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Archibat n°22

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Revue Tunisienne d'architecture

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Au pied de l’arc-en-ciel

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SommaireA r c h i b a t n ° 2 2

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DIPLÔMELe pavillon de la Tunisie à Shanghai 2010

CONCOURSLe challenge 2010 APERAU, AMO en Tunisie

URBANISME ET PAYSAGELes marges périurbaines en Tunisieet en Méditerranée

TECHNIQUES & CONSTRUCTIONArt et technique du verdissement de toiture

PATRIMOINEMain basse sur Carthage…

L’INVITÉELeïla Ladjimi Sebaï :

« Je suis pour le musée spectacle »

AILLEURSUne ville d’expériences : Alger la blanche

ARTS ET DÉCORegards croisés : Patrimoine vivant en Méditerranée

LIVRES ET LIVRAISONS

EXPO« Objets de Revolte »

R e v u e m a g h r é b i n e d ’ a m é n a g e m e n t d e l ’ e s p a c e e t d e l a c o n s t r u c t i o n

ÉDITORIAL

OPINION LIBRE

A Mohamed Bouazizi

Les évènements du 14 Janvier : révolutionou soulèvement ?

Ré�exions sur de nouvelles perspectives

Lettre ouverte aux ar chitectes de Tunisie

L’équité territoriale : une revendication dela révolution tunisienne

Sidi Bou-… Zid détrône Sidi Bou-Saïd

ACTUALITÉ INTERNATIONALE

RÉALISATION : Siège de la Bourse desValeurs Mobilières de Tunis

Tourisme culturelen Tunisie

Les patrimoines archéologiqueset les arts traditionnels de la Tunisie sont-ilséligibles au tourisme culturel ?

Le Kef dans l’attente d’une stratégie

Testour : la coopération internationaleau service du tourisme culturel

Los Paradores : une réussite magistrale

Quelques mots sur les maux du tourismetunisien

Provins « Si nous n’allons pas chercher lesvisiteurs,ils ne viendront pas chez nous »

Comment valoriser une ressourceculturelle en produit touristiqueInterview de Ahmed Smaoui

La Médina de Tunissur la voie du tourisme culturel

L’o�re culturelle de la médina :pas uniquement pour les nostalgiques

Le projet « Ziyarates Fès » :un exemple marocain

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ÉditorialARCHIBAT : Revue maghrébineà parution semestrielle, publiéepar : ABCArchitecture Bâtiment et Communication, sa

19, Rue Abou Bakr Bekri, Imm. Luxor I,Br. M/2 - Montplaisir 1073 TunisTél. : 216 71 904 467 - 71 907 952 Fax : 216 71 902 485E-mail : [email protected]

www.archibat.tn

Directrice de publicationAmel SOUISSI TALBI

Ont collaboré à ce numéro :Jellal ABDELKAFILeïla AMMARTahar AYACHIOlfa BELHASSINEMoez BOURAOUIMarie CARMAGNOLLEMorched CHABBIAli DJERBINada EDHIFILeïla EL FANIAdnen EL GHALIZeineb ENNEIFERLeïla LADJIMI SEBAÏMounir MAJDOUBJean-François ROBINLayla SKALIConsuelo TOMÉ VIRSEDAHamdy ZRIBI

Membres fondateursLeïla AMMARAli DJERBIAmel SOUISSI TALBIAchraf BAHRI MEDDEB Morched CHABBI Denis LESAGE

Publicité : ABC : Architecture Bâtimentet Communication :Zouhaira TALBI REBAI

Conception et réalisation graphique Agence MIMTél. : (216) 71 950 344 / 330ImpressionFINZI USINES GRAPHIQUES

Site web :Mouna MATTOUSSI TRABELSI

Les articles publiés dans cette revue, et les idéesqui peuvent s’y exprimer n’engagent que la res-ponsabilité de leurs auteurs. Tous droits de repro-duction, réservés pour tous pays. Les textes etphotos reçus et leurs envois impliquent l’accordde l’auteur pour leur libre publication.

VISA N° 2796

Autre publication de ABC

Ce numéro d’Archibat, devait sortir en mars dernier. Or, aussi spécialisée soit-elle, notrerevue reste toujours à l’écoute de l’actualité, qui agite notre pays. Nous ne pouvionspoint ignorer le tsunami révolutionnaire qui a fait basculer le pouvoir de l’ex présidentBen Ali et ses rami�cations ma�euses dans le vide. Ni l’e�et domino des évènements du14 Janvier dernier, qui ont ébranlé tous les régimes totalitaires de la région arabe.

L’Histoire retiendra sûrement le rôle politique majeur qu’aura joué ce petit pays coincéau bout de l’Afrique du Nord dans le nouvel échiquier politique mondial de ce vingt etunième siècle.

Comment alors ne pas bousculer la matière toute prête ? Comment ne pas participer àcet élan révolutionnaire ? A cette nouvelle prise de parole ? A cette expression qui se li-bère et se délie ?

L’étincelle est partie des zones intérieures et elle s’est propagée ensuite sur le littoral. Pra-tiquement toutes les villes tunisiennes ont vécu, dans leur chair et sous une tempête deballes réelles les manifestations de la colère des populations marginalisées par un partageinéquitables des richesses. Ces désordres urbains se sont poursuivis avec une réorganisa-tion de la géographie des quartiers par les comités d’autodéfense, formés des habitantseux-mêmes, face au relâchement sécuritaire de l’après 14 janvier 2011. Que de sujets àfouiller et à analyser pour les sociologues de la ville, ses urbanistes et ses historiens ?

En attendant les résultats de telles recherches, nous avons ouvert nos colonnes à tousnos amis photographes, architectes, urbanistes, paysagistes et historiens pour qu’ils nouslivrent à chaud leurs images et leurs libres opinions sur l’onde de choc, venant de traver-ser la Tunisie.

Ali Djerbi, architecte et enseignant à l’ENAU, propose : « Objets, bâtiments et espacesaménagés, ne devront plus être des ensembles formels re�étant l’extravagance et la mé-galomanie des individualités mais ils auront à répondre aux nouvelles exigences fonction-nelles, structurelles et esthétiques dictées par le modèle sociétal où l’individu est encohérence avec l’ensemble de la communauté ».

Les évènements tunisiens ont également balayé les clichés, érodé des images de cartespostales. Le monde entier découvre qu’une autre Tunisie se cache derrière les a�chesde plages paradisiaques et de longues rangées de parasols fuyant vers l’horizon bleu azur.On rencontra en�n (le tourisme balnéaire ne regardant jamais vers l’arrière pays) ce peu-ple �er et enraciné dans une histoire, qui a connu le passage de civilisations �orissantesallant des numides aux phéniciens et des romains aux arabes et aux européens. Tout cefonds culturel mérite aujourd’hui une vraie stratégie pour rendre le produit touristiquetunisien intelligent, attractif et en parfaite adéquation avec un environnement socio-éco-nomique, assaini, équitable et solidaire. Cette thématique, nous l’avons abordée dans ledossier de ce numéro, en portant un éclairage sur les expériences menées ailleurs enFrance, en Espagne et au Maroc, qui montrent à quel point les projets les plus aboutis enmatière de tourisme culturel, sont ceux qui ont su intégrer le patrimoine à la ville et à lavie de tous les citoyens.

Nous espérons que la révolution, qui entraine, généralement dans son sillage des chan-gements profonds dans les structures socio-politiques et dans les valeurs d’un pays, ou-vrira en Tunisie de nouvelles perspectives à l’architecture de qualité et à un aménagementde la ville et du territoire plus raisonné et égalitaire.

Amel Souissi Talbi

Fort génois de Tabarka © Nicolas Fauqué

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A celui qui mérite de rejoindre le

Panthéon des héroslégendaires,

mythiques et historiquesqui ont fait notre pays.

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A MOHAMED BOUAZIZI

Comment ne pas rattacher son geste, celui du sacri�ce expiatoire parle feu, à cette symbolique puissante de la naissance de Carthage et dela Tunisie ?

Carthage fut fondé par les Phéniciens, et ce terme renvoie indiscuta-blement au mot grec phoenikos qui a, non seulement désigné la cou-leur rouge, pourpre, mais aussi le phénix, cet oiseau éclatant et fabuleux,au plumage rouge, bleu et or, qui avait le pouvoir, après s'être consumésur un bûcher, de renaître de ses cendres. Pour les Anciens, il était lesymbole de l'immortalité de l'âme, et plus simplement de tout ce quirenaît.

Ainsi le phénix évoque t-il le feu créateur et destructeur dont lemonde tient son origine, car de tous les éléments primordiaux, le feuest sans doute l’élément le plus pur et le plus subtile, le plus complexeaussi . « Il est le principe de toutes choses, l’état primordial de tous lesplans de la création ».

Chacun d’entre les Tunisiens, connaît le destin héroïque de la phéni-cienne Elisha-Didon, reine et fondatrice de notre pays qui, en 814 av. J.-C, pour sauver sa toute jeune et nouvelle patrie d’un péril certain,n’hésitait pas à se sacri�er par le feu.

Certains connaissent aussi ce même geste héroïque de l’épouse dudernier défenseur carthaginois Hasdrubal, alors qu’il s’apprêtait à livrerle pays aux soldats de l’ennemi : en ce fatal mois de mai 146 av. J.-C.,alors que Carthage brûlait, elle invectiva son époux, et se jeta dans les�ammes avec ses enfants.

Ainsi le destin de l’antique Carthage, depuis sa fondation et jusqu’à sachute, est-il singulièrement lié au sacri�ce de deux personnages horsdu commun.

Aujourd’hui encore sacri�ce par le feu ! Faut-il s’en étonner ? Un enfantdu pays choisit le chemin di�cile de la liberté et nous montre la route.Sacri�ce expiatoire, geste de désespoir mais aussi d’espoir, geste sansdoute durablement ancré dans l’inconscient collectif.

Sacri�ce sublime pour que renaisse et revive notre nation puri�ée,notre belle et éternelle Tunisie !

Leïla Ladjimi Sebaï,archéologue et historienne

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Paix à nos

martyrsnobles

et dignes

Le coupable, c’est l’autre, n’est ce pas ?La révolution a libéré la parole frustrée :

« Les valeureux architectes ont été brimés par le pouvoir déchu ; le recours à l’ar-chitecte n’était pas obligatoire pour les petits projets, le décret du 26 janvier 1978n’avait jamais pu être révisé, l’Ordre des architectes était inféodé au pouvoir, et biend’autres problèmes encore… »

Bien sûr, bien sûr.

Mais avons-nous fait assez pour convaincre que l’architecture est d’intérêt public ;que les architectes embellissent la Tunisie au quotidien ; qu’ils pensent à la beautédu monde avant de penser aux honoraires ; qu’ils ne sont pas sur terre pour nousépater de leurs prouesses au service des mégalos mais bien pour nous émouvoiret enrichir notre patrimoine collectif ?

L’avons – nous fait ? Aujourd’hui il faut le faire.

La Tunisie mérite toujours mieux, c’est ce que nous disent ceux qui se sont sacri�és.

Denis Lesage architecte urbaniste

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Les évènements du 14 JanvierRévolution

ou soulèvement ?Depuis la chute du dictateur, les évènements se préci-pitent et prennent parfois di�érentes formes de de-mandes ainsi que des actes proches de l’anarchie.

Selon le « Larousse », la révolution est un changementbrusque et violent dans la structure politique et socialede l’Etat qui se produit quand un groupe se révoltecontre les autorités en place et prend le pouvoir.

La fuite du dictateur ne correspond que partiellementà cette dé�nition, et les derniers évènements sont loinde correspondre à une prise de pouvoir. En e�et, cesparticularités expliquent le développement des de-mandes variées d’emploi et d’amélioration de salaires,ainsi que la profusion des constructions et des com-merces anarchiques.

La dépolitisation de la population tout au long des 50dernières années d’une part, la prééminence de ré-seaux ma�eux d’autre part, expliquent la confusion quiprévaut depuis un mois. Ces évolutions mettent au se-cond plan les véritables enjeux liés au développementsocio-économique des régions intérieures, ainsi qu’audéveloppement du pays.

Dès 1960, des études ont mis en évidence les disparitésen matière de développement socio-économique entrela Tunisie intérieure et la Tunisie littorale.

En dépit des e�orts visant à industrialiser les régionsintérieures (usine de cellulose à Kasserine ainsi qued’autres établissements industriels), l’exode rural en di-rection des régions littorales, a eu un impact importantet a renforcé les disparités régionales.

Bien que de multiples programmes économiques et desprojets de développement ont été réalisés à partir de1980, durant les 30 dernières années, les disparités ré-gionales ont été renforcées.

Très paradoxalement, l’aggravation de cette situation aété provoquée par la création de pôles universitaireset l’impossibilité d’intégrer à l’emploi les di�érentespromotions de diplômés des universités des régions in-térieures. Ces nouvelles demandes furent exprimées,dans des régions incapables de les satisfaire, car dému-nies d’activités variées.

Cette inadéquation entre nouveaux diplômés et l’inca-pacité de l’économie des régions(1) intérieures à o�rirdes emplois à cette nouvelle demande, est à l’originede l’explosion sociale qui s’est produite et a provoquéun soulèvement qui s’est développé dans les régionsintérieures pour atteindre par la suite les villes et lesrégions littorales.

Toutefois, l’enthousiasme légitime de la populationaprès la fuite du dictateur, n’a pas été su�sant. C’estpourquoi l’Assemblée nationale et la Chambre des re-présentants, composées de 98 % des thuriféraires dudictateur, ainsi que la police politique, ont été dissous.

En dépit de ces mesures, la volonté de certains acteursvisant à assurer le maintien de certaines composantesde l’ancien régime, risquent de faire des évènementsdu 14 Janvier un phénomène conjoncturel.

Il est indispensable de prendre des mesures straté-giques de nature à transformer graduellement le sou-lèvement en une véritable révolution.

Les mesures récentes visant notamment à créerun conseil de défense des acquis de la révolutiondoivent être renforcées. C’est à cette condition que lesmanœuvres et les manipulations fomentées par les an-ciens partisans du régime dictatorial, seront mises enéchec

Morched Chabbi, urbaniste

1 - Les régions du nord-ouest et du centre-est ontperdu entre 1960 et 2000 suite à des migrationsvers le littoral près de 250 000 personnes.

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Le niveau profond dela révolutionAu-delà de leur portée politique les événements qu’avécu la Tunisie durant les mois de décembre 2010 etjanvier 2011, ont engendré un processus socioculturelfondamental qui aura pour conséquence un change-ment progressif mais radical des comportements del’ensemble des composantes de la société. Ces chan-gements qui ont commencé à se manifester à traversdivers modes d’expressions, à l’échelle individuelle etcollective, ont pris leur essence dans une prise deconscience généralisée qui a permis à tout un chacunde réaliser qu’il n’était pas un individu unique, isolé, dé-taché mais qu’il a toujours été et sera, contre toute il-lusion, une partie d’un tout et que son existencedépend de l’ensemble de la collectivité comme la col-lectivité dépend de sa simple existence. Schématique-ment nous dirons qu’avant le 14 janvier, en prenantcette date comme repère symbolique admis au-jourd’hui de manière consensuelle, le comportementde la population était généralement induit par l’indivi-dualisme qui constituait la caractéristique essentielledans le système d’évaluation sociale. Chaque individu

devait réussir à tout prix à se distinguer des autrespour être apprécié, récompensé et accéder aux privi-lèges. Les trois milieux dans lesquels évoluait l’être dansson développement, la famille, l’école et l’espace public,convergeaient vers ce mode de valorisation. Il s’agissaitde « tirer son épingle du jeu » ou « salakha » commele disaient communément en tunisien, ceux qui étaientconfrontés à un quelconque problème. La réussite étaitcirconscrite à l’échelle de chaque individu peu impor-tait la conséquence de cette réussite sur la collectivitéet le contexte en général. Il s’en, suivait une tendanceà l’extravagance et à l’exhibitionnisme outrancier desapparences dans tous les domaines pour montrer etdémontrer ce type de réussite.

Le 14 Janvier qui utilisa un concept à forte connotation,« dégage », devenu lui-même un symbole évènementiel,provoquera la transition et initiera le changement com-portemental. Ce cri venu spontanément du fond dechaque être pour exprimer l’exacerbation et le ras lebol face à l’injustice, a rassemblé la collectivité autourd’un choix univoque. Il réclamait la �n du despotisme,le bannissement de la corruption, le regain de la libertédans la dignité. Mais ce cri n’a pu avoir de portée quedans l’élan de solidarité qui a saisi la nation toute entière.

Ré�exions surde nouvelles perspectives

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De surprise en surprise, chaque individu s’est retrouvénoyé dans la masse, enchaîné aux autres qu’il considé-rait pour la première fois, non comme des concurrents,voir des obstacles à sa propre réussite mais aucontraire comme des partenaires, des concitoyens né-cessaires au maintien de sa propre sécurité et à l’abou-tissement du projet sociétal qui ne peut alors être quecollectif.

C’est l’avènement d’une nouvelle ère de la citoyenneté.Cela signi�e qu’il n’y aura plus de place pour l’intérêtstrictement individuel comme celui qui s’est expriméà travers les demandes de certains qui se mirent, selond’anciens ré�exes, à réclamer des avantages et descompensations sans inscrire leurs revendications dansle contexte global des priorités nationales et collec-tives. Chacun devra désormais remplir son devoir vis-à-vis de la collectivité pour que celle-ci se structure etlui assure en retour la satisfaction de ses besoins et lagarantie de ses droits a�n de vivre dans la dignité et laquiétude morale et matérielle.

Qu’en est-il de l’architecture ?Comme pour toutes les activités, cette nouvelle èreconstitue une espérance pour le développement del’architecture et exige une nouvelle architecture cohé-rente pour exprimer ses propres espérances.

En e�et si nous dé�nissons l’architecture en tant quecon�guration de l’espace qui permet à l’homme d’ha-biter selon son mode de vie, tout changement relatif àce mode a�ecte obligatoirement son architecture. Par

con�guration de l’espace, nous entendons toutes lesformes matérielles qui expriment les entités de notreenvironnement dans toutes ses échelles. Cela concerne

les plus petits objets nécessaires au confort ergono-mique de notre corps, et généralement conçus dans lecadre conceptuel du design,

les enveloppes nécessaires aux pratiques de nos dif-férentes activités privées et publiques, que l’on classedans la catégorie des bâtiments architecturés,

l’organisation et l’aménagement du territoire, ou ur-banisme, qui permet l’articulation, la distribution et lamise en cohérence de l’ensemble des activités hu-maines dans l’espace et dans le temps.

Objets, bâtiments et espaces aménagés, ne devront plusêtre des ensembles formels re�étant l’extravagance etla mégalomanie des individualités mais ils auront à ré-pondre aux nouvelles exigences fonctionnelles, struc-turelles et esthétiques dictées par le modèle sociétalprécité où l’individu est en cohérence avec l’ensemblede la communauté.

C’est un vaste programme qui demande une véritable mo-bilisation, une coordination tout azimut, une collaborationde l’ensemble des protagonistes privés et publics et unnouvel état d’esprit au niveau de la formation et de la pro-fession. Le jeu vaut la chandelle, car cela demandera beau-coup d’innovation et contribuera au développementéconomique et culturel du pays

Ali Djerbi, architecte et maître de conférences à l’ENAU

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Lettre ouverte aux

architectes deTunisie

En ces temps accélérés d’apprentissage brutal de la démocratie et de la liberté d’expression, ences moments révolutionnaires qui se poursuivent dans notre pays, le corps des architectes tunisiensse doit dès aujourd’hui de prendre acte des transformations radicales en cours et de mener soncombat au sein de la société civile et des instances démocratiques naissantes.

Nous avons aujourd’hui une chanceinespérée de faire parvenir notre voix vis-à-vis des citoyenset des instances gouvernementales pour jouer notre rôle pleinement et participer en ces momentshistoriques au renouveau de l’architectureet des villes dans notre pays.

Etudiants en architecture, jeunes architectes sans travail, jeunes architectes au travail, architecteschevronnés ayant pignon sur rue, doivent se rassembler dans des organismes adéquats et e�caces.Nous devons réclamer la création d’un syndicat d’architectes a�lié à l’UGTT qui défendeles intérêts de la profession et notamment l’accessibilité des jeunes au marché du travail, nousdevons aussi refondre l’ordre des architectes qui dans les années précédentes s’est résumé à unclub de privilégiés, une agence de voyages et des cérémonies avec petits fours… cela doit cesser,nous n’avons pas de temps à perdre mais nous devons aussi nous mettre à ré�échir urgemment,patiemment et longuement pour trouver des solutions au chômage technique des jeunes archi-tectes, pour participer pleinement aux débats principaux sur l’architecture, l’environnement et lecadre de vie et pour jouer nôtre rôle de phare dans la pensée intellectuelleet opération-nelle sur l’architecture et les programmes architecturaux et urbains décisifs dans notre pays.

Nous devons prendre attache avec les autres corps des professionnels de l’espace et notammentcelui des urbanistes car la coupure voulue entre architectes et urbanistes a été accentuéeprécédemment, elle reste nocive par excès de corporatisme et ne permet pas de répondre auxenjeux communs de la question socio-spatiale.

Notre responsabilitéest grande, soyons à la hauteur, exigeons un atelier public d’architectureet d’urbanisme dans chaque ville de Tunisie et dans chaque région, atelier public constitué d’archi-tectes et d’urbanistes rémunérés décemment qui se consacre à la refonte des politiques régionales,des politiques des villes, de l’aménagement urbain et rural, de l’architecture, des programmes de lo-gements sociaux. Ces ateliers publics devraient avoir un rôle de décision opérationnelle ainsi qu’unrôle de ré�exion, de conseil et de recherche. Exigeons, une revue de l’ordre des architectes qui soità la hauteur des enjeux qui se dessinent pour nous aujourd’hui, une revue qui re�ète les idées et lesidéaux de ceux et celles qui entendent œuvrer au renouveau décisif du métier entendu commeun service à la société, à l’accroissement des compétences réelles, au mieux être des ci-toyens tunisiens qui auront tous droit à un logement décent, au travail, à la liberté de circuler et des’exprimer. Manifestons nous, manifestez vous, en route pour un présent et un avenir meilleur grâceà notre travail et à nos compétences réunies au service de la citoyenneté et de la démocratie.

Vive la Tunisie libre et démocratique. Hommage à la révolutionpopulaire du peuple tunisien et à sa jeunesse.

Leïla Ammar,architecte et enseignante à l’ENAU

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Depuis que la révolution du peuple tunisien a connu sa pleineexpression et son véritable aboutissement sur l’Avenue HabibBourguiba, l’espace public le plus connu de la Tunisie, les ac-cusations se multiplient et les mouvements de revendications,de protestations et de réclamations s’intensi�ent.

Ces mouvements, qui aspirent à un idéal politique, social etéconomique encore peu structuré, n’ont pas pour seule causela répression qui a accablé les Tunisiens tout au long de la pé-riode dite du « Changement », mais aussi une politique d’amé-nagement du territoire qui a toujours été particulièrementinégalitaire.

Longtemps accaparées par la famille du président déchu etquelques promoteurs immobiliers et spéculateurs foncierscomplices, la gestion du territoire tunisien et les politiquesd’aménagement qui lui sont associées, ont totalementéchappé aux véritables pouvoirs publics. L’objectif de ces ac-teurs peu scrupuleux était de faire des territoires urbains etpériurbains du cordon littoral, le théâtre de leur empire �-nancier en multipliant les grands projets touristiques, com-merciaux, industriels, manufacturiers ou immobiliers. Lesexemples d’implantations de résidences privées, d’ensemblesimmobiliers, de centres commerciaux, etc., sur les sites pro-tégés de la colline de Sidi-Bou-Saïd, dans la zone archéolo-gique des villas romaines de Carthage, ou sur les terresfertiles en principe strictement protégées de la plaine deBourj Etouil (partie intégrante de la basse vallée de l’ouedMedjerda), sont à cet égard particulièrement démonstratifs.La multiplication des zones d’activités économiques (indus-trie, tourisme, etc.) sur la bande littorale des grandes villestunisiennes en est également une illustration.

L’arrière-pays paupérisé, mal desservi et sous-équipé n’a,quant à lui, jamais suscité l’intérêt des acteurs privés mercan-tiles ni de ceux d’un secteur public tantôt insoucieux et tantôtcomplice (déclassement de sites protégés, révision des Plansd’Aménagement Urbain pour des objectifs inavouables, etc.).

La gestion du territoire fut ainsi placée sous tutelle privée, lanotion d’équité territoriale, garante de la cohésion sociale àl’échelle nationale, ne fut plus respectée et la politique de dé-centralisation fut sans cesse reportée. L’injustice spatiale entreles di�érentes régions de la Tunisie s’est vue ainsi fortementexacerbée.

Et voilà que la révolution du jasmin, portée par les habitantsde Sidi-Bouzid, de Kasserine, de Thala et de bien d’autres villesisolées de l’arrière-pays dénigré, vient ruiner les ambitions ca-chées des grands projets de la tutelle privée.

Voilà que les Tunisiens s’approprient en�n leur territoire !

Pourtant, aujourd’hui, les mouvements d’esprit libre naissantde la révolution semblent à leur tour ignorer les questionsde gestion du territoire et de son aménagement. Les partispolitiques, fraîchement émancipés, centrent leurs préoccupa-tions sur la condamnation de l’Etat policier du passé et sur lasurveillance de l’Etat providence d’union nationale actuel. Lesmédias, considérés comme le « quatrième pouvoir » de la Tu-nisie démocratique, semblent encore hésiter entre traitementobjectif de l’information, in�exion de l’opinion publique et ma-nipulation politique. En�n, les deux gouvernements de transi-tion ont, quant à eux, tout bonnement « évacué » la notiond’aménagement du territoire dans la constitution des nou-veaux ministères.

Bien sûr, on pourrait penser que les urgences sont pour l’ins-tant ailleurs, mais parviendra-t-on à construire durablementcet « idéal » politique, social et économique, qui est l’essencemême de la révolution tunisienne, sans ré�échir dès mainte-nant à la mise en place d’une stratégie méthodique, raisonnéeet équitable en matière d’aménagement du territoire ?

Moez Bouraoui, paysagiste etmaître de conférences en urbanisme à l'ISTEUB

L’équité territoriale :

une revendication de larévolution tunisienne

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Archibat n°22 - 03.11 19

Le beau village de Sidi Bou-Saïd avec son mausolée, son phare,son café des nattes, son jasmin, son contraste bleu et blancet ses vues imprenables sur Boukornine et Ressas, a toujoursété l’emblème de la Tunisie « touristique ».

Présent dans toutes les campagnes médiatiques, les spots pu-blicitaires, les œuvres d’art et les chansons, y compris étran-gères, Sidi Bou est manifestement le site le plus célèbre de laTunisie, probablement plus que Carthage, Dougga, Hammametet Djerba.

Rares sont les visiteurs de la Tunisie, depuis des siècles, quin’ont pas fait la montée du village, traversé le souk et dégustéle thé aux pignons sur les terrasses de ses cafés maures. Et lacélèbre cage à coupole, aux couleurs de Sidi Bou-Saïd, jamaisdémodée, qui n’a pas vue ou connue ? Les beaux canaris etautres oiseaux exotiques s’en souviendront…

Mais voilà qu’en ce soir du 14 Janvier 2011, la cage de SidiBou a ouvert ses portes vers le ciel bleu azur de la belle Tu-nisie, en�n libre, en�n émancipée du joug de la dictature qu’oncroyait éternelle et invincible ! Le sou�e de la liberté, poussépar le feu d’une révolution populaire et noble, est venu deloin, du �n fond de la Tunisie profonde, la Tunisie de Sidi Bou,mais cette fois-ci, … Zid. Ce village, ville et gouvernorat del’arrière pays, longtemps marginalisé, comme ses semblables,

délaissé dans la misère, des décennies, voire des sièclesdurant, vient ainsi de monter en scène pour nous interpelleret nous dire haut et fort que la Tunisie n’est pas, et ne seraplus seulement celle de Sidi Bou-Saïd, mais désormais aussicelle de Sidi Bou Zid.

Alors, vous artistes, créateurs, poètes et designers de pub, àvos plumes et à vos pinceaux pour dessiner et promouvoirle nouveau Sidi Bou de la Tunisie libérée, Tunisie de l’espoir,de la démocratie et de l’équité sociale.

A vous aussi, promoteurs agricoles, industriels et touristiques,d’aller investir le nouveau Sidi Bou et autres régions sembla-bles, ces régions riches en terres fertiles, en sites naturels etarchéologiques, mais surtout riches de leurs femmes ethommes, dignes et combien généreux…

En�n, qu’un grand hommage soit rendu aux martyrs de larévolution que Dieu ait leurs âmes pour ce service, mieuxque ça, sacri�ce, qu’ils nous ont o�ert pour que nos enfantset les futures générations de notre belle Tunisie vivront enpaix et dans la dignité

Mounir Majdoub, spécialiste en développementmunicipal et en environnement à la coopération

technique allemande à Tunis

Sidi Bou- … Ziddétrône Sidi Bou-Saïd

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