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1 ARTICLE 5 : PRATIQUES COMPARÉES EN MATIÈRE D’OBJECTIVATION DES CONTRIBUTIONS ALIMENTAIRES L’objectif de la loi du 19 mars 2010 La loi du 19 mars 2010 « visant à promouvoir une objectivation du calcul des contributions alimentaires des père et mère au profit de leurs enfants » est entrée en vigueur depuis 3 ans, soit depuis le 01.08.2010. L’objectif poursuivi par le législateur était d’une part, de favoriser l’unité de la jurisprudence, et d’autre part, d’améliorer la transparence des décisions rendues pour en permettre une meilleure compréhension par les justiciables, et ainsi remédier au défaut de paiement par des débiteurs qui se sentiraient condamnés à payer des sommes superflues (N. Dandoy, « La loi du 19 mars 2010 visant à promouvoir une objectivation du calcul des contributions alimentaires des père et mère au profit de leurs enfants », Rev.Trim.Dr.Fam., 3/2010, page 775; S. Louis « Calcul des parts contributives des père et mère au profit de leurs enfants – Analyse biannuelle des décisions de jurisprudence », Rev.Trim.Dr.Fam., 2/2013, page 361). D’emblée, les propositions de loi à l’origine de la réforme ne souhaitaient pas imposer au magistrat un carcan (la méthode Renard ou la méthode Tremery) comme outil de référence, mais lui laisser un large pouvoir d’appréciation en recourant à un outil compréhensible par l’ensemble des parties (J-P. Masson, « Le calcul des contributions alimentaires des père et mère. La loi du 19 mars 2010 visant à promouvoir une objectivation du calcul des contributions alimentaires des père et mère au profit de leurs enfants. », J.T., 34/2010, page 585 ; F-X Delogne, « La réforme du droit des contributions alimentaires », Rev.Not., 2010, p.398). Cette initiative législative s’inscrit dans une évolution du droit familial visant à tenter de réduire les conflits entre parties en s’attaquant notamment au sentiment d’injustice des justiciables quant au caractère équitable des décisions prononcées et ainsi à réduire le nombre de recours systématiques et récurrents aux tribunaux. Les pratiques en matière de droit familial évoluent depuis plusieurs années vers davantage de transparence, de dialogue avec (et entre) les parties, et de coopération interdisciplinaire. La création de l’ « Espace Parents Enfants dans la Séparation » à Charleroi, la mise en place d’expertises thérapeutiques à Namur, le renvoi vers des audiences de conciliation à Nivelles, le recours au « Modèle de Cochem » à Dinant s’inscrivent dans cette logique. L’apport de la loi du 19 mars 2010 : L’apport de la loi du 19.03.2010 peut se résumer en substance comme suit :

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ARTICLE 5 : PRATIQUES COMPARÉES EN MATIÈRE D’OBJECTIVATION DES CONTRIBUTIONS ALIMENTAIRES

L’objectif de la loi du 19 mars 2010

La loi du 19 mars 2010 « visant à promouvoir une objectivation du calcul des contributions alimentaires des père et mère au profit de leurs enfants » est entrée en vigueur depuis 3 ans, soit depuis le 01.08.2010.

L’objectif poursuivi par le législateur était d’une part, de favoriser l’unité de la jurisprudence, et d’autre part, d’améliorer la transparence des décisions rendues pour en permettre une meilleure compréhension par les justiciables, et ainsi remédier au défaut de paiement par des débiteurs qui se sentiraient condamnés à payer des sommes superflues (N. Dandoy, « La loi du 19 mars 2010 visant à promouvoir une objectivation du calcul des contributions alimentaires des père et mère au profit de leurs enfants », Rev.Trim.Dr.Fam., 3/2010, page 775; S. Louis « Calcul des parts contributives des père et mère au profit de leurs enfants – Analyse biannuelle des décisions de jurisprudence », Rev.Trim.Dr.Fam., 2/2013, page 361).

D’emblée, les propositions de loi à l’origine de la réforme ne souhaitaient pas imposer au magistrat un carcan (la méthode Renard ou la méthode Tremery) comme outil de référence, mais lui laisser un large pouvoir d’appréciation en recourant à un outil compréhensible par l’ensemble des parties (J-P. Masson, « Le calcul des contributions alimentaires des père et mère. La loi du 19 mars 2010 visant à promouvoir une objectivation du calcul des contributions alimentaires des père et mère au profit de leurs enfants. », J.T., 34/2010, page 585 ; F-X Delogne, « La réforme du droit des contributions alimentaires », Rev.Not., 2010, p.398).

Cette initiative législative s’inscrit dans une évolution du droit familial visant à tenter de réduire les conflits entre parties en s’attaquant notamment au sentiment d’injustice des justiciables quant au caractère équitable des décisions prononcées et ainsi à réduire le nombre de recours systématiques et récurrents aux tribunaux.

Les pratiques en matière de droit familial évoluent depuis plusieurs années vers davantage de transparence, de dialogue avec (et entre) les parties, et de coopération interdisciplinaire.

La création de l’ « Espace Parents Enfants dans la Séparation » à Charleroi, la mise en place d’expertises thérapeutiques à Namur, le renvoi vers des audiences de conciliation à Nivelles, le recours au « Modèle de Cochem » à Dinant s’inscrivent dans cette logique.

L’apport de la loi du 19 mars 2010 :

L’apport de la loi du 19.03.2010 peut se résumer en substance comme suit :

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Obligation spéciale de motivation du magistrat qui condamne un parent à payer à l’autre une contribution alimentaire à l’entretien et l’éducation de l’enfant (article 1321 nouveau du Code Judiciaire).Définitions (assez laconiques il est vrai) des frais ordinaires et extraordinaires (article 203 bis §3 nouveau du Code Civil).

Introduction du concept d’un « compte – enfant », à savoir un compte bancaire ouvert au nom des deux parents, destiné au paiement des contributions alimentaires (article 203 bis, § 4 nouveau du Code Civil).

Indexation automatique de la contribution alimentaire (article 203 quater § 1 nouveau du Code Civil) et le principe de l’exécution provisoire de plein droit (article 1322/1 nouveau du Code Judiciaire).

Principe de la délégation de somme automatique (article 203 ter nouveau du Code Civil).

L’application de la loi du 19 mars 2010 :

Quatre questions pratiques furent posées à des magistrats siégeant en matière familiale :

Madame Jocelyne JOACHIM, Présidente à la Cour d’Appel de Mons, Madame Françoise PUTZEYS, Présidente à la Cour d’Appel de Mons, Monsieur Pierre-André WUSTEFELD, Conseiller à Cour d’Appel de Mons, Monsieur Jacques STEPHANY, Juge de la Jeunesse à Charleroi, et Monsieur Daniel RUBENS, Juge de Paix à Fontaine l’Evêque.

L’occasion de cerner l’évolution de la motivation des décisions judiciaires, de savoir quelles pièces déposer en justice, de comprendre ce que vise la notion de « coût de l’enfant » et d’appréhender les contours des frais extraordinaires.

A.S. : La loi du 19.03.2010 visant à promouvoir une objectivation du calcul des contributions alimentaires des pères et mères au profit de leurs enfants, est entrée en vigueur depuis près de 3 ans, soit depuis le 01.08.2010.

L’objectif poursuivi par cette loi était de parvenir à rendre plus transparente la détermination des montants des contributions alimentaires afin d’une part, de tenter de réduire l’imprévisibilité des décisions de justice, et d’autre part, de remédier au défaut de paiement des contributions alimentaires par le débiteur qui se sentait condamné à payer une somme superflue.

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ARTICLE 5 : PRATIQUES COMPARÉES EN MATIÈRE D’OBJECTIVATION DES CONTRIBUTIONS ALIMENTAIRES

Est-ce que les modifications législatives ont permis selon vous d’atteindre cet objectif louable ?

Est-ce que dans votre pratique, vous motivez différemment vos décisions afin de rendre plus transparent le calcul de détermination des montants des contributions alimentaires que vous fixez ?

J. JOACHIM, F. PUTZEYS, P-A WUSTEFELD.

Est-ce que les modifications législatives ont-elles permis de remédier au défaut de paiement des contributions alimentaires ?

En qualité de magistrats du siège, il nous est difficile d’avoir une appréciation sur l’exécution des décisions que nous rendons.

Nous constatons toutefois, lorsque nous avons statué à titre provisionnel en explicitant les choix effectués pour les différentes valeurs retenues pour déterminer une contribution alimentaire, que les justiciables sollicitent, de manière régulière, la confirmation à titre définitif du montant ainsi déterminé. Ce qui laisse augurer d’une acceptation de la décision.

Est-ce que la motivation des décisions a-t-elle été influencée par les nouvelles dispositions légales ?

La Cour d’Appel de Mons n’a pas attendu la loi du 19 mars 2010 pour être très transparente dans la motivation de ses décisions en matière de contribution alimentaire. J. STEPHANY :

La loi du 19 mars 2010 a-t-elle sensiblement modifié les pratiques des plaideurs et des tribunaux ?

Il semble que l’indication dans la loi (article 1321 § 1er, 2° du code judiciaire), au titre des éléments à prendre en considération pour la détermination de la contribution alimentaire, des « frais ordinaires constituant le budget de l’enfant ainsi que la manière dont ces frais sont évalués » a influé sur la pratique : la budgétisation des besoins de l’enfant semble constituer plus qu’auparavant un élément essentiel dans la détermination de la contribution alimentaire.

De manière générale, les décisions sont certainement plus motivées. Il y a seulement dix ans, il était encore communément admis que la motivation d’une décision pouvait reposer exclusivement sur une formulation-type. On en est heureusement plus là.

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ARTICLE 5 : PRATIQUES COMPARÉES EN MATIÈRE D’OBJECTIVATION DES CONTRIBUTIONS ALIMENTAIRES

D. RUBENS :

Je vous livre ici, après quelques réponses succinctes.

D’abord, parce que je veux conserver ma liberté d’appréciation, mais qu’il va de soi que ma jurisprudence est susceptible d’évoluer.

Mes réponses à ce questionnaire n’ont donc rien de définitif ni de dogmatique.

D’autre part, ma jurisprudence en matière alimentaire fait régulièrement l’objet de publications que vous pouvez consulter (et qui sont reproduites sur le site www.jpfontaineleveque.be).

Enfin, la méthode Renard est victime de divers préjugés dont la réfutation mériterait de plus amples développements.

Lorsque j’invite les plaideurs qui la décrient à me faire connaître leur propre méthode de calcul, je dois bien constater qu’ils ne sont pas en mesure de proposer une quelconque alternative hormis la méthode que l’on qualifie « d’erratique », qui doit plus au hasard qu’à la rationalité.

L’ensemble des éléments relatifs à la motivation spéciale exigée par la loi ne figurent généralement pas dans les conclusions.

Les habitudes sont tenaces qui consistent à dérouler plus ou moins longuement des considérations de fait dont on ne voit pas quel lien elles peuvent avoir avec le montant réclamé.

En ce qui me concerne, la loi n’a en rien modifié ma pratique puisque j’utilise, depuis 10 ans, une méthode objective de calcul des contributions alimentaires, à savoir la méthode dite « Renard ».

J’ai seulement adapté le « squelette » de mes décisions afin qu’il corresponde au libellé de l’article 1321 du Code judiciaire et à ses exigences de motivation.

Cette méthode permet de répondre à tous les cas de figure, y compris des situations complexes de famille dites « recomposées ».

A.S. L’obligation spéciale de motivation visée à l’article 1321, § 2 du Code Judiciaire nouveau impliquerait une motivation précise dans les conclusions déposées par les avocats ou dans les explications fournies par les justiciables.

Quelles sont les pièces que vous réclamez aux avocats (et justiciables sans

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ARTICLE 5 : PRATIQUES COMPARÉES EN MATIÈRE D’OBJECTIVATION DES CONTRIBUTIONS ALIMENTAIRES

conseils) ?

Est-ce que les pièces suivantes vous semblent utiles et suffisantes ?

Au niveau des ressources :

Le dernier avertissement extrait de rôle.La fiche 281.10.Les 3 dernières fiches de paie.La preuve des allocations familiales perçues.

Au niveau des dépenses :

La preuve du loyer effectivement payé.La preuve du remboursement mensuel de tout emprunt contracté.La preuve du versement de parts contributives pour d’autres enfants.La preuve du versement de pension alimentaire à un ascendant.

Au niveau des indépendants :

L’avertissement extrait de rôle de la société.Les charges détaillées de la société et la déclaration fiscale complète de celle-ci.Le dernier bilan de la société.Les comptes d’exploitation.

J. JOACHIM, F. PUTZEYS, P-A WUSTEFELD :

La motivation des conclusions déposées consiste la plupart du temps en l’énonciation d’un certain nombre d’arguments de faits, bien souvent sans pertinence aucune par rapport à la solution à proposer et qui ne révèle aucune cohérence dans la réflexion soumise au magistrat. Ce dernier en est dès lors réduit à devoir opérer un tri dans les éléments avancés pour asseoir son propre raisonnement …, pour autant qu’il y trouve de quoi argumenter.En ce qui concerne les ressources, sont en principe indispensables : - les AER disponibles de l’ensemble de la période litigieuse, la fiche 281.10 de la dernière année de revenus et/ou un décompte certifié par l’organisme débiteur des allocations de chômage ou de mutuelle.- en cas de changement récent d’employeur ou de situation professionnelle : toutes les pièces justificative des derniers revenus.- un relevé des allocations familiales perçues au cours de la période litigieuse, tout en sachant que des vérifications peuvent être aisément opérées sur les sites Internet de

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certaines caisses d’allocations familiales.- les baux d’immeubles mis en location (dont les revenus seront en général pris en compte sous déduction d’un forfait de 40% de charges)En ce qui concerne les dépenses, sont uniquement indispensables, les justificatifs des dépenses qualifiées d’exceptionnelles et incompressibles ( = indépendantes de la volonté de l’une ou l’autre des parties et liées à un aléa), de même que la preuve de l’existence d’autres enfants à charge et, le cas échéant, du versement de contributions alimentaires.Sont par ailleurs facultatifs, et revêtent un caractère informatif, les éléments relatifs au loyer ou remboursement hypothécaire effectivement payé, au remboursement d’autres prêts, etc.En ce qui concerne les indépendants ou les gérants de société, tout AER doit être accompagné du détail des frais professionnels ou des bilans de la société pour les années concernées, en ce compris les comptes d’exploitation.

J. STEPHANY :

Au niveau des ressources :

Avertissement extrait de rôleFiche 281.10Montant des allocations familiales (lorsqu’il n’est pas déduit du coût de l’enfant)Revenus mobiliers et / ou immobiliersSituation financière d’un éventuel conjoint ou cohabitant (bien qu’il ne s’agisse pas, à proprement parler, d’une ressource)Créances alimentaires

Au niveau des dépenses :

LoyerEmprunt hypothécaireSituation du ménage (conjoint/cohabitant à charge, enfant(s) du conjoint/cohabitant, enfant(s) commun(s) avec le conjoint/cohabitant)Dettes alimentairesFrais nécessaires au maintien du revenu professionnel (véhicule …)Frais médicaux importants

Pour les indépendants : AER et déclaration fiscale de la société ; le cas échéant, bilan

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et compte d’exploitation.

D. RUBENS :

La liste des pièces requises pour les salariés disponibles au greffe et publiée sur le site web : www.jpfontaineleveque.be.

Je ne tiens pas compte des dépenses sauf s’il s’agit de dépenses tout à fait exceptionnelles dans le chef d’un parent (ainsi en va-t-il de dépenses de soins de santé hors normes – ces dépenses ne contribuent pas au niveau de vie de l’enfant).

Il y a plusieurs raisons à cela :

Le coût de l’enfant, calculé objectivement, inclut ses dépenses personnelles et d’une part, des dépenses collectives (logement, transport, loisirs …).

La déduction de ces dépenses serait donc en totale contradiction avec la méthode que j’utilise.

D’autre part, il n’appartient pas au tribunal de se faire juge de l’opportunité de telle ou telle dépense : une voiture de trop grosse cylindrée, un logement trop coûteux, un abonnement téléphonique inadapté, des vacances trop fréquentes, … etc.

Jusqu’où peut aller l’ingérence du juge ?

Il ne lui appartient pas de s’immiscer, de manière tout à fait subjective, dans la gestion budgétaire, encore moins de poser, fût-ce implicitement, des jugements de valeur sur le type de dépenses supportées par les parties. En ce qui concerne les revenus des indépendants qui travaillent en personne physique, le dernier avertissement extrait de rôle (ou les avertissements si la période couvre plusieurs années) doit permettre de se faire une opinion sur les revenus déclarés.

Pour la dernière année qui n’a pas encore fait l’objet d’une déclaration, ou pour l’année en cours, il est possible de réclamer une attestation du comptable.

En ce qui concerne les indépendants qui exercent leur activité sous la forme d’une société, la situation est plus complexe ; il faut vérifier le mode de rémunération sur base de l’ensemble des documents disponibles.

A.S. La proposition de loi, à l’origine de la réforme, ne souhaitait pas imposer la méthode Renard comme outil de référence, mais bien de permettre le recours à un outil compréhensible par tous.

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ARTICLE 5 : PRATIQUES COMPARÉES EN MATIÈRE D’OBJECTIVATION DES CONTRIBUTIONS ALIMENTAIRES

Le coût de l’enfant reste cependant le paramètre le plus difficile à appréhender.

Peut-on définir le coût de l’enfant comme étant « les frais habituellement exposés pour l’entretien quotidien de l’enfant, à savoir les frais liés à scolarité, à ses loisirs, à ses déplacements et à sa nourriture » ?

La méthode Renard est critiquée par certains étant donné son aspect extrêmement théorique.

Que pensez-vous des évaluations telles celle de la Ligue des Familles (qui chiffre sur l’ensemble d’une année « le coût de l’école » en analysant les dépenses d’une famille type au moment de la rentrée scolaire comme variant entre 270,00 et 859,00 euros par enfant) ou l’évaluation du coût d’une année d’étude faite par l’UCL ou l’UNDP sur leurs sites internet ou également partir du montant alloué pour une famille d’accueil, à savoir 500,00 euros mensuels ?

Quid en cas de demande d’inclusion des frais extraordinaires dans le montant des parts contributives ?

J. JOACHIM, F. PUTZEYS, P-A WUSTEFELD.

Le coût de l’enfant se doit d’englober l’ensemble des dépenses ordinaires consacrées à ce dernier telles qu’elles sont prises en compte dans les études de l’INS relatives au budget des ménages : soit, le logement (en ce compris les frais d’entretien), l’alimentation, les frais liés au transport (en ce compris les abonnements scolaires) et aux communications (téléphonie fixe et/ou mobile, Internet), l’habillement et les chaussures, les frais scolaires, les soins de santé, la culture, les loisirs, le tourisme ainsi que les frais d’assurance et autres frais financiers éventuels.La définition proposée par les auteurs de l’enquête est donc beaucoup trop restrictive.Par ailleurs, les études proposant des évaluations forfaitaires, sur la base de moyennes statistiques, sont sans nul doute intéressantes : elles ne tiennent toutefois pas compte de la diversité des situations financières des justiciables.En ce qui concerne la référence au subside de l’enfant en famille d’accueil, le montant de 500 euros apparaît surévalué dès lors que les allocations familiales doivent être déduites du montant de la subvention. Laquelle n’inclut pas, notamment les soins de santé ordinaires, par exemple.Sauf accord des parties quant à un budget mensuel consacré aux besoins de leur enfant, ou quant à l’application d’une méthodologie particulière, la Méthode Renard apparaît actuellement constituer la méthodologie la plus aboutie et la plus à jour.L’inclusion des frais extraordinaires ne peut par ailleurs être envisagée que dans des situations tout à fait exceptionnelles, au regard de l’imprévisibilité qui caractérise ce type de frais, tant quant à leur nature et à leur fréquence que quant à leur montant.

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ARTICLE 5 : PRATIQUES COMPARÉES EN MATIÈRE D’OBJECTIVATION DES CONTRIBUTIONS ALIMENTAIRES

J.STEPHANY

Dans la définition des éléments du « coût de l’enfant » (scolarité, loisirs, déplacements, nourriture), on ajoutera les frais de logement.

Je n’entrerai pas dans la comparaison des différentes méthodes visant à objectiver le coût de l’enfant. On peut cependant relever des divergences parfois significatives, ce qui conduit à relativiser l’objectivité revendiquée par ces évaluations.

L’utilisation, d’une grille d’évaluation « standard » du coût de l’enfant (ou de la contribution alimentaire) est un élément, pas le seul, qui est certainement utile - il constitue un « point d’appui » - qui ne peut cependant pas se substituer à l’appréciation in concreto dans chaque situation.

L’inclusion des frais extraordinaires dans la part contributive doit demeurer exceptionnelle. Les frais extraordinaires constituent en effet des choix particuliers qui requièrent une concertation respectueuse du caractère conjoint de l’autorité parentale. L’inclusion s’indique notamment dans les situations où tout échange est impossible (problème majeur de communication) ou en cas de défaillances répétées dans le règlement de ces frais.

D. RUBENS :

Je ne comprends pas la critique selon laquelle la méthode Renard serait « extrêmement théorique ».

En réalité, c’est tout le contraire puisqu’elle permet, de manière tout à fait pratique, de calculer le coût d’un enfant.

Ce calcul répond au vœu de la loi en ce qui concerne l’objectivation du calcul des contributions alimentaires.

Je ne connais pas la méthode proposée par la Ligue des Familles.

Au plan des principes, fixer un coût moyen d’un enfant me paraît contraire au prescrit légal de l’article 203 § 1er du Code Civil duquel il résulte que les parents sont tenus d’assumer « à proportion de leurs facultés, l’hébergement, … de leurs enfants ».

La méthode Renard permet de pallier la quasi-impossibilité d’intégrer dans le coût d’un enfant la part des dépenses collectives dont il bénéficie.

Je n’utilise pas cette méthode pour des enfants qui poursuivent des études supérieures.

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ARTICLE 5 : PRATIQUES COMPARÉES EN MATIÈRE D’OBJECTIVATION DES CONTRIBUTIONS ALIMENTAIRES

D’abord, parce que les coefficients s’arrêtent à 17 ans (même si on peut extrapoler pour quelques années supplémentaires), et ensuite, parce que, dans ce cas de figure, il y a lieu de calculer au plus près le coût global de l’enfant, en ce compris les frais de minerval ou de kot qui, à mes yeux, ne constituent donc pas des dépenses extraordinaires (ils ne me paraissent d’ailleurs pas répondre à la définition –sibylline- qu’en donne la loi).

Déduction faite des allocations familiales et de l’éventuelle allocation d’étude, le solde net est supporté par les parents à proportion de la part de chacun dans les facultés cumulées.

L’intégration des frais extraordinaires dans la contribution alimentaire (on notera qu’à juste titre, la loi utilise le terme « contribution alimentaire » ; celui de « part contributive » est tautologique !) me paraît contraire à l’article 203 bis du Code Civil qui fait bien la distinction entre frais ordinaires et frais extraordinaires.

A.S. La loi définit les frais extraordinaires comme étant « des dépenses exceptionnelles ou imprévisibles qui résultent des circonstances accidentelles ou inhabituelles et qui dépassent le budget habituel affecté à l’entretien quotidien de l’enfant qui a servi de base, le cas échéant, à la fixation des contributions alimentaires. »

Que pensez-vous de la proposition de définition suivante ?

« - Frais de santé : honoraires des médecins spécialistes, frais d’hospitalisation et d’intervention chirurgicale, frais orthodontiques, ORL, orthopédiques, ophtalmologiques, d’opticiens, de kiné, logopédiques et dermatologiques.

Frais scolaires et parascolaires : classes vertes, de forêt, de neige, de mer, frais de pensionnat, droit d’inscription, stages sportifs, d’équitation, voyages linguistiques ou scolaires, cours particuliers de musique, de chant, cours particuliers de remédiation scolaire. »

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ARTICLE 5 : PRATIQUES COMPARÉES EN MATIÈRE D’OBJECTIVATION DES CONTRIBUTIONS ALIMENTAIRES

J. JOACHIM, F. PUTZEYS, P-A WUSTEFELD :

La définition des frais extraordinaires habituellement retenue par la Cour d’appel de Mons est la suivante : Sauf urgence ou nécessité avérées, ils feront (ou auront fait) l’objet d’un accord préalable des parties, cet accord pouvant être tacite et/ou déduit de l’absence de réaction à toute demande formulée de manière non ambiguë, notamment par courriel, au moins huit jours avant l’exposition de la dépense ;Sont considérés comme extraordinaires, sous déduction de toute prise en charge par une mutuelle ou une compagnie d’assurances : o Les frais médicaux importants autres que ceux se rapportant à des soins de santé normaux, tels que les frais d’hospitalisation, chirurgicaux, pharmaceutiques ou paramédicaux liés soit à une hospitalisation, soit à une maladie grave ou à un accident. o Les frais relatifs à un séjour nécessité par l’état de santé de l’enfant. o Les frais de prothèse au sens large (lunettes, semelles orthopédiques, appareils orthodontiques). o Les frais paramédicaux en cas de traitement de longue durée (logopédie, kinésithérapie, suivi psychologique…). Sont également considérés comme extraordinaires :o Les voyages ou activités scolaires organisés par l’établissement fréquenté par l’enfant, qu’ils aient lieu en Belgique ou à l’étranger mais pour autant qu’ils entraînent au moins un délogement d’une nuitée. o Dans le cadre d’études supérieures, universitaires ou non, les frais de minerval et/ou achat de syllabi, ainsi que les frais de kot éventuels, d’achat de matériel didactique coûteux (ordinateur, table de dessin,…) de matériel spécialisé. o Les frais de stages linguistiques à l’étranger et d’activités sportives, culturelles ou artistiques (cotisation, assurance annuelle, frais de cours, achat de matériel, frais de stage éventuel), liées au développement d’un don ou d’un talent particulier ;o Toute autre dépense importante, notamment vestimentaire, de loisir, de véhicule, à laquelle les parties conviendraient de reconnaître la qualification de « frais extraordinaires »Les décomptes de ces frais extraordinaires seront établis trimestriellement, le 31 mars, le 30 juin, le 30 septembre et le 31 décembre de chaque année, et payables, au besoin après compensation, dans les quinze jours de la transmission des pièces justificatives ;

J. STEPHANY :

Un groupe de travail composé de magistrats et avocats (Charleroi) a dégagé deux définitions des frais extraordinaires (plus larges que la disposition citée dans le questionnaire). L’une est applicable à l’hébergement inégalitaire (principal et

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ARTICLE 5 : PRATIQUES COMPARÉES EN MATIÈRE D’OBJECTIVATION DES CONTRIBUTIONS ALIMENTAIRES

secondaire), l’autre à l’hébergement égalitaire. Le groupe de travail a tenté d’agir pragmatiquement et de réduire l’insécurité juridique. Je n’ai pas entendu d’échos négatifs à ce jour.

Une détermination de ces frais à une échelle plus significative (ressort, niveau communautaire ou fédéral) est souhaitable. Il devrait s’agir de « bonnes pratiques », au demeurant évolutives, et pas d’une disposition législative.

D. RUBENS :

Je préfère ne pas émettre d’opinion sur ce point et réserver mon appréciation au cas par cas.

Je vous renvoie, notamment, à des décisions publiées sur mon site www.jpfontaineleveque.be.

Cela étant, la définition légale n’est pas très claire (voir notamment N. Dandoy, « La loi du 19 mars 2010 visant à promouvoir une objectivation du calcul des contributions alimentaires des père et mère au profit de leurs enfants », Rev.Trim.Dr.Fam., 3/2010, page 775).

Arnaud SCHLÖGEL.Avocat au Barreau de Charleroi