide des amants ?- Mourrons ensemble, dignement ... en combattant !

Arcanna tressaillit, affronter les Barbares lui était insupportable, voiretoute l'oeuvre de sa vie, la raison de sa possession, en train de finir en

poussière l'écoeurait.- Je ne peux pas ... Je ne peux pas ...

- Dans ce cas crève seul ! hurla-t-elle avant de quitter lechemin de ronde.

Ses yeux se remplirent de larmes tandis qu'elle percevait les sanglots deson amant. Elle l'aimait tellement ; à chacun de ses souffles, elle le savait

là. Elle ne voulait pas le voir souffrir, tout était trop, la vie était trop ... Elle descendit quatre à quatre les marches de l'escalier, manquant de sefracasser la nuque ; peu lui importait, elle avait déjà tout perdu ! Elle ne

s'arrêta qu'une fois que ses jambes ne puissent plus la soutenir, elles'effondra haletante dans la boue.

Tout était flou, elle ne ressentait plus rien, mis à part la douleur d'avoir ditnon à Arcanna. Elle voulait lui faire comprendre, tout ce qu'il s'était

évertué à lui enseigner. Comment un lâche pareil avait-il pu lui faire croireen des valeurs morales qu'il ne possédait pas lui-même ? Au bout de six

ans, Aena voyait enfin qu'il n'était pas parfait. Un hennissement guttural sefit entendre, suivit d'un martèlement de sabots facilement reconnaissable.

Ténèbre se trouvait devant elle. La présence de l'étalon réveilla en elle des ressources de force

sous-estimées , elle se releva doucement. Son cheval la toisait de ses petitsyeux intelligents et injectés de sang, il hennit doucement et vint se frotter à

sa cavalière, la réconfortant.« Ténèbre, si tu savais. Les Barbares font un bouclier compact devant

l'armée de Missionnaire, il faudrait le percer, mais comment ? » commençaà monologuer la jeune femme.

- Percer, percer, percer, répéta t-elle, comme si sa viedépendait de ce simple mot.

Une idée germa dans sa tête ; si elle n'avait plus rien à perdre à part la vie... Il fallait percer ? Dans ce cas elle allait percer !

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 23 222

Page 226: Aena, les terres de Missionnaire

Tey la rejoignit quand elle avait pratiquement fini d'harnacher Ténèbre,elle venait d'invoquer une armure de combat. Le cheval ressemblait plus àune armoire blindée qu'à un étalon vampire désormais ; de grandes plaquesle recouvrait et de gigantesques pales sortaient de sa poitrine, à la base du

métal. L'étalon piaffait de joie, ses sabots raclaient le sol ; il savait cequ'Aena avait l'intention de faire, et il en était ravi.

- Aena, que vas-tu faire ?- A ton avis ? dit-elle avant de cracher par terre.

Le jeune diplômé essaya de la retenir,mais la femme avait déjà sauté enselle. Un hurlement retentit alors :

- Aena ! Je viens avec toi !Tey loucha ; lui ? Impossible ! Aena, elle, arrêta l'étalon à sa hauteur :- Je suis heureuse que tu aies fait le bon choix, venez mes

amis, allons mourir pour la gloire de Missionnaire ! Nous serons des héros.Le Directeur acquiesça et monta en selle, derrière Aena. Il la tenait

fermement par la taille. Tey les regarda, il fit signe qu'il acceptait de venir.Aena se poussa et était assise au commencement du dos, Arcanna du

milieu et Tey se trouvait en équilibre sur les reins de l'animal. Etrangement, Aena avait très bien imaginé l'armure de Ténèbre ; elle

était plate sur le dessus et ce cheval, faisant deux mètres de hauteur,pouvait accueillir deux personnes sur son dos. Certes, il fallait se pousserun peu, mais peu importait. Aena regarda alors un à un les volontaires de

cette mission suicide avant de déclarer :- Vous voulez tous les deux venir ? Pas de regrets ?

- Non, aucun, jurèrent-ils en même temps.- Dans ce cas, nous allons percer les lignes Barbares !

***

Quelle ne fut pas la surprise de l'armée de l'école de voir apparaître undestrier surmonté du Directeur et de deux diplômés qui s'avançait

paisiblement vers les Barbares, trois pics d'au moins six mètres devant lui.Quel drôle de spectacle ! En plus, Tey avait appelé Freya, sa chienne

chimérique qui fermait la marche. Arcanna prit alors la parole, devant sonarmée, et sans doute pour la dernière fois :

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 23 223

Page 227: Aena, les terres de Missionnaire

« Mes très chers, nous sommes sur le point d'être battus. Les Barbares ontformé une ligne infranchissable, la seule manière d'y arriver et passer deforce et de créer une brèche, vous la prendrez ensuite avant qu'elle ne se

referme et encerclerez les Barbares de l'intérieur. La seule chance desurvivre et Missionnaire est la réussite de cette entreprise »

Une ovation le salua, Aena, très bonne stratège, donna les dernièresrecommandations :

- Ténèbre aura comme mission d'enlever les corps qui seprendront dans les pales, moi, je tuerai des barbares à ma droite, Arcanna àta gauche. Tey, toi tu feras un champ de force en te cramponnant derrière.

Vous avez bien compris ?Ils acquiescèrent, Aena tint fermement les rênes avant de crier :

- Dans ce cas, C'EST PARTI ! Missionnaire, en route !La jeune femme lança le cheval au triple galop, l'encourageant. Elle criait

et chantait une chanson à la gloire de l'école ; son hymne en somme.Derrière eux, toute l'armée se dirigeait vers les Barbares, ceux qui y étaient

déjà combattaient. Plus la distance se rapprochait, plus Tey se demandait si se sacrifier était

une bonne solution. Il n'était pas lâche, non, loin de là même, mais, avaitjuste quelques réticences. En plus, comble de l'ironie, il allait sûrement

mourir en compagnie de l'homme qu'il détestait le plus au monde ; la vieétait cruelle !

Ténèbre galopait furieusement, il fallait s'accrocher sans compter surquelques difficultés ; les corps au sol faisait un relief non négligeable et

glissant.Ainsi, Ténèbre faillit s'étaler de tout son long dans la boue et fracasser la

nuque à ses cavaliers mais l'étalon était un maître de son équilibre, ilarrivait à gagner de la vitesse très vite, ses hennissements féroces

encourageant l'armée derrière lui. Le Directeur ne broncha même pas quand Tey se résigna à ne pas le

tenir fermement. Il était songeur. On pouvait voir que sa chevelure,autrefois blanche grisonnait et était assombrie par des mèches noires. Teyne chercha même pas à comprendre, essayant plutôt de se concentrer pourcréer un champ de force, il n'était pas sûr de réussir, il avait bien trop peur.

- Toujours pas de regrets ? demanda Aena pour détendre

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 23 224

Page 228: Aena, les terres de Missionnaire

l'atmosphère.- Je n'avais rien à perdre à par toi de toute façon, répondit

Arcanna avant de s'emmurer dans son silence.Le Directeur ne pouvait pas le voir mais Tey, derrière lui, le toisait d'un

regard noir et empli de haine. Quand la ligne d'ennemis fut à peine à environ cent mètres, Aena donnaune grosse bourrade à son cheval et lui murmura des paroles à l'oreille qui

eurent pour effet de lui faire atteindre sa vitesse maximale. L'animalgalopait telle une furie, retournant la terre derrière son passage. Il

hennissait avec une telle férocité que les rangs Barbares se resserrèrentencore. Aena soupira ; il y allait avoir beaucoup de morts. Le galop del'étalon était tellement saccadé et brusque qu'elle aurait pu vomir si sa

gorge n'avait pas été aussi serrée en raison de l'angoisse qui l'empêchait derespirer profondément.

Plus la distance s'amenuisait, plus cette sensation d'étouffement lasubmergeait, elle avait l'impression de tenir en apnée depuis des minutes et

ses membres tremblaient.L'appréhension du choc contre le mur des ennemis.

- CHAMP DE FORCE ! hurla la jeune femme.Tey se contracta, il n'avait pas le droit à l'erreur ! Il devait le faire

apparaître au moment du choc pour que l'effet soit spectaculaire. Sousl'effet de la force magique, les hommes devraient être projetés et donc, ils

auraient creusé une brèche ! La collision fut surtout violente pour les hommes qui n'avaient mêmepas daigné bouger ... Même Angello n'aurait sûrement pas réussi à rester

devant quatre pics et un cheval cannibale. Ténèbre se prépara à enlever lescadavres empalés, tout se présentait pour le mieux.

Tey ferma les yeux, il ne voulait pas voir la scène s'il échouait, il avaittellement peur de ne pas être à la hauteur ; le sort de Missionnaire était

entre ses mains ! Ce qui se passa à ce moment dépassa leurs espérances. Lechamp de force de Tey fut tellement puissant que des Barbares volèrent àplusieurs mètres à la ronde, s'écrasant lourdement sur leurs congénères.

C'était fait ; la percée avait commencé. Ténèbre hennit sauvagement avant de continuer son galop frénétique,arrachant avec sa mâchoire de titan quelques têtes et membres ; au moins

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 23 225

Page 229: Aena, les terres de Missionnaire

un heureux dans cet enfer qu'était la guerre. Aena lui tenait fermement lacrinière d'une main tandis qu'elle tuait le plus d'ennemis possible à sa

droite ; Arcanna faisait la même chose à sa gauche. Hélas, il fut contraintd'abandonner sa chaîne car elle s'était prise dans un cadavre que le cheval

entraînait dans sa course grâce aux pointes du métal qui ornait l'arme.Donc, le corps faucha au passage d'autre Barbare qui alourdissait encore la

charge, ce qui faisait également ralentir Ténèbre.Il fallait absolument que l'animal garde sa vitesse de pointe pour percer le

plus possible ! S'il ralentissait, tout était perdu. Le Directeur sortit alors sonépée, il trancha le plus de têtes possible. Tey, derrière, essayait de garderson équilibre tout en soutenant magiquement son champ de force, le tout

lui demandant énormément d'énergie et de concentration. Le jeune diplômé se retourna alors, voulant constater la réussite de son

entreprise, Missionnaire s'était-il glissé dans les rangs ennemis ?Essayait-il déjà de les isoler ? Ou pire ; avait-il échoué ? Derrière le

quatuor infernal on pouvait voir les drapeaux bleus de Missionnaire ; ilsavaient réussi ! Un sentiment de bonheur intense inonda Tey ; oui, il avaitréussi, il avait sauvé la vallée ! Le sort de la bataille dépendait maintenantdes combattants qui étaient en train de donner leur vie pour la survie du

château et donc de l'empire Moonien ! L'euphorie était telle que Tey fit une erreur monumentale ; il se

déconcentra. Ténèbre dut sans doute donner un trop fort coup de tête etTey se sentit tomber, il venait de chuter de l'arrière-train de l'animal. Le

champ de force implosa comme une bulle de savon. Tout s'était passé tropvite, personne n'avait eu le temps de comprendre.

Arcanna fut le premier à redescendre sur terre, il ne laissa même pas àAena le temps d'atterrir qu'il sauta à son tour en hurlant :

- Toujours tout droit !La jeune femme eut le coeur brisé, Tey seul au milieu des Barbares ! Ilallait mourir ... et Arcanna qui était allé héroïquement le sauver ! Qui

aurait pu croire en ça ? Ses yeux se mouillèrent de larmes ; Arcanna étaitl'homme de sa vie, même si maintenant elle savait qu'elle aimait les deux !

Arcanna était l'amour passionnel et Tey l'amour courtois.Elle ne supporterait pas de perdre l'un des deux ... et pourtant, elle y était

obligée.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 23 226

Page 230: Aena, les terres de Missionnaire

Aena hésita à tirer sur les rênes et à retourner en arrière, mais elle nepouvait pas se le permettre ! Elle n'en avait pas le droit ! Elle devait

continuer à surprendre les Barbares et leur faire mordre la poussière. Elledevait mettre de côté ses sentiments et avancer, c'était tout ce qu'on lui

demandait ... il n'y avait pas plus simple pourtant ; alors pourquoi avait-elleautant de mal ?

N'y tenant plus, elle se retourna pour au moins voir s'ils allaient bien.Elle ne les distingua pas au milieu de la mêlée.

- Tey ! Arcanna ! Hurla-t-elle à pleins poumons.Aucune réponse, juste le bruit du fer qui se croise. Aena baissa la tête et

regarda vers l'avant, elle devait continuer d'avancer ! Ténèbre peinait de plus en plus ; les Barbares formaient une couche

résistante. L'étalon eut de plus en plus de mal à enlever les cadavres qui sefixaient sur son poitrail, il commença alors à ruer pour dégager de la place

autour de lui. La jeune femme faisait plus de rodéo qu'elle ne tuaitd'ennemis, le cheval devait sauter pour avancer, écrasant de son poids deshommes. Ils étaient tellement nombreux, Aena pouvait les toucher, elleallait bientôt mourir ... et seule qui plus est. L'étalon mordait, il avait la

bouche en sang à force d'arracher des bras ou des jambes. Il avait beau sedémener comme il le pouvait, la masse compacte avait raison du duo.

Maintenant, ils furent immobilisés au milieu des Barbares. Le champ deprotection avait disparu depuis longtemps déjà ; et voilà, c'était la fin

d'Aena Adanis.Ténèbre reçut une dague entre les plaques de son armure, il ruaviolemment et s'échappa, luttant seul sans sa cavalière qui était

désarçonnée et désarmée, à terre au milieu de l'armée ennemie. Là, elle nepourrait plus lutter ! Une contre mille !

Elle fermait les yeux, apeurée. Elle souhaita en finir au plus vite. Ellesentit un coup de vent au dessus de sa tête, on levait la hache ... Elle

attendit le coup de grâce, le moment où sa tête roulerait au sol sous laclameur des Barbares, mais ce moment ne vint pas. A la place, une voix

féminine et froide lui dit :- Lève toi jeune Barbare et fais moi face.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 23 227

Page 231: Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 24

Chapitre 24

Aena prit la main qu'on lui tendait et se releva en vitesse. Aucun Barbaren'osait l'approcher. Face à elle : la femme qui venait de lui parler. Elle neressemblait pas à une Barbare de pure souche ; son visage triangulaire étaitétrangement gracieux, aucun rapport avec ceux des guerrières du Nord.Une magnifique coiffe constituée d'un entrelacement de la chevelure clairede la femme et de pic en métal s'élevait au-dessus de sa tête. Elle étaitimpressionnante, même déstabilisante ; son regard était glacial etténébreux, il passait à travers vous et transperçait votre âme. Aena regarda alors son corps. Elle était habillée d'une étrange robe noirefaite avec du fil tressé comme une toile d'araignée géante. Les intersticesdu tissus révélaient à l'oeil les moindres courbes de son corps ; sans aucunepudeur. La femme était magnifique, une beauté froide et inexpressive.- Qui êtes-vous ? murmura faiblement Aena.- Tu le sais pertinemment, susurra la femme à l'oreille de ladiplômée.Le ton sardonique et mielleux de cette étrange personne fit encore pluspeur à Aena. Vu son comportement et sa tenue vestimentaire, ça ne pouvaitêtre qu'elle ! En plus, les Barbares lui obéissaient et avaient formé uncercle parfait autour des deux femmes.- Daëlanor ...- En personne ! roucoula la reine du peuple du Nord enbrandissant fièrement un pic de sa coiffe ; il avait été fondu dans l'argent etétait incrusté de métaux précieux.Elle ne mentait pas, c'était bien Daëlanor : la nécromancienne qui voulaitrayer Missionnaire de la carte. Aena bouillonnait, elle haïssait déjà cette femme, même dans sesmoindres gestes. Cette manière de la regarder, ce comportement hautain etsuffisant ! Une nécromancienne qui plus est ! Cet art détestable trouvait ses

Chapitre 24 228

Page 232: Aena, les terres de Missionnaire

sources dans la mort d'un être vivant, on n'hésitait pas à torturer les espritspour acquérir des pouvoirs toujours plus puissants. Heureusement, lesnécromants étaient rares car ils s'entretuaient entre eux et leurs formationsd'apprentis se soldaient par une perte des trois quarts d'entre eux environ.Beaucoup d'appelés, très peu d'élus. Ce proverbe ne s'appliquait que tropbien à cette secte pratiquant le culte de Vina ; déesse du sang et dumorbide.- C'était une très bonne idée de foncer avec votre cheval surmes soldats. Le tout était très bien imaginé, un coup de maître en somme.Je crois qu'après avoir tué tous les chefs de cette vallée, je vais prendre cedestrier comme monture. J'avoue qu'il a fait forte impression sur moi.La colère montait en Aena, lui brûlant les entrailles. Elle aurait eutellement envie de la dépasser vivante, mais la situation n'était pas propiceà se genre de folie. La jeune femme était encerclée par les ennemis et setrouvait devant la plus puissante nécromancienne de l'empire ... quepouvait-elle faire ? Après tout, son destin était scellé, ce n'était pas uneminute de plus ou de moins qui allait changer quelque chose.- Je vous hais, cracha Aena.Daëlanor sourit ; un sourire sadique et répugnant, elle se jouait de la jeunefemme. Elle prenait juste un peu de plaisir à la voir se morfondre, sansaucune chance de survivre, pas même à armes égales. La reine lui réponditalors sur ce même ton suffisant :- Alors il paraît que la greluche qui occupait le poste demaîtresse d'Arcanna avait la langue bien pendue, je vois que cette rumeurest fondée. Votre poste doit être intéressant et bien rémunéré pas vrai ?Aena ne cilla pas mais arrêta de respirer. Ses doigts s'étaient contractésderrière son dos, ils la démangeaient de plus en plus. Daëlanor était entrain de s'amuser avec elle, elle testait sa résistance. Comment était-elle aucourant de tout ? Espions sans doute.- On devrait vous couper la langue, renchérit Aena sur un tonsec et tranchant.Daëlanor sourit encore plus, elle prenait son pied.- Je penserai à vous quand je serai à la tête de mon nouvelempire avec Sîhl comme roi.Aena sentait son front se perler de sueur :

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 24 229

Page 233: Aena, les terres de Missionnaire

- Je doute que le démon veuille bien vous seconder, il doitavoir d'autres projets.- Vous vous méprenez, son seul but et de tuer et d'asservir lespeuples. Moi je veux le pouvoir et la puissance, c'est exactement pareil. Enplus, je suis une reine magnifique et prête à tout pour le satisfaire, il nerefusera pas ; c'est impossible.Elle était tellement sûre d'elle la bougresse ! Mais elle n'avait pas pris unpoint en compte :- Et si vous ne lui plaisez pas ? S'il ne vous aime pas ?Daëlanor sembla porter attention à Aena, mais finalement, elle ne fitqu'hausser un sourcil :- Amour ? Cette chose stupide que les hommes ont inventépour se réconforter et qui n'existe pas ? Pff, vous êtes la caricature de lajeune ignorante que j'imaginais ! Ce n'est pas parce qu'un homme vouscouche sur un bureau qu'il y a de l'amour. Pauvre petite chose !Là, c'en fut trop ! Aena explosa :- Votre langue de vipère finira dans la boue avec vos soldats,je vais vous tuer de mes propres mains ! rugit Aena avant de sauter sur lafemme. C'est à ce moment qu'un homme jaillit de la mêlée, ses cheveux foncésétaient poisseux et il était fatigué. Il hurla :- Non, ne fais pas ça ! C'est tout ce qu'elle attend !Mais c'était trop tard, Aena était lancée en plein sur sa proie, les mainsouvertes sur la gorge de son ennemie. Elle n'atteignit jamais sa cible. Il avait suffi à Daëlanor de brandir samain, paume ouverte, vers Aena pour que la jeune femme soit aspirée versl'arrière et retombe lourdement au sol, recroquevillée comme un foetus.Elle souffrait, son dos avait craqué lors de l'atterrissage forcé. Aaron sedégagea des quelques Barbares qui essayaient de le retenir et s'accroupitdevant la jeune femme, il l'encouragea :- Ne t'inquiète pas, Arcanna est en route, on va la tuerensemble.Aena au son du prénom aimé battit des paupières. Elle devait se relever ;toute cette mascarade était le fruit de la nécromancienne. Elles ne lesutilisaient que pour son plaisir personnel. Si elle avait voulu leurs morts

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 24 230

Page 234: Aena, les terres de Missionnaire

précoces, elle aurait dit aux Barbares de les mettre en pièce, mais ils nebougeaient pas. Daëlanor le leur avait interdit. Aaron l'aida à se relever et toisa méchamment la reine qui souriait :- Je vous jure sur mon honneur que ce soir je pendrai votretête sur un pieu et que je la lancerai au milieu de la foule. Votre armée esten train de perdre.Daëlanor éclata de rire :- Vous n'avez encore rien compris ? Je me fiche de cettebataille ! L'empire Moonien ne m'intéresse pas ! Tout ce que je veux c'estSîhl ! Avec lui, j'aurai tout les pays que je désire sans vraiment combattre !Vingt-deux longues années que j'ai préparé mon coup d'état pour pouvoir.Croyez-vous vraiment que j'aurais commencé par le peuple le plusarchaïque des environs ? Non, j'aurais d'abord été chez les elfes noirs. Maisil m'était impossible de lever une armée à temps alors j'ai pris les voisinsde Missionnaire. J'aurai enfin le pouvoir de Sîhl ; il ne va plus tardermaintenant. Aussitôt dit, un Barbare hurla. Il tomba raide mort au sol, un énormetrou au milieu du crâne. C'était Arcanna qui venait de lui faire exploser lacervelle d'une simple pensée. Aena frémit, elle sentit la main d'Aarontrembler dans la sienne. Arcanna n'était plus Arcanna. Ses cheveux étaient entièrement noirs etses yeux autrefois bleus argentés scintillaient d'une lueur malsaine. Il neportait sur lui plus que son habituel pantalon de combat ; son torse muscléétait recouvert de tatouages tribaux. Derrière lui, deux ailes duveteusesterminées au bout par des serres crochues.- Sîhl, enfin ! roucoula Daëlanor.Le démon n'adressa aucun regard à Aaron et Aena, il alla vers Daëlanor.Aena aurait eu envie de hurler et de mordre. Non, c'était impossible,Arcanna ne pouvait être mort !- Arcanna ! hurla-t-elle désespéréeL'homme se retourna vers elle, son expression sembla changer. Aena eutune étrange impression, elle pressentait quelque chose. Son regard fut alorsaccroché par l'avant-bras d'Arcanna. La clef était encore là. Il avait encoreune chance ! Peut-être une partie de l'âme d'Arcanna luttait encore. Ilfallait y croire.

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 24 231

Page 235: Aena, les terres de Missionnaire

Aena ne pouvait plus tenir, voir un visage si semblable à son bien aimé,trop dur de le voir devant Daëlanor. Elle se jeta alors sur lui.- Arcanna je t'en supplie, bat-toi encore.L'homme chancela mais se rattrapa in extremis. De la sueur gouttait de sonfront et coulait le long de sa nuque, sa respiration était lente et laborieuse.Il sourit et prit Aena par la nuque, la soulevant et l'étouffant en mêmetemps. La jeune femme commença à se débattre. Mais ses yeux ... sesyeux. Au fond d'elle elle savait qu'il allait pas la tuer, elle le présentait, toutétait calculé ! Sans crier gare, Arcanna la lâcha et se retourna violemment. Il entailla leflan de Daëlanor d'un coup d'épée bien placé. La Nécromancienne ne s'yattendait pas, elle hurla quand elle découvrit son ventre ensanglanté. Lecombat venait de commencer. La nécromancienne évitait les coups d'Arcanna, elle se contentait d'endonner à Aena. La plupart du temps, ce n'était pas du combat au corps àcorps mais des projectiles magiques qui volaient. Aaron et Arcannaattaquaient très proche de la femme et Aena était un peu en retrait.Soudain, Daëlanor glaça la main d'Aaron, celle qui tenait son tranchoir. Lanécromancienne n'eut plus qu'à la faire exploser mentalement pour que samain ne finisse au sol en mille morceaux. Le maître hurla, il ne devait pas céder à la douleur, rester calme, garderson sang-froid et faire abstraction de la souffrance. Il s'en ferait repousserune dans quelques jours, c'était juste un mauvais moment à passer ! Levieux professeur, plus aussi agile que dans sa jeunesse revint à la charge,Daëlanor fut encore la plus forte et posa deux doigts sur son front. Tousses membres étaient raides et il ne pouvait même plus bouger la tête. Uneparalysie totale ! La femme en profita pour donner un coup de pied destructeur dans leventre du maître qui tomba sur le sol dur. Un concurrent était désormaishors-jeu. Plus que deux contre un ! La nécromancienne était tout sauf facile à battre. Elle avait encorepresque sa totale réserve de mana tandis qu'Aena et Arcanna étaient déjàexténués, ils avaient beaucoup combattu. Le Directeur évita une boule defeu puis créa un champs de force englobant Aena et lui. Il se retourna verselle et lui dit tristement :

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 24 232

Page 236: Aena, les terres de Missionnaire

- Aena, je ne tiendrais plus longtemps. Si jamais tu vois qu'ilreprend le contrôle, hurle, mord, tape moi. N'hésite pas, je dois retrouvermes esprits. Je suis en train d'utiliser mes dernières forces à combattre ledémon en moi. Embrasse-moi je t'en supplie.Les larmes montèrent. Aena réussit à éviter d'éclater en sanglots et se jetadans les bras de son amant. Leurs lèvres se touchèrent et partagèrent undernier baiser avant de se décoller. Ce moment n'avait duré qu'une petitefraction de seconde, bien trop peu à leurs yeux !- Je t'aime, murmura t-elle au bord du désespoir.- Moi aussi, lui répondit-il avant de lui caresser délicatementle front, tu es la plus belle chose qui me soit arrivée. Le champ de force éclata. Aena fit une roulade à droite, Arcanna àgauche. Daëlanor était prise entre deux fronts mais elle avait tout prévu.Aena eut une désagréable impression et hurla :- Arcanna, recule !Ses prémonitions ne l'avaient pas trompée, encore une fois. Arcanna avaitfeinté sur le côté. A leur place, des pics en métal étaient sortis de la terre.Daëlanor croyait avoir réussi, elle se trompait. Aena sauta sur elle etprofita de ce moment d'inattention, elle sortit sa dague et la lança sur lanécromancienne. Manque de chance, la lame ne fit quasiment pas de dégâts, juste uneoreille en moins ainsi qu'une bonne longueur de cheveux. Daëlanor ne criapas, elle posa juste une main sur ce qui avait été son oreille avant de ladécouvrir pleine de sang. Elle l'essuya négligemment sur sa robe et souritsadiquement aux deux personnes, elle avait encore des ressourcesinsoupçonnables.- Si j'étais vous, je ne crierais pas victoire si facilement,dit-elle.- Mais vous n'êtes pas nous ! cria Aena avant de fondre sur lafemme. Elle fut arrêtée en plein élan, rien ne semblait en être à l'origine.Daëlanor était en transe devant elle, droite comme un piquet, les yeuxfermés. Aena s'apprêtait à sortir une autre dague cachée sous son armure,mais sa main ne réussit pas à s'en emparer. Aucun de ses muscles ne luiobéissait et elle sentait sa volonté faiblir. Ses pensées étaient comme

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 24 233

Page 237: Aena, les terres de Missionnaire

déviées et elle se vidait au fil et à mesure que le temps passait. Aena n'avaitpas eu le temps de comprendre ce qu'il se passait que Daëlanor s'étaitintroduite dans son esprit. D'étranges souvenirs qui ne lui rappelaient rien l'envahissaientprogressivement, elle se sentait partir en plein brouillard. Elle ne se renditpas compte de ce qu'elle faisait et prit sa dague qu'elle retourna contre elle.Elle abattit la lame sur elle. Arcanna choisit ce moment pour se jeter surelle et lui tordit le bras, Daëlanor ne bougeait pas de sa place, occupée àcombattre dans la tête d'Aena. La douleur fut ce qui réveilla Aena ; Arcanna lui avait tordu le poignet.Elle cria avant de se débattre. L'homme dut la stabiliser en la frappant.L'emprise de la nécromancienne était étonnement puissante. Elle ne voulaitpas quitter l'esprit d'Aena. Arcanna savait qu'il devait l'aider, qu'il auraitété en mesure de le faire s'il n'avait pas d'autres problèmes avec sonsubconscient. Rien ne réussirait à faire totalement revenir Aena à elle si iln'essayait pas à son tour de rentrer dans son esprit pour faire barrière àDaëlanor. C'était très risqué, mais il n'avait pas le choix. Il ne pouvait pasnon plus tuer la nécromancienne maintenant car la partie qui était dansl'esprit d'Aena subsisterait et donc la jeune femme deviendrait comme lui ;luttant constamment contre une deuxième personne. Tans pis si Sîhlprofitait de ce moment pour reprendre le contrôle du corps ... Il était prêt àse sacrifier pour elle. L'homme entra en transe et pris part dans la bataille féroce et muette quiopposait Daëlanor à Aena. Il repoussa la nécromancienne mais à quelprix ? Aena ouvrit les yeux en vitesse et découvrit horrifié Arcanna àcalifourchon sur elle, ses mains sur sa gorge. Elle essaya d'hurler mais soncri ne franchit jamais sa gorge. Il serrait de plus en plus, ce n'était pas leDirecteur qui était sur elle, mais Sîhl. Aena ne pouvait pas lui parler, elle devait donc utiliser une autreméthode : taper. Elle se débattit follement à tel point que malgré sa carrureil eut du mal à la maîtriser, Aena était une Barbare robuste bien entraînée.Au moins, Aaron avait fait du bon travail ! Elle profita d'un momentd'inattention du démon qui lui tirait les cheveux pour donner un coup degenou entre les jambes. Le choc fut si soudain que le démon devint écarlate, il avait vraiment

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 24 234

Page 238: Aena, les terres de Missionnaire

mal prévu son affaire ! Arcanna grâce à cette diversion put reprendre soncoeur, il eut le droit en prime à avoir toute la douleur pour lui. Ce fut doncle souffle coupé qu'il lui dit :- Merci.Daëlanor profita de ce moment pour glisser son poignard sous la jugulairedu Directeur qui venait de se relever. Elle appuya le plus possible la lame.- Tu es fichu, arrête de lutter, Sîhl a déjà pris le dessus sur toi.Je ne te donne pas plus d'une minute !- J'arrêterai de lutter quand je serai mort Daëlanor !répliqua-t-il avant de donner un violent coup de tête en arrière.La nécromancienne fut un peu déstabilisée et Arcanna en profita pour seretourner et prendre la femme à son propre jeu ; maintenant, c'était lui quiétait en position de force. Les Barbares commencèrent à se douter que le combat n'était plus enfaveur de leur reine et s'avancèrent, épées en mains. Un grand champ deprotection apparut alors et encercla les combattants. Qui en était àl'origine ? Aaron sans doute qui commençait à retrouver ses pouvoirs dufait que la nécromancienne avait un peu réduit son emprise sur lui. Aena reprit son épée qui traînait par terre et visa Daëlanor ; luitranspercer le ventre ne serait pas de trop. Le seul problème étaitqu'Arcanna était trop près de la femme, il la tenait fermement dans sesbras, comme s'il l'enlaçait. Sa bouche était déformée par la souffrance. Onpouvait voir ses tatouages gonfler et se noircir progressivement. Sîhlreprenait l'ascendant, et cette fois-ci pour de bon ! Aena ne voulait serisquer à le blesser.- Aena, tue-nous ! hurla Arcanna à bout de forces.La jeune femme trembla. Quoi, il voulait qu'elle le tue ? Lui ? L'homme desa vie ! Jamais elle ne le pourrait ! C'était dur. Bien trop dur !- AENA ! TUE-NOUS.D'où elle était, la jeune femme pouvait voir Daëlanor sourire.- Elle n'osera pas, elle est bien trop faible ! s'exclamajoyeusement la nécromancienne qui attendait patiemment que Sîhl aittotalement pris possession du corps de son hôte. Arcanna gémissait, ses yeux étaient fermés et ses membres tremblaient deplus en plus. Le pire était sans doute les ailes qui sortaient dans son dos ;

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 24 235

Page 239: Aena, les terres de Missionnaire

leurs plumes noires symbole de mort et de deuil.- Aena, fait le pour Missionnaire, dit faiblement Arcannaavant de céder au démon.Les larmes avaient déjà coulé sur tout le visage de la jeune diplômée quiregardait avec horreur la scène, l'épée pointée vers eux.- Je ne peux pas ... je ne peux pas, répétait-elle.- Oh que si que tu le peux ! cria Aaron avant de la pousserviolemment vers le couple.Aena tomba lourdement sur les deux enlacés, les empalant avec son épée.La jeune femme avait exaucé le souhait d'Arcanna ; il était mort en faisantle suicide des amants, mais pas avec la femme qu'il espérait ...

Aena, les terres de Missionnaire

Chapitre 24 236

Page 240: Aena, les terres de Missionnaire

Epilogue

Epilogue

- Les enfants, il est l'heure de goûter ! cria Aena de la cuisine.Elle défit son tablier blanc et sortit de la petite pièce. La jeune trentenaireapporta ses deux gâteaux dans la salle à manger et les disposa sur la grandetable ronde qui prenait tout l'espace. Elle se prit une chaise et répondit à laquestion de Kasuni :- Ils ont été sages tout l'après-midi, aucune bagarre avec lesmiens.La rouquine acquiesça et demanda alors :- Pourquoi ne descendent-ils pas ?- Attends, je vais aller les chercher, lui répondit simplementTey avant de se lever et de disparaître dans le couloir.Angello, qui était resté silencieux auprès de son épouse, prit alors laparole :- Tu sais ma chérie, ce n'est pas bon de les couver comme tu lefais.Kasuni éclata de rire :- Tu es encore pire avec la petite dernière ! lui fit-elleremarquer.Aena sourit, Kasuni et Angello étaient des parents attentionnés, peut êtreun peu trop parfois. Qui aurait pu dire, dix ans auparavant, que cetterouquine énergique et hystérique deviendrait une mère calme etpossessive ? Maniaque du ménage qui plus est ! On entendit Tey hurler depuis le premier étage :- Yvanna, Katlyn, Néon ; vos parents sont arrivés ! Comme prévu, un troupeau d'éléphants dévala les escaliers et troistoisons rousses jaillirent dans la salle à manger, se jetant avidement sur lespart de galette. Kasuni embrassa ses enfants avant de laisser les tripléssortir jouer dans le jardin. Tey revint alors, tenant dans ses bras Angella, la

Epilogue 237

Page 241: Aena, les terres de Missionnaire

petite dernière du couple d'ami. Angello prit la rouquine et se rassit à saplace sous l'oeil attendri d'Aena. La fillette était si mignonne avec ses yeuxen amande et ses boucles rousses que la jeune femme ne pouvaits'empêcher de la regarder.- Où sont nos monstres à nous ? demanda t-elle alors.- Les jumeaux doivent traîner non loin et je viens de coucherAurore, c'était l'heure de sa sieste, lui répondit TeyAena se détendit. Depuis dix ans, la paix était revenue dans le pays, ellepouvait se consacrer entièrement à sa famille sans aucune crainte. Elleavait connu la pauvreté dans sa jeunesse et donnait maintenant tout ce quilui avait tant manqué pendant son enfance à ses enfants : une familleaimante, un foyer et de l'argent. Après la mort de Daëlanor, les Barbares s'étaient enfuits. Missionnaireles avaient tous rattrapés et tués. Désormais, les peuples du Nord sedisaient pacifistes et ne recherchaient plus à étendre leur territoire. Une grande fête avait eut lieu pour célébrer la victoire de Missionnaire,mais les réjouissances n'étaient que le beau côté de ce lendemain debataille. S'ensuivit une période sombre de deuil pour le château qui venaitde perdre beaucoup d'hommes ainsi que son cher Directeur aimé de tous.Les cendres d'Arcanna furent étalées sur la plage de Missionnaire, commele stipulait son testament. Aena à cette époque souffrait bien trop ; elle étaitrestée dans sa chambre à pleurer toute la journée. Ce ne fut qu'au bout deplusieurs heures qu'elle réussit à s'endormir, mouillée de larmes. Lelendemain, on lui avait apporté une bague ornée d'un diamant. Cette bagueaurait pu être banale si le diamant ne contenait pas lui-même un peu decendres du défunt Directeur. Depuis ce jour, Aena avait fait la paix avecson ancienne histoire d'amour, elle ne gardait que les bons moments,symbolisés par cette bague qui ne la quittait plus. Aaron à cette époque était tout désigné pour devenir le nouveaudirecteur du château, mais il s'y refusa. Il laissa Angello, qu'il considéraitcomme un fils, hériter du poste. Une nouvelle élite de professeurs seforma, dont faisait partie Kasuni et Michelle. Missionnaire connaissait sadeuxième génération. A peine six mois après la victoire contre Daëlanor, Angello avait pris lesrênes en mains et avait envoyé l'armée de la vallée combattre son ennemi

Aena, les terres de Missionnaire

Epilogue 238

Page 242: Aena, les terres de Missionnaire

de toujours ; Messire Quarl. Jamais bataille ne fut aussi rapide. Lesrumeurs racontèrent que l'empereur, sachant l'armée adverse assiégeant sonpalais se serait donné la mort ainsi qu'à toute sa famille. Les quelquessoldats qui lui restaient changèrent très vite de camp car au fond, personnen'aimait la politique laxiste de l'empereur. Aena ne sut jamais si la batailleavait vraiment été aussi rapide et facile car elle était restée au château. Ellevenait de se marier avec Tey et vivait les derniers mois de sa grossesse. Angello instaura alors une république parlementaire avec l'aide d'Aaron.Ensemble, ils relancèrent l'économie du pays et attendirent patiemmentdeux années le temps que de nouveaux politiciens et philosophes fassentleur apparition. Le pays se reconstruisit tranquillement. Depuis, Aaron avait pris sa retraite. Angello, lui qui ne supportait pas lepouvoir et les bureaux confinés, était revenu au château, laissant avec joiesa place à l'actuel président du conseil. Le nouveau Directeur avait fait deMissionnaire la première école de magie de l'empire, et la plus renommée.Un peu partout, aux quatre coins de Moona, on bâtit des châteauxidentiques, servant à former la nouvelle armée libre de la républiqueMoonienne ; une première en sorte. Dix ans déjà que le pays était entré dans un âge d'or, nageant dans unepaix royale. Peu de chômage et de pauvreté ; des nouvelles lois socialesvotées chaque semaine et surtout, une stabilité constante du prix desmatières première. Plus d'anarchisme et de terreur ! On pouvait enfin direque la vie était un long fleuve tranquille.- Attention, ils reviennent ! prévinrent Kasuni, Angello et Teyen entendant un ramdam effroyable venir du corridor.Aena arrêta de rêver, elle se trouvait dans sa maison, en compagnie de sesmeilleurs amis. Il était quatre heures de l'après-midi et les enfants jouaientbruyamment dehors. Les triplés de Kasuni surgirent dans la pièce, talonnés de près par lesjumeaux d'Aena. Maël et Raziel ressemblaient beaucoup à leur père. Leurstignasses châtaigne et ébouriffées étaient distinctives de Tey. Leurs yeuxpar contre, partagés entre vert et ambre, ne pouvait venir que d'elle. Lesenfants prirent chacun un second morceau de gâteau et disparurent encoreune fois, s'amusant à « qui va le plus vite au grenier en hurlant le pluspossible ».

Aena, les terres de Missionnaire

Epilogue 239

Page 243: Aena, les terres de Missionnaire

Aena se massa les tempes ; à chaque fois que Kasuni ramenait ses‘monstres' comme elle se plaisait à les appeler, la maison se transformaiten un chaos bruyant. D'un côté, réunir huit enfants dans le même endroitétait rarement une expérience calme.- Qui veut encore du thé ? proposa Tey en secouant labouilloire.- Moi ! répondit Kasuni en tendant sa tendant sa tasse. Soudain, une petite voix se fit entendre : l 'aîné d'Aena était àl'encadrement de la porte.- Je peux aussi en avoir ? demanda timidement le garçonnet. Aena sourit et le servit elle-même. Xero était le fils le plus différent desautres ; il était plutôt calme et réservé, solitaire même. Lorsque ses frèress'amusaient à grimper aux arbres, lui s'asseyait dans l'herbe et regardait lesnuages ; il passait également beaucoup de son temps dans des livres, ceque ses jeunes frères avaient parfois du mal à comprendre. Aena ne ledisait pas, mais elle le préférait aux autres, il dégageait une façon d'être quil'avait toujours fascinée, reconnaissable entre mille. L'enfant regarda alors sa mère de ses yeux bleus et l'enlaça tendrement.La jeune femme baisa tendrement le front de son fils et ébouriffa sescheveux blancs et hirsute, il la faisait souvent rire avec ses allures deporc-épic.- Va jouer tranquillement avec les autres, lui dit-elle avant delui donner un bout de gâteau.Xero quitta la pièce en trottinant, sans faire le moindre bruit. Il monta lesescaliers et disparut dans la bibliothèque. Kasuni prit alors la parole quand elle fut sûre qu'il était partit :- Dès que je vois ton aîné, je me demande toujours d'où il peuttenir ce caractère et ces cheveux blancs. La nature est quand même étrangepas vrai ?Aena et Tey se regardèrent avant d'ajouter en même temps :- Oui, c'est sûr !

Aena, les terres de Missionnaire

Epilogue 240