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454 Le praticien en anesthésie réanimation © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés rubrique pratique Analgésie pour chirurgie de l’épaule Xavier Maschino Correspondance : Xavier Maschino, IM2S, Institut Monégasque de Médecine et Chirurgie Sportive, 11, avenue d’Ostende, MC 98000 Monaco. [email protected] epuis une dizaine d’années, de nouvelles techniques d’anes- thésie et de chirurgie se sont développées. La chirurgie du membre supérieur, et en particulier de l’épaule, est très dou- loureuse pendant les 48-72 premières heures postopératoires. Cette douleur, en plus de l’inconfort ressenti par le patient, peut compromettre la rééducation postopératoire, primordiale pour toute chirurgie articulaire. Anatomie de l’épaule L’épaule relie le membre supérieur au tronc. Elle comporte plu- sieurs articulations qui concourent à en faire l’articulation la plus mobile du corps humain. Son rôle est d’orienter le membre supérieur dans l’espace. Le complexe articulaire de l’épaule met en relation 4 os et 12 muscles principaux. L’innervation du membre supérieur est complexe et il est important de distinguer l’innervation cuta- née, musculaire et osseuse. La région cutanée surplombant l’épaule est principalement innervée par le plexus cervical superficiel. Seul le moignon et la partie supéro-externe sont innervés par le nerf axillaire issu du plexus brachial. La face antéro-médiale du bras est innervée par une branche du nerf cutané latéral de l’avant-bras, et sa face interne par le nerf cutané médial de l’avant-bras. Tous les muscles de l’épaule sont innervés par des branches col- latérales du plexus brachial, excepté le muscle trapèze, innervé par le nerf spinal. Cette notion peut être importante en pratique car on ne peut obtenir un relâchement complet de l’épaule avec simple- ment un seul bloc interscalénique. D L’articulation de l’épaule est innervée : – par le nerf axillaire qui envoie des filets à la face inférieure ; – par les nerfs subscapulaires qui donnent des rameaux à la face antérieure ; – par le nerf supra-scapulaire qui fournit des branches aux faces supérieure et postérieure. Anatomie du plexus brachial dans sa partie supra-claviculaire Le plexus brachial est composé de deux plans indépendants, des racines jusqu’à l’émergence des branches terminales. Un plan dorsal simple, constant, dont dépendent les muscles extenseurs du membre supérieur, et un plan ventral complexe, variable, destiné aux fléchis- seurs. Schématiquement, les racines s’unissent en trois troncs (supérieur, moyen, inférieur) qui émergent entre les muscles scalènes antérieur et moyen. Au niveau de la clavicule, chaque tronc se partage en deux faisceaux. Du faisceau postérieur naissent les nerfs axillaire et radial et des collatérales se rendent au cou et à la fosse axillaire. Ces collatérales innervent les muscles de l’épaule et de la partie supérieure du thorax. Parmi elles, le nerf supra-scapulaire (C5, C6) qui naît de la face supérieure du tronc supérieur quitte le plexus peu après sa naissance et chemine derrière le muscle omohyoïdien pour innerver les muscles supra- et infra-épineux. C’est au niveau du défilé costoclaviculaire que les éléments nerveux sont le plus regroupés, d’où l’intérêt des abords rétro-claviculaires pour obtenir une meilleure diffusion des anesthésiques locaux. Les abords supra-claviculaires intéressent les racines et les troncs, les abords infra-claviculaires les faisceaux, et les abords au bras (axil- laire et canal huméral) les branches terminales du plexus brachial. Les différentes interventions pratiquées sur l’épaule Position La position du patient pour la chirurgie de l’épaule est importante et différente selon la technique opératoire. Pour les arthroscopies,

Analgésie pour chirurgie de l′épaule

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Page 1: Analgésie pour chirurgie de l′épaule

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Le praticien en anesthésie réanimation© 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

rubrique pratique

Analgésie pour chirurgie de l’épaule

Xavier Maschino

Correspondance :

Xavier Maschino, IM2S, Institut Monégasque de Médecine et Chirurgie Sportive, 11, avenue d’Ostende, MC 98000 [email protected]

epuis une dizaine d’années, de nouvelles techniques d’anes-thésie et de chirurgie se sont développées. La chirurgie dumembre supérieur, et en particulier de l’épaule, est très dou-

loureuse pendant les 48-72 premières heures postopératoires.Cette douleur, en plus de l’inconfort ressenti par le patient, peutcompromettre la rééducation postopératoire, primordiale pourtoute chirurgie articulaire.

Anatomie de l’épaule

L’épaule relie le membre supérieur au tronc. Elle comporte plu-sieurs articulations qui concourent à en faire l’articulation la plusmobile du corps humain. Son rôle est d’orienter le membre supérieurdans l’espace. Le complexe articulaire de l’épaule met en relation4 os et 12 muscles principaux. L’innervation du membre supérieurest complexe et il est important de distinguer l’innervation cuta-née, musculaire et osseuse.La région cutanée surplombant l’épaule est principalement innervéepar le plexus cervical superficiel. Seul le moignon et la partiesupéro-externe sont innervés par le nerf axillaire issu du plexusbrachial. La face antéro-médiale du bras est innervée par unebranche du nerf cutané latéral de l’avant-bras, et sa face internepar le nerf cutané médial de l’avant-bras.Tous les muscles de l’épaule sont innervés par des branches col-latérales du plexus brachial, excepté le muscle trapèze, innervé par lenerf spinal. Cette notion peut être importante en pratique car onne peut obtenir un relâchement complet de l’épaule avec simple-ment un seul bloc interscalénique.

D

L’articulation de l’épaule est innervée :

– par le nerf axillaire qui envoie des filets à la face inférieure ;

– par les nerfs subscapulaires qui donnent des rameaux à la faceantérieure ;

– par le nerf supra-scapulaire qui fournit des branches aux facessupérieure et postérieure.

Anatomie du plexus brachial dans sa partie supra-claviculaire

Le plexus brachial est composé de deux plans indépendants, desracines jusqu’à l’émergence des branches terminales. Un plan dorsalsimple, constant, dont dépendent les muscles extenseurs du membresupérieur, et un plan ventral complexe, variable, destiné aux fléchis-seurs. Schématiquement, les racines s’unissent en trois troncs(supérieur, moyen, inférieur) qui émergent entre les muscles scalènesantérieur et moyen. Au niveau de la clavicule, chaque tronc separtage en deux faisceaux. Du faisceau postérieur naissent les nerfsaxillaire et radial et des collatérales se rendent au cou et à la fosseaxillaire. Ces collatérales innervent les muscles de l’épaule et de lapartie supérieure du thorax. Parmi elles, le nerf supra-scapulaire (C5,C6) qui naît de la face supérieure du tronc supérieur quitte le plexuspeu après sa naissance et chemine derrière le muscle omohyoïdienpour innerver les muscles supra- et infra-épineux. C’est au niveaudu défilé costoclaviculaire que les éléments nerveux sont le plusregroupés, d’où l’intérêt des abords rétro-claviculaires pour obtenirune meilleure diffusion des anesthésiques locaux.

Les abords supra-claviculaires intéressent les racines et les troncs,les abords infra-claviculaires les faisceaux, et les abords au bras (axil-laire et canal huméral) les branches terminales du plexus brachial.

Les différentes interventions pratiquées sur l’épaule

Position

La position du patient pour la chirurgie de l’épaule est importanteet différente selon la technique opératoire. Pour les arthroscopies,

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Xavier Maschino

on place le patient soit en décubitus latéral, le membre opéré entraction (< 4 kg), soit en position demi-assise/assise. Actuelle-ment, comme pour la chirurgie à ciel ouvert, on recommande laposition demi-assise/assise. En effet, cette position permet d’évi-ter la traction et donc les étirements du plexus ; elle permet éga-lement de convertir facilement une chirurgie arthroscopique enchirurgie « ouverte ».

Chirurgie à ciel ouvert

L’accès articulaire chirurgical est difficile en raison de l’enveloppemusculaire qui entoure l’épaule et de la présence des éléments vascu-lonerveux. Le choix de la voie d’abord doit se fonder sur un diagnosticlésionnel précis, afin de permettre une parfaite exposition des struc-tures à atteindre.

Voie delto-pectorale ou antérieure

Cette voie permet toute la chirurgie antérieure de l’épaule, enparticulier la chirurgie de l’instabilité antérieure de l’épaule,celle des fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus, la chi-rurgie prothétique et l’arthrodèse d’épaule. Le patient est ins-tallé en position demi-assise ou en décubitus dorsal. L’incisionsuit le sillon delto-pectoral, de l’apophyse coracoïde vers le pliaxillaire antérieur, en longeant le bord antérieur du muscle del-toïde.

Voie trans-deltoïdienne ou antérolatérale

Cette voie est indiquée dans la chirurgie réparatrice de la coiffedes rotateurs, la chirurgie prothétique et la chirurgie acromio-claviculaire. Le patient est installé soit en décubitus dorsal soitde préférence en position assise (

beach-chair position

), avec uneinclinaison en dehors dans le plan frontal ou légèrement versl’avant. L’incision cutanée débute à l’aplomb de l’articulationacromioclaviculaire.

Voie postérieure sous-deltoïdienne

Cette voie est principalement indiquée dans la chirurgie des insta-bilités postérieures de l’épaule et en traumatologie quand il fautaborder la glène par voie postérieure et l’arthrose d’épaule. Lepatient est installé soit en décubitus ventral, bras en abduction,soit en décubitus latéral, soit encore en position assise

(beach-chair position)

, la face postérieure de l’épaule étant dégagée. L’inci-sion (de 15 cm environ) est transversale, partant de l’épine de lascapula et longeant le bord postérieur du deltoïde.

Voie externe

Elle permet la chirurgie de la coiffe des rotateurs. L’incision partde la moitié de l’acromion en direction caudale, sur 4 à 5 cm.

Voie supérieure

De réalisation exceptionnelle, elle permet d’accéder directement àla partie externe de la fosse sus-épineuse après ostéotomie del’acromion.

Arthroscopie de l’épaule

L’arthroscopie de l’épaule s’est considérablement développée en15 ans et est devenue une technique thérapeutique et diagnostique.À l’heure actuelle, plus de 50 % des interventions de l’épaules’effectuent sous arthroscopie. Les avantages en sont bien connus :absence de cicatrice, moindres douleurs postopératoires (pas d’inci-sion des structures capsulaires et musculaires), diminution durisque septique, raccourcissement de la durée d’hospitalisation etréhabilitation optimale.

Techniques d’anesthésie/analgésie

Une anesthésie totale de l’épaule nécessite un bloc des racines deC2 jusqu’à T8.

Bloc interscalénique

C’est la technique d’anesthésie/analgésie de référence pour la chi-rurgie de l’épaule (1). Réalisé à hauteur du processus transversede C6, il permet d’atteindre les racines inférieures du plexus cervi-cal superficiel (C3, C4) ainsi que les racines supérieures du plexusbrachial (C5, C6, C7). L’absence d’extension aux racines C8 et T1est très fréquente. L’approche classique latérale, permet de locali-ser, de manière préférentielle, les troncs supérieur (C5, C6) etmoyen (C7). Le tronc inférieur (C8-T1), plus profond, est souventépargné par l’anesthésie. La diffusion fréquente de l’anesthésievers le plexus cervical, explique l’existence quasi systématiqued’un bloc du nerf phrénique et d’un bloc sensitif pouvant remonterjusqu’à C2 (région occipitale). Cette extension est d’autant plusmarquée que le plexus est abordé sur sa partie supérieure. La qua-lité de l’anesthésie est excellente au niveau de l’épaule et de lapartie supérieure du bras. À la stimulation, la réponse recherchéelors de la réalisation du bloc, peut être une contraction musculaireà distance de l’épaule. Les racines C5, C6 innervent le muscledeltoïde, ainsi que les muscles brachial et biceps brachial. Cescontractions entraînent une abduction de l’épaule (C5) et uneflexion du coude (C6) et permettent de situer le tronc supérieur.

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Analgésie pour chirurgie de l’épaule

Une réponse de type C6 est plus facilement identifiable. Uneréponse de type axillaire, radiale ou musculocutanée est un gagede réussite. Les signes précoces de succès sont l’apparition d’unbloc moteur proximal dès les premières minutes et des dysesthé-sies dans le territoire de C6, au niveau du pouce (« money sign »)(2). Les premiers signes du bloc moteur concernent l’abduction del’épaule, puis la flexion du coude, et plus tardivement l’extensiondu coude. Le bloc moteur proximal permet d’obtenir un relâche-ment peropératoire qui est une des clés de la chirurgie de l’épaule.Un volume de 20 ml d’anesthésique local suffit pour l’analgésiemais non pour l’anesthésie. Pour réaliser une intervention sousanesthésie locorégionale, il faut administrer un volume de 30 mld’anesthésique local.

Le bloc interscalénique est la technique de référence

pour l’analgésie de la chirurgie de l’épaule

La plupart des interventions de l’épaule peuvent être réaliséessous bloc interscalénique seul. Même si l’extension vers le plexuscervical est presque systématique, il est préférable d’associer unbloc du plexus cervical superficiel, compte tenu de sa simplicité.Une infiltration sur le trajet d’un trocart éventuellement introduità la face postérieure de l’épaule est souvent nécessaire car ce ter-ritoire dépend des racines T1 et T2 ainsi que des racines cervicalespostérieures. Cette infiltration est souvent faite par le chirurgien.

Un complément sur les nerfs intercostobrachial et cutané médialdu bras est souvent pratiqué après avoir vérifié l’étendue del’anesthésie.

La mise en place d’un cathéter interscalénique procure une anal-gésie de très bonne qualité durant toute la période postopératoire(48-72 heures), en particulier après réparation de la coiffe desrotateurs (3). Celui-ci est inséré de quelques centimètres seule-ment afin d’éviter une diffusion inadéquate de la solution d’anes-thésique local. La radiographie de contrôle, non systématique,peut être utile pour rechercher un trajet aberrant du cathéter avantl’injection de la solution anesthésique. La voie d’abord latéralemodifiée par Borgeat (4) et la voie postérieure (5) sont des alter-natives à la voie classique décrite ci-dessus. On peut administrerles anesthésiques locaux de différentes manières. Actuellement, ilest préférable d’utiliser le mode PCNA (Patient Controlled periNeu-ral Analgesia) avec un débit continu de 5 ml/h d’anesthésiquelocal d’action courte, additionnée de bolus de 4 ml, avec unepériode réfractaire de 20 minutes. L’injection des bolus permetd’anticiper la douleur induite par les séances de réeducation.

Bloc supraclaviculaire

Au niveau rétroclaviculaire, le plexus brachial est dans sa portionla plus étroite (forme de diabolo). L’injection de l’anesthésiquelocal intéresse les trois troncs, de façon variable selon la voied’abord choisie. Le bloc du tronc moyen est celui qui sembles’accompagner le plus souvent d’une anesthésie des trois troncs.L’injection de la solution anesthésique, après repérage du troncsupérieur, s’accompagne d’une anesthésie inconstante du troncinférieur correspondant aux territoires C8-T1 (territoires ulnaireet cutané médial de l’avant-bras). Plusieurs études ont montrél’intérêt du bloc du nerf suprascapulaire pour l’analgésie de l’épaule(6) mais il est, le plus souvent, insuffisant pour permettre uneintervention chirurgicale. En effet, l’anesthésique local ne diffusequ’à la partie basse du triangle interscalénique. Syngelin et coll.ont montré la supériorité de l’analgésie obtenue avec un blocinterscalénique par rapport au bloc suprascapulaire (7).

Avec l’abord supraclaviculaire décrit par Winnie, les territoiresconcernés par l’anesthésie correspondent aux nerfs axillaire, mus-culocutané, médian, radial et ulnaire. La voie de Dupré, surtoututilisée dans la prise en charge de la douleur chronique de l’épauleet en cas de contre-indication du BIS, est indiquée pour l’anesthé-sie et l’analgésie dans la chirurgie antérieure de l’épaule. Lescomplications à type de paralysies phréniques sont plus rares avecles blocs supraclaviculaires qu’avec les blocs interscaléniques,mais les pneumothorax sont en revanche plus fréquents. C’estpourquoi les blocs supraclaviculaires sont déconseillés en ambula-toire en raison du risque retardé de pneumothorax.

Le plexus cervical superficiel doit être bloqué par une injectionsous-cutanée en arrière du SCM de 6 ml de lidocaïne à 1 %, dèslors que l’incision se retrouve en dedans du sillon deltopectoral.

Lors des arthroscopies de l’épaule, et plus rarement pour des inter-ventions à ciel ouvert, un défaut d’anesthésie est possible dans larégion postérieure de l’épaule. Cette zone dépend à la fois desnerfs intercostal, intercostobrachial et du rameau cutané du nerfaxillaire. Une infiltration d’anesthésique local au site d’introductiondu trocart est parfois nécessaire. Au niveau de la partie postérieure del’épaule, le nerf axillaire peut être stimulé à 4 cm en dessousdu bord externe de l’acromion, et 5 ml d’anesthésique local peu-vent être injectés.

L’infiltration intra-articulaire d’anesthésique local de longue duréed’action permet, en dehors de toute autre technique d’analgésielocorégionale, d’améliorer l’analgésie postopératoire. Cependantune étude comparant l’analgésie postopératoire après acromio-plastie sous arthroscopie n’a pas retrouvé de différence significa-tive dans le groupe infiltration d’anesthésique local par rapport augroupe placebo (7).

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Bloc parascalénique

Le point de ponction se situe à 3 cm au-dessus de la claviculeet 0,5 à 1 cm en dehors du muscle sternocléidomastoïdien. Lestroncs nerveux se situent en moyenne à une profondeur de 1,5 à2 cm (8). Les complications de cette voie d’abord sont les mêmesque celles des autres blocs supraclaviculaires, mais le risque depneumothorax est moindre, du fait de la direction perpendiculairede l’aiguille par rapport au plan cutané (9). Il est difficile d’insérerdes cathéters par cette voie, vu l’abord perpendiculaire au plexus.

Indications

Du type de pathologie de l’épaule va dépendre le choix de la techni-que chirurgicale et de la prise en charge anesthésique

(tableau 1)

.Pour pouvoir choisir, il faut bien connaître l’innervation des territoi-res superficiels et profonds et les pratiques chirurgicales locales.Cependant, quelle que soit la technique opératoire, la réalisation d’unbloc interscalénique en « single shot » avec ou sans cathéter doit êtrerecommandée en l’absence de contre-indication. Souvent une anes-thésie générale est associée soit à la demande du patient, soit pourson confort (position inconfortable « beach chair », sensation defroid due au lavage articulaire, intervention longue). En plus des con-tre-indications habituelles, communes à tous les blocs périphériques,les blocs supra claviculaire et interscalénique sont contre-indiquésdans l’insuffisance respiratoire sévère du fait de la paralysie phréni-que qu’ils provoquent. L’atteinte du nerf récurrent, fréquente aprèsun bloc interscalénique voire après un bloc supraclaviculaire, doitinciter à bien évaluer l’indication de cette technique chez un patientà l’estomac plein qui ne peut recevoir de sédation sans protection deses voies aériennes. Au décours des blocs interscalénique et supracla-viculaire, un syndrome de Claude Bernard-Horner est possible.

Chirurgie ambulatoire

La chirurgie arthroscopique de l’épaule est possible en ambula-toire, à condition de mettre en place une analgésie postopératoireefficace, de bien informer le patient et d’assurer un suivi adapté.En effet, deux études ont rapporté des douleurs sévères à J1 d’unechirurgie arthroscopique de l’épaule réalisée sous anesthésiegénérale et bloc interscalénique

single shot

chez 20 % des patients(10). Une mauvaise observance du traitement prescrit à la levée dubloc explique ce résultat. L’utilisation d’un cathéter (11) équipéd’une pompe élastomérique (débit continu entre 8 et 4 ml/h avecdes bolus entre 2 et 6 ml/h) pourrait représenter la meilleuretechnique analgésique (12).

Le risque de pneumothorax retardé chez un patient ayant bénéficiéd’une chirurgie de l’épaule sous bloc supraclaviculaire ou inter-scalénique doit être clairement expliqué au patient si celui-ci a étéopéré en ambulatoire.

Réhabilitation

Une prise en charge globale et multimodale des différentescomposantes physiopathologiques périopératoires permet d’amé-liorer et d’accélérer la récupération fonctionnelle (13). En effet, laréduction de l’intensité de la douleur à la mobilisation précoced’une articulation opérée sous couvert d’une analgésie locorégionalecontinue accélère la restauration de la fonction articulaire (mobi-lisation passive sur arthromoteur, kinésithérapie, déambulation).Une telle prise en charge permet aussi de diminuer la durée d’hos-pitalisation.

Conclusion

Nous avons à disposition différents moyens de prendre en charge ladouleur postopératoire dans la chirurgie de l’épaule mais, quels quesoient la pathologie et le type de chirurgie, le bloc interscaléniquedoit systématiquement faire partie de cette prise en charge. La miseen place d’un cathéter est possible en ambulatoire et doit être réser-vée à la chirurgie délabrante de l’épaule. Le bloc interscaléniquepour la chirurgie de l’épaule, outre son action sur la douleur post-opératoire, peut agir sur différents aspects de la physiopathologiepostopératoire. Pour toutes ces raisons, il constitue le pivot d’uneprise en charge postopératoire multimodale permettant de restaurerrapidement les capacités du patient et d’augmenter la probabilitéd’une réussite fonctionnelle de l’intervention.

Tableau 1Techniques d’anesthésie/analgésie en fonction du type de chirurgie.Intervention Blocs CathéterProthèse d’épaule BIS + AG Indispensable

Arthrolyse d’épaule BIS + AG Indispensable

Butée d’épaule BIS Indispensable

Luxation d’épaule BIS Inutile

Luxation acromioclaviculaire BIS Inutile

Réparation de la coiffe BIS Indispensable

Acromioplastie BIS Utile

Arthroplastie d’épaule BIS + AG Utile

Bankart BIS Inutile

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Analgésie pour chirurgie de l’épaule

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