18
ANALYSE DE LA CRÉATIVITÉ ENTREPRENEURIALE ET DE L'ÉLABORATION DE NOUVEAUX BUSINESS MODELSDANS LES PAYS DU SUD Régis Larue de Tournemine et al. De Boeck Supérieur | Mondes en développement 2009/3 - n° 147 pages 59 à 75 ISSN 0302-3052 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2009-3-page-59.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Larue de Tournemine Régis et al., « Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud », Mondes en développement, 2009/3 n° 147, p. 59-75. DOI : 10.3917/med.147.0059 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © De Boeck Supérieur

Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

  • Upload
    gabriel

  • View
    215

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

ANALYSE DE LA CRÉATIVITÉ ENTREPRENEURIALE ET DEL'ÉLABORATION DE NOUVEAUX BUSINESS MODELSDANS LESPAYS DU SUD Régis Larue de Tournemine et al. De Boeck Supérieur | Mondes en développement 2009/3 - n° 147pages 59 à 75

ISSN 0302-3052

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2009-3-page-59.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Larue de Tournemine Régis et al., « Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business

modelsdans les pays du Sud »,

Mondes en développement, 2009/3 n° 147, p. 59-75. DOI : 10.3917/med.147.0059

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.

© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

1 / 1

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 2: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147 59

DOI : 10.3917/med.147.0059

Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l’élaboration de nouveaux business models

dans les pays du Sud

Régis LARUE DE TOURNEMINE, Francis KERN1 et Gabriel BISSIRIOU2

’établissement de liens durables entre les firmes multinationales (FMN) et les petites et moyennes entreprises (PME) africaines constitue une des

voies prometteuses d’intégration progressive des entreprises locales dans les chaînes actuelles de valeur mondiales. Si cette intégration progressive s’observe diversement dans les partenariats FMN-PME occidentaux, asiatiques ou africains (OECD, 2007), elle permet de cerner les voies par lesquelles ces PME locales peuvent en bénéficier. La diversité des méthodes d’approche selon les secteurs et les expériences plus ou moins réussies soulignent l’acuité des problèmes et l’intérêt du sujet. L’approche émergente du "business model" centrée sur l’entrepreneur créateur de valeur dans ses relations avec ses différentes parties prenantes se révèle féconde. Bien que la position de Milton Friedman (1970, 126) qui se résumait, "The social responsibility of business is to increase its profits", soit communément acceptée dans le monde des affaires, une littérature émergente s’intéresse à une vision alternative des affaires adoptée par certaines entreprises dans le contexte du développement durable, celle de la réalisation simultanée des trois résultats suivants : efficacité économique, préservation de l’environnement et équité sociale (Elkington, 1994 ; Carroll, 1999 ; Hart, 2005). L’exploration du modèle de "social business" initié et développé par le partenariat Groupe Danone-Grameen Bank est illustrative de ce type de "business model" (BM). La première partie, centrée sur l’interaction entre l’entrepreneur créateur de valeur et les parties prenantes ("stakeholders") détentrices de ressources diverses, cerne les aspects théoriques. La deuxième présente le projet Shokti Doi qui mobilise les énergies entrepreneuriales créatrices de valeur autour du concept de "social business", susceptible de donner lieu à l’éclosion et au développement de diverses formes de "business models" créateurs de valeur. La troisième partie aborde ces nouvelles formes de relations partenariales entre organismes de

1 BETA, Université de Strasbourg. [email protected] ; [email protected] 2 OPEE, PEGE, Strasbourg. [email protected]

L

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 3: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

60 Régis LARUE DE TOURNEMINE, Francis KERN et Gabriel BISSIRIOU

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

financement et très petite entreprise (TPE) dans les pays africains et en premier lieu au Cameroun.

1. L’INTERACTION ENTRE L’ENTREPRENEUR ET LES PARTIES PRENANTES (STAKEHOLDERS) : REPÈRES THÉORIQUES

Sur le plan théorique, certains auteurs (Shafer et al., 2005) identifient et classifient les composantes des BM en quatre catégories : les choix stratégiques, le réseau de valeur, la création de valeur et la captation de valeur. Ils identifient ainsi les quatre problèmes liés à l’inadéquation de leur mauvaise formulation. D’autres (Lehman et Moingeon, 2005 ; Warnier et al., 2006) considèrent que le BM permet de répondre aux questions suivantes : comment l’entreprise gagne-t-elle de l’argent ? Quels sont les mécanismes créateurs de valeur dans l’entreprise ? Comment rendre la réflexion stratégique plus créative ? La réponse opérationnelle à ces questions que font ces derniers auteurs permet de définir le BM de la firme à partir de l’interaction entre ses trois composantes : la proposition de valeur faite à ses clients ; l’architecture de valeur qui comprend sa chaîne de valeur interne (internalisation) et externe (externalisation) et son portefeuille de ressources ; l’équation de profit, résultant des deux composantes précédentes et retraçant la manière dont la firme capte cette valeur pour la transformer en profit (coûts-bénéfices). Le BM est donc un outil d’analyse qui permet d’inspirer ou de rendre compte, en termes dynamique et intégré, de la stratégie d’innovation de l’entreprise. La cohérence et la pertinence du BM dépendront du système d’interactions entre l’offre de valeur spécifique de la firme et l’architecture de valeur qu’elle met en œuvre. L’offre de valeur de la firme correspondrait à la création de l’innovation technologique (Recherche-Développement [R&D] pouvant déboucher sur une invention brevetable ou non), l’architecture de valeur à la diffusion réussie de cette innovation technologique (lancement industriel et commercial du produit ou du procédé nouveau). Le succès du BM dépendra de l’adéquation du couple produit/marché. L’objectif de cet article est d’abord de cerner les contours du "business model" par une analyse théorique centrée sur l’interaction entre l’entrepreneur créateur de valeur et les parties prenantes ("stakeholders") détentrices de ressources diverses dont il a besoin (notamment techniques et financières), et par l’étude du cas du projet Shokti Doi, qui tente de mobiliser les énergies entrepreneuriales créatrices de valeur autour du concept de "social business", avant d’esquisser les conditions d’un environnement national et international favorable à l’éclosion et au développement de nouvelles formes de "business models" créateurs de valeurs en particulier en direction des TPE. Sur le plan empirique, l’expérimentation du modèle de social business initié par le groupe Danone et la Grameen Bank servira d’illustration des éléments théoriques précédemment exposés.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 4: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

Créativité entrepreneuriale et nouveaux business models dans les pays du Sud 61

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

idée

opportunité

BM

Parties prenantes

Détenteurs de ressources

convention valeur

1.1 Analyse théorique du business model ou modèle d’affaires

Selon Verstraete et Fayolle (2005, 45) l’entrepreneuriat est une "initiative portée par un individu (ou plusieurs individus s’associant pour l’occasion) construisant ou saisissant une opportunité d’affaires (du moins ce qui est considéré comme tel), dont le profit n’est pas forcément d’ordre pécuniaire, par l’impulsion d’une organisation pouvant faire naître une ou plusieurs entités, et créant de la valeur nouvelle (plus forte dans le cas d’une innovation) pour les parties prenantes auxquelles le projet s’adresse." Cette définition fait ressortir les paradigmes dominants de la recherche en entrepreneuriat : l’opportunité d’affaires, la création d’une organisation et de valeur pour les parties prenantes au projet. Notre lecture entrepreneuriale du BM s’inscrit dans cette perspective. Si l’on considère le BM comme un objet construit (Chersbrough, 2003) par un entrepreneur situé au cœur de l’exercice de conviction que ce dernier développe auprès de chacune des parties prenantes détentrices de ressources dont il a besoin, il convient de noter l’aspect multidimensionnel de son positionnement. La pertinence et la cohérence des relations développées avec chacune des parties prenantes dépendront de l’élaboration de politiques adaptées à chaque cas pour optimiser la valeur de l’échange (Verstraete, 2002). Les politiques fonctionnelles de l’entreprise (satisfaire ses clients, choisir ses fournisseurs, mobiliser ses ressources techniques, humaines et financières) devraient répondre à cette optimisation de l’échange de valeur avec chacune des parties prenantes pour assurer sa pérennité.

Graphique 1 : Les deux lectures convergentes du business model Inexistence, aujourd’hui, d’un marché pour cette idée Repérage, aujourd’hui, d’un marché pour cette idée pas de compétences suffisantes

compétences mobilisables

accord sur le mode de rémunération désaccord sur le mode de rémunération perception de la valeur du BM Valeur du BM non perçue

Source : Verstraete et Saporta (2006, 376).

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 5: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

62 Régis LARUE DE TOURNEMINE, Francis KERN et Gabriel BISSIRIOU

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

Compte tenu du caractère multidimensionnel des liens entre l’entrepreneur et ses parties prenantes, nous avons choisi de nous limiter à la relation développée par l’entreprise et ses financements externes. Le BM étudié à cet effet utilise trois corpus théoriques : la théorie des conventions, celle des stakeholders, l’approche par la valeur. Pour mieux cerner la logique sous-jacente, nous utiliserons le schéma de Verstraete et Saporta (2006) (Graphique 1). Les auteurs expliquent le schéma du BM par une double lecture : la première lecture consiste à expliquer comment une idée doit devenir une opportunité par la délimitation d’un marché, comment des ressources doivent être déjà mobilisées pour parvenir au BM ; cette lecture descendante reste incomplète sans y associer une autre ascendante dans laquelle des possesseurs de ressources (actionnaires, capital-risqueurs, banquiers, salariés, clients, fournisseurs…) doivent percevoir la valeur de ce qui leur est proposé par l’entrepreneur et ensuite être d’accord sur le mode de rémunération de cette valeur. Le BM n’aura de prise que si ces deux lectures convergent. Cette double lecture du BM de l’entrepreneur se fera dans une perspective à la fois organisationnelle et financière.

1.2 La lecture descendante : de l’idée à la saisie d’une opportunité créatrice de valeur

Cette lecture descendante du BM consiste à identifier la proposition de valeur faite par l’entrepreneur à ses clients (couple produit/marché), l’architecture de valeur identifiant les compétences mobilisables (mobilisation interne et externe à la firme) et l’équation de profit relatant la façon dont la firme capte cette valeur pour la transformer en profit (coûts-bénéfices).

1.2.1 La proposition de valeur faite par l’entrepreneur à ses clients potentiels

Cette proposition de valeur de l’entrepreneur à sa clientèle cible relève de la définition de l’innovation technologique. Celle-ci peut être définie d’abord comme un processus (la transformation de l’idée en une opportunité d’affaire). Selon l’OCDE (1982), le processus d’innovation part de la formulation d’une idée, se poursuit par une recherche technique, puis par le développement expérimental, l’industrialisation, et se termine par la commercialisation. En plaçant ainsi à la suite les uns des autres les différents stades de l’innovation, il est plus facile de distinguer la phase amont (phase technique) qui inclut la recherche (invention) et le développement (prototype et présérie expérimentale) de la phase aval (phase marché), à savoir le lancement industriel et commercial (LIC) de l’invention. Cette distinction entre la phase R&D (technique) et la phase LIC (marché) permet de présenter l’opposition entre deux modèles fondamentaux du développement de l’innovation. Le premier, (technique) fondé sur le caractère exogène de l’invention, tend à accréditer une conception du progrès technique comme fruit d’un système institutionnel organisé et rationalisé, capable de prévoir et de planifier le changement (Caron, 1985). Ce modèle privilégie un système de causalité descendant de l’idée à l’opportunité

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 6: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

Créativité entrepreneuriale et nouveaux business models dans les pays du Sud 63

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

d’affaire et matérialisé par la satisfaction d’un besoin d’un marché cible. Le second modèle, fondé sur le caractère endogène de l’innovation, insiste sur l’élaboration par l’entrepreneur de produits et de procédés nouveaux en réponse aux besoins d’un marché cible (cas du yaourt enrichi pour les enfants du Bengladesh créé par le partenariat Grameen-Danone pour enrayer, à terme, la malnutrition). Le succès de l’innovation dépendra de la bonne interaction entre la technique et le marché. L’innovation peut être définie ensuite comme le résultat du processus, c’est-à-dire un produit ou un procédé, brevetable ou non, et commercialisable sur le marché cible (innovations mineures et majeures). S’agissant d’un processus orienté vers le marché, l’innovation reste avant tout l’affaire de l’entrepreneur et des parties prenantes. Le succès de l’innovation dépendra de la capacité de l’entrepreneur à mobiliser les parties prenantes. Cette capacité prend des significations différentes selon que l’entrepreneur est indépendant (PME) ou dirigeant d’une FMN (Danone). La chaîne d’adhésion des parties prenantes au BM dépendra de la capacité de l’entrepreneur à les convaincre sur la création de valeur de leur participation.

1.2.2 L’architecture de valeur identifiant les compétences mobilisables

Celle-ci comprend la chaîne de valeur interne et externe de l’entrepreneur, ainsi que son portefeuille de ressources. La chaîne de valeur interne (mobilisation des compétences des employés pour une production adaptée) et externe (entretien des relations clients-fournisseurs) répondent à une recherche d’optimisation de l’échange de valeur avec les parties prenantes. L’entrepreneur doit être sensibilisé à cet aspect essentiel pour la pérennité de la firme créée, car cette optimisation nécessite une structuration de l’entreprise selon les expertises réclamées par les parties prenantes. L’entrepreneur aura à faire face en permanence au dilemme entre ses propres attentes et celles des différentes parties prenantes (en interne, les employés et les actionnaires ; en externe, les clients, les fournisseurs, les financiers, la société). L’équation de profit, liée aux décisions prises par l’entrepreneur lors des deux composantes précédentes (proposition et architecture de valeur), reste la résultante de la cohérence, ou non, des actions engagées (l’augmentation du chiffre d’affaires, la structure des coûts et la rentabilité des capitaux engagés). La prise en compte des attentes des différentes parties prenantes passe, selon Verstraete et Saporta (2006), par un schéma où le BM n’existe que si les détenteurs de ressources sont transformés en stakeholders. Il s’agirait d’un processus de socialisation du BM.

1.3 La lecture ascendante de la chaîne d’adhésion des détenteurs de ressources au BM : perspective financière

En permanence, l’entrepreneur doit avoir à l’esprit deux dimensions : il a besoin de l’adhésion de ses parties prenantes (dont il doit connaître les attentes) et

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 7: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

64 Régis LARUE DE TOURNEMINE, Francis KERN et Gabriel BISSIRIOU

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

celle-ci ne peut s’opérer qu’à travers leur perception des modes de rémunération afférents. De ce fait, l’argumentaire, ou l’exercice de la conviction déployée par l’entrepreneur, vise à montrer que l’activité sera génératrice de valeur. À ce titre, le glissement actuel de la notion de valeur en finance (gouvernance actionnariale/partenariale) et en organisation (social business) a un impact sur le comportement entrepreneurial. Les trois corpus théoriques mobilisés dans le domaine de l’entrepreneuriat confortent la nécessité d’une lecture ascendante du schéma de BM de Verstraete et Saporta (2006) et de son interaction avec sa lecture descendante. Il s’agit, successivement, de la théorie des conventions, de la théorie des stakeholders et de celle de la valeur. Compte tenu de la diversité des détenteurs de ressources, nous nous limiterons à l’étude de ces trois corpus théoriques dans la perspective financière du BM.

1.3.1 La théorie des conventions

Parmi les multiples définitions, celle de Lavigne (2002), qui considère que l’objet fondamental de la convention est de fournir un cadre commun d’interprétation pour lever l’incertitude, permettre l’action individuelle et autoriser in fine la coordination des décisions individuelles sur le marché, nous semble la plus pertinente. Dans la perspective financière retenue ici, la convention n’existe que pour autoriser l’action et permettre la coordination des décisions d’investissement et de financement. Selon Lavigne (2002), la convention n’est valable que pour une population donnée. Il peut, en effet, exister une autre convention pour une autre population, ce qui pose la question du passage d’une convention à une autre, autrement dit la question de la dynamique ou de l’histoire des conventions. Pour rendre compte de la dynamique des conventions, Boyer et Orléan (1994) proposent de distinguer quatre types de passage d’une convention à l’autre : l’effondrement général des conventions existantes, l’invasion de la convention existante par la nouvelle, la traduction de la nouvelle convention dans les termes de l’ancienne, enfin, l’accord sur les procédures de coordination socialement construites. Sans pour autant prétendre à l’effondrement général des conventions existantes, nous considérons, comme Yunus (2008), qu’il peut exister plusieurs formes de conventions sur le marché s’adressant à différentes populations. Le cas du social business de Grameen Danone en est l’illustration. Le BM est la première composante du registre conventionnel d’affaires que l’entrepreneur va élaborer et partager avec les stakeholders. Verstraete (2002) montre que toute organisation naissante développe progressivement un registre conventionnel qu’elle va partager avec l’ensemble de ses parties prenantes, la convention "fondatrice" de ce registre étant le BM. Le registre conventionnel proposé est appelé à évoluer, ce qui permet d’assimiler le BM à une convention évolutive. En finance de marché, les prises de décisions individuelles des dirigeants en matière de financement sont liées à l’existence de conventions qui définissent une norme de comportement. Qu’il s’agisse de la théorie des marchés efficients ou de celle de la finance comportementale, "l’incertitude est au centre de la

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 8: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

Créativité entrepreneuriale et nouveaux business models dans les pays du Sud 65

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

relation de financement. …La construction d’une relation de financement repose sur des conventions entre les acteurs" (Rivaud-Danset et Salais, 1992, 82). Dans la pratique comptable, l’existence de conventions reste un guide indispensable pour le comptable, qui, bien qu’exerçant dans un contexte balisé et sujet aux routines, est confronté à des situations incertaines. Dans le cadre de la gouvernance d’entreprise, des doutes sont parfois émis quant à la validité de certaines informations émises sur le marché. Dans ces situations d’incertitude, les systèmes de contrôle interne (audit interne) et externe (fairness opinion) ont été récemment revisités par la loi Sarbannes-Oxley aux États-Unis (2002), à la suite du scandale financier d’Enron et du cabinet d’audit Arthur Anderson. La convention financière d’évaluation des entreprises repose actuellement sur l’objectif de création de valeur pour l’actionnaire, c’est-à-dire l’accroissement des dividendes perçus. L’apparition du social business, à l’image du partenariat Grameen Danone, appelle à la prise en considération des notions nouvelles tel que le "dividende social" ou le "bénéfice social", ou encore le "bénéfice environnemental" (Yunus, 2008).

1.3.2 La théorie des stakeholders

Cette théorie, initiée par R. E. Freeman (1984), apporte un éclairage utile sur la nécessité de connaître ses parties prenantes et leurs attentes. Deux types de gouvernance s’opposent aujourd’hui : l’actionnariale versus la partenariale. Si la première a pour objectif de maximiser le profit des actionnaires détenteurs de ressources financières (dividendes et appréciation du cours boursier), la seconde cherche à maximiser la valeur des parties prenantes au BM de l’entrepreneur (salariés : rémunération, sécurité de l’emploi, formation ; clients : qualité, service, sécurité, bon rapport qualité-prix ; banquiers : liquidité et solvabilité ; actionnaires : distribution de dividendes ; société : responsabilité sociale des entreprises en matière de développement durable). Bien que cette théorie des stakeholders semble de plus en plus pertinente aux FMN face à l’insuffisance des biens publics mondiaux actuels (préservation de l’environnement, équité sociale, éthique des affaires, gestion concertée des crises financières), Hart et Sharma (2004) insistent sur l’importance des éléments de réponse apportés par des FMN aux demandes de types de stakeholders généralement négligés, les sans domicile fixe (SDF) des villes et les pauvres ruraux des pays en développement (PED). Ces marginaux vivant de façon isolée semblent avoir davantage d’échos relais dans le monde des affaires d’aujourd’hui grâce à l’influence de la globalisation, au rôle croissant d’Internet et des soutiens de toutes sortes (médias, ONG, société civile). Des exemples tels que la mise en échec des pesticides "terminator" de Monsanto par les petits fermiers indiens, l’effort d’adaptation du projet de commercialisation des biotechnologies de Dupont de Nemours aux réalités locales des stakeholders indiens, africains et latino-américains vigilants ("radical transactiveness" ou "fanning in") sont révélateurs des capacités des FMN à répondre aux besoins de cette frange, marginale socialement, mais dont le potentiel de création de valeur

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 9: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

66 Régis LARUE DE TOURNEMINE, Francis KERN et Gabriel BISSIRIOU

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

économique et sociale ne doit pas être sous-estimé et ce d’autant plus que les pauvres du Sud sont majoritaires. Ce "radical transactiveness" ou "fairness" signifie développer la capacité d’empathie avec ces stakeholders souvent marginalisés, comprendre leurs langues et leurs cultures, et construire des BM pertinents. Lorsque Cemex, la plus grande cimenterie du Mexique, a décidé d’entrer dans l’énorme marché de constructeurs potentiels à faibles revenus, elle a d’abord étudié la façon de faire des affaires avec les pauvres au Mexique. La compagnie a ensuite créé un nouveau BM à travers un programme nommé "Patrimonio Hoy", qui fournissait des clubs d’épargne permettant aux futurs constructeurs d’accumuler les fonds pour construire leurs propres maisons. En échange, Cemex fournissait non seulement des entrepôts de stockage pour les matériaux de construction nécessaires, mais aussi un soutien architectural pour s’assurer que les maisons seraient bien élaborées et bien construites. Forte de son succès, la société projette d’atteindre un million de familles mexicaines dans cinq ans.

1.3.3 La théorie de la valeur

La satisfaction des attentes des parties prenantes peut s’exprimer en termes de "valeur". En finance, "créer de la valeur" dans l’entreprise revenait à apporter de la valeur essentiellement aux actionnaires (en maximisant la valeur des titres) (Caby et Hirigoyen, 2001). La valeur d’une entreprise s’est longtemps mesurée à la richesse qu’elle créait pour ses investisseurs. Puis, des discussions ont tout d’abord porté sur le mode d’évaluation de cette valeur financièrement créée, par la proposition de différentes méthodes (Goodwill, Net Present Value…). Elles se sont ensuite portées, parallèlement à l’évolution de la conception des actionnaires (shareholders) de l’entreprise, sur la question de savoir si seule compte la valeur créée pour les actionnaires ou si la valeur créée pour d’autres catégories de parties prenantes ne devrait pas être prise en considération : "au primat des shareholders succède le primat des stakeholders". C’est ce nouveau glissement du débat sur la valeur de l’entreprise que Caby et Hirigoyen (2001) évoquent sous l’expression : "de la gouvernance actionnariale à la gouvernance partenariale" et Charreaux (1998), lorsqu’il parle du conflit entre la valeur actionnariale et la valeur partenariale. Jusque récemment, la littérature fourmillait de nombreuses controverses en gestion d’entreprise sur la possibilité de liens entre la performance sociale de la firme et sa résultante financière. Les études empiriques qui ont employé des mesures valables sur les performances sociales et financières trouvent une relation positive entre ces deux variables, indiquant que les réponses appropriées des firmes aux stakeholders améliorent leurs résultats (Waddock et Graves, 1997). Plus récemment, Verschoor et Murphy (2002) ont utilisé les classements financiers de firmes américaines (la moyenne sur trois ans des dividendes des actionnaires) de business week et ceux de business ethics en matière de performance sociale (six variables sociales) pour tester la relation entre ces deux indices de performance. Selon ces auteurs, les firmes engagées dans les

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 10: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

Créativité entrepreneuriale et nouveaux business models dans les pays du Sud 67

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

questions environnementales et sociales importantes pour les stakeholders ont des performances financières supérieures. Hillman et Klein (2001) ont trouvé qu’une gestion efficace des questions de "vrais" stakeholders, telles que les relations entre employés et protection environnementale, améliorent la performance financière des 500 firmes de l’indice boursier S&P500, mesurées par la valeur ajoutée du marché. Les résultats indiquaient que la performance sociale conduisait à la performance financière. C’est du moins ce que pense la théorie du "Good management". La relation inverse, selon laquelle la performance financière conduit à la performance sociale, se réfère à la théorie des "slack resources". Waddock et Graves (1997) ont conclu qu’il doit être plus payant d’accorder davantage d’attention aux dimensions du management qui sont normalement hors des considérations strictement financières, de productivité et d’efficacité.

2. BUSINESS MODEL ET INNOVATION : LE CAS SHOKTI DOI

Pour bien comprendre le rôle de l’innovation et ses apports possibles aux besoins économiques et sociaux, en particulier pour les PED, nous présentons une expérimentation originale du social business selon Muhammad Yunus, initiée depuis peu, en collaboration avec Danone au Bengladesh, dans le cadre du projet Shokti Doi. Avant d’illustrer ce projet, et pour appuyer cette analyse sur une conceptualisation, nous effectuerons une brève réflexion sur la portée théorique et opérationnelle du concept de business model (modèle d’affaires).

2.1 Le concept de BM : portée théorique et opérationnelle

Ce concept est apparu dans les années 1990. Le terme de business model, très utilisé par le monde industriel, suscite les réticences du monde académique, pour lequel elle reste une notion récente et iconoclaste (Lecocq, Demil, Warnier, 2006). Pour diverses raisons, il est associé à la bulle Internet, il existe de multiples définitions dont le contenu n’est pas toujours très clair, il ferait double emploi avec les analyses et les outils classiques en stratégie. En définitive, le terme de BM souffre, d’une part, de son assimilation aux excès spéculatifs de la bulle Internet et, d’autre part, des critiques de Porter (2001) qui considère que son apport n’a rien de significatif au regard des approches et des outils déjà existant et éprouvés en stratégie. Cependant, des analyses théoriques récentes permettent de nuancer ce point de vue et de considérer que le terme de BM devient un concept dont l’application pratique et utile ne se limite plus au seul domaine des nouvelles technologies, tandis que sa définition a gagné en précision, consistance et opérationnalité. Grâce à la contribution de divers auteurs (Lehman-Ortega et Moingeon, 2005 ; Lecocq, Demil, Warnier, 2006), on identifie mieux à quelles questions le BM permet de répondre. Comment l’entreprise gagne de l’argent ? Quels sont les mécanismes créateurs de valeur dans l’entreprise ? Comment rendre la réflexion

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 11: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

68 Régis LARUE DE TOURNEMINE, Francis KERN et Gabriel BISSIRIOU

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

stratégique plus créative ? Lehman-Ortega et Moingeon (2005) proposent une définition rigoureuse et opérationnelle du BM à partir d’une triple description analytique "des mécanismes lui permettant de créer de la valeur à travers la "proposition de valeur" faite à ses clients ; de son "architecture de valeur" (comprenant sa chaîne de valeur interne et externe, ainsi que son portefeuille de ressources) ; de "l’équation" retraçant comment elle capte cette valeur pour la transformer en profit." Selon cette définition, les trois composantes d’un BM sont en interaction et peuvent faire l’objet d’une analyse précise, opérationnelle et en bonne partie quantifiable sur la base des éléments et des paramètres qui les constituent respectivement : clients, produits et services offerts pour la "proposition de valeur" ; chaîne de valeur interne et externe (décision d’externalisation) et portefeuille de ressources pour "l’architecture de valeur" ; enfin chiffre d’affaires, structure de coûts, capitaux engagés pour "l’équation de profit". Cette dernière composante du BM étant le résultat des décisions prises par le management en ce qui concerne les deux composantes précédentes et la cohérence de leurs interactions. La cohérence et la pertinence du BM peuvent, en premier lieu, être évaluées en analysant les caractéristiques de la "proposition de valeur" et de "l’architecture de valeur". En second lieu, la cohérence et la pertinence du BM peuvent être expliquées par le système d’interactions entre l’offre spécifique de l’entreprise, les ressources mobilisées et les choix organisationnels effectués par le management. Ces caractéristiques et ce système d’interactions déterminent alors le volume et la structure, d’une part, des revenus et, d’autre part, des charges. La marge de l’entreprise résulte, enfin, de la différence entre ces revenus et ces charges. En adoptant cette démarche d’analyse et de construction du BM, on parvient à obtenir une vision dynamique et intégrée du fonctionnement de l’entreprise (Lecocq, Demil, Warnier, 2006) qui permet d’expliquer les performances de l’entreprise et de proposer des voies d’amélioration de ce fonctionnement bénéfiques aux performances futures et à l’avantage concurrentiel à long terme. Le BM peut devenir pour le management un support efficace de réflexion et de créativité stratégique et fonctionnelle au niveau du marketing, du processus de conception, de la logistique et de la chaîne de valeur, de la réflexion sur les facteurs de coût… Le BM est un outil d’analyse qui permet d’inspirer, ou de rendre compte, de la stratégie d’innovation de l’entreprise, y compris dans sa dimension sociale ou environnementale.

2.2 L’expérimentation d’un modèle de social business ou modèle social d’affaires : le cas de Danone et du projet Shokti Doi ("le lion fort")

Le projet Shokti Doi constitue une expérimentation intéressante de construction d’un nouveau "modèle d’affaires" dans un projet de social business que nous pouvons qualifier de modèle social d’affaires. Il s’agit d’une nouvelle combinaison d’une "proposition de valeur" (un nouveau produit alimentaire

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 12: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

Créativité entrepreneuriale et nouveaux business models dans les pays du Sud 69

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

contre la malnutrition) inspirée d’expériences précédentes et d’une "architecture de valeur" originale en termes de système d’approvisionnement-production-distribution. Ce projet est issu de l’alliance entre le groupe français Danone (agroalimentaire) et le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus (inventeur et théoricien du microcrédit, créateur de la Grameen Bank). Le projet Shokti Doi consiste à concevoir, à expérimenter dans un premier temps sur un espace géographique délimité, puis dans un second temps à promouvoir sur une base élargie un nouveau modèle d’affaire de production et de distribution de yaourts enrichis et à très bas coût (Yunus, 2008). L’objectif de ce modèle est de fabriquer et de diffuser des yaourts enrichis en micronutriments, destinés à lutter contre la malnutrition, en faisant travailler les populations locales les plus indigentes. Il s’agit du yaourt le moins cher du monde : six takos à la vente, soit environ six centimes d’euros. Ce projet est initié en 2005 par la rencontre entre Franck Riboud (Président de Danone) et Muhammad Yunus. L’un comme l’autre croient au double projet économique et social. Yunus désigne cette croyance par le terme de "social business" ou comment faire des affaires en réduisant la pauvreté. Il met en pratique ce concept depuis trente ans avec succès au travers de la banque Grameen dans son pays, le Bangladesh. Grameen accorde des microcrédits aux plus démunis, en particulier les femmes désireuses de mener une activité économique autonome. Le succès de cette formule et le taux élevé des remboursements a conduit à la diffusion internationale de cette innovation sociale et organisationnelle dans le domaine du crédit. L’alliance entre Danone et Muhammad Yunus débouche sur la réalisation du projet Shokti Doi dans la région de Bogra (Bangladesh), en 2007. Ce projet consiste actuellement à expérimenter un nouveau modèle d’affaire que nous pouvons analyser selon ces deux composantes (attractivité de l’offre de valeur et architecture de valeur) et les interactions entre ces composantes.

2.2.1 L’attractivité de l’offre de valeur du projet Shokti Doi

Le projet Shokti Doi offre sur le marché local un nouveau produit, un aliment nutritif correspondant à un besoin spécifique vital. Dans la région de Bogra, 70% des enfants souffrent de malnutrition dont les effets sur le plan intellectuel (QI inférieur à la moyenne) et physique (la malnutrition est responsable de 50% de la mortalité infantile dans le monde) sont connus. Ce fléau dans les pays du Sud a suscité, de longue date, des initiatives analogues sur un plan artisanal avec un encadrement de type ONG. L’exemple type est celui de biscuits enrichis fabriqués et vendus par des artisans boulangers en Afrique. Ces projets ont connu un certain succès de façon localisée et ponctuelle, sans engendrer un processus de diffusion suffisant. L’originalité du projet Shokti Doi est de comporter une dimension industrielle susceptible d’assurer la diffusion du modèle à une échelle géographique élargie. La première usine de Grameen-Danone a une capacité de 3 000 tonnes par an d’un yaourt de 80 grammes enrichi (en plus du calcium naturellement présent dans le lait) en zinc, fer,

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 13: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

70 Régis LARUE DE TOURNEMINE, Francis KERN et Gabriel BISSIRIOU

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

vitamine A et iode, en proportions des besoins quotidiens des enfants dans la région. Cette première implantation constitue un "laboratoire expérimental" qui pourra être étendu dans tout le pays en ouvrant d’autres usines analogues. Une seconde usine est en construction et une troisième en projet ; une question demeure : ce modèle pourra-t-il se généraliser dans tout le pays par le biais d’un essaimage de petites unités d’une capacité annuelle de 3 000 tonnes, sachant qu’une unité standard a une capacité comprise entre 100 000 et 300 000 tonnes/an ?

2.2.2 L’architecture de valeur

Le projet Shokti Doi met en œuvre une chaîne de valeur et des choix de logistique globale (approvisionnement-production-distribution) véritablement novateurs. L’originalité du projet consiste à associer dimension industrielle, technologies modernes et traditionnelles (mélanges technologiques), organisation capitaliste, système de coopérative et entrepreneuriat informel au sein de la même chaîne de valeur. En termes commercial, l’utilisation de techniques marketing adaptées à la distribution au porte à porte par les Grameen ladies (femmes ayant bénéficié d’un microcrédit), ainsi que le soin apporté au conditionnement, permettent de satisfaire les attentes des consommateurs. Le financement du projet (Fonds Danone-communities) relève également d’une combinaison originale : investissement industriel du groupe Danone, contribution volontaire des salariés de Danone sur une part de leur intéressement3 et dispositif de microcrédit fondé sur l’expérience de la Grameen Bank. Dans ce cas, Danone Community prête la somme nécessaire pour acheter les produits à vendre, au retour la vendeuse ambulante le rembourse quotidiennement. La chaîne de valeur et l’organisation logistique sont articulées autour de l’unité industrielle de production Danone qui fonctionne sur la base de technologies récentes adaptées à cette petite échelle, mais qui bénéficie d’économies d’échelle par rapport à une unité artisanale. En amont (approvisionnement) et en aval (distribution), la chaîne de valeur s’appuie sur les populations et les institutions locales existantes pour la mise en œuvre de technologies plus traditionnelles (ou "appropriées"). En amont, la production du lait est assurée par des micro-fermes souvent gérées par des femmes, par contre la collecte et le transport du lait vers l’usine sont généralement effectués par des hommes dans le cadre d’une coopérative gérée par la Grameen Bank. En aval, les "Grameen ladies" assurent la commercialisation et la distribution des produits. La distribution quotidienne part de l’usine à l’aide d’un escadron de rickshaws-van, tricycle à carriole chargée de caisses réfrigérées qui livre les Grameen ladies. C’est le réseau des emprunteurs de la Grameen Bank (plus de 10% de la population) qui constitue

3 Les salariés ont la possibilité de placer leur intéressement bloqué 5 ans sur un fond "Danone

Community" ; dans ce cas, il ne s’agit pas de dons, mais d’un choix de placement éthique.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 14: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

Créativité entrepreneuriale et nouveaux business models dans les pays du Sud 71

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

le vecteur potentiel (après sensibilisation et formation) de la distribution du Shokti Doi dans les foyers concernés…

2.2.3 L’interaction entre "offre de valeur" et "architecture de valeur"

Le business model du projet Shokti Doi repose sur une "offre de valeur" (un nouveau produit alimentaire enrichi pour répondre aux besoins engendrés par la malnutrition) qui représente une innovation de produit analogue à des tentatives antérieures (dont la diffusion est restée limitée) et une "architecture de valeur" originale qui permet d’envisager pour le produit du projet Shokti Doi une diffusion élargie à un coût accessible pour les populations ciblées. Le nouveau business model conçu par le groupe Danone et la Grameen Bank laisse envisager une diffusion élargie de l’innovation sur la base de l’interaction entre "offre de valeur" et "architecture de valeur". La conception de la chaîne de valeur permet de proposer un prix très bas. Les conditions concrètes de la mise en œuvre de ces interactions dans le cas du business model du projet Shokti Doi sont actuellement en cours d’évaluation pour apprécier le potentiel de cette nouvelle solution pour résoudre les difficiles problèmes de malnutrition. Ces évaluations portent sur la valeur nutritionnelle du produit, son conditionnement et sur la sécurité sanitaire des produits, tout en respectant la contrainte d’un prix de revient le plus bas possible

3. LES BUSINESS MODELS : PROMOUVOIR LES PARTENARIATS POUR FAVORISER LES TPE ET LES MICROPROJETS

Nous avons étudié la conception de business models dans le cadre de partenariat entre firmes multinationales et PME, ou entre FMN et des structures coopératives, voire des réseaux sociaux comme ceux de la Grameen Bank. Ce modèle économique peut revêtir d’autres formes, en particulier celles qui mettent en œuvre des microprojets du secteur formel ou informel. La conception de ces business models implique un partenariat entre les parties prenantes ; or, jusqu’à présent, les dispositifs d’appui aux TPE, ou d’accompagnement des porteurs de microprojets, se limitaient à assurer le conseil pour la mise au point du business plan avec l’accompagné, puis le suivi, dans le lancement et la mise en œuvre du projet. L’accompagnant ou le portant ne pouvait devenir partenaire de l’accompagné ou du porteur. Le porté, c’est-à-dire le projet dans le modèle des trois P4, restait de la seule responsabilité du

4 Le "modèle des 3P" consiste à analyser les interactions entre "porteur", "porté" et "portant"

et à expliquer les effets de ces interactions sur la trajectoire de l’entreprise. Le "porteur" est l’entrepreneur caractérisé par un certain profil, le "porté" est le projet lui-même et ses caractéristiques, les "portants" sont les experts, partenaires et structures d’appui. Le modèle des 3P permet d’approfondir l’analyse de la diversité des situations possibles, d’expliquer les causes de succès et d’échec, de disposer de repères pour orienter la trajectoire de l’entreprise.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 15: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

72 Régis LARUE DE TOURNEMINE, Francis KERN et Gabriel BISSIRIOU

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

porteur. Le projet, même formalisé dans un plan d’affaire, restait sous l’autorité du porteur. Au mieux, l’accompagnant, après avoir validé le business plan, donnait sa caution, afin de permettre au porteur d’accéder auprès des banques ou d’organismes spécialisés au financement de son projet.

3.1 Micro Trust Funds : un fonds d’investissement spécifique pour les TPE

Afriland First Bank, présente en Afrique centrale, en Chine, en France, et bientôt en Afrique de l’Ouest, avait déjà acquis une expérience dans le capital investissement dans des entreprises grandes et moyennes à travers Cininvest. À partir de 1999, elle décide de créer un fonds d’investissement en direction des TPE, Micro Trust Funds (Mit Fund). Cet organisme fait le constat qu’il ne s’agit pas seulement pour une banque de financer le fonds de roulement en octroyant des crédits à court terme aux entreprises, mais aussi de pouvoir financer le haut de bilan des entreprises, en particulier pour les TPE, qui accèdent difficilement à ce type de financement indispensable à leur développement. Par ailleurs, un simple monitoring des promoteurs de projets était insuffisant pour accorder ce type de financement. Pour garantir l’accès à des financements longs, Mit Fund va proposer des prêts modestes en valeur absolue qui peuvent se révéler déterminant pour une TPE de l’ordre de 2,5 millions FCFA (4 000 €). Ces prêts sont des prêts participatifs. L’accès au financement pour la TPE a comme contrepartie la participation au capital, qui demeure inférieure à 50% pour que le promoteur reste majoritaire et responsable en dernier ressort de la marche de son entreprise. Cette participation est, en moyenne, de 25%. Tout dépend du montant du prêt dont a besoin la TPE pour réaliser son business plan. Le retrait se fait en accord avec le promoteur durant la période de cinq ans qui est la durée maximum de la participation. Ces projets concernent des secteurs aussi différents que l’élevage, l’agroalimentaire, la mécanique ou les technologies de l’information et de la communication. À l’heure actuelle, le portefeuille de Mit Fund concerne plus de 300 projets dans lesquels le capital risque se met au service des TPE. L’autre innovation majeure de cette approche est que dans les pays en développement les microprojets ne concernent pas seulement des TPE du secteur formel mais aussi celles du secteur informel. Dans ce cas, la participation de Mit Fund est un moyen de sortir le promoteur de l’informel et de choisir une structure juridique qui corresponde à la vision du promoteur ; celle-ci peut être associative, coopérative ou SARL. Dans 80% des cas, les prêts participatifs concernent des entreprises déjà en activité, tant dans le secteur formel qu’informel.

3.2 Le business model permet de promouvoir la démarche partenariale dans la vision stratégique de la TPE

Les business models ne sont pas toujours établis de manière formalisée entre les parties prenantes, cette formule de capital risque est un contexte juridique,

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 16: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

Créativité entrepreneuriale et nouveaux business models dans les pays du Sud 73

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

économique, managérial, favorable à leur formalisation. Lors du processus d’accompagnement actif, Mit Fund agit en accompagnant standard qui délivre des conseils juridiques, de gestion financière, de marketing au promoteur-entrepreneur. L’accompagnant partenaire veille à la tenue d’un cahier recettes/dépenses permettant au promoteur-entrepreneur de calculer ses coûts pour vérifier si son activité de production ou de service est rentable. Il s’agit de procéder par palier pour vérifier en permanence les capacités de réussite ou les risques d’échec du projet. Cette évaluation est d’autant plus aisée à réaliser qu’un business model a été élaboré par les partenaires. Le seul business plan ne permet que de vérifier la rentabilité de l’activité à chaque étape du déroulement du projet. Le business model renvoie à une vision stratégique qui intègre les dimensions innovantes du projet auxquelles ont souscrit les partenaires. Ces objectifs stratégiques à atteindre peuvent être l’avantage concurrentiel au sens de Porter ou le renforcement, voire le développement, de nouvelles compétences de base par la TPE. Mit Fund a également initié la création de deux incubateurs en direction d’étudiants désireux de monter leurs projets ou de partenariat public-privé (exemple d’un cofinancement de pressoirs d’huile de palme avec l’agence de développement allemande GTZ) ou avec des ONG prêtes à s’associer à un projet spécifique qui s’inscrit dans leur champs d’intervention (promotion d’activités rurales, soutien aux associations de jeunes dans les quartiers populaires…). Dans tous ces cas, Mit Fund participe à une démarche partenariale où le cercle des parties prenantes s’élargit. Dans une économie fondée sur la connaissance, le business model se révèle être un outil de concertation et d’échange et un vecteur de mobilisation de connaissances, de renforcement des capacités et de construction de compétences pour l’ensemble des stakeholders. L’accompagnant actif accumule expériences et apprentissage pour les partager avec un nombre de plus en plus élevé d’accompagnés, les promoteurs-entrepreneurs. À travers ce processus de dissémination de bonnes pratiques, Mit Fund construit avec les entrepreneurs des communautés de pratique (CP). Le business model suscite des interactions cognitives entre les stakeholders et rend possible l’existence de CP tout au long du processus d’accompagnement participatif initié par Mit Fund. Le processus d’innovation des promoteurs se nourrit de l’innovation financière et organisationnelle que constitue un capital risque adapté et contextualisé au monde en développement qui ne se réduit pas au retour sur investissement à court ou très court terme que la mondialisation financière voudrait imposer comme norme universelle.

CONCLUSION

Cet article apporte des éléments d’analyse et des cas illustratifs pour répondre à la problématique complexe et très controversée de la place possible des pays du Sud dans une économie de la connaissance et de l’innovation mondialisée.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 17: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

74 Régis LARUE DE TOURNEMINE, Francis KERN et Gabriel BISSIRIOU

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

Notre analyse s’appuie sur des perspectives offertes dans ces pays du Sud par l’émergence d’initiatives et de créativité entrepreneuriales qui reposent sur la création de nouveaux business models. Cette analyse porte une attention particulière au phénomène d’interaction entre acteurs et à l’invention de nouveaux dispositifs partenariaux et institutionnels actuellement à l’œuvre dans ces pays du Sud. Ces nouveaux dispositifs peuvent prendre de multiples aspects et concerner les formes extrêmes d’organisation économiques, depuis la firme multinationale des pays du Nord jusqu’à la très petite entreprise des pays du Sud. Les études de cas présentées montrent que dans une économie de la connaissance mondialisée, il n’existe pas de limite à la diversité des acteurs et des types d’innovations susceptibles de contribuer à une amélioration du processus de développement économique et social dans les pays du Sud.

BIBLIOGRAPHIE

BOYER R., ORLEAN A. (1994) Analyse économique des conventions, Paris, PUF. CABY J., HIRIGOYEN G. (2001) La création de valeur dans l’entreprise, Paris, Economica. CARON F. (1985) Le résistible déclin des sociétés industrielles, Paris, Perrin. CARROLL A. B. (1999) Corporate social responsibility : evolution of a definitional

construct, Business and Society, 38 (3), 268-295 CHARREAUX G. (1998) Gouvernance des entreprises : valeur partenariale contre

valeur actionnariale, Finance Contrôle Stratégie, vol.1, n°2. CHERSBROUGH H. (2003) Open Innovation, Harvard Business School Press. ELKINGTON J. (1994) Towards the sustainable corporation: Win-win-win business

strategies for sustainable developpement, California Management Review, 36(2), 90-100. FREEMAN R. E. (1984) Strategic Management: A Stakeholder approach, Marshfield MA,

Pittman Publishing. FRIEDMAN M. (1970) The social responsibility of business is to increase its profits,

The New York Time Magazine, 33 (30), 122-127. HART S. L., SHARMA S. (2004) Engaging fringe stakeholders for competitive

imagination, Academy of Management Executive, 18 (1). HART S. L. (2005) Capitalism at the crossroads: The unlimited business opportunities in solving the

world’s most difficult problems, Upper Saddle River (NJ), Wharton School Publishing. HILLMAN A. J., KLEIN G. D. (2001) Shareholder value, stakeholder management,

and social issues: what’s the bottom line? Strategic Management Journal, 22, 125-139. LAVIGNE S. (2002) Investisseurs financiers et convention financière d’évaluation des

firmes : une modélisation de la diffusion institutionnelle de la convention, Thèse de doctorat, Toulouse I.

LECOCQ X., DEMIL B., WARNIER V. (2006) Le business model au cœur de la croissance de l’entreprise, Expansion Management Review, octobre.

LEHMANN-ORTEGA L., MOINGEON B. (2005) Le business model au service de la performance. L’art de management, Les Echos, 13 octobre.

OCDE (1982) L’innovation dans les petites et moyennes entreprises, Rapport analytique, Paris.

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur

Page 18: Analyse de la créativité entrepreneuriale et de l'élaboration de nouveaux business modelsdans les pays du Sud

Créativité entrepreneuriale et nouveaux business models dans les pays du Sud 75

Mondes en Développement Vol.37-2009/3-n°147

OECD Background Report (2007) Enhancing the Role of SMEs in Global Value Chains : Oecd Global Conference, Ministry of Economy, Trade and Industry (METI), Tokyo, 31 May-1 June.

PORTER M. E. (2001) Strategy and the Internet, Harvard Business Review, 79, n°3, March.

RIVAUD-DANSET D., SALAIS R. (1992) Les conventions de financement des enterprises : premières approches théorique et empirique, Revue Française d’Economie, vol. 7, n° 4, automne, 81-120.

SHAFER S. M., SMITH H. J., LINDER J. C. (2005) The power of business models, Business Horizons (48), 199-207.

VERSCHOOR C. C., MURPHY E. A. (2002) The financial performance of large US Firms and those with global prominence: How do the best corporate citizens rate?, Business and Society Review, 107 (3).

VERSTRAETE T. (2002) Proposition d’un cadre théorique pour la recherche en entrepreneuriat, Editions de l’ADREG.

VERSTRAETE T., FAYOLLE A. (2005) Quatre paradigmes pour cerner le domaine de recherche en entrepreneuriat, 7ème CIFEPME, Montpellier.

VERSTRAETE T., SAPORTA B. (2006) Création d’entreprise et entrepreneuriat, Bruxelles, Editions De Boeck Université.

WADDOCK S. A., GRAVES S. B. (1997) The corporate social performance-financial performance link, Strategic Management Journal, 18 (4).

WARNIER V., LECOCQ X., DEMIL B. (2006) Le business model, un outil d’analyse stratégique, L’Expansion Management Review, n° 123.

YUNUS M. (2008) Vers un nouveau capitalisme, Paris, Editions J.-C. Lattès.

***

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 19

5.19

.233

.81

- 06

/01/

2014

05h

14. ©

De

Boe

ck S

upér

ieur

D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 195.19.233.81 - 06/01/2014 05h14. © D

e Boeck S

upérieur