Aes 500 2 Modalisateurs Connecteurs Et Autres Formules Enonciatives

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    Arts et Savoirs2 (2012)Les thories de l'nonciation : Benveniste aprs un demi-sicle

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    Laurent Perrin

    Modalisateurs, connecteurs, et autres

    formules nonciatives

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    Rfrence lectronique

    Laurent Perrin, Modalisateurs, connecteurs, et autres formules nonciatives ,Arts et Savoirs

    [En ligne], 2 | 2012,mis en ligne le 15 juillet 2012, consult le 12 juin 2016. URL : http://aes.revues.org/500

    diteur : LISAA (Littratures Savoirs et Arts)http://aes.revues.orghttp://www.revues.org

    Document accessible en ligne sur :http://aes.revues.org/500Document gnr automatiquement le 12 juin 2016.Centre de recherche LISAA (Littratures SAvoirs et Arts)

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    Laurent Perrin

    Modalisateurs, connecteurs, et autresformules nonciatives

    1 Lobjectif de cette tude est dordre thorique gnral. Il concerne aussi bien les verbes dits parenthtiques (certains verbes de parole, dopinion ou de perception dans certains deleurs emplois), que les adverbes ou adverbiaux dnonciation , jusquaux interjections,formules nonciatives,connecteurs et autres marqueursdiscursifs. Relgus la marge desthories grammaticales, chappant plus ou moins gravement aux proprits des catgoriesdont ils relvent la base (sous un angle morphosyntaxique et diachronique), ces lmentsreprsentent un dfi gnral qui mrite dtre pris au srieux. Il sagit de dterminer silspeuvent finalement tre lobjet dune grammaire de la rection micro-syntaxique et ds lorstre assimils des sortes dadverbes, ou si en revanche ces lments relvent dun autreniveau de relation, smantico-pragmatique, qui ne serait nullement rectionel et propositionnel,ni mme de nature symbolique (sous un angle smiotique). Reste videmment dans ce cas prciser en quoi et comment certaines expressions linguistiques pourraient ne pas tre de nature

    symbolique, ne pas tre soumises des contraintes de rection grammaticale et de reprsentationconceptuelle ou propositionnelle. Est-ce une qute plus dsespre que de vouloir soumettretoute la smantique lordre du symbolique ? Rien nest moins sr.

    2 Bien quaventureuse de prime abord, et toujours iconoclaste pour certains sans doute,cette option sera pourtant adopte rsolument dans cette tude, sous linfluence en cela dediffrentes hypothses formules tout de mme de longtemps par Bally (1932), Benveniste(1966), et ensuite notamment par Culioli (1978), Milner (1978) ou Banfield (1982), ou encore sa faon par Ducrot (1984), dont certaines observations se retrouvent aujourdhui sousdiverses formes chez Nlke (1994), Anscombre (2009), Kronning (2009), et finalement unpeu partout, dans diffrents travaux rcents sur lun ou lautre aspect formel de lnonciation.Ces recherches diverses ont vocation dmontrer que les expressions nonciatives partagent

    certaines proprits syntaxico-smantiques, qui les opposent en bloc aux catgories lexico-grammaticales traditionnelles, associes aux contraintes de rection (au plan syntaxique) etde dnotation (au plan smantique) en quoi consiste leur fonction symbolique (dite aussiconceptuelle ou propositionnelle, selon les approches ou les terminologies).

    3 Les expressions nonciatives appartiennent une mme catgorie fonctionnelle, trangre etirrductible, transversale en quelque sorte, relativement aux catgories et fonctions associes la construction de phrases et en particulier lexpression de propositions en linguistique.Au plan syntaxique, ces expressions peuvent tre plus ou moins extraites des phrases ouclauses dont elles relvent, dtaches de lexpression de propositions dont elles ne rgissent(ou ne sont rgies par) aucun lment, mais dont elles modalisent la prise en chargenonciative (Combettes 2006). Au plan smantique, elles ne consistent pas dcrire, mais

    montrer conventionnellement telle ou telle proprit de lnonciation dune clause ou priodediscursive dont elles relvent (i.e. de leur propre nonciation, et de celle de la propositionquelles modalisent).

    4 Sous un angle smiotique, ce qui est nonciatif nest pas symbolique, mais indiciel ; lesexpressions nonciatives ne sont pas des symboles(au sens peircien) consistant dnommercequi est cens exister par ailleurs (le monde auquel les expressions rfrent, quelles dcriventau plan propositionnel), mais des indices (ou symptmes) consistant montrer, cest--dire attester conventionnellement, en vertu de leur prsence matrielle dans le discours,ce qui est avr contextuellement par lnonciation de la phrase1. Ces expressions rsultentdun processus de figement diachronique aboutissant au codage linguistique de la valeurpragmatique indicielle associe lnonciation dune forme souvent symbolique lorigine.Au terme de cette drivation, qui correspond une sorte de grammaticalisation (Traugott 1991,Combettes & Marchello-Nizia 2003) ou de pragmaticalisation (Perret 1995), lexpressiona perdu sa force de rection et sa valeur descriptive, en vue dinstruire linguistiquement

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    sa valeur pragmatique. Plutt qu la formation de nouveaux lexmes, le figement aboutitalors diverses formes de lexicalisation formulaire, cest--dire de grammaticalisation pardlexicalisationde lexpression (Perrin 2011). Seules les formules nonciatives parachventleur drivation en se grammaticalisant sous la forme dune catgorie spciale, purementindicielle, cest--dire la fois dtache syntaxiquement, et descriptivement affaiblieou dfunte. Cest le propre justement des interjections et autres formules nonciatives,modalisateurs, connecteurs, au terme de leur drivation diachronique, que dacqurir ce

    complet dtachement syntaxico-smantique qui les caractrise.5 Lobjectif de cette tude sera de dmontrer que lensemble des expressions nonciatives,

    quelle que soit leur catgorie lexico-grammaticale originelle, correspond une mme sortedexpressions linguistiques larrive, gnralement ignore des grammairiens, dont lafonction indicielle est de coder les oprations pragmatiques susceptibles dtre effectuesdans le discours. Ces oprations seront analyses sous langle de deux principales distinctionssegmentales au plan discursif, qui correspondent deux niveaux dopposition smantiqueentre formules nonciatives. La premire opposition, entre modalisateur de proposition simpleet connecteur, a souvent t tudie sous langle de ce qui oppose les plans nonciatif etrespectivement textuel lintrieur du sens (chez Combettes 2006, par exemple) ; ce qui a traitdun ct la subjectivit du locuteur ou nonciateur dans lacte dnonciation, et ce qui a trait

    dun autre ct aux relations discursives entre diffrents actes lintrieur dinterventions (ausens Roulet 1985) ou priodes discursives complexes (macro-syntaxiques, selon Berrendonner2002). Quant la seconde opposition, elle repose sur ce qui spare le niveau monologiquedune part, relatif la construction des interventions ou priodes dont il vient dtre question,et le niveau dialogique dautre part, qui concerne la construction des changes (selon Roulet),et corrlativement les formules modales que nous dirons prcisment dialogiqueset parfoispolyphoniques(par opposition aux simples modalisateurs ou connecteurs). Nous observeronsque ces oppositions permettent de rendre compte aussi bien du sens des interjections (abordesau point 2.1), que de celui des adverbes dits dnonciation (en 2.2), et finalement desmodalisateurs centrs sur un emploi parenthtique du verbe dire(ou autre verbe de parole oudattitude) (au point 3).

    Interjections et adverbes dnonciation

    6 Le cas le plus rvlateur, parmi les faits qui vont nous intresser au premier abord assezinsolite dans le jardin bien ordonn des catgories lexico-grammaticales tient peut-tre ce qui caractrise les interjections dites onomatopiques , ou primaires (Kleiber 2006)comme oh !, ah !, ouf !, bof ! beurk !, qui sont dailleurs de longtemps le laiss pour compte, leparent pauvre des analyses grammaticales et autres approches smantiques2. La contributionsmantique de ah !dans le passage ci-dessous, par exemple, nintresse pas les grammairienscar elle ne concerne en rien, de prs ou de loin, y compris diachroniquement, la fonctionsymbolique du langage, les proprits syntaxico-smantiques qui sy rapportent :

    (1) Ah !Lenvie de sen aller !Pour dormir ! Dabord ! (Cline, Voyage au bout de la nuit, p. 33)3

    7 Les interjections onomatopiques ont souvent t assimiles des sortes de cris, cest--diredes indices que lon pourrait dire naturels ou contextuels de telle ou telle motion dusujet parlant (Tesnire 1936, 1959). La difficult tient au fait que les interjections ne sont pasde simples cris, mais des cris pour partie cods. Les interjections onomatopiques sont issuesdiachroniquement dun cri dont la force indicielle sest progressivement grammaticalise. Ladiffrence entre le cri comme indice contextuel dune motion et linterjection comme indiceconventionnel est graduelle4. Ces observations ne seraient pas trop problmatiques, comptetenu de la nature trs particulire et en apparence marginale, parmi les formes linguistiques,des interjections onomatopiques, si elles ne sappliquaient galement de nombreusesexpressions dont le lien au cri semble en apparence moins vident.

    8 Ainsi les interjections dites drives comme chic !, hlas !, allons !, voyons !, merde !,toutcomme de nombreux adverbiaux ou locutions adverbiales comme enfin, tant mieuxdans lepassage ci-dessous, sont galement assimilables des indices ou symptmes conventionnels

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    de telle ou telle motion ou attitude du locuteur qui les nonce, des effets pragmatiques quien dcoulent :

    (2) Ouf ! Cest enfintermin. La premire tape de protection contre le tabagisme passif est enplace.Tant mieux,nen parlons plus ! La dferlante mdiatique, lassaut des hyginistes et le harodes anti-fumeurs vont enfinsarrter []. (Libration, 2 fvrier 2007)

    9 Or ces expressions ne sont plus issues cette fois dune motion associe un cri, mais delnonciation dune clause centre sur une expression symbolique la base. Les interjectionsdrives ne drivent pas dun cri, mais dune routine interprtative associe lnonciationdune forme symbolique au dpart, en tant quindice contextuel de telle ou telle motion.Chic !, par exemple, nest autre que le produit dune routine ayant consist dabord direque quelque chose estchicen un sens symbolique, en vue de manifester symptomatiquementsa joie.Enfinrsulte dune routine associe lacte consistant manifester son soulagementdtre arriv la fin dune tche, de voir la fin dune preuve ou dun effort. Tant mieuxdune routine associe une comparaison en faveur du mieux (on sattendait pire et on estdonc soulag). Tant pisdune routine associe une comparaison en faveur du pire. Et demme les jurons, insultes et autres blasphmes sont issus de routines associes lnonciationdexpressions symboliques censures par lducation, le respect, le sacr5. Et ainsi de suitepour lensemble des expressions valeur dindice ou symptme conventionnel, qui ne sont

    autres que le rsultat de routines interprtatives initialement fondes sur la force de symptmeattribue contextuellement lnonciation de diverses formulations symboliques.

    10 larrive de la drivation, les infrences contextuelles associes symptomatiquement lnonciation de formulations symboliques nont plus lieu dtre et mme ne sont plusapplicables, car les expressions en question sont devenues des indices conventionnels de telleou telle motion ou attitude du locuteur qui les nonce, parfaitement dtaches de leur forcesymbolique originelle et des infrences qui sy rapportent. Chic !est ainsi devenu un indiceconventionnel de la joie de celui qui lnonce, tout fait dtach des infrences susceptiblesdtre associes lnonciation de lexpression symbolique, dsormais homonyme, associe la notion de chic. Enfin est lindice conventionnel dun soulagement succdant uneimpatience du locuteur, pour ainsi dire aujourdhui sans rapport une quelconque infrence

    associe lide de fin. Pas davantage que ouf na aujourdhui de lien aux infrencesassocies la prise en compte dun soupir de soulagement. Lnonciation nest plus ds lorsexclusivement un vnement de la ralit extralinguistique, mais bien une forme de virtualitinstruite linguistiquement.

    11 La plupart des interjections relvent dun ensemble ouvert de formules nonciatives dont lafonction indicielle est la base de modaliser lnonciation dune proposition (le cas chantdune proposition sous-entendue, cest--dire infre contextuellement)6. Les interjections etautres formules nonciatives comme oh !, ah !, ouf !, hlas !, chic !, merde !ne contribuent lexpression daucune proposition. Elles sont intgres une clause, mais dtaches ducontenu que cette dernire exprime symboliquement, dont elles nont pour fonction que dequalifier symptomatiquement le haut degr de prise en charge motive ou subjective par

    le locuteur. Les interjections montrent le haut degr dmotion du locuteur, relativement lnonciation dune proposition ou la prise en charge dun contenu implicite. Ce faisantles formules attribuent aux phrases (ou clauses) dont elles relvent, la valeur de priodesdiscursives part entire. En (1) par exemple, ah !modalise lnonciation du contenu de lasquence lenvie de sen aller comme consistant manifester le haut degr denvie queressent le locuteur, en tant que responsable de lnonciation de la priode ainsi forme. Lelocuteur ne dit pas lampleur de son besoin de prendre le large en (1) ; il la montre. Tout commeil ne dit pas, mais montre son soulagement en (2). Ces effets interjectifs de haut degr motif,qui agissent hyperboliquement sur le contenu de la proposition modalie, ne correspondent enfait qu une certaine sorte de formules nonciatives, dont relvent la plupart des interjectionsdans certains de leurs emplois.

    12 La force illocutoire attribue une nonciation, lorsquelle nest pas dnomme ou infrecontextuellement, repose galement sur la fonction indicielle de formules modales (ou quasi-

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    performatives) comme oui, non, voyons, svp, merci, relatives elles aussi lnonciationdun contenu propositionnel. Les marques nonciatives indicielles servent qualifiersymptomatiquement les motions et, comme nous allons le voir, les oprations nonciatives dulocuteur qui les nonce, la fonction pragmatique associe lnonciation du contenu quellesmodalisent.

    13 Outre leur rle de modalisateur que nous dirons simple associ la force nonciative duneclause simple en tant que priode discursive part entire, asynaptique selon un terme

    de Berrendonner (2002, 28) il faut relever quun grand nombre de formules nonciatives,y compris certaines interjections motives comme oh !, ah !, jouent parfois aussi un rlede connecteur, plutt que de simple modalisateur. Cest la premire opposition annonceen prambule, dont il sera question tout au long de cette tude. Certaines formules (oucertains emplois particuliers de certaines formules) tablissent un lien entre lnonciation de laproposition quelles modalisent et une nonciation ultrieure ou pralable, lintrieur dunepriode complexe, compose de plusieurs clauses successives. Linterjection modalise alorslnonciation dun contenu comme un antcdent ou un enchanement conclusif ou justificatif,par exemple, ou encore comme une opration de reformulation, de prcision ou de rfectionde ce qui prcde7. Dans les exemples ci-dessous, les interjections oh !et ah ! qualifient ce quiest exprim dans la proposition modalise comme une rfection des effets de ce qui prcde :

    (3) Pour parler franc, l entre nous, je finis encore plus mal que jai commenc Oh !jai pastrs bien commencJe suis n, je le rpte, Courbevoie, Seine [] (Cline,Dun Chteau lautre, p. 9)

    (4)Pour linstant hein en tout cas on souhaite continuer faire de laction. Ah ! on fait pas quea hein [] mais on souhaite maintenir ce type daction parce que []. (corpus AIEM Borny,formatrice)

    14 Dans lincipit deDun Chteau lautreen (3), linterjection oh !joue un rle de connecteur,plutt que de simple modalisateur. Oh !modalise lnonciation de la proposition Jai pas trsbien commenc comme une forme de rvision de la proposition nonce pralablement ( Jefinis encore plus mal que jai commenc ), de certains sous-entendus qui sy rapportent. En(4), interview dune assistante sociale dcrivant son activit dans la rinsertion professionnelle,

    linterjection ah ! joue un rle analogue. Ah !ne qualifie pas ici un haut degr dmotionde la locutrice ; ni la peur comme dans Ah !Quelle horreur. Au secours ! , ni le dpitcomme dans Ah !l l ! Ne men parlez pas , ni une prise en compte (prise de conscience)soudaine comme dans Ah !oui, cest a, vous avez raison .Ah !est alors moins motionnelquoprationnel. Il qualifie la valeur de rfection de la clause dont il relve ( Ah !on fait pasque a ) relativement ce qui a t dit prcdemment ( On souhaite continuer faire delaction ). Quelles que soient les nuances de sens entre oh !et ah !dans ces deux derniersexemples, leurs effets motifs reposent alors essentiellement sur leur fonction connective derfection de ce qui prcde8.

    15 De faon gnrale, les formules nonciatives sont souvent polyvalentes entre diffrentesvaleurs, notamment entre valeur exclamative ou motive simple et valeur de connexion

    textuelle ou de liaison discursive. Nombreuses en effet sont les formules comme oh !, ah !,enfin, quoi, quand mme, susceptibles de recevoir soit une valeur dexclamation motive(dtonnement, de soulagement, de protestation ou autres), soit celle dun connecteur oumarqueur de structuration discursive.

    16 La force indicielle des formules nonciatives marque aussi par ailleurs une nette oppositionentre ces fonctions pragmatiques vise monologique dune part (qui mettent en jeu desrelations du rang de l intervention , au sens de Roulet & al. (1985), et nimpliquentpas dautres instances nonciatives que le locuteur), et dautre part certaines fonctionspragmatiques vise dialogique (qui concernent le destinataire et la structure dun change ,toujours au sens de Roulet & al.). On observe notamment que les formules fonctiondialogique sont souvent en outre polyphoniques, dans le sens o elles impliquent diversessortes de reformulation, dcho une nonciation ou au point de vue du destinataire. On toucheici la seconde opposition dont il a t question en prambule.

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    17 En (4) par exemple, les heinmarquent un lien dialogique de lnonciation de la priode son environnement discursif. Le rle de heinnest ni purement motif comme pour dautresinterjections, ni de simple structuration monologique comme le ah !dans ce passage. Deuxsortes de hein (ou demplois de hein) semblent pouvoir tre sommairement dgags dansles grandes lignes. Proche de pas vrai ?, nest-ce pas ?, le premier hein est une formulehyperbolique consistant solliciter une apprciation positive du destinataire, lui faireentriner limportance, la validit ou vrit de ce qui est exprim dans la proposition modalise.

    Cest le cas en (4), dont les heinprennent le destinataire tmoin de la valeur de ce qui estexprim dans les squences pour linstant,et ensuite on fait pas que a. Quant ausecond hein, assorti dune prosodie interrogative, il se rapproche dequoi ?, comment dites-vous ? pardon ?, plait-il ? ou de vraiment ?,pour de vrai ?(plutt que de nest-ce pas). Cesecondheinconsiste modaliser une proposition, souvent implicite, identifie exclusivementau point de vue du destinataire, que le locuteur na mme pas entendue ou comprise, ouquil juge impossible croire, en vue de lui demander confirmation de ce quil vient de dire.Heinfonctionne alors comme une formule de demande de confirmation impliquant une formedallusion polyphonique au point de vue du destinataire.

    18 Plus clairement encore, certains emplois de ah ! comme formule de reprise sont galementdialogiques et polyphoniques. Je renvoie ce sujet pour ceux qui se souviennent de

    leur lecture des albums de Tintin la colre du professeur Tournesol, ayant retrouvtemporairement lusage de loue grce un appareil auditif, lorsquil reprend scandalis lespropos du Capitaine Hadock dans Objectif lune: Ah ! je fais le zouave !9. Malgr la fureurde Tournesol, nul ne comprend ce ah !comme un cri de colre consistant modaliser une priseen charge, par le locuteur, de la proposition Je fais le zouave (autrement dit revendiquerfurieusement son intention de faire le zouave).Ah !consiste ici modaliser une simple priseen compte agrmente dun rejet, par Tournesol, de la limprudente accusation de Hadock.Ahbon, par exemple, sert exclusivement modaliser une proposition comme une reformulationde prise en compte la base, assortie de diverses formes de sarcasme ou mme dironie danscertains cas ; il a pour fonction de marquer que le locuteur reformule, par cette proposition,le point de vue de son interlocuteur.

    19 Nous reviendrons plus bas sur dautres sortes de formules nonciatives la fois dialogiques(au sens de Roulet & al. 1985), qui marquent une relation inter-interventions lintrieurdun change, etpolyphoniques, qui modalisent une proposition comme la reformulation dunpoint de vue cens avoir t nonc pralablement, cens du moins reprsenter un pointde vue dautrui, dun certain destinataire. La formule peut alors marquer soit une simpleprise en compte de ce point de vue par le locuteur, soit diverses formes dassentiment, deconfirmation, de concession, mais aussi de rfutation, de sarcasme ou mme dironie dulocuteur. Les formules dialogiques polyphoniques concernent la relation que prtend tablirle locuteur, son degr de prise en compte ou dengagement, de prise en charge, ou au contrairede dsengagement, de refus dun contenu associ un point de vue dautrui.

    20 Lobjectif de cette contribution sera finalement de prciser, partir de diffrents exemples nonseulement dinterjections, mais dadverbes dnonciation, et ensuite de verbes parenthtiques,

    les proprits nonciatives indicielles susceptibles dtre associes aux expressions, quellesque soient leurs proprits morpho-syntaxiques la base.

    21 Outre les interjections, lensemble des modalisateurs de proposition, adverbes dnonciationet autres connecteurs possdent une force indicielle et diverses fonctions pragmatiquesanalogues. Ainsi les adverbes dnonciation comme sincrement, franchement, heureusement,naturellement, apparemment, vraiment, srement, et autres syntagmes adverbiaux commeentre nous, en un mot, au fond, au fait, en fait, mon avis, en vrit, peut-tre, sont

    eux aussi des formules indicielles plus ou moins grammaticalises10. Au plan syntaxique,les adverbes ou adverbiaux dnonciation (tout comme les interjections) sont en positiondtache (gnralement antposs ou postposs, ou encore en incise), relativement uneproposition modalise. Ils se distinguent en cela des adverbes de manire (ou de constituant)

    comme joyeusement, aimablement, gentiment, svrement, amrement, en secret, entre toiet moi, qui sont forcment intgrs une proposition. On peut dire Heureusement, Paul

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    a russi ses examens , mais pas * Joyeusement (au sens de Je te le dis joyeusement)Paul a russi ; On peut dire Entre nous(ou En confidence), Paul a russi , mais bienplus difficilement Entre toi et moi(*En secret), Paul a russi . Au plan smantique, onpeut observer que les adverbes dnonciation, comme les interjections drives, sont plus oumoins affaiblis descriptivement (conceptuellement). Au terme de leur drivation diachronique,les adverbes dnonciation deviennent de pures formules nonciatives, dpourvues desens descriptif symbolique. Un adverbe comme naturellement, employ comme adverbe

    dnonciation, montre lassentiment du locuteur, mais ne dcrit plus la naturalit associe la morphologie de ladverbe de manire. Naturellement,Paul a russi ne dit pas que larussite de Paul est naturelle. En (5) ladverbe marque lassentiment, mais ne dcrit pas lanaturalit comme en (6). Il est employ comme adverbe dnonciation en (5), mais pas en (6),o il a le rle dun adverbe de manire :

    (5) Les auteurs nhsitent pas mettre en cause un lobby, lAmerican Israel Public AffairsCommettee (AIPAC), qui est associ aux vanglistes chrtiens comme Tom Delay, Jerry Falwell,Pat Robertson, et aux noconservateurs Paul Wolfowitz, Richard Perle, Bernard Lewis et WilliamKristol.Naturellement, devant une mise en question qui pourrait faire scandale, les hommes quiviennent dtre cits ne sont pas rests inactifs. (JD,Le Nouvel Observateur, 22 juin 2006)

    (6) Cest donc tout naturellementque jai dcid de lui apporter mon vote et mon soutien. (Jacques

    Chirac, campagne prsidentielle de 2007)22 Et de mme, les adverbes pistmiques comme certainement, srement, vraiment,

    vritablementmontrent la croyance, mais ne dcrivent plus la certitude ou autre propritconceptuelle, contrairement aux adverbes de manire dont ils sont issus. On pourrait en direautant dun adverbe comme apparemment, relativement sa valeur de perception visuelle en

    ancien franais (proche de visiblementcomme adverbe de manire)11.23 On retrouve, parmi les adverbes dnonciation, les mmes distinctions fonctionnelles quentre

    les interjections. Tout comme ces dernires en effet, selon notre premier facteur doppositionsmantico-pragmatique, les adverbes dnonciation se partagent entre des marqueurs motifscomme franchement, sincrement, heureusement, apparemment, peut-tre, et des connecteurscomme dcidment, finalement, justement, prcisment, en somme. Les premiers modalisent

    lnonciation dune phrase en tant que priode, la prise en charge dune proposition par lelocuteur, le haut degr dmotion qui sy rapporte. Entre la fonction motive des interjectionscomme oh, ah, ouf, hlas, chic, et celle dadverbes dnonciation comme franchement,sincrement, heureusement, apparemment, les nuances de sens se recoupent. Dans le passageci-dessous, par exemple, ah ! pourrait tre substitu sincrement sans perturbation smantico-pragmatique majeure :

    (7) Donc cette question-l nest pas rsolue, la question du chmage nest pas rsolue , les cinqmille milliards quannonce Gordon Brown, cest quand mme Sincrement, cest pas trs trshonnte !(France Inter,Ldito co, 1 avril 2009, Corpus14, Nathalie Gerber)

    24 Quel que soit ce qui les distingue dun cas lautre (entre subjectivit exclamative,apprciative, pistmique, ou autre), les adverbes comme les interjections sont alors des

    indices consistant coder lintensit dune forme dmotion ou attitude du locuteur, relative la prise en charge dun point de vue exprim dans la proposition modalise. Lmotion est iciau premier plan indiciel, comme arrache malgr lui au locuteur par la situation. Rien de tel ence qui concerne le second groupe dadverbes, comme dcidment,finalement,justement, oulors de certains emplois de formules comme oh, ah, enfin, en tant que connecteurs (exemples(3) et (4)). Non que lmotion, la subjectivit du locuteur disparaissent subitement, mais ellestiennent ds lors indirectement la force de connecteur de la formule. En (8) et (9), lemploi dedcidmentprsente le contenu modalis comme une forme de confirmation conclusive auto-initie, fonde sur un argument pralable supplmentaire :

    (8) Impossible, dcidment, de se dtourner du Proche-Orient. (Jean Daniel, Le NouvelObservateur, 1-4 fvrier 2009)

    (9) Tout ce qui est intressant se passe dans lombre, dcidment.On ne sait rien de la vritablehistoire des hommes. (Cline,Le voyage au bout de la nuit, p. 72)

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    25 La confirmation conclusive que manifeste dcidmentest une forme de conscution diffrentede ce quindiqueraitfinalement, en lieu et place de dcidmenten (8) ou (9) ou ailleurs, quimarquerait une sorte de rvision conclusive. Dcidment implique ainsi indirectement unesubjectivit empreinte de fatalisme, relative lopration de confirmation conclusive quilinstaure12. Il soppose en cela finalementqui marquerait une rorientation conclusive et doncune forme de remords ou du moins de remise en cause des croyances du locuteur, ou encore justement ouprcismentqui impliqueraient en ce qui les concerne une forme de concidence

    dorientation entre plusieurs arguments et donc une attitude plus ludique, de la part du locuteur.26 Quant notre seconde opposition, elle tient au fait que les formules nonciatives peuvent

    aussi servir marquer une relation qui est la fois dialogique(relative un change) et danscertains cas polyphonique lgard de la proposition modalise, lorsque cette dernire estprsente comme une reformulation de ce que vient de dire ou de ce que pense le destinataire.Tout comme certains hein ouah, ah bon(abords en 2.1.3.), ou encore comme oui, certes,les adverbes comme naturellement, parfaitement ou effectivement, en effet impliquent uneforme de reprise ou du moins de rappel, si ce nest de reformulation htro-initie, tout fait exclue par sincrementet que nimpliquent en rien les adverbes comme heureusement,dcidmentou finalement. La substitution de naturellement dcidmenten (8) et (9) cesujet est loquente. Contrairement dcidmentqui marque un effet de confirmation auto-

    initie, y compris lorsquil est contextuellement avr que le locuteur enchane et reformule lecontenu dune intervention de son interlocuteur, naturellementmarque un effet de reprise parle locuteur du point de vue dautrui, un effet polyphonique externe (au sens de Nolke 2006),y compris lorsque linterlocuteur ne partage pas rellement le point de vue qui lui est imput.Entre naturellement,parfaitementou effectivementdune part, et sincrement, heureusement,dcidment ou finalement de lautre, certains adverbes comme certainement, videmment,prcisment, assurment semblent polyvalents (ou indtermins) ; ils marquent tantt uneffet de reprise polyphonique htro-initie, tantt une simple opration de modalisationou de conscution, de reformulation auto-initie de la part du locuteur. Parmi les adverbesdnonciation que nous appellerons dsormaispolyphoniques, diverses sous-classes peuventtre videmment distingues, entre marqueurs de simple prise en compte, de confirmation,

    concession, et mme de rfutation, de sarcasme ou dironie dans certains cas plus spcialiss.27 Les adverbes comme naturellement, parfaitement, effectivement, absolumentinstaurent unerelation dialogique de lordre de lassentiment ou de la confirmation, de laccord lgarddautrui.Ces adverbes modalisent diverses formes de prise en charge du point de vue dautruipar le locuteur, qui vont de la concession (qui est une forme dengagement relatif, limit parle renversement argumentatif qui sy adosse gnralement) la surenchre confirmative dulocuteur. Cette relation soppose dune part aux simples prises en compte, par le locuteur, dupoint de vue dautrui, et dautre part aux formes de rfutation que marquent certains adverbescomme franchement, vraiment, vritablement, en vrit13. En (10) et (11), par exemple,vraimentet franchement(en mme tant que non, quest-ce quon) marquent une forme derfutation par le locuteur de ce qui est exprim dans la proposition modalise :

    (10) Fut-il vraimentcet homme de guerre converti sur le tard la paix ?Ariel Sharon a peu dechoses en commun avec le portrait que tirent de lui []. (Le Temps, 11 janvier 2006)

    (11)Nona cest aussi un truc faux de dire que cest des profiteurs. Quest-ce quon profite dunRMI franchement? (Corpus AIEM Borny)

    28 Nous parlerons alors demplois polmiques directsdevraimentetfranchement, par opposition certains emplois polmiques indirectsde ces adverbes, comme en (12) :

    (12) Jai eu beaucoup de portes qui se fermaient quoi en fait etjai t vraiment duefranchement. (Corpus AIEM Borny)

    29 Sans insister sur lemploi de vraimentdans ce dernier exemple, la fois nonciatif et (toujours)prdicatif en loccurrence, on peut noter que vraimentetfranchementne consistent pas alors rfuter la proposition modalisejai t due, mais quils impliquent nanmoins une forme de

    rfutation dun point de vue contraire, imput un destinataire virtuel, censment en dsaccordavec le locuteur. Quil soit direct ou indirect, lemploi defranchementen particulier impose

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    lui seul un contexte polmique14. Nous y reviendrons la toute fin de cette tude, propos dediffrents emplois polmiques associs aux modalisateurs parenthtiques.

    30 Il va sans dire que beaucoup de formules sont polyvalentes entre ces diffrentes valeurs,qui sont videmment poreuses. Un adverbe modal comme peut-tre, par exemple, nest pasforcment employ comme un modalisateur pistmique manifestant lincertitude du locuteur,relativement ce qui est exprim dans la proposition modalise. En (13) par exemple, peut-trene marque pas le doute du locuteur, mais une forme dassentiment concessif lgard de

    lnonciation dune proposition impute au destinataire :(13) Obama a peut-tre gagn, mais le Parti dmocrate est un champ de bataille. Aprs unersistance farouche, Hillary Clinton a finalement reconnu sa dfaite. (Le Point, 12 juin 2008)

    31 ct de ses emplois respectivement pistmiques et concessifs,peut-trepeut aussi marquerune forme de rfutation, lorsquil est postpos comme dans Obama a gagn peut-tre, turigoles ? Entre ces troispeut-tre, les diffrences demplois ne sont pas loin de sparer troisunits lexico-grammaticales distinctes.

    Modalisateurs parenthtiques32 Outre les interjections et les adverbes dnonciation, les formules nonciatives reposent aussi

    frquemment sur des constructions verbales ditesparenthtiques(au sens de Urmson 1952),

    centres sur un verbe de parole ou dattitude comme dire ou penser. Au plan syntaxique,les modalisateurs parenthtiques peuvent tre issus de constructions lies comme je diraisque,je pense que,jimagine que,dont le verbe la premire personne consistait rgir,au dpart, une proposition compltive en que. Le dtachement relev prcdemment en cequi concerne les adverbes dnonciation correspond alors un affaiblissement de la force

    de rection du modalisateur, qui autorise son dplacement en incise ou en postposition 15. Onpeut dire aussi bien, peu prs indiffremment, Je penseque Paul est un garon srieux ,que Paul est un garon srieux, je pense , ou encore Paul,je pense, est un garon srieux .Ces dplacements sont plus difficiles lorsque le verbe a conserv sa pleine force de rection.Dans le cadre de constructions comme Paul est un garon srieux,jobserve(ouje considre,je cogite) , ou comme Paul,jobserve,est un garon srieux , le dtachement nest pas

    neutre syntaxiquement, car la force indicielle associe au clivage de la construction na pas(encore) atteint diachroniquement le comportement de la formule. Au terme de leur drivationdiachronique, les formules parenthtiques issues de constructions lies jouent un rle analogue celui de constructions libres comme je vous dis pas, je vous dis que a, cest pas peu dire,soi-disant, tu parles, tu penses. Quelles soient libres ou lies la base, lensemble de cesconstructions verbales parenthtiques jouent un rle analogue.

    33 Au plan smantique, les modalisateurs parenthtiques confirment nos observations surles interjections et les adverbes dnonciation. Ils sont alors plus ou moins affaiblisdescriptivement, mesure que se renforce leur valeur indicielle de symptme. Cetaffaiblissement descriptif (ou conceptuel, symbolique) est bien entendu graduel, selon le degrde codage, de grammaticalisation, de la force indicielle de lexpression. Certaines observations

    semblent rvler que la force indicielle deJe penseest davantage code que celle deje crois,qui lest davantage que celle dejobserve ouje considre. Les formules comme soi-disant, oumme tu parles, en tant que marqueurs de rfutation, sont davantage grammaticalises que turigoles, ou cest vous qui le dites. lorigine, tu parlesavait toute sa force descriptive et devaitdclencher une infrence du genre Tu peux parler, les paroles sont vaines, je ne suis pasdaccord avec toi. larrive de la drivation diachronique dsormais, une telle infrence naplus lieu dtre. Lexpression est devenue simplement lindice (ou symptme) conventionneldun rejet, par le locuteur, de la proposition modalise. La diffrence entre tu pensescommeformule dassentiment, etpenses-tucomme formule de rfutation en tmoigne notamment.

    34 Comme on peut sy attendre, les formules en direou autres verbes de parole ou dattitudeont globalement les mmes fonctions pragmatiques que celles observes en vue de rendrecompte des interjections et adverbes dnonciation. Afin de nous y retrouver plus aisment,nous classerons dsormais ces fonctions en trois grandes catgories A, B et C, fondes surles deux grandes oppositions dont il a t question prcdemment. La premire opposition

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    rend compte de ce qui spare les formules modales simples dune part, de la catgorie A, quimanifestent une attitude ou motion associe la prise en charge par le locuteur dun noncisol comme priode discursive part entire, et dautre part les connecteurs de la catgorieB, dont la fonction est de mettre en relation la proposition modalise avec son environnementdiscursif monologique. Quant notre seconde opposition, elle concerne ce qui spare lesformules modales de la catgorie C,polyphoniqueset dialogiques, des formules associes auxcatgories A et B indiffremment. La suite de cette tude a pour objectif de classer simplement

    les principaux modalisateurs parenthtiques en fonction de ces trois grandes catgories, le caschant lintrieur de diverses sous-catgories qui les composent respectivement.

    35 Les modalisateurs de la catgorie A, tout comme les interjections ou adverbes correspondants,sont des indices dintensit marquant le degr dengagement motif du locuteur relativement lnonciation dune proposition. Ils attribuent ce faisant cette nonciation la force dunepriode discursive.

    36 On peut distinguer, lintrieur de cette catgorie A, celles qui manifestent une sortedengagement hyperboliquedu locuteur, qui rejaillit gnralement sur le haut degr de telleou telle proprit attribue un objet dans la proposition modalise.

    37 Le cas le plus net ce sujet tient aux modalisateurs exclamatifs comme dire que, voilque, voil-t-y pas que, dis donc !Dans le cadre dun nonc comme Dire que Paul

    a russi ses examens !, lengagement exclamatif marque une prise de conscience subite,par le locuteur, de ce qui est exprim dans la proposition modalise. Il prsente cetteproposition comme arrache malgr lui au locuteur, en vue de marquer une forme de surprise,teinte dadmiration ou autre motion approprie. Comme pour les interjections et adverbesdnonciation, lengagement motif du locuteur rejaillit alors, lorsque cela est possible, surla gradualit du contenu modalis. Dans lexemple suivant, le locuteur ne dit pas que 40 ans,cest long. Il le montre en vertu de la force indicielle de la formule :

    (14) Dire que je viens den prendre pour 40 ans ! (Cf. http://www.lemonde.fr/societe/)

    38 ct des modalisateurs dengagement exclamatifs, certains parenthtiques commejvais tedire,jte dis que a, je vous dis pas, cest moi qui vous le ditmarquent une forme dengagementassertifde la part du locuteur. Sans nous attarder sur ce qui oppose lexclamation lassertion,

    on peut noter que lengagement assertif nvoque plus une prise de conscience subite, uneforme de surprise du locuteur, mais conserve la facult hyperbolique de dramatiser sonmotion, en vue daccentuer le haut degr de telle ou telle proprit reprsente au planpropositionnel. Cest moi qui vous le dis dans lexemple ci-dessous (en mme temps quelinterjection retranscrite parPiouff)aggrave la longueur de la route :

    (15) Piouff. La route est longue. C'est moi qui vous le dit. (Cf. http://perles2pluie.cowblog.fr)

    39 On aggrave la fureur de Paul si lon dit Paul tait fch,jvais te dire(ouje te dis que a, je tedis pas, je te raconte pas) . Dans le cadre dun nonc comme Paul a achet une voiture,jete dis que a, laggravation rejaillit sur lun ou lautre des caractres de la voiture (sa chert,sa beaut).Je vous dis pasaggrave le prix en (16) et lodeur en (17) :

    (16)Je vous dis pasle prix, c'est indcent ! (Cf. http://www.igeneration.fr)(17)Je vous dis pasl'odeur.(Cf.la Pub : http://www.dailymotion.com)

    40 En position lie, comme introducteur de syntagme nominal, je vous dis pas restegnralement interprtable selon sa force de rection et sa valeur descriptive originelle. (16)et (17) sont ainsi toujours compatibles avec une infrence du genre Le locuteur ne veutpas dire le prix car il est trop lev , Sil renonce dcrire lodeur, cest quelle esttrop affreuse . En position dtache, en revanche, dans le cadre de constructions comme Lodeur,je vous dis pas , linfrence na plus lieu dtre, car la force indicielle de la formuleest alors intgralement code. Le dtachement neutralise dans ces conditions les derniresvellits rectionnelles et propositionnelles de la formule, qui fonctionne ds lors comme un purmodalisateur indiciel. En (18), par exemple,je vous dis pasdramatise les dboires du locuteur(reprsents par antiphrases en loccurrence), sans du tout faire allusion un quelconquerenoncement de sa part dire quoi que ce soit :

    http://www.dailymotion.com/http://www.dailymotion.com/http://www.igeneration.fr/http://www.dailymotion.com/http://www.igeneration.fr/http://www.lemonde.fr/societe/
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    (18) Il avaitpiqu dans un nerf !La joie, je vous dis pas ![] Beaucoup de sances couteuses maispeu de rsultats. il me demandait de faire des exercices : pointe talon pointe talon,passionnantjevous dis pas... [] [Il ma dit] Je n'ai qu'une chose vous dire : vous devez vivre avec ! Ca faitvachement plaisir entendre,je vous dis pas ! (Cf. http://www.vulgaris-medical.com)

    41 Toujours dans la catgorie A, certaines formules assertives manifestent, linverse desprcdentes, diverses formes de mises en jeu de lmotion du locuteur non par hyperbole, maispar euphmismeou litote, associes un contrle par la retenue, plutt qu un engagement

    frontal et spontan du locuteur, face lmotion suscite par le contenu de la propositionmodalise. Dans le cadre dun nonc comme Cest pas pour dire, mais Paul tait horsde lui , ou Paul est sorti de ses gonds je dois dire (il faut le dire, pour dire), lattitudeest alors de dsamorcer, de ddramatiser lmotion du locuteur, relative la fureur dePaul au plan propositionnel. Les formules assertives de retenue peuvent tre plus ou moinsgrammaticalises, soit comme marqueurs pistmiques (je dirais que, quelque chose me ditque, rien ne dis que, ce nest pas dit,pour ainsi dire, proches deje pense,peut-tre), soit

    comme marqueurs mdiatifs (ou videntiels)16de perception (on dirait que, ne dirait-on pasque, on dirait pas(proches de apparemment, visiblement, il me semble), lorsquelles nontpas une simple valeur de ponctuant de la conversation loral (je dirais,je veux dire,jsaispas, euh).

    42

    Enfin une dernire observation, pour conclure ce passage en revue bien trop htif desmodalisateurs de la catgorie A, certaines formules de retenue ont pour effet de modalisernon seulement un contenu propositionnel, mais ce que jai appel ailleurs la voixdu locuteur(Perrin 2007, 2009), cest--dire la force locutoire, la prise en charge de lexpression associe lnonciation de la proposition modalise. Dans le cadre dun nonc de la forme Paultait furax si jose dire (ouon va dire, jallais dire, si lon peut dire, comme qui dirait),les modalisateurs ont pour effet, contrairement aux prcdents, de modaliser le recours aumotfurax, de mettre sous contrle le registre auquel la forme linguistique de la propositionmodalise fait alors allusion. Parmi les formules de cette sous-catgorie, cest bien le cas dele direnotamment est un cas part, qui consiste plus prcisment modaliser lusage duneexpression comme une forme de syllepse, associe donc la fois figurment et littralement ce quelle reprsente. Un nonc comme Paul, cest bien le cas de le dire,a pataugdans ses explicationsna de sens que si le verbepataugerentre en rsonance littrale avecle contexte ; si par exemple les explications de Paul consistaient sexcuser davoir laissdborder sa baignoire. En labsence de relation sylleptique de ce genre, cest le cas de le direserait inadquat.

    43 Quant aux modalisateurs et formules de la catgorie B, attestant dune relationmonologiqueentre squences discursives, on peut sattendre ce quils correspondent auxdiffrentes familles de connecteurs habituellement identifies, notamment argumentatifs17.Conformment ce que nous avons observ propos des interjections et adverbes, sils serapportent alors indirectement lmotion du locuteur, cest essentiellement par le biais desoprations discursives quils instruisent.

    44 On peut regrouper notamment, parmi les connecteurs, diffrents modalisateurs marquant un

    enchanement conclusifcomme cest dire (si),inutile de dire (que), a va sans dire,y apas dire,comme quoi. Dans le cadre dun nonc comme Cest diresi Paul est aux anges ,le modalisateur pourrait sans trop de dommage tre remplac par lun ou lautre membredu paradigme, qui ont tous en commun dinstruire la recherche dun argument pralable ouimplicite, susceptible de justifier la proposition modalise comme conclusive. En (19), Cestdiresimodalise la proposition la gntique diffre comme une conclusion fonde sur unargument pralable relatif aux comptences du paysan auvergnat :

    (19) Un paysan auvergnat ne reconnat pas comme frne un plant de frne produit en Normandie...Cest diresi la gntique diffre !(Cf.www.semencemag.fr)

    45 linstar des adverbes dnonciation comme dcidment,finalementqui relvent du mmeparadigme conclusif, ces expressions comportent entre elles des nuances de sens plus ou moinsaccentues. Analogue de dcidment,y a pas diremarque une confirmation conclusive, quinest pas dpourvue deffets hyperboliques ; il modalise le contenu dune proposition comme

    http://www.semencemag.fr/http://www.semencemag.fr/http://www.vulgaris-medical.com/
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    une conclusion non seulement taye, mais confirme par un argument pralable. Dans lesexemples ci-dessous,y a pas direa un effet de confirmation plus marqu que dans le cadredun nonc comme Liphone cest diresi cest du solide , Il va sans direquObamaest un mec cool :

    (20) Liphone y a pas dire c'est du solide ! (Cf. www.digimagz.fr)

    (21) Obama c'est un mec cool, y a pas dire (Cf. www.ebeho.wordpress.com)

    46 Contrairement par ailleurs aux autres membres du paradigme, qui peuvent indiffremmenttre antposs ou postposs la proposition modalise, cest direne peut en aucun cas trepostpos cette proposition, mais il peut par ailleurs tre nonc isolment, modaliser un sous-entendu. En (22), Cest direne modalise pas la proposition qui prcde ( Toyota va mal ),mais implique une forme de reprise implicite dune proposition antrieure ( Cest dire si lasituation est difficile ) modalise au titre de conclusion. Les autres membres du paradigmene sauraient lui tre substitus dans cette situation, car ils modaliseraient alors rtroactivementla proposition Toyota va mal :

    (22) Ensuite, la situation du constructeur [Peugot-Citron] [] est trs difficile, comme celle detous ses concurrents. On sait mme que Toyota va mal, cest dire. La production pourrait encorebaisser de 20 30 % cette anne. (FranceInter,Ldito co, 30 mars 2009, Corpus 2 NG)

    47 linverse des prcdents, certains modalisateurs de la catgorie B attestent dune oprationde justification, plutt que dun enchanement conclusif. Les formules comme il faut dire(que), autant dire (que),pour tout dire modalisent mon sens, chacun leur manire,diverses oprations de justification. Certaines imposent une conclusion pralable explicite.Il faut dire que18, par exemple, modalise une proposition comme un argument ajout aposteriori ou plutt aprs coup, aprs un antcdent conclusif explicite, comme dans Paulest aux anges.Il faut direquil a russi ses examens , ou encore dans le passage ci-dessous :

    (23) Olivier Masset-Depasse [] tait hier au septime ciel tant laccueil de son film [ Illgal ]fut la hauteur de ses espoirs [].Il faut dire quele sujet est universel [](Cf. www.lalibre.be)

    48 Dautres en revanche commecest tout dire, a veut tout dire, cest pas peu diremodalisentun argument en vue de suspendre au contraire lexplicitation dune conclusion sous-entendue.Difficilement substituables il faut dire quedans lexemple prcdent en raison du caractreexplicite de la conclusion qui prcde, un nonc comme Le sujet est universel, cest toutdire(ou a veut tout dire) permet de sous-entendre que le locuteur a des arrires pensesconclusives. Un nonc comme Paul a russi ses examens cest tout dire (ou a veuttout dire) , sous-entend indirectement une conclusion comme Les examens devaient trefaciles ou Il y eu de la fraude , par exemple.

    49 Outre les conclusifs et les justificatifs, il y a bien sr les adversatifs(proches de mais, quandmme, pourtant, cependant), lorsque la formule modalise une proposition comme anti-orienterelativement ce qui prcde, oriente en faveur dune conclusion inverse. lintrieur duparadigme des adversatifs, ceci dit, cela ditse comportent comme mais:

    (24) http://groups.skyrock.com/group/4da7-L-alcool-ne-resoud-pas-les-problemes-Ceci-dit-l-eau-et-le-lait-non l'eau et le lait non plus. (Cf. http://groups.skyrock.com)

    50 Tandis que on a beau dire, par exemple, ou y a rien (re)dire, quoi quon puisse dire, quoiquon die (en ancien franais), se rapprochent de pourtant ou quand mme.

    51 Les adversatifs se distinguent notamment des correctifs comme vrai dire, disons, je veux dire,jentends, qui modalisent une proposition non comme linversion argumentative, mais commela rvision dune prdication pralable. lintrieur de ce paradigme, la diffrence entre disonset que dis-je ? par exemple qui correspond dassez prs, parmi les interjections correctives, lopposition entre oh et ah comme connecteurs analyses en 2.1.2 est intressante.Disons marque un rajustement par affaiblissement de la prdication associe la propositionmodalise relativement ce qui prcde. Que dis-je en revanche marque un rajustement parrenforcement de cette prdication19. Pour cette raison ces expressions ne sont pas permutablesen (25) et (26) :

    http://www.lalibre.be/http://www.ebeho.wordpress.com/http://www.digimagz.fr/
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    (25) Le fait quaucun acteur financier nchappe la supervision, disons au contrle, est-ce quecela va redonner la confiance ncessaire au crdit et la relance ? (Ldito co, 5 avril 2009,Corpus 16 NG)

    (26) Cette cole o lon menace que dis-je ? o lon frappe les institutrices avec des couteauxde cuisine []. (Le Nouvel Observateur, F. Bazin 2009)

    52 Pour terminer ce survol des expressions de la catgorie B, fonction de connecteur, on peutencore mentionner les simples reformulatifsauto-initis comme cest--dire, autrement dit,

    ouentendez, savoir, qui modalisent une proposition comme une simple reformulation dece qui a t dit pralablement, visant qualifier plus adquatement, rsumer ou prciserun point de vue pralablement exprim (ou du moins assum) par le locuteur. Les formulesde simple reformulation sont compatibles avec diverses sortes de conscutions, justifications,claircissements dun jugement pralable du locuteur :

    (27) Le march, cest une action, une voix, 10 000 actions, 10 000 voix, autrement ditle contrairede la dmocratie : un homme une voix. (France Inter,Ldito co, 5 mars 2009, Corpus 23 NG)

    53 Parmi les reformulatifs auto-initis tout comme parmi les correctifs et autres connecteurs,certaines locutions comme que dis-je, ou en dautres termes,en un motportent sur la voix dulocuteur, non seulement sur le contenu, mais sur la forme linguistique associe lnonciationde la proposition modalise.

    54 Les formules fonction de connecteur reformulatif auto-initi dont il vient dtre question,qui agissent sur un plan exclusivement monologique, ne doivent pas se confondre avec lesmodalisateurs dialogiquesetpolyphoniquesde la catgorie C, qui modalisent une propositioncomme la reformulation dun point de vue de linterlocuteur, du moins dun destinataire virtuelauquel le discours sadresse. Diverses sous-catgories peuvent galement tre identifies ceniveau.

    55 Proches deprcisment, absolument, naturellement, effectivement, oui,bien sr, voil, cesta, une trs grande varit de modalisateurs verbaux marquent lassentimentdu locuteur lgard de la reformulation htro-initie quils modalisent.

    56 Parmi les formules dassentiment, on peut regrouper notamment celles qui attestent dunassentiment que nous dirons confirmatif ou renforcde la part du locuteur, non dpourvu

    deffets hyperboliques, au sens entendu prcdemment. Diffrents modalisateurs centrs surle verbe dire la deuxime personne comme tu peux le dire, tu las dit, ou qui le dis-tu ?,

    qui le dites-vous ?, ousur le verbepensercomme tu penses, vous pensez,pensez-donc20,diverses interpellations comme tais-toi ! taisez-vous !(courantes en Suisse romande), ou autreslocutions comme cest clair, et comment !, je veux !jouent ce rle :

    (28) [] pas facile comme situation

    qui le dis-tu cest clairque cest une situation difficile. (Cf. http://forum.aufeminin.com)

    57 Certaines formules sont assorties dune force de reproche, commeje ne vous le fais pas dire,vous ne croyez pas si bien dire. Quelles que soient leurs nuances de sens dun cas lautre,les formules dassentiment confirmatif engagent la clture dun change ouvert pralablement

    par linterlocuteur au plan interactionnel. Une correspondance peut tre tablie entre cesformules dassentiment renforc et les modalisateurs dengagement hyperbolique assertifs dela catgorie A (comme jvais tdire, jte dis pas, dj prsentes), ou encore avec certainsmodalisateurs de confirmation conclusive auto-initie de la catgorie B (commey a pas dire,comme discut plus haut). Toutes ces formules ont des effets hyperboliques analogues ; ellesne se distinguent que relativement leurs proprits dialogiques-polyphoniques pour ce quiconcerne la catgorie C, asynaptiques ou respectivement monologiques pour ce qui concerneles catgories A et B abordes prcdemment.21

    58 Nous parlerons par ailleurs dassentiment forcou concd, concessif, tout fait dpourvudeffets hyperboliques, afin de rendre compte de la force indicielle de formules commeje dispas22, ou jentends bien, je vois bien, je sais bien, admettons, mettons,me direz-vous,cest

    vrai,sans doute, certes, qui modalisent lnonciation dune proposition comme une formede prise en compte retenue, ou temporaire, temporise par le locuteur, du point de vue de

    http://forum.aufeminin.com/http://forum.aufeminin.com/
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    son destinataire23. Les formules dassentiment concd se rapprochent de certaines formulesde retenue de la catgorie A (commeje dois dire,je dirais, analyses en 3.1.2), ceci prsque la retenue du locuteur est alors non seulement polyphonique (fonde sur laltrit dupoint de vue du destinataire), mais due aussi lannonce dun dsaccord ultrieur du locuteur,attendu gnralement sous la forme dun enchanement adversatif. La concession implique unrevirement ultrieur de ladhsion pralable du locuteur au point de vue de son destinataire,qui se ralise gnralement sous la forme dun enchanement modalis par un connecteur

    adversatif comme mais,pourtant,cependant(ou ceci dit, pour ce qui nous concerne, aborden plus haut). On retrouve ici la fameuse relation Certes P, mais Q(ou Bien que P, Q),qui articule un antcdent concessif un enchanement adversatif. Dans le cadre dun nonccomme Paul est fch,je dis pas, mais(ou ceci dit) il va se calmer , ou encore dans Paulest aux anges, jentends bien, pourtant il va dchanter , lassentiment au point de vue dudestinataire est subordonn une rorientation adversative du point de vue finalement pris encharge par le locuteur. Sous forme lie,je vois bien que, je sais bien que, il est vrai que,

    et mme tout simplementbien queont un effet identique24. Dans le passage suivant, cestvrai quemodalise deux reprises une proposition comme une forme dassentiment concdpar le locuteur au pessimisme ambiant sur la crise conomique :

    (29) cest vrai hein, quavec une rcession telle quon la connat, a peut paratre drisoire.

    Cela dit,cest toujours bon prendre, hein, sur le fond, rellement. Mais cest vraiaussi que touta cest un moyen de changer de terrain politique alors que la crise est profonde. (France Inter,

    Ldito co, 2 avril 2009, 11 NG)

    59 La premire occurrence de cest vrai modalise dabord lnonciation concessive duneproposition ( Avec une rcession telle quon la connat, a peut paratre drisoire ),comme subordonne argumentativement lnonciation dune seconde proposition ( Cesttoujours bon prendre sur le fond) modalise la fois comme anti-oriente relativement la concession qui prcde (en vertu de cela dit, connecteur adversatif de la catgorie B),et renforce par rellement (adverbe dengagement de la catgorie A). La hirarchie dessquences ainsi tablie est toutefois rquilibre, de part et dautre, par lusage de hein(interjection dialogique aborde plus haut), qui soumet chacune des squences de ce premier

    mouvement priodique une apprciation confirmative du destinataire. Quant la secondeoccurrence de cest vrai, assortie de mais, elle modalise finalement lenchanement dunsecond mouvement concessif, portant sur une troisime et ultime proposition ( Tout a nestquun moyen de changer de terrain politique alors que la crise est profonde ) consistant nouveau inverser lorientation argumentative de ce qui prcde. La dynamique des squencesconsiste donc dans ce passage insrer, entre deux propositions concdes au pessimismeambiant sur la gravit de la crise conomique, lnonciation dune proposition centraleexprimant un point de vue optimiste du locuteur concernant certaines mesures prendre en vuede contrecarrer cette crise. Allez savoir aprs a sil faut croire ou non loptimisme affichdu locuteur

    60 Loriginalit de lexemple prcdent tient sa faon de prsenter, entre deux concessions

    au point de vue de la partie adverse, un point de vue quant lui bel et bien revendiqupar le locuteur. Il nen demeure pas moins que la concession consiste fondamentalement exprimer un point de vue que le locuteur admet certes, mais pour ainsi dire contrecur, linsu de son plein gr si jose dire25, en le prsentant comme oppos au point de vueauquel il croit, quil revendique mme personnellement, si ce nest explicitement par unenchanement adversatif, du moins sous forme sous-entendue. Un nonc comme Paul estfch, je dis pas concde que Paul est fch, mais ce faisant annonce par avance, mmeen labsence denchanement adversatif, que le locuteur pense le contraire, que Paul nest pasvraiment fch en fait. Labsence denchanement adversatif cre ainsi gnralement un effetde suspension (de linversion argumentative annonce), auquel lexemple (29) ne russit chapper que dans la mesure o, en loccurrence, le point de vue revendiqu personnellementpar le locuteur a dj t exprim pralablement.

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    61 Ces observations nous conduisent formuler une dernire remarque en ce qui concerne lesconstructions concessives, relatives au changement de sens de certaines formules verbalesngatives la premire personne en construction libre ou lie. Il apparat en effet quun nonccomme Paul est fch, je dis pas , qui concde que Paul est fch, ne correspond passmantiquement la forme lie Je dis pasque Paul est fch , qui concde au contraireque Paul ne lest pas. La diffrence tient au fait que la premire forme drive de la contractiondun enchanement du type : Paul est fch,je ne dis pas le contraire , o le locuteur rfute

    avoir dit que Paul nest pas fch (et concde donc quil lest), alors que la seconde relvede la rfutation dune proposition selon laquelle le locuteur aurait dit (ou pens) que Paulest fch. Les deux formules sont issues dun acte de rfutation, mais de deux propositionscontraires. La drivation indicielle dont sont issus certains modalisateurs concessifs commeje dis pas que, on peut pas dire que,je prtends pas que,certains emplois deje saispas sirsultent la base dun acte ayant consist rfuter formellement (rituellement) avoirdit ou pens quelque chose, sans pour autant avoir renonc le dire ou le croire. Je dispas que Paul est fch en est venu ainsi concder que Paul ne lest pas, et ce faisant laisser entendre quil lest quand mme. Et de mme inversement, Je dis pasque Paul est pasfch concde que Paul est fch, sans y croire vraiment donc. Lnonc est alors quivalent Paul est fch,je dis pas (qui sous-entend que non pas tant que a, en vertu dune

    drivation analogue). larrive de la drivation indicielle dont ils sont issus,je dis pas que,on peut pas dire que modalisent donc une proposition que rfute explicitement le locuteuren vue de concder le point de vue contraire, mais pour reprendre finalement cette proposition son compte au plan de la priode. Le procd est assez labor mais parfaitement automatis,cod linguistiquement dans la formule et donc insensible, en terme deffort interprtatif. Celaest dautant plus remarquable que certains modalisateurs (ou certains emplois) de formesanalogues commeje pense pas que, je trouve pas que, je dirais pas que ont conserv,en ce qui les concerne, leur pleine force de rfutation. Nullement concessives, ce sont alorsdes formules que nous appellerons polmiques ou dopposition, de rfutation.

    62 Fussent-elles concessives et proches parfois de lexpression dun dsaccord indirect, lesformules dassentiment ne doivent pas pour autant en effet se confondre avec cellesdopposition ou de rfutation, qui marquent explicitement un dsaccord et ont pour effetinteractionnel de diffrer la clture dun change, en forant linterlocuteur se dterminerface une prise de positionpolmiquede la part du locuteur.

    63 On la vu, propos de certains adverbes comme vraiment,franchement, on peut regroupernotamment les emplois (ou formules) qui manifestent une relationpolmique directe lgardde la proposition modalise, comme dans nos exemples (10) et (11). La formule sert alors rfuter directement ce qui est exprim dans la proposition modalise, notamment sous formelibre plus ou moins grammaticalise centre sur le verbe dire(soi-disant, cest vite dit, cestbeaucoup dire, cest vous qui le dites, que tu dis, je sais pas que te dire), ou autres verbesde parole ou dopinion (tu parles,tu rigoles,penses-tu,pensez-vous), ou locutions diverses(enfin !, allons !,voyons !, nimporte quoi !, non). Ou sous forme lie, toujours plus ou moinsgrammaticalise, notamment de modalisateurs la forme ngatives premire personne (je

    pense pas que, je trouve pas que), de phrases interrogatives ou contrefactuelles (qui vousdit que, quest-ce qui tdit que, si tu crois que, sils croient que,comme si). Dans lesexemples suivants notamment (dabord une parodie de Nicolas Sarkozy par Anne Roumanoff,et ensuite le vrai Sarkozy dans une confrence de presse), sil croient que, soi-disant, vousvoyez sont des modalisateurs polmiques directs consistant rfuter ce qui est exprim dansles propositions quils modalisent :

    (30)Franchement, vous voulez que je vous dise? Les Franais, ils se rendent pas compte de lachance quils ont de mavoir comme prsident. Sils croient quecest facile comme mtier ! Soi-disantje contrlerais la presse, mais vous avez vu toutes ces couvertures de journaux qui me sonthostiles ? (Le Journal du Dimanche, 19 septembre 2010, Anne Roumanoff)

    (31) [Journaliste] Il semblerait quil y ait votre nom, que vous ayez donn votre aval la cration

    de deux socits au Luxembourg.

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    [Nicolas Sarkozy] Une pice avec le nom de Nicolas Sarkozy qui dit a ? Mais enfin coutez,jamais.Je nen ai aucun souvenir. Vous voyezle ministre du budget qui va signer un documentpour donner son aval une socit luxembourgeoise ? []Enfin coutez, Cela ne vous suffit pasClearstream et tout a ? Faut recommencer ? (Lisbonne, Confrence de presse, 19 novembre 2010)

    64 ne pas confondre avec les modalisateurs ou emploispolmiques indirects, comme en (12),lorsque la formule ne rfute pas directement la proposition modalise, mais une propositioncontraire sous-entendue. La formule modalise alors lnonciation dune proposition consistant

    rfuter un point de vue contraire, imput linterlocuteur (parfois une opinion impute undestinataire imaginaire). louverture de (30), par exemple, Franchement, vous voulez queje vous dise ? modalise lnonciation dun contenu (prsuppos en loccurrence) associ unpoint de vue selon lequel les Franais ont de la chance de mavoir comme prsident , commedestine rfuter un point de vue contraire, selon lequel les Franais trouvent se plaindre,se mordent les doigts de mavoir lu . Nombre de modalisateurs commeje dis bien (que),jevous dis (que), vous dis-je,puisque je vous le dis,je vous signale(proches defranchement,vraiment, en vrit) jouent ce rle. Dans le parler populaire lorrain,jte ferai dire (que), oujte ferai pas dire (que) servent modaliser une dclaration polmique indirecte, consistant rfuter une croyance contraire, impute au destinataire. En (31), les enfin coutez entrenten relation polmique directe vers larrire ( lgard des propositions Une pice avec le nomde Nicolas Sarkozy qui dit a , et plus bas Le ministre du budget qui va signer un documentpour donner son aval ), et indirecte vers lavant ( lgard des propositions Jamais. Je nenai aucun souvenir ,et respectivement a ne vous suffit pas Clearstream tout ? ).

    65 Je relve au passage que lemploi de jamais semble polyvalent en (31) (ce qui motive satranscription la fois en italique et en caractres gras). Dans sa relation au modalisateur enfincoutez qui le prend pour objet, ladverbe exprime une proposition selon laquelle Sarkozyna jamais sign le document incrimin. Mais ladverbe en question semble aussi sassocierau modalisateur en vue de rfuter rtroactivement la proposition Une pice avec le nom deNicolas Sarkozy qui dit a .Cette polyvalence tient au fait que jamaisest en franais lafois un adverbe de constituant (adverbe de temps) vise propositionnelle (dans le cadre dunnonc comme Paul nestjamaisvenu , par exemple), mais dont certains emplois semblenten voie dassurer sa grammaticalisation progressive en tant que formule de rfutation (dans

    le cadre dun enchanement comme par exemple Paul est-il satisfait pour autant aprs touta ?Jamais !(ouJamais de la vie !), o la valeur temporelle dejamaisest affaiblie, si cenest totalement neutralise).

    66 Quil me soit permis de suspendre un peu abruptement (et provisoirement) nos observationssur ces dernires considrations, face aux vastes champs des faits nonciatifs polyphoniques etdes processus de grammaticalisation dont ils relvent, dont bien des aspects restent clarifier.

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    Notes

    1 Voir ce sujet lopposition entre dire1et dire2 selon Oswald Ducrot,Le dire et le dit, Paris, Minuit,1984, p. 187-189 ; la notion dexpression montre, chez Hans Kronning, Modalit et diachronie :du dontique lpistmique. Lvolution smantique de debere/devoir , Actes du XIe congrs desromanistes scandinaves, Universit de Trondheim, 1990 ; ou Henning Nlke,Linguistique modulaire :de la forme au sens, Louvain/ Paris, Peeters, 1994 ; qui sinspirent de Ludwig Wittgenstein, Tractatus

    Logico-philosophicus, Londres, Routledge & Kegan Paul, [dition allemande 1921] 1961. Voir aussi surce sujet, Laurent Perrin, Lnonciation dans la langue : ascriptivisme, pragmatique intgre et sensindiciel des expressions , dans Vahram Atayan, & Ursula Wienen (dir.),Ironie et un peu plus. Hommage Oswald Ducrot pour son 80eanniversaire, Francfort, Peter Lang, 2010, p. 65-85.

    2 Voir nanmoins ce sujet le numro 6 de la revue Faits de langue(1995), ainsi que le n 161 deLangages(2006). Voir aussi la thse de Claudine Olivier (1986), ainsi que, parmi diffrents articlesrcents sur linterjection en bibliographie, notamment Claude Buridan, Linterjection en franais :esquisse dune tude diachronique. Essai de synthse des travaux et aperu sur lhistoire et les emplois

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    3 Dans tous nos exemples authentiques numrots, je transcris en italique les interjections (ou autresformules nonciatives), et certaines squences propositionnelles quelle modalise.

    4 Entre le cri pur et simple comme indice contextuel et linterjection comme indice conventionnel,il existe toutes sortes de cas intermdiaires dans les corpus. Sur ce point notamment, comme surdiffrents aspects de linterjection, voir certaines observations de Jeanne-Marie Barberis, Onomatope,interjection, un dfi pour la grammaire , Linformation grammaticale 53, 1992 et du mme auteur : Linterjection : de laffect la parade, et retour , dans Lexclamation ,Faits de langues 6, 1995,p. 93-104. et de Bres (1995), qui ouvrent plusieurs pistes de recherches intressantes. Pour ce qui

    concerne les interjections ah !, oh !, voir Olivier C., 1995, Linterjection Ah !, logique et subjectivit ,Champs du Signe, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail. Et voir aussi Laurent Faur, Actualisationet production interjective du sens : le cas de la forme vocalique oh , Cahiers de praxmatique 34, 2000.

    5 Voir notamment surce sujet Jean-Claude Milner,De la syntaxe linterprtation. Quantit, insultes,exclamation, Paris, ditions du Seuil, 1978. Ainsi que Ann Banfield, Unspeakable Sentences, Londres,Routledge & Kegan Paul, 1982. Voir aussi Jean-Claude Anscombre, Note pour une thorie smantiquedes jurons, insultes etautres exclamatives , Dominique Lagorgette, (dir.), Les insultes en franais,ditions de l'Universit de Savoie, 2009b, p. 9-30.

    6 Nous laisserons ici de ct les interjections comme ouste, stop, chut, qui qualifient leur nonciationcomme lassociation dune force illocutoire (directive en loccurrence) une forme de contenu intgr(Oustesignifie quelque chose comme Je vous demande de vous en aller , Stop Je vous demandede vous arrter , et ainsi de suite). Nous laisserons aussi de ct les interjections comme pst, oh,assimilables de simples interpellations, qui nexpriment ni ne modalisent aucun contenu propositionnel.

    Sur la fonction modale des interjections, voir Marcella Swiatkowska,Entre dire et faire. De linterjection,Krakov, Wydawnictwo, Uniwersytetu Jagiellonskiego, 2000 et du mme auteur, Linterjection : entredeixis et anaphore ,Langages 161, 2006. Voir galement Albena Vassileva, Vers un traitement modalde linterjection en franais, Tirnovo, Presses Universitaires de Veliko-Tirnovo, 1998.

    7 Sur ce point, voir Josiane Caron-Prague & Jean Caron, Les interjections comme marqueurs dufonctionnement cognitif , Cahiers de praxmatique 34, 2000. Certaines observations sont intressantes,en particulier celles qui abordent cette question sous un angle plus cognitif.

    8 Il en irait de mme dune formule comme enfin, par exemple, qui pourrait commuter avecah !en (4),avec en loccurrence peu prs la mme valeur de rfection de ce qui prcde. Tout commeah !, enfinserait alors dlest de la valeur motive dont ces formules sont pourvues lorsquelles portent sur uneclause assimilable une priode simple (ou comme totalit) comme en (1) et (2).

    9 Pour une analyse polyphonique des usages de ah !dans cette scne de Tintinse rfrer HuguesDe Chanay, Dialogisme, polyphonie, diaphonie : approche interactive et multimodale , dansLaurent

    Perrin (dir.), Le sens et ses voix. Dialogisme et polyphonie en langue et en discours, Universit PaulVerlaine Metz,Recherches linguistiques 28, 2006, p. 49-75.

    10 Sur les adverbes dnonciation, voir notamment Claude Guimier qui parle ce sujet dadverbesde phrase in Les adverbes franais,Paris, ditions Ophrys, 1996. Voir aussi Christian Molinier, Uneclassification des adverbes en -ment, Paris, ditions Ophrys, 1990. Et aussi Henning Nlke,Linguistiquemodulaire : de la forme au sens, Louvain/ Paris, Peeters, 1994. Pour ce qui concerne les approchesnonciatives, se rfrer Henning Nlke, op. cit., p. 113s, et Jean-Claude Anscombre Des adverbesdnonciation aux marqueurs dattitude nonciatives : le cas de la construction tout + adjectif ,Langue

    franaise161, 2009, p. 59-80.

    11 Sur lvolution diachronique de apparemment comme adverbe dnonciation, voir Jean-ClaudeAnscombre, Alvaro Arroyo, Caroline Foullioux, Sonia Gmez-Jordana, Amalie Rodriguez Somolinos,Laurence Rouanne & Jess Sal, Apparences, indices, et attitude nonciative : le cas de apparemment ,

    Langue franaise 161, 2009.

    12 Adverbe trs clinien au demeurant, on retrouve dcidment un taux de frquence lev notammentdans le Voyage et dans toute luvre de Cline (alors que finalement, par exemple, ny apparatpratiquement pas).

    13 En ce qui concerne les modalisateurs forms sur la notion de vrit, voir Bernard Combettes & AnnieKuyumcuyan, Laformation des modalisateurs en franais : le cas des locutions formes sur vrit ,

    Langue franaise 156, 2007.

    14 En ce qui concerne la diffrence entre franchementcomme adverbe polyphonique de rfutation, etpersonnellementcomme adverbe modal, voir Adelaida Hermoso, Personnellement et franchement :deux attitudes nonciatives ,Langue franaise 161, 2009

    15 Sur les verbes parenthtiques comme recteurs faibles, voir notamment Hanne Leth Andersen,Propositions parenthtiques et subordination en franais parl, Thse de doctorat de luniversit deCopenhague, 1997 ; Denis Apotheloz, La rection dite faible : grammaticalisation ou diffrentiel de

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    16 Patrick Dendale & Liliane Tasmowski (dir.), 1994, Les sources du savoir ,Langue franaise102.

    17 Parmi dautres tudes sur le classement et les proprits des connecteurs, commencer par celle deCorinne Rossari, Formal properties of a subset of discourse markers : connectives , inFischer K(dir.), Approaches to Discourse Particles , Studies in Pragmatiscs 1, Amsterdam, Elseveir, 2006 ;voir galement Eddy Roulet et al.,Larticulation du discours en franais contemporain, Berne, PeterLang, 1985.

    18 ne pas confondre avec il faut le dire, qui est une formule de retenue de la catgorie A.

    19 On peut relever en outre que disons et que dis-je ne suivent pas le mme ordre directionneldans larticulation de lenchanement correctif (comme lindiquent les italiques). Disons modaliselnonciation dun conscutif reformulant (il pourrait tre post-pos la squence quil modalise, commedans : [] la supervision,au contrle disons ). Que dis-jeen revanche modalise lnonciationdun antcdent reformul (il pourrait tre antpos, comme dans : que dis-jeo lon menace, o lonfrappe ).

    20 ne pas confondre avecpenses-tu,pensez-vous, qui marquent la rfutation (cf. infra).

    21 Ces effets nonciatifs hyperboliques, fonds sur lengagement motif du locuteur, sont mon sens la base de ce qui caractrise les formes de sur-nonciation (tels que les conoit notamment AlainRabatel, inHomo narrans. Pour une analyse nonciative et interactionnelle du rcit, Limoges, Lambert-Lucas, 2008.). Au sens large, la notion de sur-nonciationrepose sur un simple engagement nonciatifhyperbolique du locuteur ; au sens troit, cette notion sapplique des formes dialogiques-polyphoniquesde confirmation htro-initie de la catgorie C. Elle se traduit ds lors par une sorte de dominationmotive ou subjective du locuteur sur autrui (destinataire ou personnage) ; lengagement hyperboliquedu locuteur place alors le destinataire (ou personnage) sous son autorit, ou du moins son contrle, parune forme de captation de son point de vue.

    22 ne pas confondre avecje te dis pas,je vous dis pas, qui marquent un engagement hyperbolique dela catgorie A, cest--dire une forme de sur-nonciation(au sens large).

    23 linverse des prcdentes (cf. note 21), ces formules de retenue motive impliquent donc uneforme de sous-nonciationau sens troit, savoir une nonciation place sous lautorit, le contrledun destinataire (ou personnage), qui se traduit parfois comme une forme de soumission subjective dulocuteur, par le jeu dune adhsion relative et temporaire au point de vue de son destinataire. Au senslarge, la sous-nonciation implique simplement la retenue motive du locuteur sous quelque forme quece soit.

    24 De forme analogue, je dis bien quemarque en revanche une forme dengagement hyperbolique vise polmique, sur laquelle nous reviendrons dans la conclusion de cette tude.

    25 Sil mest permis de recourir ainsi coup sur coup deux modalisateurs de retenue de la catgorie A(signals en 3.1.2), qui nont rien de polyphonique en ce q