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Apprendre à informer les malades atteints de pathologie grave Coordination : Pr Raymond Colin, Dr Lucie Hacpille Ce programme a été réalisé au CHU de Rouen avec le soutien de la Ligue Nationale contre le Cancer et la Conférence des Doyens des Facultés de Médecine

Apprendre à informer les malades atteints de … · et la Conférence des Doyens des Facultés de Médecine. ... Hépatogastroentérologue responsable d’une unité de nutrition

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Apprendreà informerles malades

atteintsde pathologie

grave

Coordination :Pr Raymond Colin, Dr Lucie Hacpille

Ce programme a été réalisé au CHU de Rouen avec le soutiende la Ligue Nationale contre le Cancer

et la Conférence des Doyens des Facultés de Médecine

LES AUTEURS

• Ces documents pédagogiques ont été rédigés (ordre alphabétique) par :

- Raymond COLIN, Hépatogastroentérologue

- Claire GUÉDON, Hépatogastroentérologue responsable d’une unité de nutrition artificielle

- Evelyne GUÉGAN-MASSARDIER, Neurologue

- Isabelle GUEIT, Infectiologue impliquée dans la prise en charge des patients atteints de syndrome d’immuno-déficience acquise

- Lucie HACPILLE, Médecin responsable de l’unité mobile de soins palliatifs

- Danielle LEBORGNE, cadre Infirmier

- Yves MOYNOT, Médecin gériatre

- Michel PETIT, Psychiatre

- Catherine VANHULLE, Pédiatre responsable de consultation génétiqueen clinique pédiatrique

• Ont également contribué à la réalisation des documents :

- les malades, les familles et toutes les personnes soignantes ou non qui ont apporté leur témoignage

- les étudiants de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rouen (promotion DCEM2 2000-2001)

- le service Audiovisuel du CHU de Rouen

- le service Informatique

- Mme Meurisse pour le secrétariat

Réalisation Acalis - Conception Idéuspresse

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AVANT PROPOS

La réalisation d’un programme pédagogique destiné à initier les Étudiants en Médecine du 2e cycle à l’information des malades et de leur famille est une entreprise ambitieuse, peut être pré-somptueuse.

La Conférence des Doyens des Facultés de Médecine, en partenariat avec la Ligue Nationale contrele Cancer a pourtant décidé de soutenir le projet d’une équipe d’Enseignants du CHU de Rouen quiavait relevé le défi.

Le programme est le fruit d’un travail collectif. Son contenu est conçu et organisé pour répondreaux diverses étapes de la “boucle” des apprentissages. Il comporte en effet une liste d’objectifs spé-cifiques, des documents rédigés qui peuvent servir de références, des outils pédagogiques sous formede situations cliniques exemplaires, de documents audiovisuels et de fiches d’évaluation.

Cet ensemble de documents est destiné à la fois aux Enseignants et aux Étudiants. Pour lesEnseignants, les documents sont présentés sous une forme malléable propice à une utilisation à lademande en particulier dans le cadre d’une formation interactive. Pour les Étudiants la liste desobjectifs pédagogiques et les référentiels ont été rédigés afin de guider leur apprentissage. Lesvignettes cliniques et les propositions d’analyse et de solution peuvent constituer des outils d’auto-formation et d’autoévaluation.L’ensemble du programme est proposé sous une forme papier conçue pour être attractive et faciled’accès et en version électronique accessible sur le site de la Faculté de Médecine de Rouen :http://www.chu-rouen.fr/facmed/ Pour les vignettes cliniques et les documents d’évaluation, il aété prévu des feuillets détachables permettant une reproduction en vue d’une utilisation lors d’en-seignement individuel ou en petits groupes.

Ce programme pédagogique comporte également deux vidéocassettes. L’une est consacrée à l’illus-tration d’une séance interactive et d’entretiens avec les étudiants, l’autre regroupe une série detémoignages à propos de l’information des malades en situation de pathologies graves.

Ce programme a été réalisé sous la direction de Raymond COLIN et de Lucie HACPILLE avec lacontribution de Claire GUÉDON, Evelyne GUÉGAN-MASSARDIER, Isabelle GUEIT, DanielleLEBORGNE, Yves MOYNOT, Michel PETIT et Catherine VANHULLE.

Les remerciements s’adressent particulièrement aux malades, à leur famille et à toutes les per-sonnes qui ont accepté d’apporter leur témoignage. Ils s’adressent également aux étudiants enMédecine de 2 e année du deuxième cycle (promotion 2000-2001) de la Faculté de Médecine et dePharmacie de Rouen qui ont accepté d’être enregistrés en situation d’enseignement interactif et derépondre aux questions, à l’équipe du Service Audiovisuel du CHU de Rouen, aux collaborateurs duService Informatique ainsi qu’à Madame Meurisse pour le secrétariat.

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Liste des objectifs 6

PREMIÈRE PARTIE REPÈRES et PROPOSITIONS

1 LE DROIT À LA VÉRITÉ 10

1 . Définitions 102 . Information médicale et société 113 . Le pacte de confiance 124 . Les différents types d’informations :individuelles et collectives 135 . Informations selon les moyens : orales,écrites, mail, fax, téléphone 156 . Repères juridiques sur les droits de la personne humaine 167 . Repères déontologiques sur l’information 198 . Accès au dossier médical 21

2 L’INFORMATION ET LE CONSENTEMENT AUX SOINS 25

1 . Données législatives et difficultés pratiques 252 . Recherche du consentement dans la relationmédecin-malade 263 . Recherche du consentement dans certainesconditions particulières – Gestion des corps et

des vies, soins, recherche et expérimentations,prélèvement d’organes, greffes. 27

3 LE REFUS DE SOINS 29

4 L’ANNONCE DES MAUVAISES NOUVELLES 31

1 . Caractéristiques d’une information optimale 312 . Circulation des informations au sein deséquipes soignantes 333 . La pratique de l’information en fonction du contexte : problématique, contexte juridique éventuel et pratique 39

1- Le cancer 392- Le SIDA 413- La maladie neurologique avec ou

sans détérioration mentale 414- Le sujet âgé 425- L’enfant 446- La psychiatrie 457- Le contexte génétique 478- Le handicap majeur 48

5 LES FONDEMENTS DE L’ÉTHIQUE DEL’INFORMATION DES MALADES 49

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DEUXIÈME PARTIE :VIGNETTES CLINIQUES

1. CANCER 53

1 . Informer au moment du diagnostic 532 . Annonce de l’absence de traitementde la maladie 553 . Le malade exclu du champ de la vérité 574 . Le médecin “médiateur” 59

2 . VIH 61

1 . Infection à VIH et secret médical vis-à-vis de l’entourage 612 . Information et infection à VIH au stade SIDA 63

3 . MALADIES NEUROLOGIQUES 65

1 . Qui, quand et comment informer en cas de maladie neurologique dégénérative avecdétérioration mentale ? 652 . “ Apprendre le diagnostic de sclérose latérale amyotrophique” 673 . Informer un malade atteint d’une maladieneurologique sans détérioration mentale 69

4 . ANNONCE D’UN HANDICAPMAJEUR 71

5. SUJET ÂGÉ 73

1 . “ Informer un sujet âgé” 732 . Informer à propos de la maladie d’Alzheimerchez un sujet âgé institutionnalisé 75

6 .SITUATIONS PÉDIATRIQUES 79

1 . Annonce d’une trisomie 21 79après la naissance d’un enfant 2 . Gérer l’information dans un cas de maladiegénétique chez l’enfant 813 . L’annonce d’une maladie grave chez unenfant de 8 ans 83

7. CONTEXTE PSYCHIATRIQUE HORS SUJET ÂGÉ 85

1. Modalités d’information du diagnostic de schizophrénie 852. Gérer l’information d’un malade atteint de dépression majeure 873. Information en cas de malade dangereuxpour lui-même et pour les autres 89

III - TROISIÈME PARTIE :ÉVALUATION

Lectures conseillées aux étudiants 97

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Liste des objectifspour la formation des étudiantsen médecine du deuxième cycleà l’information des malades

La liste des objectifs d’enseignement est destinée à guider les enseignants et les étu-diants. Il s’agit d’une liste non limitative d’objectifs que les étudiants devraient pou-voir atteindre au terme d’un enseignement se situant dans le deuxième cycle desétudes médicales.

Principes généraux de l’information

LE DROIT A LA VÉRITÉ

• Discuter les caractéristiques de la société actuelle qui définissent le contexte dans lequel s’exerce l’in-formation du malade et sa famille.

• Décrire les composantes de la relation médecin-malade au début du XXIe siècle en France.

• Expliquer les critères qui définissent le pacte de confiance entre le malade et le médecin.

• Identifier les différents types d’informations et leurs principales caractéristiques.

• Préciser la problématique liée à chaque moyen d’information.

• S’informer des repères juridiques et déontologiques sur le droit des malades à la vérité.

• Aborder les composantes du projet de loi concernant l’accès du malade au dossier médical et auxdiverses informations relatives à sa santé et la situation juridique ou jurisprudentielle.

LE CONSENTEMENT AUX SOINS

• Situer le contexte juridique et déontologique dans lequel s’exerce le consentement aux soins en France.

• Identifier la problématique de la recherche du consentement aux soins du malade et de sa famille.

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• Aborder les aspects de la recherche du consentement dans certaines situations particulières (gestiondu corps, recherche et expérimentations, prélèvements d’organes, transplantations).

• Discuter les aspects juridiques et pratiques que posent les situations de refus de soins.

La pratique de l’information

• Décrire les caractéristiques d’une information optimale.

• Préciser les problèmes liés à la circulation de l’information et au respect des secrets, en particulier ausein des équipes soignantes et des réseaux de soins.

• Évaluer les réactions du malade et de sa famille au cours et après une information, et notamment“l’annonce d’une mauvaise nouvelle”.

• Identifier les problèmes liés à des situations spécifiques tenant compte des caractéristiques du malade(âge, état psychique, etc.), de la maladie ainsi que des repères juridiques et déontologiques.

Fondements éthiques de l’information

• Expliquer que l’information se situe dans un conflit de valeurs qui en fait une situation éthique.

• Aborder succinctement les repères moraux, philosophiques et religieux qui peuvent guider les prin-cipes et la pratique de l’information.

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Première partie

Repères et propositions

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Pour faciliter l’acquisition des savoirs dans le domaine del’information des malades et de leur famille, en particulieren cancérologie et lors des autres pathologies graves, il estproposé une série de textes. Ces textes comportent desrepères juridiques et/ou déontologiques et surtout des pro-positions qui s’appuient sur des données provenant depublications, de conférences ou de l’expérience des auteurs.

Dans un domaine où le savoir-être et le savoir-faire sontprédominants, la plupart de ces propositions ne constituepas des vérités intangibles ou des règles à respecter à lalettre. Il s’agit de pistes de réflexions qui devraient per-mettre à chacun d’apprendre progressivement dans dessituations réelles, à informer les malades et leur famille.

1. LE DROIT A LA VÉRITÉ

1) Définitions.

Au début de ce document, il paraît nécessaire de bien définir les mots COMMUNICATION et INFORMA-TION.

COMMUNICATION :Sens général : du latin communicatio : action de faire part; communicare : mettre en commun. Actionde communiquer; résultat de cette action.Aujourd’hui, sous l’effet de la cybernétique, du structuralisme, de la biochimie moléculaire, on entendpar communication toute transmission de structure, tout processus par lequel une information esttransmise.Sens dérivé : la communication des consciences (relation médecin-malade) désigne l’acte par lequel laconscience sort de son individualité pour entrer en rapport de compréhension et de sympathie avec celled’autrui.

INFORMATION :Sens général : renseignements, faits et appréciations. Il existe plusieurs types d'informations.En médecine : informations générales diffusées dans un but de vulgarisation. Informations particulières(c’est à dire destinées à une personne singulière) dans le cadre de la santé et nécessitant de ce fait desdécisions médicales. Ces informations ont lieu dans le cadre d’un rapport interindividuel entre unpatient et un professionnel. Le rapport qui s’instaure entre les deux personnes est fondé sur une com-munication au cours de laquelle le médecin fait connaître au patient son état de santé, les traitementsqui sont envisageables dans son cas “personnel” les résultats auxquels le malade peut s’attendre, lesrisques et/ou les effets secondaires susceptibles de se produire.

REMARQUES :• La nécessité de fournir des informations adaptées à la situation personnelle du patientn’exclut pas pour autant la fourniture d’informations d’ordre général (pathologie,conduite des soins, investigations…)• Il ne faut pas réduire l’information à la “communication”. En effet, de par son état de“malade” le patient se trouve confronté à un système de soins, et chaque professionnelqu’il rencontre produit pour lui de l’information qu’il est nécessaire de synthétiser. Cettecirculation de l’information pose une question fondamentale : celle de la confidentialitéet celle de l’organisation entre les différents acteurs de soins fixant leurs rôles respectifs.• Le fait de fournir des informations à une personne dans le respect de cette personne estdistinct de l’accès du patient aux informations le concernant colligées dans différentsdocuments (notamment dans le dossier médical).

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2) Information médicale et société

Durant les cinq dernières décennies l’exercice médical a vécu plusieurs changements de paradigmes (unparadigme est une référence fondamentale qui justifie l’ensemble des comportements des individus ouceux d’une société dans une époque déterminée) :

1950-1970 Le paradigme de l’explosion de l’efficacité thérapeutique a eu pour corollaire l’accrois-sement du pouvoir médical fondé sur les succès.

1970-1990 Le paradigme de la prise en compte de l’individu marqué par le souci de sa protection etde son épanouissement a vu l’émergence des Comités d’Ethique, de la loi HURIET, de la notion d’utili-té, de la prise en compte des critères de qualité de vie.

1990-2000 Le paradigme de la nécessité de justifier ses décisions s’est instauré (avec un certaindécalage par rapport à l’Amérique du Nord). Il est objectivé par la rédaction des références et recom-mandations (Evidence-based Medicine ou Médecine basée sur les preuves), par la demande de comptepar les malades ou les familles avec multiplication des procès, par l’évaluation des pratiques.

Depuis la fin de la dernière décennie, le paradigme du “pouvoir” des malades s’est progressivementimposé. Il est fondé sur un rééquilibrage dans la relation médecin-malade qui devient un partenariatou mieux encore une alliance. Une relation médecin-malade authentique repose sur la qualité de l’in-formation. L’information du malade s’est imposée comme un droit du malade. Elle doit tendre àtransmettre à celui-ci ce qui est considéré par le médecin comme la vérité (c’est-à-dire ce que le méde-cin sait ou croit savoir). Cette information concerne le diagnostic, le pronostic, les propositions dechoix notamment dans le domaine des traitements. Toutes ces informations sont nécessaires pour uneparticipation active, pertinente du malade aux décisions médicales qui le concernent. Cette participa-tion active revêt une importance capitale dans la situation d’une pathologie grave ou lorsque cettedécision met en jeu avec un risque significatif la vie du malade ou au moins son avenir à court termeou à long terme.

Ces mutations dans le domaine de l’exercice médical sont accompagnées d’une évolution profonde ducontexte de l’exercice médical. Cette évolution de la société doit être prise en compte dans le processusd’information des malades et de leur famille.

La société dans les pays occidentaux et en particulier en France est :

Une société pluraliste marquée par une hétérogénéité de la hiérarchie des valeurs qui tient compte dela culture, des ethnies, des religions, des strates d’âge. Il existe un paradoxe apparent qui se manifestepar la coexistence d’un individualisme et la possibilité de mobilisation solidaire pour des grandes causes(Téléthon, Restos du Cœur…)

Une société informée par le niveau d’études, la formation permanente, les médias, Internet… Cetteinformation touche en particulier le domaine médical. Mais il s’agit souvent d’une information “catho-dique”, sensationnelle, caricaturale, non applicable au moins provisoirement. Cette information nonmodulée par le filtre de la culture individuelle est susceptible de polluer les échanges entre les soignantset les malades. Elle fait naître des espoirs et génère des incompréhensions.

Une société matérialiste et hédoniste qui refuse l’altérité, le vieillissement, le handicap et la mort.

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Celle-ci est souvent occultée, transférée vers les établissements de soins (plus des deux-tiers des décès sur-viennent hors du domicile familial).

Une société consumériste qui conduit à une demande de soins sans préoccupation des coûts. Ceconsumérisme tend à transformer le malade en un client demandeur de soins auprès d’un prestataire,le médecin, avec pour corollaire des exigences et, en cas de perception justifiée ou non d’un défaut (fautemédicale) une demande de réparation (“tout dommage subi oblige quelqu’un à réparer”).

C’est dans ce contexte caractéristique des sociétés occidentales que s’expriment les droits et désirs desmalades :

• Le droit de savoir• Le droit de choisir• Le désir du meilleur soin quel que soit le coût• L’exigence sécuritaire.

3) Le pacte de confiance

La relation médecin-malade a profondément évolué durant les trois dernières décennies. Il existait deuxmodèles caricaturaux : le modèle paternaliste et le modèle autonomiste, basés sur des fondements phi-losophiques très différents de l’éthique médicale.

Le modèle paternaliste a longtemps été dominant dans les pays occidentaux latins et en particulier enFrance. Dans ce modèle, on considère que le malade, du fait de sa maladie, est en état de faiblesse et desouffrance. Il fait confiance au médecin qui le “prend en charge”. Il existe donc une asymétrie qui a pourfondement le principe de bienfaisance (H. JONAS en Allemagne, E. LEVINAS en France). Il faut éviterd’ajouter à la souffrance et à la détresse du malade le poids d’une information anxiogène, jugée insup-portable lorsqu’il s'agit d'une mauvaise nouvelle. Il est dans cette conception, contraire au principe debienfaisance, de demander un consentement et à plus forte raison une participation à la décision. Uneentorse à ces principes pouvait même être considérée comme une fuite devant ses responsabilités. Cemodèle est aujourd’hui obsolète. Il pouvait être acceptable à une époque où les diagnostics étaient plusqu’aujourd’hui probabilistes, où les thérapeutiques étaient ni agressives, ni vraiment efficaces, où surtoutles connaissances des malades dans le domaine médical étaient réduites ou inexistantes.

Le modèle autonomiste, très présent depuis longtemps aux États-Unis est basé sur la symétrie (ENGEL-HARD). Il existe un contrat régi par des rapports financiers dont l’objet principal est représenté par le soin.Dans ce modèle l’information sur le diagnostic, le pronostic, les différents traitements possibles avec leursrisques et bénéfices respectifs doit être complète. La décision finale appartient au malade, elle doit êtreacceptée par le médecin même s’il la juge irrationnelle, voire moralement inacceptable pour lui.Ce modèle peut choquer et susciter diverses interrogations : le malade du fait de sa maladie est-il auto-nome? Le respect absolu de la volonté du malade ne risque-t-il pas de transformer le médecin en exé-cutant avec un risque d’indifférence ou un complice de comportements déviants voire non conformesaux lois ?

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Face à ces deux modèles il existe une troisième voie qui a été décrite par le philosophe Paul RICOEURsous la dénomination de PACTE DE CONFIANCE :

Au départ, il existe un fossé entre le malade et le médecin qui ne peut être comblé que sur la base de laconfiance. L’échange entre le malade et le médecin aboutit à une information réciproque. Selon PaulRICOEUR le malade porte au langage sa souffrance, ses plaintes, avec une composante descriptive (lessymptômes) et narrative (la maladie s’inscrit dans l’histoire de la vie) avec une demande implicite ouexplicite de guérison, de soulagement mais aussi une promesse, là encore implicite ou explicite de lapart du malade, d’observer le protocole proposé. Le médecin de son côté écoute, confronte les informa-tions avec son savoir et ses expériences vécues, puis présente au malade ses explications et ses proposi-tions. Cet échange d’informations réciproques basé sur la confiance peut être fragilisé par de la méfian-ce de la part du malade (crainte d’un abus de pouvoir, soupçon d’incompétence) ou par la négligencede la part du médecin (indifférence, préoccupation pécuniaire, manque de disponibilité).

Ce pacte de confiance repose sur trois piliers qui conditionnent fortement la quantité et la qualité desinformations échangées dans les deux sens. Ces trois piliers sont :

• la perception partagée par le médecin et le malade que ce dernier est un exemplaire unique et non unspécimen d’un ensemble indifférencié qui constitue la clientèle,• le malade est indivisible. On ne soigne pas un organe ou un système malade mais un être intégral,• à tout instant de la relation médecin-malade, “l’estime de soi” du malade est respectée, voire valori-sée, quel que soit son état physique ou psychique.

Une lecture un peu rapide des principes de cette troisième voie et du pacte de confiance pourrait suggé-rer que dans cette relation médecin-malade le pouvoir du médecin est prédominant et peut conduire àune attitude paternaliste : “Docteur, j’ai confiance en vous, je me remets à vous” laissant au médecin laprise de décision en son âme et conscience. En réalité, tout dépend de la manière dont le médecin utili-se le pouvoir qui lui est “confié”. Ceci fait l’objet de développements ultérieurs.

4) Les différents types d'informations :individuelles et collectives

Au cours de la prise en charge d'un malade, différents types d'informations sont délivrées sur sonétat de santé, ou les modalités de sa prise en charge (explorations, traitements, effets secondaires éven-tuels, pronostic,..). Ces informations de plusieurs ordres sont souvent intriquées :

• Des informations individuelles, qui sont adressées directement au malade. Ces informationspeuvent lui être adressées personnellement par un médecin ou un membre de l'équipe soignante. Ellespeuvent être énoncées devant lui, de façon volontaire ou non (discussion d'un dossier dans la chambre,remarque entre des soignants,…). Elles peuvent être transmises par un proche par exemple au risqued'une déformation.

• Des informations collectives, faisant participer notamment la famille. Ces informations sontadressées en même temps à plusieurs personnes, dont les niveaux d'implication (malade, famille) et decompréhension sont différents. Ainsi, un "émetteur" (médecin par exemple) sera face à plusieurs

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"récepteurs" entre lesquels l'information pourra circuler à nouveau. Là aussi intervient le risque d’unedéformation ou d’une interprétation de l’information initialement délivrée.

• Des informations générales. Ces informations peuvent être trouvées dans un livret d'informations,un dictionnaire ou un ouvrage médical, ou encore dans la presse de vulgarisation scientifique. Ellespeuvent émaner d'une association de malades spécialisée pour une pathologie donnée, permettant dansce cas au malade d'être parfois autant, voire plus informé que son médecin sur sa pathologie et ses spé-cificités.

Parmi ces informations, nous distinguons :

Les informations verbales, adressées directement ou indirectement au malade.

Les informations non verbales, pouvant être :

• des informations “involontaires”, traduites par l'intonation de la voix, l'observation de l'attitude oudu visage de l'interlocuteur, un commentaire entre soignants… Elles peuvent être indirectes, par lecomportement de l'entourage, ses préoccupations subites ou l'évitement pour aborder certains sujets. • des informations directes de ce que le malade ressent, perçoit lui-même de sa maladie : symptomato-logie, amélioration ou non, multiplication des investigations, transfert dans un autre service,…• des informations écrites "involontaires" comme la rédaction d'une demande d'examen complémen-taire pour "suspicion de…" ou un compte rendu d’examen glissé dans la pochette de documents scan-nographiques par exemple.

Là encore ces informations sont sujettes à un risque important d'interprétation et/ou de déformation. Ilest nécessaire lors de la délivrance d'informations à un malade de prendre en compte les réactions affec-tives qui peuvent interférer dans la compréhension et l'interprétation de celles-ci (sidération psychique,déni, révolte, dépression, marchandage…) constituant ainsi un filtre; il faudra alors parfois répéter oureformuler ces informations même si l’on pensait avoir été compris au moment de l’entretien. (Unexemple est celui d’un patient à qui l’on annonce une séropositivité certaine et qui se fait dépister lasemaine suivante car il ne peut y croire)

L'information devra être adaptée :

• au malade en étant attentif à utiliser un langage compréhensible et en essayant d'identifier sonniveau d'éducation, de vocabulaire, ses connaissances, son insertion sociale et familiale.• à la maladie et aux représentations que peut en avoir le malade marqué par son expérience person-nelle ou celle de son entourage.

Par ailleurs, une même maladie ne nécessitera pas les mêmes informations selon le moment où l'on sesitue dans son évolution : la survenue du premier symptôme, l'annonce du diagnostic, la récidive éven-tuelle, l'abord de la phase terminale. Cette évolution va modifier la façon de délivrer les informationspour le médecin et de les recevoir pour le malade, avec notamment des mécanismes d'adaptation à lasituation :

• selon le moment. Le temps est un paramètre à prendre en compte dans la gestion des informations.En effet, le risque est celui de l’accumulation d’une masse importante d’informations qui, délivrées enune seule fois ne seraient pas toutes comprises, intégrées, acceptées. Il est certainement préférable de dis-penser l’information au fur et à mesure qu’elle est disponible ou pertinente pour le malade, le médecin

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étant attentif aux circonstances et à la réceptivité du malade. La fragmentation des informations permetde réguler des à-coups (délivrance massive d’informations qui serait suivie de grands “vides” inévita-blement anxiogènes et source d’extrapolations ou d’interprétations erronées).

Il est nécessaire de savoir répéter les informations, le malade pouvant ne pas tout comprendre ou rete-nir du premier coup. L’intervention de plusieurs informateurs permet une cohérence; elle facilite laconfiance et l’adhésion dans la démarche de soins.

• selon l’informateur. La prise en charge d’un malade par une équipe permet l’intervention d’unemultiplicité de personnes. Celle-ci ne devrait pas être source de confusion mais plutôt une richesse, per-mettant de faire jouer la variété des âges, personnalités, sexe…

• l’expression physique, notamment par le regard. Cette forme d’expression revêt une grande impor-tance même si elle s’exerce régulièrement à l’insu des soignants qui n’évaluent pas toujours bien lesmessages délivrés par leur visage. Une cohérence entre ce qui est dit et cette expression physique permetune meilleure crédibilité et facilite une relation de confiance.

• le dossier médical. Il contient une grande somme d’informations médicales et personnelles, et peutcirculer entre différents intervenants (médecins, services, via des ambulanciers,…). Son contenu estconfidentiel, le patient n’y avait pas directement accès. Un texte de loi récemment voté au Parlementdonne désormais accès direct du malade à son dossier médical sans aucun intermédiaire. Il est impor-tant de noter que cette évolution concernant la remise du dossier ne constituera qu’une informationtronquée et imposera de toutes façons une information orale.

Il peut arriver que le patient n'ayant pas obtenu les informations qu'il souhaitait auprès de l'équipe soi-gnante consulte son dossier médical à l'insu de celle-ci (lors d'un examen complémentaire ou d’untransport par exemple) : le risque est celui de la révélation d'une information "brute", sans interpréta-tion ou modulation de la part du médecin, sans parfois de possibilité de dialogue avec le malade, celui-ci étant enfermé dans le "secret" de la violation du dossier.

5) Informations selon les moyens :orales, écrites, mail, fax, téléphone

Il faut distinguer l’information générale sur une pathologie et diffusée oralement ou par écrit, et l’in-formation particulière survenant dans le cadre d’une relation interindividuelle entre un médecin et unmalade. L’information du malade par le médecin peut être, là encore, orale ou écrite.

• L’information orale du malade garde un rôle prépondérant. Sa pratique nécessite toutefois certainesprécautions :

- parler clairement, de façon bien audible (patients âgés malentendants), par phrases courtes et en arti-culant correctement- utiliser un langage adapté, compréhensible (pas de jargon)- ne pas hésiter à répéter ce qui a été dit (reformulation)- s’assurer que le malade a compris.

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Quand l’information est orale, le médecin est un “émetteur” qui va transmettre l’information directe-ment au malade qu’il a devant lui. Celui-ci est seul ou avec ses proches : il y a donc un ou plusieurs“récepteurs”. Ce ou ces récepteurs reçoivent l’information, l’écoutent, l’intègrent et l’interprètent. Ce quia été dit par l’émetteur n’est pas forcément entendu comme l’émetteur voudrait que cela soit entendu.De plus, quand il y a plusieurs récepteurs, l’information donnée par l’émetteur fait l’objet d’échangesd’interprétations qui peuvent modifier complètement le sens de ce que l’émetteur a voulu donner.

L’information orale par téléphone comporte encore plus de biais : en effet, le médecin ne voit pas l’in-terlocuteur et ne connaît pas son identité réelle. Ceci pose principalement le problème de la confiden-tialité. Par ailleurs on ne peut pas évaluer de visu les réactions de la personne, ni même intervenir de lamême façon que si l’on était en présence du récepteur (malade, famille).Ceci est particulièrement vraidans l'annonce d'une “mauvaise nouvelle”, aggravation d’un état clinique voire décès.

• L’information écrite qui s’adresse directement au malade ou à son entourage est “fixée”. Elle peutêtre relue, photocopiée, diffusée. Elle aide à la mémorisation. Elle doit également être utilisée avec cer-taines précautions :

- être lisible facilement (ordonnances, conseils,…) surtout si elle est manuscrite- dans un style simple, un langage adapté et compréhensible (un langage médical qui n’ait pas besoind’être décrypté) en évitant les mots ambigus ou trop techniques- être la plus complète possible et non équivoque (notamment les ordonnances)

Il s’agit d’un support à partir duquel une discussion peut être envisagée entre le médecin et le maladeou ses proches.

Dans le cadre de l’information écrite au malade, les informations diffusées par e-mail électronique oupar fax peuvent poser un problème de confidentialité.

En ce qui concerne les informations générales et non les informations particulières dans le cadre de larelation médecin-malade, le développement d’Internet permet maintenant au malade d’aller chercherlui-même de façon active des informations au lieu de les recevoir passivement par son médecin.Néanmoins ces informations ne sont pas adaptées au plus proche de son cas personnel et devraient aumieux faire l’objet d’explications et de développements par son médecin. Il s’agit néanmoins d’un bonsupport de discussion.

6) Repères juridiquessur les droits de la personne humaine

Le développement exponentiel de la science médicale et des médias suscite en permanence par le biaisde l’information des malades, un questionnement éthique. Dans ce questionnement éthique intervien-nent de multiples composantes :

- lois et règlements en vigueur dans le pays où l’on pratique- connaissances scientifiques constamment mises à jour- compréhension des comportements humains confrontés aux problèmes de santé et à leurs possibilitésthérapeutiques, c’est-à-dire l’impact des mauvaises nouvelles sur le malade et son entourage (révélation

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d’un sida et ses conséquences professionnelles, révélation d’une maladie héréditaire, psychiatrique, d’uncancer…).Cette nouvelle science, l’éthique biomédicale était il y a une cinquantaine d’années réduite à quelquesrègles. Aujourd’hui un volumineux corpus de connaissances a donné lieu à un foisonnement de textesvenus de différentes instances: politiques, nationales et internationales, professionnelles, philosophiqueset religieuses.

Les textes de référence concernant l’information des malades ne sont pas exhaustifs. Ils visent à servird’outil de travail de base dans la pratique médicale quotidienne de chacun face à un malade qu’oninforme.

Les textes de référence sont classés selon 4 repères :- repères juridiques, - repères déontologiques, - chartes recommandations, - repères moraux : philosophiques et religieux

(Classement élaboré et utilisé par Nicole LERY, Docteur en Médecine et en Droit, Expert près la Courd’Appel de Lyon)

REPÈRES JURIDIQUES : LES DROITS DE LA PERSONNE HUMAINE CONCERNANT L’INFORMATION MÉDICALE

Déclaration universelle des droits de l’hommeArticle 1. Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués deraison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. Deplus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou internationaldu pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indé -pendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.

Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentalesArticle 5. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté.Article 9. Toute personne a droit à la liberté de pensée et de conscience.Article 10. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinionet la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées.

Convention sur les droits de l’homme et la biomédecineArticle 10 (vie privée et droit à l’information) :Toute personne a droit au respect de sa vie privée s’agissant d’informations relatives à sa santé.Toute personne a le droit de connaître toute information recueillie sur sa santé. Cependant, lavolonté d’une personne de ne pas être informée doit être respectée.A titre exceptionnel, la loi peut prévoir, dans l’intérêt du patient, des restrictions à l’exercice desdroits mentionnés au paragraphe 2.

Code de déontologie médicaleArticle 6 : Le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement sonmédecin. Il doit lui faciliter l’exercice de ce droit.

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COMMENTAIRES :

Au plan juridique international, aucune disposition de droit n’impose que le patient soitinformé par le médecin du type de maladie dont il souffre, à l’exception du cas où le trai-tement proposé comporte des conséquences graves et/ou définitives pour ses droits fon-damentaux et qu’il aurait à choisir entre la sauvegarde de l’un ou l’autre de ses droits.

Vocabulaire Droit : vient du latin “directus” et signifie en ligne droite, ni courbe, ni tordu. Dans lesens courant, en droit et en philosophie, “Le droit” désigne un ensemble de normes quirèglent la vie sociale et sont exprimées dans les lois coutumières ou écrites.Sens dérivés : droit civil (naturel ou positif), droit pénal, droit public.

Droit naturel et droit positif.Le droit naturel est ce qui est inscrit dans l’ordre de la nature elle-même ou résulte de lanature de l’homme.Le droit positif s’oppose au droit naturel et désigne tout édifice juridique comprenant leslois et les institutions de la justice qui ont été établies dans une société particulière selonles procédures législatives des pratiques judiciaires.

RéflexionsLes droits du malade : la relation entre le patient et son médecin demeure une relationcontractuelle au moins en contrat civil et particulier comportant des obligations réci-proques pour les parties. Ce contrat est onéreux. A l’hôpital public, il en est différemment,puisqu’il s’agit d’un contrat tacite entre le libre choix d’un patient et celui d’un départe-ment, d’une équipe (radiologues, chirurgiens, anesthésistes…).

Pour le malade, la principale nature de son droit fondamental demeure sa libertécontractuelle totalement libre de s’adresser au médecin ou à la structure de son choix(Article 6 du Code de déontologie médicale). De plus, le patient doit avoir la capacité pourconclure le contrat. Si le patient est incapable de le faire, la famille peut consentir aucontrat à sa place.

La finalité de cette relation contractuelle est le consentement libre et éclairé à un actediagnostique ou de soins.

Quel est le fondement moral de ce “droit à la vérité” des patients?Trois arguments fondent ce “droit” :Premier argument : c’est notre croyance fondamentale en la valeur de la vérité. Dans lessociétés humaines il est attribué une très haute valeur à la vérité des relations humainesau même titre qu’à la valeur fondamentale de l’autonomie de la personne et de notrepropriété personnelle et individuelle de notre corps. Ces croyances fondamentales et uni-verselles sont à l’origine de l’idée selon laquelle la vérité sur notre état de santé est pro-fondément liée à notre état de bien-être.

Second argument : il dérive du précédent et trouve sa justification dans le fait que larelation médecin-malade et la relation d’accompagnement dépendent intimement del’authenticité et de la “vérité” de cette relation (voir ci-dessous).

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Troisième argument : il repose sur le besoin d’un patient d’être informé pour pouvoirparticiper aux choix thérapeutiques le concernant.

Quelles sont les principales difficultés morales rencontrées dans le“droit à la vérité” des patients?

Elles sont de trois ordres :

Premier point : l’absence de certitude qui entoure les données scientifiques médicales.De ce fait, le malade et le médecin sont amenés à prendre des décisions concernant untraitement à partir de données incertaines et limitées sur le plan épistémologique.

Second point : il concerne les modalités avec lesquelles sont exprimés et décrits au mala-de les bénéfices et risques respectifs d’un traitement. De nombreux biais de présentationsont possibles qui ont des conséquences sur la décision du malade.

Troisième point : il consiste dans le degré de participation du malade aux décisions leconcernant : tous les malades ne souhaitent pas participer aux décisions les concernantet certains délèguent cette responsabilité au médecin avec l’argument qu’ils sont“incompétents” pour décider eux-mêmes.

7) Repères déontologiques sur l’information

Les devoirs du médecin et des infirmières concernant l’information des malades.

Code de déontologie médicale :Article 34. Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller àleur compréhension par le patient et son entourage et s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution.Article 35. Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une infor -mation loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Toutau long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veilleà leur compréhension.Toutefois, dans l’intérêt du malade et pour des raisons légitimes que le praticien apprécie enconscience, un malade peut être tenu dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic graves,sauf dans les cas où l’affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination.Un pronostic fatal ne doit être révélé qu’avec circonspection, mais les proches doivent en être pré -venus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiersauxquels elle doit être faite.

Règles professionnelles des Infirmières :Article 32. L’infirmier ou l’infirmière informe le patient ou son représentant légal, à leur deman -de et de façon adaptée, intelligible et loyale, des moyens ou des techniques mis en œuvre.

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COMMENTAIRES :

Le droit à la vérité réfère à l’information donnée au patient sur son diagnostic, son trai-tement et l’évolution de sa maladie. Elle est exigible par le patient du médecin et du per-sonnel soignant : il en va de la dignité du malade.

Autrefois, l’attitude du médecin à l’égard du patient (attitude paternaliste) consistait enl’observation d’une grande discrétion, d’un manque de transparence et d’un mensongepar humanité.

Aujourd’hui l’information du malade est de plus en plus fondée sur le consentementéclairé du patient aux examens et aux traitements.

L’idée de protéger le malade d’un découragement, d’une dépression et même d’idées sui-cidaires, sous-tendait cette phase de “mensonge humaniste”. La gravité de la situationétait dévoilée à la famille, alors que le malade lui-même était non seulement laissé dansl’ignorance, mais bien souvent “réassuré” sur son état. En conséquence, il ressentait uneincohérence entre ce qu’il vivait et ce qu’on lui révélait, ce qui entraînait un bris de com-munication avec le médecin et les proches et conduisait à son isolement dans une phasecruciale et vulnérable de sa vie.

Depuis les travaux d’E. KÜBLER-ROSS, nous savons que les patients connaissent le plussouvent la gravité de leur état et ne sont nullement dupes du mensonge proféré parhumanité. D’autres études démontrent que les patients en possession des renseignementspertinents sur leur état participent activement à leur traitement en connaissance decause, ce qui favorise un climat sain et propice à la réalisation des projets tant au niveaupersonnel, familial que social, alors même que l’issue est inéluctable.

Le sentiment d’échec devant la maladie chronique, la maladie terminale et la mort, ainsique le phénomène d’institutionnalisation de la mort qui prévaut dans notre société sontd’autres facteurs qui militent en faveur d’une politique du silence. Une telle politiquecontrevient non seulement au respect de l’autonomie de l’individu et porte atteinte à sadignité, mais elle peut limiter la qualité de l’acte médical en empêchant la communica-tion de réactions et de sentiments qui influent sur le cours de la maladie. Tant pour lemalade, l’équipe soignante, ainsi que pour la famille ou les proches, il convient de tra-vailler dans une ambiance de vérité.

Le droit à la vérité n’est peut-être pas, au plan éthique, un droit absolu, sans restriction,parce que ses effets ne sont pas toujours prévisibles et ils peuvent ne pas être toujours posi-tifs. Dans certains cas, il est même nécessaire de taire la vérité en faveur de la réussite dela thérapie (ex : utilisation des placebos…). Dans certains cas extrêmes, non seulementil faut entourer de silence le traitement, mais un mensonge ou une demi-vérité pourraits’avérer utile. Naturellement, au plan de l’éthique déontologique (KANT) mentir parhumanité ne peut jamais être érigé en principe moral.

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8) Accès au dossier médical

Le dossier médical comporte un ensemble d’éléments relatifs au malade lui-même. De ce fait, il consti-tue un document qui le rattache à la fois au domaine du secret professionnel et à celui de l’informationqui est due aux malades et aux personnes qu’il désigne. Il en résulte que les règles concernant le secretmédical s’appliquent au dossier médical et c’est pourquoi le droit à la communication du dossier médi-cal est réglementé.

LE DROIT À LA COMMUNICATION DU DOSSIER MÉDICAL

Ce droit s’est progressivement construit à travers des législations successives. Les sources de droit per-mettant l’accès au dossier médical sont donc multiples et convergentes.

Le malade ayant été hospitalisé ou reçu en consultation externe dans un établissement d’hospitalisationpublic peut se faire communiquer son dossier médical par l’intermédiaire d’un docteur en médecinequ’il désigne (loi du 17 juillet 1978). Si la personne est mineure ou incapable, ce droit d’accès aux docu-ments médicaux administratifs peut être exercé par le représentant légal (parents, tuteurs); si elle estdécédée, il peut l’être par les ayants droit (conjoint survivant, héritiers).

Ces dispositions ont été étendues à toutes les personnes accueillies dans les établissements de santépublics et privés par la loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière et son décret d’application du30 mars 1992 actuellement toujours en cours en attendant le vote du Parlement au sujet de “l’accèsdirect au dossier médical”

QUI SONT LES BÉNÉFICIAIRES DU DROIT D’ACCÈS AU DOSSIER MÉDICAL?

Si on se référait au seul Code Civil (article 9) SEUL le malade aurait accès à son dossier médical puisque“chacun a droit au respect de sa vie privée”. En réalité, différentes réglementations se combinent pourpermettre l’accès au dossier médical du patient lui-même, mais aussi de son représentant légal, de sesayants droit, ainsi que de certains médecins, la justice et l’administration.

Le patient et ses ayants droit sont les bénéficiaires du droit d’accès au dossier médical

• Le patient :L’accès du patient à son dossier médical constitue un droit reconnu. Cette règle est largement appliquéemais connaît deux limites indiquées par la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) :- l’enfant mineur : sa demande doit être formulée par son représentant légal- la personne majeure faisant l’objet d’une mesure de tutelle

• Les ayants droit du patient :En principe, l’accès aux informations médicales du patient est interdit aux tiers. Cette interdiction (loidu 17 juillet 1978) découle d’une part du respect de la vie privée (code civil article 9), d’autre part dusecret médical protégé par la loi (article 226-13 du Code Pénal).Cependant, le règlement et la jurisprudence ont assoupli ce principe de non-communication aux tiers

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en ce qui concerne les ayants droit du patient décédé (veuve, veuf… famille proche d’un malade nondécédé mais dans un coma profond)

• Les parents :- S’agissant d’un enfant mineur, son représentant légal est normalement son père et/ou sa mère.- S’agissant d’un enfant majeur, la jurisprudence et la CADA (avis du 25/10/1990) ont refusé la com-munication du dossier médical du fils à sa mère.

LES MODALITÉS DE COMMUNICATION DU DOSSIER MÉDICAL

Situation jusqu’en octobre 2001

• La désignation d’un médecin intermédiaire est obligatoireCette communication est aujourd’hui soumise à la médiation d’un médecin : Loi du 17 juillet 1978 Article 6 bis :…les informations à caractère médical ne peuvent être communiquées à l’intéresséque par l’intermédiaire d’un médecin qu’il désigne à cet effet.

Quel est le fondement de cette médiation obligatoire d’un médecin dans la communication du dossier ?Les principaux arguments avancés sont :

- le patient pourrait ne pas comprendre le sens des informations ou mal les interpréter- le nécessaire souci de protection du patient : éviter le choc traumatisant de la découverte par lui-mêmed’informations graves sur son état- la désignation d’un médecin ne répond pas uniquement à un besoin d’explication d’un vocabulairetechnique, mais également à une volonté d’accompagnement psychologique du demandeur

Cette règle de la désignation d’un médecin a été reprise dans le Code de la santé publique. Elle a été ins-crite dans l’article L 710-2 pour les dossiers médicaux des établissements de santé publics et privés et elleest strictement appliquée.

• Le choix du médecin appartient au patientLa réglementation et la jurisprudence ont apporté des réponses évolutives à cette question. Depuis la loi du 31 juillet 1991 et le décret du 30 mars 1992, on retient désormais comme médecin inter-médiaire le praticien désigné par le patient (le représentant légal ou ses ayants droit) pour se voir com-muniquer les informations médicales contenues dans son dossier.Avant toute communication, l’établissement de santé doit s’assurer de l’identité du demandeur et s’in-former de la qualité du praticien désigné.Le médecin désigné peut-il être un médecin d’assurances? Non, aucune dérogation au secret profes-sionnel n’est intervenue en faveur des compagnies d’assurances.

• Par qui le dossier est-il communiqué ?Seul un médecin est habilité à communiquer le dossier au praticien désigné

• Comment le dossier est-il communiqué ?- soit par consultation sur place- soit par l’envoi par l’établissement de la reproduction n des documents visés, aux frais de la personnequi sollicite la communicationLe mode de communication est choisi par le praticien intermédiaire.

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• Rôles du médecin intermédiaire

Ils ne sont pas détaillés par les textes législatifs. Les deux textes réglementaires (art. R 710-2-2 du Codede santé publique et l’article 46 du Code de déontologie ) soulignent la nécessité- de tenir compte prioritairement des intérêts du patient et éventuellement d’intérêts légitimes et noncontradictoires de ses ayants droit- de respecter les règles de la déontologie- de respecter le secret médical

La désignation d’un médecin intermédiaire traduit de la part du patient ou de ses ayants droit le besoind’être mieux informé. Mais ce besoin ne peut pas toujours être satisfait :

- parce qu’il est parfois insatiable,- quand le respect des intérêts du patient interdit de le satisfaire.

Sans méconnaître la réglementation, le médecin intermédiaire devra surtout être compréhensif, fairepreuve de bonne volonté et s’efforcer à une bonne communication. Il se doit d’apporter une informa-tion “loyale claire et appropriée” (art. 35 du code de déontologie), telle qu’elle n’a pas été, mais auraitpu être délivrée ou reçue. Enfin, ce médecin intermédiaire fera preuve de confraternité en informantsecondairement le médecin traitant de la teneur de son entrevue avec le patient ou ses ayants droit.

Situation depuis octobre 2001

Un texte de loi a été voté au Parlement en octobre 2001. Ce texte prévoit que le malade aura accès, sansintermédiaire, à son dossier. A ce jour les textes d’application sont en attente.

• L’ACCÈS AU DOSSIER MÉDICAL DE TIERS

Outre le patient et ses proches, un certain nombre de tiers peuvent accéder au dossier médical du patienthospitalisé. Cependant la réglementation fixe des règles strictes en ce domaine.

L’accès des médecins au dossier médicalSix catégories de médecins peuvent accéder au dossier médical : le médecin du service public hospita-lier, le médecin conciliateur, le médecin conseil de sécurité sociale, le médecin du travail (communica-tion uniquement au médecin inspecteur du travail lié lui-même par le secret et au médecin désigné parle salarié), le médecin expert (avec l’accord du patient), le médecin expert-visiteur de l’Agence natio-nale d’accréditation et d’évaluation en santé (après avoir rendu les documents médicaux anonymes).

Le médecin de l’assureur peut- il accéder au dossier médical de l’assuré? La réponse est négative : lesecret médical (art. 226-13 du code pénal et art. 4 du code de déontologie) interdit au médecin traitantcomme au médecin hospitalier de communiquer un diagnostic ou un quelconque renseignement médi-cal à un assureur ou à son médecin et de leur adresser directement un certificat ou un extrait de dossierportant sur l’état de santé d’un assuré.

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L’accès de la justice et de l’administration au dossier médical

1) La saisie du dossier médical en cas d’enquêtes pénales :Dans le cadre de son action, la justice n’intervient pas dans l’intérêt de sa personne, mais dans celui del’ordre public. C’est pourquoi le patient n’a pas, en cette circonstance, à autoriser préalablement la com-munication de son dossier médical.En application de l’article 81 du code de procédure pénale, le juge d’instruction peut procéder à tous lesactes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité. Dans ce cadre il peut opérer la sai-sie de pièces couvertes par le dossier médical.

2) La production en justice du dossier médical :Le médecin peut-il produire devant le tribunal le dossier médical de ses malades?La réponse n’est pas évidente. Le principe retenu est que la divulgation par le médecin, d’informationsrelevant du dossier médical et revêtant un caractère secret, doit être limitée à ce qui est strictement néces-saire.

3) Dossier médical et fiscL’administration fiscale peut-elle se voir communiquer des informations contenues dans le dossiermédical ?Jusqu’à présent, la jurisprudence s’est toujours montrée favorable à la protection du secret profession-nel des médecins vis-à-vis du fisc. Cette jurisprudence, qui empêche l’administration fiscale de pratiquerles vérifications comme elle l’entend, est certainement à l’origine d’une nouvelle disposition législative.En effet, le projet de loi des finances pour 2 000 comportait un article 57 visant à obliger les médecinslibéraux à révéler le nom de leurs patients en cas de contrôle fiscal.Cette rédaction a suscité de vives discussions.

Remarques :Selon un sondage (SOFRES 15 mars 2000) pour Libération, 88% des Français se pro-noncent en faveur de cet accès libre des malades à leur dossier. Le texte de loi voté enoctobre 2001 apporte une réponse juridique à ce souhait (sous réserve du contenu destextes d’application).Les propos tenus par le Professeur B. GLORION (alors Président du Conseil National del’Ordre des Médecins) devant l’Assemblée Nationale proposent une pondération des dis-positions envisagées. L’accès direct au dossier médical ne peut faire l’objet d’une optiquedu “tout ou rien”. De nombreuses questions restent sans réponse favorable pour les pra-ticiens. En effet, envisager l’accès direct au dossier médical relève d’une volonté de trans-parence, néanmoins les garanties juridiques de préservation du secret paraissent en l’étatactuel des travaux insuffisantes. Le Conseil de l’Europe a adopté le 13 février 1997 laRecommandation suivante :Article 3 : toute personne doit pouvoir accéder aux données médicales la concer -nant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un professionnel des soins de santéou, si le droit interne le permet, par l’intermédiaire d’une personne désignée parelle.

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2. L’INFORMATION ET LE CONSENTEMENT AUX SOINS

1) Données législatives et difficultés pratiques

Le consentement aux soins ne peut pas être envisagé sans une information préalable; ceci est nettementexprimé dans les textes juridiques suivants.

• Code de déontologie médicale.

Article 36 : Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas.Lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les investigations ou le traitement propo -sés, le médecin doit respecter ce refus après avoir informé le malade de ses conséquences.Si le malade est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin ne peut intervenir sans que sesproches aient été prévenus et informés, sauf urgence ou impossibilité.Les obligations du médecin à l’égard du patient lorsque celui-ci est un mineur ou un majeur pro -tégé sont définies à l’article 42.

Article 42 : Un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s’ef -forcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et obtenir leur consentement.En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins néces -saires.Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure dupossible.

• D’autres textes législatifs constituent également un support formalisé pour le consentement aux soins.Il s’agit de :- La déclaration sur la promotion des droits des patients en Europe, - La convention sur les droits de l’homme et la Biomédecine, - La loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées enraison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation.

COMMENTAIRES Le consentement éclairé repose sur l’article 36 du code de déontologie médicale qui sti-pule notamment que le consentement de la personne examinée ou soignée doit êtrerecherché dans tous les cas.Le consentement éclairé contribue à la relation de confiance entre le médecin et le mala-de. Il montre que le médecin respecte la liberté du malade, reconnaît que le malade estle meilleur juge de ses intérêts. Le médecin considère donc que le malade doit contribuerà tous les choix qui peuvent le concerner. Il s’agit donc d’un aspect fondamental du res-pect de la dignité individuelle.

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Néanmoins si la personne n’a pas la capacité juridique pour donner son consentement :mineur ou incapable majeur (article 42 du code de déontologie médicale) l’accord pour-ra être demandé aux personnes le représentant.

De même dans une situation d’urgence le consentement approprié ne peut pas toujoursêtre obtenu. Il peut alors être procédé à toute intervention urgente pour le bénéfice de lasanté de la personne concernée.

Le consentement suit toujours l’information “claire, loyale et appropriée”.

2)Recherche du consentement dans la relation médecin-malade

Les différents textes législatifs réglementaires ou jurisprudentiels constituent un support formalisé de lapratique de l’information du malade et de la recherche d’un consentement.

Dans le contexte d’une maladie grave, la recherche d’un consentement lors d’une prise de décision s’ins-crit dans le dialogue avec le malade et avec sa famille. Le niveau d’information du malade sur son état,sur l’avancement de sa maladie et d’une manière générale sur son avenir est un élément clé pour larecherche d’un consentement.

Le malade a le droit de choisir entre plusieurs alternatives, (à condition qu’elles lui soient proposées avecobjectivité) et d’accepter ou non des investigations ou un traitement. Le médecin doit respecter les refusaprès avoir informé le malade des risques encourus sans arrogance ni exagération. Un refus de consen-tement doit être explicitement consigné en présence du malade.

Consentement signifie étymologiquement “se mettre d’accord sur des idées”. Il peut arriver que larecherche d’un consentement aboutisse à des conflits :

Conflit avec le médecin

Le malade peut s’opposer ou simplement manifester des réticences vis-à-vis d’une exploration ou d’untraitement fortement souhaité par le médecin. Il peut en résulter de la part du médecin une attitudevisant à manifester son pouvoir, en présentant une information incomplète, tronquée ou déformée pour“imposer” implicitement son choix. Dans les situations critiques, la crainte d’affronter une décision dif-ficile comme l’arrêt définitif d’un traitement antitumoral peut conduire à “faire consentir” au maladeun nouveau traitement inutile, voire néfaste.

Conflit avec la science

Le malade exprime parfois un choix ayant pour corollaire une perte de chance par rapport aux connais-sances scientifiques. Le malade peut rejeter a priori un traitement qui impose une mutilation. Il peutprivilégier dans son choix une qualité de vie au détriment d’une quantité de vie.

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Conflit avec la famille

La famille peut intervenir et souhaiter “imposer” son choix dans une décision. Cette demande a pourfondement des motifs variés qu’il faut tenter de décrypter : bienfaisance, lassitude, culpabilité, angoisse… La demande de la famille peut être divergente de la décision élaborée lors du colloque sin-gulier entre le médecin et le malade. Il est important d’expliquer calmement en prenant le temps néces-saire les choix afin de maintenir une cohésion familiale pour le bénéfice du malade. Dans certains casil s’agit également dans cette procédure de contribuer à apaiser la souffrance de la famille.

3) Recherche du consentement dans certaines situations particulières – Gestion des corps et des vies, soins, recherche et expérimentations, prélèvement d’organes, greffes

Les législateurs et les professionnels (ex : l’Ordre des Médecins) se sont penchés sur des situations parti-culières.

Textes

• Code de déontologie médicale

Article 73 : Le médecin doit protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernantles personnes qu’il a soignées ou examinées, quels que soient le contenu et le support de ces docu -ments.Il en va de même des informations médicales dont il peut être le détenteur .Le médecin doit faire en sorte, lorsqu’il utilise son expérience ou ses documents à des fins de publi -cation scientifique ou d’enseignement que l’identification des personnes ne soit pas possible. Adéfaut, leur accord doit être obtenu.

• Déclaration sur la promotion des droits des patients en Europe, paragraphe 3 – 10 :

Le consentement éclairé du patient est nécessaire pour toute participation à une activité derecherche scientifique. Tous les protocoles doivent être soumis aux procédures appropriées de sur -veillance éthique. Aucun travail de recherche ne peut porter sur des personnes incapables d’expri -mer leur volonté, sauf si le consentement d’un représentant légal a été obtenu et si cette recherchepouvait bénéficier au patient.A titre d’exception à la règle d’exigence d’un intérêt pour le patient, une personne en état d’inca -pacité peut faire l’objet d’une recherche d’observation sans intérêt direct pour elle, pour autantqu’elle n’émette pas d’objection, que le risque ou la gêne soient minimes, que la recherche ait unevaleur significative et qu’aucune autre méthode et aucun autre sujet ne soient disponibles.

• Loi du 17 janvier 1975 sur l’interruption volontaire de grossesse.

• Loi du 20 décembre 1988 (loi HURIET) concernant les personnes qui se prêtent à des expérimenta-tions sur l’être humain vivant.

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• Loi du 29 juillet 1994 relative aux dons et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, àl’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.

• Loi du 4 janvier 1993 réorganisant la transfusion sanguine avec obligation de recueillir le consente-ment écrit.

• Loi du 1er juillet 1994 relative au traitement des données nominatives ayant pour fin la recherchedans le domaine de la santé.

COMMENTAIRES

Les textes réglementaires spécifient donc que le consentement éclairé du patient est néces-saire pour sa participation à toute activité de recherche scientifique. La déclaration sur lapromotion des droits des patients en Europe et la loi HURIET du 20 décembre 1988 défi-nissent avec précision les caractéristiques du consentement libre, éclairé et express devantêtre recueilli auprès des personnes se prêtant à l’expérimentation sur l’être humainvivant.

La loi du 1er juillet 1994 exige que soit obtenu le consentement éclairé des personnes quiacceptent un recueil de prélèvement biologique identifiant, tel que l’A.D.N. La loi de 1994précise toutefois que des informations peuvent ne pas être délivrées si, pour des raisonslégitimes que le médecin traitant apprécie en conscience, le malade est laissé dans l’igno-rance d’un diagnostic ou d’un pronostic grave.

Selon l’article 73 du Code de déontologie médicale, le médecin peut faire des publicationsscientifiques ou d’enseignement à partir des données obtenues sur un malade, maisl’identification du malade ne doit pas être possible, ou alors si elle est absolument néces-saire elle ne peut être faite qu’avec son accord. En effet, l’anonymat des observations rap-portées dans les publications scientifiques est une règle absolue. Le malade ne doit êtredésigné que par un numéro d’ordre et les photographies si elles comprennent le visage,doivent être masquées.

La législation régissant les dons d’organes repose sur la loi du 29 juillet 1994 qui rem-place la loi du 22 décembre 1976 dite Loi CAILLAVET. Elle exige une autorisation libre etexpressément consentie du donneur vivant ou, s’il est mineur, de son représentant légal.Elle précise qu’on ne peut toutefois passer outre à l’opposition d’un mineur.

Dans certaines situations religieuses ou culturelles, comme les Témoins de Jéhovah, lerespect des opinions du malade ne doit pas modifier le comportement du médecin indé-pendamment de la décision finale et des aspects médico-légaux qui ne seront pas discu-tés ici.

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3. LE REFUS DE SOINSÉtymologiquement, le refus de soins renvoie à la fois à la notion de refuser et à celle de repousser. Cettedouble origine introduit une gradation dans les formes et les implications du refus de soins qui est vécuen pratique courante soignante comme un affront, une blessure, un drame et de toute façon comme uneinterrogation.

ASPECTS LÉGISLATIFS :

Code de déontologie médicale :

Article 9 : Tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou, infor -mé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit lessoins nécessaires.

La nécessité d’obtenir le consentement du patient expose le praticien au refus du malade de subir unacte médical ou un traitement pourtant nécessaire à son état de santé. Cette liberté du patient de ne pasaccepter les soins qui lui sont proposés est reconnue par les textes (Charte du patient hospitalisé IV. Duprincipe général du consentement préalable).

Le praticien est alors tenu de respecter ce choix (Code de déontologie médicale Article 36 alinéa 2). Lerespect de la volonté ainsi manifestée par le malade ne fait pas encourir au médecin de poursuites pournon-assistance à personne en danger.

Ainsi, à défaut d’accord, le médecin s’incline. En dehors du cas des personnes atteintes de troubles men-taux, des incapables majeurs et mineurs, aucun malade ne peut être retenu contre sa volonté dans unétablissement de soins. La sortie du patient hospitalisé est prévue et organisée (Charte du patient hospi-talisé VI. De la liberté individuelle).

Il se peut toutefois que le refus de soins mette la vie du patient en danger. Si le médecin estime, enconscience, que la vie du patient est véritablement et immédiatement en jeu, il peut passer outre au refusde soins. Il peut aussi agir ainsi si le malade n’est plus en état de manifester sa volonté (état d’incons-cience). Cette attitude est confirmée par l’article 9 et l’article 42 du Code de déontologie médicale.

RÉFLEXIONS SUR LES REFUS DE SOINS :

• Un symptôme d’appel à la dimension de la personne : le refus de soins d’un malade pose la ques-tion des attentes du malade et de ce fait interroge les pratiques soignantes.

Quand un malade refuse des soins : que demande-t-il ?

Le fait de refuser un soin permet au malade d’exprimer son autonomie par rapport à des soignants quisont préoccupés essentiellement d’appliquer des stratégies de soins dont le bien-fondé n’est pas àdiscuter.

Dans une situation de refus, le patient tente souvent d’exprimer qu’il n’est pas “l’objet” des soignants.

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Le patient tente d’affirmer “sa” place, “son” espace et essaie de dire qu’il est une “personne” et non passeulement un “objet de soin” : le patient dit qu’il est à l’origine de quelque chose qui est la vie, SA vie.Il nous demande de le reconnaître quant à lui en tant que personne, et quant aux soins en tant que visa-ge de l’autre capable de “dialogue” avec le soignant. Bref, refuser les soins pour le patient interroge surla place que le malade occupe dans le système de soins : un “objet” d’une stratégie décidée sans lui? uncitoyen acteur de sa vie et de sa santé ?

• Une relation de transfert inhérente à l’information sur les soins.

Le refus de soins entre le patient et le thérapeute apparaît au sein d’une dynamique relationnelle quimet en jeu une série de présentations réciproques (transferts). Le médecin peut être repoussé comme leserait un père, une mère, un supérieur hiérarchique ou encore l’ensemble de la société. Le patient peutdans ce contexte projeter sur le thérapeute les refus qu’il éprouve à l’encontre d’autres personnages. Ilest nécessaire d’en tenir compte car ce processus de transfert fait partie intégrante de la dynamique del’information des malades.

• Une relation soigné-soignant désadaptée.

Dans certains cas, le refus de soins du patient est une réponse à l’attitude mal adaptée du médecin :

- Soit le médecin ne se met pas suffisamment à la place du malade et le malade se trouve dans une posi-tion passive qui lui est insupportable.

- Soit le médecin s’enthousiasme pour ses techniques et/ou ses stratégies de soins et oublie de prendreen compte l’adaptation des soins au cas singulier du malade. Dépossédé de sa propre souffrance et setrouvant embarqué dans quelque chose qui ne lui appartient plus, le malade refuse les soins.

Le refus de soins : une interrogation pour tous sur le sens du soin.

Bien loin d’être un échec ou un drame, le refus de soins ouvre le champ d’une interrogation sur le sensdu soin, sa valeur, sa représentation, son adéquation aux attentes du patient… bref une interrogationsur tout ce qu’un tel acte met en jeu dans l’ordre de la “personne”. Le refus de soins appelle donc à uneréflexion sur les pratiques soignantes.

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4. L’ANNONCE DES MAUVAISES NOUVELLES

1 ) Caractéristiques d’une information optimale

L’information d’un malade atteint d’une pathologie grave potentiellement létale doit être gérée dans ladurée. Elle commence lors de la première rencontre au cours de laquelle est évoqué ou affirmé le dia-gnostic. Elle peut s’achever après le décès du malade dans la mesure où la famille a parfois besoin d’in-formations pour terminer le travail de deuil.

Dans la pratique de l’information, il existe des paroxysmes qu’il faut savoir gérer. Cette gestion est faci-litée par un dialogue régulier, apportant une information adaptée propice au développement de laconfiance. Les paroxysmes sont représentés en particulier par l’annonce des mauvaises nouvelles,comme la certitude du diagnostic d’une maladie grave, la nécessité d’une intervention mutilante, l’ar-rêt d’un traitement antitumoral.

• Pratique de l’informationElle illustre un domaine où la médecine reste un art. Il n’existe pas de “recettes” pour rendre cette pra-tique optimale. Toutefois un certain nombre de paramètres doivent être pris en considération pour favo-riser les échanges :

- Le contexte doit être analysé car il peut influencer les modalités de l’information. Ce contexte prend en compte la nature et la gravité de la maladie, les caractéristiques démographiques et socioculturelles du malade, l'histoire de sa vie. La maladie cancéreuse est un exemple fréquent qui illustre la spécificité du contexte comme le souligne cette phrase de Nicole ALBY : “L’information en cancérologie est ce qu’un médecin n’a pas envie de dire à un malade qui n’a pas envie d’entendre”.

- L’approche de la vérité doit être progressive en saisissant les opportunités pour progresser :“ L’instant propice est fugitif” (HIPPOCRATE). Il est nécessaire (sauf situation particulière) que le malade ne soit pas gardé dans l’ignorance de la gravité de sa maladie alors que sa famille et ses amisconnaissent la vérité. Cette approche de la vérité peut se heurter temporairement à une volonté de la famille de maintenir le malade dans l’ignorance de sa maladie et de son pronostic. Le médecin doit prendre le temps d’expliquer que cette situation aboutit à un isolement social et affectif qui ressembleà une mort sociale et affective avant la mort physique. L’expérience démontre que la prise de conscience de la vérité déclenche une épreuve initiatique avec les étapes successives de construction du deuil décrites par Cecil SAUNDERS et qu’elle ouvre une dernière page, parfois très courte mais intense de la vie favorisée dans certains cas par un rapprochement familial.

• Le “climat” joue un rôle important dans les échanges. L’empathie que l’on peut définir comme unesituation propice à “l’épanchement du moi” diminue l’anxiété et favorise la découverte des solutionspar les deux composantes du couple médecin-malade et conduit plus facilement à l’acceptation de mau-vaises nouvelles.

• La disponibilité est nécessaire à l’information. Elle permet au médecin de se placer en position d’être

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questionné et d’avoir le temps de répondre aux questions. Elle permet de sortir du cadre strict de la mala-die et de son traitement pour parler du malade et de sa vie.

• Les échanges sont verbaux et non verbaux. Le bavardage ou le discours pseudoscientifique sont desméthodes d’évitement trop souvent utilisées. Le médecin doit ménager des silences, laisser le temps aumalade (et à sa famille) de formuler ses préoccupations, ses attentes, ses interrogations, ses craintes etses espoirs. Il peut capter les indices d’un déni, d’une angoisse, d’une acceptation, d’une résignation. Ila été montré que certains facteurs comme la compétence, la modestie, la rigueur étaient propices à l’in-formation et qu’inversement l’arrogance et la négligence constituaient des facteurs défavorables.

EN CONCLUSION : une information “optimale” est :

- Adaptée au malade et à sa situation pathologique- Cohérente dans le temps et pour tous les protagonistes- Progressive- Non désespérante- Partagée (sauf avis contraire du malade).

RECOMMANDATIONS POUR L’ANNONCE D’UNE “MAUVAISE NOUVELLE”

D’après la revue de la littérature par Ptacek JT, Eberhardt TL, JAMA 1996; 276 : 496-502

Les conditions matérielles :• Lieu : calme, confortable, privé avec espace suffisant pour recevoir malade et famille.• Organisation : disponibilité de temps, éviter d’être interrompu, position face au malade pour sai-sir les indices émotionnels non verbaux, proximité du malade, absence de barrière physique.• Présence : identification des personnes-ressources pour aider le malade et obtenir si possible leurprésence pour partager la crise émotionnelle.

Délivrance des messages :• Stratégie de l’annonce :- Donner un message initial préparant l’annonce proprement dite (ex : “J’ai une mauvaise nouvel-le à vous dire…, vous avez un problème sérieux…”).- Déterminer ce que le malade sait pour adapter l’annonce de mauvaises nouvelles.- S’adapter en fonction des réactions et des expressions de l’émotion.- Répondre aux questions.- Résumer verbalement les échanges.- Consigner en présence du malade le contenu de l’entretien.

Comment le dire :• D’une manière “émotionnelle” : empathie, respect, douceur.• Utiliser un langage simple avec un choix approprié des mots.• Éviter les euphémismes, les termes trop techniques et surtout le “jargon” médical.• Le rythme des échanges doit être adapté au malade en procédant éventuellement par étapes.

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2) Circulation des informationsau sein des équipes soignantes

Chaque professionnel doit être un expert qui apporte son savoir particulier et son expérience au travailcommun, tout en décidant des informations qu’il convient de transmettre. Trois critères peuvent servirde repère pour ne pas “tout” dire :

- Quels sont les éléments indispensables à une meilleure prise en charge du malade?- Que deviennent les informations divulguées ?- L’intéressé a-t-il donné son consentement ?

TEXTES LÉGISLATIFS

Les textes législatifs structurant la circulation des informations autour des patients relèvent de deuxgrandes thématiques : d’une part les devoirs d’information auprès des patients, d’autre part les devoirsde secret. Si les devoirs d’informations sont unanimes et clairs, les devoirs de secret posent question. Eneffet, selon le code de déontologie le secret ne peut être partagé que dans un but thérapeutique. A l’heu-re des “réseaux de soins” ne devrait-on pas s’interroger sur le secret professionnel, plutôt que sur le secretmédical qui ne s’applique qu’au seul médecin?

En France, seuls les textes pénaux régissent le secret professionnel, ce qui signifie qu’il n’y a aucun textepositif dans notre corpus juridique qui régisse le secret médical et le secret professionnel. Or les textespénaux sont des textes répressifs et d’application restrictive. L’article 226-13 du code pénal s’appliqueaux médecins, aux assistants sociaux et à toutes les personnes dépositaires de données à ne pas divul-guer soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire. S’il estprouvé par un demandeur que ces personnes ont porté atteinte au secret ou révélé une information àcaractère secret, elles seront punies. Ces textes ne disent pas “vous n’avez pas le droit de révéler…” etdonc on fonctionne aujourd’hui dans un système où la seule norme qui régisse le secret est une normerépressive, ce qui veut dire qu’elle n’a pas de portée normative : il n’est pas dit de manière précise ce quel’on doit ou non “dire”. De ce fait, chacun se réfère à une notion du secret médical extrêmement vague,lapidaire, qui en fait est inadaptée. Aucun texte aujourd’hui ne prévoit le secret médical partagé.

• LES DEVOIRS D’INFORMATION

- Textes législatifsOrdonnance 96-346 du 24 avril 1996 portant Réforme de l'hospitalisation publique : Dans le res -pect des règles déontologiques qui leur sont applicables, les praticiens des établissements assurentl'information des personnes soignées. Les personnels paramédicaux participent à cette information dans leur domaine de compétenceet dans le respect de leurs propres règles professionnelles.

Décret 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la professiond'infirmier :Article Premier : Les soins infirmiers préventifs, curatifs ou palliatifs sont de nature technique rela -tionnelle éducative. (…). Ils permettent de concourir au recueil des informations et aux méthodesqui seront utilisées par le médecin pour établir son diagnostic (…)Article 2 : L'infirmier(e) est responsable (dans son rôle propre) de l'élaboration, de l'utilisation et

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de la gestion du dossier de soins infirmiers.Article 3 : Dans le cadre de son rôle propre l'infirmier…assure son éducation…Loi du 18 février 1989 n° 59 : Règlement de la profession de psychologue :Article 3 :…"Après accord du patient, le psychothérapeute et le médecin traitant sont tenus à l'in -formation réciproque"Décret 93-652 du 26 mars 1993 portant statut particulier des assistants sociaux éducatifs de lafonction publique hospitalièreArticle 2 : Les Assistants de service social ont pour mission de conseiller… et d'informer les servicesdont ils relèvent pour l'instruction d'une mesure d'action sociale. Ils apportent leur concours àtoute action susceptible de prévenir les difficultés sociales ou médico-sociales rencontrées… et/oud'y remédier. Ils assurent dans l'intérêt de ces personnes la coordination avec d'autres institu -tions…Décret 96-879 du 08 octobre 1996 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la professionde masseur kinésithérapeuteArticle 2 (modifié au 29/06/2000) : Le masseur kinésithérapeute communique au médecin touteinformation en sa possession susceptible de lui être utile pour l'établissement du diagnosticmédical… Circulaire DGS/PS3/DH/FH1 n° 96-31 du 19 janvier 1996 relative aux rôles et missions des aidessoignants dans les établissements hospitaliers : Les aides-soignants ne peuvent exercer que dansl'application des articles 2 et 3 du Décret 93-345 relatifs aux actes professionnels et à l'exercice dela profession d'infirmier (rôle propre)."Une attention particulière doit être portée à la qualité de la transmission des informations échan -gées entre l'infirmière et l'aide soignant tant au sein d'une même équipe que lors des change -ments d'équipe".

COMMENTAIRE

Dans le cadre de la médecine libérale, la relation médecin-malade relève d’un contrat.Au contraire, dans le cadre de la médecine hospitalière, le malade est un usager du ser-vice public et la relation médecin-malade s’inscrit dans une situation statutaire. Celasignifie que le malade est soumis à un régime juridique applicable à tout usager du ser-vice public. L’organisation et le fonctionnement du service dans lequel il séjourne sontfixés par des textes juridiques applicables à l’établissement. Dans ce cadre, c’est l’organi-sation qui prime et non pas la relation inter-individuelle médecin-patient. Il en résulteque les règles relatives à l’information du patient ne concernent pas les seuls médecinsmais également tous les professionnels de l’équipe de soins.

Deux catégories d’informations doivent être distinguées : celles qui ont trait au séjour etcelles qui concernent les soins. Cette distinction est opérée par le décret n° 74-27 du 14janvier 1974 relatif aux fonctionnements des centres hospitaliers et des hôpitaux locaux.Ce décret est toujours en vigueur malgré les importantes réformes suivies de circulaires.La première circulaire (20 septembre 1974) est relative à la Charte du malade hospitali-sé et met l’accent sur les modalités de séjour du malade à l’hôpital. Les nécessités de lavie hospitalière y sont prégnantes.La seconde circulaire du 6 mai 1995 opère un changement de perspectives considérableen mettant en avant les droits des patients. Il s’agit d’un processus de diffusion sur lesdroits des patients par mise à disposition des règles les régissant y compris dans le domai-ne de l’information. D’après cette Charte, l’information à donner au patient est une obli-gation générale. Elle ne précise pas cependant les règles sur lesquelles elle s’appuie. Par

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contre elle stipule que l’information doit être délivrée par les professionnels de santé enraison de leurs compétences.De ce fait, les hôpitaux publics voient donc peser sur eux deux catégories d’obligations :- une obligation propre (arrêté du 7 janvier 1997 relatif au contenu du livret d’ac-cueil). D’après ce document, la remise d’un livret d’accueil est inséparable d’un dialogueentre le patient ou ses proches et le personnel hospitalier.- une obligation qui pèse sur les médecins et les autres professionnels de santé : Article41 Décret n° 74-27 du 14 janvier 1974 relatif aux règles de fonctionnement descentres hospitaliers et des hôpitaux locaux : Le médecin chef de service ou les méde -cins du service doivent donner au malade, dans les conditions fixées par le Code dedéontologie, les informations sur leur état qui leur sont accessibles; dans toute lamesure du possible, les traitements et soins proposés aux malades doivent aussi fairel’objet d’une information de la part du médecin.

• LES DEVOIRS DE SECRET

- Textes législatifs

Code de déontologie médicale :Article 4 : Le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dansles conditions établies par la loi.Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profes -sion, c'est à dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou com -pris.

Décret 93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la professioni n f i r m i è r e .Article 1 : Les soins infirmiers… incluent notamment le secret professionnel.

Décret 93-221 du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmièresArticle 4 : Le secret professionnel s'impose à tout infirmier et infirmière et à tout étudiant dans lesconditions établies par la loi. Le secret couvre non seulement ce qui lui a été confié mais aussi cequ'il a vu, lu, entendu, constaté ou compris… L'infirmier ou infirmière instruit ses collabora -teurs de leurs obligations en matière de secret professionnel et veille à ce qu'ils s'y conforment.Article 5 : Il ou elle… veille à préserver, autant qu'il lui est possible, la confidentialité des soinsdispensés.Article 28 : L'infirmier ou l'infirmière…doit veiller à la protection contre toute indiscrétion de sesfiches de soins et des documents qu'il peut détenir concernant les patients qu'il prend en charge.Lorsqu'il a recours à des procédés informatiques, quels que soient les moyens de stockage des don -nées, il doit prendre toutes les mesures qui sont de son ressort pour en assurer la protectionnotamment au regard des règles du secret professionnel

Code de déontologie des PsychologuesLes Psychologues "préservent la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret pro -fessionnel".

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COMMENTAIRE

Seuls quelques professionnels font figurer dans leurs textes législatifs le respect dusecret. L'objectif du secret professionnel est l'intérêt du patient. Le secret ne concer -ne pas uniquement les propos verbalisés par le malade et les soins directs mais toutce qui concerne l'environnement du patient et de sa famille. La gestion de l'infor -mation est au service du malade. Chaque professionnel dans sa relation indivi -duelle avec le malade garde ses "petits secrets" mais informe l'équipe dans un lan -gage professionnel des éléments utiles à la prise en charge du patient.Une relation patient-malade authentique est le seul garant du respect de la dignitéde la personne humaine. En effet, comme le développe P. RICOEUR (préface du Codede déontologie) la rencontre médecin-malade est une relation inégale et dissymé -trique entre un malade (humilié) et un médecin “bien portant”. Cette inégalitéimpose au médecin de faire l’effort de rétablir l’égalité en mettant la relation toutde suite au niveau de l’histoire personnelle du malade.Cette logique particulière de la relation patient-médecin conduit obligatoirement àla notion de “secret” qui ne peut dans la pratique médicale être réduit au sens juri -dique de l’interdiction de divulguer des informations confidentielles. En effet, lefondement éthique du secret médical c’est la “rencontre singulière” qui instaure un“pacte de confidentialité” à l’origine du “pacte de soins”. Ainsi l’impératif du secretest le prix à payer par le médecin pour s’autoriser à explorer une intimité que lepatient n’aurait pas nécessairement partagée avec ses proches. Ce pacte de confi -dentialité est le fondement du respect que l’on doit à la “personne”.Le secret médical “partagé” avec les équipes de soins ne retire pas pour autant savaleur d’impératif absolu au sein des professions soignantes. En effet, quels quesoient les débats à ce sujet aujourd’hui, pour mesurer l’importance de ce secret pro -fessionnel il suffit d’envisager que les médecins puissent se libérer de l’impératif dusecret. Dans ce cas, tous les médecins, sans exception, seraient soupçonnés par lespatients actuels et potentiels d’être capables de haute trahison à leur égard. Laconfiance ainsi ébranlée une fois pour toutes rendrait la pratique médicale impos -sible. Mais le fait, pour un médecin, d’être autorisé à pénétrer l’intimité de sonpatient ne lui donne pas le moindre droit sur la liberté morale de ce même patient,seul habilité à exposer publiquement ou non la réalité de son état.

CONCLUSION : L’information du malade et de sa famille n’est pas une question de principe. Unerelation qui se limiterait à l’acquisition de techniques de communication serait un leurre et unei m p o s t u r e .

RÉFLEXIONS ÉTHIQUES

Le vide juridique actuel souligne l’importance pour les professionnels d’une réflexion éthique quoti-dienne dans leurs pratiques de l’information des malades :- Comment faire circuler l’information entre tous les intervenants du soin?- Comment la sérier ?- Quels éléments transmettre dans l’intérêt du malade, afin qu’il soit soigné le mieux possible.Les points suivants sont proposés à titre de repères pratiques :- quels sont les contenus et les qualités des informations qui peuvent circuler?- selon quelles modalités l’information circule-t-elle au sein de l’équipe soignante?

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- comment les professionnels donnent-ils cohérence aux informations qui circulent ?

• Contenus et qualités des informations qui peuvent circuler

L’information qui circule doit prendre en compte plusieurs ordres de faits :- les réponses aux questions posées par le patient- la situation propre de chaque personne- des éléments généraux : état du patient, son évolution prévisible, ce qui nécessite des explications sursa pathologie, les traitements, les résultats que le patient peut en attendre- des éléments spécifiques : la description et le déroulement des investigations, des soins, des thérapeu-tiques, des interventions envisagées et leurs alternatives, leurs objectifs (utilité et bénéfices escomptés),leurs conséquences et leurs inconvénients, leurs complications et leurs risques éventuels y comprisexceptionnels, les précautions générales et particulières recommandées au patient.

• Modalités des informations qui circulent au sein d’une équipe soignante

Les modalités de transmission de l’information sont très importantes. Aujourd’hui, beaucoup de serviceshospitaliers remplacent les échanges à l’emporte-pièce dans un couloir par une réunion formalisée dontles objectifs communs ont été définis et où chacun résume sa propre biographie du malade. Les déci-sions prises peuvent être soumises au malade par un membre de l’équipe en étant présentées commeune proposition collective, ce qui est plus clair pour l’intéressé que d’essayer de s’y retrouver dans les col-portages d’informations détenues par les uns et les autres. Comme on l’a vu précédemment, le codepénal n’a pas retenu la notion de secret partagé, mais permet de l’organiser en tenant compte de la réa-lité de chaque équipe.

Les principaux repères pratiques dans ce domaine sont :

1°) Primauté de l’information orale. Le dialogue, outil de l’information, nécessite que l’informationsoit transmise ORALEMENT. L’information orale est donc primordiale, car elle peut ainsi être adaptée aucas de chaque personne. Cela demande du temps, de la disponibilité, et un environnement adapté. Elles’inscrit dans un climat relationnel au sein de l’équipe alliant écoute réciproque et prise en compte desbesoins et des attentes du patient.

2°) Informations écrites et compléments d’information. L’information écrite est un complément del’information orale. La fonction de cette information écrite est de diffuser des renseignements complé-mentaires. Le document n’a pas pour vocation de recevoir la signature du patient.

En ce qui concerne l’information dans les dossiers médicaux et paramédicaux, il est recommandé quele dossier médical porte la trace des informations données au patient à chaque étape, afin de permettreà l’équipe soignante ou à un autre médecin d’en prendre connaissance dans le but de favoriser la cohé-rence des soins et leur continuité.

Il est important que le contenu des dossiers paramédicaux laisse émerger la traçabilité des soins. Dansle dossier de soins, doivent figurer les actes et les observations propres à chacun des acteurs de soins :Infirmier(e), Aide soignant(e), Masseur kinésithérapeute, Psychologue, Assistante sociale,D i é t é t i c i e n n e …

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3°) Différentes modalités mises en œuvre par des équipes soignantes. Chaque équipe hospitaliè-re développe une réponse par sa façon d’exercer l’interdisciplinarité (travailler“ ensemble”). Voici quelques exemples :

- Visite faite en présence conjointe du médecin et de l’infirmière: le malade pose alors ses questions, l’in-firmière peut les entendre ainsi que les réponses du malade et reprendre par la suite avec le patient lesdifférents points abordés.- Réunions de transmission où sont présents tous les acteurs du service animées par les personnels infir-miers.- Mise en place du dossier de soin où sont consignés par les soignants les différents états psychologiquesdu malade, de la famille et la manière dont on y a répondu. Ces informations peuvent aider le médecindans la prise de décisions.

• Mise en cohérence des informations

L’objectif général de cette mise en cohérence est de garantir l’exercice professionnel et l’efficacité quel’on doit au patient. Les limites sont de ne distribuer que l’information “nécessaire”.

Quelles que soient les modalités de circulation des informations choisies par les équipes professionnelles,il y a nécessité d’une véritable notion d’équipe autour et avec le malade. Quand l’information ne circu-le pas au sein d’une équipe, cela peut s’expliquer par une mauvaise organisation, des relations inadé-quates entre les professionnels, des attitudes corporatistes… Quoiqu’il en soit le malade est alors tribu-taire de ce dysfonctionnement.

Pour le malade, il est indispensable que l’ensemble des informations qui le concernent soit mis en com-mun, qu’il s’agisse de l’opportunité d’un examen, du diagnostic, du choix thérapeutique, de la décisiond’un transfert, du discours tenu à la famille…

• Réflexions

L’information du patient est du rôle de tous les partenaires de soins, chacun dans sa compétence :

- le devoir d’information du patient est de la responsabilité du médecin (article 35 Code de déontologie).Cette information doit être loyale, claire, appropriée tout au long de la maladie. Cela signifie doncannoncer aussi les mauvaises nouvelles.- l’infirmier(e) participe à l’information du patient dans un système de collaboration au sein de l’équi-pe pour une cohérence des informations- après accord du patient, le psychologue est tenu à une information réciproque avec l’équipe médicaleet soignante- l’assistant(e) social(e) a pour mission la coordination des informations auprès des équipes dans ledomaine de la situation sociale- le masseur-kinésithérapeute communique au médecin les informations utiles pour la prise en chargedu patient.

La mission de tous, grâce aux échanges d’informations a pour but d’assurer la qualité d’une prise encharge du malade.Dans la circulation des informations autour d’un patient, le conflit de valeurs le plus important àl’œuvre paraît l’antagonisme entre l’amélioration de la qualité des soins (due à bien des égards auxéchanges et partage d’informations), et, un secret professionnel qui serait, lui aussi efficace pour la qua-lité des soins.

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Comme on l’a vu précédemment, le secret est juridiquement compris dans un exercice solitaire, entreautre de la médecine. Mais aujourd’hui, nous n’en sommes plus là, qu’il s’agisse des médecins oud’autres professionnels sanitaires et sociaux. Chacun se réfère à des codes très différents : secret pour lesuns, confidentialité pour les autres ou encore discrétion ou respect de l’intimité… Une contradictionexiste entre une certaine commodité qui vise à laisser circuler facilement l’information, afin d’obtenirune meilleure qualité des soins, et le fait de restreindre la circulation de l’information pour des raisonsqui peuvent paraître tout à fait légitimes.

Ainsi, si l’on arrivait à mieux analyser les procédures mises en œuvre pour faire circuler l’informationmédicale entre les professionnels les plus proches des malades dans les hôpitaux et avec la ville, nouspourrions alors établir une méthode permettant à chaque équipe médico-soignante de travailler“ensemble” (interdisciplinarité) afin d’envisager son propre circuit d’informations à destination dumalade et de sa famille. L’objectif doit viser la cohérence de l’information communiquée au malade,quel que soit son interlocuteur dans le service ou en ville, ainsi qu’à la meilleure réponse possible à sesattentes légitimes.

3) La pratique de l’information en fonction du contexte : problématique, contexte juridique éventuel et pratique

1 - LE CANCER

Le cancer reste une maladie qui associe pour le malade et sa famille la menace de mort et la crainte desouffrance et de mutilation. L’information est à toutes les étapes de la maladie à l’origine d’un retentis-sement émotionnel inéluctable. Avant d’envisager les aspects pratiques de l’information en cancérolo-gie, il paraît important de souligner quelques notions.

Problèmatique des sources d’information en cancérologie

La cancérologie est une cible privilégiée des médias en quête de vulgarisation d’information “sensa-tionnelle”. Le malade (et ses proches) confronté au drame de la maladie cancéreuse en quête légitimed’espoir est un récepteur souvent privé de filtre critique.

Le malade, la famille, les amis ont accès aux sources d’informations largement disponibles grâce auxnouvelles technologies de l’information. Il s’agit d’une réalité incontournable qu’il faut savoir gérer enévitant la dérision ou l’irritation.Au cours des périples hospitaliers ou extrahospitaliers, le malade est exposé à de multiples intervenantsmédicaux, paramédicaux, administratifs. Il peut avoir accès directement à des comptes-rendus d’exa-mens ou percevoir des messages discordants. Il est impossible de contrôler ces différentes sources d’in-formations.

La dénomination de certaines thérapeutiques utilisées en cancérologie est inéluctablement associée pourles malades au diagnostic de cancer. C’est en particulier le cas de la radiothérapie et de la chimiothéra-pie. Il est inacceptable de proposer de tels traitements sans une information suffisante préalable dumalade ou de recourir à une information tronquée, voire à une tromperie.

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Problèmatique liée au système de défense du malade

Le malade face à l’annonce d’une maladie cancéreuse établit un système de défense. Ses défenses psy-chologiques sont parfois différentes de celles que l’on prévoyait (ou que la famille prévoyait). Ce systè-me est évolutif. Il peut s’agir d’un déni, d’une révolte, d’une réaction dépressive ou d’un besoin presqueobsessionnel de tout savoir pour tout contrôler.

Il faut être conscient qu’en cancérologie comme dans d’autres pathologies potentiellement graves et/ouévolutives, il existe chez le malade une ambivalence entre le désir de savoir et la peur de savoir. Le mala-de peut osciller entre ces deux pôles en fonction de paramètres somatiques, psychologiques ou environ-nementaux.

Quelques principes importants :La maladie cancéreuse est souvent une maladie longue avec un risque potentiel (parfois connu dès lemoment du diagnostic) d’évolution fatale. Le pacte de confiance doit s’établir dès le début et il faut toutmettre en œuvre pour le maintenir au cœur des échanges entre le médecin (notamment le médecin réfé-rent) et le malade. L’information passe par des phases critiques : l’annonce du diagnostic, l’échec thé-rapeutique, l’entrée dans la phase de soins palliatifs de fin de vie.

La vérité concernant le diagnostic de cancer a intérêt à être précoce, centrée sur une relation thérapeu-tique qui a pour corollaire la perception d’un contrat de “non-abandon”. Il s’agit d’un moment propi-ce puisqu’il permet souvent de proposer des éléments d’espérance. Certains peuvent être tentés lorsqu’ily a de réelles chances de guérison par un traitement chirurgical par exemple, d’occulter la vérité en par-lant de “polype”, “ d’ulcère”, de “lésion”. La découverte “accidentelle” ou au moment d’une récidivede la vérité altère d’une manière quasi définitive la confiance du malade : “on m’a trompé une fois…pourquoi ce que le médecin (et d’une manière plus générale les médecins) dit aujourd’hui serait-il lavérité?”

L’information en cancérologie porte sur le diagnostic, les modalités, les inconvénients, les risques dutraitement, les résultats escomptés de ce traitement et plus tard sur l’évaluation de ces résultats. Le méde-cin connaît les chances et les risques thérapeutiques en terme statistique mais ce qui intéresse le mala-de c’est avant tout ce qui le concerne individuellement. Il serait présomptueux de conseiller une recettepour gérer cette situation. On peut recommander de créer les conditions d’une relation authentique,modulable dans le temps, comportant un juste équilibre entre une “humilité véridique” et une “com-pétence rassurante”.

L’espoir n’est pas synonyme de guérir. Le malade et la famille doivent percevoir que tout ce qu’il fautfaire le sera dans le cadre du pacte de confiance, ce qui implique une écoute, une information, un res-pect des volontés du malade. Ceci est valable à toutes les étapes de la maladie y compris dans les phasesultimes de la vie.

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2 - LE SIDA

Un certain nombre de particularités sont liées à la prise en charge de l'infection à VIH :

- Le patient doit absolument être informé du diagnostic d'infection à VIH dès lors que celui-ci est porté.Le code de déontologie précise à l'article 35 que "le malade ne peut être tenu dans l'ignorance d'un dia-gnostic dans le cas où l'affection dont il est atteint expose les tiers à un risque de contamination". Lepatient doit être avisé des précautions qu'il doit prendre pour assurer la protection de son entourage etéviter la transmission du virus.

- La notion de secret médical prend par ailleurs une dimension encore plus absolue. En effet, il arriveque les patients infectés par le VIH désirent garder le secret vis à vis de leur entourage, y compris leurfamille. Le devoir du médecin est de garder ce secret, seul garant d'une relation de confiance entre lemalade et le médecin. Il est important de rappeler que le médecin n'est pas délié du secret par le décèsdu patient.

- La question de l’information de l’entourage direct (partenaire) se pose de manière toute particu-lière :

- d’une part, la règle du secret médical (relevant du Code de Déontologie et du Code Pénal) constitue unprincipe d’application stricte pour les médecins. - d’autre part, le risque constitué par l’infection à VIH qui pourrait être considéré comme non-assistan-ce à personne en danger, tant dans le risque de contamination à venir que dans celui d’une perte dechance en ne proposant pas de dépistage au partenaire.

- L'infection à VIH est marquée (comme d’autres pathologies chroniques) par le fait que les patients quien sont atteints sont très régulièrement au courant des évolutions thérapeutiques ou des nouveautésdans la prise en charge, à travers une quête régulière d’informations. Les informations qu’ils récoltentpeuvent parfois être très précises, techniques, avec la difficulté d’une formation non médicale rendantleur maniement délicat.

3 - LA MALADIE NEUROLOGIQUEAVEC OU SANS DÉTÉRIORATION MENTALE

• L’annonce du diagnostic chez un patient présentant une détérioration mentale :

L’existence d’une altération des fonctions cognitives va entraîner des difficultés pour le patient à prendreconscience de sa maladie, au pire il présentera une anosognosie, ou véritable inconscience de sestroubles.

Le médecin devra prendre en compte l’importance et le type d’altération des fonctions cognitives pouradapter l’information aux capacités de compréhension du patient. Il devra aider le patient, si possible,à prendre conscience de ses difficultés pour lui permettre d’accepter des restrictions ou une aide dans savie quotidienne : l’arrêt de la conduite automobile, l’assistance pour les activités ménagères potentielle-ment dangereuses telles que l’utilisation de gaz, d’appareils électriques.

Dans le cas d’une maladie d’Alzheimer, si le patient n’est pas à un stade évolué de la maladie, il est

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possible de prescrire un traitement anticholinestérasique, il est alors légalement obligatoire de l’infor-mer précisément du diagnostic.L’entourage doit bénéficier d’une information diagnostique, mais également d’éléments concrets sur lavie quotidienne du malade et les aides à apporter.

• L’annonce du diagnostic d’une maladie neurologique évolutive sans détérioration mentale :

Plusieurs pathologies comportent un pronostic évolutif incertain, la sclérose en plaques, exemple d’uneaffection du sujet jeune, illustre le cas d’une maladie dont le pronostic évolutif peut être très variabled’un patient à l’autre. Ce caractère aléatoire est volontiers source d’angoisse supplémentaire chez lespatients qui appréhendent les conséquences de la maladie. Les sources d’information disponibles vontprésenter au patient les cas les plus graves où un handicap sévère peut s’installer rapidement.

Le médecin doit s’efforcer d’apporter au patient des éléments positifs, tels que les possibilités thérapeu-tiques les plus récentes, les particularités évolutives de chaque cas en particulier du sien, en soulignantles éléments les moins défavorables. Il est important dès l’étape initiale d’information au patient de nepas dissimuler le risque de récidive mais en même temps de l’informer des possibilités thérapeutiquesultérieures. Le suivi du patient sera une aide, l’appréciation des conséquences thymiques de la maladieest essentielle dès le stade initial.

D’autres affections, en particulier dégénératives, ne comportent actuellement pas de thérapeutiques spé-cifiques. L’information médicale ne doit cependant pas se limiter à une information diagnostique pure,mais éclairer patients et familles sur les traitements possibles des symptômes de la maladie, sur lesrecherches en cours.

4 - LE SUJET ÂGÉ

Il n’y a pas de mesure spécifique en fonction de l’âge. La personne âgée demeure capable quel que soitson âge, son état de dépendance et ses fonctions cognitives tant qu’il n’a pas été prouvé qu’il y a uneincapacité telle qu’elle est définie dans la loi.

Ceci a une double conséquence :

• Respect de l’obligation du consentement éclairé qui doit être recherché dans tous les cas (doncdroit au refus) en s’assurant que le patient est en mesure de comprendre l’information et qu’il est enétat de se déterminer par rapport à cette information. Les capacités de discernement doivent être parti-culièrement bien évaluées, notamment chez les personnes présentant un déclin cognitif, de manière àne pas se contenter d’un a priori sur l’âge ou la dépendance.

• Respect du secret médical qui peut poser problème dans le contexte constitutionnel ou dans la priseen charge par un réseau de soins où l’on accepte la notion de secret partagé.

Le respect de la dignité de la personne âgée en tant que personne humaine à part entière, quel que soitson état de dépendance, demeure l’élément dominant.Trop souvent le sujet âgé devient objet de soins, sans respect de son autonomie et de son droit à déciderde son propre devenir. L’information au malade âgé, son droit à la vérité, le respect de ses volontés (et noncelles de sa famille) doivent guider les décisions médicales. Par contre, lorsque le sujet âgé n’est plus enétat de comprendre ou de décider il faut associer sa famille et/ou le représentant légal à la prise de soins.

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• Le temps nécessaire à l’information est plus long pour plusieurs raisons :

- L’intégration sensorielle et cognitive est plus difficile et plus lente, et doit se faire dans des conditionsd’intimité et de calme. En dehors de toute pathologie cérébrale dégénérative, il y a un ralentissement dela perception, de l’intégration et de la compréhension des données qui nécessite souvent une annoncediagnostique par étapes, en revenant souvent en arrière pour évaluer ce qui a été compris. Il faut recou-rir à un langage simple, clair, en sachant répéter plusieurs fois la même information. Il est aussi indis-pensable d’identifier un référent pour éviter toute confusion.

- Dans le cas où le patient présente une altération pathologique des fonctions cognitives de nature irré-versible, il est fréquent qu’il soit déclaré incapable et protégé par un régime de Tutelle. Quel que soit sonstatut de protection ou de non-protection, il est indispensable de pratiquer cette démarche d’informationadaptée au statut cognitif chez le dément qui peut très bien manifester une réaction qu’il faut savoirdécrypter. Le problème posé est de savoir comment en tenir compte, même si la personne peut être rem-placée dans le consentement aux soins par son tuteur qui, outre son rôle de gestion des biens, doit aussiveiller à la protection de la personne.

• La difficulté d’établir un diagnostic et un pronostic

Une pathologie grave peut survenir de façon isolée chez une personne âgée en bonne santé, mais aussidans un contexte de pathologies chroniques multiples. Les démarches des examens diagnostiques,notamment agressifs, doivent suivre une réflexion centrée sur la qualité de vie des patients plutôt quesur une rigueur scientifique. Le caractère de probabilité du diagnostic, les incertitudes évolutives, les res-sources thérapeutiques limitées rendent l’information du patient et de sa famille plus difficile et néces-sitent des réévaluations et des concertations permanentes.

• L’importance du contexte familial, social, plus spécifique de la personne âgée, la situation d’isolementfréquemment rencontrée chez les personnes très âgées, par perte du conjoint, départ des enfants, décèsdes congénères, l’amène à assumer seule les difficultés liées à l’hospitalisation, aux démarches dia-gnostiques et aux conséquences de la maladie. Lorsqu’il y a un conjoint, il est souvent âgé lui-même,parfois déjà atteint par des pathologies invalidantes et l’équilibre précaire qui s’était installé risque de serompre.La maladie peut être facteur d’une institutionnalisation définitive avec tous les problèmes matériels,affectifs qui en découlent et qui font parfois resurgir de vieux conflits familiaux jamais réglés, notam-ment entre les enfants.

• Plus grande vulnérabilité psychologique et des possibilités d’adaptation réduites :- se méfier d’une réaction dépressive masquée ou d’un syndrome régressif équivalent d’un suicide- refus de soins dans un contexte d’abandon et demande d’euthanasie par angoisse de la dépendance,de la souffrance et de la mort et par l’absence de projet de vie- implication “passive” dans le projet thérapeutique par démotivation et sentiment d’être inutile, voireà charge pour ses proches- réactions confusionnelles possibles avec pertes des repères prises pour une démence.

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CONCLUSION

L’âge ne dispense pas d’un droit à la vérité et à l’information quel que soit le niveau de dépendance etde statut cognitif. L’information doit être prudente, progressive, adaptée à l’état cognitif et à la person-nalité du patient, éclairée, toujours assortie d’une proposition de prise en soins au long cours et d’ac-compagnement des proches.

5 - L'ENFANT Code de Déontologie MédicaleArticle 42 :Un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s'ef -forcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d'obtenir leur consentement. En casd'urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires.Si l'avis de l'intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure dupossible.

L'information doit donc être donnée au parent qui a la garde de l'enfant, et depuis peu de temps,nécessairement aux deux parents. Lorsque l'enfant est en âge de comprendre, l'information doitlui être donnée. La loi ne statue pas sur l'âge à partir duquel l'information doit être donnée, nisi celle-ci doit être pleine ou entière. Elle laisse donc libre le médecin d'adapter son discours auxcapacités de compréhension et de projection dans l'avenir de l'enfant.

En situation de soins :

Le praticien qui donne des soins à un enfant doit s'assurer du consentement des parents ou du tuteur.Lorsque les parents sont absents et ne peuvent être prévenus et si la situation est grave et urgente, lemédecin prend les mesures nécessaires et donne les soins sous sa seule responsabilité.

Lorsqu'il s'agit d'un grand enfant, le médecin doit s'efforcer d'obtenir son adhésion personnelle.

Code Civil :

Article 375 : Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger ousi les conditions de son éducation sont gravement compromises, des mesures d’assistance éduca -tive peuvent être ordonnées par la justice à la requête des pères et mères conjointement, ou de l’und’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié, ou du tuteur, du mineur lui-mêmeou du ministère public. Le juge peut se saisir d’office à titre exceptionnel.

Article 28 du Décret du 14 janvier 1974 : Lorsque la santé ou l'intégrité corporelle du mineurrisque d'être compromise par le refus du représentant légal du mineur ou l'impossibilité derecueillir le consentement de celui-ci, le médecin responsable du service peut saisir le MinistèrePublic afin de provoquer les mesures d'assistance éducative lui permettant de donner les soins quis'imposent.

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6 – LE CONTEXTE DES TROUBLES PSYCHIATRIQUES

Une des difficultés majeures de la psychiatrie est d’avoir à proposer un traitement ou à traiter “sansconsentement” (et cette possibilité, prévue par la loi, est spécifique à la psychiatrie) un patient tout enrespectant son statut de sujet dans ses dimensions psycho-bio-sociales, éthiques et humanistes alors queson entendement, son discernement, son jugement et sa capacité à recevoir l’information peuvent êtrealtérés voire abolis. Pire encore, le thérapeute, par une information pourtant bien conduite peut aggra-ver l’état du patient et ce d’une manière “irrattrapable” car échappant alors aux processus d’analyseconscients ou à des informations complémentaires objectives et rassurantes. Ce risque, associé à ladimension culturelle de la pathologie (cf. infra) explique pourquoi la pratique de l’information du dia-gnostic au patient en cas de schizophrénie par exemple, ne dépasse pas un cas sur trois en France, enco-re moins au Japon alors qu’elle concerne 80% des patients aux États-Unis.

Code de Santé Publique :

L’ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 (J.O. 22 juin 2000) relative à la partie législative du Codede Santé Publique a apporté des modifications à la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative à la protec-tion des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation.

Article L 3211.1… Toute personne hospitalisée ou sa famille dispose du droit de s’adresser au problème ou àl’équipe de santé mentale, publique ou privée, de son choix tant à l’intérieur qu’à l’extérieur dusecteur psychiatrique correspondant à son lieu de résidence.Article 3211.1Lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement… elledoit être informée dès l’admission et par la suite, à sa demande, de sa situation juridique et deses droits…

Problématique des sources d’information

Parce qu’elle fait l’objet d’une médiatisation, souvent très tendancieuse, la psychiatrie souffre égalementd’un “savoir” caractérisé par des certitudes très limitées et par des théories et modélisations très nom-breuses susceptibles d’être à tort considérées comme des faits établis concernant l’étiopathogénie destroubles qu’elle décrit et se propose de traiter. Cette carence prolixe représente une véritable brèche danslaquelle s’engagent et se développent les idées préconçues les plus diverses, les convictions les plus endur-cies et les moins fondées et où s’affrontent la culture, la morale, la science et l’ignorance, et enfin la peurde sa propre “folie” et les processus de réassurance qu’elle génère : rejet (de l’enfermement à l’antipsy-chiatrie), banalisation (attribution à un déficit de volonté…), rationalisation (adhésion à un modèleexplicatif exclusif, par exemple : sociogénèse, conséquences d’un événement de vie…). Alors que lamodélisation actuellement la mieux fondée admet l’influence dans le déclenchement des troubles de fac-teurs héréditaires et environnementaux (modèle polygénique à seuil avec interactions environnemen-tales), il faut bien convenir que les média prennent rarement en compte la totalité des termes de ce modè-le (“ on vient de découvrir le gène de la schizophrénie ! l’autisme est en passe de livrer son secret! ” ) .

Problématique liée au patient

Cette complexité et ces maladresses ne facilitent pas le bon déroulement de la procédure d’informationà laquelle le patient a légalement droit et ce d’autant plus que certains éléments cliniques propres au

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sujet peuvent l’entraver voire la rendre impossible. Difficulté supplémentaire face à ces positions pas-sionnelles, les spécialités prescrites réfèrent toutes et immédiatement à une indication apparemmentprécise : anti… dépresseurs, anti… psychotiques, normo… thymiques, anxio…lytiques et dès lors desmises en équation injustifiées peuvent être faites par le patient et l’entourage qui les renverraient, fauted’information du médecin à la totalité de la problématique des sources d’information (représentationmentale inadaptée des troubles psychiatriques).

Un second point concerne l’environnement du patient qu’il faut toujours intégrer au processus théra-peutique. Les troubles mentaux altèrent toujours, peu ou prou la vie relationnelle et il faut bien poser lecadre de son action de soins :• d’un côté un patient présentant des troubles dont l’étiopathogénie (en dépit de quelques théorisationsexcessives aujourd’hui considérées comme obsolètes) n’implique pas obligatoirement une “responsabi-lité” quelconque de l’entourage.• de l’autre un environnement qui, lui aussi, souffre des troubles présentés par le patient• entre les deux, une relation nécessairement empreinte d’une dimension pathologique, secondaire-ment pathogène qui résulte d’une adaptation inadéquate aux troubles où, à nouveau, les préjugés, lescroyances et les informations partielles et partiales se mêlent.

Vouloir traiter les troubles et cette relation malade nécessite, le plus souvent, l’implication de la familleau projet de soins.

Pratique

La demande thérapeutique le plus fréquemment pratiquée consiste donc :

• A voir le patient seul ou s’il préfère avec le membre de la famille qui l’accompagne

• Juger de la conscience qu’a le patient de son état pathologique et de sa coopération potentielle auxsoins- S’il est possible de conclure par la négative à ces deux interrogations et si la pathologie est grave, ilfaudra alors informer le patient et la famille des possibilités légales de soins et les justifier par une infor-mation claire (cf. infra) puis mettre en œuvre (à la demande fondée de la famille ou avec son accord)une hospitalisation sur demande d’un tiers (cf. loi du 27 juin 1990 modifiée par l’ordonnance du 22juin 2000).- Si le patient a conscience de ses troubles et coopère aux soins, et ne nécessite pas d’hospitalisation quipourrait alors être réalisée en “service libre”, un suivi peut alors être envisagé après information dupatient sur les troubles présentés, l’état des connaissances médicales et les thérapeutiques.

• Programmer le suivi en intégrant, après information et accord du patient, l’environnement prochetout en respectant l’impératif du secret médical que le patient pourra s’il le souhaite, atténuer sur cer-tains points discutés en commun.

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7 - LE CONTEXTE GÉNÉTIQUE

Les conditions de prescription et de réalisation des examens de caractéristiques génétiques d’une per-sonne ont été modifiées par le décret n° 2000-570 du 23 juin 2000. Il modifie le code de santé publiqueen précisant les règles qui s’appliquent dans ce domaine.

Conditions de prescriptions

Code de Santé publique :

Article R 145-15-4Le consentement de la personne à qui est prescrit l’examen de ses caractéristiques génétiques doitêtre libre et éclairé par une information préalable comportant notamment des indications sur laportée de l’examen. Ce consentement est donné par écrit. Lorsque la personne concernée est unmineur, le consentement doit être donné par les titulaires de l’autorité parentale.

Chez le patient présentant des symptômes d’une maladie génétique, la prescription d’un examen decaractéristique génétique ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une consultation médicale individuel-le. Lorsque l’examen doit être effectué sur un mineur, il ne peut être prescrit que si celui-ci peut per-sonnellement en bénéficier dans sa prise en charge ou que si des mesures préventives ou curatives peu-vent être prises pour sa famille.

Chez une personne asymptomatique mais présentant des antécédents familiaux, la prescription d’unexamen de caractéristique génétique ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une consultation médicaleindividuelle.

Cette consultation doit être effectuée par un médecin oeuvrant au sein d’une équipe pluridisciplinairerassemblant des compétences cliniques et génétiques. Au cours de cette consultation, la personne doitêtre informée des caractéristiques de la maladie recherchée, des moyens de la détecter, des possibilités deprévention et de traitement. Les examens ne peuvent être prescrits chez un mineur que si ce dernier ousa famille peuvent personnellement bénéficier de mesures préventives ou curatives immédiatement.

Conditions de communication des résultats :

Code de Santé Publique :

Article R 145-15-14Le médecin prescripteur se doit de communiquer les résultats de l’examen de caractéristique géné -tique qu’à la personne concernée, ou à celle titulaire de l’autorité parentale s’il s’agit d’unmineur ou à son représentant légal s’il s’agit d’un majeur sous tutelle.

La communication des résultats doit se faire dans le cadre de la consultation médicale sous une formeclaire et appropriée.La personne concernée peut refuser que les résultats lui soient communiqués. Dans ce cas, le refus doitêtre enregistré par écrit dans le dossier du malade.Exceptionnellement, pour des raisons légitimes et dans l’intérêt du patient, lorsque celui-ci présente dessymptômes, le médecin prescripteur apprécie l’opportunité de ne pas communiquer les résultats del’examen de caractéristique génétique à la personne concernée ou à celle titulaire de l’autorité parenta-le s’il s’agit d’un mineur, et à son représentant légal s’il s’agit d’un majeur sous tutelle.

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8 - LE HANDICAP MAJEUR

Un certain nombre de particularités sont liées à la prise en charge d’un handicap majeur :

L’information du malade et l’annonce du handicap sont le plus souvent faites à posteriori, une fois quele handicap est là puisqu’il s’installe en général de façon brutale, après un accident de la voie publiqueou une intervention en urgence compliquée. La particularité est donc que le malade n’a pas eu le tempsde se préparer à ce handicap majeur et que l’annonce est souvent brutale. Elle doit être faite le plus dou-cement possible en utilisant même des euphémismes de façon que le patient pose lui-même des ques-tions sur la réalité du handicap, les fonctions qui sont atteintes. L’information sur la précision du han-dicap sera peut-être donnée en plusieurs temps si le malade n’est pas prêt à avoir l’information com-plète.

Le handicap majeur est définitif, mais le plus souvent non évolutif, au contraire d’une maladie chro-nique évolutive telle une maladie neurologique dégénérative ou un cancer avec traitement palliatif. Ils’agit là d’un aspect positif à développer avec le patient.

L’information sur le handicap ne doit pas être négative, bien qu’elle soit en fait claire sur les fonctionsqui auront disparu. Les points positifs à développer sont que le handicap est bien connu, les aspects fonc-tionnels bien connus, la prise en charge bien codifiée et faite de telle façon que la vie soit la plus nor-male possible. Il est même possible de spécifier que la prise en charge pourra permettre d’améliorer lesconditions et la qualité de vie au fil du temps.

Enfin les médias véhiculent régulièrement des améliorations technologiques pouvant permettre d’ap-porter un espoir au patient dans la gestion de son handicap. Il est donc possible de laisser entendre aumalade que la qualité de vie pourra être encore améliorée par des améliorations technologiques en coursd’expérimentation.

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5. LES FONDEMENTS DE L’ÉTHIQUE DE L’INFORMATION DES MALADES

Il est devenu si banal d’invoquer “l’éthique médicale” que l’on a tendance à perdre de vue ce qu’il fautentendre exactement sous cette dénomination.

Un des piliers de la médecine repose sur la certitude irréfléchie du patient qu’il doit pouvoir s’appuyersur la consistance éthique (actions réfléchies) de son médecin, indépendamment des appréciations etdes engagements personnels de ce dernier. Sans cette certitude, aucune relation soignante authentiqueet confiante ne sera possible.

Dans le contexte actuel de perte de repères et de “foire aux éthiques” abondamment médiatisées, cettesituation devient moins claire. On pourrait même redouter que les médecins et les soignants, sollicitésd’un côté par des argumentations contradictoires, de l’autre par des thématiques à la mode, ne viennentà être sinon ébranlés, du moins envahis par le doute. Certains dérapages (notamment en matière d’ex-périmentation et d’euthanasies) montrent que l’adhésion coutumière à certains principes fondamen-taux ne va plus de soi. C’est pourquoi l’urgence fondamentale en matière d’éthique médicale n’est pasd’inventer ou d’innover, mais avant tout d’expliciter et de raviver ce qui la plupart du temps devrait allerde soi.

• La spécificité de l’éthique médicaleElle n’est ni une éthique spéciale, ni une éthique extérieure. L’éthique s’entend ici comme une réflexionau sujet de tout ce qui touche le champ de la médecine. Quand on parle d’éthique “médicale”, deuxtentations sont à l’œuvre :

- la première tentation consiste à rattacher l’éthique médicale à une éthique particulière. C’est làconfondre l’éthique et la déontologie (code de recommandations pratiques professionnelles).- la seconde tentation consiste à rattacher l’éthique médicale à une éthique extérieure. Or l’éthiquemédicale fait partie intégrante de l’éthique dans son ensemble.

Dans la mesure où l’action du médecin concerne une PERSONNE, qui n’est ni un animal, ni unemachine, seule une éthique est capable d’orienter vers le bien d’une personne, des savoirs et des pou-voirs qui, considérés isolément, peuvent produire des effets contraires (FEV, génétique…)

L’éthique joue donc en médecine le rôle majeur de pourvoyeur de sens et de régulatrice des actes, puis-qu’elle contribue puissamment à discerner la fin à poursuivre et à faire un choix parmi les moyens dis-ponibles.

• Les racines de l’éthique médicale

La situation médicale se caractérise par la rencontre singulière entre une personne confrontée à la souf-france et une personne qui laisse présumer, à tort ou à raison, qu’elle pourra y apporter remède.

Cette situation est, par définition, une situation “éthique” dans la mesure où elle voit s’affronter deuxêtres sur un mode asymétrique. En face d’une personne souffrante, il y a une obligation soignante quiconsiste à se percevoir “obligé” de répondre à l’appel humain. Cette réponse est unilatérale : sans don-nant-donnant. Cette relation authentique à autrui fonde la médecine dans une relation de service sur leplan de l’être.

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L’éthique médicale repose donc sur une relation médecin/malade ou sur une rencontre inégale entredeux personnes. C’est dire l’importance dans cette relation d’une parole qui circule (information etcommunication).

• La question de la parole : le secret et la vérité

La rencontre médecin/malade commence avec un genre de parole particulière qui est la “plainte”. Cetteplainte recèle selon P. RICOEUR (code de déontologie) deux niveaux d’appel :

- la dimension humiliante de l’aveu et de l’appel, ce qui interdit d’en faire un dialogue entre égaux- une demande de rétablissement des conditions d’un dialogue par l’intermédiaire de l’information.

De ce fait, la demande d’information d’un patient ne peut pas se situer uniquement sur un contenutechnique, mais également au niveau d’une parole d’humanité c’est à dire touchant la personnehumaine dans son intériorité ou son être.

Dans cette perspective, le fondement éthique du secret réside dans le fait que la souffrance est un lieu de“retrait de la personne”. Ce secret est donc le noyau éthique de la relation médecin/malade fondée surla souffrance et l’humiliation. L’impératif du secret est le prix que doit payer le médecin pour s’autori-ser à explorer l’intimité. Cet impératif du secret permet de fonder le respect que l’on doit à la personne.Ainsi, face à l’information médicale, le vrai problème n’est pas celui de la vérité ou du mensonge ou dusilence, mais celui de la vérité et de la liberté qui dans sa dialectique fait vibrer la Vie.

CONCLUSION

Informer renvoie au courage d’être présent à l’autre dans son attente humaine, donc, à cet effort de per-ception, d’écoute, de mesure, de pondération, et plus encore, d’amour. On peut même se demander si,dans certaines circonstances, la “vérité inassumable” comme la nomme E. LEVINAS assénée brutale-ment à une personne n’est pas du registre de la perversion, meurtre de la personne dans sa faculté d’exis-ter. L’homme n’est pas en mesure de survivre à ce que serait le seul verdict de mort. Il convient mêmede le reconnaître et de le respecter, dans sa faculté de s’y refuser, de s’en protéger.

La vérité d’une existence humaine, engage à la qualité, à la densité d’une réflexion, d’une méditation,de considérations à la fois subtiles et infiniment respectueuses d’un mystère qui toujours échappe, parcequ’essentiellement hors de notre portée.

Respecter la vérité de l’homme, c’est lui permettre de vivre selon son attente. Dans cette quête de la véri-té de l’Homme, les règles, les cybersystèmes… toutes les prouesses de la technologie ne devraient-ellespas être accompagnées d’une lecture éthique sur le sens pour la “Vérité de l’Homme”? On voit donc lanécessité de consacrer du respect à la sphère de l’intime, du privé. Communiquer de manière généraleà propos d’une pathologie diffère singulièrement de la nature de l’information que l’on doit adapter àune personne à travers une démarche complexe et soumise à l’évolutivité ainsi qu’à l’incertitude de fac-teurs toujours particuliers. C’est là où l’information engage, implique, expose. Il convient d’apprécierles risques et les conséquences induits par la présentation d’une situation humaine dont on ne maîtrisepas tous les aspects. Il s’agit donc à la fois d’un acte éthique et de l’exercice d’un art, dont il s’avèrenécessaire de prendre en compte la pleine complexité.

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Deuxième partie

Vignettescliniques

Utilisation :• Séances interactives• Jeux de rôle

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1 . CANCER1) Informer au moment du diagnostic

Monsieur N., 68 ans, se présente en endoscopie pour l’exploration d’une dysphagie. L’interrogatoire rapi-de nous apprend que l’indication de l’examen a été portée par son médecin généraliste. Il a déjà étéopéré il y a dix ans d’un cancer ORL et sa femme est en traitement par chimiothérapie pour un cancerdu sein. Au cours de la gastroscopie, on trouve une sténose infranchissable à 33 cm des arcades den-taires. Cette sténose serrée est macroscopiquement très suspecte (bourgeonnante, fragile, irrégulière).Après la pratique de biopsies, il est mis en place dans le même temps opératoire une sonde de nutritionentérale. Le patient conscient au cours de l’examen est tenu informé des constatations endoscopiquesjustifiant la nécessité de la mise en place de la sonde. A la fin de l’examen, le médecin explique de nou-veau la situation. Les mots de “lésion sténosante”, “œsophage bouché” sont utilisés. Le patient ne poseaucune question sur la nature de cette lésion. Le médecin accompagne Monsieur N. chez la diététicien-ne pour les conseils concernant la nutrition entérale. En entrant dans le bureau de la diététicienne lepatient se tourne vers le médecin et lui dit : “c’est un cancer de l’œsophage” ?

1°) Analysez cette situation.

2°) Imaginez comment le médecin doit répondre à la question du malade.

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La communication au moment du diagnostic d’une maladie grave, en particulier d’un cancer, est uneétape critique de la relation médecin-malade-famille. Chaque situation est un exemple unique qui nese reproduira jamais à l’identique. La stratégie pour faire progresser le malade jusqu’à la vérité doit êtreadaptée au contexte, à “l’histoire du malade”, aux perspectives thérapeutiques et pronostiques. Danstous les cas l’expérience et la disponibilité physique et psychologique du médecin conditionnent la qua-lité du pacte de confiance qui s’établit dans cette période privilégiée.

ANALYSE DE LA SITUATION

- Vécu personnel et familial d’une maladie cancéreuse avec succès thérapeutique pour le malade.- Le gastro-entérologue sollicité par le malade intervenait pour un geste technique. Il n’est pas a priorile “médecin référent”.- Ignorance à priori du niveau d’information donné par le médecin généraliste pour justifier la pratiquede l’endoscopie.- Question du malade très précise qui suggère que selon lui le diagnostic du cancer est probable. Etait-il préparé? A-t-il perçu des informations verbales ou non verbales au cours ou après l’endoscopie?- Question précise qui impose nécessairement une réponse.

PROBLÉMATIQUE

- Conditions matérielles non propices pour une réponse sur-le-champ (malade dans l’embrasure d’uneporte, médecin et malade debout, présence de la diététicienne).- Ignorance au sujet de la disponibilité du médecin qui a pratiqué l’examen endoscopique et qui a peut-être un emploi du temps précis à respecter.- Diagnostic quasi certain mais des biopsies ont été pratiquées.- Réponse à une telle question ne peut pas être laconique ou elliptique.

SUGGESTIONS

- Trouver les conditions matérielles propices à un entretien en tête-à-tête, médecin et malade face à face,assis, si possible proches l’un de l’autre.- Adapter la stratégie à la durée de la disponibilité. Deux situations sont possibles :- Si faible disponibilité, confirmer la suspicion. Proposer d’attendre le résultat des biopsies et revoir lemalade. Fixer d’un commun accord jour et heure d’un rendez-vous. Veiller à respecter l’horaire du ren-dez-vous.- Si disponibilité suffisante, confirmer le diagnostic (en gardant une réserve par principe compte tenude l’absence du résultat de l’histologie). Aborder les grandes lignes de la stratégie (bilan d’extension,possibilités thérapeutiques). Proposer au malade d’exprimer ses interrogations etc. Terminer l’entretienen récapitulant les composantes des projets de prise en charge.

1 . CANCER2) Annonce de l’absence de traitement de la maladie

Monsieur et Madame G… d’origine asiatique sont arrivés en France il y a quarante ans. N’ayant aucune famille, ils avaient choisi il y a 5 ans d’entrer dans une maison de retraite. Monsieur G… estdécédé il y a un mois. Il y a trois mois on a diagnostiqué chez Madame G… un cancer colique pourlequel on a décidé une abstention thérapeutique dirigée contre le processus tumoral. Depuis le décès deson mari Madame G., 90 ans, très dépressive, pleure, refuse de manger, ne veut plus se lever et devientprogressivement dépendante.

Le médecin prescrit une réhydratation par perfusion sous-cutanée, et s’interroge s’il doit lui dire qu’elle a un cancer? La malade arrache la perfusion. Le médecin prescrit une sonde gastrique qui estégalement aussitôt arrachée. Face à cette situation une réunion interdisciplinaire a lieu.

La question qui est débattue en premier est la suivante : Madame G... doit-elle être informée d’unemanière plus précise sur sa maladie et sur l’absence de traitement dirigé contre la tumeur?

Discuter la problématique sur le plan spécifique de l’information en particuliersur l’abstention thérapeutique.

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ANALYSE DE LA SITUATION

L’équipe se trouve devant un double problème :

- le problème du droit à la vérité- le problème de savoir si l’on a le droit de poser une sonde gastrique à cette patiente qui s’y opposemême si cela peut lui être physiquement profitable ?D’après ce texte, on ignore ce que la malade sait de sa maladie. C’est une situation pratique fréquente.Les gestes de la malade peuvent s’interpréter de diverses manières : dans le contexte dépressif d’un deuil(décès de son mari il y a un mois), absence de famille et le grand âge, douleur globale dont le souhaitde laisser la vie s’accomplir “naturellement” sans techniques médicales sophistiquées. Donner des infor-mations à la malade sur sa maladie et son absence de traitement présente des bénéfices et des préjudices.Quels sont les bénéfices et les préjudices éventuels de cette information ?

CHOIX D’UN ACTE ÉTHIQUE• Concernant le droit à la vérité - Réfléchir en équipe :-Est-ce vraiment dans l’intérêt de la patiente que l’on choisira de ne pas informer davantage ?-N’y a-t-il pas inconsciemment la peur des réactions de la malade (aggravation de la dépression)Être attentif à ces questions pour savoir ce que la malade veut réellement connaître sur sa maladie etsur ses possibilités thérapeutiques est indispensable Il ne faut pas imposer à la patiente ce qu’elle ne veut pas savoirDécider jusqu’où aller dans l’information et comment le faire pour rester en relation de vérité avec la patiente sans être alarmisteQu’est-ce qui relève du médecin? Qu’est-ce que les infirmières peuvent dire ?Transmettre à l’équipe les éléments d’informations qui sont donnés au fur et à mesure de l’évolution dela malade.

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Donner des informations Respecter l’absence d’informationprécises médicale

Bénéfices• pour Madame G… Lever l’inquiétude et l’insécurité Ne pas augmenter son inquiétude

concernant le devenir de sa “ tumeur ” et sa dépression

• pour l’équipe L’aider à consentir et participer Poursuivre une relationau projet de soins d’accompagnement

avec l’évolution naturelle de Sortir de sa solitude d’endeuillée sa maladiepar la communication à un projet d’équipe

Être en relation de “ vérité ” avec Madame G…

Préjudices éventuels• pour Madame G… Augmenter son inquiétude et sa Voir monter son inquiétude, son

dépression en apprenant l’impossibilité anxiété et son refus de soinsthérapeutique face à sa tumeur

Ne pas pouvoir participer à un projet• pour l’équipe Avoir à faire face à n’importe quel de soins positif

moment à la vérité et aux questions de la malade Aggraver sa dépression et son deuil :

sentiment d’inutilité de toutes chosesSensation de mentir et de tromper la malade Maintenir une relation basée sur

le mensonge

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1 . CANCER3) Le malade “ exclu ” du champ de la vérité

Monsieur J., âgé de 55 ans, a subi il y a deux ans une gastrectomie partielle pour un cancer de l’antregastrique. Son médecin et le chirurgien lui ont expliqué qu’il avait un ulcère et qu’il était nécessaire del’opérer pour éviter une dégénérescence. Depuis l’opération, il présente une diarrhée intermittente pourlaquelle il consulte au C.H.U. pour la première fois dans le Service de Gastro-entérologie, un an aprèsson intervention. Les explorations cliniques et paracliniques ne mettent pas en évidence de signe de réci-dive. La diarrhée est améliorée par une adaptation diététique. Il apparaît que le malade ne sait pas qu’ila eu un cancer et on décide de le laisser pour l’instant dans l’ignorance du diagnostic.

Deux ans plus tard apparaissent des douleurs basithoraciques faisant découvrir un épanchement pleu-ral de faible abondance et des douleurs lombosacrées qui conduisent après une pleuroscopie avec biop-sies et une scintigraphie osseuse à conclure à l’existence de métastases pleurales et osseuses. Le maladese présente à la consultation de Gastro-entérologie car il n’a plus d’appétit et pense qu’il s’agit d’uneconséquence de son opération. Une lettre du pneumologue au gastro-entérologue a été adressée par laposte précisant les résultats des biopsies et le fait que le malade ignore la nature de son mal mais que lemédecin généraliste a été informé. Lors de la consultation, l’épouse et les deux enfants, âgés d’environ20 et 22 ans, sont présents et parlent beaucoup, répondant aux questions à la place du malade. Ils pré-cisent que le malade pleure souvent. Pendant l’examen physique du malade, l’épouse fait un signe enplaçant l’index devant sa bouche sans que le malade puisse le voir. A l’issue de l’examen et compte tenude l’état du malade qui a perdu 12 kg en deux mois, il apparaît évident que le traitement à visée carci-nologique n’est pas indiqué. Ce malade relève d’un traitement palliatif urgent car il souffre beaucoup.

1°) Analysez la situation concernant l’information du malade au cours de sa maladie.

2°) Pensez-vous utile de faire évoluer l’information ?

3°) Si oui, comment pouvez-vous procéder ?

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Il est encore fréquent d’observer une situation dans laquelle le malade atteint d’un cancer évoluantdepuis plusieurs mois ou années, ayant fait l’objet de traitements plus ou moins agressifs, est tenu dansl’ignorance du diagnostic. Les médecins sont souvent complices de la famille pour entretenir cette exclu-sion du malade du champ de la vérité. Hormis certains cas particuliers (rares) cette attitude est inac-ceptable.

ANALYSE DE LA SITUATION- Un moment “propice ” a été manqué au moment de la gastrectomie.- Le malade a été maintenu dans l’ignorance de sa maladie car il n’y avait pas de preuve de la récidive.Dévoiler le diagnostic initial conduisait à rompre la confiance du malade (en particulier vis à vis de sonmédecin généraliste).- L’information concernant la vérité après la récidive circule à l’insu du malade. Tout le monde sait : lemédecin généraliste, le spécialiste, la famille.- En fait le malade souffre d’une douleur totale du fait de sa situation somatique et de son isolement.- La famille désire maintenir le “secret ” de la vérité pour protéger le malade.

FAIRE ÉVOLUER LA SITUATION- Indispensable pour le malade et sa famille- Nécessité de recevoir la famille (en dehors du malade) pour expliquer l’intérêt du “rapprochement ”- Faire progresser le malade vers la vérité en partant de l’expression de ce qu’il sait ou pense savoir desa maladie et de son état.- Informer le médecin généraliste (et les autres intervenants éventuels) de l’information du malade etde ses réactions.

QUELQUES RECOMMANDATIONS

• Avec la famille- Une réaction agressive de sa part est souvent le témoin d’une détresse, d’un sentiment de culpabilitéqu’il faut savoir gérer par une attitude compassionnelle.- Expliquer que la démarche vers la vérité pourra apaiser les souffrances physiques et morales.- Valoriser le fait que la synchronisation dans la connaissance de la vérité du malade et de sa famillefacilite la qualité et la profondeur des relations propices à l’acceptation progressive de la maladie et del’inéluctable.

• Avec le malade-Apprendre la vérité ou la confirmation de celle-ci déclenche une épreuve initiatique avec les étapes suc-cessives de construction du deuil (Cecil SAUNDERS)- Le malade en apprenant la vérité risque de retracer les étapes de sa maladie et de découvrir que le pactede confiance n’a pas été respecté du fait de l’asymétrie entre ce que savait le médecin et probablementsa famille, et ce qui lui a été dit. Il faut savoir trouver des explications plausibles et acceptables et bâtirun vrai pacte de confiance.- Le télescopage temporel entre apprendre le diagnostic et percevoir le pronostic péjoratif impose deséchanges authentiques (ce qui n’implique pas une vérité absolue) basée sur l’affirmation de “non-abandon”.

1 . CANCER4) Le médecin “médiateur”

Madame S., âgée de 43 ans, est hospitalisée en février 1998 pour un cancer du sein évolué avec une lym-phangite pulmonaire carcinomateuse et des métastases hépatiques. Elle a une récidive locale ulcérée auniveau de la cicatrice de l’ablation du sein. Elle a été traitée par Taxol (antimitotique de deuxièmeligne) qui vient d’être arrêté en l’absence d’amélioration. Elle est hospitalisée en raison d’une dyspnéetraitée par oxygénothérapie et corticoïdes à fortes doses.

Son mari et ses enfants, âgés de 13 et 15 ans, viennent tous les jours. A plusieurs reprises, en faisant lacontre-visite, vous constatez que la télévision est allumée en permanence, les enfants lisent des bandesdessinées et le mari et son épouse regardent la télévision? Vous avez rencontré le mari qui, malgré vospropos sur la gravité de l’état vous interroge régulièrement sur les raisons de la non-amélioration del’état de son épouse. La malade vous confie un soir qu’elle avait décidé avec son mari de louer une mai-son de vacances en juillet prochain pour récupérer complètement. Au hasard de la conversation, ellevous déclare qu’elle est inquiète de son état mais préfère ne pas en parler à son mari ni à ses enfantspour ne pas les perturber.

1°) Analysez la situation

2°) Pensez-vous qu’il faille laisser cette situation dans l’état? Si oui, pourquoi? Sinon, pourquoi et que faire ?

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La communication est souvent difficile en cancérologie car elle véhicule des informations anxiogènes.Ceci est vrai lors des échanges entre le médecin et le malade mais aussi entre le malade et sa famille. Ilpeut en résulter un appauvrissement des échanges intrafamiliaux qui aboutit à une mort "sociale" etparfois "affective" avant la mort "physique". Le médecin et d’une manière générale les soignants sontsouvent des confidents pour les malades et pour les familles. Ils sont placés en situation privilégiée pourdéceler les difficultés d’échanges intrafamiliaux. Ils peuvent jouer un rôle de médiateur pour contribuerà rapprocher le malade et sa famille.

ANALYSE DE LA SITUATION

Situation classique de protection réciproque qui aboutit à un apauvrissement des relations sociales etaffectives entre le malade et sa famille

• Double déni de la part du mari (pourquoi une non-amélioration) et de la malade (projet à moyenterme)• La conversation avec le malade peut être interprétée par son caractère ambivalent comme un appel àl’aide pour que le médecin joue un rôle de médiateur en déculpabilisant le malade de l’épreuve qu'elleimpose par sa maladie à son mari et à ses enfants

COMMENT S’Y PRENDRE ?

• L’étape préalable de toute action de médiation est une écoute objective des facteurs qui séparent lesdiverses parties. Il faut donc prendre le temps pour tenter d’amener le malade et sa famille (ici le mari,et si celui-ci est d’accord les enfants) à verbaliser leur souffrance, leur angoisse à propos de l’avenirproche.• Il est judicieux si cela est accessible pour évaluer les possibilités de rapprocher le malade et sa famil-le d’avoir une idée de la qualité des relations intrafamiliales avant la maladie et de l’évolution de celle-ci au cours de la “longue maladie”.• Les familles les plus unies sont celles qui souffrent le plus et risquent d’être les plus dévastées par lamenace de mort, de rupture, avec parfois pour corollaire la faillite progressive de la communication.• Les pistes que le médecin peut recommander sont la valorisation de chacun dans son rôle (celle quipart, ceux qui restent). L’expression objective sans ostentation de l’admiration réciproque, l’abord (sanslimites) dans les échanges de tous les sujets que l’un ou l’autre parti trouvera important.

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2 . VIH1) Infection à VIH et secret médical vis a vis de l'entourage

Monsieur P., âgé de 31 ans, est hospitalisé dans le service de Maladies Infectieuses pour crise d'épilepsieet hémiplégie. Il est homosexuel, se sait séropositif depuis huit ans mais n'a jamais accepté de prise encharge de son infection à VIH. Le scanner cérébral montre de multiples lésions évocatrices de toxoplas-mose cérébrale. Un traitement étiologique est mis en route permettant une évolution rapidement favo-rable de l'état clinique, avec régression des signes neurologiques.

Au cours de son hospitalisation sa mère qui vit dans une autre région de France, vient à Rouen pour levoir et s'installe chez lui. Elle est très inquiète, vient quotidiennement et durant toutes les heures auto-risées de visite. Elle sait qu'il a une toxoplasmose cérébrale, essaie d'en savoir plus sur cette pathologie,interroge les soignants plusieurs fois par jour, cherche à se procurer les notices des médicaments.

Monsieur P… qui n'a jamais caché à sa mère son homosexualité, ne veut pas qu'elle connaisse sa séro-positivité pour le VIH. Depuis l'arrivée de sa mère, il est plus inquiet, appréhende tout faux pas, refusede débuter la trithérapie anti-rétrovirale dans le service afin de ne pas avoir à expliquer ce que sont cesnouveaux médicaments. Alors qu'il allait mieux, il commence à présenter des troubles digestifs avec desvomissements importants nécessitant de prolonger l'hospitalisation. Le bilan organique est normal.

Après un séjour de trois semaines, la mère de Monsieur P… quitte Rouen. Le lendemain, il va mieux etrentre chez lui.

- Analysez l'attitude que doivent avoir les soignants dans cette situation.

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Il est fréquent que les patients ne désirent pas que leur entourage, même familial, soit tenu au courantde leur infection à VIH. Dans ce cas, le secret médical doit être rigoureusement respecté.

ANALYSE DE LA SITUATION

• Entourage trop insistant, demandes multiples auprès de différentes personnes de l’équipe soignante.• Tentative de décryptage des pancartes par la famille.• Le secret médical est ici primordial. Il s’agit d’un droit du malade et d’un devoir du médecin. Il lie lemédecin et l’ensemble de l’équipe soignante au malade. Il est maintenu après le décès du malade. Ilreprésente un élément de confiance indispensable pour le suivi.

COMMENT S’Y PRENDRE ?

Si un patient infecté par le VIH consulte ou est hospitalisé :

• Se faire préciser par le patient quelles sont les personnes au courant du diagnostic, les possibilités del'informer de l'état clinique actuel.• En cas de méconnaissance du diagnostic d'infection à VIH par l'entourage (ou dans le doute), limi-ter les informations délivrées aux symptômes. Se méfier de termes médicaux trop précis qui pourraient"trahir" l'infection à VIH (toxoplasmose, pneumocystose,…).• Être vigilant quant aux personnes qui paraissent informées de la situation clinique actuelle et cher-chent à faire parler l'équipe.• Ne pas donner de renseignements précis par téléphone.• Limiter au maximum le nombre d'interlocuteurs.

Des situations particulières.. .

• Découverte d'une infection à VIH à l'occasion d'une pathologie d'emblée grave et fatale _ Information du partenaire ?? ?

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2 . VIH2) Information et infection à VIH au stade SIDA

Monsieur D., 34 ans, est suivi depuis 5 ans dans le service de Maladies Infectieuses pour infection à VIHau stade SIDA. Il est marié, a eu des jumeaux l'année dernière. Sa femme est aide-soignante. Il tra-vaillait comme étancheur, mais est au chômage depuis 4 ans. L'infection à VIH a été dépistée alors qu'ilexistait d'emblée un déficit immunitaire (CD4 = 170/mm3). La prise en charge s'est faite tout d'aborden consultation en hôpital de jour mais est marquée par une très grande difficulté pour le patient àprendre les traitements de façon assidue. De ce fait de multiples changements sont nécessaires, mais ledéficit immunitaire s'aggrave et le patient développe plusieurs infections opportunistes. Il est hospitali-sé de façon itérative depuis neuf mois. Un état de dénutrition majeure s'installe, en raison notammentd'une diarrhée persistante à cryptosporidiose et d'une mycose œsophagienne responsable de grandes dif-ficultés d'alimentation.

L'état général du patient se dégrade progressivement et Monsieur D… est réhospitalisé en décembre. Ilest très dénutri, a une intolérance alimentaire complète (candidose) et une diarrhée profuse. Le dia-gnostic de rétinite à Cytomégalovirus est posé, ainsi que celui de lésions cutanées de sarcome de Kaposi.Le traitement antifongique est renforcé, un traitement anti-parasitaire spécifique et un traitement anti-CMV par voie veineuse sont mis en place. Une alimentation parentérale sur chambre implantable estdébutée. Les relations entre le patient et l'équipe soignante sont à cette époque difficiles, le patient étanttrès exigeant et régulièrement désagréable voire agressif. Son épouse demande très rarement des nou-velles à l'équipe médicale, fuit les contacts avec l'équipe soignante. Elle rend visite à son mari de façontrès rapide, alléguant ses multiples tâches. Le patient sort en permission toutes les deux semaines maisen revient très fatigué. En janvier, il demande au cadre infirmier de lui taper le testament qu'il vient derédiger.

Malgré les différents traitements proposés, l'état du patient se dégrade encore. Il devient soudain trèsfermé, passant ses journées à dormir et limitant ainsi les contacts avec l'équipe soignante. Fin mars, ildemande à rentrer à son domicile définitivement, évoquant des travaux à finir dans la maison. Troisjours plus tard, il explique à un des médecins qu'il vient de découvrir en lisant son dossier qu'il est austade SIDA. Il dit réaliser ainsi qu'il va bientôt mourir et dans un premier temps n'ose pas en parler à safemme car il ne voudrait pas la voir pleurer. La discussion a finalement lieu, mais est rendue difficilepar le fait que l'épouse lui dit "avoir compris depuis plusieurs mois". Le patient lui reproche de n'avoirrien dit et il réitère sa demande de retour à domicile.

1°) Analysez la façon dont le patient "apprend" qu'il est au stade SIDA.

2°) Analysez comment a circulé l'information entre :- le patient et l'équipe soignante, - le patient et son épouse, - l'épouse et l'équipe soignante.

Le passage au stade SIDA constitue encore une étape importante dans la maladie aux yeux des malades,même si l’apparition des trithérapies a modifié le cours de l’infection à VIH et l’interprétation d’une clas-sification devenue ancienne. En effet, pour les médecins, la gravité du déficit immunitaire et la (non)réponse aux traitements sont plus prédictifs de l’évolution, alors que le “stade SIDA” signe pour lesmalades une évolution inéluctable.

ANALYSE DE LA SITUATION

- Le mot SIDA n’a semble-t-il jamais été prononcé par l’équipe soignante ou entendu par le malade alorsque son état clinique s’aggrave de façon flagrante. L’équipe soignante est persuadée qu’il a compris lagravité de son état de par ses multiples hospitalisations, alors que le patient est attaché à un “mot”.- Le patient apprend de façon fortuite qu’il est au stade SIDA, une information “volée” qu’il reçoit seulsans interlocuteur médical pour en expliquer la signification.- L’épouse du patient a “compris” mais a voulu “l’épargner”. Ceci aboutit à une non-communicationdans le couple, source de conflits et à une souffrance du patient.- Le comportement de fuite de la part de l’épouse ne permet pas la rencontre avec l’équipe soignante. Dece fait, l’épouse ne peut être tenue informée de l’évolution clinique et l’équipe soignante ne peut éva-luer correctement la faisabilité d’un retour à domicile, la souffrance de l’entourage.

FAIRE ÉVOLUER LA SITUATION

- Reprendre avec le malade ce que signifie le stade SIDA et surtout son état clinique actuel.- Rencontrer l’épouse afin d’évaluer sa façon de vivre la situation : sa souffrance, ce qu’elle comprendde l’évolution clinique, les possibilités concrètes d’assumer un retour à domicile qui requiert ici beau-coup de soins et d’intervenants.- Proposer une solution réaliste (décrypter la demande : le retour à domicile est une façon de testerl’équipe sur son état).- Proposer à chacun une rencontre du couple afin de rétablir la communication.

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3 . MALADIES NEUROLOGIQUES1) Qui, quand et comment informer en cas de maladie neurologique dégénérative avec détérioration mentale ?

Monsieur A. accompagne en consultation son épouse, âgée de 65 ans, pour des difficultés de mémoire.Depuis quelques mois, elle égare de plus en plus souvent des objets dans leur maison, se trompe lors-qu’elle va faire des courses. Elle commet des erreurs lors d’activités pourtant familières telles que joueraux cartes, préparer un repas, a même récemment confondu ses petits-enfants.

L’examen clinique et les explorations complémentaires confirment le diagnostic de maladied’Alzheimer.

1°) Comment annoncer le diagnostic de la maladie au patient, à ses proches?

2°) Comment exposer l’évolution à attendre et ses conséquences?

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PROBLÈME D’UNE MALADIE DÉGÉNÉRATIVE ALTÉRANT LA COMPRÉHENSION

• Particularité de l’annonce du diagnostic d’une maladie altérant les fonctions cognitives, nécessité dedistinguer l’information délivrée au patient et à ses proches• Nécessité d’expliquer la nature organique des troubles• Nécessité de préciser les conséquences sur les actes de la vie quotidienne, d’anticiper sur l’évolution dela maladie et les mesures à mettre en place.

AIDE POSSIBLE

• Bien évaluer le degré d’altération des fonctions cognitives chez le patient, choisir des termes simplespour l’aider à comprendre ses troubles lorsque ses capacités le permettent encore, en prenant soin d’ap-précier le retentissement thymique et la conscience que le patient a des troubles.• Exposer aux proches la nature exacte de la maladie et surtout son caractère organique. Fréquemmentles proches minimisent les difficultés, les banalisent ou les expliquent par une fatigue, une dépression,sans en mesurer la nature.• Analyser avec l’entourage la vie quotidienne du patient, les troubles déjà observables :

- Décrire les points d’attention particuliers (utilisations d’appareils ménagers, gaz, eau chaude, condui-te automobile, déplacements extérieurs- Conseiller sur l’attitude à adopter (maintien des repères, conduite à tenir en cas d’hallucinations,d’agitation, d’agressivité)- Orienter vers les organismes d’assistance, les démarches sociales, les associations de familles depatients, les structures d’accueil.

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3 . MALADIES NEUROLOGIQUES2) “Apprendre le diagnostic de sclérose latérale amyotrophique”

Madame V., 65 ans, mariée, vient consulter car depuis quelques mois elle a de plus en plus de difficul-tés pour serrer un objet dans ses mains. Elle a déjà laissé échapper des verres en essuyant la vaisselle. Cestroubles de plus en plus fréquents lui ont fait même renoncer à sortir de chez elle, et ce d’autant qu’el-le a de plus en plus de difficultés à articuler les mots qui n’arrivent pas à sortir de sa bouche. Elle devientde plus en plus silencieuse, préoccupée par ses difficultés et semble dépressive pour son entourage. Sonmédecin traitant l’envoie chez un neurologue qui diagnostique une sclérose latérale amyotrophique. Illui apprend l’évolution inéluctable et fatale de cette maladie et l’absence de traitement efficace.

1°) Analysez la situation de l’information du malade.

2°) A votre avis l’information aurait-elle dû être faite d’une autre manière ?

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La sclérose latérale amyotrophique est une maladie neurologique dégénérative peu connue du grandpublic et pour laquelle aucun traitement n’est efficace. Cette maladie ne s’accompagne pas de troublesmajeurs de la conscience.

ANALYSE DE L’INFORMATION

1°) L’information claire, loyale, a été donnée au malade. Elle n’a pas été donnée de façon brutale, maisa été donnée au cours d’un dialogue avec la patiente et son entourage. Cette maladie est une maladieévolutive qui nécessitera des décisions vitales qui seront à prendre par le malade, son entourage, lemédecin et l’équipe soignante qui la prendront en charge.

La première consultation est une consultation d’approche révélant le diagnostic et les arguments ayantconduit à le porter. Le malade ou son entourage poseront probablement des questions sur un traitementpossible et la réponse devra être claire sur l’absence de traitement curatif. Néanmoins un espoir peut êtredonné dans, d’une part l’existence d’un centre spécialisé dans la prise en charge d’une sclérose latéraleamyotrophique, d’autre part dans l’existence de protocoles thérapeutiques expérimentaux en cours danscette maladie dont la malade pourra bénéficier.

Ce n’est qu’au cours des consultations suivantes que l’évolutivité de la maladie sera abordée en général.La survenue de troubles de la parole devra aider la patiente à prendre la décision de s’aider, soit d’outilssimples comme une ardoise pour écrire et communiquer, soit d’un ordinateur vocal. La survenue detroubles de la déglutition pourra amener à prendre en commun la décision d’une alimentation artifi-cielle à l’aide d’une gastrostomie. La survenue de troubles respiratoires en général fait discuter la posed’une trachéotomie. Néanmoins la qualité de vie sera altérée de façon majeure avec une trachéotomieet généralement le malade et son entourage ainsi que l’équipe soignante sont d’accord pour déciderd’arrêter la prise en charge invasive au stade de la ventilation assistée.

Cette maladie illustre bien que l’accompagnement évolue au cours du temps. Le malade aura besoin dumédecin et de l’équipe soignante en permanence au cours de l’évolutivité de sa maladie et dans lesgrandes décisions qui amènent à traiter de façon palliative. Le médecin devra donc insister sur le dia-logue permanent et sur l’accompagnement qu’il assumera tout au long de l’évolution.

2°) L’information aurait-elle pu être donnée autrement? Il est important de ne pas cacher la vérité aumalade puisque cette maladie conduit à une déchéance progressive et inéluctable. Aucun faux espoir nepeut donc être donné, mais toujours l’assurance que le malade ne sera pas seul et sera toujours accom-pagné tout au long de l’évolution de la maladie.

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3 . MALADIES NEUROLOGIQUES3) Informer un malade atteint d’une “maladie neurologique sans détérioration mentale”

Mademoiselle S., 20 ans, élève à l’École d’Infirmières est hospitalisée pour un déficit moteur desmembres inférieurs survenu en huit jours, associé à une rétention aiguë d’urines. L’examen cliniquemet en évidence un syndrome médullaire de niveau D10.

La patiente est hospitalisée : l’IRM pratiquée en urgence confirme l’existence d’une image anormaleintra-médullaire compatible avec une lésion inflammatoire. La notion d’un trouble visuel monoculai-re transitoire quelques mois auparavant oriente vers l’hypothèse d’une sclérose en plaques et divers exa-mens complémentaires sont programmés.

Mademoiselle S., très inquiète, interroge les praticiens et le personnel sur le diagnostic possible, ellecraint d’avoir une sclérose en plaques, pense qu’elle va rester paralysée, demande si elle pourra passerses examens le mois prochain.

- Analysez l’attitude que doivent adopter les soignants d’emblée, puis après confirmation du diagnostic.

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LES DIFFICULTÉS

• Difficulté initiale du fait de l’absence de certitude diagnostique, la sclérose en plaques n’est souventque suspectée initialement et va nécessiter un temps d’observation pour pouvoir affirmer le diagnostic :gestion du doute• Pronostic sur le plan neurologique à court terme - récupération de la paralysie ?• Pronostic à moyen et long terme - risque de récidive, d’installation d’un handicap.• Conséquence de la maladie et du handicap possible (moteur, visuel,..) sur la vie professionnelle, fami-liale (grossesses futures).

AIDE POSSIBLE

• Confier le patient à un praticien interlocuteur privilégié qui donnera les informations médicales surl’objectif des examens, les résultats attendus, les conséquences thérapeutiques qui pourront en découler.• Informer régulièrement l’équipe sur les résultats obtenus et l’information médicale délivrée aupatient.• Donner au patient des points de repères : aide liée à la kinésithérapie, rôle du traitement corticoïde siproposé, délai de récupération.• Informer le patient sur les possibilités thérapeutiques, la mise en place d’un suivi neurologique, destraitements préventifs des rechutes, les recherches en cours.• Analyser avec le patient les conséquences des troubles par rapport à son contexte professionnel et per-sonnel.

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4. ANNONCE D’UN HANDICAPMAJEUR

Madame B., 75 ans, est amenée par le SAMU aux Urgences pour des douleurs abdominales intenses,atroces, évoluant depuis quelques heures, associées à un état de choc.A l’examen, l’abdomen est manifestement chirurgical. Elle est opérée en urgence dans la nuit. Les chi-rurgiens mettent en évidence un infarctus mésentérique étendu et pratiquent une résection étendue dugrêle et d’une partie du colon. Il ne reste plus que 30 cm d’intestin grêle et une stomie jéjunale est réa-lisée.La patiente est transférée dans le service d’assistance nutritive quelques jours après son intervention. Lessuites opératoires ont été simples.Lors du premier contact avec la patiente, elle déclare être soulagée que l’intervention se soit bien passéeet ait permis de supprimer ses douleurs atroces. Son seul problème est qu’elle n’arrive pas à s’habituerà sa stomie, ni même à la regarder lors des soins. Elle est gênée par la perfusion et demande à ce qu’onl’enlève rapidement pour pouvoir manger à nouveau par la bouche et rentrer chez elle.

1°) Analysez la situation concernant l’information du malade.

2°) Comment pouvez-vous procéder pour faire évoluer l’information et faireprendre conscience à Madame B. du handicap majeur qu’elle conservera pour lerestant de sa vie ?

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Il est fréquent que les patients ayant subi une intervention majeure n’aient pas été mis au courant deses conséquences généralement en raison de l’urgence dans laquelle l’intervention a été effectuée.En dehors des cas d’urgence, l’attitude de non-information du malade sur les séquelles de l’interventionest inacceptable.

ANALYSE DE LA SITUATION

Il est impossible, dans une situation d’urgence et de détresse du malade, de l’informer sur le handicapmajeur qui l’attend au décours de l’intervention. Celle-ci, réalisée en urgence, comportait elle-même desrisques dont la patiente et sa famille ont dû être informés. En revanche, il ne paraissait pas possible dansces conditions de les informer des séquelles majeures de l’intervention si celle-ci se passait sans problè-me.C’est dans les suites opératoires précoces qu’il incombe au médecin d’informer le malade sur lesséquelles de l’intervention et le handicap majeur qui en découle.

COMMENT FAIRE ÉVOLUER L’INFORMATION?

Il est indispensable de recevoir le malade et sa famille. Il ne faut pas masquer les aspects négatifs duhandicap, ici l’absence d’efficacité de l’alimentation orale, mais il faut aussi insister sur les aspects posi-tifs, ici le fait que l’alimentation orale sera possible uniquement pour le plaisir. La convivialité, le plai-sir des repas au restaurant seront conservés. Le handicap permet tout à fait la vie au domicile dans lesconditions les plus proches de la normale. Néanmoins ils ne seront pas suffisants pour garder un étatnutritionnel correct et il faut donc informer la patiente qu’une alimentation artificielle par voie veineusesera nécessaire.Un handicap majeur nécessite une appropriation complète par le patient des problèmes fonctionnels liésà ce handicap. L’information doit donc être la plus claire, la plus précise possible sur ce qu’il sera pos-sible de faire et ce qu’il ne sera plus possible de faire.Il est important de souligner la différence entre un handicap et une maladie évolutive avec traitementpalliatif. Dans le cadre du handicap la fonctionnalité du patient ne devrait pas s’altérer au fil du temps,au contraire d’une maladie évolutive.Il faut orienter le patient vers tous les intervenants qui pourront l’aider à prendre en charge ce handi-cap (kinésithérapeute, diététicienne, etc.).Le malade devant s’être approprié ses séquelles fonctionnelles, il faudra privilégier l’indépendance etl’aider à être plus autonome et le plus indépendant possible. Dans le cas d’une alimentation artificiellepar voie veineuse, il faudra privilégier l’éducation du patient de façon à ce qu’il ne soit pas tributaired’un infirmier à domicile.

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5. SUJET ÂGÉ1)“Informer un sujet âgé”

Madame C., âgée de 87 ans, est hospitalisée en unité de soins de longue durée depuis dix huit ans. Elleest entrée en institution en raison de troubles de la marche et de troubles psychiques rendant impossibleson maintien à domicile. A l’entrée, elle présente une polypathologie associant un méningiome del’angle ponto-cérébelleux, une polyarthrite rhumatoïde invalidante, un diabète insulino-dépendant etun cancer du rectum opéré quinze ans plus tôt avec mise en place d’un anus iliaque. Par ailleurs, ellenécessite une prise en charge psychiatrique en raison d’une psychose maniaco-dépressive évoluantdepuis l’âge de 50 ans.

Madame C. est une femme très coquette, soucieuse du regard des autres. L’image qu’elle véhicule luipermet de retrouver le rôle social qu’elle avait avant l’entrée en institution. Ne marchant plus depuisonze ans, elle décide en décembre de s’offrir deux paires de chaussures à l’approche des fêtes de Noël.

Fin décembre, elle présente des lésions d’artérite stade IV avec nécrose du deuxième orteil du piedgauche. Un traitement médical est envisagé par l’équipe de chirurgie vasculaire. Madame C. est cepen-dant informée que sa jambe gauche est menacée. Devant l’évolution clinique défavorable, une artério-graphie des membres inférieurs est réalisée un mois après. Une amputation est donc proposée par l’équi-pe de chirurgie vasculaire à Madame C. Dans un premier temps l’équipe de soins de longue durée aaccompagné Madame C.dans son cheminement psychologique. Madame C.a ensuite revu le chirurgienvasculaire qui lui a précisé le type d’amputation prévue (amputation de cuisse) et la date d’interventionenvisagée. Après l’intervention Madame C.est revenue dans l’unité de soins de longue durée. Elle a réin-vesti sa nouvelle apparence physique avec beaucoup de facilité. La thymie est restée stable.

Six mois après, apparition d’une lésion de la cheville droite, rapidement rattachée à une artérite chezune patiente diabétique. Un traitement médical est alors envisagé. Son échec après deux mois de soinslocaux amène l’équipe médicale de chirurgie vasculaire à proposer une amputation de cuisse droite.Madame C. refuse d’emblée une nouvelle intervention. Elle expose alors les raisons de son refus à l’équi-pe de soins de longue durée. La majoration de ses douleurs malgré des antalgiques bien adaptés et lesoutien des équipes au quotidien l’amène à accepter cette nouvelle intervention. A son retour de chirur-gie, Madame C. reprend sa vie dans l’unité et ses activités préférées malgré un état général altéré.

C’est dans ce contexte de polypathologie qu’elle décède trois mois plus tard d’un choc septique.

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DIFFICULTÉS RENCONTRÉES

• Difficulté d’annonce rapide de la thérapie envisagée en raison des incertitudes évolutives• Isolement social et familial• Pathologies chroniques et récidivantes, annonce et vécu de deux amputations la même année• Atteinte à l’intégrité physique de la personne, chez une femme coquette et soucieuse du regard desautres• Fragilité psychique de Madame C. en raison de sa psychose maniaco-dépressive; capacité à s’adapterà son nouveau handicap imprévisible.

ACTIONS PROPOSÉES

• Annonce progressive du pronostic et de la thérapeutique. Chez le sujet âgé l’intégration de l’informa-tion demande plus de temps.• Soutien et accompagnement des équipes jusqu’à la prise de décision• Concertation des deux équipes médicales (chirurgie vasculaire et unité de soins de longue durée) dansle souci du respect du choix de Madame C., recueil du consentement éclairé.• Réinvestissement après chaque intervention par Madame C. de sa nouvelle apparence physique avecl’aide des équipes de soins de longue durée.• Adaptation d’une nouvelle installation permettant la reprise de sa vie sociale dans l’unité : fauteuilpersonnalisé, prise du repas en salle à manger, participation aux animations, soins d’esthétiques et decoiffure.

Les dix huit ans d’institutionnalisation de Madame C. ont permis une observation et une connaissanceprécise de ses réactions.Surveillance d’une éventuelle décompensation psychique facilitée.

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5. SUJET ÂGÉ2) Informer à propos de la maladie d’Alzheimer chezun patient âgé institutionnalisé

Madame S. née en 1922, est institutionnalisée définitivement en Long Séjour Psychogériatrique pourmaintien à domicile impossible.

D’origine espagnole, veuve depuis l’âge de 46 ans avec trois enfants à charge, Madame S. a élevé sesenfants en tenant un commerce, après avoir travaillé aux Impôts, titulaire d’un Brevet d’EtudesSupérieures. Elle est reconnue par ses enfants comme une femme de tête, autoritaire, ayant tenu par-faitement son rôle de chef de famille. Sa vie a été consacrée à sa famille et à son travail. Il s’agit d’unefemme intelligente, coquette et pudique. La fratrie semble très unie, les rencontres familiales fréquentes.

Les troubles ont commencé en 1978 par des oublis qui inquiétaient son entourage. Le bilan neuropsy-chologique attestait de troubles de la mémoire isolés. Aucun diagnostic de détérioration débutante n’estalors évoqué. Un deuxième bilan à 5 mois et un troisième bilan à un an confirment les hésitations dia-gnostiques. Un traitement antidépresseur est entrepris. En 1998 la famille consulte à nouveau pouraggravation des troubles : Madame S. ne fait plus rien, a de fréquents oublis (éteindre la lumière, fer-mer un robinet) et des difficultés pour réaliser certaines activités (préparer un café au lait, se servir dela cuisinière). Les capacités d’expression verbale ont diminué. Le diagnostic de détérioration globale desfonctions supérieures est affirmé (mais le terme d’Alzheimer non prononcé) et un placement en éta-blissement spécialisé est conseillé. Ce conseil n’est pas accepté par la famille qui préfère s’organiser, lefils aîné Christian s’installant au domicile. Pendant l’été 1999, ce dernier est victime, alors qu’il est envacances avec sa mère dans le Midi, d’une dissection carotidienne justifiant hospitalisation puis rapa-triement très perturbant pour Madame S. Sur le conseil d’une cousine, les enfants envisagent une priseen charge hebdomadaire en hôpital de jour, des journées-tests sont programmées. Avant cette date,Christian est hospitalisé pour accident vasculaire cérébral; il n’y a pas d’autre solution qu’une institu-tionnalisation qui n’est cependant pas souhaitée. La patiente est placée en urgence en Moyen Séjour puistransférée en Long Séjour.

A l’entrée, la patiente est valide, mange seule, mais après stimulations répétées, elle est totalementdépendante pour tous les actes de la vie quotidienne (toilette, habillage, continence…)

On constate très rapidement une opposition : refus des médicaments, protestations lors de la toilette (elle“veut écrire à l’académie”), elle s’insurge contre toute stimulation.

Les enfants la sortent beaucoup mais culpabilisent, lui disent qu’elle va bientôt revenir à la maison,qu’elle n’est ici que transitoirement. Visiblement ils ne comprennent pas la maladie de leur mère, accep-tent mal l’environnement des patients présentant les mêmes troubles et l’expriment ouvertement devantcette dernière.Les soignants ont tendance à penser qu’elle fait exprès, qu’il s’agit d’une opposition consciente, qu’ellesait parler quand elle le veut et notamment exprimer des propos agressifs. Certains renforcent mêmel’impression de la famille : cette patiente est opposante, “psychiatrique”, ses troubles s’expliquent uni-quement par un refus de la collectivité.Il est important de faire accepter qu’il s’agit d’une maladie d’Alzheimer.

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LE DIAGNOSTIC N’EST PAS INTÉGRÉ, NI PAR LA PATIENTE, NI PAR LA FAMILLE, NI PAR LES SOIGNANTS, QUE PROPOSER ?

• Reprendre l’histoire des troubles avec les soignants, leur expliquer qu’il s’agit bien d’un syndromedémentiel et que les troubles comportementaux sont sans doute réactionnels à la non-acceptation de lamaladie et en corollaire de la perte de statut qu’elle entraîne. A cet égard, leur faire remarquer que lescrises se multiplient lorsque les enfants apportent des photos ou parlent de souvenirs familiaux anciens(fête, vacances) ou lorsque eux, soignants, n’expriment pas la déférence qu’elle souhaite. Leur expliquerque plus on respectera son ancien statut (l’appeler par son nom, respecter sa pudeur, lui parler avec res-pect.), moins les troubles comportementaux se manifesteront.

• Revoir la famille: la déculpabiliser. Ils ne sont pas responsables de cette maladie organique, mais l’ac-ceptation de leur mère dépend de la leur. Cette acceptation nécessite de trouver pour leur mère des situa-tions qui la rassurent en lui redonnant un rôle. Ils ont cru bien faire en ravivant les souvenirs, mais celaest en fait très douloureux et lui rappelle la perte de cette identité. Il est important pour Madame S. éga-lement de ne pas évoquer des conflits ou des préoccupations (vente de la maison, avenir…).

• Adopter une attitude consensuelle soignants-famille, rechercher et créer les situations valorisantespour redonner à Madame S. un nouveau statut sans que, pour qu’il y ait communication, celle-ci nepasse que par le souvenir de son statut ancien : par exemple souhaiter son anniversaire dans l’unité, luipermettre d’être un personnage public (semble exister à nouveau quand elle sort de l’unité), valoriserles relations individuelles.

• Par la suite, envisager une rencontre avec la patiente et la famille pour refaire le point, la consulteret lui redonner de ce fait à nouveau un rôle de décision.

CARACTÉRISTIQUES DE L’ANNONCE DU DIAGNOSTIC DE MALADIE D’ALZHEIMER A UNE PERSONNE ÂGÉE INSTITUTIONNALISÉE

• Parfois le diagnostic a été annoncé, la maladie appelée par son nom: il faut néanmoins toujours fairepréciser comment et à qui ce diagnostic a été donné.

• Si le diagnostic n’a pas été donné ou s’il n’est pas intégré, il faut le rappeler, même si son affirmationet son acceptation sont difficiles pour plusieurs raisons :

- Diagnostic de probabilité et non de certitude.- Intrication entre troubles de mémoire d’un vieillissement normal et ceux d’un vieillissement patholo-gique.- Absence de pronostic à court terme : maladie non univoque survenant dans une histoire personnellesingulière avec une évolution naturelle imprévisible.- Masquage fréquent des troubles et déni d’autant plus important que l’investissement de la personneétait intellectuel ou que la maladie entraîne une perte de statut.- Troubles du comportement parfois au premier plan faisant hésiter sur la nature organique de la maladie.

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• Difficultés parce qu’il s’agit d’une personne âgée :

- Intégration lente du patient (vieillissement cérébral plus troubles cognitifs)- Intégration lente de la famille. C’est une maladie peu connue qui fait peur et qui est difficile à accep-ter; pour le conjoint : perte des projets de retraite, pour les enfants : perte de l’image forte et rassurante,le parent devient dépendant…

• D’où nécessité d’une annonce par étapes :

- Vérification à chaque entretien de l’évolution de la compréhension et de l’acceptation de la maladie etdes décisions à prendre.

- Analyse de la constellation familiale (en recevant individuellement chacun des membres pour mieuxconnaître le patient, apprécier l’unité familiale, informer et intégrer chacun dans le projet de soins).

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6. SITUATIONS PÉDIATRIQUES1) Annonce d’une trisomie 21 après la naissance d’un enfant

Madame M. est enceinte. Elle n'a pas d'antécédent particulier. Elle se fait suivre régulièrement en obs-tétrique et bénéficie de trois échographies à 12, 22 et 32 semaines d'aménorrhée qui sont normales.

Elle accouche par voie basse à 40 semaines. En salle de naissance, la sage-femme est intriguée par levisage de l'enfant, dont l'ensellure nasale plate, l'obliquité des formes palpébrales, jointe à un pli pal-maire transverse unique bilatéral, font évoquer une trisomie 21. Un simple caryotype peut confirmer lediagnostic.

Le diagnostic sera confirmé sans ambiguïté par un caryotype standard.

1°) Quelle attitude la sage-femme doit-elle avoir? Doit-elle annoncer le doute ensalle de naissance? Sinon qui doit parler de ce doute aux parents, quand, com-ment?

2°) Il s'agit de l'annonce d'un handicap mental grave. Mme M. sort de maternité àJ5 avec son bébé. Que pouvez-vous lui proposer comme suivi ?

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COMMENTAIRES :

La trisomie 21 est caractérisée par la présence excédentaire d’un chromosome 21 sur le caryotype. Ellese traduit par un retard mental moyen, des troubles du langage, une dysmorphie spécifique et parfoisdes troubles associés (cardiopathie…). Le dépistage anténatal est difficile et peut être pris en défaut. Ladécouverte anténatale d’une trisomie 21 conduit pour beaucoup d’équipes à proposer une interruptionde grossesse médicale. Lorsqu’il n’y a pas eu de diagnostic anténatal, la dysmorphie de l’enfant conduità un caryotype le plus souvent précoce.

Dans cette situation, on va être amené à dire à ces parents d’un bébé qui vient de naître que l’avenir telqu’ils l’avaient imaginé sera bouleversé. Ce diagnostic remet en cause l’image que ces parents se sontfaite du bébé, mais également leur rôle de parents, à un moment de grande fragilité psychologique.

Il est important d’aménager autant que faire se peut cette annonce: il faut laisser un peu de temps aprèsla naissance, mais elle ne doit pas être repoussée au-delà du séjour en maternité. Les deux parents serontprésents et le médecin qui fait l’annonce sera si possible accompagné d’un membre de l’équipe soi-gnante. La disponibilité et l’écoute sont les éléments majeurs de l’entretien où l’avenir de l’enfant doitêtre abordé.

Un relais par un centre de soins, une association… doit être proposé pour que la famille ne soit paslivrée à elle-même au sortir de la maternité. Les sentiments ambivalents des parents à l’égard de l’en-fant sont fréquents et certains seront amenés à parler d’abandon. Là encore il faut accompagner cesfamilles sans les juger et leur laisser du temps pour qu’ils puissent prendre la décision qui leur estpropre.

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6. SITUATIONS PÉDIATRIQUES2) Gérer l’information dans un cas de maladie génétique chez l’enfant

Julien, 4 ans, est amené en consultation pour des chutes fréquentes. A l'examen, on note de gros mol-lets, une difficulté à se relever du sol et une discrète faiblesse musculaire prédominant aux ceintures.

Le dosage de créatine phosphokinase est à 9200 unités/litre pour une normale entre 50 et 100unités/litre. Le diagnostic de pathologie musculaire nécrosante est très fortement suspecté et sera confir-mé par l'analyse histologique de la biopsie musculaire. L'analyse enzymologique révèle l'absence dedystrophine, signant le diagnostic de dystrophie musculaire progressive de Duchenne de Boulogne. Cettepathologie entraîne la perte de la marche entre 8 et 12 ans, une insuffisance respiratoire traitée la plu-part du temps par trachéotomie entre 18 et 25 ans, et un décès entre 20 et 30 ans. Il n'y a actuellementpas de traitement.

- Analyser la situation et imaginer comment gérer l’information aux parents etéventuellement à l’enfant.

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Ce diagnostic posé, un bilan familial est proposé : il s’agit d’une maladie héréditaire récessive autoso-mique et une histoire familiale est retrouvée dans 2/3 des cas. Or la maman de Julien est enceinte dedeux mois. Si la maman de Julien est conductrice, le bébé a 50% de risques d’être atteint, s’il s’agit d’ungarçon. Les parents doivent en être informés le plus complètement possible. S’ils sont d’accord pour uneinterruption médicale de grossesse en cas de diagnostic positif, la recherche du statut de conductrice dela mère et le diagnostic anténatal chez le bébé doivent être réalisés le plus vite possible car chaque jourcompte. Par contre, si pour des raisons personnelles ils sont opposés à une interruption médicale de gros-sesse, il n’y a pas d’urgence au diagnostic du statut de la mère et il n’y aura pas de diagnostic anténa-tal proposé. S’il s’agit d’un garçon et si la mère est conductrice, le diagnostic chez le bébé sera fait aprèsla naissance en accord avec les parents.

La maman de Julien a trois sœurs, dont deux sont mariées et n’ont pas d’enfant. Si elle est conductrice,ses sœurs sont elles-mêmes potentiellement conductrices et risquent de donner naissance à un garçonatteint. Il est donc fortement souhaitable qu’elles bénéficient d’une recherche génétique pour elles afinde déterminer leur statut de conductrice. Cette détermination permettra au généticien de les informersur le risque d’atteinte de leur descendance. Si ce risque est positif, il les informera du diagnostic anté-natal, de l’interruption médicale de grossesse qui est proposée en cas de diagnostic positif ainsi que desmodalités pratiques pour réaliser le dépistage.

C'est aux parents de Julien de proposer aux sœurs de la maman de Julien de venir consulter en géné-tique, éventuellement avec l'aide du médecin traitant. Il s'agit d'une démarche volontaire de la part deces personnes et leur participation à l'enquête familiale doit également se faire sur un mode de volon-tariat.

COMMENTAIRES :

L'annonce du diagnostic de Duchenne doit se faire aux deux parents, au calme, en prenant tout le tempsnécessaire. Le pronostic doit être donné en entier mais aussi l’aide qui pourra être apportée par les dif-férents acteurs : corps médical, associations par exemple. Il est souhaitable de revoir les parents aprèsquelques jours et, si possible, de proposer l'aide d'un psychologue. Tous les projets de la famille serontmodifiés par ce diagnostic, de même que le regard des parents sur leur enfant. Accompagner la familledans cette douloureuse révélation est indispensable pour leur permettre d’avoir toutes les informationssur l’avenir et de pouvoir en fonction de leur histoire propre, rebâtir leur vie de famille.

L'enfant doit être informé en fonction de sa compréhension et sans se projeter dans l'avenir. Il faudrapar contre absolument faire évoluer les réponses en fonction de son âge et rester attentif à ses questions.

La notion de risque familial peut bouleverser les rapports dans le couple mais également avec la famil-le élargie. Une écoute attentive, bienveillante et dénuée de tout jugement est indispensable pour aiderces familles dans leur difficile cheminement.

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6. SITUATIONS PÉDIATRIQUES3 ) L’annonce d’une maladie grave chez un enfant de 8 ans

Antoine, 8 ans, est adressé aux urgences par son médecin traitant pour pâleur, fatigue importante, sai-gnement du nez et des gencives, évoluant depuis deux semaines. A l'examen, on note l'existence d'unehépatosplénomégalie et d'un chapelet ganglionnaire cervical et sus-scapulaire.

La numération formule sanguine met en évidence un nombre important de blastes (40.000/mm3), untaux de plaquettes bas (30.000/mm3), et une anémie. Le diagnostic de leucémie aiguë ne pose pas dedoute. Vous décidez d'hospitaliser Antoine, qui est accompagné par sa maman. Le papa est resté à lamaison pour s'occuper de son autre enfant, un bébé de 2 ans.

Vous expliquez à Antoine et à sa mère que son état nécessite une surveillance en hospitalisation et desexamens complémentaires.

Le lendemain le papa d’Antoine est également présent. Vous proposez de voir les parents seuls, dans unbureau, pour leur expliquer le diagnostic et préciser le traitement de la leucose. Ce moment leur per-mettra de poser toutes les questions qui leur viennent à l’esprit, comme en terme de pronostic vital, duréeet tolérance du traitement… sans qu’Antoine soit présent. Il est probable qu’ils auront besoin de vousrevoir rapidement.

Faut-il informer l’enfant? Si oui, comment ?

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Antoine doit aussi être informé. Il est souvent plus souhaitable qu’il le soit dans un deuxième temps parle médecin et en présence de ses parents. Les informations à donner seront pesées en fonction de sescapacités de compréhension, autant sur le diagnostic que sur le traitement proposé et la durée de l’hos-pitalisation prévisible. Il est important de laisser du temps à la famille et à l’enfant pour réagir, d’amé-nager les termes employés dans la discussion en fonction du niveau de compréhension des personnes,de n’annoncer que ce qui est certain. Il est également souhaitable qu’un psychologue ou qu’un membrede l’équipe soignante puisse reprendre le dialogue par la suite et revenir sur ce qui a été annoncé.

COMMENTAIRES PROPOSÉS :

Si la loi n’impose d’informer que les parents ou tuteurs, il est important que les enfants soient acteursde leur maladie et de leur traitement, avec tous les aménagements qui s’imposent. Antoine est assezgrand pour comprendre beaucoup de choses et il ne faut pas le laisser dans l’ignorance. Mais plus enco-re que ses parents, il faut lui donner la possibilité de reprendre ce qui a été dit et de poser toutes les ques-tions nécessaires à une personne disponible.

Parfois des parents refusent que leur enfant soit informé d’un diagnostic qu’ils jugent trop lourd. Cettesituation difficile ne doit pas donner lieu à conflit entre le personnel et la famille. Le dialogue et l’écou-te sans jugement sont souvent les seuls moyens de faire avancer le problème.

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7. CONTEXTE PSYCHIATRIQUEHORS SUJET ÂGÉ1) Modalités d’information du diagnostic de schizophrénie

Après avoir obtenu son baccalauréat à 17 ans avec la mention bien, un jeune homme de 23 ans qui n’apu, depuis cette date, obtenir aucun diplôme bien qu’il soit inscrit successivement dans plusieurs facul-tés, est amené à votre consultation par sa famille. Elle vous apprend qu’elle ne comprend rien à son évo-lution : “Ce n’est plus le même jeune homme depuis plusieurs années. Il était sportif, affectueux, entou-ré de camarades, sensible… Il est devenu froid, isolé, il ne communique plus. S’il essaie d’étudier, il nepeut se concentrer et son livre est toujours ouvert à la même page. Notre médecin nous a dit qu’il étaitpeut-être incompris, déprimé. Son père croit plutôt que c’est un paresseux et qu’il se laisse vivre, nousessayons de le secouer mais sans succès. Le médecin lui a prescrit des antidépresseurs mais il a fallul’hospitaliser : il entendait des voix, avait l’impression qu’on le forçait à agir, qu’on lui volait ses pen-sées. A la sortie de l’hôpital, il a refusé d’être suivi et n’a pris son traitement que pendant deux mois.C’était des neuroleptiques pour traiter la schizophrénie nous a-t-on dit, c’est quoi la schizophrénie?Nous avons vu dans le dictionnaire démence précoce? Mon fils (dit la mère) va-t-il se détériorer commemon père et devenir gâteux avant de mourir?”

1°) Analysez cette situation.

2°) Imaginez comment vous allez annoncer le diagnostic et proposer votre aide aupatient et à sa famille.

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Il s’agit d’une pathologie grave, touchant des sujets jeunes et effectivement autrefois dénommée démen-ce précoce. Il n’existe aucun symptôme ni aucun examen biologique pathognomonique du trouble, cequi oblige à une observation prolongée avant que le diagnostic ne soit retenu. En même temps, cetteobservation ne doit pas être trop longue (au-delà d’un an) sans faire encourir au patient des pertes dechance concernant sa réponse au traitement.

ANALYSE DE LA SITUATION

• Le diagnostic de schizophrénie a été sans explications annoncé à une famille. Les termes employésétaient non pas une schizophrénie mais la schizophrénie, comme s’il s’agissait d’une maladie bienconnue, bien définie à l’évolution inexorablement péjorative vers un tableau de démence. La famille adonc retenu la confirmation d’un diagnostic “dramatisé”.• Apparemment rien n’a été dit au patient qui pourtant souhaiterait “aller mieux”.• Rien ne nous est dit du projet thérapeutique proposé lors de l’hospitalisation.• Apparaît clairement un certain degré de culpabilité: “comme mon père” référant à des facteurs fami-liaux ou héréditaires transmis par une lignée familiale.• Apparaît aussi clairement une réaction de déni du trouble mental : son père croit plutôt que c’est unparesseux.• Demande d’information précise : “c’est quoi la schizophrénie?” • Enfin, cet entretien permet non seulement d’analyser les symptômes actuels mais aussi de retenirdepuis plusieurs années l’existence d’une inefficience intellectuelle, d’une froideur affective, d’un isole-ment, d’un désinvestissement de la réalité et d’une aggravation de l’état selon une modalité délirantesous antidépresseurs, tous ces éléments étant effectivement très évocateurs d’un trouble schizophrénique.

RECOMMANDATIONS

• Vous avez recueilli assez d’éléments cliniques non pas pour assurer mais pour envisager le diagnosticet le traitement d’une schizophrénie hautement probable.• Vous devez l’annoncer au patient et aux parents : “ce n’est pas de la paresse, ce n’est pas familial (ouhéréditaire au sens classique et direct du terme) mais je pense qu’on doit suspecter et traiter des troublesschizophréniques”. Précisez que ces troubles sont fréquents (1% de la population générale) d’évolutionvariable (1/3 vers la stabilisation, 1/3 vers un déficit léger) et de prédiction évolutive impossible. Précisezqu’ils ne sont pas inéluctablement chroniques mais qu’il peut se présenter des rechutes après stabilisa-tion. Précisez qu’il ne s’agit pas d’une maladie unique mais d’un ensemble hétérogène de troubles dontles causes restent inconnues malgré de nombreuses hypothèses qui ont généré l’essor de thérapeutiquesmodernes efficaces.• Insistez sur la nécessité de la participation active du patient et de son environnement, organiser nonseulement le traitement mais aussi les modalités de vie en commun et aussi les séparations.• Donnez des informations sur la réponse au traitement (70% des cas), le risque majeur de rechute encas d’arrêt non contrôlé (avant une période d’au moins 5 ans), les signes prémonitoires de la rechute,les effets secondaires les plus fréquents, les accidents à redouter.• Informez sur les attitudes familiales susceptibles de renforcer l’efficacité du traitement. En impliquantla famille dans le processus de soins, on cherchera à la déculpabilisation ou à éviter la négation dutrouble (contact direct limité à une trentaine d’heures par semaine, évitement des critiques et conseilssystématiques explicites ou implicites, accepter que le patient puisse s’isoler ou sortir seul…).• Insistez sur le fait que le résultat obtenu relève plus d’une stabilisation que de la guérison (restitutioad integrum) au sens médical classique.

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7. CONTEXTE PSYCHIATRIQUEHORS SUJET ÂGÉ2) Gérer l’information d’un malade atteint de dépression majeure

Vous voyez en consultation un patient présentant depuis plus de 15 jours une humeur qu’il décritcomme “abattue, plus que triste… je n’ai plus de goût à rien, tout m’est indifférent, ma famille, montravail et c’est même pire qu’indifférent, j’ai l’impression d’être un poids pour eux, un incapable, unnuisible. Je ne suis pas à la hauteur, je suis une charge…”.

Par ailleurs, vous mettez en évidence une perte de l’appétit, un amaigrissement, une insomnie de fin denuit et un ralentissement psychomoteur massif. Le patient vous précise qu’on lui a dit qu’il devait sereprendre en faisant des efforts : “c’est une question de volonté” ; “ il ne faut pas se laisser aller” ; “ jelutte mais je n’y arrive pas : c’est de ma faute, je suis indigne, un fardeau, je les détruis”.

1°) Analysez cette situation

2°) Est-il important d’informer le patient dès cette première consultation ?Discutez de cette éventualité.

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Nous sommes face à un état aigu entraînant chez le patient une souffrance importante dont il est venuseul nous entretenir.

ANALYSE DE LA SITUATION

• Le patient réunit tous les symptômes nécessaires à établir un diagnostic de trouble dépressif majeur.• Le patient, sous influence de son entourage, attribue ce trouble à un manque de volonté, de courage.• De ce fait, il se sent indigne, culpabilisé. Ces deux derniers points sont hautement inducteurs de pas-sage à l’acte suicidaire.

PROBLÉMATIQUE

• Le patient s’accuse d’être responsable de son état d’être, une charge pour sa famille.• La seule issue logique pour sauver sa famille est bien évidemment le suicide.• Le patient ignore qu’il s’agit d’un trouble fréquent régulièrement accessible au traitement et parfai-tement réversible.

ÉLÉMENTS D’INFORMATION

• Dire qu’il présente un état dépressif majeur parfaitement identifié, parfaitement indépendant d’unmanque de volonté et engendré par un dysfonctionnement provisoire de sa neuroméditation cérébrale(dont il conviendra ultérieurement de préciser les causes : événement de vie, stress, troubles de la per-sonnalité préalable, antécédents familiaux…)

• Dire que ce trouble est extrêmement fréquent : 10% de la population générale “fait, a fait ou fera unépisode de ce type”.

• Annoncer les modalités thérapeutiques en précisant qu’elles se dérouleront en deux phases :

- Tout d’abord traitement et aide de la médecine. Ce n’est pas à lui de faire des efforts mais au médecinde l’aider.- Dès l’amélioration ou la guérison de l’accès (4 à 6 semaines), programmation d’entretiens psycho-thérapiques destinés à préciser les causes, à renforcer les défenses du patient afin de prévenir les éven-tuelles récidives. Préciser la durée du traitement qui devra être d’au moins 6 mois.

• Discuter avec le patient et l’entourage des possibilités d’aide et de surveillance offertes en les informantdu fait que le traitement ne sera pas efficace avant 3 semaines. Si la disponibilité de l’entourage vousparaît insuffisante, informer du risque de passage à l’acte suicidaire et de la nécessité d’une hospitali-sation.

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7. CONTEXTE PSYCHIATRIQUEHORS SUJET ÂGÉ3) Information en cas de malade dangereux pour lui-même et pour les autres

Monsieur M., âgé de 22 ans, présente depuis trois jours un premier état délirant avec désordre des actes,hallucinations, menaces envers ses voisins qu’il accuse de lui “envoyer des ordres sataniques”. Il a déjàtenté à deux reprises de mettre le feu dans leur appartement. Il n’admet pas être malade mais sa famil-le qui l’accompagne à la consultation n’en doute pas et vous demande de le soigner; elle projette de dis-simuler le traitement que vous lui prescrirez sous forme de gouttes dans sa nourriture et de “se relayerjour et nuit auprès de lui”.

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PROBLÉMATIQUE

Il s’agit d’un patient délirant, ni demandeur, ni consentant aux soins et dont la thématique déliranteimplique une dangerosité certaine et nécessite une surveillance constante. La famille est prête à l’aideret est très demandeuse de soins.

ÉLÉMENTS D’INFORMATION

La famille

• Il convient de la rassurer en l’informant qu’en ce qui concerne les pathologies psychiatriques, la loia prévu la possibilité de soigner ces patients sans leur consentement (loi du 27 juin 1990 et ordonnan-ce du 22 juin 2000)• Précisez que cette loi peut être appliquée à la demande de la famille, de deux ou dans certains cas d’unseul certificat médical spécialement rédigé(s) et que dès son application l’hospitalisation sera contrôléepar le préfet (au vu des certificats médicaux légaux établis) et éventuellement par la Commission dépar-tementale des hospitalisations à la demande du patient.• Précisez également qu’en cas de désaccord pour la sortie, celle-ci peut être demandée par le ou les per-sonnes ayant initialement signé la demande d'hospitalisation.• Précisez enfin que leur proposition d’administrer le traitement à l’insu de leur fils, outre son caractè-re illégal, n’est pas envisageable. En effet, en cas de survenue d’effets secondaires ceux-ci auraient degrandes chances d’être intégrés au délire du sujet comme autant de preuves de l’activité hostile du voi-sinage et agiraient en renforçant le délire. De plus, une telle dissimulation les mettrait très vraisembla-blement dans une position déloyale et fausse vis-à-vis de leur fils. Enfin, se relayer jour et nuit auprès delui, comme ils le proposent n’est pas une situation réaliste.

Le patient

• Ne pas exprimer de doutes quant aux convictions délirantes qui risqueraient de vous discréditer auxyeux du patient qui pourrait alors vous considérer comme “faisant partie du complot”.• Préférer une formulation du type : “quoi qu’il en soit, je vous trouve mal, angoissé, fatigué… Il fautvous hospitaliser car cause ou conséquence, vous souffrez, vous avez besoin d’un traitement.L’hospitalisation que je vais réaliser sera sous le contrôle de vos parents et du préfet. Ne craignez rien, ilest de notre devoir de vous protéger et de vous aider”.

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Troisième partie

évaluation

Si on prend la peine d’interroger les étudiants en médecine aux divers stades de leurs études sur leur per-ception des difficultés à annoncer les “ mauvaises nouvelles ” au malade ou aux membres de leur famil-le, on constate qu’il s’agit d’une préoccupation. Cette préoccupation prend une acuité plus importantedès que les étudiants sont exposés au malade et encore plus lorsque leur statut les place de fait en posi-tion d’informateur (Interne, Assistant). Il existe dans la littérature médicale peu de publications concer-nant des travaux analysant ces préoccupations des étudiants. L’étude réalisée dans une université médi-cale américaine par G. MAKOUL (Academic Medicine 1998 ; 73 ; Suppl. Oct : S35-36) est particulière-ment instructive. Elle consistait à poser cinq questions à des étudiants en médecine respectivement endébut d’étude, en fin de 2ème année et au stade du résidanat. Un panel de propositions de réponses étaitjoint à ces questions.

Ces 5 questions peuvent être utilement posées à des étudiants du deuxième cycle pour évaluer leur opi-nion et leurs attentes à propos d’un enseignement sur l’information

A - Liste des questions (d’après G. MAKOUL)

1) Selon vous qu’est-ce que le malade ou les membres de sa famille considère comme une “ mauvaisenouvelle ” ?

2) Quelles sont, personnellement, vos plus grandes craintes à propos de l’annonce d’une “ mauvaisenouvelle ”

3) Que pensez-vous qu’il faut apprendre pour annoncer d’une manière optimale une “ mauvaise nou-velle ” ?

4) Quelle serait, selon vous, la meilleure méthode pour apprendre à annoncer une “ mauvaise nouvelle ” ?

5) A quel moment des études cet apprentissage devrait-il être fait ?

POUR INFORMATION (Voir ci-après listes B et C)

•A la question n°1 : il est intéressant de noter que le choix des étudiants américains dépendait deleur niveau d’avancement dans les études et de leur exposition à des situations concrètes. - les étudiants débutant privilégiaient par ordre décroissant d’importance les situations 1, 2, 3,4, 5, 6, - les étudiants en fin de deuxième année les situations 1, 2, 3, 4, 6, 9 - les résidants les situations 7, 2, 3, 1, 13, 8.

• A la question n° 2 : les étudiants américains exprimaient, indépendamment de leur niveau, prio-ritairement des craintes vis à vis de la proposition n° 1. Cette crainte est très élevée chez les résidants(rançon d’expériences vécues ?)

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A - Liste des questions (d’après G. MAKOUL)

1) Selon vous qu’est-ce que le malade ou les membres de sa famille considère comme une “ mauvaisenouvelle ” ?

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2) Quelles sont, personnellement, vos plus grandes craintes à propos de l’annonce d’une “ mauvaisenouvelle ”

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3) Que pensez-vous qu’il faut apprendre pour annoncer d’une manière optimale une “ mauvaise nou-velle ” ?

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4) Quelle serait, selon vous, la meilleure méthode pour apprendre à annoncer une “ mauvaise nouvelle ” ?

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5) A quel moment des études cet apprentissage devrait-il être fait ?

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B - Liste des mauvaises nouvelles proposées en vue d’une hiérarchisation pour répondre à laquestion n° 1

1) Décès

2) Stade terminal de la maladie

3) Maladie chronique grave

4) Handicap physique

5) Changement majeur de qualité de vie

6) Maladies spécifiques graves (ex. cancer, SIDA)

7) Absence de traitement curatif

8) Nécessité d’un traitement chirurgical

9) Pronostic mauvais

10) Altération des fonctions sexuelles ou de reproduction (stérilité)

11) Absence d’amélioration ou aggravation

12) Échec thérapeutique

13) Nécessité d’un séjour prolongé à l’hôpital

…. D’autres réponses sont possibles

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C - Liste des craintes proposées en vue d’une hiérarchisation pour répondre à la question n°2 :

1) Réactions du malade à l’annonce (colère, douleurs, crainte, dépression, anxiété, déni,…)

2) Réaction du malade vis à vis du médecin (reproche, colère dirigée, sentiment d’abandon par le médecin…)

3) Réaction du médecin vis à vis de l’annonce (perte de contrôle, perception d’être inadéquat, incapa-cité d’assumer)

4) Réaction du médecin vis à vis du malade (inquiétude d’être trop “ détaché ”, expression trop forte deson émotion)

5) Modalités de communications (déficit de sensibilité, manque de sincérité, choix des mots inadéquat)

6)Qualité de l’information (incapacité d’être précis, message erroné, incapacité de répondre aux questions)

…. D’autres réponses sont possibles

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LECTURES CONSEILLÉES AUX ÉTUDIANTS

BERNARD J.La bioéthiqueFlammarion Dominos Ed. Paris 1994

HOERNI B./BENEZECH M.L’information en médecine, évolution sociale, juridique, éthiqueCollection Abrégé Méd.Masson Ed. Paris 1993

HOERNI B/BENEZECH M.Le secret médicalCollection Abrégé Méd.Masson Ed. Paris 1996

HOERNI B.Éthique et déontologie médicale. Permanence et progrèsCollection Abrégé Méd.Masson Ed. Paris 1996

Dossiers AP-HPEspace éthique – La relation médecin-malade face aux exigences de l’informationS/s direction HIRSH E.Doin Ed. 1999

KANT E.La Métaphysique des mœursTraduction française de GUILLERMIT L. En Théorie et Pratique. Droit de mentirVrin Ed. Paris 1988

KÜBLER-ROSS E.Les derniers instants de la vieLabor et Fides 1975

RAMEIX S.Fondements philosophiques de l’éthique médicaleCollection Ellipse. Paris 1996

RICOEUR P.Soi-même comme les autresLe Seuil Ed. Paris 1990

ROUYÈRE A.Secret médical et obligation d’assistance contre un danger en matière de VIH : un dilemme juridiqueLa lettre de l’Infectiologue, 2001 ; 14 : 121-123

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