aprentissage et contexte

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    Intellectica, 2002/2, 35, pp.251-268

    Apprentissage et contexte

    Blandine Bril

    Rsum :De manire gnrale on peut dire que l'action fait rfrence un

    rsultat, et aux diffrents moyens possibles pour obtenir ce rsultat, ce quincessite de distinguer, l'aspect intentionnel de l'action, le but atteindre,et l'aspect oprationnel, c'est--dire la manire dont le but est atteint. Unehabilet peut ainsi tre dfinie comme la capacit d'une personne raliserun but grce l'utilisation des ressources de son environnement.Toute action doit donc ngocier les proprits de l'environnement.

    Cette capacit percevoir et envisager l'environnement comme uneralit agie , s'appuie sur la construction, au cours de l'apprentissage,d'affordances, c'est--dire de la connaissance de ce que le contexte offrecomme possibilits d'action. Les affordances seraient construites sur lesinvariants relationnels entre la personne et les lments del'environnement, que ces lments soient naturels ou relvent deconstructions culturelles.Toute personne doit apprendre non seulement percevoir ce quel'environnement offre comme possibilits d'action, mais aussi s'engagerdans l'action. Explicitement (institution scolaire en particulier) ouimplicitement (environnement matriel et humain) lexprience delapprenant va tre organise de manire permettre ce processus. Cettemdiation de lenvironnement est apprhende partir de la notiondespace dactions encourages.Quelques travaux comparatifs sur lapprentissage de larithmtique parlenfant illustreront cette perspective.

    Mots clefs : Apprentissage, degrs de libert, contexte, niche dedveloppement, espace dactions encourages, zone de dveloppementpotentielle, arithmtique

    Abstract : Learning and context. Generally speaking we may considerthat action refers to a goal and to the means necessary to reach the goal. Itis then necessary to distinguish the intentionalaspect of action - the goal -

    and the functional aspect of it - the means used to reach the goal.Consequently a skill may be defined as the capacity of a person to reach agoal in any circumstance using what the environment offers.Any action must then negotiate environmental properties. This capacity toperceive the environment as something to act upon necessitates theconstruction of what Gibson (1979) called affordance. An affordance may

    cole des hautes tudes en Sciences Sociales, Groupe de recherche "Apprentissage etContexte" et Unit INSERM 483, 54 bd Raspail - 75006 Parise-mail : [email protected]

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    be defined as the knowledge of what environment offers for action.Affordances are built up from relational invariant between an organismand the elements of the environment. These elements may be natural orcultural.All individuals must learn not only to perceive what the environmentoffers for action, but to enter into the action as well. However, explicitly(schooling institution) or implicitly (material and human environment)what the learner experiences is organised in such a way to allow thislearning process. The concept of field of promoted actions will bediscussed as a framework to handle this question.Published works on cultural comparative studies on arithmetic learning inchildren will be given as an illustration.

    Key words : Learning, degrees of freedom, context, developmental niche,field of promoted actions, zone of potential development, arithmetic

    Que les diffrences d'environnement, social, culturel, conomiqueentre autres, aient un impact sur le dveloppement psychologique estune vidence. Si les potentialits humaines sont, par dfinitionpourrait-on dire, universelles, celles qui seront exprimes, et la formequ'elles prendront au cours de multiples apprentissages, dpendrontde la culture. Un des buts que poursuit la Psychologie culturellecomparative est l'analyse de cette variabilit des comportements

    humains (Bril & Lehalle, 1988). Diversit de comportements n'estcependant pas contradictoire avec universalit de processus.L'apprentissage est un domaine d'tudes permettant d'apprhender lesdeux facettes du problme diversit et universalit par le biais del'analyse des processus de construction de ces comportements.

    La notion d'apprentissage parat premire vue recouvrir uneincroyable diversit d'actions et de situations. Qu'y a-t-il de communen effet entre l'apprentissage de la marche, des techniquesquotidiennes, du langage, de l'criture, du raisonnementarithmtique, ou de la matrise des formules de politesse ? Ladiversit des langues, des critures, des conduites sociales rend leproblme plus complexe encore ! Il semble bien difficile ici detrouver un dnominateur commun. Si les mcanismes del'apprentissage sont universels, la manire dont ceux-ci sont mis enuvre peut tre dterminante dans le processus d'apprentissageproprement dit. Ainsi donc, utiliser la variabilit culturelle quis'exprime par la diversit de l'objet de lapprentissage et del'organisation des situations d'apprentissage permet, en largissant lechamp des possibles, de mieux cerner la notion d'acquisition decomptences.

    L'tude de l'apprentissage, et corrlativement de la transmissiondu savoir (au sens large) renvoie diffrents niveaux d'analyse. Auniveau individuel, la Psychologie s'est depuis longtemps attache ce problme, comme en tmoigne une abondante littrature. Dans laplupart des travaux sur la cognition et l'apprentissage, le contexte alongtemps t considr comme un accessoire, une condition

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    priphrique, un bruit qu'il s'agissait de minimiser, plutt quecomme un lment central de la cognition, indispensable l'apprentissage (Sternberg & Wagner, 1994). Ces prsupposs ontconduit bien souvent ngliger l'tude de la cognition quotidienne,de la cognition situe telle qu'elle se prsente dans les activitsfinalises, qu'elles soient domestiques, professionnelles ou sociales(Lave, 1988; Hutchins, 1995). Or, toute activit humaine estintrinsquement lie au contexte dans lequel et grce auquel elle se

    droule. Ainsi l'tude de l'activit situe peut permettre de mieuxcomprendre comment s'laborent des stratgies d'action. Dans cetteoptique, une analyse compare des choix de stratgie selon lesspcificits du contexte constitue un moyen d'accs privilgi lacomprhension de l'activit humaine.

    Tout apprentissage se droule dans un environnement culturel,socio-conomique particulier, en d'autres termes, dans un contextespcifique qu'il est ncessaire de prendre en compte dans ce que l'onpourrait dsigner par une cologie de l'apprentissage . Ce termedsigne l'analyse des lments du milieu dans lequel se droulent cesacquisitions, tels par exemple les acteurs concerns ou les objets dontdispose l'apprenant, ainsi que les relations qu'entretiennent ceslments entre eux et avec l'apprenant dans les situationsd'apprentissage.

    Dans une publication rcente, H. J. Chiel et R.D. Beer (1997)proposent la mtaphore suivante : dans un groupe de jazz, uneimprovisation musicale merge d'un va-et-vient continu entre chaquemusicien dans un jeu d'ajustements rciproques permanents, le chefd'orchestre ayant un rle de mise en forme, en phase de l'ensemble.Le comportement humain peut tre apprhend de manire analogue,comme un phnomne mergent.

    La mtaphore de l'orchestre de jazz met l'accent sur le fait quetoute action d'un individu, tout comportement adaptatif est le rsultat(la rsultante) d'interactions constantes entre les lments constitutifsde l'environnement et de la personne, chacun ayant une dynamiquepropre, l'ensemble formant un systme caractris par unedynamique complexe. De plus en plus de travaux montrent quel'expression, la forme que prend le comportement, l'activit humainene peut tre explique par l'activit du seul chef d'orchestre (lesystme nerveux), mais qu'il est ncessaire de comprendre commentle produit de la dynamique d'interactions de l'individu et de sonenvironnement lui donne forme (voir par exemple Dent-Read &Zukow-Goldring, 1997; Sternberg & Wagner, 1994, Thelen, Shner,Scheier & Smith, 2001).

    L'apprentissage consisterait donc en un processus permettant lamatrise progressive d'une dynamique, la capacit de s'ajuster, deprendre appui sur cette dynamique, afin d'obtenir l'adaptabilit et laflexibilit caractristiques d'un haut degr de contrle de l'action.

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    L'tude des caractristiques de cette dynamique de l'interactionentre la personne et l'environnement en tant que source depossibilit d'action, au cours du processus d'acquisition de savoirs etsavoir-faire culturels est essentiel la comprhension des processusd'apprentissage.

    Dans cette perspective, en partant d'une approche comparative,trois axes de recherches me paraissent essentiels :

    1. Travailler sur la manire dont se construit un savoircomplexe un moment donn, dans un contexte donn, partir d'un potentiel de connaissances et d'expriencesdonn.

    2. Analyser comment l'organisation de l'environnement,non seulement humain, mais aussi matriel, spcifiquedes milieux culturels, fournit l'apprenant un espaced'actions encourages (field of promoted action) (Reed& Bril, 1996) qui constituera le rservoir d'expriencesncessaires au dveloppement et l'acquisition desavoirs et de savoir-faire (skills).

    3. Les travaux relevant des deux axes prcdentsconstituent les matriaux ncessaires une rflexion surl'mergence de rgularits de fonctionnement etconduisent ainsi mettre en vidence des analogiesfonctionnelles partir de la diversit descomportements, individuelle d'une part, culturelle d'autrepart (Bril et Lehalle, 1988; Bril, 1995); les observableseux-mmes peuvent tre diffrents, mais jouer un rleanalogue dans la construction psychologique.

    Partant d'une dfinition relativement gnrale de l'action et del'apprentissage, je traiterai successivement ces trois points.Paralllement les exemples choisis relveront de travaux comparatifsafin de montrer combien une approche ne prenant en compte que lecontexte euro-amrician se privant d'un pan important de donnes nepeut donc qu'tre partielle, et ainsi conduire des constructionsthoriques sinon biaises tout au moins relevant d'un certainethnocentrisme.

    L'ACTION ET LE PROBLME DES DEGRS DE LIBERTDe manire gnrale on peut dire que l'action fait rfrence unrsultat, et aux diffrents moyens possibles pour obtenir ce rsultat,ce qui ncessite de distinguer, l'aspect intentionnel de l'action, le but atteindre, et l'aspect oprationnel, c'est--dire la manire dont lebut est atteint. Une habilet peut ainsi tre dfinie comme la capacitd'une personne raliser un but grce l'utilisation des ressources deson environnement; elle correspond un comportement acquis parapprentissage. Un haut niveau de matrise s'explique par la capacit trouver rapidement, une solution au problme rencontr, dans toutesituation et pourtoute condition.

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    En thorie, et quel que soit le domaine, il existe une multitude destratgies d'action pour raliser un but particulier, ce que l'onconsidre souvent comme relevant du contrle des degrs de libert.Le nombre de degrs de libert est gal au nombre de dimensionsindpendantes ncessaires pour spcifier de manire unique laposition dans l'espace d'un lment particulier.

    Dans la ralit, tout choix d'action est faonn d'une part par unensemble de contraintes qui diminuent le nombre de degrs delibert, c'est--dire le nombre de configurations possibles, et donc lenombre de dimensions contrler, et d'autre part par la perception dece que l'environnement permet dans une situation donne, ce queGibson (1979) dsigne par le concept d'affordance.

    On peut ainsi considrer que trois sources de contraintesessentielles, lies la personne, l'environnement et la tche effectuer, s'unissent pour procurer les conditions limites d'un cadredynamique pour l'organisation de l'action (Newell, 1986; 1996). Lescontraintes font rfrence aux conditions imposes, ou que s'imposela personne qui effectue l'action un moment donn; elles sont denature soit structurale, soit fonctionnelle. Les contraintes lies lapersonne voluent au cours du processus dapprentissage, ne serait-ce que par laccroissement des connaissances acquises.

    Toute action doit donc ngocier les proprits de

    l'environnement. Cette capacit percevoir et envisagerl'environnement comme une ralit agie , s'appuie sur laconstruction au cours de l'apprentissage d'affordances, c'est--dire dela connaissance de ce que le contexte offre comme possibilitsd'action. Les affordances seraient construites sur les invariantsrelationnels entre la personne et les lments de l'environnement, queces lments soient naturels ou relvent de constructions culturelles.L'intrt du concept d'affordance rside dans le fait quil est tenucompte tout la fois de la personne et de l'environnement, ainsi quedes processus d'ajustement de l'un l'autre dans l'action.

    Dans cette perspective, tout apprentissage renvoie laconstruction d'un ensemble d'affordances. Toute personne doitapprendre non seulement percevoir ce que l'environnement offrecomme possibilit d'action, mais aussi s'engager dans l'action. Une

    mme action pourra, en fonction du contexte, tre excute selon uneprocdure totalement diffrente.Les travaux de Carraher et collaborateurs (1985) sur

    l'arithmtique quotidienne des enfants des rues en donne uneexcellente illustration. Les stratgies de calcul utilises - avec untaux d'erreur quasi nul - par des enfants vendeurs de rue Rcife auBrsil, se sont rvles tout fait diffrentes de celles classiquementenseignes l'cole. De plus les performances de ces mmes enfants,sur des problmes non contextualiss impliquant les mmes calculs,sont apparues nettement moins bonnes. Dans cette dernire situationles enfants tentent l'utilisation de routines de calcul enseignes

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    l'cole, bases sur des symboles et dconnectes d'une ralitsignifiante. Ces routines mal matrises sont l'origine des erreursque l'enfant ne parvient pas contrler.

    APPRENTISSAGE ET CONSTRUCTION D'HABILETSCULTURELLES

    Dans de nombreux cas cependant, et dans les situationsd'apprentissage en particulier, il est ncessaire qu'une sourceextrieure spcifie les contraintes d'une part, et d'autre part lesaffordances qui ne sont pas perues directement. C'est en fait le rledu matre pris au sens large, qu'il soit reconnu comme tel par lasocit, ou qu'il s'agisse, dans le cas de l'enfant, de la mre, ou detout autre membre de la famille ou du voisinage. En somme, laconstruction d'affordances dpend de la manire dont le matre vaduquer la capacit d'attention de l'apprenant. Le rle du matreserait d'assister l'apprenant dans la dtection et l'utilisation desproprits de son environnement anim et inanim, et de leurfonctionnement dans un milieu culturel particulier.

    Ainsi donc la particularit mme des situations d'apprentissagerelve de l'existence de mdiateur(s) dont le rle est de rendrepossible la perception de possibilits d'action, dans une organisationparticulire de la situation qui doit, pour tre efficace, prendre en

    compte les capacits de celui qui apprend.En dautres termes tout processus d'acquisition d'habiletsncessite l'apprentissage de l'utilisation et de la matrise du contexte.La ralisation du but de l'action va ainsi dpendre de la capacit dusujet crer les conditions d'action, grce en particulier sesconnaissances, son habilet motrice, ses capacits d'valuation,d'adaptation et de planification. Ce processus d'apprentissagencessite la possibilit d'expriences rptes, correspondant uncomportement exploratoire ou stratgie de recherche, qui permetd'explorer et de localiser des rgions d'quilibre (Newell, 1989).L'apprentissage ncessite alors la comprhension des lois quigouvernent les diffrents types de contraintes. A une rgiond'quilibre correspond un certain pattern d'action (au niveaucomportemental) qui dpend de l'tat, un moment particulier destrois types de contraintes identifis

    On retrouve ici le problme des degrs de libert (Newell, 1996).Au dbut du processus d'apprentissage d'activits aussi universellesque la marche ou la prhension, ou d'activits plus spcialises, lastratgie de l'apprenant consiste rduire au maximum le nombre dedegrs de libert, et donc le nombre de dimensions contrler. Cettepriode est caractrise, en ce qui concerne les actions motrices, parl'inexistence de comportements anticipateurs, c'est--dire d'unecapacit prvoir les consquences de son action et en prparer lesconditions de ralisation (Ledebt, Bril & Brenire, 1998). Unediminution trop importante des degrs de libert conduit ainsi unerigidit incompatible avec l'adaptation aux contingences de

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    l'environnement. Une deuxime tape consisterait en un certainrelchement des contraintes, correspondant une augmentation desdegrs de libert, l'tape ultime conduisant l'utilisation desphnomnes ractifs issus des interactions entre l'organisme et sonenvironnement. Bien que ces trois tapes ne soient pas forcement demme dure ou de mme importance, elles semblent dcrire assezbien les modes d'interaction entre l'apprenant et les lmentsconstitutifs de son environnement.

    Les travaux sur les acquisitions d'habilets motrices enparticulier, montrent clairement qu'une personne n'apprend pas enperfectionnant une stratgie, qui au dpart serait incomplte maisperfectible, mais en construisant des stratgies qui sont fonction deses comptences, cognitives et/ou motrices, et de la manire dont elleperoit les proprits de l'action, ce qui pourra la conduire produire, diffrents moments du processus d'apprentissage, dessolutions tout fait diffrentes de celles de l'expert (Bernstein,1996). Ceci s'avre tre le cas, y compris pour des capacits tellesque la marche ou la prhension considres tord comme innespuisque universelles (Bril, 2000; Bril et Brenire, 1993; Thelen,1995). Nous ferons l'hypothse que si cette perspective est valablepour les habilets dites motrices, elle lest aussi pour cellesconsidres comme essentiellement cognitives.

    CONSTRUCTION DES AFFORDANCES, NICHED'APPRENTISSAGE ET ESPACE D'ACTIONS ENCOURAGES

    Nous avons vu d'une part, que les personnes apprennent s'engager dans laction, grce en particulier au fait qu'ellesapprennent percevoir et utiliser les possibilits d'actionspertinentes qu'offre l'environnement (affordances) et que d'autre partle processus de dcouverte des proprits de l'action et la capacit deles utiliser de manire optimale passe par la diversit des expriencesorganises de manire plus ou moins directe par les lments delenvironnement.

    Cette mdiation de l'environnement qui a t souventminimise dans les tudes sur l'apprentissage s'opre dans un espace d'actions caractris par deux dimensions principales,l'espace d'actions libres et lespace d'actions encourages [KurtLewin (1933-39), Reed (1993), Vygotsky (1978), Valsiner(1986/1997)].

    L'espace d'actions libres(zone, or field, of free movement) (KurtLewin (1933-39), repris par Valsiner, 1986/1997) structure i) l'accsde l'enfant (ou de l'apprenant en gnral) diffrents lieux de sonenvironnement, ii) la disponibilit d'objets (anims et inanims) l'intrieur de cette aire, et iii) la manire d'agir sur ces objets. A toutmoment de sa vie une personne a accs de manire illimite certains lieux de son environnement, ces lieux sont non seulementgographiques, mais pris au sens large incluent aussi les objets, lesides, les actions et les sentiments, et possdent une signification

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    sociale. Les parents, les pairs, les ans, les enseignants, lesinstitutions, etc., mais aussi l'enfant lui-mme, en sont lesorganisateurs ou les rorganisateurs

    L'autre composante de l'espace d'action dans lequel voluel'enfant ou plus gnralement l'apprenant est appele l'espaced'actions encourages (field of promoted actions) (Valsiner,1986/1997; Reed, 1993, Reed & Bril, 1996). Elargissant l'espaced'actions libres, l'espace d'action encourages a pour but d'introduiredans l'espace d'actions un ensemble d'activits, d'objets, de lieux quidoivent amener l'apprenant augmenter son potentiel d'actions et parvoie de consquence, ses capacits d'action.

    Les proprits de l'espace d'actions encourages d'un apprenantpossdent les caractristiques suivantes (Reed & Bril, 1996) : i) uneaction peut tre plus ou moins fortement encourage ou prohibe; ii)certains artefacts, certaines affordances peuvent tre plus ou moinsrpandus ou disponibles dans l'environnement de l'apprenant; iii)dans toute socit il existe des rgles sur les rles tenir par lesdiffrents protagonistes selon les situations, et sur les objets qu'ilconvient alors d'utiliser; iiii) son organisation varie selon l'ge et leniveau de dveloppement et de matrise de tel ou tel comportementou habilit en fonction de ce qui est considr comme opportun unmoment donn.

    Ce que cet espace - l'espace d'actions encourages - apporte deplus l'espace d'action libre, rend possible le fonctionnement de ceque Vygotsky dsignait par zone de dveloppement proximale ouzone de dveloppement potentiel, zone dans laquelle, grce untayage direct ou indirect, de nouvelles capacits d'action mergent(voir Rogoff (1990), Boyer (2001), Boyer et Bril (2001) pour ltudede ltayage de ladulte dans une tche complexe). Ce processusncessite cependant qu'il y ait adquation entre l'espace d'actionencourages et la zone de dveloppement potentiel de l'apprenant un moment donn. En d'autres termes les situations d'apprentissagen'auront d'effet que si ces acquisitions ne se situent ni au-del, ni ende a, des capacits biologiques, psychologiques, ou mme affectivesde l'apprenant.

    De nombreux auteurs se rfrent l'ide de niche pour dsigner

    l'environnement de la personne en dveloppement (Gibson,1979/1986). Il revient cependant Super & Harkness (1986) d'avoirpropos une dfinition prcise de ce qu'ils dsignent par niche dedveloppement. Celle-ci est dfinie essentiellement selon troisdimensions principales, (i) l'environnement physique, socio-culturel,conomique, (ii) les reprsentations ou ethnothories descomptences, de l'intelligence, du dveloppement et de l'ducation,ainsi que (iii) les habitudes et techniques d'ducation et detransmission. L'intrt de ce concept consiste mettre l'accent surl'importance des interactions entre ces diffrentes composantes, quisont la base de la construction des spcificits du milieu os'organise l'exprience de celui qui apprend. Il rend compte de

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    l'aspect volutif de cet environnement. La culture procure en effet l'enfant une succession de niches qui seront spcifies par le type decomptences que les adultes encouragent chez l'enfant, l'ge auquelces comptences doivent tre acquises ainsi que le niveau de matrise acqurir.

    On peut donc considrer que l'espace d'actions encouragesconstitue l' actualisation de cette niche de dveloppement, unmoment donn, et pour un organisme donn.

    Une perspective centre sur le dveloppement, et plusparticulirement sur lapprentissage, met l'accent non pas sur leslments de la niche de dveloppement, mais sur les proprits del'espace d'actions encourages qui donnent les conditions externes dudveloppement et des apprentissages. Cest partir de cet espaced'actions que l'enfant mobilise et utilise les mcanismespsychologiques qui sous-tendent les processus d'acquisition etd'apprentissage. La frquence et les situations dans lesquelles cesmcanismes sont mobiliss sont ainsi dtermines par lescaractristiques des diffrentes dimensions de la niched'apprentissage.

    La comprhension de la manire dont se structure ce champd'actions encourages et dont il intervient dans la construction desaffordances et des stratgies d'action devrait permettre de mieux

    apprhender les modes de construction des capacits d'actionproprement dites.Relativement peu de travaux notre connaissance ont t

    consacrs cette question. Quelques tudes comparativessystmatiques se sont attaches valuer les composantes de cesespaces ainsi que les expriences qui en rsultent. La plus connue etsans doute la plus ambitieuse ralise dans les annes 1960, connuesous le nom de Children of six cultures implique six communautsculturelles diffrentes et concerne des enfants de 3 9 ans (Whiting& Whiting, 1975). D'autres se sont attaches certaines dimensionsplus particulires de l'exprience de l'enfant. Munroe, Munroe,Michelson & Bolton (1983) recherchent quant eux les diversfacteurs ayant un rle dans l'organisation d'une activit de travailchez les enfants et les adultes; Dasen (1988) value les diffrences

    d'expriences entre garons et filles dans une communaut africaine,Cotreau-Ress (1997) cherche identifier la nature des expriencescognitives dans la vie quotidienne d'enfant kanak.

    UN EXEMPLE : L'APPRENTISSAGE DE L'ARITHMTIQUE -PERFORMANCE, EXPRIENCE ET ETHNOTHORIES PARENTALES

    Dans un but d'illustration de ce qui vient d'tre dit, je reprendraisici le domaine des mathmatiques. La supriorit des performancesen mathmatiques des enfants et adultes originaires de culturesasiatiques intrigue (voir par exemple Stevenson, 1995), et celad'autant plus que cette aisance dans ce domaine semble dj prsente

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    avant l'entre l'cole primaire (Stevenson (1986) cit par Bacon &Ichikawa, 1988), ce qui conduit poser diffrentes questions. Dansquelle mesure est-il possible d'valuer :

    1) la manire dont les conceptions de lapprentissage engnral - que ce soit celles des adultes, des enfants ou desenseignants -, et de celui des mathmatiques en particulier,interviennent dans le processus d'acquisition;

    2) le rle de l'exprience directe (enseignement) et indirecte(vie quotidienne) dans le processus d'acquisition.Attentes parentales, exprience et acquisition de

    connaissances en arithmtiqueDeux tudes comparatives, de Bacon & Ichikawa (1988) pour une

    comparaison entre le Japon et les USA, et de Chen & Uttal (1988),pour une comparaison entre la Chine et les USA, sont rvlatrices dela complexit des liens entre attentes des adultes, expriences etperformances spcifiques en mathmatique. Elles montrent parailleurs l'importance d'un ajustement cohrent entre les attentes etattitudes parentales, et les performances de l'enfant.

    L'tude de Bacon & Ichikawa (1988) constitue une tentativeintressante de mise en relation des attentes maternelles et desexpriences scolaires d'enfants de 6 ans au Japon et aux USA (fin dela dernire classe de maternelle), afin de comprendre les fondementsdes diffrences de comprhension de l'arithmtique lmentaire, deconnaissances de l'crit observes ds cet ge l. Cette tudeconfirme le niveau plus lev des enfants japonais en arithmtique, etdes rsultats comparables des enfants amricains et japonais l'crit.Cependant les dires des mres, de mme que les caractristiques del'exprience scolaire, semblent premire vue ne pas pouvoirexpliquer une plus grande prcocit concernant les connaissancesarithmtiques des enfants japonais.

    Dans cette tude les attentes des mres amricaines et japonaisess'opposent sur trois dimensions principales. L'cole maternelle estconsidre par bon nombre de femmes amricaines comme uneprparation la scolarit ultrieure, alors que les mres japonaisesmettent plutt l'accent sur le rle de socialisation que joue l'cole

    cet ge l. Ceci explique sans doute la proportion trs leve defemmes amricaines qui disent faire apprendre leur enfantl'alphabet, les nombres et l'criture de leur nom, alors que peu demres japonaises disent en faire autant. Par ailleurs si les femmesamricaines sont prtes rcompenser leur enfant lorsqu'il faitbien l'cole, les mres japonaises sont rarement de cet avis. Ledernier domaine o l'attitude des mres semble sensiblementdiffrente concerne les problmes de discipline. Dans leurs dires, lesmres amricaines apparaissent plus autoritaires, et forceront unenfant qui refuse faire ce qui lui est demand. Ceci ne semble pastre le cas des mres japonaises qui manient le compromis plusfacilement, et accompagneront l'enfant dans ses souhaits.

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    Ce tableau des attentes maternelles concernant les premiresacquisitions scolaires et leur corrlt comportemental, pourrait treinterprt comme rvlant des attentes et un investissement moinsgrand des mres japonaises dans les acquisitions acadmiques de leurenfant d'ge prscolaire, ce qui parat cependant contradictoire avecun niveau d'acquisition plus lev ou gal pour l'enfant japonais. Lesrsultats de l'observation des activits scolaires des enfants dematernelle semblent tout aussi paradoxaux : on observe, dans le

    cadre scolaire, quatre fois moins d'activits lies des apprentissagesacadmiques pour les enfants japonais de 5-6 ans (5% de la journe,contre 20% pour l'enfant amricain), deux fois plus d'activits libres,et moins d'activits structures, toujours pour l'enfant japonais.

    Ces rsultats pour le moins surprenant posent un problmefondamental ds lors que l'on essaie d'valuer et de comparer lesdires de diffrentes personnes appartenant de surcrot des groupesculturels diffrents. Quelle signification donner un haut niveau d'attente maternelle ? Un premier constat suggre que des attentesmaternelles leves, ne garantissent pas ncessairement un hautniveau de performance. Le second point, concerne le degrd'adquation entre les dires des mres et la ralit. Les attentes desmres japonaises qui pourraient sembler moins leves que celles desmres amricaines, seraient en fait plus ralistes et d'aprs les

    auteurs pourraient influencer plus efficacement leurs attitudes etleurs comportements, et sans doute aussi par voie de consquencecelui des enfants. L'enfant percevant une attente de l'adulte tropdistante de ce qu'il peut, ou de ce qu'il a effectivement ralis, seramoins motiv que celui qui grce un effort sa porte parviendra atteindre le but propos. Par ailleurs l'importance moindre del'enseignement direct des mres japonaises aurait pour contrepartieun enseignement informel qui pourrait tre un moyen efficace detransmettre au tout jeune enfant des connaissances darithmtiquelmentaire.

    Toujours dans le domaine de l'acquisition de comptences enmathmatiques par des enfants d'ges scolaires, d'autres travaux qu'ilpourrait de mme tre intressant de dtailler montrent que leprocessus d'acquisition de comptences dpend de l'articulation desdiffrentes composantes de la niche d'apprentissage ainsi que de la

    manire dont elles sont actualises dans l'espace d'actionsencourages de l'apprenant.

    Allocation du temps scolaire et exprience de l'apprenantL'organisation du temps extrascolaire et scolaire donne des

    informations prcieuses pour cerner la nature de l'exprience rellede l'enfant et laborer des hypothses sur le rle des divers facteursen jeu dans les processus d'acquisition.

    Stevenson (1995) donne une valuation de la rpartition dans lasemaine d'un temps social (temps pass avec ses pairs hors cole)et du temps consacr un travail rmunr pour les coliers en fin de

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    secondaire dans diffrentes villes, amricaine (Minneapolis),japonaise (Sendai), taiwanaise (Taipeh) et chinoise (Beijing). Letemps pass des activits rmunratrices ou sociales par les lvesamricains est beaucoup plus important que dans le cas de leurs pairsasiatiques. Il semblerait en fait que, en gnral, l'cole asiatique offreplus de possibilits de socialisation en dehors des heures de cours,mais dans le cadre scolaire, ce qui permet d'associer pratique desocialisation et travail acadmique, situations que ne facilite pas le

    cadre amricain. Si lon fait lhypothse que dans le primaire et desecondaire le niveau que rvlent les valuations scolaires estproportionnel au temps consacr l'activit scolaire, ces rsultatsparlent d'eux-mmes.

    De manire beaucoup plus spcifique, Stigler & Ferandez (1995),se sont intresss la structuration de la journe d'un enseignantdans ces divers contextes culturels. Cette tude fait tat duneorganisation tout fait distincte du travail des enseignants qui auraune rpercussion directe sur l'exprience scolaire quotidienne desenfants : pour un temps moyen quivalent avec chaque lve, lesenseignants asiatiques ont moins de temps de cours mais avec plusd'enfants. Ces enseignants passent environ 80% de leur tempsd'enseignement devant des classes entires, valeur qui est de 40%seulement pour un enseignant amricain. Ce dernier consacre le reste

    de son temps entre le tutorat individuel et le travail en petit groupe.Cette rpartition des modes denseignement comme consquencedirecte que l'enfant passe aux USA deux fois plus de temps seul queses pairs japonais ou taiwanais.

    Le contenu de l'enseignement dispens et la nature desinformations auxquels l'enfant est confront durant les cours offrent nouveau de grandes diffrences selon la culture. La frquence desinformations procdurales et conceptuelles dlivres dans les classesdu primaire au cours des enseignements, distinguent clairement lescultures asiatiques et amricaines (Stevenson, 1995). Au Japon et enChine, et dans une moindre mesure Taiwan, le pourcentaged'informations conceptuelles vhicules durant les cours est deuxfois plus lev qu'aux Etats-Unis, et dans le mme temps, lesenseignants asiatiques ont nettement plus tendance formuler leurcours partir d'un contexte signifiant et quotidien pour l'enfant.

    Une dernire comparaison concerne la structuration du tempsscolaire, l'organisation d'un cours de mathmatique en fin de cycleprimaire aux Etats Unis et au Japon. Le tableau 1 donne un aperud'une leon sur le calcul de l'aire d'un triangle.

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    Leon amricaine

    1. 1 mn Rvision du concept de primtre

    2. 8 mn Aire du rectangle, explications, formule,problme par l'enseignant

    3. 25 mn Aire du triangle, explications, formule,problme par l'enseignant

    4. 11mn les lves font des exercices,l'enseignant passe dans les rangs

    Dure totale 45 mn

    Leon japonaise

    1. 3.5 mn Prsentation du problme2. 14.5mn Les lves essaient de rsoudre le

    problme par eux-mmes3. 29 mn Discussion de la classe entire autour

    des solutions avances par diffrents lves, puislaboration de la formule

    4. 5 mn Exercices par les lves partir du livreDure totale 52 mn

    Tableau 1. Structuration d'une leon de gomtrie au Japon et aux USA(D'aprs Stigler, 1995)

    Ce qui frappe d'emble dans cette prsentation est sa structurequasiment inverse dans ces deux contextes. Les diffrences destructuration du cours engendrent des variations importantes dansl'activit de verbalisation de l'enfant. Dans le cas japonais, l'enfantest amen parler publiquement, face la classe, deux fois plusqu'aux USA, lcart tant encore plus net si l'on analyse les changesavec le professeur. En outre si l'on prend en compte les diffrentstypes de questions que pose l'enseignant aux lves durant un cours,

    on constate que 70% environ des questions poses aux jeunesamricains consistent dsigner ou nommer des proprits oucatgories d'lments, alors qu'au Japon la mme proportion dequestionnements porte sur des demandes d'explication des raisonsd'emploi de telle ou telle procdure ou sur une procdure devrification. Ces contrastes seraient d'aprs les auteurs lis au faitqu'un enseignant amricain est considr comme l'arbitre de ce quiest bien ou non, il corrige, si possible rapidement, les erreurs deslves. Par ailleurs on ne demande pas un lve d'exposer devant laclasse une solution errone, ce qui serait considr commepsychologiquement nfaste. Au Japon l'enseignant nonce rarementsi la rponse est bonne ou non, et plutt que d'interprter une erreur

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    comme un manque de comptence, l'erreur est considre commeune part naturelle de l'apprentissage et comme une source importantede matrise de la connaissance; la discussion des erreurs doit ainsijouer un rle important dans la construction de la comprhensionconceptuelle. En outre, la possibilit d'errer et de se tromper estperue comme un moyen pour l'lve de prendre la responsabilit deses apprentissages.

    Il est possible de rapprocher de ce constat le rle que cescommunauts culturelles associent aux capacits intrinsques et/ou l'effort que l'on est en droit d'attendre de l'lve. Plusieurs tudesrapportent que l'importance donne l'un et l'autre peut variernormment. Au Japon et Taiwan, l'effort est considr commeessentiel dans la russite, alors que les Amricains, tout en luireconnaissant un effet non ngligeable dans la russite, donne unpoids fort aux capacits innes, on nat plus ou moins dou pour lesmathmatiques. Une tude de Hess et al. (1987) montre nonseulement que l'on retrouve ces conceptions chez les Chinoisimmigrs aux Etats-Unis, et, fait priori surprenant, cette diffrenceest encore plus marque chez les enfants que chez leurs parents.

    DISCUSSIONQuel enseignement tirer de ces comparaisons ? Tout d'abord les

    tudes comparatives permettent en largissant le champ des possiblesde mieux cerner les alternatives qui peuvent s'avrer, ou non,quivalentes quant leur efficacit sur l'apprentissage. Une tudeexprimentale sur l'effet du style d'enseignement, asiatique ouamricain (Stigler & Ferrandez, 1995) donne l'avantage au stylejaponais. Ces tudes montrent en outre la multiplicit des facteurs enjeu et la complexit de leur mode de fonctionnement.

    Des donnes comparatives telles que celles exposes ici,devraient conduire reformuler certains prsupposs. Ainsi en est-ilde l'ide que le travail en petit groupe serait plus efficace, ou encoreque pour un enfant en chec un tutorat individuel apparat comme lasolution la meilleure. Les travaux cits ici montrent commentdiffrentes dimensions interagissent : plus dheures passes en petitsgroupes aura pour corollaire moins dheures avec un enseignant. Laquestion devient alors : quelles sont les modalits qui font que moins

    dheures de cours avec moins dlves seraient plus efficace que plusdheures avec un groupe plus important. Il est possible, entre autresfacteurs, que lefficacit de la situation dpende tout la fois de lamanire dont est peru le rle de lenseignant ou encore delimportance que lon attribue lattitude de llve face lapprentissage plutt que dun nombre donn dheures de cours.

    Les perspectives qu'ouvrent ces tudes sont essentielles en cesens qu'elles mettent l'accent sur une analyse o les comptences, leshabilets acquises mergent d'une dynamique des interactions entrela personne et le contexte, l'unit d'analyse tant alors ncessairementconstitue par l'activit dans son contexte.

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    Dans cette perspective l'apport des tudes culturellescomparatives consiste, en largissant le champ des possibles, mieux dissocier les potentialits de dveloppement et d'acquisition,de leur actualisation comportementale qui, dans certains cas,possde de nombreuses caractristiques culturelles. Comme cela at dit, une perspective comparative conduit mettre en vidence desanalogies fonctionnelles partir de la diversit culturelle : lesobservables eux-mmes peuvent tre diffrents, mais ils peuvent

    rendre compte de processus psychologiques analogues (Bril &Lehalle, 1988). C'est donc partir de ces analogies fonctionnelles,sur des observables diffrents, que l'on pourra tenter de dgager deslois dveloppementales universelles, et mieux comprendre la naturedes diffrences culturelles observables.

    De manire plus gnrale se pose la question de l'existenced'universaux culturels, c'est--dire de traits qui, dans des culturesdistinctes, relvent d'un mme type de fonctionnement. Cettehypothse pour corollaire l'tude des conditions de la variabilitentre cultures de certains types de conduite.

    CONCLUSIONEn conclusion, j'aimerais souligner deux points qui me semblent

    essentiels dans une rflexion sur les apprentissages, ce qui inclut les

    apprentissages scolaires, et qui permettraient aussi de mieux enapprhender les ventuels dysfonctionnements.A la lumire dune rflexion propose par Delbos et Jorion

    (1984), qui avec humour et pessimisme, mettaient en cause lesqualits thoriques et donc gnralisables des acquisitions scolaires,il serait sans doute intressant de s'interroger systmatiquement surles caractristiques du contexte dapprentissage et plusparticulirement celui des apprentissages scolaires et des expriencesquotidiennes de l'enfant. Reprenant l'opposition entre un savoirpratique acquis sur le tas, savoir qui serait intimement li au contexteet donc non gnralisable au savoir scolaire dont les caractristiquesseraient la plasticit et la transfrabilit, ces auteursconcluaient ainsi :

    En fait cependant, les choses sont loin d'tre aussi simples :dans la mesure o le savoir scolaire choue tre authentiquementthorique pour tre simplement propositionnel, la plasticit lui faitentirement dfaut, lui aussi devient indissociable d'un contextesingulier, la salle de classe, lieu unique o les propositionsdisjointes disposent d'une lgitimit. (p. 15)Faut-il voir ici une des explications de lchec scolaire ? Cette

    question est sans doute centrale dans le dbat sur l'chec ou larussite des apprentissages, scolaires en particulier, et ncessite unerflexion approfondie sur rle du contexte, et cela quel que soitl'objet de l'apprentissage.

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    Par ailleurs, une des tendances actuelles des Sciences Cognitives,qui, en se rapprochant des Neurosciences, essaie de rpondre denombreuses questions aujourd'hui ouvertes sur les bases neurales dela cognition et du comportement humain, ne peut qu'tre enrichie etquilibre par une rflexion sur les conditions contextuelles del'acquisition, du dveloppement, et de l'expression des comptenceshumaines. S'il existe de nombreux travaux centrs sur lesmcanismes cognitifs, la manire sont ceux-ci sont sollicits et

    utiliss dans les activits quotidiennes, et au cours delapprentissages, restent nettement moins nombreux. Il existe trscertainement l, tout un champ explorer.

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