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  • Aspects mdicolgaux : responsabilitmdicale

    S Gromb

    Rsum. Les problmes de responsabilit ont tendance saccrotre en France et, dans ce contexte, il estincontestable que les actes dpourvus de but curatif sont, pour les praticiens, plus dangereux en termes deresponsabilit que les actes durgence ou de ranimation.Cet article prcise, dans une premire partie, les contours gnraux de la responsabilit juridique, puis dcritles diffrentes tapes de ltude mdicolgale dun dossier.Des concepts tels que la qualification du mdecin, les rgles de scurit, le consentement clair du patient etla ralisation de lacte technique sont dvelopps.Contrairement une ide rpandue en matire dactes vise esthtique, la rgle reste lobligation demoyens et non lobligation de rsultats. Cette obligation est cependant plus svrement juge, notamment ence qui concerne les critres dinformation, de prudence et de conseil. Le rsultat ne doit pas se traduire par uneaggravation de ltat du patient. 2000 Editions Scientifiques et Mdicales Elsevier SAS. Tous droits rservs.

    Mots cls : responsabilit mdicale, dermatologie esthtique.

    Introduction

    Notre droit protge la personne humaine en organisant la rpressionde toutes les atteintes non justifies. Aussi, lorsque les mdecinsportent atteinte lintgrit physique de leurs patients, agissent-ilsdans le cadre de lautorisation de la loi qui repose sur deux pierresangulaires : la poursuite dun but thrapeutique et le respect duconsentement du patient.

    Ces deux lments constituent la base de la justification de tout actemdical, comme le prcise larticle 16-3 du Code civil (1) :

    Il ne peut tre port atteinte lintgrit du corps humain quencas de ncessit thrapeutique pour la personne. Le consentementde lintress doit tre recueilli pralablement hors le cas o son tatrend ncessaire une intervention thrapeutique laquelle il nest pas mme de consentir.

    De surcrot, la mdecine est pratique dans un contexte juridiquecomplexe qui saccompagne depuis quelques annes derglementations scuritaires. Ces dernires doivent tre connues despraticiens, pratiquement au mme titre que les donnes acquisesde la science .

    Or, comme tout acte effectu par un mdecin, une prescription ouune intervention en dermatologie peut tre source de responsabilit

    (1) Loi n 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain (dite loi de biothique).

    Sophie Gromb : Mdecin lgiste, expert prs la cour dappel de Bordeaux, docteur en droit priv, responsabledu dpartement de mdecine lgale et de droit mdical au centre hospitalier universitaire Pellegrin, placeAmlie-Raba-Lon, 33078 Bordeaux, France.

    pour le praticien. Avant dtudier prcisment les lments de cettemise en cause, il convient de rappeler que le vocable responsabilit recouvre des concepts trs diffrents.

    Diffrentes responsabilits

    Dune manire gnrale, la responsabilit consiste rendre comptede ses actes et en assumer les consquences. Dans le domainemdical, on distingue la responsabilit disciplinaire, la responsabilitpnale et la responsabilit indemnitaire, qui rpondent chacune des idaux et des rgles distinctes.

    RESPONSABILIT DISCIPLINAIRE

    Elle se rvle tre une source de contentieux importante dans cettespcialit. Rappelons que les juridictions de lOrdre des mdecinssont charges de contrler la probit des membres de la professionet de garantir une certaine qualit des services rendus, tant au pointde vue technique quau plan humain. Le code de dontologie sertde base leur intervention.Tout patient mcontent peut sadresser au conseil dpartemental delOrdre qui transmet laffaire la premire instance disciplinaire, leconseil rgional. La procdure est totalement interne, le patientntant entendu qu titre de tmoin. La faute disciplinaire estimprescriptible, ce qui signifie quune action peut tre intente sanscondition de dlai.Parmi les articles particulirement viss, nous citerons :

    larticle 70 du Code de dontologie mdicale (2) : tout mdecin

    (2) Dcret n 95-1000 du 6 septembre 1995.

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    Toute rfrence cet article doit porter la mention : Gromb S. Aspects mdicolgaux : responsabilit mdicale. Encycl Md Chir (Editions Scientifiques et Mdicales Elsevier SAS, Paris, tous droits rservs), Cosmtologie etDermatologie esthtique, 50-270-A-10, 2000, 6 p.

  • est, en principe, habilit pratiquer tous les actes de diagnostic, deprvention et de traitement. Mais il ne doit pas, sauf circonstancesexceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins ni formulerdes prescriptions dans les domaines qui dpassent sesconnaissances, son exprience et les moyens dont il dispose ;

    larticle 41 : aucune intervention mutilante ne peut tre pratiquesans motif mdical trs srieux et, sauf urgence ou impossibilit,sans information de lintress et sans son consentement ;

    larticle 40 : le mdecin doit sinterdire dans les investigationsou les interventions quil pratique, comme dans les thrapeutiquesquil prescrit, de faire courir au patient un risque injustifi ;

    larticle 47, al 2 : hors les cas durgence et celui o il manquerait ses devoirs dhumanit, un mdecin a droit de refuser ses soinspour des raisons professionnelles ou personnelles .La responsabilit disciplinaire est autonome par rapport aux autresresponsabilits et sa mise en uvre nexclut pas pour le malade lapossibilit dexercer simultanment des poursuites judiciaires.Toutefois, la norme dontologique tend tre intgre dans le droit :un rcent arrt de la Cour de cassation en matire civile sestentirement fond sur un article du code de dontologie pourqualifier de fautif le comportement dun mdecin qui avait faitcourir des risques injustifis un de ses patients (3).Parmi les lments systmatiquement vrifis dans les affaires enresponsabilit, figure la comptence du praticien.La spcialit de dermatologie sacquiert soit par lobtention dundiplme dtudes spcialises, soit par la voie de linternat qualifiant(loi du 23 dcembre 1982), soit par la reconnaissance de laqualification par lOrdre des mdecins (anciens CES). Ainsi, lacomptence esthtique dcoule quasiment de la qualification endermatologie, mais elle est dautant plus assise et reconnue que lespcialiste complte sa formation par des tudes appropries, lafois thoriques et pratiques.La limite de comptence des dermatologues et chirurgiensplasticiens relve en outre du respect des rgles relatives la scuritde leurs interventions.Il sagit en premier lieu de respecter tout particulirement le rapportrisque-bnfice de lacte (cf infra). Mais les rgles de scuritconcernent galement :

    les matriels utiliss (art L 665-1 et suivants du Code de santpublique relatifs aux dispositions concernant lhomologation desproduits et dispositifs mdicaux) ;

    les conditions des interventions qui doivent respecter lesdispositions relatives la scurit anesthsique prvues par le dcretdu 5 dcembre 1994 (liposuccion par exemple) ;

    les tablissements de sant, publics ou privs, doivent en outreobtenir des autorisations pralables (art L 712-8 du Code de santpublique).Dune manire gnrale, ces aspects scuritaires prennent uneimportance croissante, comme en tmoigne la jurisprudenceexigeante, tant en secteur public quen secteur priv (cf infra). Ceci adailleurs incit rcemment le gouvernement laborer un projet deloi visant dfinir les conditions que devront remplir lesprofessionnels et dfinir prcisment lenvironnement despratiques.Il est vident que ces diffrents aspects sont tudissystmatiquement en cas de problme mdicolgal.

    RESPONSABILIT PNALE

    Elle traduit la rponse de la socit face une action qui met enpril les valeurs qui assurent sa cohsion. Son but est dassurer larpression en punissant le dlinquant . Ds lors, il sagit duneresponsabilit personnelle qui nest pas assurable.

    (3) Cass. Civ 1re, 27 mai 1998, Mdical de France c/Klingelschmitt, n 939 P faisant rfrence larticle 18 du Code de dontologie mdicale.

    On ne peut empcher quiconque de porter plainte, en particulierlorsque le dommage est grave. Le procureur de la Rpublique peutgalement se saisir doffice, le cas chant.Toutefois, fort heureusement, les rgles du droit pnal sont trsstrictes, et si un lment vient manquer dans ltude du dossier, laculpabilit du mdecin ne peut pas tre prononce. Ainsi, en cas dedoute, il y a un non-lieu ou une relaxe. Cest notamment le cas defautes non caractrises ou de liens de causalit non vidents ouindirects entre le dommage et la faute ventuelle.Les poursuites pnales se fondent trs strictement sur des textes quidcrivent certains comportements et prvoient des sanctions (doladage nullum crimen nulla paena sine lege ).Les incriminations qui peuvent sappliquer plus particulirementdans notre domaine concernent les atteintes involontaires, allant desblessures lhomicide par maladresse, imprudence, inattention,ngligence, ou manquement une obligation de scurit (titre II duCode pnal). Sans oublier linfraction de mise en dangerdautrui , introduite dans le nouveau Code pnal le 1er mars 1994.Cette mise en danger rsulte du manquement dlibr uneobligation de scurit ou de prudence, impose par la loi ou lesrglements. Selon le cas, elle peut tre une circonstance aggravantede latteinte lintgrit dun patient, mais il peut aussi sagir duneinfraction autonome ncessitant la runion de trois lments :

    lexistence dun texte lgal prvoyant lobligation de scurit oude prudence : dcrets ou arrts, par exemple en matire de scuritdu matriel mdical ;

    llment matriel : le risque encouru doit tre immdiat (parexemple risque de dcs ; cependant, le dommage peut tre unaccident retard). Dans un tel cas, la question que posent lesmagistrats aux experts porte sur lobjectif de la rgle de scurit etsur les consquences possibles de son inobservation, ainsi que surleur probabilit ;

    llment moral est le caractre dlibr de linfraction. Pour trepoursuivi, un mdecin doit indiscutablement avoir viol la rgle descurit, ce qui prsuppose quil avait connaissance du rglementviol. Mais plaider lignorance en la matire ne parat pas unedfense possible.

    RESPONSABILIT INDEMNITAIRE

    Le but affich de la responsabilit civile - au sens large - estdindemniser les victimes, cest--dire de leur verser une sommedargent destine les ddommager.Cette indemnisation peut intervenir dans le cadre dun contentieuxamiable dans lequel intervient lassureur de responsabilit civileprofessionnelle du mdecin directement auprs de la victime, pourfaire une transaction. Elle peut galement tre prononce par lestribunaux de lordre judiciaire ou administratif, selon le rgimejuridique des soins (secteur libral ou secteur public).Contrairement la responsabilit pnale, trs strictement apprcie,la responsabilit civile peut tre prononce en empruntant plusieurstypes de raisonnement diffrents, plusieurs thories tant ladisposition des magistrats.Ainsi, lorsque la faute nest pas nettement caractrise ou que le liende causalit est incertain, peut-on tre condamn indemniser unprjudice spcifique (aux contours assez vagues), connu sous le nomde perte de chance , ce qui est impossible devant les juridictionsrpressives.Nous rappelons pour mmoire que la relation juridique entremdecin et patient est soit un contrat de droit priv lorsque lacte sedroule dans un contexte libral, soit une relation statutaired usager du service public dans laquelle, au strict point de vuejuridique, il noue une relation non plus directement avec le mdecinmais avec ltablissement public.Dans tous les cas de figure, le mdecin est tenu dune obligation demoyens au cours des soins dlivrs son patient. Ce principe duneobligation de moyens reste la rgle, ce qui est trs important au plande la procdure :

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  • en effet, lorsque le dbiteur est tenu dune obligation de rsultats,sa responsabilit est engage par le simple fait de pas atteindre lersultat promis ;

    alors que pour mettre en uvre la responsabilit fonde sur uneobligation de moyens, il faut prouver que la praticien a commis unefaute.Cest bel et bien dans ce contexte dobligation de moyens quesexerce la dermatologie, ft-elle vise esthtique, mme silobligation de moyens est sans conteste renforce et juge avecsvrit.Dune faon gnrale, quel que soit le cadre juridique dans lequelexerce le dermatologue, public ou libral, sa responsabilit peut tremise en cause dans deux cas :

    soit parce quil na pas respect une obligation formelle, dcoulantdes textes rglementaires voqus ci-dessus propos de laresponsabilit pnale ;

    soit parce quil a commis une faute qui a t la cause dundommage, ce qui constitue le cas de beaucoup le plus frquent.Les deux lments qui conditionnent la dtermination de laresponsabilit sont la juridiction devant laquelle est porte laction(pnale ou civile), et les moyens juridiques employs par lespraticiens du droit. Il convient toutefois de souligner quen matiredatteinte la personne, les plaintes sont toujours assorties deconstitution de partie civile, ce qui signifie que le plaignant demande la fois la rpression pnale et lindemnisation de son prjudicesous forme de dommages et intrts (DI). Cette procdure comportedeux corollaires : dune part, le magistrat instructeur est oblig dtresaisi et il ne peut pas y avoir de classement sans suite sansinstruction, et dautre part, le pnal tient le civil en ltat , ce quisignifie quil faut que les juges aient statu sur la responsabilitpnale avant de pouvoir allouer des DI. Cette procdure comporteun inconvnient majeur pour la victime qui court le risque de nepas tre indemnise si aucune faute pnale nest reconnue.Mais en tout tat de cause, lorsquun problme mdicolgal surgitau cours dun geste mdical, les rgleurs des dossiers (assureurs oumagistrats) vont travailler sur la base de ltude concrte du cas parles experts.

    tude mdicolgaleQuelle que soit la source de la responsabilit mise en cause, leraisonnement mdicolgal emprunt par les experts est immuableet repose sur trois lments :

    un dommage ;

    un fait gnrateur ou une faute ;

    un lien de causalit entre les deux.

    DOMMAGE

    Si lon envisage le cas le plus frquent dun accident mdical qui acaus un prjudice au patient, la premire tape de cette tudeconsiste donc constater le dommage. Cest ltape indispensable,car sans prjudice tabli, il ne peut pas y avoir de rparation. Cedommage doit tre certain et actuel. Ce peut tre une atteinte lavie, une atteinte lintgrit de la personne ou un prjudice financierou professionnel.

    Atteinte la vieIl arrive malheureusement quun problme mdicolgal surgisseavec le dcs dun patient. Dans ce cas, soit la famille porte plainteimmdiatement et laffaire commence demble par une autopsiemdicolgale qui est ultrieurement suivie de ltude du dossier, soitil peut sagir dune expertise sur pices.

    Atteinte lintgrit de la personneCette atteinte peut concerner lintgrit physique mais aussipsychique ou intellectuelle et entraner des incapacits temporaires,

    voire squellaires permanentes. Ces incapacits sont considres auplan juridique comme constitutives de prjudices patrimoniaux qui comprennent galement les frais mdicaux au sens large.Mais le prjudice dont la rparation est demande peut tre extrapatrimonial , comme un prjudice esthtique ou dessouffrances endures, ou mme un simple prjudice moral qui peuttre invoqu en labsence de dommages physiques parce que leconsentement lacte naurait pas t donn de faon suffisammentclaire, par exemple.

    Prjudice financier ou professionnelEn gnral, au moment de lexpertise, ltat squellaire est fix etpeut tre valu in concreto . En cas de retour ltat antrieur laccident mdical, on sappuie sur des preuves de lpisodepathologique :

    certificats mdicaux ;

    arrts de travail ;

    ventuellement tmoignages.Les documents mdicaux tant saisis ou verss au dossier, lexpertrecherche ensuite une ou des fautes et un lien de causalit entre lafaute et le dommage caus, ce qui est parfois difficile.

    SOURCE DU DOMMAGE : FAUTE MDICALE OU FAITGNRATEUR NON FAUTIF

    Un mdecin commet une faute lorsquil fait preuve dunemconnaissance de ses devoirs. Elle na pas besoin dtre qualifiede grave ou de lourde (4), car toute faute engage laresponsabilit du mdecin, ds lors quelle est tablie.Le caractre intentionnel ou non nintervient pas dans lapprciationde la faute mdicale. Elle sapprcie in abstracto par rapport aucomportement optimal quaurait eu un bon professionnel,consciencieux et averti, dans les mmes circonstances.On distingue classiquement trois sortes de fautes : les fautesdimprudence, les fautes contre lhumanisme et les fautestechniques.

    Faute dimprudenceCes fautes sont gnralement apprcies par rapport au bon sens ettmoignent dune mconnaissance grossire des devoirs, parexemple, se tromper de ct pour une intervention sur un patient.En rgle gnrale, elles rpondent une qualification pnale.

    Faute dhumanismeCette faute ne revt pas de caractre technique particulier. Elle esttablie par la violation des devoirs inhrents au ministre mdicalqui sont constitus dobligations orientes essentiellement vers lerespect de la personne du malade, de son intgrit et de sa volont :il sagit au premier chef de sassurer du consentement clair dupatient lacte mdical propos.Pour bien saisir ce concept, il convient de le scinder en deux phasesdistinctes : linformation et lacceptation du traitement. Les contoursde linformation due au patient ont t cerns loccasion duncertain nombre de dcisions rendues par les hautes juridictions.

    Qualit de linformation

    Cette information ne doit pas tre quelconque mais simple,intelligible et loyale (5).Il est vident que le mdecin doit tenir compte du niveausocioculturel de son malade, de ses connaissances et de sa rceptivitpour adapter linformation son patient. Il ne doit pas lui mentir etdoit se mettre sa porte, en vitant dutiliser un vocabulaire quipeut lui paratre sotrique. Il a envers lui un vritable devoir desincrit.

    (4) Mme lhpital : abandon de la faute lourde depuis larrt du CE du 9 avril 1992, D. 1993.IR. 118 ; rev. Fr. de dr. Adm. 1993, 573, concl. S. Dal ; JCP 1993. II. 22061, note J Moreau.(5) Civ. 1re, 5 mai 1981, Gaz. Pal. 1981, 2, somm. 352.

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  • Thoriquement, cette information pralablement donne induitlacceptation du risque par le patient, de sorte quil ne devrait plusse plaindre si celui-ci se ralise. Cest pourquoi le consentement doittre recherch chaque tape du traitement.

    Cette notion de risque a toujours particulirement retenu lattentiondes juges et il tait gnralement admis par le pass que seuls lesrisques habituels, graves, ou normalement prvisibles, devaient treexposs au patient. En revanche, les risques exceptionnels navaientpas, a priori, tre annoncs (6).

    La Cour de cassation en matire civile a amorc un changement dejurisprudence sur ce point avec un arrt du 27 mai 1998 (7) puisdeux arrts prononcs le 7 octobre de la mme anne.

    Dsormais, les risques qui surviennent, mme exceptionnellement,doivent tre signals, ds lors quils sont graves. La ligne dedmarcation ne sopre donc plus entre les risques courants et lesrisques exceptionnels, mais entre les risques graves et les risquesmoins graves.

    Ces risques doivent tre annoncs tant pour les soins etinterventions que propose le mdecin que pour ceux qui sontrclams par le patient.

    Le mdecin doit en effet sinterdire de faire courir son patient unrisque injustifi.

    Il est bon de souligner cet gard que les jurisprudences civiles etadministratives tendent se rapprocher. Un arrt du Conseil dtatvient en effet de prciser que les risques graves doivent treannoncs ds lors quils sont connus, et que la charge de la preuvede cette information incombe ltablissement public (8).

    Contenu de linformation

    Cette nouvelle jurisprudence renforce tout particulirement lerespect de ce que les juristes appellent la raison proportionne (quivalent du risque-bnfice en mdecine). En effet, sil estimpratif de respecter les deux critres justificatifs de linterventionmdicale que sont lintrt thrapeutique et le consentement clairde la personne, il existe un rapport inversement proportionnel entreles deux.

    Lorsque lintrt thrapeutique est majeur, le cas dcole tantlurgence vitale, on se passe du consentement de la personne quinest pas en tat de le donner.

    De la mme faon, on administre les soins ncessaires aux mineursen cas durgence, en se passant du consentement des parents (article42 du Code de dontologie).

    linverse, lorsque lintrt thrapeutique nest pas certain, directet vident, ou lorsquil existe des techniques alternatives celle quepropose le praticien, linformation du patient doit particulirementinsister sur les risques et bnfices attendus, de sorte quil puissechoisir ou dcider en connaissance de cause.

    Lorsque le rapport bnfice-risque diminue ou sinverse (ce quiquivaut des situations risque mdicolgal), lobligationdinformation saccrot et doit pratiquement mettre en exergue lesrisques de ralisation rares ou improbables.

    Tel est assurment le cas des actes vise esthtique pure dont laralisation nest pas impose par une ncessit thrapeutiquevidente ou un danger immdiat pour la sant ou la survie delindividu. Dans la mesure o lacte ne poursuit pas un butstrictement curatif et nest pas indispensable, il faut insister sur lesrisques encourus, mme exceptionnels, de faon ce que la personnepuisse, le cas chant, refuser (9).

    (6) Civ. 23 mai 1973 : bull. civ. I, n 181 ; rev. Trim. Dr. Civ. 1974, 618, obs. Durry.(7) Cass. Civ 1re, 27 mai 1998, comment in Med & Droit, 1998 ; 33 : 14-16 et Cass. Civ 1re, 7 octobre1998, in lentreprise mdicale , 1998 : 172, 2-4.(8) CE, 5 janvier 2000 no 1818999 et 198530, Guilbot.(9) Sur le devoir dinformation : CA Paris, 10 dcembre 1992, Juris-data n 024023.1998 a stigmatis une faute mdicale dans le fait davoir accept de pratiquer une interventionchirurgicale trop risque.

    Le mdecin a une obligation de conseil et de prudence, de sorte quesi le patient choisit une solution thrapeutique contraire son propreintrt, il doit insister sur les dangers de ce choix. Larrt du 27 mai1998 a stigmatis une faute mdicale dans le fait davoir accept depratiquer une intervention chirurgicale trop risque.

    Dune manire gnrale, et en particulier dans les situations risquemdicolgal, il faut sassurer que cette information a bien tcomprise, au besoin en la ritrant.

    Il est fortement conseill de rsumer cette information sur un supportcrit que lon peut donner au patient lui-mme ou envoyer sonmdecin gnraliste traitant. Cest galement cette phase de laconsultation mdicale que lon doit fournir au patient un devisdtaill (10).

    Ce formalisme particulier est expressment requis pour touteprestation vise esthtique dont le montant estim est suprieurou gal 2 000 F ou comporte une anesthsie gnrale.

    Un dlai de rflexion de 15 jours doit tre laiss au patient (il peuttoutefois tre rduit 7 jours la demande expresse, cest--direcrite, de celui-ci) qui doit mentionner par crit sur le devis son acceptation aprs rflexion .

    Recueil du consentement clair

    En dehors des circonstances prcises vises par des textesrglementaires (prescription de Roaccutanet par exemple), leconsentement aux soins est, dans la tradition juridique franaise,consensuel, cest--dire quil est chang la plupart du temps defaon orale, voire mme tacite, par la simple acceptation dutraitement.

    En revanche, depuis un arrt de principe du 25 fvrier 1997 (11), lacharge de la preuve de linformation dispense au patient incombe aumdecin. Lon ne peut qutre tent dans ces conditions daccrotreles informations donnes par crit.

    La cour a cependant essay ultrieurement (12) de relativiser ce typede dmarche en prcisant que si la charge de la preuve delinformation pesait bien sur le corps mdical au sens large du terme(mdecin prescripteur-gnraliste et oprateur spcialiste), cettepreuve pouvait tre administre par tous les moyens. Dans le casdespce, ltude du dossier mdical avait montr que linterventionavait t prcde par de nombreuses consultations et hsitations,voire de lanxit de la part de la patiente, ce qui constituait unfaisceau de prsomptions en faveur de son information.

    En tout tat de cause, il ne faut pas se mprendre sur la porte de ceformalisme : il ne constitue quun moyen de preuve, et en aucun casce que les Anglo-Saxons qualifient de dcharge de responsabi-lit . Et sil tait avr que ce soit le but dun tel document, celaaurait en effet dsastreux en droit franais et devant nos juridictions.Cest pourquoi nous ne pouvons quinciter les praticiens laprudence vis--vis des formulaires primprims (en dehors dequelques cas particuliers prvus par les rglements, comme laprescription de Roaccutanet par exemple) qui, par nature, ne sontpas adapts chaque patient, sa culture et sa comprhension.

    La situation est identique en secteur public depuis larrt du Conseildtat du 5 janvier 2000 qui a estim quil appartient au mdecin deprouver quil a bien inform son patient.

    On notera toutefois que pour linstant, un dfaut dinformationengage la responsabilit de ladministration sur le fondement dunefaute de service et non dune faute mdicale.

    Faute technique

    Ltude du dossier mdical porte sur les quatre temps principauxqui constituent lacte mdical.

    (10) Arrt du 17 octobre 1996 relatif la publicit des prix des actes mdicaux et chirurgicaux vise esthtique.(11) Cass. Civ 1re, 25 fvrier 1997.(12) Cass. Civ 1re, 28 octobre 1997.

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  • Diagnostic

    Le principe est que lerreur de diagnostic en tant que telle nest pasforcment fautive, sauf si elle est grossire et inadmissible, car elledevient alors synonyme de lincomptence du praticien. Cependant,il faut noter que linsuffisance de moyens mis en uvre pour poserle diagnostic, en fonction des donnes de linterrogatoire et delexamen clinique, peut constituer une faute (examenscomplmentaires, recours un autre spcialiste par exemple).

    Indication thrapeutique

    Ici encore, les critres sont simples et reposent sur une bonne tudesmiologique. La rgle matresse consiste respecter le rapportentre les risques que lon fait courir au patient et les bnfices quilpeut en attendre.

    Traitement

    Deux types de fautes peuvent se produire en cours de traitement enamont ou au dcours de celui-ci :

    fautes de prcaution en amont de lacte lui-mme : le fait de ne pasavoir valu ou davoir nglig ltat antrieur du malade, lamconnaissance des autres mdications, le non-respect des contre-indications, ou une mauvaise prparation lacte thrapeutique.Il convient donc de bien consigner tous les lments recueillis lorsdes consultations prcdant lacte ou la prescription, et quiconstituent un commencement de preuve en cas de problmemdicolgal ;

    fautes techniques : il existe, certes, des alas, mais on retient commefautives :

    une mconnaissance grossire du thrapeute, synonymedignorance ;

    une maladresse responsable de graves lsions (brlures,plaies...) ;

    une ngligence (oubli abusif par exemple) ;

    une erreur destimation des risques qui se dveloppent au coursde lacte, ou un retard dans la prise de dcision.

    Ces deux derniers points sont particulirement importants car ilsconcernent spcifiquement la comptence du spcialiste. Les alassont certes imparables, mais la raction du mdecin face unemauvaise volution de ltat du patient est primordiale.

    Surveillance

    On a trop souvent tendance oublier que lacte mdical ne sarrtepas lorsque le patient sort du bloc ou du cabinet de consultation. Lasurveillance peut tre clinique, biologique ou radiologique. Ledevoir de conseil ne sarrte pas lacte matriel.

    LIEN DE CAUSALIT ET TUDE DU DOSSIER MDICAL

    Les experts se dterminent en fonction des circonstances et deslments relats dans le dossier mdical qui constitue en quelquesorte la bote noire de lacte mdical. Dune manire gnrale,pour toutes les tapes techniques considres, on se rfre auxdonnes de la science et aux usages. Il faut particulirement insistersur lobligation faite aux mdecins dentretenir leurs connaissances.Cette ancienne obligation navait quun caractre dontologique : elleest dsormais lgale (13).Dans cet esprit, lagence nationale daccrditation et dvaluation enSant et lagence du mdicament ont tabli des rfrences mdicaleset des recommandations de bonnes pratiques (et confrences deconsensus) que doivent imprativement connatre les mdecins.Mais il faut insister sur le fait que ces rfrences ne sontquindicatives. Elles constituent un guide qui ne doit pas tre suivi laveugle. Ces recommandations et ces rfrences, qui devront tre souspeu appliques lhpital public, sont avant tout destines encadrer les

    (13) Art. 2 de lordonnance relative la matrise mdicalise des dpenses de soins, juin 1996.

    dpenses de sant, mais elles ne peuvent, en aucun cas, dgager laresponsabilit juridique des acteurs de sant. Car le principe de lalibert thrapeutique et de lindpendance du corps mdicalprvalent et doivent permettre aux praticiens de sadapter chaquecas en leur me et conscience.

    En dernier lieu, il est essentiel de souligner que chaque dossier estdiffrent. Aussi, les mdecins doivent-ils se montrer trs circonspectsvis--vis de la jurisprudence qui nest pas un recueil de recettes, maisune rponse juridique adapte chaque situation, tout commechaque traitement mdical est adapt au cas singulier dun malade.

    En somme, la faute ne se prsume pas et lchec des soins oulinsuccs de lacte mdical nentranent pas automatiquement lacondamnation des mdecins. La Cour de cassation rappelle cettevidence (14) car, si la majorit des cours dappel la reconnat, uncertain nombre dentre elles ont pu mettre la charge des mdecinsune obligation de rsultats dans des cas particuliers. Or ceci est uneineptie dans la mesure o lestimation du rsultat repose, pardfinition, sur des lments subjectifs. Cest pourquoi ledermatologue doit faire prendre conscience de cette ralit par sonpatient avant un traitement dpourvu de but curatif.

    Ainsi, contrairement une ide trs rpandue, il ny a pasdobligation de rsultats en dehors de ce qui ressortit la scuritdu traitement, et le mdecin doit faire prendre conscience de cetteralit son patient au stade de linformation.

    En ce qui concerne la scurit du traitement et plus particulirementla survenue dinfections nosocomiales, les Hautes Cours (Conseildtat en droit public et Cour de cassation pour les actes raliss ensecteur priv) ont rendu depuis quelques annes des dcisionsdexigence croissante.

    Il tait en effet acquis (15) depuis 1988 par le Conseil dtat quuneinfection nosocomiale est une complication rvlatrice dune fautedans lorganisation ou le fonctionnement du service qui il incombede fournir au personnel mdical un matriel et des produits striles,alors mme quaucune faute lourde mdicale, notamment en matiredasepsie, ne peut tre reproche aux praticiens . Une vritableprsomption de faute pse donc sur les tablissements de soinspublics.

    La Cour de cassation devait, pour sa part, conserver lexigence depreuve dune faute des fournisseurs de soins jusquaux trois arrtsrendus le 29 juin 1999 (16), date laquelle elle a affirm le principedune obligation de scurit de rsultats, la charge tant destablissements de sant privs que des praticiens eux-mmes, etdont ils ne peuvent se librer quen rapportant la preuve dune causetrangre.

    Rappelons enfin que dans le domaine de la dermatologie esthtique,les spcialistes ont une double obligation renforce, de prudence etde conseil.

    Conclusion

    Le mdecin doit rester serein dans lexercice de son art : on ne peut luireprocher que des fautes rellement commises, du moins au pnal. Aucivil, il est vrai que sa responsabilit peut tre mise en cause dune faonplus alatoire. Cest pourquoi le mdecin doit tre trs bien assur etdclarer son assureur lactivit de dermatologie esthtique ou derecherche dans le cadre de la loi Huriet, ce qui nentrane que peu ou pasde surprime en gnral.

    Il est encore trop tt pour apprcier le retentissement du changement dejurisprudence en matire dinfection nosocomiale, mais il est vident quecela va dans le sens dune objectivation de la responsabilit mdicale.

    (14) Cass. Civ 1re, 12 dcembre 1995, comment dans Journal de mdecine lgale et droit mdical,1996 ; 4 : 279-285, op. Cit note 4.(15) CE Cohen, 9 dcembre 1988, Rec. Lebon p 431.(16) Cass. Civ 1re, 29 juin 1999, JCP 99, II, 10138, rapport Sargos.

    Dermatologie esthtique Aspects mdicolgaux : responsabilit mdicale 50-270-A-10

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  • Rfrences[1] Banzet P, Fabre H. Le chirurgien plasticien face aux juges.

    Paris : Ellipses, 1996

    [2] Gromb S. Responsabilit mdicale : va-t-on indemniserlaccident mdical ? Md Droit 1996 ; 16 : 12-18

    [3] Gromb S. Le consentement des patients lacte mdical :un concept en pleine volution. Sem Hp Paris 1997 ; 73 :815-819

    [4] Gromb S, Maury F. Chirurgie esthtique et obligations duchirurgien. J Md Lg Droit Md 1996 ; 4 : 279-285

    [5] Mmeteau G. Trait de la responsabilit mdicale. Paris :ditions les tudes hospitalires, 1996

    [6] Rapport du Conseil national de la consommation surlinformation du consommateur dans le secteur de lesth-tiquemdico-chirurgicale.BullOff concurrence, consomma-tion et rpression des fraudes, 6 nov 1996

    50-270-A-10 Aspects mdicolgaux : responsabilit mdicale Dermatologie esthtique

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