9
Médecine palliative Soins de support Accompagnement Éthique (2013) 12, 192—200 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com SYNTHÈSE Assistance ventriculaire gauche définitive et fin de vie : rôle de la médecine palliative Destination left ventricular assist device and end-of-life: The role of palliative medicine Philippe Bizouarn a,,b,c,1 , Magali Michel d , Jean-Christian Roussel d , Michèle Treilhaud a , Jean-Noël Trochu d , Jean-Pierre Gueffet d , Daniel Duveau d a Service d’anesthésie-réanimation, hôpital G.-et-R.-Laënnec, boulevard Jacques-Monod, 44093 Nantes cedex 1, France b Laboratoire Sphere (équipe REHSEIS), UMR 7219, CNRS, bâtiment Condorcet, case 7093, 5, rue Thomas-Mann, 75205 Paris cedex 13, France c UMR 7219, université Paris Diderot, bâtiment Condorcet, case 7093, 5, rue Thomas-Mann, 75205 Paris cedex 13, France d Institut du thorax, hôpital G.-et-R.-Laënnec, boulevard Jacques-Monod, 44093 Nantes cedex 1, France Rec ¸u le 18 septembre 2012 ; rec ¸u sous la forme révisée le 14 evrier 2013; accepté le 19 evrier 2013 Disponible sur Internet le 2 mai 2013 MOTS CLÉS Dispositif d’assistance ventriculaire gauche ; Thérapie définitive ; Fin de vie ; Soins palliatifs ; Éthique préventive Résumé Le dispositif s’assistance ventriculaire gauche est utilisé de manière définitive (des- tination therapy, DT) chez les patients en insuffisance cardiaque chronique contre-indiqués à la greffe du fait de l’âge et/ou des co-morbidités associées. Comparé au traitement médical, cette thérapeutique définitive vue comme un traitement palliatif améliore la survie, la qualité de vie et le statut fonctionnel des patients correctement sélectionnés. Cependant, les complications du dispositif d’assistance ventriculaire gauche peuvent compromettre la qualité de vie et influencer largement l’évolution vers une fin de vie attendue, posant dès lors de nom- breuses questions éthiques (par exemple : arrêt de machine) qui deviendront plus complexes quand l’expérience des équipes et des patients sera plus grande. Ces questions éthiques devront se poser dans la pratique clinique très précocement, pour permettre de prévenir des conflits liés à la prise en charge de ces patients engagés dans un tel programme. Dans cet article, nous défendons l’idée qu’une implication précoce des équipes de soins palliatifs, au sein d’une Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P. Bizouarn). 1 Photo. 1636-6522/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.02.006

Assistance ventriculaire gauche définitive et fin de vie : rôle de la médecine palliative

  • Upload
    daniel

  • View
    212

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

M

S

Av

Dm

1h

édecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2013) 12, 192—200

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

YNTHÈSE

ssistance ventriculaire gauche définitive et fin deie : rôle de la médecine palliative

estination left ventricular assist device and end-of-life: The role of palliativeedicine

Philippe Bizouarna,∗,b,c,1, Magali Micheld,Jean-Christian Rousseld, Michèle Treilhauda,Jean-Noël Trochud, Jean-Pierre Gueffetd,Daniel Duveaud

a Service d’anesthésie-réanimation, hôpital G.-et-R.-Laënnec, boulevard Jacques-Monod,44093 Nantes cedex 1, Franceb Laboratoire Sphere (équipe REHSEIS), UMR 7219, CNRS, bâtiment Condorcet, case 7093, 5,rue Thomas-Mann, 75205 Paris cedex 13, Francec UMR 7219, université Paris Diderot, bâtiment Condorcet, case 7093, 5, rue Thomas-Mann,75205 Paris cedex 13, Franced Institut du thorax, hôpital G.-et-R.-Laënnec, boulevard Jacques-Monod, 44093 Nantes cedex1, France

Recu le 18 septembre 2012 ; recu sous la forme révisée le 14 fevrier 2013; accepté le 19 fevrier2013Disponible sur Internet le 2 mai 2013

MOTS CLÉSDispositifd’assistanceventriculaire gauche ;Thérapie définitive ;Fin de vie ;Soins palliatifs ;

Résumé Le dispositif s’assistance ventriculaire gauche est utilisé de manière définitive (des-tination therapy, DT) chez les patients en insuffisance cardiaque chronique contre-indiqués àla greffe du fait de l’âge et/ou des co-morbidités associées. Comparé au traitement médical,cette thérapeutique définitive — vue comme un traitement palliatif — améliore la survie, laqualité de vie et le statut fonctionnel des patients correctement sélectionnés. Cependant, lescomplications du dispositif d’assistance ventriculaire gauche peuvent compromettre la qualitéde vie et influencer largement l’évolution vers une fin de vie attendue, posant dès lors de nom-

Éthique préventive breuses questions éthiques (par exemple : arrêt de machine) qui deviendront plus complexesquand l’expérience des équipes et des patients sera plus grande. Ces questions éthiques devrontse poser dans la pratique clinique très précocement, pour permettre de prévenir des conflitsliés à la prise en charge de ces patients engagés dans un tel programme. Dans cet article,nous défendons l’idée qu’une implication précoce des équipes de soins palliatifs, au sein d’une

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P. Bizouarn).

1 Photo.

636-6522/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.02.006

Assistance ventriculaire gauche définitive et fin de vie 193

équipe multidisciplinaire centrée sur le patient et ses proches, pourrait permettre d’anticiperles complications liées à la machine, de préparer l’évolution clinique vers la fin de vie où unarrêt de machine sera nécessaire et parfois demandé par le patient ou les proches.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSLeft ventricular assistdevice;LVAD;Destination therapy;End-of-life;Palliative care;Preventive ethics

Summary Left ventricular assist devices are being used as destination therapy for patientswith chronic end-stage heart failure who are not candidates for heart transplantation becauseof advanced age or comorbidities. Compared with medical therapy, use of destination therapy— viewed as a palliative therapy — improves survival, quality of life and functional status inappropriately selected patients. However, the complications of left ventricular assist devicescan adversely influence quality of life and alter the trajectory of end-of-life, raising certainethical challenges (e.g. withdrawal of left ventricular assist devices support) that are likelyto become more complex as care teams gain experience and we have more information aboutpatients’ experiences. These ethical challenges ought to be adequately addressed in clinicalpractice as soon as possible, for preventing conflicts related to care management in patientsengaged in the destination therapy program. In this article, we advocate early implication ofpalliative care specialists in a multidisciplinary care approach, patient and caregiver-centered,for anticipating device-related complications, end-of-life trajectories and timing of devicedeactivation, sometimes requested by the patients or their surrogate decision-makers.

All r

mc7[caesadp

pdpdqadpcp

Dg

T

© 2013 Elsevier Masson SAS.

Introduction

L’insuffisance cardiaque chronique est une pathologie grave,engageant le pronostic vital. En France, 500 000 à un millionde patients sont atteints, et plus de 100 000 nouveaux casapparaissent chaque année [1]. La mortalité à un an despatients en stade 4 de la classification NYHA est de 50 %.Un tiers des patients atteints ont moins de 70 ans. De nom-breux progrès thérapeutiques ont été faits pour améliorerencore la qualité de vie de ces patients, lourdement han-dicapés par la maladie cardiaque. En cas d’échappementaux traitements médicaux, plusieurs solutions peuvent êtreenvisagées chez les patients présentant une insuffisance car-diaque terminale :• radicales, comme la greffe cardiaque ou l’assistance

mécanique (cœur artificiel) ;• palliatives, en cas de contre-indication à la greffe ou à

l’assistance, ou de refus de s’engager dans un projet jugéinutile ou trop lourd.

Peu de patients peuvent être greffés, en particulier dufait des contre-indications liées à l’âge et/ou aux patho-logies associées et/ou aux complications de l’insuffisancecardiaque terminale. Dans ces cas, il peut être proposé demettre en place une assistance uni- ou biventriculaire, soiten attendant que le patient s’améliore si le projet de greffeest encore possible (bridge to candidacy), soit de manièredéfinitive, avec un projet de retour à domicile (destina-tion therapy). En outre, peu de patients éligibles pour lagreffe sont greffés par manque de greffons : soit alors cer-tains décèdent, soit certains peuvent être assistés (bridgeto transplantation) en attendant un greffon.

L’augmentation de la population générale, duvieillissement et du nombre de patients

insuffisants cardiaques, le manque de greffonscardiaques forment autant de conditions

t

Lp

ights reserved.

« favorables » à l’accroissement du nombre decœurs artificiels qui seront implantés dans le

monde, si les moyens nous le permettent.

Ainsi, d’après les données américaines, on peut esti-er que 2 % des patients, en insuffisance cardiaque non

ontrôlée par le traitement optimal et âgés de moins de0 ans, seraient potentiellement candidats à l’implantation1]. Pour la France, en partant de ces chiffres, il a été cal-ulé que 600 à 1200 patients pourraient bénéficier, chaquennée, d’un dispositif d’assistance cardiaque mécanique, enstimant un nombre de nouveaux cas de patients en insuffi-ance cardiaque ayant moins de 70 ans de 30 000 à 90 000 parnnée [1]. Environ 10 % des patients implantés le seraientéfinitivement, avec pour objectif un retour à domicile, sansrojet de greffe future.

Le but de ce travail sera de repérer les questions éthiquesosées par la fin de vie de ces patients souvent âgés, au passé’insuffisant cardiaque, avec ce cœur-machine qui leur a,our un temps, rendu la vie, mais dont il faudra discuter duébranchement définitif quand le moment sera venu. Cesuestions surviennent parfois de manière brutale, quand unccident inattendu survient, technique (dysfonctionnemente machine), médical (accident vasculaire, infection du dis-ositif), alors que le patient était mal informé ou avait malompris les enjeux de cette thérapeutique si lourde, pour leatient et ses proches, devenus pour un temps techniciens.

ispositifs d’assistance ventriculaireauche définitifs

ypes de dispositifs et environnement

echnique

es dispositifs d’assistance circulatoire mécanique sont delusieurs types. Certains assistent les deux ventricules,

1 P. Bizouarn et al.

caceamplIlHacvegcgeadsnnpdctLtdpiasddnndf

Dd

Drridi(d3n1dieqd

Figure 1. Évolution de la qualité de vie et de la durée de vieaprès implantation d’un dispositif d’assistance ventriculaire gauchedéfinitif. Courbe pleine : évolution de la qualité de vie chez lepatient en insuffisance cardiaque traité médicalement. Courbe A :évolution (S1) après dispositif d’assistance ventriculaire gauche etcomplications survenant dans les 90 jours (évolution moins bonnequ’avec traitement médical seul). Courbe B : évolution identique(S2) après implantation d’un dispositif d’assistance ventriculairegauche ou sous traitement médical seul. Courbe C : évolutionaprès implantation d’un dispositif d’assistance ventriculaire gauchemeilleure (S3) que sous traitement médical seul (augmentation dedurée de vie de 12 à 24 mois). Après amélioration après implan-tation, aggravation progressive de la qualité de vie du fait descomplications tardives dues à la machine et/ou aux pathologiesextracardiaques associées. DAVG (DT) : dispositif d’assistance ven-triculaire gauche définitif.Evolution of quality and duration of life after implantation of alD

tcd[21(dddds

aLmat

94

eux-ci ayant été retirés (comme dans le cas des cœursrtificiels totaux) ou non. Certains n’assistent que le ventri-ule gauche (dispositif d’assistance ventriculaire gauche),n supposant que le ventricule droit n’est pas ou peutteint par la maladie cardiaque. Pour l’heure, seules cesachines sont mises en place de manière définitive, sansrojet de greffe. Plusieurs machines de ce type sont actuel-ement disponibles, en particulier le système HeartMateI® Left Ventricular Assist System (Thoratec Corporation) ete système HVAD® (HeartWare® Ventricular Assist Device ;eartWare international, Inc.), dont le remboursement

été accepté en France. Ce sont des dispositifs intra-orporels, comportant une pompe interne (implantée paroie chirurgicale, sous anesthésie générale et circulationxtracorporelle, et comportant une canule ventriculaireauche d’entrée et une canule aortique de sortie), unontrôleur et des batteries externes [2,3]. Après chirur-ie, le patient séjourne en réanimation plusieurs jours, puisn unité d’hospitalisation, où un apprentissage du système,vec ses proches, lui est délivré (soulignons l’implicationes industriels dans cette éducation, voir en particulier leite de Thoratec consacré aux patients et proches [4]). Ce’est qu’après s’être assuré que le patient est devenu auto-ome qu’il pourra regagner son domicile, souvent aprèslusieurs semaines. L’apprentissage comprend : la gestiones batteries (les recharger, les changer) ; la gestion duontrôleur ; la gestion de l’unité d’alimentation ; la ges-ion des lignes percutanées (prévention de l’infection).e retour à domicile nécessite ainsi une organisation par-iculière du domicile et des visites, et des équipementsont doit disposer le patient (batteries, etc.). Cette pré-aration se fait avec les équipes à l’hôpital (médecins,nfirmières, techniciens). L’idéal sera d’organiser des visitesu domicile du patient, pour contrôler l’état de ses connais-ances, afin de pallier aux conséquences souvent gravesues en particulier aux difficultés liées au changementes batteries, et permettre de s’adapter au mieux à ceouvel environnement très technique. Une ligne télépho-ique permanente entre le domicile et l’hôpital permete répondre aux questions que se posent le patient et saamille.

ispositifs d’assistance ventriculaire gaucheéfinitifs : état des lieux

ès la mise en place de tels dispositifs innovants, desegistres ont été mis en place dans le monde. Le quatrièmeegistre américain INTERMACS montre bien l’évolution desmplantations : de 346 en 2006 à 1509 en 2011, soit un totale 4366 patients. Huit cent quarante-sept patients ont étémplantés définitivement au cours de cette même périodede 16 patients en 2006 à 248 en 2011). En 2011, 34 %es patients implantés de manière définitive [5]. Sur les405 patients implantés en première intention, 740 patients’avaient aucun projet de greffe, et 132 sont décédés à8 mois. Il est à noter que la mortalité des patients porteurs’une assistance gauche dépend grandement de la gravité

nitiale, liée à l’état nutritionnel, aux atteintes d’organest à l’insuffisance ventriculaire droite associée, posant lauestion du bon moment de l’implantation, et de la futilitée celle-ci en cas de risque majeur [6].

p(pd

eft ventricular assist device as destination therapy.’après [10].

Les causes de mortalité des patients implantés défini-ivement sont nombreuses, dues pour les deux tiers auxomplications cardiaques, infectieuses et neurologiquesans le deuxième registre INTERMACS publié en 20107]. Ainsi, sur 100 patients implantés définitivement entre006 et 2009, 39 sont décédés (soit une survie de 29 % à8 mois), neuf d’insuffisance cardiaque malgré la machinesouvent du fait de l’évolution de la maladie, avec atteinteu ventricule droit initialement considéré comme bon, ete troubles du rythme, essentiellement ventriculaires), six’infection (en particulier de la pompe elle-même) et neuf’accident vasculaire cérébral (soit ischémique par embolie,oit hémorragique chez des patients sous anticoagulants).

L’assistance ventriculaire gauche permet uneamélioration globale de la capacité

fonctionnelle et de la qualité de vie malgré lalourdeur de la prise en charge [8,9].

La qualité de vie des patients et les durées de survie sousssistance varient cependant au cours du temps [10] (Fig. 1).a qualité de vie peut se dégrader dans les trois premiersois, en cas de complications postopératoires, conduisant

u décès précoce. Cependant, l’évolution après implanta-ion d’un dispositif d’assistance ventriculaire gauche est le

lus souvent meilleure que sous traitement médical seulaugmentation de durée de vie de 12 à 24 mois). Après unehase d’amélioration, il existe une aggravation progressivee la qualité de vie du fait des complications tardives dues

F

EcCdmrptac4a[cl—cpvndf

S

Assistance ventriculaire gauche définitive et fin de vie

à la machine et/ou aux pathologies extracardiaques asso-ciées [10]. Dans quelques cas, l’évolution est identique quesous traitement médical seul. Le problème de la prédictionde l’évolution chez ces patients gravement atteints resteentier, la question éthique fondamentale étant de ne pasvouloir aller « nulle part », comme certains auteurs l’ontpointé (destination nowhere [11]).

Fin de vie et dispositif d’assistanceventriculaire gauche : questions posées

Comme toute thérapeutique palliative, la question desconditions du mourir devra être posée chez ces patientsdépendant d’une machine pour vivre. Il faut bien se rendrecompte que l’arrêt de la machine conduira inéluctablementau décès du patient, dans les heures qui suivent l’arrêt.C’est sur ce moment, et sur ses circonstances, que nous cen-trerons notre propos, en nous aidant de notre expérience.Nous tenterons ainsi de répondre à la question posée dansun rapport du Hastings Center en 2008 : « Doctor, will youturn off my LVAD ? » [12].

Circonstances des décès dans un centre

De 2006 à 2012, 13 patients ont été implantés définitivementdans notre centre. Parmi ces patients (âge médian de 67 ans ;extrêmes : 60—74 ans), deux sont décédés en réanimation(un patient en réanimation de chirurgie cardiaque de notrecentre, un autre en réanimation d’un hôpital périphérique,où il avait été transféré pour rapprochement familial), unest décédé dans l’unité d’hospitalisation après sa sortie deréanimation, deux sont encore hospitalisés et huit patientsont pu regagner leur domicile. Parmi ces patients, cinq sontdécédés. Voici la description, succincte, de ces cas singu-liers :• un patient de 68 ans a présenté un arrêt cardiaque à domi-

cile à 31 mois de l’implantation du dispositif d’assistanceventriculaire gauche. Il semblerait qu’il y ait eu un pro-blème lors du changement des batteries, et la questiond’un débranchement volontaire a été posée, chez cepatient suivi pour un syndrome dépressif. Après réanima-tion par le samu, le patient a été transféré en réanimationde notre centre. Le cœur artificiel a alors été stoppé aprèsdiscussion multidisciplinaire, du fait d’une atteinte céré-brale postanoxique gravissime. Le décès est alors survenuimmédiatement à l’arrêt de la machine, en présence deses proches ;

• un patient de 69 ans a présenté une hémorragie cérébralemassive à 44 mois de l’implantation, alors que le patientétait à domicile. Le patient a été transféré dans le servicede réanimation de l’hôpital proche de son domicile, où ilest décédé, avant le débranchement de la machine, dontla procédure lui fut transmise ;

• un patient de 67 ans a présenté, deux ans aprèsl’implantation, une dysfonction de machine (connexionélectrique non réparable de la ligne d’alimentation),

ayant fait discuter, très longuement, un changement demachine, que le patient a refusé. En effet, il avait biencompris le risque de complications postopératoires pou-vant grandement altérer sa qualité de vie future. Le

vMf

195

patient n’a pu retourner chez lui comme il le désirait,car les épisodes d’arrêt de machine se multipliaient etnécessitaient l’intervention des techniciens locaux. Il estainsi décédé à l’hôpital, lors d’une ultime déconnectionqui n’a pu être corrigée ;un patient de 67 ans a présenté une insuffisanceventriculaire droite sévère, assez précocement aprèsl’implantation, nécessitant un renforcement des traite-ments et de multiples hospitalisations. Après discussionavec lui et ses proches, impliquant l’équipe de notrecentre et les acteurs locaux de l’hospitalisation à domi-cile, le patient n’a pas été réhospitalisé. Le décès estsurvenu chez lui, comme il le désirait, à 19 mois del’implantation, avec arrêt de la machine pratiquée parl’équipe de soins à domicile ;un patient de 69 ans est décédé à 15 mois de son implan-tation, lors d’une nouvelle hospitalisation pour bilan. Cepatient a été retrouvé dans sa chambre, seul, déconnectéde sa machine. La question posée, restée sans réponse, aété celle d’un débranchement volontaire, chez ce patientsuivi par ailleurs pour un syndrome dépressif sévère.

in de vie : environnement technique

Mais que va-t-il advenir quand, malgré lamachine, ou à cause de cette machine, le corpslâche ? Comment faire face quand l’espoir mis

dans ce cœur-là, technicisé, immortel,s’effondre, alors que le patient n’était plus

préparé à cette échéance ?

nvironnement technique et insuffisanceardiaque terminaleet environnement technique est assez habituel dans le case l’insuffisance cardiaque terminale. En effet, comme leontre une étude, deux tiers des patients en fin de vie

ecoivent un traitement maximal malgré la demande (70 %atients) de traitements symptomatiques, dans une popula-ion de patients très âgés [13]. Ainsi, une étude anglaise

montré que seulement 4 % des patients en insuffisanceardiaque terminale décèdent avec support palliatif contre0 % chez les patients cancéreux, malgré la nécessité d’unepproche palliative chez ces patients insuffisants cardiaques14—17]. Cela pourrait s’expliquer par la relative effica-ité des traitements symptomatiques malgré la gravité de’insuffisance cardiaque, empêchant peut-être les médecins

mais également les patients — de vouloir arrêter ceux-i. Les enquêtes montrent ainsi que les préférences desatients peuvent changer après hospitalisation : les patientseulent continuer à vivre quand les symptômes ont pu dimi-uer et que la mort a pu être évitée [17]. Il en est sansoute de même chez ces patients branchés, qui ont tant deois lutté pour survivre, avant la décision d’implantation.

pécificité des dispositifs d’assistance

entriculaire gaucheais ce tiers technique introduit sans aucun doute cette

ois une différence, du fait du caractère innovant de la

1

tlgdsetpcede

cmfaefcf

dsluappémdcacsvamdmdd

C

Llcsmtfd

s

s«cctrcdjênmqmslpddqd

sDmdpmtcmlc

l«ccpn[pcoddacedcsm

d

96

echnique — expérimental même — où l’on reste dans’ignorance de l’évolution quand les études épidémiolo-iques manquent encore beaucoup du fait du faible nombree ces patients (une centaine en France actuellementous HeartMate II d’après Thoratec). Ce caractère innovantntraîne de la part des équipes un engagement très impor-ant dans ce programme si lourd, quand il faut, avec leatient et les proches, apprendre à maîtriser la technique,ette technique si coûteuse, et si rare alors. Soigner, c’estxpérimenter, disait Canguilhem. Nous sommes, ici, au cœure l’expérimentation, dans le sens du philosophe-médecin,t de l’acte héroïque [18].

Ce patient insuffisant cardiaque, qui n’a pu être greffé,ar trop grave, et sauvé, est alors devenu dépendant de laachine, à laquelle il fait totalement confiance, comme il

ait totalement confiance aux ingénieurs qui l’ont fabriquée,ux chirurgiens qui l’ont implantée, aux médecins qui ont sun maîtriser toutes les subtilités. Comme disait ce patientace à cette machine devenue défectueuse : « ce n’est pasette machine qui va résister aux techniciens ! Ils ont su laabriquer, ils vont bien trouver un moyen de la réparer ! ».

Dans la perspective de l’arrêt de la machine à la fine vie sur lequel nous voulons insister dans ce travail, ilemble que la manière dont les médecins, les patients eteurs proches se représentent ce cœur-machine puisse jouern rôle important dans les décisions, et les actes entrepris,u moment où il faut stopper la machine. Dans le rap-ort du Hastings Center, rejoignant déjà une préoccupationlus ancienne, deux attitudes face à l’arrêt de la machinetaient exprimées [12—19]. Pour certains intervenants, laachine est vue comme un « cœur » artificiel, et l’arrête la machine serait alors vu « comme on enlèverait unœur ». Pour Robert Veatch, « bioéthicien » américain, cetrrêt de machine serait équivalent à un acte d’euthanasie,omme si l’on arrachait au patient greffé l’organe qui l’avaitauvé [20]. Pour d’autres, plus nombreux, la machine estue comme un cœur « artificiel », et l’arrêt de machine seralors vu « comme on arrêterait un ventilateur ». Ces deuxanières de se représenter ce « tiers » technique sont autante manières d’assumer l’échec et de justifier le débranche-ent — qui est synonyme de mort immédiate — ou le refusu débranchement chez le patient conscient, qui demande’en finir, parfois, ou de le sauver, encore.

Dans tous les cas, quand le patient est aubout, du fait des complications de la machine, et

de l’évolution cardiaque, il faudra arrêter lamachine mais les questions affluent : quand ?

Où ? Par qui ? Comment ?

irconstances de la fin de vie

’évolution terminale des pathologies sous-jacentes ou de’insuffisance cardiaque (malgré la machine) et/ou lesomplications dues à la machine conduisent à s’interrogerur le caractère futile ou non des traitements et de la

achine. Deux évolutions « terminales » sont ainsi rencon-

rées en pratique, permettant de comprendre les difficultésace à la nécessité d’arrêter la machine : aiguë, non atten-ue, ou lentement progressive, attendue.

pbq2

P. Bizouarn et al.

Quand une complication aiguë survient, le patient estouvent inconscient.

Si le patient est hospitalisé en réanimation, la déci-ion d’arrêter la machine s’apparenterait aux décisions

habituelles » de limitation et arrêt des traitements actifs,omme la machine de dialyse et le respirateur, stoppésar devenus inutiles. Il semble cependant qu’il puisse exis-er une différence, comme l’attestent les expériences deséanimateurs confrontés à l’arrêt des machines d’assistanceirculatoire implantées en situation aiguë. D’une part, lesécisions sont prises parfois tardivement, après de longsours de réanimation, quand le corps, très dégradé, peuttre source de ce que certaines infirmières anglaises ontommé corporeal anxiety [21]. D’autre part, le débranche-ent même, l’appui sur ce bouton off, entraînant la mortuasi immédiate, est souvent vécu comme violent, par cesédecins tentant d’accompagner le plus humainement pos-

ible les patients et leurs proches, et qui, soudain, lors de’appui sur le bouton, redeviennent ce qu’ils ne voulaientas, trop puissants, participant si activement à la survenue’une mort brutale. À la fin, il faudra tout défaire, toutéconnecter, en suivant une procédure établie par le fabri-uant, mais parfois mal connue, aggravant parfois l’anxiétééjà présente.

Si la complication aiguë survient à domicile, les questionse bousculent : faut-il réanimer ? Qui décide ? Jusqu’où ?ans ces cas, un dialogue s’instaure entre la famille, leédecin urgentiste alors appelé, l’interlocuteur au boutu téléphone dans le centre de référence. Que voulait leatient ? Souvent, celui-ci est transféré à l’hôpital, pour per-ettre de faire le diagnostic et pour accompagner ce patient

ellement habitué à ce centre si spécialisé dans l’assistanceardiaque. Ce centre, expert technique pour le débranche-ent et l’analyse de la machine si celle-ci était la cause de

’accident, sera en effet à même d’expliquer aux prochese qui a pu se passer.

Quand l’altération est progressive, le patient est alorse plus souvent conscient, mais il peut exister une atteinte

cognitive » plus ou moins grave, du fait de l’insuffisanceardiaque terminale et/ou des séquelles d’un accident vas-ulaire cérébral par exemple. C’est dans ce contexte que leatient « redevient » alors un patient insuffisant cardiaque,écessitant une prise en charge palliative multidisciplinaire22]. La question d’une nouvelle hospitalisation va se poser,our permettre à l’équipe de référence d’engager une dis-ussion, avec le patient et les proches, sur la nécessitéu non de poursuivre les traitements. Dans ce contexte’altération progressive, la mort, enfin nommée, est atten-ue et les soins palliatifs sont « mis en route ». La machine,lors, n’est vue que comme un traitement « habituel »,omme pourrait l’être un défibrillateur implantable parxemple, même si l’arrêt de la machine — comme celuiu défibrillateur d’ailleurs [22] — n’est pas toujours évoquélairement. Le patient, les proches et sans doute les équipesoignantes envisageront alors l’arrêt de la machine après laort.Parfois, le patient « demande » d’arrêter la machine,

evenue inutile, source d’une angoisse supplémentaire. Se

ose alors, dans ce contexte de demande forte, le pro-lème de l’euthanasie et/ou du suicide assisté [23]. Voici ceu’écrivait Robert Veatch dans le Washington Post du 24 avril008 : « si vous pensez qu’arrêter l’assistance ventriculaire

cm

M

npcl•

••

ersvscsàcctausppa

éaoChslemesé

Assistance ventriculaire gauche définitive et fin de vie

gauche comme quelque chose qui ressemble à arrêter lecœur, alors vous aurez à considérer qu’il peut s’agir d’unmeurtre (active killing) » [20]. Il faudrait recueillir d’autrestémoignages, d’équipes, de proches, pour aider à y voir plusclair dans ce domaine, mais les expériences sont encore troppetites pour trancher, si jamais il est possible de le faire. Ledébat, dans lequel le patient est au centre, dans tous les cas,reste complexe et ne peut que se poursuivre, pour chaquecas.

Enfin, des débranchements plus ou moins volontaires dela machine par les patients ont été évoqués, mais rare-ment rapportés dans la littérature. Ils surviennent souventdans des contextes dépressifs et anxieux, connus chez lespatients présentant une insuffisance cardiaque terminale etretrouvés chez les patients porteurs d’une assistance gauche[24,25]. Comme le suggère ce dernier travail, les patientsporteurs de ce cœur-machine doivent adapter leur imagecorporelle, face à ce tiers que « vous devez traiter commeun ami, une extension de soi-même. . . que vous ne pouvezpas aliéner » [25].

Nécessité d’une éthique préventive

Comme nous l’avons vu, le niveau d’engagement thérapeu-tique initial est très élevé dans ce contexte d’innovationoù l’évolution des patients est encore mal connue. C’estsans doute du fait de cet engagement technique majeurque la discussion très précoce de la place des soins pal-liatifs et d’un arrêt de la machine, nécessaire en finde vie, est encore rarement menée. Il semble pour-tant, comme le suggèrent les études chez les patientsen insuffisance cardiaque, qu’une telle réflexion devraitêtre menée, dès la connaissance d’une évolution péjo-rative et avant l’implantation d’un dispositif d’assistancegauche [22,26,27], pour permettre une meilleure compré-hension de la maladie terminale. À ce titre, il paraîtnécessaire de souligner que l’assistance gauche, commetout traitement, doit être vue comme une thérapeu-tique palliative—ce que reconnaissent difficilement lesmédecins.

Sélection des patients

Une première étape du processus décisionnel passe néces-sairement par une meilleure sélection des patients devantbénéficier d’un dispositif d’assistance ventriculaire gauche,permettant alors de ne pas implanter les patients tropgraves et dont l’évolution après implantation pourrait mêmeêtre moins bonne qu’avec un traitement médical seul [6].L’utilisation de scores de gravité, spécifiques ou non, estainsi actuellement recommandée, même si ces scores res-tent insuffisants pour prédire l’évolution individuelle, paressence incertaine [6]. Elle pose dès lors le problème desseuils acceptables : à partir de quel taux de mortalité pré-dit faudra-t-il décider de ne pas implanter ce patient-là ?Si la décision de ne pas implanter ce patient, en insuffi-sance cardiaque terminale, est prise, une prise en charge

palliative devra être engagée, pour ne pas risquer un senti-ment d’abandon du patient qui s’aggravera inéluctablementet très rapidement. Celui-ci pourrait en effet se poser laquestion : pourquoi m’avoir refusé un traitement — coûteux

amso

197

ertes, mais encore mal connu — qui aurait pu me sauver,algré les risques majeurs ?

édecine palliative « précoce »

Chez un patient éligible à une implantationdéfinitive, les options thérapeutiques doivent

être décrites : implantation d’un dispositifd’assistance ventriculaire gauche, poursuite destraitements médicaux seuls, limitation et arrêt

des traitements et poursuite des soins desupport.

Dans tous les cas, une information claire doit être don-ée, et un consentement doit être recueilli auprès duatient et des proches. Si un dispositif d’assistance ventri-ulaire gauche est l’option choisie, il s’agira de décrire, àa fois au patient et aux proches :

les buts du dispositif (amélioration fonctionnelle et de laqualité de vie) ;l’évolution possible et les complications ;les circonstances où l’arrêt de machine est envisageable(complications graves dues à la machine ou aggravationdes pathologies sous-jacentes).

Dans le respect de l’autonomie du patient, il paraît enffet nécessaire de décrire les conséquences de l’acte chi-urgical sur la vie future du patient et de ses proches. Il’agira d’évoquer l’amélioration espérée de sa qualité deie puis la dégradation de celle-ci quand des complicationsurviendront—pouvant altérer grandement ses capacitésognitives et décisionnelles. Seule une information portantur l’ensemble de la trajectoire de soins, de l’implantation

la fin de vie, pourra permettre au patient de faire unhoix le plus éclairé possible, même s’il s’avère parfois diffi-ile à faire chez ce patient « cardiaque » ne comprenant pasoujours bien la pathologie, les traitements très techniquesppliqués et leurs complications [28] (cité dans [10]). Ainsi,ne évaluation de la capacité du patient et des proches à’adapter à la machine dans la vie quotidienne s’avère indis-ensable, en insistant également sur ce que représenteraitour le patient de vivre avec une telle machine—le contactvec d’autres patients s’avérant souvent utile à cet égard.

Cette information ne peut se faire qu’au sein d’unequipe pluridisciplinaire (cardiologues, chirurgiens,nesthésistes-réanimateurs, infirmières, psychologues),ù l’équipe de médecine palliative a toute sa place.ertes, son rôle à ce stade n’est pas celui qu’on entendabituellement, d’après une définition stricte donnée auxoins palliatifs par l’Organisation mondiale de la santé etes agences nationales [29,30]. Comment comprendre enffet qu’on puisse à la fois vouloir prolonger la vie par desoyens techniques et associer une médecine dont le but

st « d’éviter les investigations et les traitements dérai-onnables » chez des patients « atteints de maladies gravesvolutives ou mettant en jeu le pronostic vital ou en phase

vancée et terminale » ? [30]. Il semble cependant que laédecine palliative, dès ce stade très précoce, pourrait

e justifier par le fait que la médecine palliative a pourbjectif, « dans une approche globale et individualisée,

1 P. Bizouarn et al.

dlllr

asl

mdagldrvmaàcpcmm

masdfdptspnndppplfumgps

Figure 2. Composants principaux en vue d’une prise en chargepréventive et planifiée pour les patients ayant recu l’implantationd’un dispositif d’assistance ventriculaire gauche définitif. Les déci-sions sont prises après discussion détaillée avec les patients et lesproches concernant les préférences des patients en cas d’altérationde la qualité de vie, de dysfonctionnement de la machine, desurvenue de complications sévères (par exemple : neurologiques,infectieuses, cardiaques), ou d’aggravation d’une pathologie asso-ciée (par exemple : maladie pulmonaire ou tumeur maligne). DAVG :dispositif d’assistance ventriculaire gauche.Major components of a preventive and planned management forpatients receiving a left ventricular assist device as destinationtD

nddepld

tlaesdcgfv

98

e prévenir ou de soulager les symptômes physiques, donta douleur, mais aussi les autres symptômes, d’anticiperes risques de complications et de prendre en comptees besoins psychologiques, sociaux et spirituels, dans leespect de la dignité de la personne soignée » [30].

Les soins palliatifs pourraient jouer un rôle majeur, enssociation avec les soins techniques, chez ces patientsouvent âgés et présentant des pathologies associées et évo-utives.

L’implication de la médecine palliativepermettrait à la fois une meilleure prise encharge des symptômes et des complications

cliniques (douleur, anxiété et dépression, etc.)et un accompagnement du patient et des proches

pendant toute la durée de l’assistance, afind’améliorer sa qualité de vie en anticipant une

évolution terminale.

Leur approche globale et individualisée du patient per-ettrait ainsi, par son implication tout le long du parcoursu patient, d’apporter au patient et à ses proches uneide pour faire face aux conséquences physiques, psycholo-iques, sociales, liées à l’évolution de la maladie, malgréa machine. De plus, les patients ayant initialement été’accord avec le projet thérapeutique d’implantation, pour-aient décider de stopper la machine, en cas d’accidentasculaire grave, d’infection sévère résistante aux traite-ents, ou d’incapacité due à l’évolution des pathologies

ssociées. Une approche palliative anticipée pourrait aider préparer le patient et ses proches à un arrêt de la machineonduisant au décès. Il s’agira alors d’« aider » au mieux leatient et les proches à se préparer à la mort—comme pro-essus « naturel » malgré la « machine » dont l’arrêt « fait laort advenir », et d’« aider » au mieux les proches après laort [10,26,31,32].Le rôle des proches (souvent la femme) est ainsi fonda-

ental, et l’information sur les difficultés attendues toutu long du parcours du patient est évidemment néces-aire (physiques, psychologiques, économiques) [33,34] afine prévenir l’épuisement dont ils font souvent part, par-ois, malheureusement, trop tardivement. En effet, commeans d’autres contextes (la ventilation artificielle à domicilear exemple), l’arrivée d’un patient à domicile, avec uneelle machine d’assistance, pourra entraîner une dépres-ion, une angoisse ou un stress post-traumatique qu’il faudrarévenir et reconnaître [35] (cité dans [10]). La machineécessite une vigilance extrême, centrée sur son fonction-ement et les complications potentielles. C’est pourquoi,ès le début de l’implantation, les proches (l’épouse) ontarticipé aux séances d’enseignement indispensables pourermettre le retour à domicile des patients. La médecinealliative, précocement appliquée, pourrait participer à’accompagnement des proches, leur permettant de faireace aux difficultés rencontrées, dans une approche encorene fois globale, avec les autres acteurs impliqués. De

ême, son rôle dans l’accompagnement des équipes soi-

nantes, tout le long du parcours encore, mériterait d’êtrelus important pour répondre aux questions portant sur leens des soins qu’elles prodiguent quand le patient n’en peut

apml

herapy.’après [26].

lus ou veut toujours poursuivre malgré la précarité de sontat.

L’implication de la médecine palliative, leplus précocement possible, de préférence avantl’implantation de l’assistance gauche, s’inscrit

dans une prise en charge préventive et« planifiée » (Fig. 2).

Dans cette perspective, la limite entre les soins tech-iques et les soins palliatifs s’efface, donnant, dès le débutu processus, une place au palliatif — au sens du care ici —,e plus en plus importante que le patient s’aggrave. Fairentrer précocement la médecine palliative dans le processusermettrait sans doute, comme une étude l’a montré danse cancer du poumon [36], d’améliorer la qualité de vie ete la fin de vie.

C’est dans cette perspective proactive que des direc-ives anticipées adaptées à la situation exceptionnelle de’assistance circulatoire pourraient être recueillies [26,31],fin d’orienter le plus sereinement possible les échangesntre les équipes, le patient et les proches, quand une déci-ion d’arrêt des traitements et de la machine se pose. Cesirectives pourraient trouver alors une place centrale danse contexte très technique, en aidant le patient à les rédi-er afin d’obtenir un accord sur ce qui pourrait être encoreait ou sur ce qui sera arrêté si une complication grave sur-ient. C’est dans cette perspective qu’il faudra s’interroger,

vec les patients et ses proches, sur la manière dont la finourrait être envisagée (procédure d’arrêt de la machine,ise en place d’une sédation, présence des proches) et du

ieu où la fin serait préférée (à domicile, à l’hôpital le plus

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

[

Assistance ventriculaire gauche définitive et fin de vie

proche, dans le centre de référence ?). Cette information,explicitement délivrée, au sujet de la fin de vie et de l’arrêtde la machine pourrait diminuer la détresse des proches etdes équipes, en évitant les dilemmes éthiques posés par untel arrêt [31].

Conclusion

L’assistance cardiaque gauche définitive est une thérapeu-tique lourde, responsable de complications fréquentes etsouvent graves, survenant chez des patients en insuffisancecardiaque terminale et contre-indiqués à la greffe en rai-son de l’âge et des co-morbidités associées. L’évolutiontechnique, la meilleure compréhension des indications etdes évolutions, le faible nombre des greffons disponibleset l’augmentation du nombre des patients insuffisants car-diaques entraîneront probablement une augmentation desimplantations. Le niveau d’engagement thérapeutique ini-tial très élevé, le nombre important d’acteurs impliqués,le caractère innovant de ces cœur-machines vus comme untiers « inclus » rendent parfois difficile une réflexion sereinesur la fin de vie de ces patients « branchés ». Il semble qu’unetelle réflexion doit se conduire très précocement, dès avantl’implantation d’un tel dispositif, avec les équipes de soinspalliatifs et en concertation avec les autres équipes soi-gnantes dans la perspective d’une éthique préventive. Cen’est qu’à ce prix, nous semble-t-il, que nous éviterons ceque certains craignent : aller au-delà des limites que cettetechnique, comme moyen extraordinaire, rendrait possible.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Références

[1] Haute Autorité de santé (HAS). Évaluation de l’assistance cir-culatoire mécanique. Saint-Denis: HAS; 2008.

[2] Thoratec.com [site Internet]. Pleasanton, CA: ThoratecCorporation; ©2013. Consultable en ligne à l’adresse :www.thoratec.com (accès le 18/3/2013).

[3] Heartware.com [site Internet]. Framingham, MA: HeartWareInternational, Inc.; ©2013. Consultable en ligne à l’adresse :www.heartware.com (accès le 18/3/2013).

[4] Thoratec Corporation About VAD therapy [information enligne]. Pleasenton, CA: Thoratec Corporation; ©2013. Consulta-ble en ligne à l’adresse : http://www.thoratec.com/patients-caregivers/about-vad-therapy.aspx (accès le 18/3/2013).

[5] Kirklin JK, Naftel DC, Kormos RL, Stevenson LW, PaganiFD, Miller MA, et al. The fourth INTERMACS annualreport: 4,000 implants and counting. J Heart Lung Transplant2012;31:117—26.

[6] Lietz K. Destination therapy: patient selection and current out-comes. J Card Surg 2010;25:462—71.

[7] Kirklin JK, Naftel DC, Kormos RL, Stevenson LW, Pagani FD,Miller MA, et al. Second INTERMACS anual report: more than

1000 primary left ventricular assist device. J Heart Lung Trans-plant 2010;29:1—10.

[8] Rogers JG, Aaronson KD, Boyle AJ, Russel SD, Milano CA,Pagani FD, et al. Continuous flow left ventricular assist device

[

199

improves functional capacity and quality of life in advancedheart failure patients. J Am Coll Cardiol 2010;55:1826—34.

[9] Wilson SR, Givertz MM, Stewart GC, Mudge GH. Ventricularassist devices. The challenges of outpatient management. JAm Coll Cardiol 2009;54:1647—59.

10] Rizzieri AG, Verheijde JL, Rady MY, McGregor JL. Ethical chal-lenges with the left ventricular assist device as a destinationtherapy. Philos Ethics Humanit Med 2008;3:20.

11] Bramstedt KA. Destination nowhere: a potential dilemma withventricular assist devices. ASAIO J 2008;54:1—2.

12] Simon JR, Fishbach RL. Doctor, Will you turn off myLVAD. Case study. Commentary. Hastings Center Report 2008,January—February.

13] Somogyi-Zalud E, Chong Z, Hamel PB, Lynn J. The use oflife-sustaining treatments in hospitalized persons aged 80 andolder. J Am Geriatr Soc 2002;50:930—4.

14] Eve A, Higginson IJ. Minimum dataset activity for hospice andhospital palliative care services in the UK 1997/98. Palliat Med2000;14:395—404.

15] Anderson H, Ward C, Eardley A, Gomm SA, Connoly J, CorgieD, et al. Concerns of patients under palliative care and a heartfailure clinic are not being met. Palliat Med 2001;15:179—86.

16] Gibbs JSR, McCoy ASM, Gibbs LME, Rogers AE, Addington-HallJM. Living with and dying from heart failure: the role of pallia-tive care. Heart 2002;88:ii36—9.

17] Stevenson LW, Hellkamp AS, Leier CV, Sopko G, Koelling T,Warnica JW, et al. Changing preferences for survival afterhospitalization with advances heart failure. J Am Coll Cardiol2008;52:1702—8.

18] Canguilhem G. Études d’histoire et de philosophie des sciencesconcernant les vivants et la vie. Paris: Vrin; 1994, p. 389.

19] Powell TP, Oz MC. Discontinuing the LVAD: ethical considera-tions. Ann Thorac Surg 1997;63:1223—4.

20] Veatch RM. Interview by Rob Stein. Washington Post, Thursday,April 24, 2008.

21] Harris S. Nurses’ view on withdrawing ECMO: a grounded theorystudy. Nurs Crit Care 2002;7:144—51.

22] Goodlin SJ. Palliative care in congestive heart failure. J AmColl Cardiol 2009;54:386—96.

23] Mueller PS, Swertz KM, Freeman MR, Carter KA, CrowleyME, Anderson Severson CJ, et al. Ethical analysis of with-drawing ventricular assist device support. Mayo Clin Proc2010;85:791—7.

24] Eshelman AK, Mason S, Nemeh H, Williams C. LVAD destinationtherapy: applying what we know about psychiatric evaluationand management from cardiac failure and transplant. HeartFail Rev 2009;14:21—8.

25] Chapman E, Parameshwar J, Jenkins D, Large E, Tsui S. Psy-chosocial issues for patients with ventricular assist devices: aqualitative pilot study. Am J Crit Care 2007;16:72—81.

26] Swertz KM, Freeman MR, Abou Ezzeddine OF, Carter KA, Boil-son BA, Ottenberg AL, et al. Palliative medicine consultationfor preparedness planning in patients receiving left ventri-cular assist devices as destination therapy. Mayo Clin Proc2011;86:493—500.

27] Dudinski DM. Ethics guidelines for destination therapy. AnnThorac Surg 2006;81:1185—8.

28] Larobina ME, Merry CJ, Negri JC, Pick AW. Is informed consent incardiac surgery and percutaneous coronary intervention achie-vable. ANZ J Surg 2007;77:530—4.

29] World Health Organization (WHO). WHO definition of pallia-tive care. Genève: OMS. Consultable en ligne à l’adresse :http://www.who.int/cancer/palliative/definition/en/ (accèsle 18/3/2013).

30] Modalités de prise en charge de l’adulte nécessitant des soins

palliatifs. Recommandations pour la pratique clinique. Paris:Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé(Anaes); 2002.

2

[

[

[

[

[

[36] Temel JS, Greer JA, Muzikansky A, Gallagher ER, Admane

00

31] Swertz KM, Mueller PS, Ottenberg AL, Dib C, Freeman MR,Sulmasy DP. The use of advance directives among patientswith left ventricular assist devices. Hosp Pract (Minneap)2011;39:78—84.

32] Brush S, Budge D, Alharethi R, McCormick AJ, MacPherson JE,Reid BB, et al. End-of-life decision making and implementationin recipients of a destination left ventricular assist device. JHeart Lung Transplant 2010;29:1337—41.

33] Bramstedt KA, Wenger NS. When withdrawal of life-sustainingcare does more than allow death to take its course: thedilemma of left ventricular assist devices. J Heart Lung Trans-plant 2001;20:544—8.

P. Bizouarn et al.

34] Wiegand DL, Kalowes PG. Withdrawal of cardiac medicationsand devices. AACN Adv Crit Care 2007;18:415—25.

35] Bunzel B, Laederach-Hoffman K, Wieselthaler G, Roethy W,Wolner E. Mechanical circulatory support as a bridge toheart transplantation: what remains? Long-term emotionalsequelae in patients and spouses. J Heart Lung Transplant2007;26:384—9.

S, Jackson VA, et al. Early palliative care for patientswith metastatic non-small-cell lung cancer. N Engl J Med2010;363:733—42.