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DIASPORAS NEWS N°55 SEPTEMBRE 2014
POLITIQUE
parfois dans des régions très isolées.
Que dire de la capitale Luanda et sa
concentration humaine de 5 millions
d’âmes ? Etre capable d’avoir le nombre
exact d’une population est également
un gage d’un processus de démocra-
tisation en bonne voie. « Gouverner,
c’est prévoir » ! Et pourtant la démo-
graphie est une science exacte dont
nos gouvernants perçoivent souvent
mal la portée ; ne serait-est-ce que
l’observation d’une pyramide des âges
est riche d’enseignements sur l’évolu-
tion dynamique d’une population. Car
chaque politique économique, sanitaire
et éducative, bref, un plan de dévelop-
pement socioéconomique à moyen et
long terme sera biaisé sans une projec-
tion exacte de la population. Bien qu’il
Vue de la ville de Luanda
Angola : La voie de la reconnaissance internationale L’Angola voit-elle enfin la lumière au fond du tunnel ? Des siècles d’occupation portugaise, suivis de presque
trois décennies (27 ans) d’une lutte fratricide au moment de son indépendance. En plein essor économique, le monde entier lorgne désormais sur ses ressources naturelles ; sans doute, un moment propice pour asseoir une reconnaissance internationale ?
Au mois de mai dernier, une
décennie après la fin de
la guerre civile en 2002,
les hérauts des décombres
macabres ont été remplacés par des
agents recenseurs pour le premier
recensement général de la population
depuis l’indépendance du pays en
1975. La dernière en date a eu lieu en
1970 c’est-à-dire du temps de l’occu-
pation portugaise ; la population était
alors estimée à 5,6 millions d’habitants.
Cette enquête grandeur nature est à la
fois un défi organisationnel et politique.
Ses résultats permettront de réduire
la marge d’erreur sur l’estimation à la
louche actuelle de 21 millions d’ango-
lais. Des milliers d’agents ont sillonné
le territoire pendant trois semaines ;
s’agisse d’une recommandation de la
Commission de Statistiques de l’ONU,
inscrite dans le cadre du « Programme
Mondial de Recensement Général de
2010 », l’Angola tenait, par ce biais sa
volonté de reconstruction du pays.
La marche vers l’émancipationCe recensement revêt également tout
un symbole pour l’Angola. Elle est en
train d’écrire une nouvelle page de son
histoire contemporaine. Une page très
longue qui remonte très loin dans le
temps : à l’arrivée des premiers explo-
rateurs portugais sur les rives occiden-
tales du royaume du Kongo vers 1480.
Dès le XVIIème, des millions d’esclaves
ont été enrôlés de force au bord des
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N°55 SEPTEMBRE 2014 DIASPORAS NEWS
POLITIQUE
négriers pour servir de main d’œuvre
Outre-Atlantique. L’industrie sucrière
des Caraïbes et de l’Amérique Latine,
et beaucoup plus tard les champs de
coton du sud des Etats-Unis, ont pros-
péré grâce aux hommes venus du
continent africain. Un siècle plus tard,
les puissances maritimes espagnoles
et portugaises furent contestées par
leurs rivaux européens. Ces derniers
ont passé un deal avec le Portugal en
1786 : la reconnaissance des droits
de celui-ci sur les principautés de
Cabinda – actuelle 18ème province de
l’Angola - en échange de la liberté de
commerce et de trafic des esclaves des
autres puissances. C’était le début de la
vaste conquête coloniale du continent
africain, devenu réserve de matières
premières et de mains-d’œuvre néces-
saires à la révolution industrielle occi-
dentale. La configuration de la colonie
lusophone a failli en devenir autrement
et peut-être changer le sort de l’Angola
avec. C’était lors de la conférence de
Berlin en 1885, moment de partage
de l’Afrique par les puissances euro-
péennes. Le Portugal a revendiqué
auprès de ses coreligionnaires la jonc-
tion de ses deux colonies : angolaise et
mozambicaine. Il était prêt à lâcher du
lest sur certaines de ses possessions
à l’Ouest pour obtenir une partie du
Zimbabwe et de la Zambie actuelle.
Les mouvements nationalistesMais la pénétration vers l’intérieur de
la colonie s’est heurtée contre la résis-
tance des populations autochtones. Le
Portugal mît plus de deux décennies
avant de pouvoir contrôler l’ensemble
du territoire vers les années 1920.
L’instauration d’un régime totalitaire
en métropole par Salazar en 1933
marqua de facto un durcissement de la
répression dans les colonies. Au lende-
main de la 2nde Guerre Mondiale, les
mouvements d’indépendance dans les
colonies anglaises et françaises ont eu
indirectement des répercussions au
sein des possessions lusophones.
L’Angola obtînt ainsi le statut de
province d’Outre-mer. Mais la défaite
française de Dien-Bien-Phu, la nationa-
lisation du canal de Suez imposée par
Nasser au grand dam de la France et de
la Grande-Bretagne et surtout la confé-
rence des non-alignés de Bandung
en 1954 ont exacerbé la conscience
nationaliste angolaise. Les principaux
mouvements indépendantistes virent le
jour en 1956 : le Mouvement Populaire
de la Libération de l’Angola (MPLA) fut
cofondé en 1956 par Viriato da Cruz
et Mario Pinto de Andrade ; et l’Union
des Peuples du Nord Angolais (UPNA
plus tard UPA. En 1961 et par rico-
chet, les vagues d’indépendance des
anciennes colonies françaises voisines,
ont fini par déclencher la guerre d’in-
dépendance. Elle sera symbolisée par
l’attaque de la prison de Luanda par
le MPLA et des jacqueries contre les
propriétaires terriens portugais. Bilan :
plus de 20.000 morts, côté portugais.
Mais la puissance coloniale maintient la
répression sur l’Angola pour ce qui lui
reste de poumon vital, pendant encore
14 ans. L’effort de guerre revenait à plus
de 30% du budget annuel du Portugal.
Le début de la guerre civile Lorsque la révolution des Œillets, en
1974, a fini par faire courber l’échine
de la dictature en métropole, les colo-
nies lusophones accédèrent enfin à
l’indépendance et non sans heurts. Les
accords signés à Alvor le 15 Janvier
1975, n’ont pas tenu plus d’un an. L’An-
gola connût une double proclamation
d’indépendance le 11 novembre 1975 :
l’une à Luanda par le MPLA et l’autre
à Huambo par l’Union Nationale pour
l’Indépendance Totale de l’Angola
(UNITA) de Jonas Savimbi et le Front
de Libération National Angolais (FLNA)
– anciennement UPNA - de Holden
Roberto. Cette guerre civile restera
jusqu’en 1991, le théâtre de l’affronte-
ment idéologique du monde bipolaire :
les Etats-Unis et leurs alliés, du côté
de l’UNITA ; l’URSS, avec le Cuba qui
soutinrent le MPLA. Le renversement
de la situation sur le terrain militaire et
la reconnaissance de l’OUA ont confé-
ré plus de légitimité au pouvoir du
MPLA par rapport aux autres mouve-
ments. Leader charismatique du MPLA,
Agostinho Neto est devenu le premier
président de la République angolaise.
Malgré tout, il a dû son accession à
deux fortes personnalités au sein de
son mouvement, devenus piliers du
nouveau régime. Nito Alves et José
Eduardo dos Santos. Le premier fut le
principal artisan de la victoire contre
les factions rivales, avec le renfort des
contingents cubains. En toute logique, il
devînt le ministre de l’Intérieur. Tandis
que le second, après ses faits d’armes
dans les maquis de l’enclave de Cabin-
da, fût chargé de la diplomatie. Il sillon-
na la planète pour la reconnaissance de
l’Angola.
José Eduardo dos Santos, à la tête de
l’Etat, après la mort d’Agostinho Neto,
il fut élu en 2012 pour un mandat de 5
ans. A la chute de l’URSS en 1991, l’in-
génieur en pétrole, formé à Bakou et
marié à une femme d’origine russe a
tôt fait d’abandonner ses oripeaux de
marxiste-léniniste. L’Angola n’a pas eu
trop mal à virer sa cuti.
Le Président est également considéré
comme un homme pragmatique par
les personnalités occidentales rencon-
trées lors de ses pérégrinations diplo-
matiques. Rappelons surtout qu’il a
d’abord été chef de la région mili-
taire au Cabinda pendant la guerre
d’indépendance. Or, les premières
exploitations de pétrole ont vu le jour
dans cette enclave dès 1957. Elle reste
encore aujourd’hui une zone très riche
en hydrocarbure même après la décou-
verte des gisements off-shore.
La diversification économique Le pétrole a été le fer de lance de l’éco-
nomie de l’Angola, sortie exsangue
de plus de deux décennies de guerre
civile en 2002. Ses réserves d’hydrocar-
bure seraient estimées à 12,7 milliards
de barils. Les cinq premières années
de paix ont été suivies d’une crois-
sance fulgurante de l’ordre de 14,5%
par an. Après une période de récession
due à la crise des subprimes en 2008,
la reprise tend à se confirmer depuis
deux ans. La maîtrise de l’inflation
en contrepartie d’un coup de pouce
de 1,4 milliard $ fourni par le FMI.
Conscientes de la dépendance de son
économie vis-à-vis du pétrole, les auto-
rités cherchent à diversifier ses sources
de revenu. En effet, 80% des recettes
de l’Etat ou l’équivalent de 45% de son
PIB proviennent toujours du pétrole.
La Sonangol, la deuxième plus grande
entreprise africaine, joue aujourd’hui
un rôle prépondérant soit comme
« IL EST TEMPS DE CHANGER LES RÈGLES DU JEU
MONDIAL ; L’AFRIQUE DEVRAIT AVOIR SON
MEMBRE PERMANENT AU SEIN DU CONSEIL
DE SÉCURITÉ DES NATIONS-UNIES »
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producteur, soit comme concession-
naire. Elle a pour mission d’atteindre
une production de 2 millions de baril/
jour d’ici un an ; une capacité qui lui
permettra de devenir la 1ère puis-
sance pétrolière du continent, devant
le Nigeria. Pour cela, un plan décennal
d’investissement de 8,8 milliards $ a
été annoncé en 2013 par Francisco de
Lemos, CEO de la Sonangol. En même
temps, l’Angola a créé un fonds souve-
rain de 5 milliards $, depuis 2012 –
Europe, Asie, Amérique latine, Afrique.
La Chine, comme dans la majorité des
pays africains, demeure aujourd’hui,
le premier partenaire économique de
l’Angola : les échanges commerciaux
entre les deux pays tournent autour
de 40 milliards $. Les diatribes des
pays occidentaux contre la présence
chinoise ne se justifient que par leur
manque de réactivité.
Malgré cela, les Etats-Unis essayent
maintenant de rattraper leur retard. Et
sur la troisième marche du podium se
trouve l’ancienne puissance coloniale.
Certes, la coopération chinoise était
mue, elle aussi, par la sécurisation de
son approvisionnement de pétrole –
40% de la production angolaise - pour
soutenir une croissance effrénée et
nourrir 1,2 milliard d’habitants. Elle a
surtout anticipé les opportunités d’in-
vestissement au moment de la recons-
truction de l’Angola en ruine.
Il fallait remettre en marche l’écono-
mie par la réhabilitation des milliers de
kilomètres de réseaux routiers et ferro-
viaires. Cette année, le gouvernement
s’attaque au vaste chantier de l’électri-
fication avec un objectif de doublement
du taux d’électrification en 2025 ; un
programme ambitieux pour atteindre
un taux de 60%, lorsqu’aujourd’hui
il est de 33%. En d’autres termes, il
faudra passer 2.850 km à 15.600 km de
ligne de transmission.
Le principal défi de l’Angola: être
capable de diversifier son partena-
riat, mais également rechercher des
secteurs d’activités générateurs de
revenus pour éviter une trop pétro-
dépendance. Le gouvernement
exigeait dans le code des investisse-
ments que « chaque société étrangère
est tenue d’embaucher et de former
un quota de salariés autochtones ». A
l’heure actuelle, le pays manque cruel-
lement d’ingénieurs ; mais les fonctions
de responsabilité dans la pétrochimie
restent toujours l’apanage du person-
nel étranger plus qualifié. Les filiales
de compagnies pétrolières ont plus ou
moins respecté la règle du jeu établie
notamment dans le domaine finan-
cier où ils sont obligés de faire tout
les paiements pour le marché ango-
lais en Kwanza, la devise locale ; mais
il existe une dualité entre l’impératif
d’une production de très court terme
et la formation qui s’étend sur plusieurs
années.
Reste que les dividendes du pétrole
n’irriguent pas toutes les couches de
la société angolaise. Faute d’une meil-
leure redistribution des recettes, il
existe une disparité de niveau de vie
entre la capitale Luanda et les zones
rurales très reculées.
La voie de la reconnaissance internationale Cet essor économique, qui fait l’objet
de convoitise universelle, pourrait-
il donner une forme de reconnais-
sance internationale à l’Angola ? Les
médias se focalisent trop souvent sur
les luttes d’influence entre les améri-
cains et les chinois. Comme au mois
de mai dernier, lorsque l’escale luan-
daise du Secrétaire d’Etat John Kerry
a précédé de seulement trois jours la
visite du Premier ministre Li Keqiang.
Les ballets diplomatiques se succèdent
à Cidade Alta, le palais présidentiel
où José Eduardo dos Santos préside
aux destinées de l’Angola. Luanda
devient une « étape obligée » pour
les dignitaires du monde entier. Au fil
des années, l’Angola est devenue une
puissance régionale dont l’avis et le
soutien comptent dans la résolution des
problèmes géopolitiques. Cette forme
de reconnaissance ne souffre d’aucune
contestation depuis que des contin-
gents angolais ont participé à la 2nde
guerre de la RDC en 1998, provoquée
par la chute de Mobutu. Aujourd’hui, la
diplomatie angolaise est très active en
Centrafrique.
Luanda a alloué 10 millions $ à Bangui
à la suite de la visite de la prési-
dente Catherine Samba-Panza, en
mars dernier. Madame Samba-Panza
est retournée en août pour parler du
contexte et des évaluations de la situa-
tion en RCA. La situation en RCA était
également un des sujets de la visite de
Dos Santos à Paris en avril, au cours de
laquelle il a parlé en privé avec Fran-
çois Hollande avant de se rendre au
Vatican pour un rendez-vous avec le
Pape François.
Tout récemment encore, le 21 juillet
dernier, le président du Conseil l’italien
Matteo Renzi a été reçu en audience.
Outre l’intérêt bien compris de chacun
dans l’exploitation des ressources natu-
relles angolaises. La diplomatie ango-
laise serait bien inspirée de profiter
de cet aura pour peser sur l’échiquier
international. Sinon, le premier ministre
italien ne se serait pas permis de la
déclaration suivante : « il est temps de
changer les règles du jeu mondial ;
l’Afrique devrait avoir son membre
permanent au sein du Conseil de
sécurité des Nations-Unies ». Et ce
dernier est prêt à soutenir la candida-
ture de l’Angola à ce poste.
ALEX ZAKA
Les Présidents José Eduardo Dos Santos et François Hollande