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Didier van HECKE, L’APOCALYPSE, GSA, 2015/2016. 78 11 LE SEPTÉNAIRE DES TROMPETTES Ap 8,2-11,19 INTRODUCTION Ce septénaire est structuré comme les deux autres (sceaux et coupes) : - Vision inaugurale (Ap 8,2-5) - Les six premières trompettes (quatre + deux) : le signe du jugement (Ap 8,6-9,21) - Le délai de grâce : l’ange et le petit livre ; les deux témoins (Ap 10,1-11,14) - La septième trompette (Ap 11,15-19) Loin de décrire une suite chronologique d'événements historiques, ce septénaire se présente comme une méditation continue, renouvelée et approfondie du mystère du Christ révélé dans l'Ancien et dans le Nouveau Testament. 1 LA VISION INAUGURALE (Ap 8,2-5) Cette vision inaugurale est bien plus courte que celle du septénaire précédent. Elle débute au v. 2 par celle de sept anges se tenant devant Dieu, à qui sont remis sept trompettes. 2 Et je vis les sept anges qui se tiennent devant Dieu. Il leur fut donné sept trompettes. Ce sont les "anges de la face", bien connus du judaïsme intertestamentaire, qui se tiennent devant la face de Dieu et qui sont à son service. Ici, ils reçoivent une mission identique : devenir les trompettes de Dieu, annoncer son intervention. Mais avant que ces sept anges n’entrent en action, au v. 3, un 8 ème ange, différent des sept premiers anges, intervient pour venir offrir à l’autel des parfums. Puis en 8,5, il interrompt sa célébration pour prendre des charbons sur l’autel et les jeter sur la terre. 3 Un autre ange vint se placer près de l'autel. Il portait un encensoir d'or, et il lui fut donné des parfums en grand nombre, pour les offrir avec les prières de tous les saints sur l'autel d'or qui est devant le trône. 4 Et, de la main de l'ange, la fumée des parfums monta devant Dieu, avec les prières des saints. 5 L'ange prit alors l'encensoir, il le remplit du feu de l'autel et le jeta sur la terre : et ce furent des tonnerres, des voix, des éclairs et un tremblement de terre. Les versets 3-5 jouent le même rôle que les chapitres 4-5 par rapport au septénaire des sceaux. Comme dans ces deux chapitres, l’auteur nous met en présence d’une liturgie céleste et solennelle : l’encensoir d'or, les parfums en abondance, leur fumée, l’autel d’or. Dans cette liturgie, la prière est celle de tous les saints deux fois nommée en 8,3 et 8,4. Cette prière a déjà été évoquée en 5,8 par les 24 anciens et en 6,10 par les âmes de ceux qui ont été égorgées et qui résident sous l’autel. On peut constater le changement de mouvement qui s’opère : alors que la fumée des parfums monte devant Dieu avec la prière des saints (8,4), soudainement le feu du ciel va descendre sur terre. Il y a une interruption du sens de la communication qui ne va plus de bas en haut mais de haut en bas. Le monde de Dieu descend sur terre et c’est pour cela qu’apparaissent éclairs, tonnerre et tremblement de terre (8,5). Lorsque Dieu vient, lorsqu'il devient homme, il se produit un chamboulement considérable. Cette venue est comparée à un feu répandu sur la terre, selon une image utilisée par Jésus lui-même : C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! (Lc 12,49) 2 LES SIX PREMIÈRES TROMPETTES (Ap 8,6-9,21) Aussitôt après l’intervention de l’ange, les trompettes vont sonner. Dans l’Ancien Testament, il s'agit du shofar, de la corne de bélier, qui appelle au combat (Jr 4,5), annonce la venue de YHWH (Jl 2) et retentit lors des théophanies (Ex 19,16). Elles sont à la fois signe de jugement et signe de salut.

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Didier van HECKE, L’APOCALYPSE, GSA, 2015/2016.

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11 LE SEPTÉNAIRE DES TROMPETTES Ap 8,2-11,19

INTRODUCTION

Ce septénaire est structuré comme les deux autres (sceaux et coupes) :

- Vision inaugurale (Ap 8,2-5)

- Les six premières trompettes (quatre + deux) : le signe du jugement (Ap 8,6-9,21)

- Le délai de grâce : l’ange et le petit livre ; les deux témoins (Ap 10,1-11,14)

- La septième trompette (Ap 11,15-19)

Loin de décrire une suite chronologique d'événements historiques, ce septénaire se présente comme

une méditation continue, renouvelée et approfondie du mystère du Christ révélé dans l'Ancien et dans

le Nouveau Testament.

1 LA VISION INAUGURALE (Ap 8,2-5)

Cette vision inaugurale est bien plus courte que celle du septénaire précédent. Elle débute au v. 2 par

celle de sept anges se tenant devant Dieu, à qui sont remis sept trompettes. 2Et je vis les sept anges qui se tiennent devant Dieu. Il leur fut donné sept trompettes.

Ce sont les "anges de la face", bien connus du judaïsme intertestamentaire, qui se tiennent devant la

face de Dieu et qui sont à son service. Ici, ils reçoivent une mission identique : devenir les trompettes

de Dieu, annoncer son intervention.

Mais avant que ces sept anges n’entrent en action, au v. 3, un 8ème

ange, différent des sept premiers

anges, intervient pour venir offrir à l’autel des parfums. Puis en 8,5, il interrompt sa célébration pour

prendre des charbons sur l’autel et les jeter sur la terre. 3Un autre ange vint se placer près de l'autel.

Il portait un encensoir d'or, et il lui fut donné des parfums en grand nombre, pour les offrir avec les

prières de tous les saints sur l'autel d'or qui est devant le trône. 4Et, de la main de l'ange, la fumée des

parfums monta devant Dieu, avec les prières des saints. 5L'ange prit alors l'encensoir, il le remplit du feu de l'autel et le jeta sur la terre : et ce furent des

tonnerres, des voix, des éclairs et un tremblement de terre.

Les versets 3-5 jouent le même rôle que les chapitres 4-5 par rapport au septénaire des sceaux. Comme

dans ces deux chapitres, l’auteur nous met en présence d’une liturgie céleste et solennelle : l’encensoir

d'or, les parfums en abondance, leur fumée, l’autel d’or. Dans cette liturgie, la prière est celle de tous

les saints deux fois nommée en 8,3 et 8,4. Cette prière a déjà été évoquée en 5,8 par les 24 anciens et

en 6,10 par les âmes de ceux qui ont été égorgées et qui résident sous l’autel.

On peut constater le changement de mouvement qui s’opère : alors que la fumée des parfums monte

devant Dieu avec la prière des saints (8,4), soudainement le feu du ciel va descendre sur terre. Il y a

une interruption du sens de la communication qui ne va plus de bas en haut mais de haut en bas. Le

monde de Dieu descend sur terre et c’est pour cela qu’apparaissent éclairs, tonnerre et tremblement de

terre (8,5). Lorsque Dieu vient, lorsqu'il devient homme, il se produit un chamboulement considérable.

Cette venue est comparée à un feu répandu sur la terre, selon une image utilisée par Jésus lui-même :

C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! (Lc

12,49)

2 LES SIX PREMIÈRES TROMPETTES (Ap 8,6-9,21)

Aussitôt après l’intervention de l’ange, les trompettes vont sonner. Dans l’Ancien Testament, il s'agit

du shofar, de la corne de bélier, qui appelle au combat (Jr 4,5), annonce la venue de YHWH (Jl 2) et

retentit lors des théophanies (Ex 19,16). Elles sont à la fois signe de jugement et signe de salut.

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21 Les quatre premières trompettes (Ap 8,7-13)

211 Des fléaux d’ordre cosmique

Les quatre principaux éléments de l’univers terrestre sont touchés : la terre et sa végétation (v. 7), la

mer et toutes ses créatures (vv. 8-9), les fleuves et les sources d’eau (vv. 10-11), les astres du ciel (v.

12). C’est tout l’univers terrestre qui est touché. L’homme le sera à la sonnerie de la 5ème

trompette. La

création n’est cependant pas vouée à la destruction : pour chacune des catégories (il y en a douze), il

n’y a que le tiers qui est affecté. Ceci montre le caractère limité de la destruction.

212 Le lien entre les trompettes et les plaies d’Egypte

On peut noter le lien de ces trompettes avec les plaies d’Égypte :

- La 1ère

trompette (v. 7) rappelle la 7ème

plaie (la grêle) : "Le Seigneur fit pleuvoir de la grêle sur le

pays d’Egypte. Il tomba de la grêle et le feu se mêlait avec la grêle". (Ex 9,23-24)

- La 2ème

trompette (v. 8) rappelle la 1ère

plaie (le Nil rouge) : "Toutes les eaux du fleuve furent

changées en sang. Les poissons qui étaient dans le fleuve périrent". (Ex 7,20-21)

- La 3ème

trompette (vv. 10-11) évoque davantage l’épisode de Mara : "Ils ne purent pas boire l’eau de

Mara parce qu’elle était amère". (Ex 15,23)

- La 4ème

trompette (v. 12) évoque la 9ème

plaie (les ténèbres) : "Moïse étendit sa main vers le ciel ; et il

y eut d’épaisses ténèbres dans tout le pays d’Egypte pendant trois jours". (Ex 10,21-23)

La différence la plus notable avec les plaies d'Égypte est l'insistance permanente sur le "tiers". Ce n'est

à chaque fois que le tiers de la création qui est touché. Et même quand le tiers n'est pas mentionné,

comme la végétation, c'est uniquement la végétation verdoyante qui flambe. Vu le solide enracinement

de Jean dans les traditions de l’Exode, il faut bien comprendre que cette description a d’abord une

fonction théologique : Jean annonce à ses contemporains une libération semblable à celle du

peuple hébreu. La perspective générale est donc celle d'un salut.

Le renvoi au Dieu créateur et libérateur rend compte d'une présence de Dieu dans toutes les

vicissitudes du cosmos. La bonté du Créateur et de la créature reste intacte malgré tant de signes

contraires. Il s'agit bien de tenir dans l'épreuve, envers et contre toute tentation de désespoir sur les

autres et sur soi.

En 8,13 le septénaire prend une nouvelle tournure avec l’apparition de l’aigle entre la quatrième et la

cinquième trompette. 13

Alors je vis : Et j'entendis un aigle qui volait au zénith proclamer d'une voix forte : Aïe ! Aïe ! Aïe

aux habitants de la terre, à cause des sonneries de trompettes des trois anges qui doivent encore

sonner !

Cet aigle mystérieux ne prononce pas une malédiction mais une plainte trois fois répétée : “Aïe”. Cette

exclamation est la retranscription la plus simple du grec ouai ouai qui décalque elle-même le mot

hébreu ouye. L'irruption du chiffre trois montre bien qu'il s'agit d'une intervention divine. La

compassion qui s'exprime par ces trois cris devance les mots qui vont être décrits.

22 La cinquième trompette (Ap 9,1-12)

Lire le texte… - Cette cinquième trompette ouvre sur une vision où la symbolique est inverse de celle

de 8,2-5 : le puits (4 fois) à la place de l'autel, la fumée (4 fois) du puits au lieu de l'encens provenant

de la prière des saints, la fournaise au lieu de l'encensoir. Les images traditionnelles s'enchaînent et les

descriptions prennent un tour fantastique et finalement tout ce bagage extraordinaire se révèle d'une

relative pauvreté significative.

Les quatre premiers fléaux ont touché le tiers des éléments de l’univers terrestre. La cinquième

trompette va entraîner des répercussions directes sur l’humanité (vv. 4.5.6.7.8.10) alors que le reste de

la création ne sera pas touché (v. 4).

Cet épisode est dominé par les figures de l’ange déchu (9,1) et des sauterelles (9,3) qui sont présentées

comme les instruments monstrueux du jugement dernier. Mais ils n'en sont que l'annonce.

Le pouvoir que possèdent l'ange déchu et les sauterelles sur l'humanité comprend les deux

caractéristiques suivantes :

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- D'une part, il est très limité et il n'est pas absolu :

Ils ne peuvent toucher ni la création ni les hommes marqués du sceau : 4Il leur fut défendu de faire aucun tort à l'herbe de la terre, à rien de ce qui verdoie, ni à aucun arbre,

mais seulement aux hommes qui ne portent pas sur le front le sceau de Dieu. (9,4)

Ils n’ont pas le pouvoir de donner la mort mais uniquement de faire souffrir et la durée de leur pouvoir

est brève : cinq mois – 12 moins 5 (vv. 5.10) : 5Il leur fut permis non de les faire mourir, mais d'être leur tourment cinq mois durant. (9,5)

- D'autre part, il est seulement dérivé et concédé pour un temps :

Il lui fut donné… Il leur fut défendu… Il leur fut permis… (9,1.3.5)

Au v. 11, Abaddôn désigne une puissance de mort, à découvert devant Dieu, limitée et contrôlée.

Appolyôn signifie quant à lui "destruction".

L'ensemble du texte exprime la ferme conviction d'une réalité incontournable du mal et de ses ravages,

de leur caractère inexplicable mais encore plus de leur pouvoir limité. L'insistance sur le tiers, les

références à l'Exode, les limites aux dégâts infligés lors de cette 5ème

trompette manifestent une donnée

essentielle : le mal, si réel et tangible soit-il, n'est ni le premier ni le dernier mot de cette vision du

monde et de l'histoire. Le mal et la mort en ce monde ne pourront jamais étouffer la vie que Dieu

donne.

23 La sixième trompette (Ap 9,13-21)

Avec l'annonce de la sixième trompette, on assiste à une nouvelle intensité dramatique : de mystérieux

envahisseurs montant d'un Orient fabuleux vont se déchaîner contre l'humanité. La gravité du fléau va

s’accentuer car maintenant, c’est le tiers de l’humanité qui va périr : 15

On libéra les quatre anges qui se tenaient prêts pour l'heure, le jour, le mois et l'année où ils

devaient mettre à mort le tiers des hommes… 18

Par ces trois fléaux, le feu, la fumée et le soufre, que

vomissaient leurs bouches, le tiers des hommes périt. (9,15.18)

L’expression deux myriades de myriades (9,16) qui donne 2 X 10 000 X 10 000 soit deux cent

millions renvoie à un chiffre très important (non réel bien sur !).

Cette trompette annonce que le jugement de Dieu se réalisera d'une manière telle que nul homme ne

peut empêcher, ni même imaginer.

L’épilogue (9,20-21) nous montre bien que même à ce moment ultime, le châtiment doit être compris

comme un dernier avertissement. 20

Quant au restant des hommes, ceux qui n'étaient pas morts sous le coup des fléaux, ils ne se

repentirent pas des œuvres de leurs mains, ils continuèrent à adorer les démons, les idoles d'or ou

d'argent, de bronze, de pierre ou de bois, qui ne peuvent ni voir, ni entendre, ni marcher. 21

Ils ne se

repentirent pas de leurs meurtres ni de leurs sortilèges, de leurs débauches ni de leurs vols.

Il est encore temps de se repentir en se détournant des idoles et de toutes dépravations.

3 LE DÉLAI DE GRÂCE (Ap 10,1-11,14)

Ces deux chapitres introduisent une pause dans le déroulement des trompettes. Après les six premières

trompettes et la conclusion de la sixième, on aurait pu attendre l’annonce de la septième et dernière

trompette dont le fléau aurait pu être encore plus catastrophique. Cependant cette septième trompette

est reportée en 11,15.

Finalement, comme pour le septénaire des sceaux, le crescendo de la destruction s’arrête au sixième

élément du septénaire. Comme il l’avait fait au chapitre 7, Jean nous présente avec ces chapitres 10-11,

une vision non équivoque du salut, pleine d’espérance alors qu’au vu de la conclusion du chapitre 9,

on aurait été en droit d’attendre l’inverse. De même, il nous livre une réflexion sur la mission

prophétique qui lui est confiée.

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Pour I. Donegani, "Ap 10 et Ap 11 constituent les deux faces d'un unique scénario visant à mettre en

valeur le ministère prophétique : ce qu'Ap 10,1-11 dit de la vocation personnelle de Jean, Ap 11,1-14

l'applique à la mission, prophétique elle aussi, des deux témoins"1.

31 La seconde investiture prophétique de Jean (Ap 10,1-11)

La scène du chapitre 10 ne manque pas de grandeur ni de solennité. Et une fois de plus, il convient de

se reporter aux textes prophétiques qui constituent la base sur laquelle une partie du chapitre 10 a été

rédigée : Dn 12,4-8 et Ez 2,8-10 ; 3,1-3.

La lecture du chapitre 10 pose plusieurs questions : quelle est l'identité de l'ange qui apparaît en 10,1 ?

Quelle est la nature du petit livre qu'il tient dans sa main droite ? Quel est le contenu des voix des sept

tonnerres ? Pourquoi Jean doit-il se taire ? Que signifie la remise du petit livre et la nouvelle mission

confiée à Jean ?

311 La vision de l'ange puissant (vv. 1-4)

1Et je vis un autre ange puissant qui descendait du ciel. Il était vêtu d'une nuée, l'arc sur sa tête, son

visage était comme le soleil, et ses pieds comme des colonnes de feu. 2Il tenait dans la main un tout

petit livre ouvert. Il posa le pied droit sur la mer, le pied gauche sur la terre, 3et cria une voix forte,

comme rugit un lion. Quand il eut crié, les sept tonnerres firent retentir leurs voix. 4Et quand les sept

tonnerres eurent retenti, comme j'allais écrire, j'entendis une voix qui, du ciel, me disait : marque du

sceau ce qu'ont dit les sept tonnerres et ne l'écris pas. (10,1-4)

Aucun autre ange de l'Apocalypse n'est décrit aussi glorieusement. Il est enveloppé d'une nuée comme

le Fils de l'Homme de Dn 7,13. Un arc-en-ciel entoure sa tête, il est donc messager d'Alliance. Son

visage est comme le soleil, comme le visage du Fils de l'Homme de Ap 1,16. Ses pieds sont comme

des colonnes de feu, ce feu que le Christ est venu jeter sur terre. Il a un pied sur la terre et un pied sur

la mer, il a donc autorité sur toute la création. Il crie comme régit un lion : c'est bien la voix de Dieu, le

Christ, le lion de la tribu de Juda.

L'ange tient dans sa main un "tout petit livre" ouvert. L'expression traduit le grec biblaridion qui est un

diminutif de biblarion, lui-même un diminutif de biblion ! C’est donc un tout petit livre. On le retrouve

aux vv. 2.9.10. Ce livre, "c'est l'Évangile, que Jésus porte sur la terre, prêche et annonce"2.

Les sept tonnerres, sans doute à rapprocher des sept mentions de la voix de Dieu dans le Psaume 29,

attestent l'authenticité et la plénitude de cette révélation. Ils sont la voix du Père qui vient sceller le

message.

Enfin, l'interdiction d'écrire du v. 4 se justifie, selon JP Charlier par le fait que "la révélation est

ineffable et indescriptible. Dieu annonce sa présence personnelle dans et par le message du petit livre

mais, si celui-ci est bel et bien lisible, puisque ouvert, il ne peut exprimer dans des mots la totalité de

cette présence"3.

Pour E. Bianchi, l'interdiction d'écrire concerne ce que les sept tonnerres ont dit car "pour le salut,

l'Evangile suffit : les tonnerres ne doivent pas être expliqués"4.

312 Le serment de l'ange (vv. 5-7)

5Et l'ange que j'avais vu debout sur la mer et sur la terreleva la main droite vers le ciel

6et jura, par celui qui vit pour les siècles des siècles, qui a créé le ciel et ce qui s'y trouve, la terre et ce

qui s'y trouve, la mer et ce qui s'y trouve : il n'y aura plus de délai. 7Mais aux jours où l'on entendra

le septième ange, quand il commencera de sonner de sa trompette, alors sera l'accomplissement du

mystère de Dieu, comme il en fit l'annonce à ses serviteurs les prophètes. (10,5-7)

La fin du verset 6 annonce qu'il n'y aura plus de délai, mais en fait nous sommes au cœur d'un délai,

puisque la sonnerie de la dernière trompette a été différée.

L'accomplissement est annoncé : ce n'est pas une succession d'événements mais bien la révélation

dernière qui est la bonne nouvelle que Dieu sauve en Jésus-Christ. C'est en lui que tout est dit et

c'est ce qui était annoncé par la bouche des prophètes.

1 I. DONEGANI, À cause de la Parole de Dieu et du témoignage de Jésus, 388. 2 E. BIANCHI, Le monde sauvé, commentaire de l'Apocalypse de Jean, 184-185. 3 J.P. CHARLIER, L'Apocalypse, 237. 4 E. BIANCHI, Op. Cit. 186.

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L'accomplissement d'un événement excède ce que l'on peut en dire ou écrire. Se lit ici un

enseignement qui invite tout simplement à vivre, à se confier à Dieu à travers les événements.

L'abondance des images ne devrait pas occulter ce message.

313 La nouvelle mission confiée à Jean (vv. 8-11)

8Et la voix que j'avais entendue venant du ciel me parla de nouveau et dit : Va, prends le livre ouvert

dans la main de l'ange qui se tient debout sur la mer et sur la terre. 9Je m'avançai vers l'ange et le

priai de me donner le petit livre. Il me dit : Prends et mange-le. Il sera amer à tes entrailles, mais dans

ta bouche il aura la douceur du miel. 10

Je pris le petit livre de la main de l'ange et le mangeai. Dans

ma bouche il avait la douceur du miel, mais quand je l'eus mangé, mes entrailles en devinrent amères. 11

Et l'on me dit : Il te faut à nouveau prophétiser sur des peuples, des nations, des langues et des rois

en grand nombre.

Jean est invité à prendre le livre qui contient l'annonce du salut et du jugement de Dieu confié à la

prédication prophétique. La scène inspirée d'Ez 2,8-3,3 montre que comme jadis pour le prophète

exilé, "amertume et douceur caractérisent les deux versants de la parole prophétique : elle est parole

de jugement difficile à entendre et assimiler, mais elle est aussi parole de salut, qui apporte bonheur et

réconfort"5. Jean est appelé à prophétiser (v. 11) et prophétiser, ce n'est pas annoncer l'avenir mais

proclamer l'actualité de la Parole de Dieu qui est grâce et jugement.

L'appropriation du mystère du Christ par le croyant dans l'Église ne peut se faire sans la manducation

du Livre, de la Parole.

32 Les deux témoins (Ap 11,1-14)

Selon plusieurs exégètes, le texte d’Ap 11,1-14 représente peut-être l’énigme la plus grande de tout

l’ouvrage.

321 L’action prophétique de mensuration (vv. 1-2)

1Alors on me donna un roseau semblable à une règle d'arpenteur, et l'on me dit : Lève-toi et mesure le

temple de Dieu et l'autel et ceux qui y adorent. 2Mais le parvis extérieur du temple, laisse-le de côté et

ne le mesure pas, car il a été livré aux nations qui fouleront aux pieds la cité sainte pendant quarante-

deux mois. (11,1-2)

Au chapitre 10, l’ordre a été donné à Jean de manger et de prophétiser. Ayant assimilé le petit livre, il

est maintenant à même d’entrer comme acteur dans le déroulement de l’histoire du salut. Il est appelé à

poser un geste prophétique complémentaire de celui de la manducation.

Le second impératif, "mesure" introduit au cœur de l’action. Jean s’inspire sans doute d’Ez 40,3ss où

un personnage angélique va mesurer le temple futur. Quel sens attribuer à ce geste ? Le contexte d’Ap

11 invite à comprendre la mensuration comme un acte de préservation et de protection divine. Il ne

s’agit pas d’une protection physique ou matérielle mais de l’assurance d’être entre les mains de Dieu

dont le plan de salut pour ses élus est certain.

Par cet acte de mensuration divine dont Jean est l’instrument, s’opère une séparation entre deux

sphères, deux aires d’action : celle de Dieu, sainte et inviolable et celle des nations vouée à l’idolâtrie

et à la souillure.

Le temple de Dieu que Jean est appelé à mesurer symbolise sans doute la communauté chrétienne,

temple, autel et adorateurs étant pour ainsi dire les représentants de cette communauté. Le temple est,

en effet, une image assez classique de l'Église dans le christianisme primitif. Il représente la

communauté chrétienne que les attaques du dragon ne sauraient atteindre.

Quant au verset 2b, il ne renvoie sans doute pas d’abord ni à un fait historique ni à une prédiction. Il

signifie simplement que le mal, présent et actif dans l’histoire humaine, ne peut détruire cette part

sacrée et protégée de Jérusalem, cité sainte. Le chiffre de 42 mois soit 1260 jours (ou trois ans et demi)

est emprunté à Daniel 7,25 ; 9,27 et 12,7. C'est la durée de l'interdiction du culte sous Antiochus

Epiphane. Ce chiffre renvoie donc à un temps d'épreuve mais aussi à un temps où Dieu va manifester

son secours. En un mot, c'est le temps de l’Église et de l’histoire du salut. Il est ce temps où

coïncident mystérieusement forces négatives et positives. C’est le temps durant lequel doivent

5 J.P. PREVOST, L'Apocalypse de Jean, 98.

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s’exercer le discernement, la vigilance et la sereine fidélité des deux témoins dont l’histoire s’ouvre à

partir du verset 3.

322 L’activité des deux témoins (vv. 3-6)

3221 Les caractéristiques de ces témoins (v. 3) 3Et je donnerai à mes deux témoins de prophétiser, vêtus de sacs, mille deux cent soixante jours.

- Ils sont “deux” : c’est là le rappel d’une exigence caractéristique du témoignage biblique : la

nécessité, pour assurer la solidité et l’objectivité, de la présence d’au moins deux témoins (loi de Nb

35,30 : « un seul témoin ne suffira pas »).

- Ils prophétiseront : leur témoignage est prophétique. Il s’agit bien de savoir lire et discerner la

présence de Dieu à l’œuvre dans l’histoire et le temps, de pouvoir lire, derrière l’échec apparent du

bien, la victoire de l’agneau et la récompense promise aux vainqueurs, fidèles dans l’épreuve.

- Ils sont enveloppés de sacs : la symbolique d’un tel habit de pénitence (Is 20,2 ; Jr 6,26 ; Jon 3,5-8)

invite à considérer leur prédication comme un appel à la conversion.

- La durée de leur ministère prophétique est de mille deux cent soixante jours jours soit 42 mois, la

durée de l’épreuve eschatologique annoncée en Ap 11,2.

3222 Les deux images des oliviers et des chandeliers (v. 4) 4Ce sont les deux oliviers et les deux chandeliers qui se tiennent devant le Seigneur de la terre.

Ap 11,4 Za 4,2-3.11

Ce sont les deux oliviers et les deux chandeliers

qui se tiennent devant le Seigneur de la terre

J’ai une vision : c’est un chandelier tout en or…

A ses côtés, deux oliviers… Que représentent ces

deux oliviers à droite et à gauche du chandelier ?

L’auteur nous présente ces deux témoins à partir de la vision de Za 4 qu’il utilise avec liberté et

créativité. Que signifient les images des oliviers et des chandeliers ?

- Les oliviers :

Chez Zacharie, les deux oliviers entourent le chandelier (4,3) et représentent les deux oints du

Seigneur : sacerdotal (le grand-prêtre Josué) et royal (le descendant de David, Zorobabel).

Jean applique indistinctement cette image aux deux témoins, chacun étant à la fois “prêtre” et “roi”.

Plusieurs fois, Jean affirme le caractère royal et sacerdotal des Chrétiens rachetés dans le sang de

l’agneau (Ap 1,6 ; 5,10 ; 20,6).

- Les chandeliers :

Zacharie ne mentionne qu’un seul chandelier muni de sept branches (4,2). Celui-ci représente à la fois

YHWH dont la lumière brille sans cesse et le peuple qui doit être lumière comme l’est YHWH.

En appliquant un tel symbolisme aux deux témoins, Jean lit la mission de l’Église dans cette même

perspective : celle de porter la lumière de Dieu sur terre, lumière de l’Agneau immolé, debout.

Pour réaliser sa mission essentielle et urgente, elle a besoin du témoignage prophétique des Chrétiens,

chandeliers reflétant la lumière de l’Agneau et de Dieu, éclairant les ténèbres de l’histoire.

C'est cette mission de témoignage de l'Église que l'auteur de l'Apocalypse met en valeur :

Elle crie de toutes ses forces son indignation et sa colère face au mal, mais surtout, elle clame son

espérance en la présence victorieuse et lumineuse de l'agneau... L'Apocalypse radicalise ce thème et

lui donne un caractère absolu en le situant dans un contexte conflictuel, celui de l'opposition entre le

Royaume de Dieu et les forces du mal incarnées par les ennemis intérieurs et extérieurs de l'Église.6

3223 L’invincibilité des témoins (vv. 5-6) 5Si quelqu'un veut leur nuire, un feu sort de leur bouche et dévore leurs ennemis. Oui, si quelqu'un

voulait leur nuire, ainsi lui faudrait-il mourir. 6Ils ont pouvoir de fermer le ciel, et nulle pluie n'arrose

les jours de leur prophétie. Ils ont pouvoir de changer les eaux en sang et de frapper la terre de maints

fléaux, autant qu'ils le voudront.

Ils évoquent les grandes figures de l’ancienne Alliance : Élie et Moïse.

6 P. POUCOUTA, La mission prophétique dans l'Apocalypse, 57.

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- La figure d’Elie :

Ap 11 Elie Si quelqu'un veut leur nuire,

un feu sort de leur bouche et dévore leurs ennemis.

(Ap 11,5)

Élie répondit au cinquantenier : si je suis un homme

de Dieu, qu'un feu descende du ciel et te dévore, toi

et ta cinquantaine, et un feu descendit du ciel et le

dévorera, lui et sa cinquantaine. (2 R 1,10)

Ils ont pouvoir de fermer le ciel,

et nulle pluie n'arrose les jours de leur prophétie.

(Ap 11,6)

Élie dit à Achab : par la vie du Seigneur… il n'y aura

pas ces années-ci ni rosée, ni pluie sinon à ma parole.

(1 R 17,1)

Ils entendirent une voix forte qui du ciel leur disait :

montez ici. Et ils montèrent au ciel dans la nuée

sous les yeux de leurs ennemis. (Ap 11,12)

Voici qu’un char de feu et des chevaux de feu les

séparèrent l’un de l’autre ; Elie monta au ciel dans la

tempête. (2 R 2,11)

- La figure de Moïse :

Ap 11 Moïse Ils ont pouvoir de changer les eaux en sang et de

frapper la terre de maints fléaux. (Ap 11,6)

Je vais frapper les eaux du fleuve avec un bâton que

j'ai en main et elles se changeront en sang. (Ex 7,17)

Ainsi parle le Seigneur… : j’enverrai tous mes fléaux

… afin que tu connaisses que nul n’est comme moi

sur toute la terre. (Ex 9,13-14)

Ces deux versets présentent les deux témoins comme investis du pouvoir de Moïse et d’Elie, c’est-à-

dire de la Loi et des Prophètes. Ils participent à l'autorité divine et à celle du Christ et ils viennent

prolonger l’œuvre prophétique et salvifique de ces grandes figures de l’ancienne alliance.

Ils sont les nouveaux Élie et Moïse auxquels Dieu accorde protection et liberté tout au long de leur

ministère prophétique. Ils détiennent un pouvoir souverain “autant qu’ils le voudront”, à proportion de

l’urgence et de l’importance de leur mission.

Ils représentent les serviteurs de Dieu et responsables de son peuple aussi bien selon les « types » du

Premier Testament que selon les « types » assumés par les disciples de Jésus.

323 La persécution et la mort des témoins (vv. 7-10)

7Mais quand ils auront fini de rendre témoignage, la bête qui monte de l'abîme leur fera la guerre, les

vaincra et les fera périr. 8Leurs corps resteront sur la place de la grande cité qu'on nomme

prophétiquement Sodome et Egypte, là même où leur Seigneur a été crucifié. 9Des peuples, des tribus,

des langues et des nations, on viendra pour regarder leurs corps pendant trois jours et demi, et sans

leur accorder de sépulture. 10

Les habitants de la terre se réjouiront à leur sujet, ils seront dans la joie,

ils échangeront des présents, car ces deux prophètes leur avaient causé bien des tourments.

Le temps du témoignage est aussi celui de la persécution et même si rien ne peut nuire aux témoins, ils

n’en sont pas moins exécutés (v. 7). La protection divine dont jouissent les prophètes n’implique

nullement qu’ils ne subiront ni injures, ni vexations, ni tortures, ni mise à mort !

On a ici la première mention de la Bête (11,7) qui réapparaîtra en 13,1 et qui tiendra la vedette

jusqu’en 20,10. Jean nous fournit dans ce passage plusieurs éléments nous permettant de décoder ce

symbole :

- Son origine (v. 7) : cette bête vient de l’abîme, séjour des puissances démoniaques. En 13,1 elle vient

de la mer, patrie du mal, du chaos et du péché dans la symbolique biblique et mythique.

- Son action (v. 7) : elle fait la guerre, elle vainc et elle fait périr. L'issue du combat n'est guère

réjouissante. Cependant, cette victoire de la bête n'est qu'éphémère.

Tout est donc allé très vite. La rage dévastatrice de la Bête a rayé les témoins de la liste des vivants. En

théologien qui ne peut glisser sur un événement si lourd de sens, Jean interrompt maintenant le

déroulement de l'intrigue. Il offre à son lecteur le loisir de prendre la mesure du drame qui vient de se

jouer. Aux versets 8-10, son gros plan sur les cadavres, la ville et l’attitude de ses habitants veut lui

permettre d’ouvrir les yeux de ses lecteurs et de leur ouvrir l’intelligence pour décoder images et

symboles.

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324 La résurrection des témoins (vv. 11-13)

11Mais après ces trois jours et demi, un souffle de vie, venu de Dieu, entra en eux et ils se dressèrent.

Alors une grande frayeur tomba sur ceux qui les regardaient. 12

Ils entendirent une voix forte qui, du

ciel, leur disait : Montez ici. Et ils montèrent au ciel dans la nuée, sous les yeux de leurs ennemis. 13

A

l'heure même, il se fit un violent tremblement de terre, le dixième de la cité s'écroula et sept mille

personnes périrent dans cette catastrophe. Les survivants, saisis d'effroi, rendirent gloire au Dieu du

ciel.

Il s’agit maintenant dans ces versets d’une affirmation de foi, qui désormais porte sur le versant

lumineux de la destinée des martyrs : leur victoire attendue et célébrée. La persécution n'a jamais le

dernier mot dans une histoire qui est aussi histoire de salut.

325 Les deux témoins ou la mission prophétique des Chrétiens

Choisis et protégés par Dieu et en même temps menacés et poursuivis par la Bête, les deux témoins ont

pour vocation d’être prophètes, d’annoncer aux hommes une parole de lumière et de feu : la Parole de

Dieu et le Témoignage de Jésus, leur Seigneur crucifié. Rien ne peut empêcher leur témoignage : ni les

persécutions, ni la mort. Réduits au silence, les témoins parlent encore par leurs cadavres exposés à la

face de la terre entière. Face à tous ceux qui voudraient nier la réalité de cet assassinat d’hommes

justes et innocents, Dieu va le prouver en ressuscitant ses témoins et en leur donnant la récompense

promise au vainqueur.

Alors qui sont ces témoins ? Les exégètes demeurent très divisés en ce qui concerne leur identification.

Certains pensent qu’il s’agit de personnages purement symboliques et d’autres considèrent qu’ils

correspondent à des figures historiques précises.

1- Des figures historiques : Élie et d’Hénoch, Élie et Jérémie ou Élie et Moïse. Josué et Zorobabel,

Aggée et Zacharie, Esdras et Néhémie, deux prophètes judéo-chrétiens martyrisés par les troupes de

Titus ou encore Pierre et Paul.

2 Des figures symboliques : les évocations multiples proposées par Jean ne veulent pas fermer son

interprétation mais inviter à voir dans les deux témoins des personnages symboliques, des figures

collectives, "l’image de la mission prophétique des témoins de l’Église dans le monde"7.

Les deux témoins ne sont pas des figures du passé. Tout nous invite à penser qu’ils figurent et

désignent tous les témoins de Jésus, en premier lieu pourtant les martyrs, fidèles à la Parole de Dieu et

au témoignage jusqu’à donner leur vie.

Ils représentent bien l’Eglise chargée d’annoncer l’Evangile.

4 LA SEPTIÈME TROMPETTE (Ap 11,15-19)

Ap 10,7 annonçait la dernière trompette comme le moment de “l’accomplissement du mystère de

Dieu”. En 11,15, ce qui était annoncé se réalise. En célébrant la venue du règne, le verset 15 proclame

l’accomplissement du mystère de Dieu : 15

Le septième ange fit sonner sa trompette : il y eut dans le ciel de grandes voix qui disaient : Le

royaume du monde est maintenant à notre Seigneur et à son Christ ; il régnera pour les siècles des

siècles.

L’attitude des 24 anciens (vv. 16-17) renvoie également à la bonne nouvelle qui vient de retentir,

“Dieu a établi son règne” : 16

Les vingt-quatre anciens qui, devant Dieu, siègent sur leurs trônes tombèrent face contre terre et

adorèrent Dieu 17

en disant : Nous te rendons grâce, Seigneur Dieu tout-puissant, qui es et qui étais,

car tu as exercé ta grande puissance et tu as établi ton Règne.

Le v. 18 permet de récapituler la double portée de l’avènement du Règne de Dieu :

18Les nations se sont mises en colère, mais c'est ta colère qui est venue. C'est le temps du jugement

pour les morts, le temps de la récompense pour tes serviteurs les prophètes, les saints et ceux qui

craignent ton nom, petits et grands, le temps de la destruction pour ceux qui détruisent la terre.

7 E. COTHENET, Prophétisme, DBS, fasc. VIII, (1972), col. 1329-1331.

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L'action de Dieu est ici décrite selon la règle "mesure pour mesure" ou "œil pour œil". A la colère des

nations répond celle de Dieu. On retrouve celle-ci dans l'Evangile :

C'est la mesure dont vous vous servez qui servira de mesure contre vous. (Mt 7,2)

Mais la colère de Dieu est d'une toute autre nature. En faisant justice au Christ et en le ressuscitant, elle

anéantit la source de toute colère : la mort est morte et la destruction est détruite.

Il y a donc bien un temps de la colère (colère des nations, colère de Dieu), qui est aussi le temps du

jugement pour les morts et le temps de détruire ceux qui détruisent la terre (vv. 18a et d).

Et puis, il y a le temps de la récompense pour “les serviteurs, les prophètes, ceux qui craignent le nom

du Seigneur” (vv. 18b et c).

Ce septénaire s’achève donc par un chant de triomphe en faveur du Seigneur et de son Christ

qui est nommé pour la 1ère

fois (v. 15)

Cette trompette inaugure quelque chose dans l’histoire des hommes. La grande affirmation de ce

septénaire et de l’Apocalypse concernant le royaume, c’est qu’il est déjà établi et qu’il ne faut donc

pas attendre son établissement. Si on attend, c’est qu’il est déjà là.

Le v. 19 sert de conclusion non seulement au chapitre 11 mais à tout le septénaire. 19

Et le temple de Dieu dans le ciel s'ouvrit, et l'arche de l'alliance apparut dans son temple. Alors il y

eut des éclairs, des voix, des tonnerres, un tremblement de terre et une forte grêle.

La dernière mention des “éclairs, des voix, des tonnerres, du tremblement de terre” renvoie au début

du deuxième septénaire (8,5). Il s’achève ainsi comme il avait commencé, avec une scène céleste,

illuminée par la présence de Dieu à son peuple.

Lorsque Dieu se révèle comme roi du monde, alors peut être manifestée son intention profonde :

être un Dieu d’Alliance et de rencontre (v. 19).

Plan

INTRODUCTION .............................................................................................................................................................. 78

1 LA VISION INAUGURALE (AP 8,2-5) ..................................................................................................................... 78

2 LES SIX PREMIÈRES TROMPETTES (AP 8,6-9,21) ........................................................................................... 78 21 LES QUATRE PREMIERES TROMPETTES (AP 8,7-13) ........................................................................................................... 79

211 Des fléaux d’ordre cosmique ................................................................................................................................................ 79 212 Le lien entre les trompettes et les plaies d’Egypte ..................................................................................................... 79

22 LA CINQUIEME TROMPETTE (AP 9,1-12) .............................................................................................................................. 79 23 LA SIXIEME TROMPETTE (AP 9,13-21) ................................................................................................................................. 80

3 LE DÉLAI DE GRÂCE (AP 10,1-11,14) ................................................................................................................... 80 31 LA SECONDE INVESTITURE PROPHETIQUE DE JEAN (AP 10,1-11) ................................................................................... 81

311 La vision de l'ange puissant (vv. 1-4) .............................................................................................................................. 81 312 Le serment de l'ange (vv. 5-7) ............................................................................................................................................. 81 313 La nouvelle mission confiée à Jean (vv. 8-11) .............................................................................................................. 82

32 LES DEUX TEMOINS (AP 11,1-14) .......................................................................................................................................... 82 321 L’action prophétique de mensuration (vv. 1-2) .......................................................................................................... 82 322 L’activité des deux témoins (vv. 3-6) ................................................................................................................................ 83 323 La persécution et la mort des témoins (vv. 7-10) ...................................................................................................... 84 324 La résurrection des témoins (vv. 11-13) ........................................................................................................................ 85 325 Les deux témoins ou la mission prophétique des Chrétiens .................................................................................. 85

4 LA SEPTIÈME TROMPETTE (AP 11,15-19) ........................................................................................................ 85