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Sociétés et jeunesses en difficulté Revue pluridisciplinaire de recherche 20 | Printemps 2018 La place des émotions dans le travail socio-éducatif Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateurs accompagnant les adolescents suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse Love, alliance and delinquency. Juvenile justice youth workers’ compassionate love for young offenders Amor, relación educativa y delincuencia. El amor compasivo de los educadores que se ocupan de los adolescentes asistidos por la Protección Judicial de la Juventud Mael Virat Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/sejed/8840 ISSN : 1953-8375 Éditeur École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse Référence électronique Mael Virat, « Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateurs accompagnant les adolescents suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse », Sociétés et jeunesses en difculté [En ligne], 20 | Printemps 2018, mis en ligne le 30 septembre 2018, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/sejed/8840 Ce document a été généré automatiquement le 19 avril 2019. Sociétés et jeunesses en difculté est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modication 4.0 International.

Amour, relation éducative et délinquance. L’amour

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Sociétés et jeunesses en difficultéRevue pluridisciplinaire de recherche

20 | Printemps 2018La place des émotions dans le travail socio-éducatif

Amour, relation éducative et délinquance.L’amour compassionnel des éducateursaccompagnant les adolescents suivis par laProtection judiciaire de la jeunesseLove, alliance and delinquency. Juvenile justice youth workers’ compassionate

love for young offenders

Amor, relación educativa y delincuencia. El amor compasivo de los educadores

que se ocupan de los adolescentes asistidos por la Protección Judicial de la

Juventud

Mael Virat

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/sejed/8840ISSN : 1953-8375

ÉditeurÉcole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse

Référence électroniqueMael Virat, « Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateursaccompagnant les adolescents suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse », Sociétés etjeunesses en difficulté [En ligne], 20 | Printemps 2018, mis en ligne le 30 septembre 2018, consulté le19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/sejed/8840

Ce document a été généré automatiquement le 19 avril 2019.

Sociétés et jeunesses en difficulté est mis à disposition selon les termes de la licence CreativeCommons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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love for young offenders

Amor, relación educativa y delincuencia. El amor compasivo de los educadores

que se ocupan de los adolescentes asistidos por la Protección Judicial de la

Juventud

Mael Virat

« Les enfants délinquants, eux, ont besoin

d’amour » (Janusz Korczak)

Introduction

La relation éducative : des normes paradoxales

1 La relation éducative, tout comme l’idée même d’éducation avec laquelle elle peut parfois

se confondre (Vial, 2010), est généralement définie comme un moyen au service d’une

finalité, une influence exercée au nom d’un but à atteindre (Lenoir & Vanhulle, 2008). Par

exemple, Meirieu (1997) définit l’éducation comme « une relation dissymétrique,

nécessaire et provisoire, visant à l’émergence d’un sujet ». Autre exemple, Filloux définit

la relation éducative comme « le lien de dépendance réciproque qui permet d’assurer la

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formation et le développement des êtres humains » (1991, p. 19). De la même manière,

pour de nombreux auteurs, la relation éducative se caractérise par sa visée. En la

caractérisant de la sorte, la plupart ne disent rien sur son éventuelle dimension affective

(Vial, 2010). Pourtant, pour quelques auteurs, la dimension affective est une des

caractéristiques définitoires de la relation éducative. Par exemple, Postic, dont les

travaux ont reçu une large audience dans le champ de l’éducation spécialisée en France,

définit la relation éducative comme « l’ensemble des rapports sociaux qui s’établissent

entre l’éducateur et ceux qu’il éduque, pour aller vers des objectifs éducatifs, dans une

structure institutionnelle donnée, rapports qui possèdent des caractéristiques cognitives

et affectives identifiables, qui ont un déroulement, et vivent une histoire » (Postic, 2001,

p. 22).

2 À l’exemple de cette définition, la relation éducative est donc parfois reconnue comme

ayant différentes dimensions dont une dimension affective. Cependant, il s’agit, lorsque

cette dimension affective est reconnue, de reconnaître ce qui advient sans qu’il soit

possible de s’y soustraire. Comme l’écrit Meirieu (1997, p. 26) :

« On ne suspend pas par décret la circulation des affects dans la relation éducativeainsi que le jeu des préférences ou des complicités interindividuelles. »

3 Or, en mobilisant la dimension affective de cette manière, comme une question d’affinités

aléatoires, les définitions de la relation éducative ne conçoivent pas que les émotions,

sentiments ou affects en jeu puissent être utiles eu égard à la finalité d’éducation. De

même, à l’exception de Gaberan (2016) ou Dumont (2010), les théoriciens de la relation

éducative français ne proposent pas de définir quels types d’émotions ou de sentiments

conviennent à l’enjeu éducatif. Le présent texte contribue à combler cette lacune.

4 La situation s’explique peut-être par le fait que les émotions et les sentiments sont

réputés échapper en bonne partie au contrôle de l’individu : ils seraient subis. C’est

pourquoi, dans ses travaux inauguraux sur les normes émotionnelles et le travail

émotionnel, Hochschild s’en prend à la conception organiciste selon laquelle l’individu

qui ressent une émotion est « submergé » par une sorte de « réflexe soudain et

automatique » (Hochschild, 2003, p. 23), conception qui imprègne les représentations des

éducateurs. Par conséquent, il serait tout au plus possible d’atténuer ou la force ou

l’expression des émotions, ce dont témoignent les expressions « gérer », « neutraliser »

ou « contrôler » ses émotions ou ses affects.

5 En France, peu de travaux se sont intéressés aux émotions des éducateurs de la Protection

judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ces professionnels, dans un mouvement entamé il y a plus

d’une vingtaine d’années et formalisé par une décision du conseil de modernisation des

politiques publiques du 11 juin 20081, interviennent dans un cadre exclusivement pénal.

Ils accompagnent donc majoritairement des adolescents judiciarisés en raison des délits

qu’ils ont commis (Jamet, 2010).

6 Quelques travaux ont fait apparaître certaines des normes professionnelles qui

gouvernent le travail émotionnel des éducateurs en général ou des éducateurs de la PJJ en

particulier, c’est-à-dire des règles d’expression des émotions (Ekman & Friesen, 1969) ou

des règles de sentiment (Hochschild, 2003), ces dernières visant à normaliser non

seulement les émotions affichées mais également les émotions ressenties en profondeur

par les professionnels. Par exemple, des entretiens menés avec des éducateurs de l’Aide

sociale à l’enfance (ASE) suggèrent l’existence d’une norme de maîtrise de la peur dans le

suivi d’adolescents qui peuvent parfois se montrer agressifs (Charles, 2015). Une autre

enquête par questionnaire, réalisée auprès d’éducateurs stagiaires de la PJJ dans le cadre

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d’un Master de psychologie, pointe l’existence d’une autre norme émotionnelle, qui

impose aux éducateurs de maîtriser leur colère face aux débordements des adolescents

(de Grenier de Latour, 2017). Surtout, plusieurs travaux qualitatifs convergent sur

l’existence d’une norme de « distance professionnelle » chez les éducateurs de l’ASE et de

la PJJ (Charles, 2015 ; Lenzi & Pény, 2015 ; Virat, 2014). Quelques propos d’éducateurs de la

PJJ recueillis par des enquêtes qualitatives récentes l’illustrent :

« [La] juste distance, alors ça c’est clair, c’est une notion que tu entends. Je croisbien, je crois que c’est la notion que tu entends le plus en formation, ouais, oumême des fois on va te le recracher en réunion comme ben euh quand il y a certainscollègues, ou ta hiérarchie, qui peuvent te dire, "t’es trop dans l’affect". » (Virat,2014, p. 10)« Moi je suis éducateur spécialisé, j’ai un contrat de travail qui me demanded’intervenir auprès de ces jeunes en souffrance, pourtant, je me permets aussi dedire, je vais me laisser aller aussi dans une relation, et c’est ça qui va faire avancer,qui va faire chemin chez le jeune, et qu’on va accompagner. Après euh... on seprofessionnalise quand cet investissement et cet affect-là, on arrive à le gérer, onarrive à le mettre à distance. » (Lenzi & Pény, 2015, p. 194)

7 Ces constats sur la norme de « distance professionnelle » rejoignent ceux qui ont été faits

en interrogeant ou en observant d’autres types de professionnels. L’exigence du contrôle

ou de la neutralisation des émotions associées à la dimension affective des relations aux

usagers concernerait donc tout le champ du travail socio-éducatif (Fortino, Jeantet, &

Tcholakova, 2015) mais également le champ des relations de service (Jeantet, 2003). Ainsi,

cette norme a été observée aussi bien chez les assistants de services sociaux (Boujut, 2005)

que chez les soignants (Bonnet, 2018), les guichetiers de La Poste (Jeantet, 2003), les

avocats (Barbot & Dodier, 2014), les médecins (Fox, 1988, cité par Barbot & Dodier, 2014)

ou encore les enseignants (Virat, 2014). Cette norme de distance est considérée par

Charles (2015) comme le véritable éthos du travail socio-éducatif. C’est l’existence de

cette norme qui fait écrire à Gaberan, lorsqu’il s’intéresse à l’amour des éducateurs pour

ceux qu’ils accompagnent, que l’investissement affectif relève finalement d’un « interdit »

(2016, p. 191).

8 Par ailleurs, la norme de distance cohabite avec d’autres normes dans les institutions

socio-éducatives, normes qui semblent parfois la contredire. D’une part, les éducateurs

sont soumis à une norme d’authenticité, puisqu’il doivent travailler avec ce qu’ils sont et

avec ce qu’ils ressentent véritablement (Dumont, 2010 ; Fortino et al., 2015 ; Lenzi & Pény,

2015), leurs émotions étant l’un des moyens d’exercer une influence sur ceux qu’ils

accompagnent, comme l’ont remarqué de manière plus générale les travaux sur les

compétences émotionnelles et sur le travail émotionnel. D’autre part, le travail socio-

éducatif est régi par une norme de lien ou de relation, qui implique attention et

empathie : l’éducation ne se conçoit pas sans lien. Après avoir conduit des entretiens sur

ce sujet avec des éducateurs, qui n’ont pas manqué de voir à cet endroit une difficulté,

certains auteurs ont parlé d’un paradoxe (Charles, 2015 ; Lenzi & Pény, 2015).

9 Une fois ces quelques constats faits sur la culture professionnelle des éducateurs, il serait

intéressant d’analyser l’effet des normes émotionnelles sur leur engagement affectif et

sur les interactions réelles avec les adolescents : dans quelle mesure ces normes

contraignent leur engagement relationnel ? Par quels comportements les professionnels

s’y conforment ? De quelles manières ils les contournent ? Etc. Pourtant, là ne sera pas le

propos du présent texte qui entend plutôt aborder la thématique de la dimension

affective de la relation éducative à partir d’autres questionnements : le lien affectif

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éducateur-adolescent est-il bénéfique aux adolescents en grandes difficultés, comme ceux

pris en charge par la PJJ ? Est-il bénéfique aux professionnels ? Quel est le rôle des

éducateurs dans la construction de ce lien ? Quel est le rôle du contexte de travail ? C’est

en répondant à des questionnements de ce type qu’il devient possible d’aborder

l’implication affective des professionnels comme une véritable compétence émotionnelle,

qui ne peut se caractériser comme telle qu’à partir de l’observation de son caractère

fonctionnel, c’est-à-dire de ses effets bénéfiques. De plus, répondre à ces

questionnements fournit un point d’appui pour mettre en question les normes

émotionnelles dans le travail éducatif.

L’oubli des relations dans les travaux d’évaluation

10 La recherche sur l’étiologie des comportements délinquants ou plus globalement des

comportements antisociaux à l’adolescence, que certains définissent comme les

comportements par lesquels un individu cause un préjudice physique ou psychologique à

d’autres individus (Malti & Krettenauer, 2013), est prolifique. Les multiples facteurs de

risque associés aux troubles du comportement ou aux comportements antisociaux, qu’ils

soient biologiques, psychologiques ou sociaux, font l’objet d’une littérature abondante

(Dodge & Pettit, 2003 ; Loeber, 1990 ; Steinert & Whittington, 2013). Pour expliquer par

quels mécanismes ces facteurs contribuent au déclenchement ou au maintien des

comportements antisociaux, de nombreux modèles théoriques ont également été

proposés. Ces modèles explicatifs ont ensuite inspiré le développement d’autres modèles,

centrés sur la prévention ou le traitement des comportements antisociaux. Ces modèles

d’intervention ciblent généralement des difficultés particulières, qu’il s’agisse du

fonctionnement cognitif ou des compétences sociales et émotionnelles, des relations

parents-enfants ou de l’échec scolaire, des pairs fréquentés ou des difficultés d’insertion

professionnelle.

11 De nombreux programmes d’intervention issus de ces modèles ont fait l’objet

d’évaluations, en particulier en Amérique du Nord. Ces évaluations ont permis à d’autres

auteurs de proposer des synthèses, notamment sous la forme de méta-analyses, qui ont

servi à dégager les grands principes qui contribuent à rendre les interventions efficaces.

Par exemple, les travaux de Lipsey (2009), basés sur l’analyse de centaines d’études sur

l’intervention auprès de mineurs délinquants, identifient trois grands principes qui

expliquent les effets positifs rapportés : 1. une philosophie d’intervention davantage

thérapeutique que coercitive, c’est-à-dire davantage basée sur l’aide ou le soutien que sur

la punition et le contrôle ; 2. des interventions qui visent les adolescents les plus

délinquants, qui sont davantage susceptible d’évoluer et, par conséquent, de permettre

d’obtenir des évaluations plus significatives ; 3. des interventions dites de « haute

qualité », c’est-à-dire supervisées et réalisées avec des personnes en situation d’expertise,

accompagnées de personnels formés et impliqués durablement. Ces principes rejoignent

certains de ceux mis en évidence à l’occasion de méta-analyses plus anciennes guidées

par le modèle Risque-Besoin-Réceptivité (Andrews et al., 1997 ; Andrews, Bonta, & Hoge,

1990). Comme le résument Matthews et Hubbard (2007), les travaux classiques indiquent

que les interventions efficaces :

• sont élaborées en s’appuyant sur des théories et des données issues de recherche,

• nécessitent du temps (un minimum de 100 heures d’intervention sur une période de

plusieurs mois),

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• sont reliées à l’environnement social ordinaire des adolescents,

• ciblent différents besoins des adolescents,

• permettent l’apprentissage de nouveaux comportements,

• sont individualisées,

• permettent de renforcer les comportements prosociaux,

• ont pour objectif d’intervenir sur les principaux facteurs de risque de chaque adolescent,

• tiennent compte de la manière dont les adolescents réagissent à l’intervention,

• permettent un suivi sur le long terme, au-delà de la période d’intervention initiale plus

intense,

• s’appuient sur des institutions fonctionnelles avec des personnels compétents.

12 Pourtant, ces conclusions souffrent d’une lacune. En effet, elles s’appuient sur des méta-

analyses qui elles-mêmes s’appuient sur des évaluations s’intéressant le plus souvent à

des facteurs spécifiques ou à des approches théoriques particulières, c’est-à-dire visant à

montrer l’intérêt de telle ou telle méthode spécifique. Par conséquent, ces évaluations

passent à côté des facteurs généraux ou trans-théoriques (Matthews & Hubbard, 2007).

13 Ce point est étonnant. En effet, dans le champ de la psychothérapie, les travaux de

synthèse ont indiqué que les facteurs généraux étaient davantage prédictifs des effets

positifs de la thérapie que les facteur spécifiques liés à la méthode thérapeutique elle-

même (Lambert & Barley, 2001). En particulier, un facteur se montre prépondérant et

explique environ 30 % des effets thérapeutiques : la qualité du lien patient-thérapeute.

Cet élément relativement oublié des travaux sur la délinquance peut pourtant être

intégré au modèle Risque-Besoin-Réceptivité, puisque le principe de réceptivité implique

que les interventions, quels que soient leurs objectifs, prennent en compte la manière

dont les auteurs de comportements antisociaux les reçoivent (Cortoni & Lafortune, 2009).

La qualité du lien établi avec les professionnels est alors, selon ce modèle, une condition

d’efficacité des interventions (Andrews, Bonta, & Wormith, 2011).

14 Inspirés par les travaux d’évaluation des psychothérapies, Dowden et Andrews (2004) ont

réalisé une méta-analyse sur les effets des facteurs généraux dans la prise en charge des

adultes délinquants. Ils montrent ainsi que les relations établies avec les professionnels

qui les accompagnent sont un facteur qui influence le processus de desistance, bien que

les études qui en ont proposé une évaluation soient très peu nombreuses. En particulier,

les auteurs concluent que les professionnels sont d’autant plus influents qu’ils sont

enthousiastes et chaleureux. C’est aussi la conclusion à laquelle arrivent Scholte et Van

Der Ploeg (2000), après avoir étudié le parcours de deux cents adolescents hollandais

placés pour des problèmes de comportements. Les effets bénéfiques des prises en charge

longues (> 2 ans) s’expliquent notamment par le soutien émotionnel que fournissent les

éducateurs.

L’alliance et ses effets

15 Les résultats sur les effets positifs de la qualité de la relation thérapeute-patient se

laissent souvent interpréter avec le concept d’alliance thérapeutique ou alliance

professionnelle. C’est à Bordin (1979) que l’on doit d’avoir proposé une approche

multidimensionnelle de l’alliance thérapeutique, qui s’est montrée fructueuse et a inspiré

la création d’une échelle de mesure, le Working Alliance Inventory (Horvath & Greenberg,

1989). Cette échelle a elle-même été utilisée dans des centaines d’études qui identifient les

effets bénéfiques de l’alliance dans de nombreux contextes thérapeutiques (Flückiger, Del

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Re, Wampold, Symonds, & Horvath, 2012 ; Horvath & Symonds, 1991), y compris avec des

publics adolescents (Shirk & Karver, 2003 ; Shirk, Karver, & Brown, 2011). Tout comme la

conceptualisation de Bordin, le Working Alliance Inventory repose sur trois composantes.

L’alliance thérapeutique implique : 1. un accord entre le professionnel et l’usager sur les

objectifs de la thérapie ; 2. un accord sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre ces

objectifs ; 3. un lien affectif impliquant confiance, acceptation et intimité.

16 Plusieurs auteurs ont considéré que cette conception tridimensionnelle de l’alliance

thérapeutique posait des difficultés dans le contexte de l’accompagnement éducatif des

adolescents avec des troubles du comportement (Orsi, Lafortune, & Brochu, 2010 ; Zack,

Castonguay, & Boswell, 2007). Tout d’abord, en raison de leur état de développement

cognitif, les adolescents sont généralement moins conscients que les adultes de leurs

propres difficultés et donc moins susceptibles de convenir des objectifs de la prise en

charge. De même, la recherche d’autonomie propre à cette période de la vie limite parfois

la demande de soutien aux adultes. Ensuite, les comportements antisociaux ne

ressemblent pas à d’autres symptômes, tels que l’anxiété ou la dépression, dont

l’adolescent perçoit plus facilement qu’il souffre. Par conséquent, c’est le plus souvent

l’entourage social (famille, école, justice) qui, de manière plus ou moins autoritaire,

impose à l’adolescent une prise en charge visant à modifier ses comportements. Ainsi,

entre un adolescent et les professionnels qui l’accompagnent, l’accord sur les objectifs de

la prise en charge et les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre n’est pas aussi

évident que celui entre un patient et un thérapeute. De même, la fonction de contrôle des

institutions qui prennent en charge les adolescents avec des troubles du comportement,

comme c’est le cas pour la Protection judiciaire de la jeunesse dont l’intervention s’appuie

aujourd’hui sur un modèle d’éducation sous contrainte (Sallée, 2014), rend plus difficile

encore l’adhésion. Enfin, le nombre important d’intervenants autour d’un même

adolescent et leur éventuel désaccord rendent plus ardu encore de trouver un accord sur

les objectifs et les moyens (Orsi et al., 2010). En somme, la prise en charge des adolescents

avec des troubles du comportement ne s’apparente pas à la thérapie qu’entreprend un

adulte de manière volontaire et confidentielle. C’est pourquoi Orsi, Lafortune et Brochu

(2010) estiment qu’avec cette population, l’alliance thérapeutique repose essentiellement

sur sa troisième composante, dite affective, plutôt que sur les deux premières, dites

collaboratives. C’est également pour souligner la différence avec la thérapie que les

auteurs proposent de préférer, pour la prise en charge des adolescents avec des trouble

du comportement, les termes de « relation d’aide », d’« alliance d’aide » (Matthews &

Hubbard, 2007) ou plus simplement d’« alliance » (Orsi et al., 2010) ou de lien. Dans la

présente étude, c’est donc uniquement la dimension du lien affectif et non les trois

composantes de l’alliance qui sera investiguée.

17 Avec les adolescents pris en charge pour leurs comportements antisociaux, les études

quantitatives qui ont montré les bénéfices de l’alliance sont très peu nombreuses mais

néanmoins significatives. La première étude à faire référence dans ce champ a été réalisée

pendant plusieurs mois avec soixante-dix-huit adolescents délinquants américains placés

dans des foyers de divers types (Florsheim, Shotorbani, Guest-Warnick, Barratt, & Hwang,

2000). Les résultats indiquent que la qualité de l’alliance avec les professionnels qui les

encadrent, mais seulement après plusieurs mois de prise en charge, est prédictive d’une

diminution des comportements antisociaux et délinquants. De plus, l’examen des dossiers

judiciaires indique, un an après le placement, un taux de récidive plus faible lorsque

l’alliance a été importante. Dans la mesure où il s’agit d’une étude longitudinale, les

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auteurs ont pu contrôler certaines variables, comme les comportements antisociaux au

moment du placement, le passé délinquant, la consommation de drogues et d’alcool ou la

fréquentation de pairs délinquants, suggérant bien un effet causal de l’alliance sur les

comportements antisociaux.

18 Une autre étude, qui a également été réalisée avec soixante et onze adolescents

américains placés, a apporté quelques résultats supplémentaires (Handwerk et al., 2008).

Les lieux de placement qui fournissent le terrain de cette étude sont structurés selon le

Teacher-Family Model, c’est-à-dire que la prise en charge est réalisée par un couple

conjugal formé à l’accompagnement des adolescents en difficulté. Les adolescents de

l’échantillon ont également été suivis par des psychologues, à raison d’une ou deux

séances par quinzaine. L’alliance avec ces psychologues, relativement stable sur la

douzaine de rendez-vous auxquels ont participé les adolescents en moyenne, se montre

légèrement prédictive de l’amélioration des problèmes de comportement. Les résultats

quantitatifs sont modestes (β = .13). Toutefois, les adolescents passent beaucoup moins de

temps avec le psychologue qu’avec leur Family-Teacher et les résultats ne sont donc pas

comparables à ceux de l’étude précédente, qui concernait l’alliance avec les

professionnels exerçant au quotidien dans les lieux d’hébergement.

19 Plus récemment, une étude conduite sur environ quatre années au Québec avec cent

vingt-huit adolescentes placés en centre de jeunesse a apporté des résultats quantitatifs

importants (Ayotte, Lanctôt, & Tourigny, 2016). En effet, l’alliance évaluée par les

adolescentes trois mois après le début du placement permet de prédire l’évolution des

problèmes de comportement, tels que les agressions, les vols ou encore la consommation

de drogues et d’alcool. En effet, quels que soient leurs problèmes de comportement

initiaux, plus les adolescentes s’estiment liées à leurs éducatrices et plus leurs difficultés

comportementales tendent à diminuer, ou tout au moins à ne pas empirer, ce qui n’est

pas le cas de celles qui ne forment pas une alliance de qualité avec les professionnelles.

Cet effet de l’alliance a pu être observé jusqu’à quatre ans plus tard, alors que les

adolescentes enquêtées étaient devenues de jeunes adultes.

20 Contrairement à ce qui a été préconisé lorsqu’il s’agit d’étudier des adolescents avec des

comportements antisociaux (Orsi et al., 2010), ces études n’ont cependant pas distingué les

trois composantes de l’alliance thérapeutique (Bordin, 1979) et les scores utilisés mêlent

le lien affectif professionnel-adolescent, l’accord sur les objectifs et l’accord sur les

moyens. Pour considérer plus particulièrement la dimension de lien affectif et ses

possibles déterminants, il semble fructueux de disposer au préalable d’un modèle pour le

théoriser.

Un lien d’attachement

21 Dès 1944, c’est-à-dire bien avant l’élaboration de sa théorie de l’attachement, Bowlby

remarquait, à partir de l’observation clinique de 44 enfants et adolescents auteurs de vols

et de 44 enfants témoins, que les carences affectives précoces ont un rôle significatif dans

l’étiologie des comportements antisociaux (Bowlby, 1944). Aujourd’hui, de nombreuses

études sont venues étayer ces observations pionnières en évaluant le lien entre les

différents types d’attachement (ou les expériences précoces) et les comportements

antisociaux. Ces études sont trop nombreuses pour être recensées mais leurs résultats

apparaissent dans trois méta-analyses. La première (Van Ijzendoorn, Schuengel, &

Bakermans-Kranenburg, 1999), qui synthétise les résultats d’une douzaine d’études

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portant sur un total de plus de 700 enfants, indique un lien significatif entre

l’attachement désorganisé et les troubles du comportement. La seconde (Fearon,

Bakermans-Kranenburg, Van IJzendoorn, Lapsley, & Roisman, 2010), qui synthétise les

résultats de 69 études portant sur un total de pratiquement 6000 enfants, montre que les

enfants au style d’attachement insecure, en particulier insecure désorganisé, présentent

davantage de troubles du comportement que les autres. La troisième (Hoeve et al., 2012),

qui synthétise les résultats de 74 études portant sur un total de plus de 55000 enfants,

adolescents et jeunes adultes, met en évidence un lien entre l’attachement insecure aux

parents et la délinquance des individus. La littérature est donc relativement consensuelle

sur la question : les comportements antisociaux sont largement influencés par le

sentiment d’insécurité affective.

22 En revanche, l’interprétation de ce lien entre insécurité affective et comportements

antisociaux fait débat. Les individus ayant un style d’attachement insecure pourraient

émettre des comportements antisociaux pour différentes raisons (Fearon et al ., 2010 ;

Fonagy, Target, Steele, & Steele, 1997 ; Greenberg, Speltz, & DeKlyen, 1993). Tout d’abord,

ces comportements pourraient être une manière, apprise durant l’enfance, d’obtenir la

présence et l’attention de l’entourage qui sans cela ne se serait pas montré suffisamment

sensible et disponible. Il s’agirait donc, comme les pleurs chez le bébé, de comportements

d’attachement de type aversif (Bowlby, 1969).

23 Ensuite, dans la mesure où les individus ayant un style d’attachement insecure ont une

représentation négative d’eux-mêmes (sentiment de ne pas mériter l’estime et l’amour

des autres) et/ou une représentation négative des relations avec les personnes

significatives (perçues comme étant incertaines, décevantes ou maltraitantes), un biais de

confirmation les conduit à une interprétation hostile des situations sociales et une

tendance à adopter des comportements agressifs dans de nombreuses interactions

(Dodge, Bates, et Pettit, 1990). De plus, les individus insecure, avant tout préoccupés par

leur propre sentiment de sécurité affective, pourraient simplement manquer de

ressources mentales pour faire face aux différentes situations sociales (Mikulincer,

Shaver, & Pereg, 2003). Ils auraient des difficultés à réguler leurs émotions, en particulier

la colère, et auraient recours à des comportements antisociaux automatiques si ces

derniers font partie de leur répertoire comportemental.

24 Par ailleurs, les comportements antisociaux pourraient résulter d’un défaut d’activation

du système de caregiving, système qui informe l’individu sur les besoins des autres et

l’incite à fournir « protection, réconfort et assistance à ceux qui sont dépendants de lui ou

temporairement dans le besoin » (Collins & Ford, 2010, p. 236). Ce défaut d’activation

pourrait être aussi bien la conséquence d’une trop grande mobilisation des ressources par

le système d’attachement que la conséquence d’un manque de modelage, puisque le

manque d’attention et de soutien de la part des figures d’attachement limite aussi

l’apprentissage par imitation des comportements prosociaux par l’enfant (Van

IJzendoorn, 1997) et puisque l’agression peut faire partie des modalités relationnelles qui

ont servi de modèle à l’enfant.

25 Enfin, par un rapprochement avec la théorie du lien social (Hirschi, 1969), certains

auteurs ont proposé de voir la qualité de l’attachement aux parents, de même que

l’attachement aux pairs et aux institutions, comme une condition du contrôle social

indirect, les enfants craignant davantage de voir les liens se dégrader lorsqu’ils dérogent

aux attentes normatives de ceux à qui ils sont liés (Hoeve et al., 2012 ; Van IJzendoorn,

1997).

Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...

Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018

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Page 10: Amour, relation éducative et délinquance. L’amour

26 La sécurisation affective par laquelle opère la relation affective éducateur-adolescent

n’est pas également possible pour tous les adolescents. Dans la mesure où la population

des jeunes ayant un suivi judiciaire pénal est constitué d’adolescents qui présentent des

troubles du comportement, le style insecure y est surreprésenté, comme le pointe une

étude réalisée au Pays-Bas avec des adolescents placés au pénal (Zegers, Schuengel, van

IJzendoorn, & Janssens, 2006). Or les individus insecure ont davantage de difficultés à tirer

parti des comportements de caregiving des professionnels qui les accompagnent, c’est-à-

dire qu’il leur est plus difficile de se sécuriser à travers des relations sociales (Smith,

Msetfi, & Golding, 2010). Les caractéristiques des adolescents, en particulier leur style

d’attachement, influencent donc l’alliance avec les professionnels, qui peine parfois à se

construire (Zegers et al., 2006). En plus du style d’attachement, différentes études (voir la

synthèse de Orsi et al., 2010) pointent également le rôle des expériences passées avec les

institutions éducatives et la disposition personnelle au changement comme des facteurs

qui influencent l’alliance.

27 Par conséquent, comme cela a déjà été évoqué, il faut souvent un certain nombre de mois

pour qu’une relation sécurisante s’établisse entre les adolescents et leurs éducateurs

(Florsheim et al ., 2000 ; Zegers et al ., 2006). Durant cette période, les attitudes et

comportements des éducateurs ont un rôle déterminant dans la création d’un lien affectif

sécurisant avec ces adolescents, qui tendent plutôt à se méfier des relations de caregiving.

Certains travaux indiquent par exemple que les adolescents sont sensibles au fait que les

éducateurs fassent preuve d’acceptation et se montrent attentionnés, soutenants et

fiables (voir la synthèse de Orsi et al., 2010). Toutefois, aucune étude n’a identifié le rôle

particulier de l’implication affective de l’éducateur. Pourtant, il est possible d’émettre

l’hypothèse que l’alliance dépend aussi de l’implication affective des professionnels,

comme le suggèrent les entretiens menés avec des adolescents judiciarisés en Suède ou

aux États-Unis (Henriksen, Degner, & Oscarsson, 2008 ; Manso, Rauktis, & Boyd, 2008).

L’amour compassionnel des professionnels

28 Bowlby (1969) a argumenté que la sécurité affective d’un individu peut être prise en

charge par un autre individu. Cela signifie que l’activation du système de caregiving de

l’éducateur peut entraîner une sécurisation de l’adolescent (Cassidy, 2000) et permettre

qu’il dirige son attention et son énergie vers l’exploration de l’environnement et les

interactions sociales avec d’autres personnes. Le système de caregiving de l’éducateur est

alors orienté vers le bien-être de ceux qu’il accompagne et motive des comportements

altruistes de sa part (Mikulincer, Shaver, Gillath, & Nitzberg, 2005). A ce système de

caregiving sont associés des émotions et des sentiments particuliers. Récemment, un

concept a été intégré à la théorie de l’attachement pour caractériser les ressentis associés

au caregiving (Giesbrecht, 2009 ; Mikulincer, Shaver, & Gillath, 2009 ; Oman, 2011). Il s’agit

de l’amour compassionnel, ou amour altruiste, qu’Underwood (2009) présente comme une

forme d’amour qui a la particularité d’être tourné vers le bien d’autrui.

29 Sprecher et Fehr (2005, p. 630) définissent l’amour compassionnel comme une « attitude

envers les autres, qu’il s’agisse de proches, d’inconnus ou de l’humanité en général,

comportant des émotions, des cognitions et des comportements centrés sur la

préoccupation, la sollicitude et la tendresse, ainsi qu’une tendance à soutenir, aider et

comprendre le (ou les) autre(s), en particulier quand il(s) est(sont) perçus comme étant

en souffrance ou dans le besoin ». Pour éviter la confusion avec le concept de compassion,

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Sociétés et jeunesses en difficulté, 20 | Printemps 2018

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Page 11: Amour, relation éducative et délinquance. L’amour

plusieurs auteurs précisent que l’amour compassionnel n’est pas uniquement orienté vers

l’allègement de la souffrance d’autrui lorsqu’il est dans une situation de vulnérabilité : il

est également tourné vers le développement d’autrui et ses émotions positives (Oman,

2011). L’amour compassionnel est une disposition et est par conséquent plus global et

plus durable que l’empathie, qui est plutôt limitée à des situations de face-à-face avec

autrui (Sprecher & Fehr, 2005). Enfin, il a été montré que l’amour compassionnel pouvait

être cultivé intentionnellement, notamment chez les professionnels du soin (Oman,

Thoresen, & Hedberg, 2010). Il ne correspond en rien à un sentiment subi, lié uniquement

au jeu des affinités interindividuelles.

30 Depuis une quinzaine d’années, des travaux de recherche ont permis d’évaluer les effets

positifs de cette forme d’amour dans des contextes relationnels variés : au sein des

relations parents-enfants (Miller, Kahle, Lopez, & Hastings, 2015 ; Volling, Kolak, &

Kennedy, 2009), au sein des relations amoureuses (Collins et al., 2014 ; Jeffries, 2006 ; Neff

& Karney, 2009 ; Sprecher & Fehr, 2011 ; Sprecher, Zimmerman, & Abrahams, 2010), dans

le contexte de l’engagement bénévole au profit d’actions humanitaires (Omoto, Malsch, &

Barraza, 2009) mais également dans les relations hiérarchiques au travail (van

Dierendonck & Patterson, 2015). Enfin, d’autres travaux auprès de personnel de santé ont

montré l’intérêt de l’amour compassionnel dans l’étude des relations entre professionnels

et usagers (Graber & Mitcham, 2009 ; Willer, 2014). De même, il est possible d’émettre

l’hypothèse que l’amour compassionnel des professionnels qui accompagnent les

adolescents présentant des comportements antisociaux est un concept heuristique, qui

pourrait aider à analyser l’engagement affectif des éducateurs, conçu comme un

déterminant de la relation affective établie avec les adolescents.

31 Pour de nombreux auteurs, l’amour compassionnel fournit une motivation à se

comporter de manière prosociale ou altruiste (Graber & Mitcham, 2009 ; Mikulincer et al.,

2009 ; Omoto et al ., 2009 ; Underwood, 2009). Cette motivation, incompatible avec des

intérêts égoïstes, est une forme de motivation intrinsèque ou autodéterminée, c’est-à-dire

qu’elle ne présuppose aucune attente de récompense extérieure (Deci & Ryan, 2008).

Ainsi, une étude montre une corrélation importante entre l’amour compassionnel et la

vocation, définie comme l’importance accordée à son occupation professionnelle en

raison de son impact positif sur le monde et sur le sentiment d’accomplissement

personnel (Hwang, Plante, & Lackey, 2008). Il est donc possible d’émettre l’hypothèse d’un

lien positif entre l’amour compassionnel des éducateurs et leur auto-motivation

professionnelle. Cette forme de motivation semble incompatible avec une stratégie que

Bowlby (1969) nomme le soutien compulsif et qui permet à des individus insecure anxieux

de développer un certain sentiment de sécurité en gagnant de l’importance aux yeux

d’autrui grâce au soutien offert (Kunce & Shaver, 1994). La relation affective éducateur-

adolescent, si elle est motivée par l’amour compassionnel, n’est pas une stratégie de

soutien compulsif, que mobilisent surtout des individus au style insecure anxieux. Dès lors,

il semble important, lorsque l’on étudie les corrélats de l’amour compassionnel, de

contrôler le style d’attachement des individus.

32 Comme cela a été évoqué, la qualité de la relation entre les professionnels et les

adolescents est souvent perçue à tort comme une question d’affinité, uniquement liée aux

caractéristiques individuelles des protagonistes. Matthews et Hubbard écrivent ainsi

(2007, p. 110) : « Être un professionnel soutenant sur le plan affectif est pour partie inné :

on l’est ou on ne l’est pas ». S’il est vrai que les caractéristiques des individus en

interaction influencent le lien, il n’en demeure pas moins qu’une approche plus

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Page 12: Amour, relation éducative et délinquance. L’amour

écologique (Bronfenbrenner, 1977) est possible, selon laquelle la relation affective

éducateur-adolescent est également le reflet des conditions de l’environnement au sein

duquel elle advient. C’est l’approche proposée par Ross, Polaschek et Ward (2008) dans

leur modèle de l’alliance thérapeutique. Ainsi, la relation affective éducateur-adolescent

est sous l’influence de déterminants environnementaux. Par exemple, les normes

institutionnelles sur la distance professionnelle, les normes institutionnelles sur l’aspect

répressif et autoritaire de l’intervention auprès d’adolescents judiciarisés ou plus

simplement la charge de travail et l’augmentation des ratios adolescents/éducateurs

influencent négativement la relation affective (Matthews & Hubbard, 2007). Plus

spécifiquement, l’amour compassionnel des éducateurs pourrait lui-même être affecté

par des éléments du contexte organisationnel, tels que la charge de travail, les normes

émotionnelles ou encore le sentiment de recevoir du soutien social de la part de ses

collègues ou de la hiérarchie. Ce dernier élément est particulièrement intéressant ici

puisqu’il peut inviter à interpréter l’engagement affectif des professionnels,

manifestation de leur système de caregiving, comme une conséquence de leur propre

sécurisation. La dynamique des systèmes comportementaux proposée par la théorie de

l’attachement pourrait alors s’appliquer aux professionnels et non plus seulement aux

adolescents qu’ils accompagnent. L’hypothèse d’un lien entre le soutien reçu par les

professionnels de la part de leurs collègues et de leur supérieur d’un côté et leur

engagement affectif de l’autre est donc testée dans la présente étude.

Objectif et hypothèses

33 La présente étude répond au besoin de comprendre davantage les déterminants de

l’alliance avec les jeunes qui présentent des comportements antisociaux (Matthews &

Hubbard, 2007). Il s’agit plus précisément d’évaluer le lien entre l’engagement affectif des

professionnels, opérationnalisé à l’aide du concept d’amour compassionnel, et la relation

affective éducateur-adolescent. La première hypothèse est la suivante :

34 1. L’amour compassionnel des professionnels de la PJJ est prédictif de la qualité des

relations affectives avec les adolescents, même après contrôle de leur style

d’attachement.

35 Par ailleurs, cette étude vise également à évaluer le rôle d’un facteur contextuel, le

soutien social au travail, sur l’engagement affectif des professionnels. La deuxième

hypothèse est donc la suivante :

36 2. Plus les professionnels estiment recevoir du soutien de la part des collègues et de la

hiérarchie, plus leur engagement affectif envers les jeunes suivis est important.

37 Enfin, l’étude s’intéresse à l’amour compassionnel des éducateurs conçu comme une

source de motivation au travail. La troisième hypothèse est la suivante :

38 3. Il existe un lien positif entre l’engagement affectif des professionnels et leur auto-

motivation professionnelle.

39 Les liens supposés entre toutes les variables mobilisées par ces trois hypothèses

apparaissent dans la figure 1.

Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...

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Page 13: Amour, relation éducative et délinquance. L’amour

Figure 1. Modèle englobant les trois hypothèses

Matériel et méthode

Procédure

40 Les données ont été recueillies entre septembre 2013 et mars 2014 à l’aide d’un

questionnaire en ligne sur la plateforme Epsyline du laboratoire Epsylon (Université de

Montpellier). Le lien vers le questionnaire a été envoyé aux professionnels de la

Protection judiciaire de la jeunesse par voie hiérarchique, un courriel du service en

charge de la recherche à la direction de la PJJ ayant été transmis aux directions

interrégionales puis transféré aux professionnels2. Le temps moyen pris par les

professionnels pour répondre est de 20 minutes.

Participants

41 L’échantillon est composé de 107 professionnels (96 éducateurs de la PJJ et 11 autres

personnels éducatifs tels que des professeurs techniques ou des responsables d’unité

éducative). Les professionnels, âgés de 27 à 63 ans (m = 41,7 ans, ET = 7,9 ans), sont

majoritairement des femmes (66 %) et ont entre 1 et 41 ans d’ancienneté (m = 14,8 ans,

ET = 8,4 ans). Ils travaillent en milieu ouvert (60 %), en hébergement (22 %), en insertion

(8 %), en établissement pénitentiaire pour mineurs ou en maison d’arrêt (8 %) ou encore

en centre éducatif fermé (3 %). Ils sont mariés (37 %), célibataires (19 %), en concubinage

(17 %), divorcés (15 %) ou pacsés (12 %).

Mesures

42 Caractéristiques sociodémographiques. En début de questionnaire, les participants ont

donné leur âge, leur genre, leur statut marital, leur fonction professionnelle, leur

ancienneté et le type de structure où ils exercent au moment de l’enquête.

43 Amour compassionnel des professionnels. Le premier outil psychométrique utilisé est

une échelle d’amour compassionnel. Il s’agit de la traduction française (Virat, Trouillet, &

Favre, 2018) de la version “specific close others” de l’échelle anglophone d’amour

compassionnel (Sprecher & Fehr, 2005), les personnes proches ayant été ici nommées

« les jeunes dont j’ai le suivi ». La version utilisée ici contient 21 items (cf. annexe),

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Page 14: Amour, relation éducative et délinquance. L’amour

chacun évalué sur une échelle de Likert en 7 points (1 = pas du tout vrai pour moi ;

7 = tout à fait vrai pour moi). L’analyse factorielle exploratoire indique une solution

unifactorielle (saturations supérieures à .30 ; variance totale expliquée 31 %), comme la

version anglophone. Cela contraste avec les résultats d’une première validation française

auprès d’une population d’enseignants (Virat et al., 2018), qui fait apparaître deux

facteurs, nommés sensibilité et dévouement (exemples : « Je ressens beaucoup d’amour

compassionnel pour les adolescents dont j’ai le suivi » et « Je m’engagerais davantage

dans des actions qui aident les adolescents dont j’ai le suivi plutôt que dans des actions

qui m’aident moi »). Avec le présent échantillon, un seul score a été calculé, en réalisant

la moyenne des scores obtenus aux 21 items. L’échelle a une consistance interne

excellente (α(amour compassionnel) = .90).

44 Relation affective éducateur-adolescent. Pour évaluer la qualité des relations affectives

entre un éducateur et les adolescents qu’il accompagne, c’est une échelle psychométrique

issue des travaux sur la relation enseignant-élève qui a été retenue. La Student-Teacher

Relationship Scale, inspirée par la théorie de l’attachement et développée par Pianta and

Nimetz (1991) puis Pianta (2001), existe sous plusieurs formes. Pianta (2001) recommande

d’utiliser la version courte bidimensionnelle, traduite en français par Perreault (2011).

Cette version contient 15 items, chacun évalué sur une échelle de Likert en 5 points

(1 = ne s’applique pas du tout ; 5 = s’applique tout à fait). Avec le présent échantillon, une

analyse factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin direct) soutient une

structure à deux facteurs (saturations supérieures à .50 ; variance totale expliquée 39 %),

à condition de supprimer cinq items qui nuisent aux qualités psychométriques de l’outil.

Au final, le premier facteur, nommé proximité, inclut cinq items (exemple : « Je partage

des relations chaleureuses et amicales avec les jeunes dont j’ai le suivi ») et sa consistance

interne est correcte (α(proximité) = .70). Le second facteur, nommé conflit, inclut

également cinq items (exemple : « Les jeunes dont j’ai le suivi se mettent facilement en

colère contre moi ») et sa consistance interne est correcte (α(conflit) = .71). Les scores des

deux sous-échelles ont été obtenus en calculant la moyenne des scores obtenus aux cinq

items de chaque facteur.

45 Questionnaire d’attachement pour adultes. La version française (Bouthillier, Tremblay,

Hamelin, Julien, & Scherzer, 1996) de l’Adult Attachment Questionnaire (Simpson, 1990) a

été utilisée pour évaluer, selon une approche dimensionnelle, les styles d’attachement des

éducateurs. L’échelle contient 13 items, chacun évalué sur une échelle de Likert en 5

points (1 = fortement en désaccord ; 7 = fortement en accord), qui permettent d’évaluer

deux dimensions de l’insécurité d’attachement : l’anxiété et l’évitement. Avec le présent

échantillon, une analyse factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin

direct) soutient une structure à deux facteurs (saturation supérieures à .30 ; variance

totale expliquée 33 %), à condition de retirer trois items, conformément aux

recommandations des traducteurs de l’échelle qui signalent les faibles qualités de ces

trois items (Bouthillier et al., 1996). Le premier facteur, nommé anxiété, inclut cinq items

(exemple : « Je m’inquiète souvent que (mon/ma ou mes) partenaire(s) ne m’aime(nt) pas

vraiment ») et sa consistance interne est insuffisante (α(anxiété) = .56), comme dans les

études précédentes (Bouthillier et al., 1996 ; Simpson, Rholes, & Nelligan, 1992). Le second

facteur, nommé évitement, inclut également cinq items (exemple : « Je n’aime pas que les

gens cherchent à être trop intimes avec moi ») et sa consistance interne est correcte (α(évitement) = .72). Les scores des deux sous-échelles ont été obtenus en calculant la

moyenne des scores obtenus aux cinq items de chaque facteur.

Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...

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Page 15: Amour, relation éducative et délinquance. L’amour

46 Motivation au travail. L’échelle retenue est la version française de la Motivation At

Work Scale (Gagné et al., 2010). Basée sur la théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan,

2008), elle évalue quatre types de motivation au travail : deux types de motivation hétéro-

déterminée (motivation extrinsèque et régulation introjectée, exemples : « Je fais mon

travail pour le salaire » et « Je fais mon travail parce que ma réputation en dépend ») et

deux types de motivation autodéterminée (régulation identifiée et motivation

intrinsèque, exemples : « Je fais mon travail parce qu’il concorde bien avec mes valeurs

personnelles » et « Je fais mon travail pour les moments de plaisir qu’il m’apporte »).

Chacune des quatre sous-échelles contient trois items, chacun évalué sur une échelle de

Likert en 7 points (1 = pas du tout ; 7 = exactement). Avec le présent échantillon, une

analyse factorielle (factorisation en axes principaux, rotation oblimin direct) soutient une

structure à quatre facteurs (saturations supérieures à .40 ; variance totale expliquée 55 %

). La consistance interne des sous-échelles est variable (α(extrinsèque) = .59 ; α(introjectée) = .74 ; α(identifiée) = .57 ; α(intrinsèque) = .83). Les scores des quatre sous-

échelles ont été obtenus en calculant la moyenne des scores obtenus aux trois items de

chaque facteur.

47 Soutien social au travail. L’échelle de soutien social au travail est tirée du Job Content

Questionnaire (Karasek et al., 1998), traduit et validé en français (Niedhammer, Ganem,

Gendrey, David, & Degioanni, 2006). Les six items, chacun évalué sur une échelle de Likert

en 4 points (1 = pas du tout d’accord ; 4 = tout à fait d’accord), évaluent le soutien

instrumental et émotionnel que le professionnel estime recevoir de la part de ses

collègues et de son supérieur. Avec le présent échantillon, une analyse factorielle

(factorisation en axes principaux, rotation oblimin direct) soutient une structure à deux

facteurs (saturations supérieures à .60 ; variance totale expliquée 65 %). Le premier

facteur, nommé soutien du supérieur, inclut quatre items (exemple : « Mon supérieur se

sent concerné par le bien-être de ses subordonnés. ») et sa consistance interne est bonne

(α(soutien du supérieur) = .88). Le second facteur, nommé soutien des collègues, inclut

quatre items (exemple : « Les collègues avec qui je travaille me manifestent de l’intérêt. »)

et sa consistance interne est bonne (α(soutien des collègues) = .87). Les scores des deux

sous-échelles ont été obtenus en calculant la moyenne des scores obtenus aux trois items

de chaque facteur.

Stratégie analytique

48 Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide de IBM SPSS Statistics 22. En raison de la

taille limitée de l’échantillon, des analyses par équations structurelles n’ont pas pu être

réalisées. Les hypothèses ont donc été testées à l’aide de régressions linéaires multiples,

qui permettent de neutraliser l’effet des variables contrôlées. Face à l’inflation du risque

de faux positifs lors de tests multiples, la correction de Bonferroni-Holm a été appliquée.

Le calcul des p-value ajustées a permis de repérer les résultats significatifs. Pour cela les

p-value ont été multipliées par un coefficient qui dépend du classement croissant de ces

p-value : nombre de tests (ici 28) – rang du test + 1. L’hypothèse nulle est rejetée lorsque

les p-value ajustées sont inférieures au seuil de 5 %.

Résultats

49 Les statistiques descriptives apparaissent dans le tableau 1.

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Page 16: Amour, relation éducative et délinquance. L’amour

Tableau 1. Statistiques descriptives et corrélations

50 Les résultats des régressions linéaires multiples apparaissent dans le tableau 2. L’amour

compassionnel des professionnels se montre prédictif des scores obtenus à la sous-échelle

proximité de la relation affective éducateur-adolescent, même après contrôle de leur

style d’attachement (β = .32, t = 4,04, p < .01). Par ailleurs, l’engagement affectif des

professionnels a également été régressé sur le prédicteur soutien social au travail. La

perception de soutien de la part du supérieur se montre prédictive de l’amour

compassionnel des éducateurs (β = .28, t = 2,89, p < .05). Enfin, l’amour compassionnel

permet de prédire l’auto-motivation au travail des éducateurs, en particulier la

motivation à régulation identifiée (β = .29, t = 2,95, p < .05). Ce résultat apparaît quelle que

soit par ailleurs la qualité des relations établies avec les adolescents, contrôlée dans le

modèle. En outre, la qualité de la relation est elle-même prédictive d’une auto-motivation

plus importante, qu’il s’agisse de motivation à régulation identifiée (β = .29, t = 3,14, p <

.01 pour la dimension proximité) ou de motivation intrinsèque (β = .50, t = 5,86, p < .001

pour la dimension proximité et β = -.26, t = -3,17, p < .01 pour la dimension conflit).

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Page 17: Amour, relation éducative et délinquance. L’amour

Tableau 2. Régressions linéaires multiples

51 Pour finir, des comparaisons de moyennes ont été réalisées. Aucune différence

significative d’amour compassionnel n’apparaît en fonction du genre des professionnels

(M = 4,17 et 4,34, respectivement pour les hommes et les femmes, t = -1,002, p > .30).

Concernant le type de structure où exercent les professionnels, les effectifs n’ont permis

qu’une comparaison de moyenne entre ceux exerçant en milieu ouvert et ceux exerçant

en hébergement. Le score moyen d’amour compassionnel est plus important chez ces

derniers (M = 4,75 vs 4,21, t = -2,88, p < .01). Enfin, aucune différence significative d’amour

compassionnel n’apparaît en fonction du statut marital des professionnels (F = 1,52, p >

.20).

Discussion

52 Tout d’abord, les résultats obtenus étayent la première hypothèse de cette recherche

selon laquelle l’amour compassionnel des professionnels de la PJJ est prédictif de la

qualité des relations affectives avec les adolescents (dimension proximité), même après

contrôle de leur style d’attachement. Les corrélations sur lesquelles sont basés les

résultats ne révèlent aucune relation de causalité et il n’est pas exclu que l’amour

compassionnel des professionnels soit lui-même influencé par la qualité des relations

établies avec les adolescents. Toutefois, la mesure utilisée est une mesure d’amour

compassionnel global, c’est-à-dire pour l’ensemble des jeunes suivis, qui semble être une

disposition relativement stable des individus (Sprecher & Fehr, 2005 ; Virat et al., 2015),

contrairement à la qualité de la relation avec les adolescents qui peut varier fortement

d’un suivi à l’autre. Il est donc permis de faire l’hypothèse interprétative selon laquelle

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Page 18: Amour, relation éducative et délinquance. L’amour

l’amour compassionnel des professionnels influence positivement l’alliance avec les

adolescents.

53 Cela n’est pas sans rappeler les qualités du thérapeute, ou de tout autre professionnel du

soutien, telles que les a définies Rogers (1957) : congruence, regard positif inconditionnel

et empathie. Les résultats obtenus par Horvath et Greenberg (1989) à l’occasion de la

validation du Working Alliance Inventory indiquaient justement un lien fort entre

l’empathie des thérapeutes et la qualité de l’alliance thérapeutique, en particulier sa

dimension de lien affectif. Pourtant, l’empathie n’est pas toujours conçue comme une

forme d’engagement affectif et Rogers ne qualifie pas la posture de l’aidant comme étant

affective. Ici, la mesure d’amour compassionnel utilisée pointe sans ambiguïté le rôle de

l’engagement affectif des professionnels. Lorsqu’ils perçoivent cette implication affective,

les adolescents se sentent reconnus et soutenus sur le plan émotionnel, c’est-à-dire qu’ils

considèrent que le professionnel leur envoie un message qui pourrait se résumer

ainsi : » quoi qu’il arrive, je suis là pour toi » (Noddings, 1984, 2002 ; Virat, 2015).

54 Au vu de ces résultats, il paraît intéressant de définir la relation éducative de telle sorte

que sa dimension affective soit reconnue comme un élément, non pas problématique ni

simplement inévitable et accessoire, mais bien central. À cette intention, la relation

éducative peut être définie comme « une relation asymétrique où l’adulte se montre

sensible et disponible, où il se sent responsable du développement de l’enfant et où il lui

fournit aide et soutien, en particulier sur le plan émotionnel, tout en se préoccupant de la

manière dont l’enfant reçoit ce soutien » (Virat & Cheval, 2017).

55 L’amour compassionnel des professionnels peut être considéré de deux manières. Tout

d’abord, il peut être regardé comme une caractéristique individuelle, un trait de

personnalité (Sprecher & Fehr, 2005). Des résultats suggèrent ainsi une importante

stabilité temporelle de l’engagement affectif des professionnels (Virat et al., 2018). Il peut

également être considéré comme un état temporaire, sujet à variations. Il paraît dès lors

compréhensible que le contexte influence significativement l’engagement affectif des

professionnels. C’est ce qu’indiquent les résultats obtenus dans cette étude, qui étayent la

deuxième hypothèse de recherche : moins les professionnels se sentent soutenus par

leurs supérieurs, notamment sur le plan affectif, moins ils se déclarent engagés

affectivement avec les adolescents qu’ils accompagnent. Ce résultat pourrait être illustré

par le propos d’une éducatrice PJJ, interrogé à l’occasion d’une autre enquête, qui met en

lien le soutien de son supérieur et son engagement avec les adolescents (Virat, 2014) :

« Moi ce que j’attends d’un chef, […] c’est de sentir qu’il soutient mon travail. [...]Mais je suis consciente que c’est quelque chose qui est [présent] ici, donc peut-êtrequ’avec d’autres chefs je ne m’autoriserais pas… Voilà, donc après je serais moinsimpliquée, d’une certaine façon, moins impliquée dans la relation je pense, c’estune façon de se protéger aussi. Tout ça est lié. »

56 Le lien entre le soutien perçu et l’engagement affectif peut être rapproché des travaux sur

l’épuisement professionnel. En effet, l’une des trois composantes de l’épuisement

professionnel a été définie comme la dépersonnalisation, c’est-à-dire la tendance à se

comporter de manière détachée, négative ou impersonnelle avec les autres, à ne plus les

considérer comme des individus vulnérables avec des besoins particuliers (Maslach &

Jackson, 1981). Ainsi, la perception d’un manque de soutien au travail par les travailleurs

socio-éducatifs est un facteur de dépersonnalisation dans la relation avec les usagers

(Ben-Zur & Michael, 2007 ; Halbesleben, 2006). De même, d’autres facteurs liés à

l’organisation du travail, tels que la surcharge de travail ou la dissonance émotionnelle,

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peuvent conduire à la dépersonnalisation (Brotheridge & Grandey, 2002 ; Hülsheger &

Schewe, 2011). Par conséquent, certains auteurs ont conçu la dépersonnalisation comme

une forme de désengagement affectif, c’est-à-dire une véritable stratégie visant à se

protéger dans une situation professionnelle qui rend l’engagement affectif trop coûteux

(Carmack, 1997 ; Dagot & Perié, 2014). Il semble donc intéressant de ne pas considérer

l’amour compassionnel comme une caractéristique purement individuelle qui ne

relèverait que de la personnalité des professionnels. Au contraire, le contexte de travail

influence l’engagement affectif et peut le réduire considérablement.

57 Cet effet du contexte explique peut-être la différence observée dans les résultats de cette

recherche entre l’engagement affectif des professionnels qui travaillent en milieu ouvert

et l’engagement affectif de ceux qui travaillent en hébergement. L’engagement affectif

pourrait être facilité par la fréquence et la durée des interactions avec les adolescents,

plus importantes dans les lieux d’hébergement. En effet, construire un lien affectif de

qualité avec les adolescents prend du temps et nécessite de nombreuses interactions

(Moore, Moretti, & Holland, 1997), si possible sur des sujets variés. Étant davantage en

mesure de construire des liens de ce type, les éducateurs d’hébergement s’engageraient

davantage affectivement. Corollairement, le désengagement affectif, quelles qu’en soient

les raisons personnelles ou organisationnelles, paraît générer moins de dissonance pour

les professionnels qui ont moins d’interactions avec les adolescents qu’ils accompagnent.

58 La troisième hypothèse de recherche se trouve également étayée par les résultats

obtenus : l’amour compassionnel est associé à une plus grande auto-motivation

professionnelle. De plus, quel que soit le niveau d’amour compassionnel des

professionnels, l’établissement de relations affectives de qualité avec les adolescents est

prédictif de leur auto-motivation professionnelle. L’aspect relationnel et affectif du

métier semble donc constituer un élément de motivation important pour les

professionnels de la PJJ, comme c’est le cas pour les autres travailleurs socio-éducatifs

(Bjerregaard, Haslam, Morton, & Ryan, 2015 ; Hussein, Stevens, & Manthorpe, 2010).

59 Enfin, les résultats obtenus à l’aide du questionnaire d’attachement méritent d’être

évoqués. En effet, différentes enquêtes montrent que les professionnels du travail socio-

éducatif se caractérisent par des expériences précoces plus douloureuses, où les carences

affectives sont plus présentes, que celles des adultes de la population générale (Guédeney,

2008). Par exemple, une enquête réalisée sur une trentaine de futurs travailleurs sociaux

anglais indique que pratiquement la moitié d’entre eux a connu la perte ou la séparation

précoce d’avec un ou deux parents (Vincent, 1996). Autre exemple, comparativement à

des étudiants en arts, les étudiants en psychologie qui se destinent à un métier où il s’agit

d’aider autrui, rapportent une expérience infantile où les parents se sont montrés moins

soutenants affectivement (DiCaccavo, 2002). L’implication dans le travail socio-éducatif

en général et l’engagement affectif avec les usagers en particulier pourraient donc

procéder d’un mécanisme de caregiving compulsif, dont la finalité n’est pas tant le soutien

altruiste d’autrui que la réparation de soi-même. Il ne s’agirait alors plus totalement

d’amour compassionnel. Toutefois, les résultats obtenus ici n’indiquent aucune

corrélation significative entre l’amour compassionnel des professionnels et les mesures

d’insécurité affective (anxiété et évitement). L’engagement affectif ne semble donc pas

tellement relever de ce que Bowlby a nommé le soutien compulsif. Ce point est important,

dans la mesure où le soutien compulsif pourrait faire courir aux professionnels un double

risque. Le premier risque serait de ne pas prêter suffisamment attention à la manière

dont les adolescents accueillent et éventuellement déclinent le soutien. C’est pourquoi la

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proposition de définition de la relation éducative ci-dessus tient compte de cet aspect-là.

Le second risque pourrait se caractériser par une forme de possessivité, les professionnels

ayant du mal à accepter que certains de leurs collègues tissent également un lien affectif

avec les adolescents. Concevoir l’engagement affectif à partir du concept d’amour

compassionnel aide à écarter ce double risque.

Conclusion et limites

60 Il n’est pas inutile de rappeler les différentes responsabilités relatives à l’engagement

affectif des professionnels. Tout d’abord, la responsabilité individuelle des professionnels

paraît évidente, puisque ce sont bien leurs comportements qui permettent aux

adolescents de percevoir leur engagement affectif : partage de temps, intérêt et écoute,

manifestation du plaisir pris dans l’accompagnement ou dévoilement de soi (Matthews &

Hubbard, 2007 ; Ross et al., 2008), par exemple au travers du partage de son vécu et de ses

émotions personnels et professionnels, partage qui peut être interprété comme une

forme de don témoignant de l’implication personnelle et affective (Fustier, 2005 ; Le

Scelleur & Garneau, 2016). Les professionnels peuvent également cultiver leur propre

engagement affectif en accomplissant un travail sur eux-mêmes, sur leur disponibilité,

leur ouverture. Surtout, ces résultats indiquent le rôle du contexte organisationnel sur

l’engagement affectif des professionnels. Par exemple, le manque d’effectif, le turnover

des personnels ou la courte durée des prises en charges limitent l’engagement affectif et

les relations sécurisantes entre éducateurs et adolescents. De même, la qualité du soutien

reçu au travail par les éducateurs, la reconnaissance ou plus simplement la charge de

travail sont susceptibles d’influencer le lien entre les éducateurs et les adolescents. Enfin,

la culture professionnelle, qui s’exprime en particulier à travers la norme de distance ou

la valorisation de l’autorité et du contrôle, risque de placer les professionnels engagés

affectivement en situation de dissonance émotionnelle. Cette dissonance peut, à son tour,

favoriser l’épuisement professionnel ou, pour s’en protéger, inciter à un certain

désengagement affectif qui, comme permettent de le croire les résultats évoqués en

introduction, a des conséquences négatives sur la prise en charge des adolescents

judiciarisés en raison des comportements délinquants qu’ils ont commis.

61 Différentes limites à cette recherche méritent finalement d’être évoquées. Tout d’abord,

aussi bien l’engagement affectif des professionnels que la qualité de la relation affective

éducateur-adolescent ont été évalués par les professionnels. Il se pourrait que réside là un

biais, lié à l’usage de mesures à source unique, dans la mesure où les professionnels les

plus engagés affectivement pourraient aussi avoir tendance à surestimer la qualité de la

relation avec les adolescents. Toutefois, d’autres travaux mobilisant la même échelle

d’amour compassionnel avec des enseignants montrent que l’importance du lien avec la

qualité de la relation enseignant-élève ne diminue pas lorsque ce sont les élèves qui

évaluent la qualité de la relation affective (Virat, Trouillet, & Favre, 2014).

62 Ensuite, la méthode de sélection des participants pourrait avoir introduit un biais,

puisque seuls des professionnels volontaires ont répondu aux sollicitations reçues via un

courriel institutionnel qui leur proposait de participer à une enquête sur « les émotions

des éducateurs ». Les individus les moins disposés à évoquer leurs propres émotions, ceux

qui récusent l’engagement personnel et affectif dans le travail éducatif ou encore ceux

dont le niveau de motivation est le plus bas se trouvent peut-être sous représentés dans

l’échantillon, parce qu’ils n’auraient pas souhaité participer à l’enquête. Toutefois, des

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résultats obtenus par ailleurs avec un échantillon captif d’éducateurs stagiaires de la

Protection judiciaire de la jeunesse donnent des scores d’amour compassionnel tout-à-fait

comparables à ceux obtenus ici (résultats non publiés). De plus, si l’on voit comment ce

possible biais d’échantillonnage pourrait influencer les statistiques univariées, il est plus

difficile de faire des hypothèses sur les altérations qu’il pourrait provoquer sur les liens

entre variables.

63 Par ailleurs, cette recherche interroge des professionnels qui exercent dans des

structures de divers types. Or il est possible d’émettre l’hypothèse que l’engagement

affectif des éducateurs n’influence pas autant la relation affective avec les adolescents

dans tous les contextes interactionnels (milieu ouvert, hébergement…). De même, cette

recherche inclut quelques professionnels éducatifs qui ne sont pas éducateurs de statut,

mais leur nombre insuffisant ne permet pas de réaliser une véritable comparaison. Une

question reste en suspens : l’engagement affectif est-il aussi influent selon le statut ou la

fonction du professionnel ?

64 Enfin, les résultats obtenus sur le soutien social en provenance du supérieur conservent

un certain flou, dans la mesure où il n’est pas possible de savoir à quel supérieur les

professionnels pensent lorsqu’ils répondent au questionnaire. S’agit-il du Responsable

d’unité éducative ? S’agit-il du Directeur de service ? Des travaux qualitatifs pourraient

compléter avantageusement les résultats sur ce point.

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NOTES

1. « L’action de la direction de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sera recentrée sur les

mineurs délinquants ».

Décisions du conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008, p. 2. Consulté à

l’adresse : http://www.sup-equip.org/actualite/actu/medad-2008/rgpp_11-06-2008/

rgpp-11-06-2008_decisions-cmpp.pdf

Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...

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Page 29: Amour, relation éducative et délinquance. L’amour

2. L’auteur tient à remercier l’administration centrale de la Protection judiciaire de la jeunesse et

en particulier Luc-Henry Choquet, responsable du pôle recherche, pour avoir rendue possible

l’enquête présentée ici.

RÉSUMÉS

Les effets positifs de l’alliance entre les éducateurs et les adolescents qu’ils accompagnent, en

particulier en contexte judiciaire, commencent à être documentés. Cette alliance, qui repose

notamment sur la création d’un lien affectif, est déterminée par différents facteurs, liés aux

individus ou à l’environnement au sein duquel ils interagissent. Cette étude s’intéresse au rôle de

l’engagement affectif des professionnels sur l’établissement de relations affectives avec les

adolescents et au rôle du soutien social, perçu au travail par les professionnels, sur leur

engagement affectif. Elle s’intéresse également à la motivation professionnelle. Le concept

mobilisé ici de manière novatrice est celui d’amour compassionnel conçu, dans la perspective de

la théorie de l’attachement, comme une manifestation du système de caregiving (ou d’attention et

de soin) des professionnels.

Après avoir été contactés par courriel, 107 professionnels de la Protection judiciaire de la

jeunesse ont répondu à un questionnaire utilisant différents outils psychométriques.

Les résultats indiquent que l’amour compassionnel des professionnels est associé à des relations

avec les adolescents où la proximité affective est plus grande. De plus, le soutien reçu de la part

des collègues est lié à l’amour compassionnel. Enfin, l’engagement affectif et les relations

affectives sont associés à une plus grande motivation professionnelle. Ces résultats suggèrent

donc que les éducateurs mais également les équipes et les institutions partagent la responsabilité

de l’alliance créée avec les adolescents.

The positive effects of the alliance between youth workers and the adolescents they accompany,

particularly in the judicial context, are beginning to be documented. This alliance which is

especially based on the creation of an emotional bond is influenced by various factors related to

the individuals or the environment in which they interact. This study examines the role of

juvenile justice youth workers’ affective engagement in creating emotional relationships with

adolescents and the role of perceived social support at work on affective engagement. It also

focuses on motivation at work. We mobilize here the concept of compassionate love which is

conceived as a manifestation of the caregiving system in an attachment perspective.

Contacted by email, 107 juvenile justice youth workers responded to a questionnaire using

different psychometric tools.

The results indicate that workers’ compassionate love is associated with greater affective

closeness in relationships with adolescents. In addition, the support received from coworkers is

related to compassionate love. Finally, affective engagement and affective bonds are associated

with greater motivation at work. These results suggest that social workers and also work teams

and organizations share the responsibility for the alliance created with adolescents.

Los efectos positivos de la alianza entre los educadores y los adolescentes a los que asisten, en

particular en el contexto judicial, se están comenzando a documentar. Esta alianza, que se basa

fundamentalmente en la creación de un vínculo afectivo, se ve influenciada por diferentes

factores relacionados con las personas o con el entorno en el que interactúan. Este estudio

Amour, relation éducative et délinquance. L’amour compassionnel des éducateur...

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Page 30: Amour, relation éducative et délinquance. L’amour

examina el papel del compromiso afectivo de los profesionales en la creación de relaciones

afectivas con los adolescentes y el papel del apoyo social que perciben los profesionales en el

trabajo en relación con su compromiso afectivo. Asimismo, también aborda la motivación

profesional. El concepto que se aplica aquí de manera innovadora es el del amor compasivo

concebido, desde la perspectiva de la teoría del apego, como una manifestación del sistema de la

asistencia que proporcionan los profesionales.

Tras haber sido contactados por correo electrónico, 107 profesionales de la Protección Judicial de

la Juventud respondieron a un cuestionario utilizando diferentes herramientas psicométricas.

Los resultados indican que el amor compasivo de los profesionales se asocia con relaciones con

los adolescentes en las que la cercanía afectiva es mayor. Además, el apoyo recibido por parte de

los compañeros de trabajo está relacionado con el amor compasivo. Finalmente, el compromiso

afectivo y las relaciones afectivas se asocian con una mayor motivación profesional. Estos

resultados sugieren, por tanto, que los educadores, y también los equipos y las instituciones,

comparten la responsabilidad de la alianza que se crea con los adolescentes.

INDEX

Mots-clés : adolescence, alliance, amour compassionnel, attachement, délinquance, justice des

mineurs, motivation, soutien social au travail

Keywords : adolescence, attachment, compassionate love, delinquency, juvenile justice,

motivation, social support at work, working alliance

Palabras claves : adolescencia, alianza, amor compasivo, apego, delincuencia, justicia de

menores, motivación, apoyo social al trabajo

AUTEUR

MAEL VIRAT

Mael Virat est chercheur en psychologie à l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse

(ENPJJ) et associé au laboratoire Psitec, EA 4072, Université de Lille et au Lirdef, EA 3749,

université de Montpellier.

Adresse électronique : [email protected]

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