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Amos 5, 1-17

A 1 Ecoutez cette parole, ce chant funèbre, que je profère sur vous, maison d'Israël: 2 « Elle est tombée, elle ne se relève plus, la vierge Israël, elle gît, étendue sur sa terre personne qui la relève! » 3 Car ainsi parle LE SEIGNEUR Dieu: De la ville qui recrute un millier d'hommes, il ne restera qu'une centaine, et de celle qui en recrute une centaine, il ne restera qu'une dizaine pour la maison d'Israël

B 4 Car ainsi parle LE SEIGNEUR à la maison d'Israël: Cherchez-moi et vous vivrez

et à Beer-Shéva ne passez pas. 5 Ne cherchez pas à Bethel et au Gilgal n'entrez pas car le Gilgal sera entièrement déporté et Bethel deviendra iniquité 6 Cherchez LE SEIGNEUR et vous vivrez

6b de peur qu'il ne fasse éclater comme un feu, maison de Joseph, qu'il dévore et personne pour éteindre, à Béthel

C 7 Malheur! Ils changent le droit en poison et la justice ils la traînent à terre

D 8 Celui qui fait les Pléiades et Orion qui change l'obscurité en clarté matinale

qui réduit le jour en sombre nuit qui convoque les eaux de la mer

pour les répandre sur la face de la terre: YHWH est son nom!

9 Celui qui livre au pillage la forteresse et le pillage force l'entrée de la citadelle

C’ 10 Ils haïssent à la Porte le défenseur et celui qui parle avec intégrité ils l'abominent. 11 C'est pourquoi, puisque vous piétinez l'indigent et que vous lui enlevez sa part de grain, ces maisons en pierres de taille que vous avez bâties, vous n'y habiterez pas, ces vignes de délices que vous avez plantées, vous n'en boirez pas le vin. 12 Car je connais vos nombreuses révoltes et vos puissants péchés, oppresseurs du juste, captateurs de cadeaux, ils déboutent à la Porte les pauvres

[13 c'est pourquoi l'avisé se tait en ce temps-ci car c'est un temps de malheur]

B’ 14 Cherchez le bien et non le mal, afin que vous viviez et ainsi LE SEIGNEUR Dieu de l’univers sera avec vous, comme vous dites. 15 Haïssez le mal, aimez le bien, rétablissez le droit à la Porte, peut-être LE SEIGNEUR, Dieu de l’univers, prendra-t-il en pitié, le Reste de Joseph

A’ 16 C'est pourquoi ainsi parle LE SEIGNEUR, Dieu de l’univers , Sur toutes les places il y aura des funérailles, dans toutes les rues on dira: "Hélas! Hélas! On invitera le paysan au deuil, aux funérailles les initiés en complaintes, 17 Dans toutes les vignes il y aura des funérailles, quand Je passerai au milieu de toi, dit LE SEIGNEUR

A Complainte sur Israël comparé à une vierge morte avant d’avoir enfanté B - Vraie et fausse recherche de Dieu C - Raisons de la mort d’Israël D – Hymne à YHWH, maître de l’univers et de l’histoire C’ -Raisons de la mort d’Israël

[réflexion d’un lecteur,

] B’ - la vraie recherche de Dieu A’ - Complainte funèbre sur Israël

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AMOS, PROPHÈTE DE LA JUSTICE ET DÉFENSEUR DES PAUVRES (Am 5, 1-17)

FICHE POUR LES PARTICIPANTS

I - POUR LIRE

1. Au miroir de l’Évangile : "Ils ont Moïse et les prophètes : qu’ils les écoutent !"

Vous connaissez certainement la parabole du riche et de Lazare, ce pauvre couvert d'ulcères qui gisait à la porte du riche, lequel faisait bombance tous les jours, et lui aurait bien désiré se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; au lieu de cela, les chiens (du riche) venaient lécher ses ulcères. Quand il meurt, il est transporté "dans le sein d'Abraham", et le riche, mort à son tour, se trouve dans les supplices des enfers. C’est seulement alors que le riche "voit" Lazare, heureux et honoré, dans le sein d’Abraham ; jusque là il ne l’avait jamais "vu". Il supplie alors Abraham de lui envoyer Lazare mouiller ses lèvres d’un peu d’eau. Mais c’est trop tard, c’est impossible. Par son comportement égoïste et aveugle, le riche a dressé un abîme infranchissable entre lui et Lazare. Il insiste alors : qu’Abraham envoie Lazare avertir ses frères pour qu’ils ne prennent pas le même chemin que lui. Abraham répond : "Ils ont Moïse et les prophètes : qu’ils les écoutent !" L’autre reprend : Non, Abraham mon père, mais si quelqu'un de chez les morts, va vers eux, ils changeront radicalement! Et Abraham lui dit : "S'ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader, même si quelqu'un se relevait d’entre les morts" (Lc 16, 30-31).

2. Amos en son temps

Nous voilà prêts à écouter le prophète Amos. La société qu’il décrit en son temps ressemble étrangement à la situation que décrit la parabole. Amos surgit dans le royaume d’Israël, capitale Samarie, sous le roi Jéroboam II (783-743), qui a redonné à Israël ses plus grandes frontières du nord au sud (6,14). La prospérité économique bat son plein. On bâtit maisons d’hiver et maisons d’été et on plante vignes et oliveraies; "quand le bâtiment va, tout va". On fait bombance dans les palais. La religion aussi se porte bien : les pèlerinages aux sanctuaires célèbres (Béthel, Gilgal, Beersheva) sont très fréquentés, le culte connaît un grand développement (sacrifices nombreux et diversifiés, musique et cantiques), car "Dieu est avec nous" (Am 5,14). Mais un

Amos, vers 760, originaire de Téqoa près de Bethléem (royaume de Juda), vient prophétiser à Béthel grand sanctuaire du royaume d'Israël, sous le roi Jéroboam II (787-747). Se fait expulser par le recteur de Béthel.

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écart se creuse entre les dirigeants et le petit peuple.

Celui-ci, pressuré d’impôts, s’endette et s’enfonce toujours plus : pour survivre on vend son champ, on en devient fermier, puis salarié agricole ; puis on vend les enfants en esclavage ; on finit par se vendre soi-même. Le pouvoir de l’argent est impitoyable : pour récupérer une dette insignifiante (une paire de sandales), on vend le débiteur comme esclave (2,6). Si, au moins, les pauvres pouvaient se faire rendre justice par le tribunal (qui se tient à la Porte de la ville) ! Mais la justice est corrompue ; les juges se laissent acheter.

Cette société, rugit Amos, est vouée à la mort. Il s’emploie à dénoncer toutes les illusions religieuses, qui servent d’alibi. Amos est le prophète du Non. Il retire à Israël toute fausse sécurité. Il s’en prend vivement à l’illusion du culte. Si on achète les juges humains par des pots de vin, on n’achète pas YHWH, le Dieu du Sinaï, le Dieu de toute justice, par des prestations cultuelles.

3. "Ecoutez" donc la complainte funèbre d’Am 5, 1-17

Cette séquence du livre d’Amos est une lamentation funèbre. Sur la voie qu’il suit, Israël est voué à disparaître ; le prophète l’annonce ; il en donne les raisons il dénonce la fausse recherche de Dieu. Cependant, Israël est encore entre la vie et la mort, il serait temps de choisir. Malgré le dépaysement du langage et des références à un monde pour nous disparu, la parole d’Amos est encore une parole vivante de Dieu pour aujourd’hui, dans la ligne de l'Évangile. Lexique

* Béershéva (ou Bersabée) : site bien connu encore aujourd’hui à l’orée du Negev (le désert) ; saint du royaume de Juda visité par Abraham et Isaac.

* Bethel : signifie Maison de Dieu; lieu saint principal du royaume d’Israël qui gardait en particulier le souvenir de Jacob : en songe il avait vu les anges descendre et monter sur une échelle entre ciel et terre ; lieu de la présence divine ; "ce lieu est saint et je ne le savais pas".

* Gilgal : lieu saint du royaume d’Israël, situé près de Jéricho, il commémorait le passage du Jourdain lors de l’entrée dans la terre promise.

* Joseph (maison de) : manière de désigner le royaume d’Israël (tribus du Nord) par celui qui est l’ancêtre d’Ephraïm et Manassé, les deux

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tribus principales de Cisjordanie. Le texte parle du "reste de Joseph", parce que le royaume d’Israël a été très sérieusement entamé par la conquête assyrienne en 734-732.

* Maison d’Israël : royaume d’Israël, regroupant les tribus du nord, dont la capitale est Samarie. On a trouvé sur le site de l’ancienne Samarie des morceaux de poterie qui servaient à identifier la provenance des jarres d’huile et de vin pour le palais.

* Porte (la) : lieu majeur des villes anciennes, lieu de passage fortifié ; à l’intérieur siégeait le tribunal, rendant ainsi la justice en public.

* Vierge Israël (la) : désignation fréquente de la population d’un pays par une figure féminine. Structure du texte Le texte est construit selon un procédé fréquent dans la littérature biblique (le chiasme), où des éléments semblables se correspondent de manière enveloppante du genre :

A-B-C-D-C’-B’-A’

Les éléments qui se correspondent (A et A’, B et B’, C et C’) se commentent mutuellement. L’élément qui se trouve au centre sans parallèle (ici D) peut revêtir une importance particulière, mais aussi les éléments parallèles qui ouvrent et terminent le texte (ici A et A’).

II - ET MAINTENANT, AU TEXTE : A – La prophétie d’Amos au sein d’Israël

1) Dans les éléments A et A’, que se passe-t-il ? Quelle est la situation, et par quelles images est-elle exprimée ? Peut-on dire qu’il y aura "un reste" ?

2) Pourquoi cette situation? Cela nous est dit dans les éléments C et C’. Relevez les verbes qui expriment les comportements incriminés par le prophète. Par rapport à Dieu, quels mots désignent ces comportements ? 3) Les alibis que se donne Israël : on penserait échapper à ce sort funeste par des actes religieux : qu’en dit le prophète dans les éléments B et B’ ? Remarquez la répétition du verbe "chercher" : où faut-il ne pas "chercher Dieu"? Qu’est-ce que "chercher Dieu" dans ce texte d’Amos ?

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Rapprochez de notre texte l’oracle d’Amos 5, 21-24 :

Je déteste, je méprise vos pèlerinages,

je ne puis sentir vos rassemblements,

22 quand vous faites monter vers moi des holocaustes ;

et dans vos offrandes, rien qui me plaise ;

votre sacrifice de bêtes grasses, j'en détourne les yeux ;

23 éloigne de moi le brouhaha de tes cantiques,

le jeu de tes harpes, je ne peux pas l'entendre.

24 Mais que le droit jaillisse comme les eaux

et la justice comme un torrent intarissable!

4) Malgré l’annonce de la mort qui paraît totale, le prophète ouvre-t-il une espérance ? Pointez le verbe : "vivre" : à quel comportement est-il relié ?

5) Au centre de la séquence, il y a un hymne (élément D) :

- Quelle maîtrise cet hymne revendique-t-il pour YHWH ?

- Quel rapport est établi entre ce qu’il peut faire, Lui, et ce que font les oppresseurs des pauvres ?

- Remarquer le jeu de mots avec le verbe "changer" dans les v.7 et 8 : qui change quoi ? Pourquoi ? Y aurait-il un rapport entre le sens de Dieu et la justice sociale ?

B – La prophétie d’Amos au miroir de l’Évangile 1) Dans les paroles et les gestes de Jésus, que trouvez-vous de comparable à la position d’Amos sur l’exigence de justice, sur le culte, sur l’attention aux pauvres ?

! Revenez à la parabole de Lazare Lc 16, 19-31. ! Les béatitudes et les "malheur! "(Hélas ! funèbres) de Lc 6, 20-

21.24-26. ! Voir aussi le Sermon sur la Montagne Mt 5, 23-24.

2) Lisez l’épître de Jacques 5, 1-6 qui vise des malversations dans les communautés chrétiennes elles-mêmes.

C - Actualité d’Amos 1) Quelles situations sociales semblables à celles du temps d’Amos vivons-nous aujourd’hui ?

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2) A quelles actions sommes-nous appelés avec d’autres? Comment ce service de l’homme rend-il témoignage au Dieu de l'Évangile ?

En quoi l’identité de l'Église comme "Église de Dieu" est-elle compromise par un manque d'attention aux pauvres ?

Éclairages L’Eglise et les pauvres : à l’écoute d’un théologien sud-américain

" L'Église qui n’est pas l'Église des pauvres met en sérieux péril son caractère ecclésial : être l'Église des pauvres devient un critère ecclésiologique" (JULIO DE SANTA ANNA, El desafio de los pobres a la Iglesia, 1977). Pour ne pas passer la mesure, disons au moins que l'Église ne peut pas être l'Église de Dieu sans les pauvres. La raison de cela n’est d’abord ni éthique (les pauvres seraient nécessairement meilleurs), ni sociale (pas de fraternité s’il y a exclusion), mais d’abord théologale : Dieu a choisi un peuple pauvre, dans ce peuple il a choisi en priorité les pauvres, parce que son amour se porte en priorité vers ceux qui ont le plus besoin d’être réhabilités ; par ce choix il révèle la gratuité de cet amour et fait comprendre qu’il n’y a aucune commune mesure entre le don qu’Il fait de lui-même et les qualifications humaines (voir 1 Co 1, 26-31 : Dieu a choisi "les sans"). Père CEYRAC : "C'est la pauvreté du peuple de l'Inde qui m'a sauvé" Le père Ceyrac a été, avec l'abbé Pierre et sœur Emmanuelle, l'une des grandes figures chrétiennes de notre ère. À travers sa présence auprès des intouchables de l'Inde, des réfugiés cambodgiens ou des victimes du tsunami, il n'a cessé de révéler l'amour de Dieu envers les plus pauvres.

" Je souhaiterais finir ma vie parmi eux car ils sont ma famille. En aidant les victimes du tsunami, j'ai découvert récemment un village d'aborigènes dont la grande honnêteté m'a touché. J'aimerais m'y faire bâtir une hutte. Jusqu'à présent, mes supérieurs ont refusé, probablement parce qu'il me serait difficile de porter les seaux d'eau nécessaires à la vie quotidienne. Mais je ne désespère pas et aimerais faire, là ou dans un bidonville, un essai de trois mois au moins. En attendant, je prends les événements de chaque jour comme autant d'occasions d'aimer d'avantage, et je porte dans mon cœur ces milliers, ces millions de gens que j'ai eu la chance de rencontrer au cours de ma vie. "

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III - PISTES POUR LA PRIÈRE - Psaume : 71 (72) 01 Dieu, donne au roi tes pouvoirs, à ce fils de roi ta justice. 02 Qu'il gouverne ton peuple avec justice, qu'il fasse droit aux malheureux ! 03 Montagnes, portez au peuple la paix, collines, portez-lui la justice ! 04 Qu'il fasse droit aux malheureux de son peuple, qu'il sauve les pauvres gens, qu'il écrase l'oppresseur ! 05 Qu'il dure sous le soleil et la lune de génération en génération! 06 Qu'il descende comme la pluie sur les regains, une pluie qui pénètre la terre. 07 En ces jours-là, fleurira la justice, grande paix jusqu'à la fin des lunes ! 08 Qu'il domine de la mer à la mer, et du Fleuve jusqu'au bout de la terre ! 09 Des peuplades s'inclineront devant lui, ses ennemis lècheront la poussière. 10 Les rois de Tarsis et des Iles apporteront des présents. Les rois de Saba et de Seba feront leur offrande. 11 Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront. 12 Il délivrera le pauvre qui appelle et le malheureux sans recours. 13 Il aura souci du faible et du pauvre, du pauvre dont il sauve la vie. 14 Il les rachète à l'oppression, à la violence leur sang est d'un grand prix à ses yeux. 15 Qu'il vive ! On lui donnera l'or de Saba. * On priera sans relâche pour lui tous les jours, on le bénira. 16 Que la terre jusqu'au sommet des montagnes soit un champ de blé : et ses épis onduleront comme la forêt du Liban ! Que la ville devienne florissante comme l'herbe sur la terre ! 17 Que son nom dure toujours sous le soleil, que subsiste son nom ! En lui, que soient bénies toutes les familles de la terre que tous les pays le disent bienheureux ! 18 Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, lui seul fait des merveilles ! 19 Béni soit à jamais son nom glorieux, toute la terre soit remplie de sa gloire ! Amen ! Amen. - Cantique des créatures (ZAT 41) Toutes les œuvres du Seigneur, Bénissez le Seigneur Vous les anges du Seigneur, Bénissez le Seigneur. A Lui louange pour toujours, Bénissez le Seigneur,

Bénissez le Seigneur !

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Vous les cieux, Bénissez le Seigneur ! Et vous les eaux dessus le ciel, Bénissez le Seigneur ! Et toutes les puissances du Seigneur, Bénissez le Seigneur, Bénissez le Seigneur ! Vous, les enfants des hommes, Bénissez le Seigneur ! Les esprits et les âmes des justes, Bénissez le Seigneur ! Les saints et les humbles de cœur, Bénissez le Seigneur, Bénissez le Seigneur ! - Notre Père - Oraison Dieu, toi qui fais des merveilles. Fais que ton règne arrive sur la terre. Qu’il apporte la paix aux hommes que tu aimes, Et la justice aux malheureux. Que tous les peuples soient bénis en Toi !

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FICHE POUR LES ANIMATEURS

IV - CLÉS DE LECTURE

1. Lamentation funèbre

Souvent les prophètes expriment le Jugement de Dieu sur des groupes humains qui vivent dans le mensonge (l’idolâtrie), l’injustice et la violence, en laissant tomber sur eux le "Hoy" / "Hélas" funèbre qui annonce leur mort. La traduction habituelle : "Malheur!" est trop faible. Ils sont déjà morts ceux qui vivent ainsi. C’est cette lamentation funèbre qui encadre la composition d’Am 5, 1-17. Au début (5, 1-3) Amos fait entendre la complainte elle-même : Israël est représenté sous les traits d’une vierge, morte avant d’avoir enfanté ; la métaphore est commentée au v.3 par le fait que l’armée est décimée ; donc plus rien pour défendre ni relever Israël du désastre. A la fin (5, 16-17), YHWH annonce des funérailles générales : on fera entendre la lamentation funèbre sur toutes les places, dans toutes les rues, dans toutes les vignes (lieu par excellence de la joie, mais aussi de l’injustice) ; les pleureuses professionnelles n’y suffiront pas, on convoquera les simples paysans. Le jugement est formulé en termes de "passage de YHWH au milieu de toi", comme pour la dixième plaie d’Egypte (Ex 12, 12-23), c’est-à-dire passage de Jugement. Pour les prophètes, vivre en contradiction avec la Parole du Dieu vivant qui a appelé Israël à l’existence et à la liberté ne peut que conduire à la mort.

2. Les motivations du Jugement (C et C’)

Amos laisse tomber un "hélas!" funèbre sur ceux qui changent le droit en poison et traînent à terre la justice (v. 7) ; ils sont morts ceux pour qui la justice est morte! Les atteintes au droit des pauvres principalement sont détaillées aux v. 10-12 : - ce qui devrait procurer la guérison - la justice -, est transformé en poison (v.7) ; cf. aussi 6, 12; les juges se font acheter (v.12) ; - on fait taire celui qui sert de "modérateur" au tribunal et qui veille à ce qu’on s’y exprime avec intégrité, une sorte d’avocat du droit (v.10); - on piétine les indigents par les impôts en nature trop lourds (v.11) au bénéfice des constructions de luxe et de la plantation de nouveaux vignobles. En d’autres oracles du prophète, on retrouve le même genre de critiques :

- contre l’avidité des riches et des notables au détriment des faibles

(2, 6-8) ;

- contre les entasseurs de violence et de rapines dans leurs palais

(3, 10) ;

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- leurs maisons d’été et maisons d’hiver, les maisons d’ivoire, les grandes maisons (3, 14-15) ;

- contre les exigences insatiables des matrones de Samarie (4, 1) ;

- contre la dolce vita sur la montagne de Samarie, sans se soucier de "la ruine de Joseph"(6, 1 ; 6, 3-7) ;

- contre la perversion de la justice (6, 12) ;

- contre l’avidité et la fraude des commerçants (8, 4-7).

Tous ces textes montrent que la critique prophétique porte sur une "fracture sociale" de grande ampleur et non pas seulement sur des manquements individuels à la justice commutative. Cette société a perdu le sens de la fraternité pour laquelle le Seigneur a libéré son peuple de la servitude d'Égypte. Elle secrète de l’oppression et de la servitude en son propre sein. Les nations voisines trafiquent des étrangers (1, 6-8), en Israël on vend ses frères (2, 6). Tous ces comportements sont traités de nombreuses révoltes (contre YHWH) et de puissants péchés (5, 12).

3. Les faux et les vrais chercheurs de Dieu (B et B’). Amos dénonce la fausse manière de "chercher Dieu". "Chercher Dieu" est une expression classique de la langue liturgique. On vient en pèlerinage pour "voir la face de Dieu", être admis en sa présence, comme les gens de cour étaient admis en présence du roi pour quêter le moindre signe de faveur sur son visage (cf. Ps 24, 6 : "la race de ceux qui te cherchent, qui recherchent ta face, YHWH"). Ou encore "chercher YHWH" signifie Le consulter (Ex 33, 7 ; chercher sa parole (2 Rois 22, 5). On consulte YHWH en particulier dans les situations de crise, avec espérance d’une issue favorable ; rien de plus angoissant que le silence de Dieu (Am 8, 12 : on se répandra partout pour chercher la parole de Dieu et on ne la trouvera pas, parce qu’on aura démérité de la trouver). Cette recherche cultuelle de Dieu, Amos la voit pratiquée dans les pèlerinages de Béthel et Gilgal. Ce sont deux grands lieux de pèlerinage d’Israël. Bethel fait mémoire de Jacob, le père d’Israël. Gilgal, dans la région de Jéricho, commémore l’entrée des Israélites dans la Terre Promise, il est aussi le lieu de l’institution de la royauté de Saül, le premier roi d’Israël. Amos annonce que ces "lieux saints" seront désacralisés. Il le fait par des jeux de mots sur leurs noms : Gilgal (hag-gilgal galoh yigleh : Gilgal pour être déporté sera déporté); Béthel (Maison-Dieu) deviendra Beth-awen (maison de péché). Il est donc vain d’y chercher quelque espérance de survie ; YHWH les a désertés. La rédaction finale du livre d’Amos (qui prophétisait contre le Royaume du nord, Israël) a ajouté le nom de Beershéva qui est un lieu saint du royaume frère, le royaume de Juda (capitale Jérusalem). Ainsi maintenant la prophétie d’Amos couvre la totalité du peuple de Dieu.

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Aucun de ces lieux de culte ne peut lui garantir le salut. Ne courez en pèlerinage ni à Béthel, ni à Gilgal, ni à Beershéva. Ce n’est pas ainsi, ce n’est pas là, qu’il faut chercher YHWH.

Alors positivement, que signifie "chercher YHWH" en vérité ?

La réponse est donnée par la mise en parallèle des deux moments d’exhortation de notre séquence ( B, v. 4-6 et B’, v. 14-15). D’abord il s’agit de "chercher YHWH" en personne : cherchez-moi (v. 4) et vous vivrez, cherchez YHWH (v. 6) et vous vivrez ; l’accent est mis sur l’authenticité de la relation personnelle avec Lui (cf. Jr 4, 1 : revenir à moi) ; non pas rechercher des choses, des avantages, mais le chercher, Lui. Ensuite le test de cette recherche authentique est de "chercher le bien et non le mal" (v. 14). La dimension éthique est indissociable de la recherche religieuse. Plus concrètement encore, on insiste sur l’engagement de soi (v. 15a : haïssez le mal, aimez le bien, au lieu de "haïr" celui qui défend le pauvre au tribunal, v. 10), et cela consiste à "rétablir le droit à la Porte", lieu public où se tiennent les procès (v. 15b). C’est donc le contraire des agissements qui sont énoncés en C (v. 7) et C’ (v. 10-12).

Ce n’est donc pas dans des lieux de culte qu’il faut chercher Dieu, mais dans un lieu profane, à la Porte de la ville, où, sur le passage de tout le monde, se rend la justice.

4. Une espérance cependant L’appel à la conversion s’exprime dans les éléments B et B’, là même où se définissait la véritable recherche de Dieu. On peut constater que dans ces deux moments du discours s’exprime une espérance. Ce qui tempère considérablement l’annonce de la fin irrémédiable d’Israël dans la lamentation funèbre. Devant le déroulement des événements (Israël n’a pas disparu totalement ni immédiatement), les écoles prophétiques ont compris en effet que les oracles de jugement les plus radicaux de leurs maîtres (tel ceux d’Amos) avaient finalement pour but de provoquer la conversion. La menace de v. 6b (de peur qu’il ne fasse éclater comme un feu) et la possibilité d’une issue en v. 14-15 (le Dieu de l’univers sera avec vous, comme vous dites, peut-être prendra-t-il en pitié le reste de Joseph) supposent donc l’offre d’une seconde chance par le chemin de la conversion, mais il s'agit d’une pure grâce de Dieu. "La maison de Joseph" du v. 6 est devenue "le reste de Joseph" au v. 14 ; il y a donc eu l’épreuve, et la survie de ce "reste" n’est pas garantie ; le mot "peut-être" enlève tout droit humain à la miséricorde divine. C’est seulement dans l’humilité que l’on peut attendre le salut de la conversion. La notion de "reste" n’a au départ aucune signification d’avenir, elle sert seulement à dire que ce qui a échappé au désastre est insignifiant (Am 3, 12). "Le reste" devient ensuite le signe que YHWH n’a pas abandonné tout projet d’avenir avec Israël (cf. Is 1, 9), il est un signe de miséricorde. Dans une étape ultérieure, "le reste" sera un "reste qualifié" à la différence de la masse du peuple, et c’est lui qui sera le véritable Israël, "le reste saint"

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(Is 6, 15). Avec le prophète Amos, cette évolution n’a pas encore commencé, avec le livre d’Amos, cela commence, mais ce n’est pas fini.

5. Hymne au Dieu du cosmos et de l’histoire (5, 8-9) Au cœur de notre séquence, dans la rédaction finale du livre d’Amos, il y a un morceau hymnique. Ce n’est pas le seul élément de ce genre dans le livre d’Amos, de courtes strophes de même tonalité le parsèment (4, 13 ; 5, 8-9 ; 9, 5-6) : louange au Dieu du cosmos, langage de création (façonner, créer, faire), peu ou pas d’allusion à l’histoire, sauf 4, 13 (il révèle à l’homme son dessein) ; en tout cas providence générale de Dieu sur le monde ; Dieu est situé par rapport aux éléments de l’univers pour dire sa maîtrise universelle, sa transcendance : il marche sur les hauteurs de la terre, il préside au cycle de la nature (le vent, l’orage, la pluie) ; chaque morceau se termine par le même refrain : YHWH Sabaôt est son Nom, qui revendique pour YHWH tous les attributs que d’autres peuples attribuaient à leurs dieux. Mais il intervient aussi dans l’histoire (image de la citadelle livrée au pillage : 5, 9). Ses actes dans la création peuvent devenir le symbole, le présage, de son action dans l’histoire ; cela peut occasionner des rapprochements, par exemple entre 5, 7 et 5, 8 : le Dieu qui change la lumière en ténèbres, le salut en jugement, réplique ainsi à ceux qui changent la justice en poison. Pourquoi a-t-on inséré ces hymnes dans le livre d’Amos ? Pour une utilisation liturgique ? Pour souligner l’autorité de la parole d’Amos : il parle au nom du Dieu de l’univers ? Le lien n’est pas purement artificiel avec le contexte immédiat : en 5, 8-9, ceux qui se comportent en "maîtres" et oppriment les pauvres doivent prendre garde à Celui qui est le véritable maître du monde et de l'histoire, qui peut ramener le chaos sur leur prospérité, qui peut livrer au pillage la forteresse dans laquelle ils se croient invulnérables. Selon cette relecture du Livre d’Amos, la prophétie atteste et confesse le vrai Dieu, le Seigneur de la création et de l’histoire : YHWH est son Nom ; dans sa souveraine liberté, même à l’égard de son peuple. Voilà le véritable culte : ce sont les prophètes qui le célèbrent.