15
Marcel Metzger Liturgie, spiritualité et vie en Christ. Nicolas Cabasilas et Ignace de Loyola In: Revue des Sciences Religieuses, tome 65, fascicule 3, 1991. pp. 227-239. Résumé Les hasards de l'édition ont rapproché deux auteurs, pourtant fort éloignés par leurs conceptions de la spiritualité chrétienne : Nicolas Cabasilas (+ 1397) et Ignace de Loyola (t 1556). Le Vie en Christ, de N. Cabasilas, vient d'être publiée en édition critique (Sources chrétiennes 355 et 360). Selon cette traditi on de spiritualité, la vie en Christ s 'origine dans les saints mystères (la liturgie), elle s'applique à la méditation, à partir de la lecture biblique, elle est ferment d'unité, tant pour les communautés que pour l'existence personnelle. L'aggior namento actuel de l'Église latine gagne à s'inspirer de cette tradition, dont divers aspects ont été trop méconnus par les institutions ecclésiales dans lesquelles Igance de Loyola avait trouvé sa voie. Citer ce document / Cite this document : Marcel Metzger. Liturgie, spiritualité et vie en Christ. Nicolas Cabasilas et Ignace de Loyola. In: Revue des Sciences Religieuses, tome 65, fascicule 3, 1991. pp. 227-239. doi : 10.3406/rscir.1991.3175 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rscir_0035-2217_1991_num_65_3_3175

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Marcel Metzger

Liturgie, spiritualité et vie en Christ. Nicolas Cabasilas et Ignace

de LoyolaIn: Revue des Sciences Religieuses, tome 65, fascicule 3, 1991. pp. 227-239.

Résumé

Les hasards de l'édition ont rapproché deux auteurs, pourtant fort éloignés par leurs conceptions de la spiritualité chrétienne :

Nicolas Cabasilas (+ 1397) et Ignace de Loyola (t 1556). Le Vie en Christ, de N. Cabasilas, vient d'être publiée en édition critique(Sources chrétiennes 355 et 360). Selon cette tradition de spiritualité, la vie en Christ s 'origine dans les saints mystères (la

liturgie), elle s'applique à la méditation, à partir de la lecture biblique, elle est ferment d'unité, tant pour les communautés que

pour l'existence personnelle. L'aggiornamento actuel de l'Église latine gagne à s'inspirer de cette tradition, dont divers aspects

ont été trop méconnus par les institutions ecclésiales dans lesquelles Igance de Loyola avait trouvé sa voie.

Citer ce document / Cite this document :

Marcel Metzger. Liturgie, spiritualité et vie en Christ. Nicolas Cabasilas et Ignace de Loyola. In: Revue des Sciences

Religieuses, tome 65, fascicule 3, 1991. pp. 227-239.

doi : 10.3406/rscir.1991.3175

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It

LITURGIE

SPIRITUALITE

ET VIE EN CHRIST

Nicolas

Cabasilas et Ignace

de

Loyola

Ces derniers temps, les hasards de l'édition

ont attiré l'attention,

de façon inégale, sur deux maîtres de la spiritualité. D une part

Nicolas Cabasilas, dont

la

collection Sources chrétiennes vient

de

publier

l'admirable

ouvrage La

vie

en Christ. D'autre part, saint

Ignace

de

Loyola, dont

les

écrits bénéficient

de nouvelles publications

et

commentaires, à l'occasion

des

centenaires

célébrés

en

son honneur.

Pourtant, ces deux auteurs ne

jouissent

pas

de la

même

notoriété dans nos

milieux catholiques, loin

s'en

faut.

Les

projecteurs de

la

publicité

ecclésiastique éclaireront surtout le

second,

mais

c'est

le premier

des

deux

qui

nous aiderait le mieux

à

poursuivre, jusque dans la

compréhension

de la spiritualité, l'aggiornamento

du Concile

Vatican II.

I.

Nicolas

Cabasilas

Nicolas Cabasilas a

vécu

au XIVe

siècle,

en

Grèce,

il est

mort

probablement vers 1397/1398. On

l a souvent confondu

avec son oncle,

qui

fut métropolite

de

Thessalonique. Mais lui-même était laïc,

fréquentant

beaucoup

les

milieux

monastiques.

Il

est

surtout

connu

par

deux

de

ses œuvres, toutes deux

disponibles

à présent

dans des

éditions critiques : De

la Divine Liturgie

(1)

et

La

Vie

en

Christ.

(1) Edition

Sources Chrétiennes 4bis,

Paris 1967,

sous le titre Explication

de la

Divine

Liturgie ;

le

terme « interprétation » conviendrait mieux pour traduire herme-

neia

; d ailleurs

la tradition

manuscrite ne s'accorde

pas sur ce mot

et

l éditeur

ne

l'a pas transcrit

dans le

texte

critique.

Si une

nouvelle édition de ce précieux ouvrage

devait voir

le

jour,

il

conviendrait de

réviser

les notes et de les

débarrasser

de

certaines considérations critiques,

dans

lesquelles

le

commentateur

appréciait

les propos

de N. Cabasilas à

l'aune

de la théologie sacramentaire occidentale

et

rectifiait tout

ce

qui

s en

écarte.

Il faudrait pourtant admettre

que

le

langage

de

Cabasilas

est

celui

de

la

mystagogie, dans

la

contemplation d un mystère

qui

nous dépasse

infiniment,

et

non

celui

du précis

de théologie.

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228

M. METZGER

Voici les références de la nouvelle

édition

de ce dernier ouvrage :

Nicolas CABASILAS, La

vie

en Christ.

Deux

volumes, avec

introduction,

texte

critique,

traduction

et

annotation, par

Marie-Hélène

Congourdeau, coll. Sources chrétiennes, n° 355 (livres I-IV) et 361

(livres V-VII), Paris

1989 et

1990, 360

et

247

p.

Le

second volume

est

muni d'une

table

des

principaux termes grecs, avec

des

sous-titres

en français.

Les écrits de N. Cabasilas

sont

connus

en

Occident depuis

quelques

siècles

et ont fait l'objet de plusieurs traductions

françaises, plus

ou moins fidèles. Mais, selon les règles de la collection Sources

chrétiennes,

la

nouvelle édition de La

Vie

en

Christ

présente à

la

fois le

texte grec et une traduction très fidèle, dans

l'ensemble, malgré

les

difficultés :

les sous-titres

provenant

de la

tradition byzantine ont été

transcrits et

traduits,

cette nouvelle

édition ne

les

a

pas remplacés,

comme d'autres, par

des gloses

inspirées

de la

théologie

occidentale.

L'œuvre

de

N. Cabasilas est

d'abord une

mystagogie,

qui

commente

avec profondeur toute

la richesse

du trésor liturgique et en nourrit

la

vie ecclésiale. L'auteur connaît

parfaitement la tradition biblique

et la

patristique

grecque, en

particulier

Jean Chrysostome

et le

Pseudo-

Denys,

et

même

certains

écrits

de

la

théologie

occidentale.

La

structure de

l'œuvre

L'organisation et

le contenu

de

l'œuvre

apparaissent

déjà

dans les

titres

des

livres.

J'ajouterai

chaque

fois quelques extraits significatifs,

pour mettre

le

lecteur en

appétit.

Livre I. La vie

en

Christ est

conçue

par l'intermédiaire des

divins

mystères du baptême, de la chrismation et de la divine

communion. (2)

La

vie

en

Christ

est

une,

elle

germe

dans

le

temps présent

et

s'accomplit

dans

la

vie future. Elle est vie du

Christ

en nous, salut

que les saints mystères rendent

actuel

:

«

Voici

en quoi consiste

la

vie

que

le Seigneur a

apportée

en venant :

c'est

qu'en passant

par

ces

mystères nous ayons part

à

sa mort et partagions sa Passion, sans quoi il

est

impossible

d'échapper à

la

mort

»

(I, 42).

Livre

IL

En quoi

le

baptême

contribue à

la vie en Christ.

A

partir

d'un commentaire mystagogique du rituel baptismal,

N.

Cabasilas annonce

comment

les mystères unissent

au

Christ

: « Ainsi,

(2) SC 355,

p.

74.

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N.

CABASILAS

ET

I. DE

LOYOLA 229

nous

sommes baptisés

pour

mourir de cette

mort (du Christ) et

ressusc iter de

cette

résurrection

; nous

sommes

chrismés pour

partager

l'onction

royale

de

sa déification

;

en

nous

nourrissant

du

pain

très

saint

et

en

buvant le très saint breuvage, nous

participons à

la chair

même

et au sang

même qui

ont été assumés par le Sauveur : de cette façon,

nous sommes unis

à

celui

qui

pour

nous s'est fait chair,

a été

déifié,

est

mort et est ressucité

» (11,3).

Dans le baptême, nous célébrons l'économie du

salut,

«

non par

des

paroles

mais par

des

actions... Nous

énonçons la théologie

(proclamation trinitaire)..., mais

l'économie,

il nous faut absolument la

reproduire et

la

montrer par

des

actes. Voilà

pourquoi la

Trinité

est

exprimée

par

la parole, tandis

que

la

Passion

et la

mort,

nous les

peignons par

l eau

dans notre corps, nous

configurant

nous-mêmes à cette

figure bienheureuse et

à

cette forme

» (II, 34).

Le

baptême

est

naisance à la vie

en

Christ

: «

En

celui qui est

engendré, de toute

évidence, c'est sa

propre

vie qu'introduit celui

qui

engendre »

(II,

51).

L'œuvre de ce mystère est

multiple : «

affranchir

des

péchés,

réconcilier l'homme avec Dieu,

faire

de l'homme

le

fils adoptif

de Dieu, ouvrir les yeux de l'âme,

faire

goûter au rayon

divin,

bref

préparer à la vie future. Nous

avons

donc

bien

raison

de

lui donner

le nom de Naissance et

des

noms analogues,

entre

autres raisons, parce

qu'il fait lever une connaissance

de

Dieu

dans les

âmes

de ceux qui

le reçoivent » (II,

101).

Livre III. Quel achèvement la

chrismation

apporte-t-elle

à

la

vie

en Christ.

Conçus dans l'Esprit,

les

baptisés

«

doivent obtenir

en

conséquence

une

activité adaptée

à une telle naissance, et

un

mouvement

correspondant.

Cela,

c'est

le

mystère du

très

saint

chrême

qui

peut

le

produire

en nous : en effet, il

rend agissantes les activités sprirituelles.

. »

(III, 1). Quant

à

la réponse de l'homme

au don

de Dieu,

à

savoir

«

la

ferveur humaine, elle

n'a

pas d'autre

rôle

que de conserver

ce

qui

a

été donné et de ne pas livrer le trésor

»

(III,

19).

Livre IV. Quel

achèvement

l'eucharistie donne-t-elle à la vie en

Christ ?

Baptême et

chrismation conduisent à

l'eucharistie

: «

Certes il

(le

Christ) est présent

à

chaque

mystère

;

c'est

en

lui

que

nous

sommes

chrismés et

baignés,

c'est

lui

qui

est notre repas. Mais

s'il

est

uni à

ceux qui

sont

initiés

et leur

communique

ses biens, ce n'est pas

de

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230

M. METZGER

la

même

façon

en

tous les rites

:

quand

il baigne, il

affranchit

l'argile

du mal et lui imprime sa propre forme

;

quand

il chrisme, il

rend

agissantes

les

activités

de l'Esprit

dont

lui-même

est

devenu,

à

cause

de

sa chair, le réceptacle. Mais

quand

il conduit

à

la Table et donne son

corps à manger, il change

entièrement celui

qu'il

initie

et lui donne

en échange sa propre disposition ; et

l'argile

n'est plus

de l'argile, qui

a reçu

la

forme du roi,

mais elle-même est devenue

corps du roi,

et

l'on ne

peut concevoir

plus

grand bonheur que celui-là. C est aussi

pour

cette raison

que

ce mystère vient en dernier : parce qu'on ne peut

pas

s'avancer plus

loin,

ni

rien y ajouter

» (IV,

2-3).

L'eucharistie

(3)

rend présente la réconciliation

: « Le

Christ nous

réconcilie

avec Dieu,

non

pas

seulement

la

nature

humaine

en

général ,

et

non

pas uniquement au moment où

il

est

mort,

mais

il

réconcilie

à

tout instant chacun

des

hommes

:

de même

qu'il

le fit autrefois

en étant

crucifié,

il le fait aujourd'hui en

nous nourrissant

somptueusement, chaque fois

que

nous le lui

demandons

en

regrettant nos

péchés

»

(IV,

15).

Si tels sont

les

dons de Dieu,

qu' est-il demandé aux

chrétiens

?

«

Nous

sommes tous tenus

non d'apporter

les

fruits de

la

sagesse

humaine,

ni

de tenir bon jusqu'aux combats suprêmes du martyre,

mais

de vivre cette

vie nouvelle

qu'est la

vie en

Christ

»

(IV, 80).

Les saints mystères préparent les

chrétiens

à la

Parousie : «

Car

ce

pain-là,

ce

corps

qu'ils auront emporté de la sainte Table

en

quittant ce monde,

quand

ils

arriveront

là-bas,

c'est

lui

qui

paraîtra

alors

aux yeux de

tous

sur

les nuées

(IV, 102). Ils passeront d'une table

à

une

autre

table,

de

la

table

voilée

à

la

table

dévoilée,

du pain au corps

»

(IV, 106).

Livre V. Quel achèvement la

consécration

de

l'autel

apporte

à

la

vie

en

Christ.

Méditation

mystagogique sur la consécration de

l'autel.

Livre VI. Comment garder la vie

en

Christ que nous avons reçue

des

mystères.

Pour que le don de Dieu

porte

ses fruits,

la

coopération

des

chrétiens à

la

vie en

Christ

est

nécessaire.

N.

Cabasilas développe

ce

point

(3)

L auteur

ne

décrit

pas

le

rituel

de l eucharistie,

comme

il

le

fait

pour

le

baptême et la chrismation, sans doute

parce

qu'il l'a déjà commenté

dans

l autre ouvrage,

(Explication)

de la Divine Liturgie.

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N.

CABASILAS

ET

I. DE LOYOLA 231

dans un

discours éthique, sur

la

volonté :

«

Celui

qui

a résolu

de vivre

en

Christ doit

en conséquence être

rattaché

à ce

cœur et

à

cette tête.

. . ,

exercer

sa

volonté

à

vouloir

ce

que

veut

le

Christ

»

(VI, 7). Le

moyen

pour

y parvenir, c'est

la

méditation : « Le

principe de toute action,

c'est le

désir,

le

principe du désir,

c'est

la pensée. Ce

à quoi il faut

donc s'exercer

avant tout, c'est à

détourner l'œil de

l'âme

des

vanités,

en

ayant à tout instant le cœur rempli de bonnes imaginations.

Méditer

sans cesse et ruminer dans son âme

les choses

du Christ devient

la

cause et le principe de

la

pratique

des

commandements. . . (VI, 9-10)

Epris d'un amour si violent, nous

mettrons en œuvre ses

commandements et nous partagerons sa volonté

»

(VI, 19).

La méditation est

à

la

portée

de tout

chrétien,

quel

que

soit son

genre de vie

ou

sa profession

;

elle n'oblige

à

aucune disposition

particulière (VI, 42). Comme l'enseigne la Bible, elle a

pour

nourriture

la

Loi, lue à présent

dans l'Esprit, c'est-à-dire

l'œuvre

de

Dieu,

économie du

salut,

en laquelle est

manifesté

l'amour sans

limite

du

Christ

pour

l'humanité

(VI,

39).

La méditation

conduit

à

vivre les

Béatitudes, à partir d'une contemplation du Christ,

qui

a d'abord

réalisé

chacune des Béatitudes

en lui-même (VI,

49 svv.).

Livre VII.

Ce

que

devient

l

initié

qui

garde

par

sa

ferveur

la

grâce

qu

'il a reçu

des

mystères.

Le

propos de

ce

dernier

livre

est annoncé

en ces termes :

«

II

nous

reste maintenant

à contempler,

dans son

intégrité, cette vie

qui

a pris

consistance,

à

montrer quel

est

le résultat de cette

action

commune

et

de

quelle façon

la

vertu

humaine

tout entière peut

collaborer

avec

la grâce

» (VII,

1). Aussi

le

but

vers lequel

tendent tous les bienfaits

de

Dieu

est-il que la volonté

des

chrétiens

«

soit bonne et tournée vers

Dieu seul, c'est cela

la

vie bienheureuse

»

(VII, 5-6).

Cette

orientation vers

Dieu

engendre

à

la fois la vraie tristesse,

qui

s'afflige

de

ce

qui

déplait à Dieu, et

la

vraie joie en Christ,

«

joie

continue et solide,

extraordinaire

et admirable, parce que le chrétien

est

à tout instant en

contact avec

ce

qui appartient

à

l'aimé

:

ceux

qu'il

rencontre

à

chaque moment,

ce qu'il

utilise

pour

son

corps,

ses

pensées,

ce

qui

le soutient, ce

qui

le

fait

vivre, subsister

et

agir, tout ce

qu'il

a et

tout ce qu'il

est. Il sait

que tout

est

l'œuvre

de

Dieu

et

que

tout

est

en relation continue avec lui : aussi tout

maintient

en

lui le

souvenir de

Dieu » (VII, 57).

N.

Cabasilas

conclut en montrant

que la

vie en Christ, c'est

la

charité.

«

Elle

est

union à Dieu et c'est cela

qui est la vie, de même

que

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232 M. METZGER

la

mort,

nous le

savons,

et séparation d'avec Dieu... Qu'est-ce donc

qui

mériterait, plus que

la charité,

le nom de vie ?

»

(VII, 107, 109).

Traits

caractéristiques

de la tradition représentée par Cabasilas

Dans

son commentaire mystagogique

(Explication)

de la Divine

Liturgie,

XXXVIII,

N.

Cabasilas

présente ainsi

la

vie en

Christ

:

«

L Eglise

est

signifiée dans

les

saints

mystères.

. , comme dans le cœur

sont signifiés les membres, comme

en

la racine d'un arbre

ses

branches

et, selon

l'expression du

Seigneur, comme

en

la

vigne

les

sarments.

En effet, les saints mystères sont le corps et le sang du Christ,

qui

pour

l'Eglise

du

Christ

sont

véritable

nourriture

et

véritable

breuvage. En y

participant,

ce n'est pas elle

qui les transforme

au corps

humain,

comme

nous faisons pour

les

aliments ordinaires, mais c'est

elle-même qui

est

transformée

en eux... Les

fidèles vivent dès

maintenant, par ce

sang, la

vie dans le Christ, dépendant

réellement de

cette

Tête, et étant

revêtus

de ce Corps, il n'est donc pas hors de propos

de

voir

l'Eglise signifiée par

les

divins mystères.

»

Tout le dynamisme du

mystère chrétien

est exprimé en ces

quelques lignes

:

la

vie en

Christ naît des saints mystères et croît

par

eux,

elle

se

nourrit

de

la Parole

par

laquelle

Dieu

s'est

révélé

(comme

le

suggère

le

langage biblique de

ces

lignes), elle est

ecclésiale,

elle

informe l'existence des croyants.

Médiation absolue

et unique des

mystères

Outre

les extraits transcrits

plus

haut,

ces

deux autres

passages

de

La

vie

en Christ manifestent

à

l'évidence la place

des

saints mystères

ou de

la

liturgie

dans

l'économie chrétienne :

— III, 18 :

«

II n'est aucun

bien,

non,

aucun,

qui

soit accordé aux

hommes une fois réconciliés avec Dieu, et qui

ne leur

soit

procuré

par celui

qui

est

établi pour nous médiateur

entre Dieu

et les hommes

(cf.

/ Tim. 2,5) ; or

rencontrer

le médiateur, le saisir, recevoir

ses

bienfaits,

rien d'autre

absolument

ne

nous

le donne que

les

mystères.

Ce sont

eux qui

nous apparentent à

son

sang, et

qui nous

font partager

les grâces

qu'il a

reçues

par sa

chair et les souffrances

qu'il a

supportées »

(cf.

I

Pierre 4,13).

VI, 104

: «

Si nous sommes

ainsi

unis

au

Christ

par

la

célébration, par

les prières,

par

la

méditation et par

les pensées, nous

exercerons

notre âme à

toute

vertu, nous

garderons le dépôt

(I Tim.

6,20

;

II Tim.

1,12.14),

comme nous

le

demande

Paul,

et nous

conserve-

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N.

CABASILAS

ET I. DE LOYOLA 233

rons la grâce

déposée en

nous

par

les mystères.

De même qu'il

est

à

la

fois celui

qui célèbre

et le

mystère

lui-même,

de

même lui seul

garde

en

nous

ce

qu'il

nous

donne

et

nous

dispose

à

demeurer

dans

la grâce que nous avons reçue

: Sans moi, dit-il en effet, vous ne

pouvez

rien

faire »

(Jn

15,5).

On

reconnaît

ici

le

christocentrisme de la tradition

représentée par

N.

Cabasilas

:

l'incarnation du Christ, qui agit

par

les saints

Mystères,

est

le chemin du salut

et,

par

conséquent, de la

divinisation

des

chrétiens. Cette tradition exprime d'une façon éminente

la

communion

des chrétiens avec

le

Christ, dont ils

sont le corps ;

les extraits

réunis

ci-dessus

sont suffisamment

éloquents

et

présentent

une

large

palette de

comparaisons exprimant cette

communion (4) : corps,

assimilation de

la

nourriture,

modelage

de l'argile,

réceptable,

temple,

etc.

Dimension ecclésiale

Tout au

long

de l'ouvrage, le propos de N. Cabasilas est

presque

exclusivement

à

la

première

personne du pluriel, ce

qui

manifeste déjà

la dimension communautaire de la vie

en

Christ. Je n'ai relevé que

trois

passages

à

la première personne du singulier,

en

observant,

cependant,

que

l'auteur

revient aussitôt

au pluriel

:

II,

33

et VI,

48

mon

salut »), IV,

27

(« ma langueur »).

Quand

il fait s'adresser Dieu aux

fidèles,

c'est

encore au pluriel :

«

Je ne vous demande

en

échange rien

de

plus

que

de

m

aimer

» (VI, 40). Cette

spiritualité est

fondamentalement ecclésiale :

l'union

à

Dieu n'est pas une voie solitaire, elle naît

de la célébration

des

saints mystères, lieu éminemment ecclésial.

Enracinement biblique

Les extraits proposés

plus

haut

ont

déjà fait apparaître combien la

pensée

de N.

Cabasilas

est nourrie

de la Bible.

Contentons-nous ici,

d'un critère externe

:

l'étendue de

l'index

scripturaire dans le volume

SC 361.

Cet index couvre

10 p.,

soit

20

colonnes.

L'Ancien

Testament occupe 5

colonnes,

les Psaumes couvrant presque deux

colonnes,

les

références aux

évangiles

s'étendent sur

un peu

plus

de

(4) Ce sentiment si profond,

chez

les Byzantins, de l inhabitation

du

Christ est

peu compatible avec les dévotions latines de l exposition du Saint

Sacrement,

lesquelles consistent,

il

faut bien

l admettre,

à extérioriser la présence du Christ par rapport

aux chrétiens,

alors

que le symbolisme de la

nourriture

est

pourtant

celui de

l assimilation

et

de

la

communion,

comme l exprime

le

discours

sur

le

Pain

de vie.

L'icône,

dans

les Eglises

d Orient,

a

une tout

autre fonction,

en tant qu'elle nourrit

la

méditation des

mystères de

l économie

du salut.

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234

M. METZGER

6 colonnes,

Jean en

occupant près de

3.

A

titre

de comparaison, dans

l'édition

du traité Sur

le

Saint-Esprit, de Basile de

Césarée

(SC 17bis),

texte

plus

volumineux,

l'index

scripturaire ne

compte

qu'un

peu

plus

de 5 p.

Place de la

méditation

On

apprécie,

chez N. Cabasilas, toute la richesse d'une

contemplation nourrie

de la

Bible et

qui

réunit, en une

synthèse admirable, les

annonces

prophétiques

et les révélations

sur

la

vie en Christ, toujours

en lien avec

les saints

mystères.

Nombreuses

sont

les

pages de

méditation aimante, contemplant

les initiatives du Christ dans son

incarnation

(par

ex.

IV,

91

;

IV,

96 svv.).

Quant

aux

effets

de

cette

méditation,

ils

sont ainsi

décrits :

«

Tout d'abord, quand l'âme est

occupée par

les bonnes réflexions, elle donne congé aux mauvaises, et

par

suite

elle garde pur de toute infirmité le rayonnement

issu

des

mystères,

ce

qui nous

procure

une masse de toute sorte de

biens,

sans

que

nous

ayons eu à

nous donner de la

peine, ensuite, il est

forcé

que ces

pensées elles-mêmes, par

les

remèdes

qu'elles apportent,

produisent

leurs

fruits et opèrent dans

le

cœur les

meilleurs effets » (VI, 46).

L

'unité

de la

vie

chrétienne

Le titre que N. Cabasilas

a

donné

à

son

ouvrage n'est pas usurpé,

l'auteur

traite

effectivement

de la vie

des

chrétiens :

qu'on

en juge,

d'après

la

table du vocabulaire

grec,

par

les

nombreux

emplois des

mots zaô et zôè (5). Il

ne

s'agit

pas

seulement

d'un commentaire

liturgique ou théologique, mais

l'auteur

explique en

quoi les saints

mystères, en

particulier la chrismation,

informent

toute la vie

en

Christ et

l'orientent vers

«

l'existence

future

».

Autrement dit, cet ouvrage traite

aussi de l'éthique,

mais

sans la séparer

des

autres dimensions de

l'existence

chrétienne.

Actualité et

intérêt

théologique de l'œuvre

La pensée et

le

témoignage et

N. Cabasilas pourraient

éclairer

utilement bien

des

recherches théologiques actuelles dans

l'Eglise

latine.

Je signalerai

ces

quelques

pistes, à

titre

d'exemples

significatifs :

(5) Cela contrairement à de

récentes

publications de

vulgarisation

théologique,

les

termes

«

vie

»

et

«

vivre

»

ne

figurent

que

dans

le

titre

et

ensuite

sont

à-peu-

près

complètement

absents de l intitulé des

chapitres

: « Pour vivre la liturgie

»,

« Pour

vivre les sacrements

»,

etc.

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N.

CABASILAS

ET

I. DE LOYOLA

235

Les effets de la chrismation

dans le

cas du

pédobaptisme :

l'intervalle

entre

les

dons

reçus

des

saints mystères et la

mise en œuvre

de

leurs

effets.

— Les

liens

entre baptême

et chrismation

: « Le baptême est

Chrismation parce qu'il grave en ceux qui le

reçoivent

celui qui a

été chrismé

pour nous,

le Christ, et

il

est un

Sceau

qui imprime

le

Sauveur lui-

même » (II,

17),

— L'eucharistie

est

un

remède

contre le péché (IV, 19) ; les

pénitences

des

chrétiens

«

ont

besoin

du sang de

la

Nouvelle Alliance et

du corps immolé,

sans

lesquels rien de tout cela n'est d'aucune

utilité. »

(IV,

21) ; le

pardon

ne

porte

ses

fruits

que par

la

participation

au

banquet

sacré,

«

le

seul

remède

qui

soit

pour

les

maux

des

hommes »

(IV, 22-23).

II. La

spiritualité ignatienne

Lire les Exercices sprirituels de

saint Ignace

de Loyola

(6) après

avoir étudié La vie

en

Christ de

N. Cabasilas, cela

provoque de

cruelles déceptions : quelle

différence

de

tonalité

entre

les deux pensées,

mais

aussi, quelle pauvreté, chez Ignace, par rapport

à

l'immense

Tradition

biblique,

liturgique

et

patristique

dont

N.

Cabasilas

est

un si

éloquent

témoin

En effet, si chez Ignace de Loyola

on reconnaît

des intuitions

admirables, une générosité et une disponbibilité merveilleuses,

on

admettra aussi

les

graves

handicaps qui l'ont

limité

dans

sa découverte

de

l'héritage chrétien, en

raison

de l'état

des institutions

de l'Eglise

catholique à cette époque. Ignace est

un converti,

certes très fervent,

soucieux

de réforme dans

l'Eglise, mais,

n'ayant pas été suffisamment

nourri par la

Tradition,

il transpose surtout

ses

expériences

antérieures

dont

celles

d'origine

militaire,

dans

son

nouvel engagement.

Les Exercices spirituels

Pour

qui

a

goûté

le

climat

joyeux

de

La

Vie

en

Christ, la tonalité

des

Exercices spirituels paraît presque lugubre

:

cette

insistance sur

le

péché et

l'enfer,

sujet qui

occupe

toute une

semaine,

soit un quart

du temps, cette injonction de s'isoler de

ses amis,

ces distinctions

subtiles,

ces classifications,

ce vocabulaire

matérialisant,

ce souci de

(6) Edition de E. GUEYDAN

et

collab., collection

Christus

61,

Paris

1989.

Les

références entre

parenthèses renvoient

aux

paragraphes de

cette

édition.

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236 M. METZGER

l'efficacité,

qu'on

est loin

de la

tonalité d'action

de grâces qui

parcourt

toute la tradition byzantine

— Le salut

Sans doute inspiré par quelque

iconographie

contemporaine,

telles

les visions

triandriques, Ignace

imagine

une délibération

de la

Trinité

aboutissant

à l'envoi

du Fils

sur terre, en raison

du péché

(Exercices

102). Les méditations

qui

suivent, sur

les

«

mystères de la

vie du

Christ

», ne

prennent

en

considération

que

les actions

du

Sauveur et

réduisent son enseignement

à

quelques

lignes,

qui ne

représentent

même

pas

l'équivalent

des

lectures

dominicales

de la

messe

à

cette époque.

Quant

à l'Ancien Testament, il me paraît

totalement

absent

des

Exercices.

— Une ignorance presque totale de la vie liturgique

Dans

les Exercices, rien

n'est

dit

sur

la célébration

eucharistique,

qui

est pourtant

sommet

et

centre

de

la

vie

de

l'Eglise. La

messe

n'est

évoquée

que

comme

repère horaire

et

il

n'est fait mention

que

de la

pratique de la confession générale et de la démarche de communion

individuelle,

toutes

deux

présentées

comme des

moyens

(44).

Une démarche individuelle

Chez

Ignace,

la dimension communautaire,

essentielle au

mystère

ecclésial,

semble absente ;

quand

il concerne les fidèles, le propos est

toujours formulé au singulier, alors que

chez

N. Cabasilas il

est

au

pluriel,

comme on

l a

signalé

plus

haut.

Christocentrisme

ou

anthropocentrisme

?

La spiritualité

ignatienne est-elle christocentrique ? Dans

un

certain

sens,

oui.

En fait, elle

est

d'abord anthropocentrique

:

dans les

Exercices,

c'est le plus souvent le

fidèle, et

non

pas Dieu, qui

a

l initiative. Cela apparaît déjà

dans

le « Principe

et fondement

» (23),

puisque le point de départ

de toute la

réflexion est

une

définition

anthropocentrique, où l'homme

est

situé par

rapport

à Dieu et

caractérisé

par sa fin,

selon

une

mentalité soucieuse

d'action

et

d efficacité. Alors que dans

la

tradition biblique, liturgique et patristique, tout

commence

par une contemplation de

Dieu,

par

laquelle l'homme

prend

conscience

d'abord de

l'antériorité absolue

de

Dieu

et

reconnaît

que

lui-même

n'existe que

par

la grâce

de Dieu.

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N.

CABASILAS ET I. DE LOYOLA 237

— Comment

Ignace

se représentait-il

la

relation à Dieu ?

Comment

Ignace

considère-t-il

la

relation

de

Dieu

au

monde,

à

l'Eglise,

à

chaque homme

?

De

façon habituelle, N. Cabasilas

prend

en considération

la

présence du

Christ

en nous.

Ignace,

par

contre,

se pose

davantage

vis-à-vis

de Dieu,

même s'il reconnaît que le

chrétien est temple

de

Dieu ;

dans

son

langage, l'homme agit

pour Dieu,

bien

plus qu'il ne

s'associe

à l'action du

Christ

en lui.

— Le vocabulaire ignatien

Ignace utilise certains termes du vocabulaire chrétien

dans

un sens

anthropocentrique

qui

n'est

pas

celui

de la Bible,

de

la

liturgie

et

des

Pères : élection, gloire, sanctification.

Dans

la

révélation

biblique,

l'élection et la

sanctification sont

d'abord des initiatives

divines, au

bénéfice

des

croyants.

Quant

au vocabulaire de l'offrande, il faut d'abord noter sa

rareté

dans le langage biblique, car dans le

mystère chrétien,

l'offrande est

unique,

celle du Christ. Une

enquête dans la

Concordance

de la

Bible

de

Jérusalem le montre :

on

constate d'abord une importante

différence

entre

les

deux Testaments :

offrande

:

200 occurences

dans

l AT,

14

dans

le

NT,

offrir

: 390

dans

l AT,

49 dans

le

NT,

dont

22 dans Hébr.

Mais

même

dans

le

NT, les emplois de

ce

vocabulaire dans un sens

cultuel se rapportent majoritairement aux institutions juives. Voici une

des rares

évocation

de l'offrande

des chrétiens

:

«

je

vous exhorte...

à

offrir

vos personnes

en

hostie vivante, agréable

à

Dieu : c'est là le

culte

spirituel que

vous avez

à

rendre.

»

(Rom. 12,1

;

cf. aussi Rom.

15,16

;

Phil.

2,17).

Or

il

s'agit

de l'incorporation au Christ,

suite

au

baptême

:

elle

nous

associe

à son

offrande.

Présentation

récente de la spiritualité ignatienne

Tenant compte de la dépendance d'Ignace par

rapport

à

la

culture

chrétienne de son temps, j ai vérifié comment

ses

héritiers

ont

adopté

la

présentation

de sa

spiritualité.

Etudiant une parution récente (7),

j ai bien

constaté

un

certain

progrès, mais la différence avec les écrits

de

N.

Cabasilas

est

encore importante sur

plusieurs

points :

(7) J. C. DHOTEL,

La

spiritualité ignatienne. Points de repère,

Supplément

à Vie

chrétienne

n° 347.

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http://slidepdf.com/reader/full/articlerscir0035-22171991num6533175 13/14

238 M. METZGER

— La Bible n'est pas

encore

à sa place : elle n'est pas

la

source

principale

de la

réflexion

;

ses

extraits

ne

sont

proposés

que

comme

des

lectures complémentaires, alors

que

la catéchèse chrétienne

élémentaire devrait

d'abord

commenter

l'enseignement

évangélique et

prophétique.

— Il n'est pas fait mention de l'économie, ou

de

l'histoire, du salut,

notions

absentes ;

les

étapes de

l'Ancien

Testament sont ignorées ; seul

la phase ultime

du salut est

évoquée, et cela,

en

des expressions

réductrices, telle que

«

la

descente

de

Dieu au cœur

des

créatures en Jésus

Christ

»

(p.

61).

La

liturgie

n'est guère

mieux

traitée

(8)

:

l'eucharistie

n'est

présentée que sous des aspects très limités,

essentiellement en tant

que

Présence réelle (p. 22-24) et par le commentaire de quelques termes

du

vocabulaire

eucharistique. Mais rien n'est

dit de

sa dimension

ecclé-

siale, ni

des prières eucharistiques

(9). Considération

plus

décevante

:

l'eucharistie,

qui

est pourtant le

sommet

du

mystère

de l'Alliance et

de la

vie

de l'Eglise,

est

encore classée

parmi

les

«

simples

moyens »

(p.

65)

L'ecclésiologie

:

dans

l'inventaire

des fondements de la

spiritualité

ignatienne

(p.

30),

on

ne

trouve aucune mention de l'Eglise.

Souhaits

En comparant les

deux

spiritualités,

celle

de

N. Cabasilas

et

celle

d'Ignace de Loyola, il faut bien avouer que seule la

première est

fidèle

à

la tradition biblique,

liturgique

et

patristique,

et que les réformes

du

concile

Vatican

II

se situent

dans cette

ligne-là. Il convient donc

d'étendre

le bénéfice

de

ce

renouveau

général

de

l'Eglise

catholique

également

à

la

spiritualité.

Car

la

réforme

liturgique ne peut réussir

(8) Dans

Ecritures. Chemins

actuels du livre

religieux, n°

6

(1991), p.

12, la

spiritualité

ignatienne

est

présentée comme

expérience

de

liberté, en

ces

termes : « Pour

suivre le

Christ, les chrétiens

ne

sont astreints — à

l intérieur

du respect

des

commandements — à aucune

règle extérieure. Saint Ignace

a

refusé

la vie

monastique,

les observances,

le

chœur : chacun doit trouver,

discerner sa propre règle. » Que

le

chœur, c est-à-dire la liturgie chorale des Heures,

soit

ravalé au rang de « règle

extérieure

»,

cela témoigne

d une

absence totale du sens liturgique

et

du sens de

l Eglise

locale.

(9)

Voir

par contre

C.

GlRAUDO,

SJ,

Eucaristia per la Chiesa.

Prospettive

teo-

logiche suW

Eucaristia

apartire dalla «lex

orandi», Bescia et

Rome 1989 ;

ID.,

« Vers

un traité de l Eucharistie

à

la fois ancien et

nouveau

», dans Nouvelle Revue

théologique 112

(1990),

p. 870-887.

7/25/2019 article_rscir_0035-2217_1991_num_65_3_3175

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N.

CABASILAS

ET

I.

DE LOYOLA 239

que si elle

entraîne

une révision de

tous

les courants spirituels

qui

se

sont développés en dehors

d'elle.

Notre accès,

toujours plus

large,

à

la riche tradition chrétienne de

l'Occident et de l'Orient,

ne

doit pas

rester

une simple jouissance

littéraire ; il doit conduire à

des

révisions et on ne peut prendre

prétexte

du

pluralisme

des

spiritualités

pour

maintenir des expressions

trop

peu

conformes au

mystère chrétien. Il

faut

accepter de corriger des

formulations et

des conceptions

par trop tributaires

de contingences

historiques et de mentalités

mal

équilibrées.

J'en viens à

un premier

souhait. Puisque, au cours de

leur histoire,

les

jésuites

ont

su

lire

les

signes

des

temps

et

opter

courageusement

pour

les

missions où l'Esprit appelle l'Eglise, j'espère

qu'ils

sauront

aussi rénover l'ensemble de la

spiritualité

ignatienne (10),

dans

l'esprit

du concile Vatican II,

en

donnant

à

la liturgie

sa

place centrale et

en

optant

pour

une formulation communautaire, et non pas individuelle

de la

prière, selon

la

grande

tradition liturgique. Les nombreuses

congrégations

religieuses, séminaires

et groupements de

fidèles, qui

s inspirent de cette spiritualité,

ne pourraient qu'en profiter, car cela leur

apporterait

plus

d'unité et de cohérence

pour

la

vie en

Christ.

Un

second

souhait

:

que

la nouvelle

édition

de

La

Vie

en Christ,

de

Nicolas

Cabasilas,

trouve

la

plus large

audience dans

l'Eglise

latine,

car il

s'agit là

d'un guide

parfaitement

valable pour

nos communautés

chrétiennes,

en

notre

temps

(11).

Marcel Metzger

5, rue de

l'Eglise

67310 Bergbieten

(10) Et que

l'on

trouve mieux que

le

terme «

Exercices

»

(1 1)

P.

331

du

premier

volume

(SC

355),

un

membre

de

phrase

a

été

omis

dans

la traduction ;

il

correspond à la

ligne

8 du texte grec ; lire

ainsi

: « lui grâce à qui,

en effet, de morts ils

sont

devenus

vivants, d'insensés...

».