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Note d'intention de Georges Aperghis, février 2001 : “Au stade de travail ou je me trouve actuellement, je navigue entre trois élèments : 1) textes extraits des carnets de Leonardo Da Vinci, qui s'interroge sur la peinture, la perspective,etc.... ( comment donner la representation la plus juste de la nature ?.....) 2) fragments du récit d'Ulysse concernant sa descente chez les morts et sa rencontre avec le spectre de sa mère. ( Odyssée ) 3) "Paysage sous surveillance" de Heiner Müller . Ces trois élèments ont en commun quelque chose qui pourrait être le sujet du spectacle : chercher "la representation la plus interessante, la plus riche de l'irrépresentable". On assistera alors à des multiples tentatives à donner corps à une musique, une phrase de texte, une ombre. Les musiciens (deux clarinetistes, deux violoncelistes, deux pianistes-électronique) -couples-ombres- seront à la fois partie prenante de l'action, de l'image-musique en train de se faire, et aussi les commentateurs,éternels chercheurs d'une representation differente, meilleure, idéale. Pris dans une installation vidéo -cameras de surveillance - théatre d'ombres, ils essaieront de mettre en scène le mieux possible grace à leurs musiques, l'acteur et la danseuse, qui, tantôt obéïront, tantôt deviendront completement incontrolables, comme en circuit fermé. Monde policier, paysage éléctronique, meurtres virtuels, spectres sous surveillance, leçons de perspective : voilà les motifs de cette partition dont la musique devrait irriguer les representations multiples. La forme du spectacle, en spirale, fera naviguer le spectateur dans un univers d'apocalypse comique, lui rapellant combien "notre monde" est devenu irrépresentable : seule l'énergie musicale qui traversera les corps des interprètes (musiciens- acteurs) pourra lui insuffler une vie furtive, lui donner un visage.

Aperghis_Bildbeschreibung

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Note d'intention de Georges Aperghis, fvrier 2001 :Au stade de travail ou je me trouve actuellement, je navigue entre trois lments :1) textes extraits des carnets de Leonardo Da Vinci, qui s'interroge sur la peinture, la perspective,etc.... ( comment donner la representation la plus juste de la nature ?.....)2) fragments du rcit d'Ulysse concernant sa descente chez les morts et sa rencontre avec le spectre de sa mre. ( Odysse )3) "Paysage sous surveillance" de Heiner Mller .Ces trois lments ont en commun quelque chose qui pourrait tre le sujet du spectacle : chercher "la representation la plus interessante, la plus riche de l'irrpresentable".On assistera alors des multiples tentatives donner corps une musique, une phrase de texte, une ombre.Les musiciens (deux clarinetistes, deux violoncelistes, deux pianistes-lectronique) -couples-ombres- seront la fois partie prenante de l'action, de l'image-musique en train de se faire, et aussi les commentateurs,ternels chercheurs d'une representation differente, meilleure, idale.Pris dans une installation vido -cameras de surveillance -thatre d'ombres, ils essaieront de mettre en scne le mieux possible grace leurs musiques, l'acteur et la danseuse, qui, tantt obront, tantt deviendront completement incontrolables, comme en circuit ferm.Monde policier, paysage lctronique, meurtres virtuels, spectres sous surveillance, leons de perspective : voil les motifs de cette partition dont la musique devrait irriguer les representations multiples.La forme du spectacle, en spirale, fera naviguer le spectateur dans un univers d'apocalypse comique, lui rapellant combien "notre monde" est devenu irrpresentable : seule l'nergie musicale qui traversera les corps des interprtes (musiciens-acteurs) pourra lui insuffler une vie furtive, lui donner un visage.

Note d'intention de Peter Missotten Kurt dHaeseleer(go to English Version)Un labyrinthe dobservationCest le texte Bildbeschreibung de Heiner Mller qui constitue pour Georges Aperghis le point de dpart de Paysage sous surveillance . La traduction du titre est loquente : nous sommes ici dans un processus dobservation impitoyable dune image, allant bien plus loin quune camra de surveillance.Mller scanne limage dans ses dtails les plus intimes, jusqu la mettre en mouvement. Mais son regard perant ne sarrte pas aux faits. Ce qui commence comme la description presque clinique dun tableau dbouche sur un spectacle apocalyptique o aucune certitude nest donne au lecteur.Le monde esquiss par Mller fait penser un film comme the Matrix , o le monde semble rduit ntre quune simple construction, derrire laquelle se cache une tout autre ralit.Il esquisse une maison dans un paysage, o les nuages ont lair dtre suspendus des fils, ou clous sur une planche. Il y a un soleil, qui a peut-tre toujours t l, qui na peut-tre jamais boug. Mller met ce paysage fossilis en mouvement continuel par sa description des personnages du tableau, de ce qui leur est arriv, ou de ce qui pourrait leur tre arriv. Parce que nous ne saurons jamais ce qui se passe rellement.Mller se contente dvoquer des possibilits plus atroces les unes que les autres, et qui, si elles se rejoignent, viennent pourtant aussitt se contredire.Il dcrit une femme mutile qui se tient devant la maison, o semble mugir une tempte, et comment un homme sort de celle-ci en tenant un oiseau mort la main.Cet homme pourrait tre son violeur et son meurtrier. La femme elle-mme pourrait tre ressuscite dentre les morts pour se venger ou pour revivre une fois encore les mmes atrocits. Bildbeschreibung est un texte dur et cruel. Viol, meurtre et mutilation y sont dcrits avec une rserve distante, linstar du dfilement des images dune camra de surveillance, mais finissant par emporter le spectateur dans une spirale apocalyptique dbouchant sur une rsurrection des morts. Et la description dtaille de chaque lment nempche pas le lecteur den savoir chaque fois moins et de perdre toute certitude.En dpit de lobservation, le crime se rpte coup sur coup, latrocit des images va croissant, et nous y comprenons de moins en moins. Cest exactement ce qui se passe dans notre socit obsde par les images. Au plus on en voit, au plus on sy perd en dtails au dtriment dune vision globale.La profusion dimages de lactualit plonge les vnements dans lombre dun spectacle, bien plus quelle nen donne une vision claire.La profusion des camras de surveillances censes garantir la scurit du citoyen savre dune bien maigre utilit ds lors quil sagit dempcher un crime.Zoom extrme sur une image scnique Bildbeschreibung est un texte contemporain pertinent au regard des vnements du 11 septembre, qui ont eu le sinistre mrite de montrer comment notre poque rapproche ralit et fiction. Hollywood semblait avoir sorti son plus terrible scnario, et les multiples rptitions de limage dun avion scrasant sur une tour nont gure apport dexplications au drame.Cest prcisment cette confusion que nous voulons porter la scne. Le texte de Mller revient trois reprises, chaque fois diffrent, mais semant un trouble croissant chez le spectateur. Celui-ci a dabord limpression de bien saisir ce qui se passe sur la scne, mais chaque reprise doit le faire douter davantage de ce qui lui est montr sur la scne, ce qui sy joue, y est projet ou bien simul.Pour atteindre cet objectif, nous voulons faire usage aussi bien de projections classiques que 3D, recourir des montages mlant images en temps rel et images filmes antrieurement, ainsi qu des projections de textes.Le recours tant aux camras dobservation quaux camras infra-rouges actives et passives, permettant de visualiser la chaleur dgage par les corps, devra crer un champ scnique de zooms aigus, dans lequel les images sont dformes et applaties, et oscillent entre ralit et abstraction.La machine observerLapproche de Georges Aperghis suppose que nous ne nous contentions pas de crer un show bien dlimit dimages, mais plutt une machine dobservation manipulable par les acteurs. Laccent que met Aperghis sur le processus-mme de cration et sur limportance de la rptition dans la cration requiert des matriaux dusage flexible, par exemple de minuscules camras de surveillance qui, manipules par les musiciens, lacteur ou la danseuse, sont capables de produire des images stupfiantes.Cest ainsi que nous crerons un thtre dombres contemporain, o des images infra-rouges et des focus extrmes se substitueront aux ombres pour anantir la moindre certitude.Les images feront rfrences lespionnage, et lesthtique ou la non-esthtique des systmes de surveillance. Chacun piera chacun, avec pour rsultat une atmosphre paralysante et claustrophobe. Il se cre une chorgraphie virtuelle pour lre de Big Brother.Au plus on regarde, au moins on sait.Et il se peut aussi que mme ce seul moment, porteur de salut et de la solution menace comme dans le texte de Mller de disparatre entre les autres images. Peut-tre lhomme de Bildbeschreibung faiblit-il au moment du viol, et qu ce moment prcis un oiseau vient planter son bec au sommet de son crne. Mais, comme lcrit Mller, la possibilit existe que personne nait jamais vu cela et que donc cela ne se soit jamais produit.Les spectateurs de Paysage sous surveillance doivent prouver un mme sentiment : quel est ce dtail qui ma chapp, cause duquel je ne puis plus affirmer ce qui dabord me semblait si logique(traduit du nrlandais par Louise De Neef)