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ECONOMIE ET SECURITE 147 ESC 12 F rév. 1 Original : anglais Assemblée parlementaire de l’OTAN LES ORIGINES ET LES CONSEQUENCES DE LA CRISE DE L’EURO RAPPORT GÉNÉRAL PETRAS AUSTREVICIUS (LITUANIE) RAPPORTEUR GÉNÉRAL F. F. Secrétariat international novembre 2012

AFFAIRES CIVILES - 14…  · Web viewSecrétariat internationalnovembre 2012 *Ce rapport se base sur un projet antérieur rédigé par le précédent rapporteur général, John Sewel

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ECONOMIE ET SECURITE

147 ESC 12 F rév. 1Original : anglais

Assemblée parlementaire de l ’OTAN

LES ORIGINES ET LES CONSEQUENCES DE LA CRISE DE L’EURO

RAPPORT GÉNÉRAL

PETRAS AUSTREVICIUS (LITUANIE)RAPPORTEUR GÉNÉRAL F. F.

Secrétariat international novembre 2012

* Ce rapport se base sur un projet antérieur rédigé par le précédent rapporteur général, John Sewel (Royaume-Uni).

Les documents de l’Assemblée sont disponibles sur son site internet, http://www.nato-pa.int

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TABLE DES MATIERES

Page

I. INTRODUCTION........................................................................................................1

II. CONTEXTE................................................................................................................5

III. LA CRISE DE L’EURO ET LES EFFORTS POUR RETABLIR SA CREDIBILITE.. .12

IV. LE PROBLEME COMMERCIAL...............................................................................16

V. LE RETRAIT DE LA ZONE EURO REPRESENTE-T-IL UNE OPTION ?................17

VI. SOLUTIONS POUR L’ORDRE MONDIAL...............................................................19

VII. CONCLUSIONS : FAIRE FACE AUX RISQUES POLITIQUES ET ECONOMIQUES DE LA CRISE DE L’EURO......................................................................................21

BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………...........18

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I. INTRODUCTION

1. Au cours des quatre dernières années, cette Commission a exploré sous tous ses aspects ce qui s’avère la plus grave crise économique mondiale depuis les années 30. Cette crise a des conséquences pour tous les membres de l’Alliance. Elle modifie à d’importants égards les relations entre l’Amérique du Nord et l’Europe au sens large et elle a, aujourd’hui, de profondes répercussions sur les relations entre les différents pays européens et les institutions qui régissent ces relations. Il est encore beaucoup trop tôt pour mesurer pleinement l’impact de ces changements.

2. Le dilemme monétaire de l’Europe s’inscrit dans le contexte plus large de l’instabilité monétaire mondiale. De graves préoccupations se manifestent aujourd’hui non seulement face au problème de la dette souveraine dans plusieurs pays de la zone euro, mais également face aux déficits budgétaires et des comptes courants des Etats-Unis ainsi qu’aux gigantesques excédents commerciaux chinois, qui représentent, eux aussi, une source de tension et d’instabilité. C’est cependant la crise de l’euro qui est désormais perçue comme le défi probablement le plus dangereux auquel le système monétaire mondial est confronté ; elle est devenue à la fois une question institutionnelle et structurelle critique, et un problème politique et diplomatique, qui menace de faire chuter la croissance mondiale. Les risques liés à un défaut souverain de pays comme la Grèce et une contagion potentielle aux parties les plus vulnérables de la zone euro sapent la confiance mondiale dans l’avenir économique de l’Europe. D’après l’OCDE, l’Europe est confrontée à de graves problèmes budgétaires, financiers et structurels, auxquels une solution adéquate n’a pas été apportée. Qui plus est, les réactions tardives et partielles de l’Europe suscitent de profondes inquiétudes quant à la capacité décisionnelle des Européens. (OCDE, 2011)

3. Les gouvernements membres de la zone euro réagissent de surcroît de façon très décousue à cette crise. En Europe, l’élaboration des politiques a toujours impliqué des négociations lentes et patientes entre les dirigeants, alors que les crises financières se propagent comme une traînée de poudre. Dans le cadre de la crise actuelle, l’on observe une déconnexion entre le rythme de l’élaboration des politiques d’une part et la propagation beaucoup plus rapide de la crise d’autre part. Les autorités américaines doivent encore remédier d’une façon globale à leurs graves problèmes structurels et, en particulier, à leurs déficits budgétaires et des comptes courants persistants. Elles sont toutefois parvenues à réagir à la crise financière de 2008 avec une célérité qui a contribué à remettre le pays sur la voie de la relance. Leur capacité de réaction est manifestement renforcée par une économie et une structure politique intégrées, alors que l’Europe demeure un assemblage d’Etats souverains. Tant sous l’administration Bush que sous celle d’Obama, les dirigeants américains, collaborant avec la Réserve fédérale dirigée par Ben Bernanke, ont été en mesure d’agir rapidement pour stabiliser le système bancaire, fluidifier les marchés du crédit et contrer l’impact du mouvement mondial de désendettement par le biais de mesures de stimulation et de renflouements ciblés. Des mesures de politique budgétaire et monétaire ont été utilisées pour relancer une économie au bord de la paralysie. Nombre de ces mesures n’étaient guère populaires, en particulier l’injection d’argent public dans le secteur bancaire, mais elles ont contribué à empêcher un gel de l’économie et à améliorer nettement une situation qui, si elle est mauvaise, aurait pu être bien pire. Alors que l’économie américaine a généré plus de 4,5 millions d’emplois au cours des trente derniers mois, la zone euro ne cesse d’en perdre depuis 2010 (Sachs, 2012).

4. On comprend, dès lors, que l’administration américaine est particulièrement attentive aux efforts de l’Europe pour résoudre la crise de la dette souveraine de plusieurs de ses membres et pour restaurer la confiance dans le projet de l’euro proprement dit. Au cours des derniers mois, le secrétaire au Trésor Tim Geithner s’est très fréquemment rendu en Europe pour réclamer instamment des mesures plus concertées et plus décisives. Ces visites montrent à quel point la croissance des Etats-Unis et du monde en général est menacée par la crise de l’euro.

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5. L’ensemble de l’économie mondiale a, en fait, intérêt à la stabilisation de l’euro. Ensemble, le dollar et l’euro représentent 90 % des avoirs en devises étrangères des gouvernements et des banques centrales du monde entier. Ces deux monnaies constituent au moins les trois quarts des réserves en devises étrangères mondiales utilisées pour les échanges entre le FMI et ses membres, ainsi que pour les titres de créance libellés en devises étrangères. Le dollar et l’euro représentent donc les unités d’échange essentielles dans les systèmes commerciaux et financiers mondiaux. (Eichengreen, 2012) On comprend dès lors que la perception d’une crise monétaire de part et d’autre de l’Atlantique compromette non seulement la confiance dans les économies européennes et nord-américaine, mais également le système financier mondial dans son ensemble. La chute de la demande d’importations frappe les exportateurs nord-américains, mais bien davantage encore leurs homologues chinois, dont le pays constitue désormais le principal partenaire commercial de l’Europe. Depuis quelques années, la Chine est un moteur de la croissance mondiale et elle est de plus en plus préoccupée par la crise européenne. Le Premier ministre chinois Wen Jibao a récemment déclaré à la chancelière allemande Angela Merkel que son pays était prêt à acheter davantage d’obligations d’Etat européennes dans le cadre des efforts internationaux visant à atténuer l’impact de la crise. (Rinke, 2012) Manifestement, tous les acteurs mondiaux sont conscients de leur intérêt à voir cette crise résolue.

6. Bien que le présent rapport se concentre en grande partie sur la crise de l’euro et ses implications économiques, il est important de noter dès le début que la confiance dans la prédominance du dollar est, elle aussi, sévèrement érodée depuis quelques années. Les acrobaties politiques de l’année dernière pour parvenir à un nouveau plafond de la dette ont suscité de profondes préoccupations quant au manque de consensus fondamental au sein de l’édifice politique américain pour trouver le meilleur moyen de résoudre le double problème de l’envol du niveau d’endettement des Etats-Unis et du faible niveau de croissance. (Dash & Appelbaum, 2011) L’Europe est, quant à elle, confrontée à un scepticisme plus marqué encore, car ses problèmes ne sont pas seulement d’ordre politique ; ils sont aussi liés à la structure même de l’union monétaire proprement dite. En dépit de leurs problèmes budgétaires et politiques, les Etats-Unis retirent de formidables avantages de leur intégration dans ces deux domaines, ainsi que d’une culture politico-économique qui encourage la concurrence et l’esprit d’entreprise. Ils disposent ainsi d’amortisseurs naturels en cas de ralentissement économique, qui conduisent automatiquement les régions les plus prospères du pays à soutenir les dépenses dans celles qui le sont moins, tout en offrant de nouveaux outils pour la croissance. La récession prolongée révèle clairement la carence de structures comparables en Europe, ce qui sape la confiance dans le projet européen.

7. A certains égards, il est presque même inapproprié de parler d’une crise de l’euro, car il existe en fait plusieurs défis politiques, économiques et sociaux en Europe, auxquels il convient de s’attaquer simultanément. Ainsi, l’Europe est aujourd’hui confrontée à :

- une crise de la dette souveraine et des finances publiques dans plusieurs de ses pays membres ;

- une crise bancaire liée à la crise de la dette ; - de profonds bouleversements de la balance des comptes courants dans plusieurs pays,

résultant de ce que beaucoup considèrent, dans ces pays, comme une distorsion fondamentale de la monnaie ;

- une crise liée à une croissance lente, voire négative ; - une crise de l’emploi ; - une crise de la compétitivité ;- une crise sociale dans laquelle les classes sociales plus vulnérables ont à supporter des

charges énormes, alors que les budgets des Etats sont réduits et que le chômage augmente ; et, finalement,

- une crise politique, qui – à son niveau le plus élémentaire – concerne l’identité fondamentale de l’Europe, mais qui est également perçue comme une lutte opposant le Nord et le Sud du continent. Cette situation représente, en fin de compte, une menace pour la solidarité

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européenne et même pour la solidarité transatlantique. On constate également un mécontentement croissant à l’encontre des mesures d’austérité, en particulier dans les sociétés confrontées à un chômage très élevé et à bien peu de perspectives immédiates de croissance économique génératrice d’emplois. Dans certains pays, ce mécontentement adopte de surcroît des formes très nationalistes et anti-européennes.

8. Cette liste révèle la profondeur du dilemme politique auquel les dirigeants et les banques centrales sont confrontés. Il apparaît ainsi, par exemple, comme presque impossible de remédier simultanément aux problèmes des déficits budgétaires, de l’importance de l’endettement et de la croissance, surtout lorsque l’objectif consiste à parvenir à la viabilité budgétaire et à une croissance raisonnable à court et à moyen terme. Il est beaucoup plus facile de remédier à des déficits lorsque les économies sont en croissance. Si tel n’est pas le cas, les budgets sont automatiquement soumis à de fortes pressions et les pays victimes d’une crise grave ne disposent que d’une étroite marge de manœuvre pour utiliser des politiques budgétaires visant à stimuler la croissance. En Espagne, par exemple, la crise bancaire exerce une énorme pression sur les budgets des autorités nationales et régionales, tout en limitant les perspectives de réduction du déficit public. L’Europe septentrionale dispose en règle générale d’une marge de manœuvre budgétaire plus confortable que l’Europe méridionale pour faire face au ralentissement ; des stabilisateurs automatiques ainsi que des politiques budgétaires discrétionnaires contribuent à atténuer le poids de la crise. Mais l’Europe dans son ensemble manque d’un système budgétaire commun permettant de répartir les charges de manière collective et équitable. Cela génère des tensions politiques et diplomatiques qui affectent la solidarité et l’unité politique que l’union monétaire était sensée promouvoir à l’origine. La crise opposant le Nord et le Sud prend d’ailleurs de l’ampleur : certains groupes et partis politiques dans les pays septentrionaux plus prospères accusent les pays méridionaux d’être à l’origine de la crise, tandis que certains dans le Sud de l’Europe détectent des éléments de xénophobie et de racisme dans ces accusations et déplorent le manque général de solidarité européenne en période de difficultés profondes.

9. Enfin, le fait que les membres de la zone euro n’aient, par définition, qu’une seule politique monétaire introduit systématiquement des contraintes pour les décideurs politiques nationaux des pays en crise dans leur combat pour résoudre des dilemmes tels que le casse-tête croissance/dette. Au mieux peuvent-ils espérer que la Banque centrale européenne (BCE) comprend la situation critique dans laquelle ils se trouvent et adopte des politiques monétaires plus accommodantes. La crise actuelle révèle cependant que ce genre d’espoir peut s’avérer illusoire. Le mandat de la BCE est limité et sa tâche première consiste, par définition, à agréger les niveaux d’inflation. Cette tâche s’avère toutefois difficile dans la crise actuelle et suscite un vif débat quant à la finalité et aux fonctions de la BCE.

10. Il convient de porter au crédit de la BCE le fait qu’elle a récemment réagi à la crise en injectant davantage de liquidités dans les économies européennes. Son président, Mario Draghi, a commencé à évoquer l’idée de rachats plus directs par la Banque centrale d’obligations sud-européennes, afin de contribuer à faire baisser les taux d’emprunt. Berlin s’est toutefois fortement opposé à cette idée. Mais début septembre 2012, Mario Draghi a indiqué que la Banque était prête à faire appel à des ressources monétaires illimitées pour sauver l’euro. Il a ainsi annoncé que la BCE proposerait de racheter des obligations à court terme de membres de la zone euro sur les marchés secondaires dans le cadre d’un programme baptisé « Transactions monétaires fermes » (Outright Monetary Transactions - OMT). Ces rachats auraient toutefois un prix dans la mesure où certaines conditions seraient imposées aux emprunteurs. Les candidats devraient entreprendre de sévères réformes budgétaires et structurelles en échange de l’octroi de crédit. Au moment de la rédaction du présent rapport, ni l’Espagne ni l’Italie n’ont indiqué qu’elles étaient prêtes à recourir à cette ligne de crédit. Les marchés ont toutefois réagi positivement à cette nouvelle, entraînant une diminution des taux obligataires en Italie, en Espagne et au Portugal, tandis que les cours des actions s’envolaient. (Mackintosh, 2012) Il convient de noter que, même si la chancelière allemande Angela Merkel a récemment fait part de son soutien pour de tels rachats

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directs d’obligations par la BCE, la Bundesbank y demeure fortement opposée et s’est prononcée contre la mesure durant la réunion de son conseil d’administration. (Steen, 2012)

11. Bien que les niveaux d’endettement dans la zone euro ne soient pas, dans l’ensemble, significativement plus élevés que celui des Etats-Unis, la perte de confiance dans le système mis en place par les pays de la zone euro pour créer et soutenir la monnaie constitue également un facteur de crise. En substance, nombreux sont ceux qui considèrent désormais que la zone euro ne représente pas ce que les économistes considèrent comme une « zone monétaire optimale », en raison des niveaux divergents de développement économique et institutionnel de ses membres, de taux d’inflation naturelle qui diffèrent considérablement et des niveaux divers en matière de productivité. En bref, ce qui représenterait un taux de change optimal pour certains des pays les plus prospères et les plus productifs d’Europe septentrionale est très différent de ce que devrait être le taux de change idéal pour les pays européens à productivité moins élevée. De nombreux économistes considèrent que le problème revient à trouver la quadrature d’un cercle. Les économies européennes confrontées à la crise ne peuvent recourir au puissant outil de la dévaluation pour relancer la croissance économique et contrer les effets dévastateurs des mesures d’austérité sur cette dernière. L’Allemagne ne souhaite pas tolérer un niveau plus élevé d’inflation au bénéfice des économies méridionales essoufflées. Elle s’oppose à la mutualisation des dettes nationales des pays du Sud et insiste pour que ceux-ci parviennent à une productivité accrue tout en maîtrisant leurs politiques budgétaires. Il se pourrait que ces pays soient par conséquent confrontés à des années de stagnation économique. 12. Des facteurs culturels et historiques interviennent ici, bien qu’il soit assurément difficile de les mesurer avec précision. Un certain nombre de pays actuellement confrontés à de graves bouleversements avaient jadis recours à la dévaluation pour stimuler la croissance. A des degrés divers, ces pays recouraient également à l’inflation comme l’un des outils pour s’attaquer à leur problème d’endettement public persistant. Cette approche différait fondamentalement de celle pratiquée par l’Allemagne. Suite à la crise économique et politique précipitée par l’hyperinflation dans les années 30 et aux retombées désastreuses et amères de cette instabilité, les dirigeants allemands de l’après-guerre ont depuis longtemps fait de la lutte contre l’inflation l’une des premières priorités nationales. Ce parti pris anti-inflationniste a longtemps influé sur les décisions des autorités publiques et de la banque centrale (de ce pays) et a alimenté un engagement généralisé et profond à préserver la solidité du Deutsche Mark. Cette culture monétaire spécifique a, en fin de compte, exercé une profonde influence sur les règles essentielles de la Banque centrale européenne ; l’Allemagne ne se serait jamais ralliée à l’union monétaire si cette orientation anti-inflationniste n’avait pas été inscrite dans le code génétique de cette institution qui, dans les faits, a directement succédé à la Bundesbank.

13. La crise attire également l’attention sur certaines déficiences de l’édifice institutionnel de l’Union. Ces structures étaient censées fournir aux décideurs politiques un accès à des outils fiables pour gérer le genre de crise déclenchée par les chocs qui ont frappé ces quatre dernières années. Pour certains analystes, il ne fait aujourd’hui aucun doute que la zone euro est handicapée par l’absence d’une union budgétaire, une dimension nécessaire mais négligée jusqu’à présent dans une union monétaire pleinement opérationnelle. Une véritable union budgétaire impliquerait l’existence d’un Trésor commun, capable de lever des impôts et d’émettre des obligations européennes plutôt que nationales, d’un secteur bancaire unifié et de transferts budgétaires transnationaux qui pourraient servir d’amortisseurs en cas de crise. Il est intéressant de noter que l’accord conclu par les dirigeants européens en janvier 2012, qui a fait l’objet d’un grand battage médiatique, a certes créé des structures et procédures pour mettre en place une discipline budgétaire suivant des modalités absentes du Traité de Maastricht et du Pacte de stabilité et de croissance, mais ne constitue pas, en soi, une véritable union budgétaire. L’idée même d’une telle union est, de toute façon, diamétralement opposée aux préoccupations de souveraineté nationale persistantes, particulièrement pour Allemagne, qui devrait, en fin de compte, soutenir ces obligations à l’aide de ses propres deniers, une idée à laquelle s’opposent de nombreux électeurs et

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dirigeants politiques d’outre-Rhin. Il n’en demeure pas moins que la récente annonce faite par la BCE affirmant qu’elle est prête à racheter directement des obligations à court terme sur le marché secondaire semble marquer un important renversement de tendance, même si les détails doivent encore être clarifiés.

14. L’Europe est donc actuellement engagée dans un débat politique et économique très conflictuel et fondamental quant à son avenir. Le seul fait que ce débat existe suscite une formidable incertitude sur les marchés mondiaux, ce qui alimente le malaise économique général qui assaille la zone euro et, de manière croissante, ses partenaires commerciaux tant au sein de l’Union européenne qu’à l’extérieur. Le présent rapport se propose d’étudier ce débat sous toutes ses facettes, d’évaluer les mesures prises à ce jour pour faire face à la crise et d’examiner les orientations que l’Europe et le système monétaire international au sens large pourraient adopter au cours des prochains mois.

II. CONTEXTE

15. La fin de la Guerre froide et la réunification de l’Allemagne ont représenté un choc profond pour l’ordre européen. A l’époque, certains analystes redoutaient ouvertement qu’une Allemagne élargie ne bouleverse inévitablement les délicats équilibres au sein de l’Union européenne et du système d’Etat continental dans son ensemble. La création d’un système monétaire commun a été décidée en partie pour apaiser ces préoccupations et pour contribuer à l’ancrage de l’Allemagne dans ce qui allait bientôt devenir un nouvel ordre européen. (Rachman, 2012) La logique de cette décision était manifeste. L’accélération de l’union politique avait toujours représenté l’objectif en grande partie tacite de la mise en place d’une union monétaire en Europe. Une monnaie partagée était censée promouvoir plus profondément et plus largement un sens d’appartenance à une communauté européenne unique. L’intégration monétaire devait rendre très tangibles les enjeux partagés au sein de cette union et engendrer de nouvelles loyautés à son égard. Cette évolution devait à son tour contribuer à l’édification et au renforcement d’un large consensus, nécessaire à l’alignement des politiques nationales, tout en conférant davantage de poids à l’Europe dans les affaires mondiales. Cette ambition était sans nul doute louable et s’inscrivait parfaitement dans la logique et le modèle de l’intégration européenne découlant de la mise sur pied, en 1951, de la Communauté économique du charbon et de l’acier. Une approche « construisons-les et ils s’y rallieront» a toujours existé en matière d’édification des institutions dans l’UE, postulant que ces institutions transnationales sont établies essentiellement afin de générer une demande à leur égard. Le problème en ce que concerne la monnaie commune est que ce scénario ne s’est pas déroulé comme escompté.

16. Un deuxième objectif, moins souvent évoqué, de l’union monétaire consistait à donner à l’Europe davantage de poids dans les affaires monétaires mondiales. Déjà à l’époque du déclin du système de Bretton Woods, de nombreux dirigeants politiques et économistes européens estimaient que le paysage monétaire fragmenté de l’Europe l’avait rendue incapable d’affronter les conséquences parfois graves des politiques monétaire et budgétaire américaines, loin d’être optimales pour les partenaires des Etats-Unis. C’est ainsi, par exemple, qu’à la fin des années 60, l’Europe s’était pour l’essentiel retrouvée contrainte d’importer l’inflation des Etats-Unis. Ceux-ci recouraient alors massivement à la planche à billets pour financer la guerre du Viêt Nam, ce qui dépréciait implicitement les avoirs en devises des banques centrales européennes, et par là-même exportait leur inflation vers l’Europe. A cette époque, l’ordre monétaire mondial reposait sur la fiction suivant laquelle 35 dollars valaient une once d’or, mythe qui s’est manifestement avéré un mensonge au début des années 70. 17. La décision unilatérale du président Nixon de renoncer aux taux de change fixes en 1973 a mis un terme à ce mensonge et a officiellement ébranlé d’un seul coup la valeur des avoirs en dollars des banques centrales européennes. En raison de l’inflation persistante aux Etats-Unis et de

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l’effondrement du système de Bretton Woods, les dirigeants européens ont commencé à envisager de nouveaux systèmes pour contribuer à isoler leurs économies de ce que beaucoup considéraient comme une ingérence monétaire internationale inconsidérée. Ces efforts n’ont connu qu’un succès limité. En 1972, par exemple, les gouvernements européens ont créé un « serpent monétaire » avec des variations limitées des taux de change parmi ses membres. Ce système s’est en fait effondré dès le moment où le dollar a commencé à flotter librement sur les marchés des changes mondiaux, contribuant à faire diverger les monnaies européennes.

18. Le Système monétaire européen (SME) a fini par remplacer le « serpent » en 1979. Il créait un panier de devises conçu pour constituer plus ou moins une monnaie de réserve. L’European Currency Unit (ECU) devait servir d'actif de réserve et le système limitait les fluctuations des taux de change bilatéraux à 2,25 % (bien que, indice révélateur, l’amplitude fût de 6 % pour l’Italie, l’Espagne et le Portugal, en raison de leur taux d’inflation naturellement plus élevé). Le SME a également permis de corriger des distorsions fondamentales. Les facilités de crédit européennes ont été élargies et la promotion du Fonds de coopération monétaire européen a permis d’allouer des ECU aux banques centrales en échange d’or et de dollars américains. Ce système trouvait un ancrage informel dans le Deutsche Mark et la puissante Bundesbank, en conséquence, jouait un rôle capital en disciplinant les marchés monétaires européens. Pour l’essentiel, les membres avaient recours à une politique de taux d’intérêt pour maintenir les taux de change dans la limite de leurs fluctuations respectives, même si ces taux étaient parfois ajustés en raison de l’évolution des fondamentaux macro-économiques.

19. En dépit de ses ambitions louables, ce système s’est désagrégé en raison des déséquilibres sous-jacents et des chocs extérieurs, le plus important ayant été la réunification de l’Allemagne. Celle-ci a déclenché une soudaine augmentation de la masse monétaire allemande, tandis que son coût élevé induisait de gigantesques dépenses budgétaires. Le déficit des finances publiques allemandes passa ainsi de 5 à 13,2 % en raison de toute une série de projets de dépenses publiques à l’Est. La Banque centrale releva fortement les taux d’intérêt à court terme, le taux moyen passant de 7,1 % en 1989 à 8,5 % en 90, puis à 9,2 % en 91 et à 9,5 % en 92. Ce taux moyen ne diminua qu’en 1993 à 7,3 %, après une récession liée au resserrement du crédit. Les effets de ces importants changements macro-économiques ne furent pas limités à la seule Allemagne ; la réunification provoqua dans toute la région une onde de choc que le système monétaire européen ne pouvait tout simplement pas absorber en raison de sa structure. La hausse des taux d’intérêt en Allemagne imposa une énorme pression à ses partenaires au sein du système. La valeur du Deutsche Mark s’envola, poussant les autres monnaies jusqu’à la limite inférieure de la marge de fluctuation des taux de change. Cela contraignit les autres membres du SME à intervenir sur les marchés monétaires pour défendre la valeur des monnaies. La préservation de l’ancrage exigea des ajustements internes, dans une large mesure déflationnistes et politiquement périlleux pour les partenaires de l’Allemagne. Cette situation finit par soulever de graves questions quant à la crédibilité et à la logique économique du système dans son ensemble.

20. A l’époque, le Royaume-Uni était confronté à l’une des pires récessions depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, avec un taux de chômage supérieur à 10 %. Si le pays n’avait pas fait partie du SME, il aurait probablement recouru à une politique monétaire expansionniste et à la dévaluation pour relancer la croissance. Or, le système de change à parité fixe rendait cette démarche impossible. Au même moment, les économies allemande et britannique connaissaient donc des cycles économiques fondamentalement différents, mais – pour l’essentiel – le Royaume-Uni fut contraint d’utiliser un taux de change qui ne constituait tout simplement pas la réponse appropriée à sa situation économique interne. (Sevilla, 1995) Le marché finit par juger que le taux de change en vigueur n’était pas crédible et la livre sterling fit l’objet d’une attaque spéculative. Dans un premier temps, en septembre 1992, la Banque d’Angleterre porta le taux d’intérêt à 15 % pour défendre l’ancrage. Cela eut toutefois des conséquences extraordinairement sévères pour l’économie réelle dans un contexte de récession et de surendettement marqué du

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marché immobilier. L’incapacité des autorités à défendre l’ancrage face à la vague spéculative contraignit le Royaume-Uni à se retirer du SME.

21. Cette expérience malheureuse a tempéré l’enthousiasme britannique envers une participation à une union monétaire. L’année suivante, la limite de fluctuation fut portée à 15 %, après des attaques similaires contre le franc français. Les spéculateurs avaient compris que l’ancrage n’était pas crédible et qu’ils pouvaient faire de l’argent en misant contre lui. Il est intéressant de noter qu’au beau milieu de la crise de 1992, la Bundesbank allemande refusa d’abaisser ses taux d’intérêt pour détourner les attaques des spéculateurs vers des monnaies partenaires, ce qui rendit l’effondrement du système inévitable. Ici également, l’on peut relever un certain parallélisme avec la crise actuelle. Le SME eut au moins la vertu de reconnaître les taux d’inflation naturelle plus élevés de l’Italie, de l’Espagne et du Portugal, exigeant en conséquence des marges de fluctuation plus larges pour leurs monnaies respectives ; l’union monétaire actuelle ne peut manifestement pas se montrer accommodante en termes de taux de change ; en l’absence d’une union budgétaire et de l’émission collective de titres de créance, c’est donc à l’économie réelle qu’il appartient, nécessairement, d’assumer la charge de l’ajustement.

22. La signature du Traité de Maastricht en 1992 a placé l’Europe sur la voie d’une monnaie commune pour les pays décidant d’adhérer à l’union monétaire et répondant aux critères d’admissibilité. Le Royaume-Uni et le Danemark choisirent de demeurer en dehors du système de l’euro, le premier confirmant sa non-participation lors des négociations initiales sur le Traité de Maastricht et le Danemark agissant de même ultérieurement. Ce Traité a établi les « critères de Maastricht » pour faire partie de l’Union économique et monétaire et adopter l’euro, la nouvelle monnaie commune du système. Avant d’accéder à l’union monétaire, les membres n’étaient pas autorisés à avoir un taux d’inflation supérieur de plus de 1,5 % à la moyenne des trois Etats membres de l’UE ayant les taux d’inflation les plus bas ; le ratio de leur déficit public annuel par rapport au PIB à la fin de l’exercice fiscal ne pouvait dépasser 3 % ; leur dette publique ne pouvait excéder 60 % du PIB ; les pays devaient avoir adhéré au Mécanisme de taux de change européen (MCE) depuis au moins deux ans sans avoir dévalué leur monnaie ; enfin, les taux d’intérêt à long terme ne pouvaient dépasser de plus de 2 % la moyenne des trois Etats membres ayant les taux d’intérêt les plus bas. Ces critères étaient censés assurer un alignement des fondamentaux qui conférerait à l’union monétaire le genre de crédibilité ayant fait défaut aux tentatives précédentes de coordination monétaire. La création d’une monnaie commune scellerait l’accord et écarterait théoriquement le spectre d’attaques spéculatives.

23. Ces critères étaient également conçus pour répondre aux craintes, en particulier des dirigeants et des électeurs allemands, d’une nouvelle monnaie européenne plus inflationniste et moins fiable que le Deutsche Mark. Fondamentalement, la structure ainsi créée exigeait l’adoption par les pays de la même politique monétaire et d’un même taux d’intérêt directeur (les différences ne reflétant que les risques de crédit résiduels). Elle impliquait également que la politique monétaire serait très fortement anti-inflationniste. Comme une union monétaire signifie que les taux de change entre ses membres sont absolument et définitivement fixes, les ajustements nationaux aux chocs au sein de l’Union devaient être effectués par des changements au niveau de la production et de l’emploi plutôt que par le biais de moyens monétaires, à moins – naturellement – d’une modification de la politique monétaire de la BCE. (Feldman, 2012) La flexibilité salariale aurait pu fournir un autre amortisseur en cas de chocs, mais une telle flexibilité n’existe pas dans une bonne partie de l’Europe, en raison d’une législation du travail très restrictive. Cet ordre monétaire particulier était néanmoins censé encourager les politiques réalistes débouchant, à terme, sur des gains de productivité. Il assurerait en outre la promotion d’une convergence structurelle générale, en obligeant les économies moins productives à renoncer aux politiques gouvernementales centrées sur la consommation, tout en focalisant les Etats sur le renforcement de la productivité et de la compétitivité. En d’autres termes, la tentation du tandem "inflation-dévaluation" ne constituerait plus une option pour ces pays et cela contraindrait les autorités à prendre les décisions difficiles qui rendraient en fin de compte leurs sociétés plus concurrentielles. L’euro pourrait naturellement être

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dévalué par rapport au reste du monde, mais ses membres ne seraient plus tentés de procéder à des dévaluations individuelles, « chacun pour soi », au détriment de leurs partenaires européens. Sur le papier, la logique semblait imparable. Dans la pratique, un encouragement à plus de productivité ne s’est jamais vraiment matérialisé dans un certain nombre de pays et la souplesse des conditions de crédit, paradoxalement encouragée par l’Union, leur a permis d’éviter des mesures de redressement sur le plan de l’offre.

24. En l’absence d’une union monétaire, les différents pays sont, en théorie du moins, capables de répondre aux chocs de la demande en abaissant leur taux d’intérêt et en dévaluant leur monnaie nationale pour encourager l’activité économique sous-tendue par les exportations, même si cela entraîne potentiellement une inflation plus importante. Dans une union monétaire rassemblant des pays dont l’activité économique et la production varient fortement, le taux d’intérêt n’est cependant pas fixé pour optimiser les conditions des économies les moins productives, mais bien en fonction de certaines conditions moyennes générales, biaisées en faveur des économies de grande taille les plus puissantes. Cela engendre un problème dans une « zone monétaire non optimale », parce que le fossé entre les économies les moins productives et les économies les plus productives peut s’avérer trop important ; les taux d’intérêt et les taux de change réels peuvent, en fin de compte, ne profiter ni aux uns ni aux autres. Les pays ayant la plus faible productivité peuvent être confrontés au défi de la déflation, tandis que les plus productifs doivent faire face à des pressions inflationnistes liées à une valeur trop faible de la monnaie selon eux. (Feldman, 2012)

25. Comme le fait remarquer le prix Nobel Robert Mundell dans son étude de référence sur les unions monétaires, une zone monétaire optimale constitue simplement une région géographique dans laquelle l’intégration de la région tout entière par le biais d’une monnaie unique permettrait une efficacité maximale. Cette théorie permet également de penser que les unions monétaires réussies exigent une totale mobilité de la main-d’œuvre, l’ouverture des capitaux, la flexibilité des prix et des salaires, un système de transfert budgétaire pour partager les risques et un cycle économique commun (Mundell, 1961). Le système de transfert budgétaire doit inclure des critères communs et la possibilité pour une banque centrale au service de l’union d’émettre des obligations, faisant des dettes une question collective plutôt qu’une question strictement nationale. Il est évident, lorsque l’on examine cette énumération, que plusieurs de ces conditions ne sont actuellement pas remplies en Europe. C’est d’ailleurs l’absence de ces conditions qui a conduit à l’effondrement du SME et qui sape à présent les efforts pour raviver la zone euro.

26. Une fois encore, on espérait que les pays à plus faible productivité seraient contraints d’entreprendre des réformes structurelles pour survivre dans l’environnement plus concurrentiel généré par l’union monétaire. Or, ces pays ont trouvé un autre moyen de s’accommoder de cet environnement difficile sans entreprendre des réformes structurelles politiquement risquées, inévitablement appelées à mécontenter à court terme certains électeurs. Les économies européennes moins productives pouvaient tout simplement emprunter des capitaux sur les marchés internationaux à des conditions très favorables et c’est précisément ce qu’elles ont fait. Ces pays ont non seulement pu emprunter massivement auprès de bailleurs de fonds internationaux, mais ils sont parvenus à le faire à des conditions jusque-là réservées aux économies les plus concurrentielles. En d’autres termes, l’union monétaire a permis à tous les membres de la zone euro de bénéficier de conditions de crédit extrêmement favorables, autrefois réservées à des pays très concurrentiels comme l’Allemagne. Les organismes de régulation et les banques évaluaient ainsi l’émission de dettes libellées en euro au bénéfice de tous ces pays comme étant virtuellement dénuée de risque et les banques en Europe du Nord octroyaient volontiers des prêts aux économies méridionales. Les gouvernements membres de la zone euro bénéficiaient donc de capitaux abondants et bon marché qui, dans un premier temps, ont apporté une protection aux économies moins productives opérant dans des conditions d’âpre concurrence. Les banques en Europe du Nord ont étoffé leur clientèle sans accroître – en théorie du moins – leur exposition au risque de défaut.

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27. Cette multiplication des emprunts a naturellement entraîné une augmentation constante des ratios d’endettement public et/ou privé par rapport au PIB dans plusieurs pays, qui se retrouvent aujourd’hui plongés dans de graves crises financières et de dette souveraine. La Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Espagne et l’Italie ont été en mesure d’emprunter massivement sur les marchés européens des capitaux à des taux d’intérêt relativement bas. Comme ces marchés évaluaient ces prêts comme présentant pour l'essentiel de très faibles risques, il semblait peu risqué de continuer à emprunter. Ces pratiques non viables échappaient toutefois à une saine vigilance. Dans un contexte de croissance économique généralisée, le financement de l’accumulation de ces dettes ne posait aucun problème, ce qui entraîna la multiplication des emprunts à des taux d’intérêt excessivement bas. C’est ainsi que la bulle continua à gonfler.

28. Les problèmes sous-jacents ne sont apparus qu’à la suite des chocs financiers provoqués par la crise des « subprimes » aux Etats-Unis, en 2008, à la suite d’une sous-évaluation massive des risques immobiliers. Cette crise déclencha une crise de liquidité, qui mit les marchés de capitaux mondiaux en grave danger, tout en accélérant l’effondrement de la demande dans les économies affectées. Ces deux phénomènes ont contribué à la transformation de la crise américaine en une crise européenne. Dès 2010, les acteurs du marché ont commencé à se demander si l’endettement de certains pays européens était tenable. Mais une autre question commença à hanter sérieusement les observateurs économiques les plus avisés : dans quelle mesure la structure même du système de l’euro compliquait-elle les ajustements à des conditions macro-économiques en rapide évolution, frappant à des degrés très divers les membres de la zone euro ? Alors que, jusque-là, les taux d’intérêt appliqués aux emprunteurs massifs ne divergeaient que légèrement de ceux de l’Allemagne, en 2010 les écarts de taux d’intérêt sur les emprunts se sont creusés, lorsque les acteurs du marché ont soudain remis en question l’aptitude de ces pays à respecter les échéances de leurs obligations publiques et/ou privées. La situation apparut de surcroît inextricable, puisqu’une forte augmentation des taux d’intérêt appliqués à ces pays provoquerait presque inéluctablement une crise de défaut de paiement. Ceci s'est ensuite répercuté sur les attentes du marché, entraînant l’accroissement des écarts de taux d’intérêt. En résumé, le problème du financement de la dette venait de se muer en une véritable crise de solvabilité. Comme cette dette était répartie à l’échelle internationale, le risque de contagion a grimpé en conséquence.

29. La Grèce a été le premier pays contraint par les forces inéluctables du marché à admettre qu’elle ne pouvait pas respecter ses échéances, ce qui a provoqué la crainte d’une cessation de paiements pure et simple. Le pays mène depuis lors des négociations prolongées avec ses créanciers publics et privés et a été renfloué à deux reprises en échange de promesses de réformes structurelles. Les créanciers privés ont récemment accepté de réduire leurs créances de 75 % (en termes de valeur actuelle sur les obligations grecques, faisant ainsi passer les besoins de financement de la Grèce d'ici à 2020 de 180 % du PIB escompté à 120 %) (BBC, 2012). Les créanciers de la Grèce déclaraient que celle-ci n’avait pas mis pleinement en œuvre les changements structurels exigés après son premier manquement. Les négociations pour le deuxième volet du renflouement ont été d'autant plus exigeantes que les créanciers ont exigé des garanties concrètes afin que les responsables grecs mettent en œuvre un large éventail de mesures structurelles et d’austérité, en mesure de conférer une base viable au budget et d’alléger la charge de la dette au fil du temps. Certains s’inquiètent aujourd’hui du manque de progrès suffisants de la Grèce en la matière.

30. Un certain nombre d’économistes considère qu’une défaillance organisée aurait mieux servi les intérêts de la Grèce à long terme que l’octroi de nouveaux crédits visant au maintien du pays dans la zone euro. Les défenseurs de cet argument renvoient au cas de l’Argentine comme modèle potentiel de la manière dont une insolvabilité ordonnée peut conduire à un rapide rebond, si elle est associée à des politiques disciplinées. Mais, naturellement, l’Argentine ne faisait pas partie d’un ordre monétaire multinational intégré et elle a pu dévaluer sans conséquences graves pour ses partenaires commerciaux. Aussi longtemps qu’elle demeure dans la zone euro, la Grèce ne dispose que d’un nombre beaucoup plus réduit d’options.

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31. La Grèce et le Portugal sont des petits pays et il ne fait aucun doute que le marché aurait été capable d’absorber la défaillance grecque et/ou portugaise si celle-ci était survenue isolément. Or, il ne s’agit pas des seules économies en difficulté, et ce point n’est pas à négliger. L’Espagne et l’Italie, en particulier, beaucoup plus grandes en taille et en importance, suscitent des inquiétudes bien plus graves. Si la Grèce avait été autorisée à manquer à ses obligations, beaucoup estiment que les spéculateurs auraient alors porté toute leur attention vers ces deux pays, ce qui, à cette échelle, aurait eu des conséquences économiques beaucoup plus importantes.

32. Or, c’est effectivement ce qui s’est produit, même en l’absence d’une véritable cessation de paiement de la Grèce et si celle-ci n’est pas sortie de la zone euro. C’est ainsi que, dès novembre 2011, l’écart de taux d’intérêt sur les emprunts octroyés à l’Italie est passé à 7 %. La dette italienne augmentait en outre beaucoup plus rapidement que les revenus, ce qui a déclenché une véritable crise politique et économique dans le pays. L’endettement public de l’Italie n’était pas énorme, mais les préoccupations concernant l’absence de croissance, le besoin manifeste de réformes structurelles, l’absence de volonté politique d’entreprendre ces réformes, une structure rigide et obsolète en matière de réglementation sapant la compétitivité italienne et la hausse à un rythme insoutenable du niveau de cet endettement, ont contribué à alimenter une très grave crise de confiance dans l’économie italienne.

33. En Espagne et en Irlande, les causes de la crise ont été quelque peu différentes. Au lendemain de l’adoption de l’euro, les capitaux étaient devenus meilleur marché et disponibles sans contraintes dans les deux pays. Ces capitaux contribuaient à alimenter une spéculation massive dans le secteur de l’immobilier, qui fut d’ailleurs à la base de la croissance économique espagnole et irlandaise ; les prix des terrains et des logements s’envolèrent durant la majeure partie de la décennie ayant suivi l’introduction de l’euro. Lorsque les prix de l’immobilier ont commencé à chuter, la solvabilité des banques dans les deux pays s’est immédiatement retrouvée menacée, car elles avaient accordé un très grand nombre de prêts immobiliers. Les autorités publiques espagnoles et irlandaises ont été forcées d’accorder leur garantie aux dépositaires et aux autres créanciers, ce qui s’est immédiatement traduit par une crise de la dette publique, en dépit des politiques budgétaires relativement saines menées par ces deux gouvernements. Le problème résidait dans l’incapacité de crever la bulle de l’immobilier, alimentée par un afflux de capitaux bon marché (Feldman, 2012). L’Espagne est actuellement plongée dans une crise bancaire et devra probablement faire de nouveau appel à des créanciers internationaux comme la BCE ou le FMI pour qu’ils l’aident à recapitaliser ses banques. Les autorités espagnoles ont déjà accepté de la zone euro un prêt allant jusqu’à 100 milliards, afin de leur permettre d’injecter de l’argent dans leur secteur bancaire en détresse. La crise bancaire espagnole menace l’octroi de lignes de crédit, en particulier aux petites et moyennes entreprises. Au moment de la rédaction du présent rapport, les petites entreprises espagnoles sont confrontées aux taux d’emprunt les plus élevés des quatre dernières années, alors que les firmes allemandes de taille similaire peuvent emprunter à des taux historiquement bas, ce qui confère à ces dernières un important avantage concurrentiel (Atkins, 2012). Il s’agit précisément là du genre de phénomène que la création de l’euro était censée éviter.

34. La Slovaquie, l’un des nouveaux membres du club de l’euro, se retrouve également plongée dans un débat difficile sur la contribution aux fonds de sauvetage destinés à aider les pays en crise de la zone euro. La révision, en 2011, des dispositions du Fonds européen de stabilité financière (FESF) a porté la garantie de la Slovaquie de 4,4 milliards d’euros (5,9 milliards de dollars) à 7,7 milliards d’euros. Cette augmentation s’est avérée politiquement explosive, car l’adhésion à la zone euro était censée générer de la richesse et non peser sur les contribuables slovaques. La contribution de la Slovaquie va en outre servir à renflouer des pays qui, sur le papier du moins, sont plus riches qu’elle. Le pays a adopté une position similaire à celle de l’Allemagne et s’oppose au rachat illimité d’obligations par la BCE (Novak, 2012).35. Ces événements ne sont pas isolés de tout contexte. En effet, dans la majeure partie de l’Europe, des banques détenant d’importantes quantités d’obligations émises par des pays en

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difficulté financière se sont retrouvées, elles aussi, en péril. Leur sauvetage impliquait de compromettre davantage la position d’endettement de plusieurs pays qui, jusque-là, ne semblaient guère menacés. Le risque de contagion était donc bien réel. Comme pour le confirmer, à la mi-janvier 2012, Standard & Poor’s (S&P) a pris la décision d’abaisser la note de plus de la moitié des 17 membres de la zone euro, indiquant à quel point la crise transcendait désormais les problèmes de dette souveraine de la Grèce. S&P ne s’est pas contenté de critiquer la gestion des politiques économiques nationales ; il a remis en question « l’efficacité, la stabilité et la prévisibilité du processus d’élaboration des politiques européennes ». D’après le rapport de S&P, « les institutions politiques ne sont pas aussi solides que nous pensons qu’elles doivent l’être pour affronter la gravité d’une crise financière qui s’élargit et s’aggrave » (Barker & Wilson, 2012). A la fin du mois de janvier 2012, Fitch dégradait à son tour les notes de crédit souverain de la Belgique, de Chypre, de l’Italie, de la Slovénie et de l’Espagne, une décision révélatrice du degré de perte de confiance des opérateurs du marché dans le système monétaire européen dans son ensemble (Waki, 2012). Les agences de notation elles-mêmes ont été accusées de prendre parti et leur rôle dans la crise est également devenu une question d’importance politique.

36. S&P et une série d’autres analystes font part de leurs préoccupations non seulement quant au rythme et à la teneur des réactions à la crise, mais aussi face aux divergences fondamentales qui résultent de politiques de compromis souvent inadéquates. A commencer par la pertinence d’utiliser l’austérité budgétaire comme principale politique alors que plusieurs pays sont en récession. Les économistes keynésiens en particulier soulignent la nécessité de soutenir à court terme un certain niveau de demande et de procéder à des investissements de productivité à long terme pour que les pays européens en péril puissent espérer échapper à leurs problèmes d’endettement. (Schmidt, 2011) L’élément le plus cruel de cette crise de la dette souveraine est qu’elle survient à un moment de croissance lente ou négative pour de nombreux pays. Ceux-ci ne disposent pas de la marge de manœuvre budgétaire requise pour stimuler leur économie par un ensemble de mesures de relance comme les Etats-Unis sont parvenus à le faire et risquent donc de tomber dans une spirale entraînant une réduction drastique des dépenses publiques, l’effondrement des dépenses de consommation, le déclin de la croissance, la chute des recettes fiscales, la diminution des exportations et l’augmentation de leur endettement. C’est précisément la raison pour laquelle une pression s’exerce sur des pays qui, comme l’Allemagne, disposent d’une certaine latitude budgétaire, afin qu’ils stimulent la demande dans l’ensemble de l’Europe par le biais de politiques plus expansionnistes et de mise à disposition de leurs liquidités en rachetant des obligations, afin de soutenir la demande dans une région méridionale frappée par la crise. De nombreux économistes sont désormais d’avis que ces liquidités devraient être mises à disposition par le biais de l’émission d’euro-obligations, de sorte que la dette d’un pays donné devienne celle de l’ensemble de la zone euro. Il s’agirait naturellement là d’une étape majeure vers l’union budgétaire.

37. Certains économistes font valoir que les problèmes d’endettement et de croissance sont si graves que la BCE devrait également envisager d’autoriser un certain niveau d’inflation pour alléger la charge de la dette et fournir un stimulant monétaire à la croissance. Cette démarche frapperait manifestement les créanciers plutôt que les débiteurs et se heurte à la forte résistance des pays qui détiennent la dette. (Chin & Frieden, 2012) Qui plus est, la BCE n’est pas légalement structurée pour suivre une telle voie. La Réserve fédérale américaine s’est pour sa part lancée dans un programme d’assouplissement quantitatif et a augmenté à trois reprises ses rachats de Bons du Trésor à long terme, afin d’injecter des liquidités dans l’économie des Etats-Unis. La Réserve fédérale a lancé, le 13 septembre 2012, un nouveau plan en annonçant le rachat de 40 milliards de titres adossés à des créances immobilières émis par les organismes de refinancement hypothécaires et promis de ne pas relever ses taux d'intérêt avant la mi-août 2015. L’inflation américaine demeure cependant faible, en raison – notamment – du fait que l’économie des Etats-Unis est loin de tourner à plein régime et parce que l’afflux d’importations très bon marché en provenance de la Chine et d’autres exportateurs asiatiques contribue au maintien sous contrôle des prix des biens de consommation, même en période d’expansion. Les économies européennes

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tournent pour l’instant nettement en-deçà de leur capacité, ce qui réduit fortement le risque d’inflation.

III. LA CRISE DE L’EURO ET LES EFFORTS POUR RETABLIR SA CREDIBILITE

38. Les graves problèmes d’endettement et de liquidités de la Grèce, du Portugal, de l’Italie, de l’Irlande et de l’Espagne suscitent manifestement de sérieuses préoccupations quant à la viabilité de l’euro proprement dit. En raison du poids commercial de la zone euro dans l’économie mondiale et du fait que l’euro constitue une monnaie de réserve majeure, la crise s’est généralisée au niveau européen avec des implications au niveau mondial. Le fait que le système de l’euro représente un facteur de dangereuse distorsion des marchés du crédit conduit certains analystes à se demander s’il convient de le conserver ou de l’abandonner. Mais même les nombreux sceptiques considèrent qu’il n’y a pas de marche arrière possible et que l’Europe n’a pas d’autre choix que d’édifier un système monétaire et un ordre budgétaire plus acceptables articulés autour de l’euro plutôt que de renoncer à une monnaie dans laquelle elle a tellement investi. Mais cela ne signifie pas nécessairement qu’une sortie de l’euro soit impossible. Reste à voir si certains pays doivent demeurer dans le système.

39. Un problème critique mis en lumière par la crise est que la prise de décisions au niveau européen, tellement dominée par les compromis, intervient bien trop lentement pour assurer la gestion efficace d’une crise économique et financière profonde. Les dirigeants européens sont sans cesse contraints de se livrer à un jeu de rattrapage. Une fois adoptées, les décisions s’avèrent rapidement dépassées ou insuffisantes. Cette situation entraîne une crise de confiance dans le processus décisionnel européen et, par extension, dans l’euro lui-même.

40. Plusieurs stratégies ont, à ce jour, été mises en œuvre pour faire face à la crise. Dans un premier temps, les dirigeants de la zone euro ont décidé que les banques commerciales devaient relever leurs ratios de fonds propres afin de mieux se prémunir contre les actifs à risque. L’aide massive de 110 milliards d’euros accordée à la Grèce en 2010 a ensuite représenté un premier engagement des pays de la zone euro (à l’exception de la Slovaquie, ayant décidé de ne pas participer, et de l’Estonie, qui ne faisait pas partie de la zone euro en 2010) et du FMI pour soutenir la Grèce. Mais cela n’a pas suffi à régler les problèmes de la Grèce et plusieurs gouvernements européens ont manifesté leur mécontentement face à l’incapacité de la Grèce à mettre en œuvre les changements structurels promis. Cela s’est avéré une source de complications dans le cadre des négociations pour l’octroi d’une seconde aide début 2012. Le Portugal a, quant à lui, présenté de meilleurs résultats quant au respect des critères liés à l’aide de 78 milliards d’euros convenue en mai 2011. Il a imposé de dures mesures d’austérité et des réformes structurelles afin d’avoir droit à ce financement.

41. Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) a été créé en 2010 pour aider les pays confrontés à une crise de la dette souveraine. Il a, dans un premier temps, été autorisé à emprunter jusqu’à 440 milliards d’euros, avec un reliquat de 250 millions d’euros après l’apport de fonds à l’Irlande et au Portugal. Fin novembre 2011, les ministres des Finances européens ont habilité le FESF à garantir entre 20 et 30 % des obligations des Etats membres en crise. Le mécanisme européen de stabilisation financière (MESF) a ensuite été créé pour permettre à la Commission d’emprunter jusqu’à 60 milliards d’euros sur les marchés financiers, emprunts garantis par la Commission européenne sur le budget de l’UE. Ces fonds peuvent être prêtés aux gouvernements qui ont besoin d’un soutien extérieur. Tous les intérêts et le principal de chaque prêt sont remboursés par l’Etat membre bénéficiaire via la Commission. Le budget de l’UE garantit le remboursement des obligations en cas de défaillance de l’emprunteur. L’UE a accepté de fournir à l’Irlande jusqu’à 22,5 milliards d’euros par le biais du MESF et jusqu’à 17,7 milliards d’euros via le FESF en 2012. En mai 2011, l’Eurogroupe et le Conseil de l’UE, rassemblant les ministres de l’Économie et des Finances, ont accepté de couvrir à concurrence de 78 milliards d’euros les

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besoins de financement du Portugal. L’Union européenne fournira jusqu’à 26 milliards d’euros sur trois ans par le biais du MESF et la même somme par le biais du FESF. Un soutien supplémentaire sera octroyé via le FMI à concurrence de 26 milliards d’euros (site internet FESF, 2011).

42. Les craintes ne manquent cependant pas : ce niveau de financement ne sera sans doute pas suffisant pour dissuader les spéculateurs de croire au manque de volonté de l’Europe de soutenir les pays dans la tourmente. L’économiste Paul Krugman est d’avis qu’il peut s’avérer rentable de miser contre les fonds de sauvetage, qu’il juge insuffisants, car ils seront inévitablement dépassés. Il convient manifestement de faire comprendre aux marchés qu’ils ne peuvent pas gagner en misant contre les fonds de sauvetage, mais cela exige naturellement des poches bien pleines. Certains pensent que seule la BCE peut apporter cette garantie (Wolf, 2012). Le 21 juillet 2011, les dirigeants de la zone euro ont décidé de modifier le FESF et de porter son capital de 440 à 780 milliards d’euros. Puis, en octobre 2011, les Etats membres ont accepté de porter la capacité de prêt du FESF à un billion d’euros et offert leur garantie aux acheteurs des dettes de pays de la zone euro. Ils ont également convenu de remplacer en 2013 le FESF et le MESF par le Mécanisme européen de stabilité (MES) (une fois et à la condition que celui-ci soit ratifié). Enfin, le Conseil s’est également mis d’accord sur un calendrier pour la supervision commune du secteur bancaire.

43. En juillet 2012, le Conseil a décidé de permettre aux fonds de sauvetage de servir directement à la recapitalisation de banques sous capitalisées plutôt que de faire transiter l’argent par des autorités nationales confrontées à de graves difficultés budgétaires (Spiegel, 2012). Cette mesure est destinée à renforcer les budgets publics de l’Espagne et de l’Irlande, mis à très rude épreuve car les autorités des deux pays ont injecté directement des liquidités dans leurs secteurs bancaires respectifs, vulnérables, et sont dès lors confrontées à un assèchement des fonds publics. Le Conseil a décidé que les prêts octroyés dans le cadre du fonds de sauvetage européen n’auraient pas la préséance sur les prêts existants, afin de calmer les craintes des créanciers privés. Ce même Conseil n’est toutefois pas parvenu à se mettre d’accord sur une augmentation des fonds mis à la disposition du MES, qui atteignent actuellement 500 milliards d’euros. Aucun accord n’a par ailleurs été trouvé pour l’émission d’euro-obligations, pas plus que pour l’octroi d’une garantie des dépôts dans l’ensemble de la zone euro ou d’une autorisation qui permettrait à la BCE de servir d’acheteur en dernier ressort d’obligations souveraines (Wolf, 2012). Une véritable union budgétaire, que certains jugent essentielle pour qu’en fin de compte l’union monétaire fonctionne à long terme, n’a pas encore été réalisée. Une telle démarche nécessiterait un formidable renforcement des pouvoirs de la BCE et la possibilité d’émettre des euro-obligations, garanties par l’Europe dans son ensemble plutôt que par différents pays individuellement. La BCE semble désormais se diriger dans cette direction.

44. D’après l’éminent analyste monétaire britannique Martin Wolf, la crise ne trouvera pas de solution tant qu’il n’y aura pas de séparation radicale entre les banques et les Etats souverains, de système mis en place pour financer les Etats souverains de manière gérable durant la longue période d’ajustement et – surtout – de retour à une croissance économique soutenue en Europe. Il est d’avis que la décision de permettre au MES de recapitaliser directement les banques est potentiellement très importante en soi et par ce qu’elle laisse présager. Mais il se peut également que cela soit insuffisant et qu’il soit trop tard. Alors que ces mesures sont mises en place, les économies de la zone euro sont soumises à de fortes pressions, le chômage y atteignant 11,3 % en juillet (Associated Press, 2012), tandis que les écarts des taux obligataires repartaient à la hausse. Après l’abaissement en juillet de la note octroyée par Moody’s à l’Italie, les obligations d’Etat italiennes n’étaient plus que de deux crans au-dessus de la note attribuée aux investissements spéculatifs. En juillet 2013, le taux des obligations italiennes à dix ans avait atteint 6,03 % et celui de l’Espagne 6,75 %. Les tensions avaient diminué plus tard à l’automne et le 19 novembre 2012, le taux des obligations à dix ans était retombé à 4,8% en Italie et 5,89% en Espagne, contre 1,36% en Allemagne. Ces chiffres indiquent cependant que les marchés ne sont absolument pas convaincus que la crise actuelle est proche d’un dénouement.

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45. Ceux qui préconisent d’aller de l’avant en matière d’intégration européenne font valoir que l’absence de véritable union budgétaire a constitué l’un facteur crucial sous-jacent de la crise. L’Europe a également pâti du manque de transferts et de stabilisateurs automatiques, si importants aux Etats-Unis par exemple pour contribuer à atténuer les chocs financiers lorsque des régions présentent des taux de croissance différents. Aux Etats-Unis, les régions qui réalisent des excédents peuvent transférer des fonds vers les Etats en déficit par le biais d’amortisseurs financiers fédéraux tels que le système de sécurité sociale et Medicaid. De la sorte, des retraités de Californie recevront leur chèque de la Sécurité sociale même si la Californie connaît une terrible crise budgétaire. Cela n’est pas le cas en Europe, ce qui aggrave la crise en termes économiques et politiques.

46. Si un système budgétaire plus fédéré faisait l’objet d’un accord, il engendrerait théoriquement des amortisseurs de ce type et permettrait à l’Union européenne d’avoir beaucoup plus son mot à dire dans les politiques budgétaires nationales, tout en accordant à la Commission de nouveaux pouvoirs pour faire appliquer la discipline budgétaire. Pour pouvoir être crédibles, ces nouveaux pouvoirs devraient toutefois être nettement plus étendus que ceux utilisés pour faire respecter les critères du Traité de Maastricht. Des aspects essentiels de ce Traité n’ont d’ailleurs jamais été véritablement appliqués. Plusieurs grands pays ont ignoré les limites budgétaires dès 2004, tout en incitant la Commission à ne pas pénaliser ces transgressions par des sanctions financières. La crédibilité de l’union monétaire a donc subi un rude coup dès cette époque et, à de nombreux égards, elle ne s’en est jamais remise. Peu de signes indiquent cependant que les pays européens soient prêts à accepter ce genre d’intégration budgétaire, précisément parce qu’elle représenterait une perte de contrôle de la souveraineté sur les finances nationales et poserait de graves défis constitutionnels dans un certain nombre d’Etats.

47. Ceci étant, une dimension budgétaire dans le cadre de la gestion de la crise a officieusement été adoptée pour la première fois dans le cas de la Grèce, puisque les clauses imposées par le FMI et la BCE incluent des limites en matière de rémunération des fonctionnaires, de versements de la sécurité sociale et d’autres dépenses publiques. Des pressions similaires exercées sur le gouvernement de Silvio Berlusconi afin d’imposer une série de mesures d’austérité en Italie ont conduit à la démission de ce gouvernement et à son remplacement par une équipe de techniciens dirigée par Mario Monti. (Feldman, janvier/février 2012). Mario Monti et son cabinet ont ultérieurement décidé de mettre en œuvre un certain nombre de changements structurels essentiels, une attitude qui a été saluée et qui a atténué les préoccupations liées à l’économie italienne. Le Portugal et l’Irlande ont également accepté de rigoureuses conditions budgétaires et structurelles en échange de nouveaux crédits. La réunion au sommet de juin 2012 a débouché sur la promesse d’une plus grande coordination budgétaire en Europe à l’avenir, mais on ne sait absolument pas ce que cela implique en termes pratiques. Manifestement, les conditions politiques d’une véritable union budgétaire ne semblent pas encore exister.

48. Il existe également une myriade de propositions pour faire de la BCE un bailleur de fonds en dernier ressort pour les pays en difficulté. Dans les faits, cela permettrait à la banque de se porter acquéreuse des dettes pour lesquelles ces pays ne pourraient obtenir de financement sur les marchés obligataires internationaux. En achetant des obligations de pays très fortement endettés, la BCE pourrait contribuer à faire baisser les taux d’intérêt qui leur sont demandés. L’Allemagne est fortement opposée à cette idée, faisant valoir qu’elle viole les traités de l’UE et qu’elle est, de toute façon, de nature inflationniste. (Schmidt, 2011). Une autre question qui se pose consiste à savoir si la BCE doit émettre des euro-obligations (de stabilité) pour le compte des 17 Etats de la zone euro.

49. En novembre 2011, la Commission européenne a appelé à l’émission conjointe d’euro-obligations et présenté un Livre Vert explorant la faisabilité de mise en œuvre d’une telle mesure. Celle-ci représenterait naturellement une avancée qualitative pour l’intégration européenne et un progrès fondamental sur la voie de l’intégration budgétaire et monétaire de l’Union. (Communiqué de presse Europa, 2011). Le président de la Commission, José Manuel Barroso, a déclaré que la

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mise en œuvre d’un tel programme exigerait une plus forte surveillance budgétaire et une plus grande coordination des politiques, afin d’éviter le parasitisme et l’aléa moral. Dans la pratique, cela impliquerait de soumettre, pour examen, les budgets nationaux à la Commission. La Commission aurait alors le pouvoir de demander des révisions des budgets, si les plans de dépenses s’écartent des objectifs en matière de déficit et de dette. L’idée que ces révisions puissent l’emporter sur le processus de prise de décisions national s’avère un anathème pour de nombreux dirigeants nationaux, qui défendent résolument le contrôle souverain de leur gouvernement sur les questions fiscales et de dépenses.

50. Les dirigeants politiques allemands et de plusieurs autres pays continuent à s’opposer à l’émission d’euro-obligations, faisant valoir que cela risquerait de les exposer davantage aux créances douteuses de leurs partenaires. La chancelière Angela Merkel a récemment déclaré qu’elle considère comme « tout à fait déplacé que la Commission européenne suggère aujourd’hui plusieurs options en matière d’euro-obligations, ce qui reviendrait à dire qu’il est possible de surmonter les lacunes de la structure de l’union monétaire en mutualisant les dettes. Il s’agit-là précisément d’un arrangement qui ne fonctionnera pas ». (Reuters, 2011) Elle a, depuis lors, adouci son discours et soutient apparemment la récente décision de la BCE d’acheter sur le marché secondaire des obligations d’Etats membres de la zone euro en grande difficulté, même si la Bundesbank continue à s’opposer à cette idée. Certains redoutent également qu’une telle disposition ne soit en infraction avec le Traité de Lisbonne, qui stipule expressément que l’Union européenne et ses membres n’assument aucune responsabilité pour les dettes des autres Etats. Des problèmes constitutionnels doivent également être résolus dans plusieurs pays membres de la zone euro.

51. La crise entraînera sans doute, dans une certaine mesure, une plus grande intégration. Une coordination budgétaire accrue et un accord pour imposer un plafonnement des déficits figurent dans un pacte budgétaire entériné par 25 des 27 membres de l’UE en janvier 2012. Cet accord entrera en vigueur une fois ratifié par les parlements de ces 25 pays. L’Irlande organisera un referendum sur le pacte et certains signes laissent présager des batailles politiques dans d’autres pays également. Ce pacte a été conçu pour démontrer que l’Union européenne est bien décidée à empêcher de nouveaux déficits budgétaires débridés parmi ses membres. L'accord que le Royaume-Uni et la République tchèque ont refusé de signer aura peu d’incidence sur la crise actuelle au-delà du signal qu’il envoie pour l’avenir. Certains l’accusent de faire double emploi, dans la mesure où il se contente de réaffirmer les règles édictées par le Traité de Maastricht qui ont, de toute façon, été allègrement ignorées par les gouvernements depuis 2004. (Cody, 2012) D’autres sont d’avis qu’un accroissement des dépenses plutôt que l’austérité s’avère aujourd’hui nécessaire pour donner un coup de pouce à la relance économique dans la zone euro. A leur avis, une focalisation exclusive sur les budgets pourrait avoir un effet déflationniste dans l’union monétaire. En tout état de cause, ce nouvel accord répond à la demande de l’Allemagne, qui appelle l’Union à créer de nouveaux moyens d’imposer la discipline budgétaire à long terme. 52. Il convient enfin de se pencher sur les approches très différentes de la crise financière adoptées par les autorités américaines. La politique de la Réserve fédérale est articulée autour d’un objectif central, qui consiste non seulement à combattre l’inflation, mais également à chercher à atteindre « le maximum d’emplois et des intérêts modérés à long terme ». (The Federal Reserve) Cela signifie que la Fed ne peut perdre de vue le niveau de l’emploi et doit réagir en conséquence en adoptant une politique monétaire conciliante. Lors de la phase initiale de crise financière entre 2007 et 2009, elle a non seulement renfloué plusieurs grandes banques, mais elle a également entrepris plusieurs opérations de prêt afin de fournir des crédits au secteur bancaire, aux petites entreprises et aux consommateurs (la plupart de ces prêts ayant ultérieurement été remboursés avec un bénéfice pour les contribuables américains). La Fed a fortement réduit les taux d’intérêt à court terme pour les ramener à quasiment zéro, tout en concevant des tests de résistance pour veiller à ce que les banques soient en mesure de survivre. Avancées par l’administration Obama et adoptées par le Congrès américain, ces politiques étaient associées à un ensemble de mesures de

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relance fédérales conçu comme un stimulant budgétaire à court terme pour raviver la demande intérieure aux Etats-Unis. Depuis quelque temps, la Fed cherche en outre à soutenir l’économie en maintenant les taux d’intérêt à court terme proche de zéro et en rachetant des Bons du Trésor à long terme et des titres adossés à des créances hypothécaires. La Banque centrale européenne est beaucoup plus focalisée sur les taux d’inflation ce qui a, dans une large mesure, conditionné les réactions monétaires initiales à la crise. Alors que les Etats-Unis ont réagi à la crise par des politiques expansionnistes, les prescriptions adressées par l’Europe et le FMI aux économies européennes minées par la crise portent davantage sur la réduction des dépenses, l’austérité et les réformes. Des réformes sont évidemment indispensables dans certains des pays confrontés à un déficit budgétaire persistant, mais des questions se posent quant à l’adoption de mesures d’austérité en pleine période de récession. Une fois encore, les Etats-Unis ont bénéficié de leur capacité à imposer une réaction nationale unifiée à la crise et de leur intégration budgétaire. Ce n’est pas le cas en Europe, ce qui constitue un problème essentiel.

IV. LE PROBLEME COMMERCIAL

53. Un autre défi à long terme dont les medias ne parlent guère est le problème commercial qui se pose aux membres les moins concurrentiels de la zone euro. Comme la valeur de l’euro est davantage conditionnée par les niveaux de productivité des économies les plus robustes, comme celle de l’Allemagne, les économies plus faibles sont confrontées à un grave problème de compétitivité sur les marchés mondiaux. Cela se constate en partie par l’importante augmentation des coûts salariaux unitaires au cours de la dernière décennie dans un certain nombre d’économies aujourd’hui confrontées aux plus sérieuses difficultés. L’Allemagne est parvenue, quant à elle, à juguler la hausse des coûts salariaux, ce qui a considérablement renforcé sa position concurrentielle (Noord, 12 février 2012). Du point de vue de ces économies moins concurrentielles, l’euro est surévalué, ce qui entraîne inéluctablement et en permanence des déficits commerciaux et des comptes courants. En Italie, par exemple, le déficit des comptes courants en pourcentage du PIB s’est considérablement accru depuis 2000. On comprend, dès lors, que les niveaux de compétitivité des coûts de la main-d’œuvre et de la productivité globale aient diminué sur cette même période (OCDE, 2011). Cette situation contribue à expliquer les performances relativement modestes de l’Italie à l’exportation depuis l’adoption de l’euro. Il s’agit-là d’un problème que le gouvernement de Mario Monti semble résolu à surmonter, bien qu’il soit confronté à une résistance croissante émanant d’importants acteurs sociaux et économiques.

54. Normalement, les pays qui possèdent leur propre monnaie procèdent à l’ajustement de leurs déficits soutenus des comptes courants en dépréciant cette monnaie. Cela se passe automatiquement dans les systèmes à taux de change flottants, toutes autres choses demeurant égales. La dépréciation de la monnaie contribue à veiller à ce que le prix des exportations soit plus concurrentiel au niveau international, tout en rendant les importations plus onéreuses au niveau national. Après une dévaluation, la consommation intérieure des produits importés diminue, les exportations s’accroissent et, au fil du temps, les déficits commerciaux se transforment en excédents. Ce faisant, le niveau des emprunts extérieurs diminue inévitablement. Certains pays ont toutefois renoncé à cette souplesse naturelle depuis l’adhésion à la zone euro ; la dévaluation n’est plus, pour eux, une option, à moins bien sûr qu’elle résulte de tendances économiques se manifestant au niveau de l’ensemble de l’Europe et non pas au niveau national. Pour certains pays, cela complique dès lors tout ajustement à des déséquilibres commerciaux internationaux soutenus ; la dépréciation de la monnaie ne représente tout simplement pas une option et le poids de l’ajustement pèse sur les salaires et les revenus. Il est également important de prendre conscience que le recours à des déficits constants des comptes courants est une autre manière de dire qu’un pays emprunte en permanence au niveau international. Cela n’est cependant possible que dans la mesure où des créanciers acceptent de prêter de l’argent au pays déficitaire. Lorsque tel n’est pas le cas, l’ajustement est essentiel et s’il ne peut se réaliser par le biais des taux de change, les salaires et les revenus sont les plus susceptibles d’en supporter le poids.

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55. La réponse de ceux qui ne peuvent admettre le retrait d’un quelconque pays de la zone euro consiste à considérer que l’alternative est d’améliorer la compétitivité des économies moins concurrentielles par le bais de politiques agissant sur l’offre, à savoir de rendre les économies nationales plus concurrentielles en alignant l’augmentation des salaires sur celle de la productivité, en focalisant les dépenses publiques sur des domaines – tels que l’éducation – susceptibles d’apporter des gains de productivité à long terme et en exerçant un contrôle sur la demande intérieure. Cela implique qu’une pression à la baisse s’exerçant en permanence sur les salaires réels est probable dans les pays moins productifs – ce qui comporte des risques sociaux et politiques (Feldman, janvier/février 2012). Toutefois, si les salaires sont « rigides » et ne diminuent pas, cela entraînera inéluctablement un accroissement du chômage. Il convient de noter ici que, dans la zone euro, le chômage a atteint 11,3 % en août 2012, soit le niveau le plus élevé depuis la création de cette monnaie. Ce chiffre masque en outre le taux beaucoup plus élevé de chômage dans les économies plus faibles telles celles de la Grèce et de l’Espagne, de même que le problème extraordinairement aigu et préoccupant du chômage des jeunes, qui approche les 50 % en Espagne et en Grèce. L’on peut légitimement se demander combien de temps encore ces démocraties pourront faire face à des niveaux de chômage si élevés sans que cela provoque des réactions politiques hostiles à un ordre monétaire considéré comme au moins en partie responsable de cet état de choses. Ces conflits pourraient également adopter une forme intergénérationnelle, car le chômage des jeunes est en pleine expansion dans plusieurs pays de la zone euro – une tendance susceptible de peser à long terme sur la productivité. Si certains pays doivent emprunter au niveau international pour couvrir leurs déficits commerciaux, comment pourront-t-ils financer les investissements à long terme, tels que l’amélioration de l’éducation et des infrastructures, susceptibles de stimuler la compétitivité et la création d’emplois à long terme ? Ils s’agit-là de questions centrales pour l’avenir politique de l’Europe et il est très légitime de se demander combien de temps encore les électeurs européens supporteront l’austérité en l’absence de perspectives immédiates de croissance.

V. LE RETRAIT DE LA ZONE EURO REPRESENTE-T-IL UNE OPTION ?

56. Face à ces dilemmes patents pour plusieurs membres de la zone euro, il est possible que certains d'entre eux décident d’opter pour un retrait de l’union monétaire. Il s’agit-là d’un sujet tabou dans les milieux officiels, car le simple fait de l’évoquer pourrait envoyer un signal malvenu aux marchés financiers. C’est pour cette raison que les gouvernements de la zone euro font de tels efforts pour maintenir la Grèce dans la zone euro. Si la Grèce devait quitter la zone euro, les spéculateurs pourraient immédiatement commencer à parier sur le prochain pays sur la liste de sortie et lancer de cette façon des prophéties qui se réaliseraient d’elles-mêmes. De simples rumeurs d’une sortie de la Grèce entraîneraient une ruée sur les banques de ce pays. Manifestement, cela ne ferait qu’aggraver la crise en Grèce, tout en exacerbant encore davantage les problèmes des institutions détentrices de sa dette. Certains sont d’avis qu’une telle sortie signifierait un retrait de la Grèce de l’Union européenne, bien que cette démarche ne soit certainement pas nécessaire puisque d’autres membres de l’Union ne font pas partie de la zone euro.

57. D’autre part, la « nouvelle » drachme tomberait substantiellement sous le taux de parité original vis-à-vis de l’euro et accroîtrait la compétitivité des exportations grecques. La dévaluation s’est avérée un élément essentiel du redressement économique de l’Argentine et de la Russie après une crise économique profonde et certains économistes pensent que ces expériences pourraient servir de modèles pour un redressement de la Grèce en-dehors de la zone euro. C’est ainsi, par exemple, que l’Argentine a dévalué sa monnaie en 2002, suite à son incapacité à rembourser ses créanciers internationaux ; son économie enregistre un taux de croissance de 7 % environ par an depuis lors (Nixon, 2012). De même, l’économie britannique a connu une croissance substantielle depuis la sortie la sortie du Royaume-Uni du MCE en 1992. Tous les analystes ne sont cependant

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pas prêts à admettre que les avantages liés à des exportations bon marché contrebalanceraient les risques à la baisse d’une sortie de la zone euro incluant la probabilité d’une ruée sur les banques et l’exclusion de la Grèce du club des nations européennes.

58. Un autre scénario, plus dramatique encore, revêtirait la forme d’un retrait simultané de la zone euro d’un groupe de pays membres frappés par la crise. Cela entraînerait aussi vraisemblablement une crise bancaire immédiate dans chacun de ces pays. Qui plus est, il est plus que probable que l’inflation exploserait car la valeur de leurs monnaies respectives plongerait, provoquant une flambée des prix intérieurs pour les produits importés. La demande pour les produits d’exportation s’accroîtrait, entraînant une hausse vertigineuse des prix domestiques. Parallèlement, les économies plus solides demeurant dans la zone euro assisteraient à une très nette augmentation de la valeur de leur monnaie, une source potentielle de perturbations pour le secteur vital des exportations. Inévitablement, s’ils devaient survenir, des changements aussi radicaux dans le système monétaire européen entraîneraient une formidable onde de choc au niveau de l’ordre mondial. Mais une fois encore, ces chocs pourraient s’avérer moins pénibles que le fait de demeurer dans un système monétaire en inadéquation avec les fondamentaux macro-économiques de certains pays.

59. Il est également concevable, même si ce n’est guère probable, que l’expérience de l’euro elle-même puisse arriver à son terme. Mais cette hypothèse serait, elle aussi, très coûteuse ; une douloureuse période de transformation s’ensuivrait. Les écarts de taux d’intérêt sur les emprunts de pays affichant une dette souveraine élevée se creuseraient à nouveau de manière radicale et l’on pourrait alors s’attendre à une ruée sur les banques et à des défauts de paiement. Qui plus est, la solidarité sur laquelle repose l’UE serait sapée, même si les Etats membres finiraient par collaborer pour sauver le marché unique et les autres piliers de l’Union, pour autant bien sûr que les politiques intérieures des différents pays continuent à les considérer comme des priorités. En des temps troublés, il est cependant difficile de prédire la voie que des politiques démocratiques sont susceptibles d’emprunter.

60. Face à de tels scénarios inacceptables, l’objectif central consiste à préserver la zone euro intacte. Cette approche est surtout évidente dans le cas de la Grèce, pour laquelle l’injection de capitaux afin d’éviter une défaillance a été finalement décidée fin février 2012, mais pas avant que les négociateurs grecs eussent accepté la mise en œuvre de réductions très sévères des dépenses, qui – pour des raisons manifestes – s’avèrent impopulaires politiquement. Même s’il ne fait guère de doute que l’austérité et les restructurations sont essentielles à long terme, le calendrier politique représente un problème. Les keynésiens déplorent que l’austérité soit imposée à un moment où les économies les plus fragiles enregistrent une croissance négative. L’austérité budgétaire généralisée risque de déclencher une seconde récession en Europe et constitue manifestement l’un des facteurs expliquant le taux de croissance négatif que connaît la Grèce.

61. La réaction des Etats-Unis à la crise mondiale est quant à elle keynésienne dans une large mesure, même si certains économistes, tel Paul Krugman, sont convaincus que les liquidités injectées dans l’économie américaine sont insuffisantes. Il n’en demeure pas moins que les autorités américaines cherchent à soutenir la demande par le biais de politiques monétaire et budgétaire expansionnistes et qu’elles ont donc postposé les corrections budgétaires qui seront nécessaires à long terme. La réaction à la crise de l’euro revêt une forme plus classique et le maître mot – pour la Grèce, l’Espagne et le Portugal en particulier – est « politique d’austérité » : une approche qui semble sacrifier la croissance, du moins à court terme. Les keynésiens redoutent que ces pays soient tombés dans le piège de la dette et que les réductions de dépenses engendrent une croissance ralentie. Or cette situation est synonyme d’insuffisances budgétaires exigeant des réductions supplémentaires, ne faisant en fin de compte qu’accélérer des crises bancaires qui approfondiront et élargiront la crise. C’est précisément le genre de piège dans lequel plusieurs pays européens semblent être tombés.

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VI. SOLUTIONS POUR L’ORDRE MONDIAL

62. La crise de l’euro pose de graves questions quant à la manière dont l'Europe gérera la dette souveraine, exercera une discipline budgétaire à long terme, réduira les vulnérabilités des banques détentrices d’obligations et assurera le maintien de taux de change appropriés, compatibles avec son niveau de productivité et de compétitivité. Les conséquences de tout changement systémique fondamental s’étendent bien au-delà de l’Europe. Elles pourraient, d’ailleurs, implicitement représenter un défi pour le système monétaire international, car l’euro constitue actuellement la deuxième plus importante monnaie de réserve au monde. En tout état de cause, les problèmes liés à l’euro et au dollar ont contribué à susciter un débat parmi de nombreux économistes et dirigeants politiques quant aux alternatives potentielles à l’ordre monétaire mondial actuel. Certains réclament même un nouveau Bretton Woods, pour tenter de réduire ce qui apparaît de plus en plus comme l’instabilité et l’incertitude inhérentes à l’ordre actuel.

63. Le système monétaire international est manifestement en détresse. Les dettes publiques et privées mondiales atteignent 300 % du PIB et l’ensemble du système monétaire est dès lors vulnérable à une dévalorisation des actifs. Les tensions autour de la valorisation des monnaies sont palpables et le système semble enclin à la création de bulles financières, susceptibles de semer à long terme le chaos dans l’économie réelle lorsqu’elles éclateront. Cette situation engendre également des tensions diplomatiques. C’est ainsi, par exemple, que le Congrès américain est particulièrement véhément face à la politique de taux de change ostensiblement prédatrice de la Chine, même si Beijing procède à l’achat de montants massifs de la dette américaine et aide ainsi les Etats-Unis à maintenir un taux d’intérêt relativement bas, qu’il ne serait pas possible de garder autrement étant donné les très importants besoins en matière d’emprunts publics. La Chine procède également à l’achat de dettes grecques, portugaises et espagnoles, en partie pour préserver un taux de change favorable pour ses industries d’exportation. Inévitablement, les problèmes monétaires internationaux reflètent les relations entre Etats au sens large et certains voient dans le chaos actuel l’image d’une série plus large de changements dans les rapports de force mondiaux. (Smick, 2012).

64. Certains économistes sont désormais favorables à une inflation plus élevée et à l’effacement de dettes au niveau mondial. Ils font valoir que l’effort de réduction des charges liées aux dettes actuelles limitera à ce point la consommation que cela déclenchera une récession dévastatrice et une instabilité politique. Paul Kedrosky est d’avis qu’un effort massif et organisé d’allègement de la dette pourrait véritablement restaurer la croissance économique, mais il est fort peu probable que l’idée qu’il défend en réalité – une défaillance massive et organisée des dettes publiques et privées – puisse être appliquée, car elle va à l’encontre des pratiques et postulats de l’ordre actuel (Kedrosky, 2012).

65. Un autre groupe d’économistes et de dirigeants politiques milite en faveur d’un retour au système de l’étalon or et des taux de change fixes, une possibilité que la plate-forme 2012 du parti républicain a promis d’examiner. Il est intéressant de noter que certaines banques centrales ont accru leurs réserves de métal précieux. Mais la valeur de l’or est très volatile et beaucoup redoutent l’instabilité d’un tel système, imposant de réelles limites aux liquidités et, par extension, à la croissance économique. La plupart des économistes considèrent que l’or ne peut représenter une base stable pour les transactions commerciales et financières mondiales et qu’il ne peut fournir le genre de liquidités nécessaires au soutien d’une future croissance (Eichengreen, 2012). L’or est une matière première, sujette aux fluctuations normales de l’offre et de la demande. La thèse classique consiste à considérer que la masse monétaire doit être liée au niveau de l’activité dans l’économie et à la stabilité des prix. Avec un étalon or, la masse d’or disponible pour soutenir la monnaie ne pourrait s’accroître qu’au même rythme que l’augmentation des stocks de métal précieux, une situation dépendant davantage de l’exploitation des filons que des besoins objectifs de l’économie mondiale (Norris, 2012).

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66. Une tentative a également lieu pour renforcer la position d’autres monnaies dans le panier des avoirs des banques centrales, en guise de couverture contre l’instabilité de l’euro et du dollar. Entre 2010 et 2011, la part du total des réserves en devises autres que le dollar et l’euro est passée de 11 à 13 % (Eichengreen, 2012). Cela reste un niveau relativement peu élevé, qui reflète le manque de crédibilité et de liquidité des autres devises, ce qui les empêche de répondre idéalement aux conditions associées aux monnaies de réserve. C’est ainsi, par exemple, que les marchés se sont récemment tournés vers le franc suisse pour se prémunir contre l’instabilité de l’euro, entraînant en fin de compte une appréciation massive de cette devise dangereuse pour le secteur suisse des exportations et donc une intervention désespérée des autorités helvétiques pour ramener leur monnaie à un point d’équilibre durable. Cette anecdote illustre la capacité limitée des monnaies des petits pays à assumer d’importantes fonctions de réserve.

67. On parle également beaucoup aujourd’hui de faire du renminbi chinois une monnaie de réserve. Les autorités chinoises ne sont pas nécessairement défavorables à cette idée. Les Chinois encouragent d’ailleurs l’utilisation du renminbi comme unité d’échange dans les transactions commerciales, parfois par le biais d’arrangements bilatéraux de crédits croisés, une solution qui abaisse les coûts de transaction pour la Chine et accroît la demande de renminbi. Le problème est que les marchés financiers chinois demeurent sous-développés, la capitalisation du marché chinois des obligations n’atteignant que le dixième de celle des Etats-Unis et son niveau de liquidité sur le marché étant faible. Le renminbi ne commencera vraiment à assumer un rôle moteur au niveau international que lorsque les Chinois auront libéralisé les entrées et sorties de capitaux et adopté un taux de change flottant : autant de réformes que les autorités ne sont pas encore prêtes à entreprendre.

68. Les Chinois envisagent également d’accroître le rôle des droits de tirage spéciaux (DTS) dans les avoirs de la banque centrale. Il s’agit d’une idée ancienne, avancée pour la première fois par John Maynard Keynes à Bretton Woods. Les DTS ne représentent actuellement que 3 % des réserves internationales. Mais cela n’est qu’une partie du problème. Le principal défi réside dans l’élaboration d’un système d’allocation des DTS aux pays riches et aux pays pauvres. Parvenir à un accord en la matière s’avère donc hautement improbable.

69. Tout cela permet de penser que le dollar et l’euro resteront sans doute les premières monnaies de réserve de la planète pour un certain temps encore, à la condition bien sûr que l’euro parvienne à surmonter ses difficultés actuelles. Même si les dirigeants européens se sont montrés jusqu’à présent beaucoup plus réactifs que proactifs pour affronter le problème, ils font néanmoins preuve d’une claire détermination à demeurer alignés sur l’euro. Cela pourrait changer si les marchés devaient remettre en question de manière persistante la viabilité sous-jacente de cette monnaie. Le dollar pourrait se retrouver confronté à de véritables défis faute de solutions sérieuses et crédibles aux problèmes budgétaires et d’endettement des Etats-Unis, ce qui exigerait un degré de coopération politique impensable actuellement à Washington.

70. En tout état de cause, un ajustement sera essentiel des deux côtés de l’Atlantique pour la stabilité financière mondiale. Les déficits américains des comptes courants sont intenables et le dollar devra probablement se déprécier à long terme, en particulier face au renminbi, afin de corriger les problèmes persistants de la balance des paiements. Cette dépréciation devra être associée à des corrections budgétaires essentielles et difficiles. L’Europe, pour sa part, devra s’attaquer à tous les aspects de la crise de la dette dans certains pays méditerranéens. Les banques et les créanciers privés devront probablement faire l’impasse sur le remboursement d’une partie de leurs avoirs en obligations, des placements qui se sont avérés beaucoup plus risqués que n'avaient imaginé les régulateurs financiers. La croissance représente d’ailleurs la seule solution à long terme pour les pays nécessitant un assainissement budgétaire radical. Certaines banques seront peut-être contraintes de procéder à une recapitalisation et les pays de la zone euro aux économies les plus solides devront inévitablement payer une partie de la note. Cette démarche foisonne également de risques politiques. La principale source d’optimisme réside peut-être dans le fait que, finalement,

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l’Europe pourrait en venir à considérer qu’elle n’a d’autre choix que de mener une politique en ce sens. Les risques majeurs associés à une défaillance de l’euro sont tout simplement trop graves pour pouvoir être acceptés et, progressivement, ce scénario de l’apocalypse semble désormais occuper les esprits des dirigeants européens.

VII. CONCLUSIONS : FAIRE FACE AUX RISQUES POLITIQUES ET ECONOMIQUES DE LA CRISE DE L’EURO

71. Afin de dépasser la crise actuelle, les dirigeants européens et leurs opinions publiques vont devoir cesser de pointer les autres du doigt. Aucun pays n’est le seul responsable de la crise actuelle. Il est vrai que certaines autorités publiques en Europe ont mal géré leurs finances et négligé de procéder à des réformes structurelles essentielles lorsqu’il existait un espace budgétaire et économique suffisant pour ce faire. Mais il est également vrai que rares sont ceux qui, en Europe, se sont interrogés sans complaisance sur la viabilité des finances et des dépenses de la Grèce et de l’Italie durant les années de croissance. Des banques en Allemagne, en France et dans d’autres pays septentrionaux ont, en outre, fourni les capitaux qui ont alimenté la bulle de l’immobilier en Irlande et en Espagne, tout en sous-appréciant la dette publique en Grèce et en Italie. La faute incombe également aux insuffisances de la réglementation, étant donné qu’aux termes des règles européennes, les banques n’étaient pas tenues de garder des capitaux en réserve pour se prémunir contre des pertes sur leur dette souveraine européenne. Cette pratique a encouragé des prêts débridés, tout en militant en défaveur des ajustements essentiels. Qui plus est, plusieurs pays clefs, dont l’Allemagne et la France, ont été les premiers à violer les limites du Traité de Maastricht en matière de déficit public et l’ensemble de l’Union européenne est à blâmer pour ne pas avoir soigneusement examiné les préalables essentiels à l’union monétaire, dont la nécessité d’une intégration budgétaire et bancaire beaucoup plus poussée. Pour l’Europe, l’union monétaire a davantage représenté un « saut de la foi » que la prise en compte de solides principes économiques. (Ewing, 2012) Le refus de reconnaître cette suite d’erreurs collectives ne fera que compliquer l’élaboration de solutions communes fondamentales. Le problème est qu’il est politiquement pratique de rejeter la faute sur d’autres, même si - à terme - cela s’avère contre-productif.

72. Le journaliste financier britannique Martin Wolf a identifié trois conditions essentielles pour mettre un terme à la grave crise financière en Europe. Ces conditions sont la séparation définitive entre les banques et les Etats souverains, le financement des Etats souverains faibles à des conditions acceptables durant la longue période d’ajustement et – surtout – le retour à une croissance économique saine (Wolf, 2012). Assurer le fonctionnement des économies européennes à court et moyen terme doit constituer la priorité essentielle des décideurs politiques européens. Mais nous n’y parviendrons pas par le biais de l’approche progressive et de demi-mesures du genre de celles qui caractérisent jusqu’à présent la réaction à la crise.

73. Notre époque est marquée non seulement par des bouleversements financiers, mais également par la colère de l’opinion publique. Les autorités sont confrontées à des réactions d’opposition et accusées d’avoir laissé se dégrader les conditions économiques à un point tel que la capacité de certains Etats à financer leurs obligations et leur fonctionnement est gravement compromise. Ces mêmes autorités sont également confrontées à une résistance des citoyens face à des mesures essentielles nécessaires pour surmonter la crise. Les réformes structurelles ne sont jamais populaires et semblent désormais susciter la colère de l’opinion publique et, dans certains cas notables, une flambée d’euroscepticisme revêtant les formes de nationalisme les plus extrêmes. Ces phénomènes ne se limitent pas à la zone euro. Dans les pays membres de l’UE qui n’en font pas partie, on assiste également à une recrudescence d’un sentiment anti-européen qui menace d’affaiblir le consensus européen au sens large. Il convient manifestement d’agir pour rallier un soutien démocratique à des politiques macro-économiques viables.

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74. Les dirigeants et les autorités européens ont le choix entre trois options très difficiles : 1) ils peuvent se mettre d’accord pour apporter un soutien financier conjoint aux euro-obligations, faire de la Banque centrale européenne un prêteur en dernier ressort et donc aller de l’avant dans la création d’une union budgétaire qui injecterait une plus grande crédibilité dans le système actuel et rapprocherait l’Europe d’une véritable union politique ; 2) ils pourraient tout simplement abandonner l’euro et revenir au status quo ante ; 3) ils pourraient enfin continuer à s’empêtrer en cherchant à sauver le système sous sa forme actuelle par le biais de rafistolages. Toutes ces options ont un prix mais la dernière pourrait être plus onéreuse encore que les autres.

75. Plusieurs pays membres de la zone euro doivent entamer l’assainissement de leur budget, pour lui conférer une base plus viable. Cela a déjà fait l’objet d’intenses négociations entre la Grèce et ses créanciers, mais le problème n’est manifestement pas propre à ce pays. Des réductions des dépenses seront, à terme, essentielles dans un certain nombre d’Etats, mais le calendrier est aussi important. Bien qu’il n’existe plus guère de possibilités d’accroître la fiscalité, l’efficacité de la collecte des impôts pourrait nettement être améliorée dans les pays où l’évasion fiscale est généralisée. Le plus souvent, l’augmentation de la fiscalité ou les réductions de dépenses ne suffisent pas à remédier à des problèmes sous-jacents critiques. Il sera donc également important de s’attaquer aux problèmes structurels dans l’ensemble de l’Europe, tels que réglementations archaïques et pesantes, contrôles inutiles des marchés de détail, rigidités des marchés de l’emploi, systèmes de retraite irréalistes et onéreux qui ne sont pas financièrement viables et autres entraves à la croissance et au développement économiques à long terme. La réduction de la réglementation des professions libérales, l’abaissement des obstacles à l’accès au marché (en particulier pour les services aux entreprises et les professions libérales), la réforme de l’enseignement secondaire et universitaire et leur mise en adéquation avec l’évolution du marché de l’emploi, ainsi que l’assouplissement des restrictions de la concurrence dans le secteur de la distribution sont autant de nouvelles manières d’encourager une croissance sous-tendue par la productivité. (OCDE, 2011)

76. L’Europe est confrontée à une crise de croissance qu’elle a elle-même engendrée et le champ de mines de ses régulations complique singulièrement la tâche des entreprises désireuses de monter en puissance et de soutenir la concurrence à l’échelle mondiale (The Economist, 2012). Il s’agit-là de l’une des raisons pour lesquelles on assiste à un exode virtuel des entrepreneurs technologiques européens vers la Silicon Valley et Boston. Des changements structurels efficaces engendreront automatiquement de nouvelles opportunités de croissance. Plus largement, il convient de remédier aux rigidités du marché de l’emploi européen, car le chômage sur le Vieux continent apparaît de plus en plus comme étant de nature structurelle. (OCDE, 2011) Il convient également de réduire le coût et la lourdeur de la réglementation associés à l’embauche en Europe, et d’alléger les procédures de faillite. Les pays qui ont procédé à une réforme réussie de ces marchés engrangent aujourd’hui les bénéfices d’un chômage en baisse. La croissance économique demeure un élément critique de toute solution face à la crise de la dette souveraine de l’Europe.

77. Il est également important que la charge de l’ajustement soit partagée de manière socialement équitable. Les renflouements de banques, l’évasion fiscale pratiquée par les classes les plus privilégiées et les exonérations fiscales accordées aux couches les plus aisées des populations des pays occidentaux suscitent la colère de l’opinion publique. Si la charge de l’ajustement pèse trop lourdement sur les tranches de revenus les plus vulnérables, des répercussions politiques sont pratiquement inévitables. Les personnes les moins bien loties seront plus susceptibles de dépenser davantage en cas d’augmentation de leurs revenus. L’octroi d’allégements fiscaux aux personnes à plus faibles revenus pourrait représenter un moyen de stimuler des dépenses de consommation essentielles. L’élimination de certains éléments des codes des impôts tels que la déductibilité des intérêts sur les hypothèques, qui favorisent outrageusement les citoyens plus fortunés, pourrait accroître l’équité tout en générant des revenus pour aider au service de la dette. Parallèlement, l’imposition d’une fiscalité extrêmement élevée aux entreprises et aux entrepreneurs ne contribuera guère à stimuler la croissance et pourrait, à terme, pénaliser l’innovation. Une sorte d’équilibre doit manifestement être atteint dans ce domaine.

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78. Il convient également d’améliorer la supervision financière. La manière dont certaines banques européennes ont détenu des actifs très risqués et les ont traités comme s’il n’existait aucun risque peut être considérée comme une faute imputable non seulement à ces banques, mais également aux régulateurs. Il semble opportun de renforcer les fonctions de contrôle réglementaire de la Banque centrale européenne. Le risque de contagion doit être endigué en veillant à une capitalisation adéquate des banques. Dans la pratique, le financement du FESF devra être renforcé et la Banque centrale européenne devra agir avec plus de détermination pour alléger la charge qui pèse sur les banques européennes.

79. A court terme, il se pourrait que les pays disposant d’une plus grande marge de manœuvre budgétaire soient appelés à stimuler la croissance économique par le biais de politiques budgétaires plus expansionnistes. La croissance doit être générée rapidement dans la zone euro et il est manifeste que les pays en meilleure santé budgétaire et financière sont en mesure de jouer ce rôle. Dans la pratique, cela pourrait fort bien impliquer que les pays ayant un excédent acceptent un taux d’inflation légèrement plus élevé en cette période de grave stress économique. Ce point deviendra capital si les conditions économiques actuelles s’aggravent. Des signes solides d’une reprise large bien que lente aux Etats-Unis pourraient indiquer que l’économie mondiale est sur le point de connaître une timide embellie. Cela fournirait un contexte plus favorable pour l’Europe, lui permettant de s’attaquer à tout un éventail de problèmes critiques. L’Europe devrait avoir recours à un programme de fonds structurels optimisé pour offrir certains amortisseurs budgétaires dans le contexte actuel. Paradoxalement, de tels fonds ne sont actuellement pas pleinement déployés, car leurs bénéficiaires potentiels n’ont pas la capacité administrative d’y accéder. Qui plus est, presque aucun des fonds du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM) n’a été alloué pour remédier aux problèmes de chômage en 2010 (Schmidt, 2011).

80. Un sérieux débat sur l’intégration budgétaire et l’émission éventuelle d’euro-obligations afin de répartir plus largement la charge liée à l’aide apportée aux économies les plus en difficulté s’impose en Europe. Certains dirigeants européens refusent jusqu’à présent d’envisager une avancée en ce sens, mais ces prêts pourraient offrir un outil de marchandage pour encourager des changements structurels et politiques plus profonds dans des pays où de tels changements s’avèrent véritablement essentiels pour la croissance à long terme. La décision récente de la BCE de lancer un nouveau programme baptisé « Transactions monétaires fermes » semble avoir galvanisé le débat. La BCE profite de sa position pour défendre l'euro, ce qui devrait faire baisser les coûts d’emprunt des Etats membres périphériques. L’annonce de Mario Draghi est intervenue à un moment critique, alors que les marchés commençaient à se protéger contre un éclatement de la zone euro et que les analystes revoyaient fortement à la baisse les prévisions pour l’Europe. S’ils sont mis en œuvre, ces prêts seront soumis à des conditions strictes et effectives ; ils pourraient représenter un moyen de remédier aux problèmes structurels sous-jacents, tout en répondant aux besoins essentiels de crédit des pays membres en danger de la zone euro. Il s’agit également d’un moyen de rallier les sceptiques à la mutualisation des dettes en Europe. (The Financial Times, 2012)

81. De même, la création d’un véritable marché unique pour l’énergie, les services et les acquisitions de matériel militaire, ainsi qu’une intégration plus poussée du marché de la défense, offriraient à terme le gage d’une formidable relance pour les économies européennes. Des politiques qui encouragent une plus grande mobilité de la main-d’œuvre sont également essentielles pour assurer le fonctionnement adéquat de l’union monétaire. En Europe, les marchés de l’emploi sont très statiques, ce qui entrave les processus d’ajustement. Ajoutons qu’une libéralisation plus poussée des échanges commerciaux transatlantiques contribuerait à lever les obstacles qui pèsent sur le potentiel économique dans toute la communauté de pays de part et d’autre de l’Atlantique. La conclusion satisfaisante du Cycle de Doha sur la libéralisation du commerce international pourrait avoir le même genre d’effet, mais à une beaucoup plus vaste échelle. A ce jour cependant, les

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échanges commerciaux ne suscitent guère d’attention en tant que solution au malaise économique actuel.

82. La réduction drastique des budgets de la défense n’apportera pas de solution aux difficultés budgétaires et économiques au sens large. Les budgets de la défense européens ont atteint des niveaux historiquement bas et l’écart de capacité avec les Etats-Unis s’accroît considérablement depuis quelques années. De nouvelles réductions importantes ne feraient qu’exacerber cet écart et saper la capacité de l’Europe à défendre ses intérêts sécuritaires collectifs et individuels et à servir en tant qu'alliée efficace au sein de l’OTAN. La crise financière devrait au moins avoir pour avantage d’offrir l’occasion d’une réforme complète des structures de dépenses de défense, afin de privilégier les capacités, les équipements et la recherche au détriment des effectifs et de leur rémunération. Une coopération accrue au sein de l’Europe en matière d’acquisition de matériel militaire représenterait une contribution essentielle dans le cadre de cet effort.

83. Enfin, lors de toute période très difficile durant laquelle la politique économique devient un exercice d’équilibrage aux enjeux importants, il est essentiel de maintenir le dialogue démocratique avec les sociétés qui sont immanquablement contraintes à des sacrifices à court et moyen terme. Ces sacrifices doivent être sous-tendus par la promesse qu’ils ouvriront, d’une manière ou d’une autre, la voie à des améliorations fondamentales à long terme et par la prise de conscience partagée qu’il n’existe pas de meilleures alternatives. L’opinion publique ne tolérera de tels sacrifices que s’il est bien convenu que l’ensemble de la société est impliqué dans ce processus et qu’existe la promesse tangible d’un changement positif en fin de compte.

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