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COMMENTAIRE DIRIGÉ- MONTESQUIEU : LES LETTRES PERSANES ESABAC EN POCHE PAG.51 RICA À IBBEN,À SMYRNE Les habitants de Paris sont d'une curiosité qui va jusqu'à l'extravagance. Lorsque j'arrivai, je fus regardé comme si j'avais été envoyé du ciel: vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir. Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres; si j'étais aux Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi; les femmes mêmes faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m'entourait. Si j'étais aux spectacles, je voyais aussitôt cent lorgnettes dressées contre ma figure: enfin jamais homme n'a tant été vu que moi. Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre eux: Il faut avouer qu'il a l'air bien persan. Chose admirable! Je trouvais de mes portraits partout; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées, tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu.Tant d'honneurs ne laissent pas d'être à la charge: je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare; et quoique j'aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais imaginé que je dusse troubler le repos d'une grande ville où je n'étais point connu. Cela me fit résoudre à quitter l'habit persan, et à en endosser un à l'européenne, pour voir s'il resterait encore dans ma physionomie quelque chose d'admirable. Cet essai me fit connaître ce que je valais réellement. Libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste. J'eus sujet de me plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait perdre en un instant l'attention et l'estime publique; car j'entrai tout à coup dans un néant affreux. Je demeurais

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COMMENTAIRE DIRIGÉ- MONTESQUIEU : LES LETTRES PERSANES

ESABAC EN POCHE PAG.51

RICA À IBBEN,À SMYRNE

Les habitants de Paris sont d'une curiosité qui va jusqu'à l'extravagance. Lorsque j'arrivai, je fus regardé comme si j'avais été envoyé du ciel: vieillards, hommes, femmes, enfants, tous voulaient me voir. Si je sortais, tout le monde se mettait aux fenêtres; si j'étais aux Tuileries, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi; les femmes mêmes faisaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs, qui m'entourait. Si j'étais aux spectacles, je voyais aussitôt cent lorgnettes dressées contre ma figure: enfin jamais homme n'a tant été vu que moi. Je souriais quelquefois d'entendre des gens qui n'étaient presque jamais sortis de leur chambre, qui disaient entre eux: Il faut avouer qu'il a l'air bien persan. Chose admirable! Je trouvais de mes portraits partout; je me voyais multiplié dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées, tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu.Tant d'honneurs ne laissent pas d'être à la charge: je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare; et quoique j'aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais imaginé que je dusse troubler le repos d'une grande ville où je n'étais point connu. Cela me fit résoudre à quitter l'habit persan, et à en endosser un à l'européenne, pour voir s'il resterait encore dans ma physionomie quelque chose d'admirable. Cet essai me fit connaître ce que je valais réellement. Libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste. J'eus sujet de me plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait perdre en un instant l'attention et l'estime publique; car j'entrai tout à coup dans un néant affreux. Je demeurais quelquefois une heure dans une compagnie sans qu'on m'eût regardé, et qu'on m'eût mis en occasion d'ouvrir la bouche; mais, si quelqu'un par hasard apprenait à la compagnie que j'étais Persan, j'entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement: " Ah! ah! monsieur est Persan? C'est une chose bien extraordinaire! Comment peut-on être Persan ? "

De Paris, le 6 de la lune de Chalval, 1712 Montesquieu, Lettres Persanes,XXX,1721

QUESTIONS DE COMPRÉHENSION:

1-Repérez les marques de l’épistolaire dans ce texte.

2-Relevez et expliquez le champ lexical dominant dans le premier paragraphe

QUESTIONS D’INTERPRÉTATION :

1-Quel portrait de la société parisienne découvre-t-on dans ce texte ?

2-En quoi cette lettre nous donne-t-elle des indications sur le caractère de Rica ?

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RÉFLEXION PERSONNELLE :

Sujet: Montesquieu à travers les Lettres Persanes met en place une critique de la société de son temps. Réfléchissez au thème de la satire en vous appuyant aussi sur les textes que vous avez étudiés et sur vos connaissances personnelles

Fabiana Gargia- Classe 4^G Lycée Linguistique International Aristosseno

Docenti:prof. SERGIO MULAS-SABINE SCHECK

RÉDACTION DU COMMENTAIRE DIRIGÉ

QUESTIONS DE COMPRÉHENSION:

1- Les marques de l'épistolaire qu'on répère dans ce texte sont:

• émetteur et destinataire: "Rica à Ibben, à Smyrne";

• lieu d'énonciation,date et année: "De Paris, le 6 de la lune de Cheval, 1712";

• l'usage très employé de la première personne "je".

2- Le champ lexical dominant dans le premier paragraphe est le champ lexical de la vue parce que dans cette partie du texte, Montesquieu met en valeur les apparences. On a deux protagonistes ( le Persan et les Parisiens) qui s'observent et la métonymie des personnes décrites à travers les yeux: "cent lorgnettes" (l.5).On relève un narrateur qui admire et on note une certaine valorisation de chacun aux yeux de l'autre.

QUESTIONS D’INTERPRÉTATION :

1- Un regard nouveau porté sur les Parisiens qui dénonce une société curieuse et naïve. Les Parisiens ne connaissent rien du monde. Leur connaissances se basent sur l'apparence : "Il a l'air bien Persan" ( l.8).Cette conception n'est pas fondée sur une connaissance de la race persane, mais sur le sentiment que l'individu est étranger. Donc, on a une société raciste et ethnocentriste parce que pour les Parisiens l'étranger est différent mais est l'apparence qui détermine sa diversité.

2- Rica est un héros qui acquiert son identité par rapport au regard des autres. Il est étranger mais lui aussi se base entièrement sur l'apparence. Ce qu'il recherche, c'est d’être jugé selon sa véritable identité.Il cherche de montrer sa véritable valeur qui va au-delà de l'apparence et de la physionomie.Il est un esprit vif, attiré par la mondanité, il se révèle un fin observateur de la société occidentale, qu'il décrit avec humour et sarcasme.

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RÉDACTION DE LA RÉFLEXION PERSONNELLE :

La satire est d'une certaine façon au centre de l'écriture du XVIIIème siècle qui avait exploité la formule latine: "Rire pour corriger les mœurs". D'abord, on va expliquer comme la satire a été utilisée pour critiquer la société et les institutions. Ensuite, on analysera les causes qui portent les auteurs à choisir la satire pour dénoncer quelque chose.

La satire est vue comme instrument de combat social par le philosophe des lumières. À travers la satire Montesquieu attaque la monarchie absolue et ses abus. C'est le cas des "Lettres Persanes"où la satire est utilisée pour formuler une critique globale de la société française du XVIIIème siècle. En effet, on a la dénonciation d'une société ethnocentriste qui a peur de la diversité. On retrouve,également, le même principe dans "L'esprit de lois", dans le chapitre concernant l'esclavage des nègres où il part d'une démonstration par absurde. Une défense de l'esclavage dont tous les arguments sont faux, ce qui prouve que l’exploitation n'a aucun fondement légitime.

D'un autre côté, on retrouve l'ironie de Montesquieu quand il affirme quelque chose, mais on entend le contraire. Montesquieu, donc, précède le style de Voltaire et il attaque de manière détournée les institutions et les pratiques de l'Ancien Régime, l'intolérance et les persécutions. À travers la satire il fait une critique implicite et efficace mais avec une simplicité apparente. C'est-à-dire que l'auteur veut créer une complicité avec le lecteur en suscitant aussi du plaisir. L'usage de ce style sert aussi à l'auteur pour se cacher dans une société où une censure toujours affreuse peut conduire les écrivains en prison ou en exil.

En conclusion, à travers l'évocation de textes satiriques de la littérature française du XVIIIème siècle, on a analysé les aspects de la satire et son but révolutionnaire dont l'objectif est une critique âpre de sa cible, souvent dans l'intention de provoquer un bouleversement. Son esprit révolutionnaire attaque la superstition qui nie la liberté, le bonheur, la justice, la tolérance et le préjugé et trouvera son tournant dans la Révolution française en 1789.

FABIANA GARGIA-CLASSE 4^G LINGUISTICO INTERNAZIONALE ARISTOSSENO- A.S.2014-2015

DOCENTI:SERGIO MULAS-SABINE SCHECK