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Arnauld de la Perrière

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Biographie de l'as mondial des sous-mariniers

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Armoiries de la famille Arnauld de la Perrière (18e siècle)

D'azur, au chevron, accosté en chef de deux palmes adossées et accosté en pointe d'un mont isolé de six coupeaux, le tout d'or.

1- Ses origines et le début de sa carrière :

En 1757, à la suite d'un duel avec un Prince de Bourbon, Jean-Gabriel Arnauld, Seigneur de la Perrière, jeune Lieutenant d'Artillerie, né 26 ans plus tôt à Saint Plantaire (Indre), était contraint de quitter la France pour échapper à l'embastillement. Les raisons du choix de son pays d'accueil ne sont pas évidentes mais toujours est-il que c'est au service de Frédéric II, Roi de Prusse qu'il allait porter son épée. On rencontre fréquemment en particulier sur internet une information selon laquelle la famille Arnauld aurait quitté la France suite à la Révocation de l'Edit de Nantes (1685). Cette information est tout à fait erronée d'autant plus que cette famille était catholique.

En l'espace de quelques années, le jeune homme se faisait une fameuse réputation dans les rangs de l'armée prussienne, gravissant peu à peu les échelons du corps des officiers pour atteindre le rang de Generalleutnant en fin de carrière. Annobli par Frederic II, il était autorisé à ajouter la particule nobiliaire à son nom, devenant ainsi von Arnauld de la Perrière et doublement noble. On écrit aussi von Arnauld mais selon les conventions de l’époque, seule la noblesse de sang était autorisée à s'appeler "von", la noblesse dite d'épée se devait de faire précéder son nom seulement de "von" Du moins c'était encore le cas au début du 20e siècle mais il semble que cette pratique ait depuis disparu au profit de la seule particule "von".

Jean-Gabriel fondait famille une première fois en 1778. De cette union naissaient 5 enfants. Au décès de son épouse en 1783, il contractait une nouvelle union et avait de nouveau 5 enfants de ce lit. Cette épouse décédant à son tour en 1796, il épousait alors Luise Hieronimus dont il avait 4 enfants. Le second né en 1800, (12e dans l'ordre des naissances), prénommé Eugen, Ahasverus, Albertus allait devenir le grand-père de Lothar.

Eugen épousait en premières noces une femme qui lui donnait 4 enfants, puis, en secondes noces, il épousait Olga Spalding dont il eut 6 enfants. Le premier des enfants de cette union, 5e dans l'ordre des naissances, naissait en 1856 et recevait les prénoms de Eugen, Emil, Alexander, Valentin. Il allait devenir le père de Lothar.

Eugen, Emil né le 28.4.1856 épousait Bertha Müller avec laquelle il allait avoir 4 enfants. Günther, l'ainé ne devait pas atteindre l'âge de 6 mois et décédait en mai 1885.

Le second, né le 18 Mars 1886 recevait pour prénoms Lothar, Eugen, Georg et allait devenir l'Amiral von Arnauld. Deux autres frères venaient rejoindre Lothar. Friedrich qui naissait 2 ans plus tard allait devenir Generalleutnant de la Luftwaffe et vivre jusqu'en 1969 ; le benjamin, Helmut venait au monde en 1891. Militaire lui aussi, avec le grade de

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Lieutenant de Grenadiers, il n'avait pas encore 23 ans quand il était tué au combat de Virton le 22 Août 1914.

C'est ainsi que l'aieul français, annobli par Frederic II pour devenir von Arnauld de la Perrière, donnait naissance à une longue lignée de militaires prussiens dont l'Amiral von Arnauld, seul marin de la famille, allait devenir le plus célèbre d'entre eux.

Né à Posen (Prusse), il est le fils du Conseiller à la Cour des Comptes du Land de Prusse. Baptisé le 26 avril suivant en l'église de garnison, il fait ensuite ses études dans les écoles du corps des Cadets de Wahlstatt puis Gross Lichterfelde (près de Berlin). De cette enfance le jeune homme gardera un sens élevé de l'honneur ainsi qu'une très bonne connaissance de la langue française que la famille perpétue en souvenir de ses origines. Cette connaissance lui servira bien par la suite comme nous le verrons.

A gauche, Lothar vers avril 1904 alors qu'il vient d'être promu Seekadet et entre à l'Ecole Navale. Il vient d'effectuer un voyage d'initiation vers les Antilles à bord du voilier-école Stein.

Sorti de l'Ecole Navale à l'été 1906 au terme d'une spécialisation d'officier torpilleur, le jeune Leutnant zur See est affecté en septembre à l'Etat-Major du cuirassé Kurfürst Friedrich Wilhelm. C'est au cours de cet hiver 1906 que Lothar reçoit sa première décoration, la Kronenorder de 4e classe pour avoir au péril de sa vie, plongé pour sauver un homme passé par-dessus bord.

Le printemps suivant le trouve en poste une nouvelle fois à bord du voilier Stein où il se forme au commandement au cours de croisières en Méditerranée jusqu'à l'été 1908 époque à laquelle il est envoyé participer aux essais des cuirassés Schlesien et Schleswig-Holstein avant d'être affecté comme Officier de Quart (WO) sur le torpilleur V155. Un an plus tard alors qu'il vient d'être promu Oberleutnant zur See (EV1 dans notre Marine), il reçoit à 24 ans son premier commandement, le torpilleur V160 puis celui du D8, un navire d'assistance des pêches dans la Mer du Nord.

Il passe l'hiver 1910-1911 à terre à la II Torpedodivision de Wilhelmshaven puis embarque au printemps à bord du croiseur léger Emden, stationaire en Extrème Orient en qualité d'officier torpilleur. Ce croiseur s'illustrera dans les premiers mois de la guerre. Il effectue deux ans dans cette affectation et rentre en Allemagne où il est nommé sur le cuirassé Scharnhorst comme WO (Wach Offizier) et TO (Torpedo Offizier) jusqu'en novembre 1913. Il rejoint alors le Département d'Inspection de la Marine en tant qu'officier d'ordonnance à l'Etat-Major de l'Amiral von Pohl, poste qu'il occupera un an. A cette occasion, il effectue un séjour de perfectionnement linguistique en Grande Bretagne et rentre en Allemagne quelques jours avant la déclaration de guerre.

A gauche, à bord de l'Emden 1913

A droite, à Berlin fin 1914 ou début 1915, en compagnie des Amiraux

von Tirpitz et Bachmann

de la Perière ou de la Perrière

A la vérité, je n'ai pas de réponse claire et définitive sur ce point. A l'origine, la famille écrivait Perrière avec deux "r" ; Lothar pour autant n'est connu dans les archives de la Marine qu'avec un seul "r" tandis qu'aujourd'hui la famille a repris l'orthographe originale du nom de l'ancêtre français avec deux "r". J'en suis encore à chercher qui, quand et pourquoi a modifié l'orthographe du nom original si toutefois une réponse existe. Je conserverai donc l'orthographe telle qu'elle est usitée dans tous les documents officiels le concernant, c'est-à-dire avec un seul "r". Il est à noter cependant que son frère Helmut, porte le nom avec deux "r" sur la pierre tombale de sa sépulture de Virton.

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2 - 1914 - 1918 Sur les chemins de la gloire.

Lorsque le 2 Aout 1914 la guerre éclate, von Arnauld vient tout juste de rentrer d'un séjour en Grande Bretagne et a repris son poste à l'Etat Major de l'Amiral von Pohl. Mais très vite, lui qui ne rêve que d'une vie active et combattante ne peut se contenter d'une telle affectation et c'est avec beaucoup d'espoir qu'il dépose sa candidature pour servir dans les nouvelles unités d'aérostats en cours de constitution et piloter un dirigeable.

Sa candidature n'est pas retenue. Alors, le jeune officier décide que c'est vers l'arme sous-marine qu'il va se diriger. Cette fois-ci son souhait est exaucé et il part aussitôt rejoindre l'école des sous-marins alors à Kiel puis à Eckenförde où il achève sa formation avec le cours de Commandant. Durant ce cours, il est amené à commander les sous-marins école U-1 et U-3. C'est pendant son séjour en école qu'il est promu Kapitänleutnant (Lieutenant de Vaisseau).

Enfin, le 18 novembre 1915, son désir se concrétise, il prend le commandement de l'U-35, un sous-marin basé en Adriatique. Les premières semaines se passent au chantier naval de Pola où le sous-marin nouvellement arrivé de Wilhelmshaven est mis en état de reprendre la mer.

U-35 devant Pola

Patrouille n°1 du 11 au 25 janvier 1916

Appareillé de Pola, il gagne sa zone d'opérations comprise entre Malte et la Crète, essuyant au passage une tempête force 10 en mer Ionienne. Le 17 à l'aube, il arrête le vapeur anglais Sutherland, 3542 tonnes, fait évacuer son équipage et le coule au canon. C'est le premier d'une très longue série. Dans l'après-midi, engagement d'artillerie avec un vapeur qui s'avère être le bateau-piège anglais Margit (Q-Ship). Mais déjà von Arnauld, d'instinct flaire le danger et grâce à sa prudence et à son habileté, il échappe au tueur de sous-marins. Le lendemain, c'est l'anglais Marere (6443 tonnes) qui est envoyé par le fond. Puis le 20, encore un anglais, le Trematon (4198 tonnes) prend le même chemin. Dans la matinée du 25, au terme de sa première mission de combat, l'U-35 regagne Cattaro, la base opérationelle de la Mittelmeer Flottille.

Patrouille n°2 du 16 au 18 février 1916

Mission d'interception d'un convoi au large de Brindisi. Tir sans succès d'une torpille sur un destroyer italien.

Patrouille n°3 du 20 février au 4 Mars 1916

Secteur d'opérations entre Malte et Crète. Le 26, le croiseur auxilliaire français La Provence (13753 tonnes) qui transporte des troupes est coulé d'une tropille lancée en plongée. Le navire qui portait quelques 1800 hommes disparait en 10 minutes faisant environ 900 victimes. Le lendemain, un vapeur italien est coulé au canon puis le 28, c'est un autre anglais qui subit le même sort. Le 29, au sud de la Crète, il rencontre la canonnière HMS Primula qu'il atteint de deux torpilles mais le navire s'obstine à flotter et il faudra encore 2 autres torpilles pour le couler ! N'ayant plus de torpilles, l'U-35 rejoint Cattaro.

Patrouille n°4 du 20 mars au 8 avril 1916

Secteur d'opérations : Méditerranée orientale. Le 23, le transport anglais armé Minneapolis (13453 tonnes) est coulé d'une torpille tirée en plongée. Les jours suivants, il poursuit sa patrouille jusqu'au large d'Alexandrie sans rencontrer de navires puis revient vers la Crète le 2 avril. Le 4, il aperçoit un cuirassé anglais sans pouvoir parvenir en position de tir et lance sans succès sur un croiseur anglais. Le mauvais temps et des avaries de machine l'obligent à rentrer à Cattaro d'où il part ensuite pour rejoindre le chantier naval de Pola.

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Patrouille n°5 du 6 juin au 3 juillet 1916

Appareillage de Pola à destination de la Méditerranée occidentale avec pour mission particulière d'entrer dans le port de Carthagène afin d'y remettre une lettre adressée par le Kaiser au roi Alphonse XIII. Il s'acquitte parfaitement de cette mission le 21 et ressort discrètement de Carthagène dans la nuit du 21 au 22. Cette visite dans le port espagnol sera d’ailleurs largement commentée dans la presse de l’époque. A l'aller comme au retour, il poursuit sa guerre contre le commerce maritime et revient à Cattaro avec un palmarès de 40 navires détruits représentant près de 57000 tonnes.

21 juin au matin, l'entrée à Carthagène

A couple avec le croiseur Cataluña

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Le long du vapeur allemand Roma interné à Carthagène

Patrouille n°6 du 26 juillet au 20 août 1916

Secteur d'opérations : Méditerranée occidentale. Après avoir passé le canal de Sicile, l'U-35 opère le long des côtes d'Espagne, Golfe du Lion, golfe de Gènes, traverse la mer Tyrrhénienne et regagne Cattaro après avoir contourné la Sicile. Au cours de cette mission, le 15 août, le sous-marin échappe pour la seconde fois au tir d'un bateau-piège mais l'alerte a été chaude. En dehors de cet incident et d'un tir de torpille manqué contre le croiseur Ernest Renan, chaque jour qui passe voit couler plusieurs navires sous les coups de von Arnauld et de ses hommes qui font même plusieurs prisonniers. A son arrivée à Cattaro, l'U-35 signe sa plus fructueuse patrouille dont le record ne sera jamais égalé. Pas moins de 54 navires (29 vapeurs et 25 voiliers) ont été coulés représentant plus de 90000 tonnes.

Jour après jour, l'U-35 envoie par le fond les vapeurs ennemis qui croisent sa route. Econome de ses torpilles, il se sert surtout de son artillerie quand il ne peut saborder le

navire.

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Patrouille n° 7 du 14 septembre au 9 octobre 1916

Secteur d'opérations à nouveau la Méditerranée occidentale avec en plus une mission spéciale : évacuer discrètement de Carthagène trois officiers allemands qui bien qu'internés sont étonnamment libres de leurs déplacements. Comme prévu, U-35 fait la guerre activement à tout le trafic qu'il croise jusqu'au 26 puis se faisant oublier pendant quelques jours, il entre de nuit en baie de Carthagène. Après plusieurs heures de grande tension et sous la menace épisodique d'un sous-marin français, il parvient dans la matinée du 1er à faire surface et à embarquer en moins de 5 minutes ses évadés avant de disparaître à nouveau sous la mer. Les 3 hommes sont le KL Canaris (qui deviendra Amiral et chef de l'Abwehr dans les années sombres de la prochaine guerre), l'OL Sievers et l'aspirant Badewitz.

Sur la route du retour, la guerre au commerce reprend, marquée particulièrement par le torpillage du croiseur auxilliaire français Gallia, ex-paquebot de la Compagnie Sud-Atlantique, chargé de troupes. La mort dans l'âme, von Arnauld assiste impuissant derrière son périscope à la noyade de centaines d'hommes. Ce spectacle le marquera profondément et bien des années plus tard, il l'évoquera encore avec beaucoup de tristesse et d'émotion.

Le 9 Octobre, l'U-35 entrait à Cattaro au terme d'une mission délicate remarquablement réussie. Le bilan de cette patrouille ajoutait encore plus de 70000 tonnes au palmarès déjà impressionnant de von Arnauld.

L'année 1916 s'achève, l'U-35 fatigué par ces longs mois de mer entre en réparations aux chantiers de Pola tandis que par roulement, son équipage goûte quelques jours de permission auprès des familles. C'est d'ailleurs là que Lothar va pouvoir célébrer sa décoration de la prestigieuse croix "Pour le Mérite" qui lui est attribuée par le Kaiser lui-même le 11 octobre en récompense de ses succès.

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1917

Patrouille n°8 du 1 au 13 Janvier

Secteur d'opérations : routes maritimes entre Malte et Crète. En cet après-midi de Nouvel An, l'U-35 appareille de Pola passe le canal d'Otrante le 3 et deux jours plus tard recommence à apporter de nouveaux succès à son tableau de chasse en coulant au canon le vapeur anglais Lesbian dans l'après-midi puis deux heures plus tard, une goélette italienne. Les jours suivants voient aussi de nouveaux succès mais à partir du 9 et surtout le 10, la tempête fait rage. C'est au milieu des éléments déchainés que le diesel tribord tombe en panne pendant 24 heures, rendant difficile la tenue à la mer en surface. Finalement, la météo ne s'améliorant pas, von Arnauld décide de mettre le cap sur Cattaro d'autant qu'il a pour consigne d'être prêt pour la fin du mois à exécuter une nouvelle mission. Le 13 à midi, ayant coulé 6 navires durant sa patrouille, l'U-35 s'amarre à couple du Gäa son bâtiment base à Cattaro.

L'année 1917 marque un tournant dans l'histoire avec l'entrée en vigueur à partir du 1er février de ce qu'il est convenu d'appeler la guerre sous-marine totale. La décision en est prise par le Kaiser le 9 janvier suite à l'échec des tentatives de l'Allemagne et des Etats Unis pour arriver à une paix négociée.

Patrouille n°9 du 6 au 27 Février

Secteur d'opérations : côte est de l'Espagne avec pour mission spéciale de transporter et d'immerger 40 sacs de matériel secret en un point précis de la côte espagnole puis de mettre à terre l'Enseigne de réserve Kallen qui sera chargé de les faire récupérer. Sorti de Cattaro le 6, le sous-marin s'engage dans le détroit d'Otrante le lendemain matin par mer agitée. C'est alors que vers 9h30, le Maître Skwara tombe à la mer. On lui lance une bouée mais le temps que l'U-35 fasse demi-tour, il a disparu. Les recherches se poursuivent deux heures durant sans succès et la mort dans l'âme, von Arnauld donne l'ordre de reprendre la route. Tout en faisant route vers l'Espagne, le sous-marin reprend la guerre au commerce et malgré de nouvelles avaries des diésels, continue à engranger les succès. Dans la nuit du 14 au 15, il exécute sa mission spéciale puis reprend la guerre au commerce. Le 19, son Commandant prend la route du retour et rentre à Cattaro en début d'après-midi le 27.

Patrouille n°10 du 31 mars au 6 Mai

L'ordre de mission pour cette croisière prévoit que le sous-marin devra conduire la guerre au commerce en Méditerranée occidentale puis de passer Gibraltar pour poursuivre la guerre à l'ouest du détroit. Dès le début de cette patrouille alors qu'il n'a appareillé que depuis 3 heures, l'U-35 est la cible d'un sous-marin adverse qui lui lance une torpille. Ayant repéré le sillage à temps, il l'évite et ouvre le feu au canon sur le point de lancement de cette torpille pour contraindre son adversaire à plonger plus profondément. Après avoir coulé quelques navires, von Arnauld passe Gibraltar en longeant la côte marocaine dans la nuit du 12 au 13 avril et dès le matin reprend ses activités de destruction. Jusqu'au 25 il écume le secteur ouest de Gibraltar et repasse en Méditerranée dans la nuit du 25 au 26. Durant cette patrouille de 36 jours, l'U-35 a parcouru 5550 miles et envoyé par le fond 21 vapeurs et 3 voiliers totalisant près de 70000 tonnes ! Neuf torpilles ont été lancées dont 5 ont fait but, 541 obus de 105mm ont été tirés et 26 charges de sabordage utilisées. Eprouvé par cette longue patrouille, l'U-35 prend dès le lendemain la direction de Pola pour entrer en réparations.

Jusqu'au mois d'octobre, le sous-marin qui a besoin de grosses réparations en particulier au niveau de ses moteurs, restera au chantier naval de Pola, n'en sortant que pour effectuer des essais.

Patrouille n°11 du 2 Octobre au 6 Novembre

Le secteur d'opération attribué à l'U-35 pour cette patrouille est la Méditerranée occidentale et l'ouest de Gibraltar. Début de mission normal jusqu'au 15. A 5h30 du matin ce jour là au large du Cap de Gata, alors qu'il fait encore nuit, un bateau est aperçu. L'équipage se prépare à une attaque à la torpille mais en même temps, von Arnauld fait armer le canon au cas où une torpille serait superflue. C'est alors que le sous-marin est repéré par le navire qui fait alors demi-tour. A 1200 m, l'U-35 ouvre le

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feu auquel on répond avec du petit calibre depuis la proue. Mais voici qu'à présent, il accélère avec l'intention manifeste d'aborder le sous-marin. Alerte ! Plongée ! A grande vitesse et en donnant un coup de barre énergique, von Arnauld pare le danger immédiat mais peu après ce sont deux très fortes détonations de grenades sous-marines qui provoquent quelques avaries, notamment au niveau de l'éclairage. Le sous-marin se réfugie à 50 mètres de profondeur. Quand un peu plus tard, alors que le jour se lève, von Arnauld revient à l'immersion périscopique, il peut constater que son adversaire était un destroyer anglais qui le cherche toujours dans toutes les directions ! L'U-35 et ses hommes l'ont échappé belle et s'en tirent avec plus de peur que de mal. Dans la nuit du 17, il passe Gibraltar pour opérer jusqu'à Madère. Peu de trafic, il repasse le détroit le 30 et prend le chemin du retour. Mais décidément, cette patrouille n'en finit pas d'apporter son lot de frayeurs. Le 6 Novembre, alors qu'il transite en surface dans le Canal d'Otrante, il est pris pour cible par un sous-marin adverse qui à très faible distance lui décoche 3 torpilles (l'équipage allemand en comptera 4). L'une d'entre elles marsouinant sort de l'eau, tombe à plat sur le pont de l'U-35 et poursuit sa course sans exploser. Les deux autres encadrent le sous-marin ! Décidément, ce n'était pas jour de chance pour le LV Bougard commandant du Faraday dont le sous-marin ne sera identifié qu'après la guerre en dépouillant les journaux de bord.

Patrouille n°12 du 8 au 31 Décembre

Secteur côte d'Afrique du Nord et côte est d'Eespagne. Cette mission sera beaucoup moins mouvementée que la précédente et somme toute assez fructueuse avec 7 navires coulés pour une peu plus de 28000 tonnes. L'équipage arrive juste à temps à Cattaro pour célébrer la nouvelle année dans de meilleures conditions.

U-35 le canon de 88mm

SMS Gäa, bâtiment base à Cattaro

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1918

Patrouille n° 13 du 10 Février au 13 Mars

Secteur d'opération : Méditerranée occidentale. Cette mission ne sera pas marquée par d'extraordinaires évènements mais par contre sera placée (encore et toujours) sous le signe des ennuis de moteurs. A tel point que lors de son retour à Cattaro, l'U-35 va une fois de plus devoir rejoindre le chantier naval de Pola. Au cours de cette mission 5 navires seront coulés et deux endommagés. On voit que les contre mesures destinées à lutter contre les U-Boote commencent à porter leurs fruits et elles sont désormais loin ces patrouilles au cours desquelles on coulait des dizaines de navires !

De retour de cette patrouille, Lothar von Arnauld remet le 17 Mars son commandemement au Kapitänleutnant Ernst von Voigt qui aura surtout la charge et aussi la chance de ramener entier l'U-35 jusqu'à Wilhelmshaven où il arrivera après l'Armistice. Au Germania Werft de Kiel, l'U-139, l'un de ces grands U-Kreuzer qui commencent à sortir des chantiers allemands attend un Commandant. Ce sera von Arnauld.

Au cours de l'une des patrouilles de l'U 35, un cameraman a pris passage à bord du sous-marin pour réaliser un film de propagande. Ce film est parvenu jusqu'à nous. Il est intitulé "Der Magische Gürtel" (Le cercle enchanté). C'est un film muet très intéresant qu'il est possible de visualiser ici : http://www.europafilmtreasures.fr/fiche_technique.htm?ID=269

S.M.U-Kreuzer U-139

"Kapitänleutnant Schwieger"

18 Mai 1918, Warnemünde La Kronprinzessin Cecilie se rend à bord de l'U-139 à l'occasion de l'entrée en service du sous-marin sous le commandement de von Arnauld.

A compter du 18 Mai, l'U-139 va effectuer sa période d'essais en bassin, en rade, au large de Kiel puis dans la Baltique. La pesée suivie de la première plongée s'effectue sur rade dès le 27 Mai cependant la mise au point de ces nouveaux sous-marins notamment au niveau des diésels est délicate et ce n'est que début septembre que le bateau est finalement paré pour sa première mission de guerre.

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U-139 en essais dans la Baltique à l'été 1918. On notera les dimensions du bâtiment et les deux pièces de 150mm qui lui donnent une redoutable puissance de feu.

Patrouille du 11 Septembre au 14 Novembre 1918

Appareillage de Kiel à destination de la côte nord-américaine avec pour secteur d'opération depuis le Nord du Cap Hatteras jusqu'à la latitude de Halifax. On remarquera l'évolution technologique de l'arme sous-marine qui grâce à ses grands croiseurs est désormais en mesure de porter la guerre au commerce maritime jusqu'au long des côtes des USA. Pourtant, l'U-139 n'aura pas l'occasion d'aller jusque là. Bien que le journal de bord du sous-marin ait disparu après la guerre, il a été assez facile de reconstituer cette patrouille du moins pour l'essentiel. Dans un premier temps, von Arnauld rejoint l'Atlantique après être sorti d'Allemagne via le Canal de Kiel, la Baltique puis le Kattegat. Il y a trop de mines mouillées en baie allemande pour courir le risque. De là, il contourne l'Ecosse, l'Irlande et s'engage dans l'Atlantique.

Le 1 Octobre, à quelques 150 milles dans le N-NO du Cap Villano il croise un convoi allié. Malgré une escorte par des croiseurs auxilliaires, l'U-139 coule successivement les vapeurs Manin et Bylands. Mais ce dernier en coulant accroche au passage le sous-marin qui s'était trop rapproché. Entrainé à plus de 100 m.dans les profondeurs par sa vicitme, von Arnauld parvient à reprendre le contrôle, se dégage et fait surface après une chasse de tous les ballasts. Grosse émotion ! Les dégâts sont quand même relativement conséquents puisque les périscopes sont hors d'usage et une voie d'eau s'est déclarée au sommet du kiosque, limitant les capacités de plongée du bateau. Une réparation avec les moyens du bord permet malgré tout la remise en état d'un périscope. L'objectif d'atteindre la côte américaine n'est plus d'actualité dans ces conditions et von Arnauld décide d'opérer en surface dans les parages des Açores où il coule encore deux navires.

21 Octobre. Le message radio ordonnant la cessation des activités offensives pour les U-Boot et le retour en Allemagne est capté par l'U-139. C'est la stupeur ! Le 24, von Arnauld signale par radio qu'il a pris la route du retour. Il lui faudra encore trois semaines pour rejoindre Kiel où il entre le 14 Novembre après 64 jours de mer, détenant alors un record jamais égalé en matière de nombre de navires coulés par un commandant de sous-marin.

Arnauld de la Perière totalise 194 navires coulés r eprésentant environ 450 000 tonnes !

A l'arrivée à Kiel, la situation a bien changé depuis le départ de l'U-139.

La guerre est finie, le Kaiser a abdiqué pour se réfugier en Hollande et la République est proclamée. Mais le drapeau rouge flotte sur Kiel et sur Hamnbourg ; le pays en proie à la grève générale et à la tentative de mainmise de la révolution marxiste entre dans la guerre civile.

C'est là que nous retrouverons Lothar von Arnauld dans la partie suivante de son histoire.

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Officiers de l'U-139 (été 1918) de g.à dr. OL Sievers, Lt Gutjahr, OL de Terra, L.Ing Fechter, KL von Arnauld, KL Pistor, Dr. Hölzel

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3 - 1919 - 1933 Au service de la Reichsmarine

1919-1920

Après la défaite de 1918, l'Allemagne aussi bien que la Marine sont la cible des révolutionnaires spartakistes à l'origine des mutineries de Kiel. Mais à cette idéologie issue de la révolution russe s'oppose une partie de la population et pour la combattre, sur ordre du Ministère de la Défense, se constituent des Corps Francs de volontaires (Freikorps).

Au nombre de ceux ci, on trouve la 3e Marinebrigade constituée le 1 Mars 1919 par le Korvetten Kapitän Wilfried von Löwenfeld, brigade qui prendra le nom de son fondateur et dont la majorité des cadres proviennent de la Marine. von Arnauld rejoint cette Brigade où il prend le commandement d'un bataillon d'assaut qui portera son nom :

Sturmbataillon Arnauld de la Perière .

à droite et ci-dessous, deux affiches de propagande de 1919 :

La Paix pour mot d'ordre !

C'est par l'ordre que nous l'atteindrons !

Appel à rejoindre le Frei Korps von Hülsen

Insigne de col de la 3-MB

Sitôt constituée, la Brigade von Löwenfeld est dirigée vers la Haute Silésie où la situation de faiblesse de l'Allemagne a ouvert l'appétit de la Pologne qui a déjà annexé la Prusse. Cet épisode marqué par de grandes grèves et un référendum litigieux, se solde par quelques escarmouches sans réelle gravité avec les volontaires polonais et la reprise en main de Breslau, calmant ainsi l'inquiétude des populations germanophones. La Brigade qui cantonne alors durant l'automne dans la région de Breslau fait mouvement vers Berlin en début d'année 1920. C'est là que parvient la décision du Chancelier Ebert, de dissoudre les Corps Francs sur demande insistante des puissance alliées qui se réclamant de l'article 122 du traité de Versailles limitant à 100 000 hommes les troupes allemandes, voient en ces unités une façon de détourner cette limitation.

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Breslau - L'Hôtel de Ville

et le pont de l'Empereur

Cette décision n'est pas du goût de tous, notamment du Général Lüttwitz qui commande les troupes stationnées à Berlin et le 13 Mars, c'est le putsch militaire. Lüttwitz donne ordre aux troupes de prendre Berlin et d'y établir un gouvernement militaire qui aura à sa tête Wolfgang Kapp, le chef du parti nationaliste. Noske, ministre socialiste de la défense donne ordre au général Hans von Seeckt, Commandant de la place, de s'y opposer mais ce dernier s'y refuse en disant que la troupe ne tire pas sur la troupe ce à quoi Noske riposte en ordonnant la mobilisation de la Police. La police a déjà rejoint le putsch ! prévient von Seeckt. Ce soir là, le gouvernement quitte Berlin pour Stuttgart.

Dans le même temps, l'armée et les Freikorps, réunis sous la bannière impériale d'avant 1919 et décrétée interdite par la République de Weimar, prennent position dans tous les points stratégiques de la ville. Par opposition, le chancelier demande au SPD d'appeler à la grève générale qui s'étend très vite à tout le pays, ce qui a pour effet de resserer autour de son gouvernement une grande partie de la population qui ne veut plus entendre parler de guerre, surtout une guerre civile. Le 17, Kapp doit se rendre à l'évidence que le putsch est un échec et prend avec Lüttwitz le chemin de l'exil. Quant à Noske il perd son portefeuille de ministre.

15 Mars 1920 à Berlin, la 3e Marinebrigade a pris position dans la ville.

de g. à dr. KKpt Kolbe - Kplt von Arnauld - Kplt von Fischel (Printemps 1920)

Mais sitôt la menace du putsch écartée, voici qu'un nouveau danger surgit dans la Ruhr où le Parti Communiste allié aux mouvements d'extrème gauche, profitant de la situation de faiblesse du gouvernement lève l'Armée Rouge de la Ruhr pour déclencher la révolution prolétarienne. Faisant volte-face vis à vis des Corps Francs dont il ne demande plus la dissolution, le Chancelier leur donne pour mission de rétablir l'ordre dans cette région économiquement vitale pour l'Allemagne. Le FK von Löwenfeld fait alors mouvement dans cette direction où il est intégré au 6e Wehrkreis du General von Watter, la 3-Marinebrigade est déployée dans le secteur nord de la région. Le 3 Avril, les Corps Francs lancent dans toutes les directions un assaut féroce contre les troupes bolcheviques. De très violents combats font rage, causant de part et d'autre plus d'un millier de morts mais en l'espace de quelques jours entièrement dominés par les troupes gouvernementales, la Ruhr est reprise.

Pour le Sturmbataillon von Arnauld, les combats les plus sanglants ont lieu le premier jour de l'offensive à Bottrop où le

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bataillon perd une dizaine d'officiers au nombre desquels l'Oblt z.S. Georg Mengdehl, officier d'ordonnance de Lothar, tandis que nombre d'autres sont blessés.

Cependant, cette intervention militaire en zone démilitarisée par le Traité de Versailles provoquera en réponse l'entrée des troupes alliées dans la Ruhr, forçant ainsi les Corps Francs à se retirer dans l'est.

1920 - Les troupes alliées occupent la Ruhr

1920 - 1933

Le 31 Mai 1920 (Skagerraktage), la 3 Marinebrigade est définitivement dissoute et début juillet, Lothar rejoignant à présent la nouvelle Reichsmarine, prend le commandement de la 11e Flottille de la Baltique, poste qu'il occupe deux ans et dans lequel il est promu Korvetten Kapitän le 1 Avril 1922 avant d'être détaché à l'Etat Major de la 2e Circonscription militaire, où il restera jusqu'en janvier 1925. Cette période au cours de laquelle son pays retrouve un peu de stabilité, il la mettra à profit pour concrétiser enfin son mariage avec Marta Kaubes, celle dont il dira toujours qu'elle fut l'unique amour de sa vie.

Au début de 1925, von Arnauld non sans plaisir, retrouve la mer avec le poste d'Officier Navigation sur le cuirassé Hanover puis sur le cuirassé Elsass, deux vétérans de la guerre dont il débarque fin 1926 pour prendre le Commandement du secteur Mer du Nord.

En septembre 1928, il reçoit le commandement du croiseur-école Emden et il est promu au grade de Fregatten Kapitän le 1er novembre. Avec cette promotion et ce beau commandement lui échoit également la mission de conduire le navire dans un voyage de représentation d'un an autour du monde.

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Emden

Déplacement 7000 tonnes - Vitesse 29 noeuds - Dimensions 155 x 14 x 6 mètres - Equipage 475 hommes et 160 élèves-officiers

Armement en 1928 : 4 x 150mm, 3 x 105mm, 3 x 88mm - TLT 4 x 533mm

La feuille de route du croiseur signée von Hindenburg, Président du Reich et le détail des escales.

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Un joli voyage d'un an et une semaine qui passe par tous les continents.

Ci-dessous quelques images de cette croisière.

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Le 13 Décembre 1929 comme prévu, l'Emden regagne Wilhelmshaven. Après une permission bien méritée, l'équipage du croiseur reprend la mer le 13 Janvier pour une croisière de 4 mois en Atlantique au profit de l'Ecole Navale. Au retour de ce voyage, von Arnauld quitte son commandement pour être nommé Président de la Commission d'essais des unités neuves, poste dans lequel il est promu Kapitän zur See (Capitaine de Vaisseau) le 1 Octobre 1930.

Le 30 Septembre 1931, âgé de 45 ans, il est incité à faire valoir ses droits à la retraite après 28 années de service. Il semble que la véritable raison soit plus une divergence de vues avec l'Etat-Major qu'une quelconque limite d'âge mais ce point n'est pas éclairci.

Age ou pas, Lothar est encore plein d'allant et ne saurait s'arrêter déjà. Il offre ses services à la Marine Turque qui trop heureuse de s'attacher pareille personalité, l'engage en 1932 en lui offrant une chaire de Professeur à l'Ecole Navale, poste qu'il va occuper jusqu'en Novembre 1938. Dans cette fonction, il participera activement à la mise en place des forces sous-marines de ce pays en supervisant l'entrée en service des premiers sous-marins dont on voit ci-dessous le TCG Gür ex espagnol E-1 que von Arnauld avait fait racheter par la marine turque.

Fin 1938, von Arnauld s'accorde quelques semaines de congé en compagnie de son épouse et effectue une croisière autour de l'Afrique au cours de laquelle il séjournera à Capetown où son passage relaté dans la presse, ne restera pas inaperçu, puis ce sont quelques semaines en Egypte avant de regagner la mère-patrie.

1939... La guerre qui couvait depuis quelques mois finit par éclater. Le 1 Septembre 1939, von Arnauld est réactivé avec le grade de Vice Amiral de Réserve.

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4 - 1939 - 1941 Sous le pavillon de la Kriegsmari ne

A la fin de 1938 s'achevait le séjour de Lothar en Turquie. Il regagnait alors une Allemagne quittée six ans plus tôt où règnaient déjà de fortes tensions politiques et militaires qui allaient conduire au déclenchement du deuxième conflit mondial. Sans aucun doute, il y aurait poursuivi une retraite paisible sans les évènements de septembre 1939. Lothar ne faisait pas de

politique et avait suivi de loin la montée du nazisme sans y souscrire pour autant.

Dès la fin août, von Arnauld qui vient d'être nommé vice-amiral de réserve le 19 est appelé à reprendre du service et mis à disposition de la Kriegsmarine qui, à compter du 10 septembre lui confie le poste de délégué plénipotentiaire pour le secteur

du couloir polonais, de Dantzig et sa région maritime. Dans ce poste qu'il occupera jusqu'au 14 mars 1940, il reste assez éloigné du conflit naissant.

Dantzig où le 13 Septembre 1939 Adolf Hitler fait un discours devant un parterre d'officiers allemands après

l’occupation du territoire

En mai 1940, c'est l'offensive allemande à l'ouest que tout le monde connait. Cette fois pour von Arnauld, c'est le signe d'un retour vers un poste nettement plus opérationnel puisqu'il reçoit le commandement des forces navales pour la région Belgique et Pays-Bas. Les évènements se précipitant avec la chute de la France le mois suivant, il faut revoir l'organisation du Commandement Naval et mettre une hiérarchie en place dans le secteur Bretagne. C'est alors que tout naturellement vient à l'esprit de l'Amiral Raeder le nom de von Arnauld dont on sait que le personnage déjà bien connu est à la fois francophone et francophile. Voila donc l'homme de la situation pour le poste d'Amiral-Bretagne qui lui est confié le 22 juin. Sa première mission va consister en la remise en état des installations portuaires de Brest qui ont énormément souffert. Or, le hasard fait que son interlocuteur français, le Capitaine de Vaisseau Le Normand, Directeur de l'Arsenal, est comme lui un ancien sous-marinier de la guerre précédente qui appartenait à la flottille de Brindisi quand le Faraday avait manqué de peu d'envoyer l'U-35 par le fond !

Alors von Arnauld va prendre une décision étonnante : non seulement il offre à son ancien et valeureux adversaire de rester à la tête de l'arsenal, mais de plus il l'autorise à choisir ses adjoints ! Embarrassé, Le Normand reste perplexe et demande un moment de réflexion qu'il met à profit pour contacter l'Amiral Darlan, ministre du gouvernement Pétain. Ce dernier l'encourage vivement à accepter la proposition afin dit-il de protéger le plus longtemps possible les intérêts français. C'est ce qui sera fait et la cohabitation des deux hommes se fera du mieux possible dans ce contexte à la fois particulier et délicat, facilitant ainsi indirectement l'ancrage d'un réseau d'information dont les Alliés vont par la suite bénéficier.

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Brest 1940 - von Arnauld au centre en compagnie de l'Amiral Raeder et d'officiers des deux Etat-Majors

Peu à peu, l'occupation du territoire se met en place et à Brest, grâce à la diplomatie de von Arnauld, il n'y a pas trop de tensions même si chacun reste malgré tout sur ses gardes. L'organisation de la Kriegsmarine sur les côtes françaises se structurant peu à peu, l'Amiral Arnauld est alors appelé à prendre plus de hauteur et reçoit le 4 décembre 1940 le titre d'Amiral West Frankreich avec la responsabilité d'un secteur qui couvre à présent toute la façade maritime ouest de la France, de Brest jusqu'à Biarritz. En cette circonstance, Lothar quitte Brest pour installer son Etat-Major au Golf Hotel de Royan.

Profitant des quelques loisirs que peuvent lui laisser sa charge, il va effectuer plusieurs déplacements à l'intérieur du pays, à la recherche de l'histoire de ses ancêtres français et des lieux où ils vécurent. C'est ainsi qu'il fera la connaissance d'un "cousin", le colonel français Arnauld dont la parenté se limite surtout au nom. On imagine aisément combien cette visite privée du Vice Amiral au domicile d'un officier français retraité, même si elle fut très courtoise, put être délicate pour ce dernier !

La structure navale étant à présent bien en place sur le front ouest, Raeder faisait appel une nouvelle fois à von Arnauld à la mi-février 1941 pour occuper le poste d'Amiral-Sud avec cette fois la charge de la Méditerranée. Entre temps, Lothar avait quitté son statut de réserviste pour être réadmis au service actif (réactivé) avec la grade de Vice-Amiral à compter du 1er février. Sans aucun doute, une seconde et brillante carrière allait s'ouvrir devant ce personnage charismatique mais c'était sans compter avec les voies de la destinée...

Départ de Royan.

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L'Amiral West Frankreich et son Etat Major.

L'Amiral von Arnauld quittait donc en février son affectation sans doute quelques jours avant le 24. Il gagnait alors Bordeaux et de là, prenait place à bord de cet appareil Bf-108 (DC+NJ) qui allait le conduire dans un premier temps à Paris. Les recherches que j'ai pu effectuer dans les archives de la Luftwaffe n'ont pas permis de préciser le jour mais il ne fait à présent plus de doute que les photos ci-dessous sont sans doute les dernières que nous ayions de lui.

Bordeaux - Embarquement à bord du Bf-108 Mise en route. La dernière photo connue de l'Amiral.

Trouvé au bas d'une photo datée de Royan le 22.2.1941 cette dédicace de l'Amiral à l'un de ses collabarateurs (ci-dessous). Il était donc toujours à Royan le samedi 22 ! Il est donc possible qu'il ait quitté Bordeaux le lundi matin (photos ci-dessus) et changé d'avion le jour même au Bourget. Dans ce cas, ces photos sont prises quelques heures avant l'accident fatal. A ma connaissance ceci est sa dernière annotation manuscrite.

Le lundi 24 février, Lothar prenait place à bord du Junkers W34 immatriculé RB+AQ , un monomoteur de liaison de la Luftwaffe et décollait du Bourget à destination de Berlin pour rejoindre ensuite sa nouvelle affectation. Selon le peu d'informations disponibles sur le sujet, par suite d'une erreur de pilotage l'appareil s'écrasait en phase de décollage et prenait feu aussitôt. Von Arnauld était tué tandis que les 3 membres d'équipage étaient gravement brûlés. Mon enquête sur ce point étant toujours en cours, des éléments nouveaux pourraient apparaître encore en particulier en ce qui concerne la date exacte du vol Bordeaux-Paris qui a précédé celui-là.

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Junkers W34

Le RB+AQ (W34-hi) de l'accident dans la livrée qui était celle de l'escadrille Kurierstaffel basée au Bourget.

L'as mondial des sous-mariniers trouvait ainsi la mort dans cet accident aérien, justement sur cette terre de France qu'il aimait ! Une cérémonie funèbre était organisée en la Cathédrale de la Madeleine à Paris en présence de tout le haut commandement allemand puis le cercueil était transféré à la Gare de l'Est d'où il était acheminé jusqu'à Berlin pour être inhumé à l'Invalidenfriedhof aux côtés d'autres grands hommes de la nation allemande. Le site ayant été miraculeusement épargné dans les combats de 1945, sa sépulture y existe toujours. Si un jour vous passez par là, ne manquez pas d'aller rendre visite à cet homme au destin hors du commun qui, je le redis encore, s'il se trouva parfois être l'adversaire de la France, n'en fut jamais l'ennemi. Sans aucun doute, s'il existe un Walhalla où selon la tradition germanique, les guerriers trouvent le repos, l'Amiral Arnauld de la Périère y occupe une place de choix.

La dernière demeure

Lors des funérailles en la cathédrale de la Madeleine, on interpréta la Marche Funèbre de la 3e Symphonie de Beethoven, un compositeur que von Arnauld aimait partiuclièrement.

©Yves Dufeil - 2010