16
 Journal Prévention santé e t  droit de l’homme A uto- S upport des U sagers de D rogues N°1 Juin 1992 P our son premier numéro, le journal ASUD vous offre un scoop : une information exclusive ! Cette information, c’est notre existence elle-même, la naissance ,du groupe ASUD et la parution de son journal. Des usagers des drogues qui s’organisent pour prendre - ou plutôt pour reprendre - la parole : voila en effet du jamais vu en France!  Nous les usagers des drogues, sommes maintenant présents, et  plutôt deux fois qu’une, à la tribune du débat national et européen sur ce qu»’ils» appellent la «toxicomanie». Tout comme nous entendons prendre place au premier rang’ du combat pour la  prévention du SIDA. Quant à ce journal lui-même, chacune de ses pages, chacune de ses lignes est la pour témoigner, pour se faire l’écho de nos premiers  pas d’usagers-citoyens responsables «à part entière». Dans la foulée, nous voulons aussi promouvoir un projet qui nous tient tout autant à coeur, celui d’un «café contact», lieu de  prévention et de sociabilité, d’échange de seringues géré et animé  par les usagers des drogues pour les usagers des drogues, le lieu en fait de toutes les solidarités à venir... Le projet est actuellement en négociation avec les Pouvoirs Publics : leur soutien moral et matériel nous est indispensable pour mettre en place l’ensemble des projets ASUD. Ce serait là une manière exemplaire de donner la preuve d’une réelle volonté politique de partenariat avec les, usagers des drogues. Depuis des années en effet, des comptoirs de bistrot aux couloirs de ministère nous n’avons que trop entendu l’éternel discours sur le»comportement suicidaire» et «l’irresponsabilité indécrottable du toxico». Or ce discours, voilà qu’aujourd’hui, voilà qu’ici même, à travers ces pages, nous faisons entendre notre voix pour le démentir. Et pour affirmer notre volonté de nous faire les artisans de notre  propre destin. A notre façon, pour peu seulement qu’on nous laisse disposer des outils dont nous avons besoin pour atteindre nos objectifs.  Nos objectifs, cela veut dire en priorité : d’une part la prévention des risques sanitaires qui nous menacent( à commencer par le SIDA, cette maladie mortelle qui décime nos rangs à la vitesse grand V) et d’autre part, le respect des Droits de l’Homme ... qu’il soit ou non usager des drogues. Certes des efforts sont faits ici ou là dans cette double direction. Mais l’urgence de la situation nécessite à -l’évidence qu’on veuille bien penser de nouvelles forme de f raternité et de solidarité active. Et que l’on veuille bien, que l’on puisse ! en parler sans tabou ni censure. Or, qui mieux que les usagers des drogues est habilité à le faire de façon crédible pour leurs pairs? La sauvegarde de notre santé, le respect des Droits de l’Homme : voilà ce qui nous guide. Que ce journal soit comme un pavé lancé dans la mare des préjugés et des indifférences, dessinant des cercles de plus en plus larges se propageant d’onde en onde, à l’infini jusqu’à l’horizon. Celui d’une humanité souveraine, responsable, enfin rendue à la liberté de ses choix de vie - à la liberté d’être soi-même.  Nous croyons que cela est possible. Si vous le croyez vous aussi, usagers ou non usagers, écrivez-nous, contactez-nous. Ce journal est ouvert à tous, c’est une tribune libre, un lieu d’échange et de confrontation des idées et des expériences dans l’intérêt de tous. C’est un journal de dialogue...  PHUONG-THAO EDITORIAL

Asud Journal 1

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Journal Prévention santéet droit de l’hommeAuto-Support des Usagers de DroguesN°1 Juin 1992

Citation preview

  • Journal Prvention santet droit de lhomme

    Auto-Support des Usagers de Drogues

    N1Juin 1992

    Pour son premier numro, le journal ASUD vous offre un scoop : une information exclusive ! Cette information, cest notre existence elle-mme, la naissance ,du groupe ASUD et la parution de son journal. Des usagers des drogues qui sorganisent pour prendre - ou plutt pour reprendre - la parole : voila en effet du jamais vu en France!

    Nous les usagers des drogues, sommes maintenant prsents, et plutt deux fois quune, la tribune du dbat national et europen sur ce quils appellent la toxicomanie. Tout comme nous entendons prendre place au premier rang du combat pour la prvention du SIDA.

    Quant ce journal lui-mme, chacune de ses pages, chacune de ses lignes est la pour tmoigner, pour se faire lcho de nos premiers pas dusagers-citoyens responsables part entire.

    Dans la foule, nous voulons aussi promouvoir un projet qui nous tient tout autant coeur, celui dun caf contact, lieu de prvention et de sociabilit, dchange de seringues gr et anim par les usagers des drogues pour les usagers des drogues, le lieu en fait de toutes les solidarits venir... Le projet est actuellement en ngociation avec les Pouvoirs Publics : leur soutien moral et matriel nous est indispensable pour mettre en place lensemble des projets ASUD.

    Ce serait l une manire exemplaire de donner la preuve dune relle volont politique de partenariat avec les, usagers des drogues.

    Depuis des annes en effet, des comptoirs de bistrot aux couloirs de ministre nous navons que trop entendu lternel discours sur lecomportement suicidaire et lirresponsabilit indcrottable du toxico.

    Or ce discours, voil quaujourdhui, voil quici mme, travers ces pages, nous faisons entendre notre voix pour le dmentir.

    Et pour affirmer notre volont de nous faire les artisans de notre propre destin. A notre faon, pour peu seulement quon nous laisse disposer des outils dont nous avons besoin pour atteindre nos objectifs.

    Nos objectifs, cela veut dire en priorit : dune part la prvention des risques sanitaires qui nous menacent( commencer par le SIDA, cette maladie mortelle qui dcime nos rangs la vitesse grand V) et dautre part, le respect des Droits de lHomme ... quil soit ou non usager des drogues.

    Certes des efforts sont faits ici ou l dans cette double direction. Mais lurgence de la situation ncessite -lvidence quon veuille bien penser de nouvelles forme de fraternit et de solidarit active.

    Et que lon veuille bien, que lon puisse ! en parler sans tabou ni censure. Or, qui mieux que les usagers des drogues est habilit le faire de faon crdible pour leurs pairs?

    La sauvegarde de notre sant, le respect des Droits de lHomme : voil ce qui nous guide. Que ce journal soit comme un pav lanc dans la mare des prjugs et des indiffrences, dessinant des cercles de plus en plus larges se propageant donde en onde, linfini jusqu lhorizon.

    Celui dune humanit souveraine, responsable, enfin rendue la libert de ses choix de vie - la libert dtre soi-mme.

    Nous croyons que cela est possible. Si vous le croyez vous aussi, usagers ou non usagers, crivez-nous, contactez-nous. Ce journal est ouvert tous, cest une tribune libre, un lieu dchange et de confrontation des ides et des expriences dans lintrt de tous.

    Cest un journal de dialogue...

    PHUONG-THAO

    EDITORIAL

  • Sant

    LE SHOOT A RISQUE REDUIT

    Le shoot sans risque, a nexiste pas. Dabord, parce quil nest jamais anodin de sinjecter un produit dans les veines, quelquil soit. (savez-vous quen milieu hospitalier, seuls les infirmiers sont habilits faire des injections intraveineuses IV ?). Ensuite, parce que les drogues ne sont pas des produits comme les autres. Mais il existe des moyens de rduire les risques : il suffit quelqufois de quelques informations techniques lmentaires dordre mdical, hyginique. Ces informations, nous nosons pas les demander notre praticien, de peur de nous voir rpondre que ce nest pas lui de nous aider nous dfoncer, et de nous faire expdier illico vers le premier centre de sevrage venu.

    Entre nous, usagers des drogues, de telles pudeurs nont pas leur place : malades ou en bonne sant, abstinents ou pratiquants, nous partageons tous le mme objectif : vivre - quel que soit notre pratique ou notre tat de sant. Nous nallons pas nous faire la morale les uns aux autres : ceux dentre nous qui se shootent savent ce quils font. Ils ne sont que trop conscients des risques auxquels ils sexposent. Ces risques, notre objectif commun est de les rduire, notamment en matire de SIDA. Cest pourquoi le groupe ASUD a tenu, ds le premier numro de son journal, conformment sa politique, collaborer activement la rduction de ces risques. Et ce, en levant les tabous et prsentant sous la forme de questions/rponses, les principales informations sanitaires pratiques que nous nosons pas demander notre mdecin traitant.

    Cest grce la collaboration et aux renseignements fournis par notre ami le Dr Patrick BROSSAIS, mdecin psychiatre, intervenant en toxicomanie, que nous pouvons aujourdhui vous prsenter les prcautions prendre pour un Shoot Risques Rduits.

    QUESTION : Nous connaissons prsent (voir encadr) les prcautions indispensables prendre pour liminer tout risque de contamination ( commencer par le virus HIV ) par la seringue, mais y-a-t-il dautres prcautions prendre pour liminer les risques de contamination, dinfections, par les virus, germes, et autres bactries ?

    REPONSE : Bien-sr, et ce trois niveaux : la cuillre, leau et le point de piqre.

    Pour la cuillre, il faut soigneusement la dsinfecter (Eau-de-Javel, Alcool 90 ou 70, comme la seringue), puis la laver leau courante et la laisser scher, ce afin dviter la contamination par les germes vhiculs par lair ambiant. Pour la scher, ne pas utiliser de torchon ou de serviette qui pourraient contenir des germes.

    LEau : si elle nest pas parfaitement pure ou dsinfecte

    elle peut receler de nombreux germes et bactries. Lidal serait dutiliser de leau pour prparation injectable, vendue en ampoule auto-cassable dans toutes les pharmacies sans ordonnance et pour un prix modique. Egalement recommand, le srum physiologique (eau strile lgrement sale), lui aussi disponible en pharmacie. A dfaut, on pourra prendre de leau minrale encapsule; qui contient peu de germes - condition toutefois de lutiliser sitt dcapsule, avant que les germes et impurets de lair ambiant ne se dposent pas dans la bouteille ouverte. On peut enfin utiliser sans danger leau courante de la ville, qui est chimiquement dsinfecte.

    Nutiliser en aucun cas dautre liquide que leau : alcool, eau des toilettes, huiles, sodas (ils contiennent du sucre !), solvants ou mme urine (!!!Eh oui, il y a des kamikazes pour le faire. Paix leur me).- les eaux non dsinfectes (cours deau, citernes, eau courante dans certains pays, etc ...) et les eaux uses ou stagnantes (en contact avec lair ambiant) ou recueillies dans les rcipients douteux ou contamins (verres souilles, seaux, lavabos, piscines, caniveaux, cuvettes des WC, etc ....)

    Le point de piqre : Il importe aussi de le dsinfecter soigneusement pour couper court tout risque dinfection. Pour cela, on nettoiera la peau lendroit choisi avec un tampon imbib dalcool 900 ou 700 ou dther. A dfaut,

    APPELDans ltat actuel de la lgislation de ntre pays, la loi interdit, sauf drogation exceptionnelle, lchange et la distribution gratuite de seringues.Mais aujourdhui, face la gravit de lpidmie du SIDA, qui travers les catgories de personnes dites risque, menace lensemble de la population, il devient urgent de promouvoir et de mettre en oeuvre des oprations dchange des seringues.Nous, usagers des drogues, sommes prts apporter notre concours actif de telles oprations. Et avec nous beaucoup de particuliers, dassociations, publiques comme prives.Nous les appelons, eux qui partagent notre volont de prvention active du SIDA par la multiplication des oprations dchange de seringues, se joindre nous pour demander aux autorits un changement de la lgislation.Et nous exprimer leur soutien en remplissant et en nous renvoyant le formulaire ci-dessous.Je soutiens votre dmarche pour la multiplication de lieux dchanges de seringues :

    - Nom : - Prnom:- Adresse:- Organisme ou Association:

    Signature :

    2

  • utiliser un autre dsinfectant disponible en pharmacie tel que : BETADINE, MERCRYL, DAKIN, SYNTHOL, etc ...Sinon on pourra recourir des moyens de fortune : alcool de consommation ou autre type dalcool ou, (en dernier recours), eau de toilette - titrant au moins 40. En labsence de ces moyens, on frottera nergiquement lendroit choisi avec du savon de Marseille avant de laver grande eau.

    Q : A propos des veines, y-a-t-il des prcautions particulires prendre?

    R: Certainement: dune part, il faut veiller maintenir les veines en bon tat, et dautre part, il y a des endroits o il est dangereux de se piquer. Il faut en effet prvenir (par la dsinfection du matriel et de la peau) et aussi savoir dceler tout dbut de veinite, cest dire dinfection/inflammation de la paroi veineuse. On dcle la veinite la formation de cordons veineux enfls, accompagns dirritations et de douleurs sur la portion du trajet veineux concern. En ce cas, utiliser en application locale une pommade anti-inflammatoire de type NIFLURIL (vendu en pharmacie sur ordonnance), et cesser toute injection lendroit concern. Faute de quoi, une veinite relativement bnigne risque de dgnrer en phlbite, avec thrombose (formation de caillot obstruant la veine).

    Il importe galement de bien choisir le point de piqre : viter les veines trop fines qui pourraient clater, causant hmatomes et abcs. Eviter galement les parties du corps trop exposes aux germes : main, pied ou entre-jambe (qui macre toute la journe dans les chaussures ou les sous-vtements ferms) ou ... lintrieur de la bouche.

    A viter absolument - les injections intra-artrielles aussi bien radiales (intrieur poignet) que carotides (gorge) - ce type dinjections en profondeur est extrmement dlicat et dangereux (en milieu hospitalier, seuls les mdecins sont habilits le pratiquer).

    Q : Parlant de caillot, il arrive souvent qu force de galrer la recherche dune veine sitt perdue, on finisse par obtenir dans la seringue une sorte de pte noirtre, mlange de sang demi coagul et de came dissoute. Peut-on linjecter sans danger - au besoin en lallongeant deau ?

    R : Non ! Ce genre de soupe peut facilement occasionner des caillots, responsables de thromboses et de phlbites graves, sans parler des risques dinfections et dabcs. Si cest tout ce quil vous reste et que vous rpugnez le jeter, mieux vaut vider la seringue dans les narines et sniffer la mixture. Les muqueuses du nez recueillent au moins une partie du principe actif et vous navez pas tout perdu !

    Q: La pratique de la tirette est-elle dangereuse ?

    R : Non, tant quelle ne se prolonge pas au point de coaguler le sang dans la pompe.

    Q : Certaines varits dhrone - le brown - ncessitent pour se dissoudre, la prsence dun agent acide dans la cuillre. Lequel utiliser: vinaigre ou Citron ?

    R : Lidal serait dutiliser un peu dacide citrique en

    poudre (disponible en pharmacie) mlang la dope et leau de cuisson. En son absence, on utilisera:

    1) Le jus de citron ( condition de le filtrer soigneusement au pralable et quil provienne dun fruit frais en bon tat)

    2) Lacide ascorbique au vitamine C, filtrer galement avec soin car elle fait des dpts.

    3) Le vinaigre, blanc ou rouge, nutiliser quen tout dernier recours, cause dune part des adjuvants chimiques, ainsi que des dpts quil forme, occasionnant abcs, veinites et infections diverses.

    Q : Une fois rpertoris les risques marginaux ou secondaires lis aux conditions sanitaires, linjection elle-mme, au surdosage ou ladultration de la dope, y-a-t-il un risque li au produit lui-mme ?

  • SantR : Bien entendu, tout produit toxique engendre un risque

    chez la personne qui lutilise: avec la cocane ou les amphs, qui induisent une tendance la multiplication des prises, en crant chez lusager le besoin de se shooter sans arrt pour renouveler le flash (phnomne de tolrance), il y a en particulier un risque de crise dpilepsie ou daccident cardiaque ...

    Q : Et lhrone ?

    R: Concernant lhrone , le Dr Brossais explique Lhrone disponible sous forme pure, sans coupage, si

    elle nest pas dans un dosage contrlable, peut certes entraner un risque daccident aigu mortel : loverdose, mais ne lse pas dorgane particulier en dehors de ce risque. Le seul autre risque est celui de dpendance physique et psychique, parfois provoqu ds les premires prises du produit. Celui-ci cause la longue un puisement gnral de lorganisme. En somme, lhrone en pompant les ressources de lorganisme, joue le rle dun acclrateur de vieillissement, et ce jusqu la cachexie, puisement total, marqu par une maigreur extrme, une asthnie physique et psychique extrme, lanorexie (abandon de la nutrition) et enfin un tat grabataire ... jusqu ce que lusager finisse par steindre comme une chandelle use jusquau bout.

    Il faut en gnral une longue priode dusage massif et rgulier pour en arriver ce stade ultime. Mais il convient dtre attentif aux premiers symptmes de cet affaiblissement gnral (faiblesse physiologique et mentale, aboulie, perte daptit, indiffrence sexuelle, amnorrhe, amaigrissement, dtrioration progressive de ltat gnral -les dents, le foie, les reins, le transit intestinal- et ds leur apparition, denvisager dinterrompre, au moins momentanment, lusage du produit. Mais cela est vrai pour beaucoup dautres drogues lgales, comme lalcool ou certains mdicaments.

    Q : Y-a-t-il un moyen de pallier cet affaiblissement gnral ?

    R: Hlas non. Il nexiste aucun moyen dviter la fatigue gnrale engendre par lusage intensif des opiacs, cependant pour les usagers, il faut sefforcer continuer davoir une alimentation riche et diversifie, en prenant si possible, des doses quotidiennes de vitamines et doligo-lments type Vivamine au Quotivit. Du fait des conditions sociales rsultant de la marginalisation impose lusager par la clandestinit, cela reste hlas le plus souvent un voeu pieux.

    Q : Est-ce que cela signifie que les opiacs en particulier auraient un effet immun-dpresseur ? Notamment chez les sropositifs et les malades du SIDA chez qui lusage dopiacs risquerait de dclencher ou dacclrer la progression de la maladie?

    R: NON! Le Dr BROSSAIS, cit en toutes letmes, dclare :Je rponds catgoriquement non. Par rapport latteinte

    VIH, plusieurs tudes internationales (en particulier, concernant la mthadone, le Congrs de Florence en juin 1991) ont clairement montr que les UDVI dopiacs en gnral navait pas une survie moindre que les autres personnes dites risque. Cest pourquoi ,il ajoute : il me semble particulirement important de dvelopper en France des programmes - mthadone, notamment, chez les usagers des. drogues sropositifs ou atteints du SIDA ... Pour le moment, nous sommes, avec la Sude, le pays le plus retardataire dEurope, sans parler de la CEE, dans ce type de programme de substitution.

    ACCIDENTSLA POUSSIERE : Cest ce qui se produit, lorsque vous

    vous injectez une impuret ( fibre, dpt de dope mal dissout, ou provenant de lagent acide, cendres ou poussires ramasses sur du matriel mal nettoy). Le meilleur moyen de lviter, est de veiller dabord bien dissoudre la dope et ensuite filtrer soigneusement le mlange travers un coton neuf ( les vieux ayant tendance sffilocher sans parler de toutes les salets qui sagglomrent dessus)

    Malgr son ct spectaculaire et extrmement dsagrable ( ttanie, tremblements convulsifs, fivre soudaine, migraines violentes, angoisses aigus, refroidissements), il sagit gnralement dune complication bnigne qui cde au bout de quelques heures.

  • Que faire?Envelopper la personne dans des couvertures pour lutter

    contre le refroidissement. La faire boire abondamment pour viter un blocage rnal en cas de dshydratation,. Administrer un analgsique lger genre aspirine pour combattre la douleur et faire baisser la fivre, ainsi quun anxiolytique (Lexomil, Lysanxia par exemple) et, ventuellement un antihistaminique (Polaramine)pour lutter contre la raction allergique. Au bout de quelques heures, la personne cedera au sommeil, et, au rveil, ne gardera de ce pnible accident quune fatigue pouvant durer plusieurs jours.

    O.D (OVER-DOSE) : ou plutt, en termes mdicaux, accident de surdosage . Il se produit gnralement dans deux cas : soit lors dune premire exprience sur un individu qui ne consomme pas dopiacs, ou encore lors du premier shoot aprs une priode dabstinence volontaire ou force ( cure de sevrage, prison etc...), alors que le corps sest dsaccoutum du produit, il ne supportera pas une dose considre comme lgre avant le sevrage; soit encore lorsquon injecte une dope inhabituellement puissante, cest dire la teneur plus forte en produit actif, soit quand la personne est malade ou puise.

    Comment lviter? Il ny a quune seule parade: la prudence. Cest dire, face un produit provenant dun nouveau plan, ou pour une premire prise aprs un sevrage, tester la came, soit en nen sniffant un peu avant de se linjecter, soit en nen injectant dabord une quantit minime.

    Un accident de surdosage se reconnat , ce que le sujet, de quelques secondes quelques minutes aprs linjection pique du nez, et perd connaissance; parfois avec convulsions et arrt de la respiration. Quoiquil en soit, il sagit l dun risque vital qui ncessite une intervention en urgence.

    Que faire ?Dabord, appeler le SAMU ou se mettre en relation avec

    lhpital le plus proche.

    En attendant, le mieux serait dadministrer un antagoniste spcifique agissant sur les recepteurs dopiacs du cerveau. Ce produit existe : la Naloxone, vendu en pharmacie sur ordonnance, sous le nom de NARCAN. La prudence la plus lmentaire voudrait que chaque usager de drogue par voie intraveineuse (UDVI) en possde toujours une ampoule chez lui ou porte de main ; En tout cas, si on en possde, en administrer immdiatement, une ampoule la victime, soit en intra-musculaire , soit en intraveineuse lente.

    Pendant ce temps: sassurer de la ventilation des poumons de la victime par le bouche bouche (il suffit dun arrt respiratoire et circulatoire de quelques minutes pour dtruire irrmdiablement le cerveau), et surveiller son pouls. Si vous avez des notions de secourisme, faire un massage cardiaque et ventiler le sujet par le bouche bouche.

    Tout en administrant les soins durgence numrs ci-dessus: essayer de rveiller la victime, soit, en lui administrant des claques, soit en la plongeant dans un bain deau froide. Ne pas tenter de la relever, laisser au contraire le sujet allong, de prfrence sur le ct pour lui viter de stouffer avec dventuels vomissements. Le bouche bouche et le massage cardiaque, sils ont t commencs, doivent tre continus jusqu larrive des secours.

    Pour viter toute contamination, et dabord, celle du Sida, une rgle dor : une seringue neuve par shoot et par personne. Mme si vous tes dj sropositif, une seringue usage non strilise risque de vous recontaminer, ce qui hte le dclenchement de la phase active de la maladie - mme sil sagit de votre propre seringue : outre le fait que beaucoup de germes ou dimpurets ont pu sy dposer entre deux utilisations, vous pouvez vous rinfecter avec votre propre sang.

    Si vous ne disposez pas de matriel neuf, vous pouvez, en dernier recours, striliser la seringue aprs usage. Cette opration, qui nest quun pis aller doit imprativement tre renouvel aprs chaque shoot.

    Il existe deux mthodes :

    1) - Leau bouillante :Bien RINCER la seringue en la remplissant et en la vidant

    plusieurs fois. La dmonter (corps, piston, aiguille) la laisser bouillir 5 10 mn dans une casserole deau puis vider leau de

    l casserole retirer les pices, laisser scher et remonter la seringue.

    2) - A leau-de-Javel ou lalcool (70 minimum)bien rincer la seringue remplir un verre de Javel ou dalcool 90, remplir compltement la seringue et vider dans lvier, recommencer lopration 3 5 fois. Remplir un verre deau (courante ou minrale) et rincer nouveau. Recommencer 3 5 fois pour liminer

    toute trace de Javel (trs toxique)

    Aprs usage : jeter la seringue qui ne doit tre rutilise quexceptionnellement,

    avec les prcautions dcrites ci-dessus. Avant de la jeter, casser laiguille et empaqueter le tout dans un

    sac bien ferm, ou encore la mettre dans une canette vide que vous craserez ensuite; Cest la meilleure faon , si vous tes sropositif, dviter de contaminer un boueur, ou un enfant qui la trouverait et sgratignerait par accident.

    UNE SERINGUE PROPRE

  • Sant

    LE SIDALe SIDA est une maladie qui dtruit le systme immunitaire

    (dfense du corps contre les maladies). Rsultat : des maladies de toutes sortes peuvent alors se dvelopper. On parle ce moment l de maladies opportunistes, puisquelles profitent de labsence de dfense du systme immunitaire (ou de sa faiblesse).

    Etre sropositif, ce nest pas tre malade. Seulement, le virus du SIDA a t rencontr par la personne sropositive. LUsager sropositif doit alors faire plus attention que les autres personnes pour ne pas subir une surcontamination par une autre souche du virus du SIDA.

    Le virus en lui-mme est trs fragile. Il ne supporte ni lair, ni leau-de-Javel, ni lalcool 90. Cependant, laisser scher une seringue nest pas efficace : des gouttes de bues suffisent transmettre le virus par laiguille. La solution la plus faile, la plus rapide, la plus efficace, cest naturellement de changer de seringue, pour en acheter une strile !

    Ne jette pas tes vieilles seringues nimporte o le chapeau de laiguille peut se retirer, et des enfants curieux pourraient se piquer au travers dun sac-poubelle. Par prcaution, nous devons donc casser laiguille de lancienne seringue pour que personne dautre ne puisse lutiliser. Attention toutefois nepas laisser traner laiguille ainsi casse.

    Etre un usager responsable, ce nest pas seulement se proccuper davoir des seringues neuves. Cest aussi utiliser les prservatifs, quelles que soient les circonstances. La confiance ne suffit pas. Avoir fait le test de dpistage non plus. (un trs grand dlai tant ncssaire (3 mois) entre le contact avec le virus et son dpistage). Le prservatif est un jeu qui nexclu pas lamour. Porter des prservatif sur soi est une marque despoir (dune rencontre).

    La moiti dentre-nous sommes dj sropositifs. Ne cherche pas de qui cela vient ! Mais cherche prvenir tous ceux avec qui tu as tourn ces derniers temps. Le geste de prvention nest pas facile ! Dire quelquun fais le test !, cest dur. Mais personne

    ne sait qui de toi ou de la personne a t le premier en contact avec le virus, et le

    problme nest pas l. Il sagit de faire jouer la solidarit, et

    le premier geste est de rester vigilant lors de ftes o drogues et sexualits peuvent

    se mler.Le SIDA nest pas

    une maladie honteuse. Si tu es sropositif ou malade du SIDA, ne

    cherche pas le nier, tisoler. Tu dois tre plus prudent, mais tu continues vivre. La vigilance nest pas la privation des plaisirs. Il sagit de faire rentrer de nouveaux rflexes dans nos us et coutumes. Mieux vaut parfois attendre louverture dune pharmacie plutt que de gagner une heure en perdant un mois lhpital, voire pire. Une seringue propre ne dispense pas du prservatif. Le sex-sans-risque (SSR) saccompagne dun usage risque rduit (URR). Lusage propre, a sapprend, et cest une carte de visite pour instaurer la confiance avec tous les partenaires.

    RECHERCHETOXICOMANIE-SIDA

    Un rapport de lIREP*, en date de mars 92, et consacr LA TRASMISSION DU VIRUS VIH CHEZ LES TOXICOMANES, enregistre un net changement de comportement chez les toxicomanes, visant la rduction des risques de contamination.

    Le rapport souligne quun faible pourcentage des usagers de drogues ayant commenc se piquer aprs 1987 (anne de la libralisation des seringues) sont contamins par le virus.

    Cependant, poursuivent les chercheurs :Il reste nanmoins difficile de penser que les toxicomanes par

    voie intraveineuse pourraient rduire encore, et de faon significative, les risques de transmission du VIH par lacquisition dattitudes nouvelles plus sres, tout du moins pour ce qui concerne la seringue: en ralit, les risques de transmission sont maintenant domins par les conditions de vie et lhygine gnral des usagers. Linformation est passe, le non partage de la seringue sest install comme une routine, lemploi du prservatif est devenu un peu plus frquent. Mais il manque au maintien ou au renforcement de ces nouvelles habitudes lenvironnement sanitaire adquat. Les tats de crise, la misre conomique, les conditions de vie dans la rue, la difficult de laccs aux soins, le caractre discontinu des prises en charge sanitaires sont autant dlments qui fragilisent ou relativisent les attitudes de rduction de risque; Le faible emploi du prservatif est cet gard significatif, il vient largement en second dans lordre des priorits.*

    IREP : Institut de recherche pidmiologique de la pharmaco-dpendance, du DR Ingold.

    Quelques adresses et tlphones utiles ...- Centre Belleville - 281, rue de Belleville - Paris 20me

    Tl : 47 97 40 49. du lundi au vendredi de 16h 20h et le samedi de 9h30 12h30 - Centre Ridder - 3, rue de Ridder - Paris 14me

    Tl : 45 43 83 78 - Du lundi au vendredi de 12h 20h et le samedi de 9h30 12h30 - Hpital Lariboisire - 2, rue Ambroise Par - Paris l0me

    Tl :49 95 81 24/49 95 81 21- Hpital Salptrire - 83, Bld de lhpital - Paris l3me

    Tl : 45 70 21 72 / 45 70 21 73

  • Rencontres

    INTERVIEW DE MME CHISTINE ORTMANS

    Mme Christine ORTMANS est charge de mission, responsable des actions de prvention en direction des toxicomanes et des prostitus lAgence Franaise de Lutte contre le Sida (AFLS).

    ASUD : Depuis sa cration lAFLS dploie des efforts considrables pour la prvention du sida - quelle est sa politique actuelle, en mai 92, dans le domaine spcifique de la prvention du sida chez les usagers de drogues ?

    C.ORTMANS : En ce qui concerne les usagers de drogues lagence sest fix deux objectifs : dune part la facilitation de laccs aux seringues striles et aux prservatifs; dautre part, la circulation dune information faite par et pour les usagers. A cet gard, nous ne pouvons que nous fliciter de lexistence et de laction dun groupe comme le vtre . Quant aux seringues et aux prservatifs la tche est loin dtre simple. Il y a en effet, en ce qui concerne les seringues une sorte de blocage, qui fait que la population nest pas encore prte accepter des campagnes dinformation prconisant lusage de seringues striles et o certaines personnes stiment encore que la vente libre des seringues favorise la prise de drogues illicites. Une enqute mene dans 5 villes de France, aprs la libralisation de la vente des seringues en pharmacie, na pas mis en vidence une augmentation du nombre des toxicomanes. Dans une socit o le seul mot de drogue suffit ffrayer le public, il nous faut aller progressivement.dans nos actions sur le terrain.

    Mais quelles que soient les difficults que nous rencontrons, cest une seule et mme ide qui sous-tend le double objectif de notre action. A savoir que pour que lusager de drogues prenne soin de sa sant, la fois pour lui-mme mais aussi pour ses partenaires

    - en un mot, pour quil se respecte , il faut que la socit lui offre le respect d tout citoyen . Ce qui signifie que pour quil accorde du prix la sauvegarde de sa vie, il faut lui offrir la possibilit dune vie qui vaille la peine dtre vcue. Que signifient en effet le risque du sida, la prvention pour un tre dmuni de tout, dans un tat de prcarit absolue, seul, sans travail, sans ressources, sans refuge , que la rue ou la prison, et vou lopprobre gnral ?

    ASUD : A titre dexemple, la libralisation de la vente des seringues, en 87, a-t-elle provoqu un tassement de la hausse du taux de contamination chez les usagers de drogues?

    C ORTMANS : Il est impossible de donner des chiffres prcis Dabord parce que la clandestinit de lusage des drogues empeche toutes statistiques. Ensuite, parce que les dlais dapparition de la maladie - plus ou moins l0 ans aprs la contamination - et labsence de dclaration de la sropositivit font quil est encore trop tt pour juger des rsultats de cette mesure.

    La seule certitude que lon ait cest que, indniablement, les comportements ont chang. Ce qui prouve que, si on informe les toxicomanes et quon leur donne les moyens daccs aux soins, aux seringues, aux prservatifs - les usagers de drogues peuvent se montrer responsables et soucieux de leur sant. Les tudes ont montr que les compor-tements ont chang.

    ASUD : Le tabou qui pse dans notre pays sur toute information sur la drogue constitue-t-il une gene, une pierre dachoppement pour votre action ?

    C ORTMANS : Malheureusement oui. En France, la drogue reste un

    sujet qui suscite autant la rflexion que la passion. Pourtant, en ce qui concerne la prvention du VIH chez les usagers des drogues, il y a une urgence dont il faut tenir compte en matire de Sant Publique. Mais il faut composer avec la ralit.

    ASUD : Le discours officiel sur les drogues peut-il continuer arborer le double visage quil a actuellement: dun cot, la prvention (et pour nous, a signifie

    LETTRE OUVERTE AMme GEQRGINA

    DUFOIXMadame le Ministre,

    Comme vous avez pu lire dans notre manifeste, lune des principales raisons dtre du groupe Asud est dapporter la preuve vivante que les usagers des drogues sont prts engager un dialogue constuctif avec les dcideurs en matire de toxicomanie afin de devenir des partenaires actifs de la lutte contre tous les dangers qui les menacent, commencer par celui du sida.

    Sachant lintert clair que vous portez aux problmes de toxicomanie, nous vous serions infiniment reconnaissants de bien vouloir accepter de nous recevoir pour un entretien qui, publi dans le prochain numro du journal ASUD, jetterait les bases de ce dialogue que tout comme vous -mme nous appelons de nos voeux.

    LE GROUPE ASUD

  • Rseau Europenpromotion de lusage des seringues striles) et de lautre, la rpression (stigmatisation de la drogue, dclarations publiques de guerre la drogue ect...)?

    C.ORTMANS : Cest bien l le problme dans notre travail Etre patient. Il faut expliquer et expliquer encore au public que ce nest pas parce quon fait de la prvention du SIDA en favorisant le libre accs aux seringues, quon incite les jeunes prendre tel ou tel produit. De mme que la promotion du prservatif na pas pour objectif dinciter les jeunes la dbauche, mais simplement se protger eux-mmes et leurs partenaires lors de relations sexuelles. Pourtant il y a encore beaucoup de rticences faire passer la prvention du sida avant celle de la toxicomanie. Nanmoins, je peux vous assurer que les responsables des diffrentes administrations travaillent ensemble sur ce sujet et que lon commence observer une volution dans les discours et les mentalits.

    ASUD : Pensez-vous que les usagers ont un rle jouer dans la prvention du sida ?

    C.ORTMANS : Bien sr . Il est normal que la prvention passe en priorit par les groupes les plus exposs. A la fois pour eux-mmes mais aussi pour lensemble de la socit.

    OSLOLA PRESENCE DASUD AU NIVEAU EUROPEEN

    Cest tout naturellement que ds sa cration, le groupe ASUD sest insr dans le rseau europen des groupes dAuto-Support des usagers des drogues. Un ralliement tardif, certes (mais aprs tout, nous nexistons que depuis le 9 avril 1992) mais enthousiaste.

    Comme ont t enthousiastes les applaudissements, qui, le 26 avril 1992 Oslo, o stait runi le comit directeur du Rseau Europen, ont salu lannonce de la cration du groupe ASUD France.

    La naissance du rseau europen que notre groupe ASUD vient donc de rallier, remonte novembre 1990. Cest au cour dun congrs organis par le groupe allemand dAuto-Support JES et financ par la Deutsche AIDS-Hielfe (Agence allemande de Lutte contre le SIDA) Berlin et runissant 30 participants venus de toute lEurope de lOuest et de lEst pour affirmer la volont des groupes dauto-suppport des usagers des drogues de prendre part en toute premire ligne au combat de la prvention du SIDA, que lide de crer un rseau organis des groupes ASUD europens , dot dune structure permanente, sest impose.

    Une ide qui devait prendre corps un an plus tard, du 29 novembre au 1er decembre 1991, toujours Berlin. On a en effet pu voir, tout au long de cette nouvelle rencontre, le rseau europen esquiss, lanne prcdente, slargir de nouveaux participants (26 groupes au total), et se doter dun secrtariat permanent ainsi que dun comit directeur lu.

    A lissue de son congrs fondateur de Berlin 1991, la toute nouvelle organisation europenne devait galement adopter une dclaration rsumant les objectifs et les revendications des groupes ASUD europens.

    5 mois plus tard, en cette fin avril 1992, cest Oslo que le comit directeur, qui rassemblait une douzaine de personnes sous lgide dun observateur de lOMS venu apporter le soutient de son organisation laction du rseau europen, a pu saluer la toute nouvelle cration de notre groupe ASUD franais.

    Abdalla Toufik, membre lu du comit et messager du ralliement de notre groupe au rseau europen,

    C o m i t d e s o u t i e n

    Pour nous aider dans notre lutte pour la prvention du SIDA et le respect des Droits de lHomme, notre ami Abdalla TOUFIK a pris linitiative de former un Comit de Soutien des non-usagers.

    Nous nous joignons lui pour appeler tous ceux - mdecins, juristes, intervenants en toxicomanie, parents ou amis dUsager des drogues, personnes prives ou associations - qui partagent nos objectifs et nos convictions, rejoindre ce Comit de Soutien destin travailler en liaison avec le Groupe ASUD et en fonction des aspirations et des impratifs qui orientent notre action.

    Les coordonnes sont les mmes que celles du groupe ASUD.

  • 9a demand au Comit son remplacement par un usager membre dASUD France, parce que, dit-il : Jai dmissionn du comit parce que, dans la logique de lAuto-organisation des usagers des drogues, ntant pas usager moi-mme, il me semblait normal de cder ma place Philippe Marchenay, responsable du groupe ASUD France. Le comit directeur a accept ce remplacement , en dpit de la rgle selon laquelle ses membres taient en principe lus au scrutin nominal, et non par association. Tout le monde en effet a compris la ncessit pour ASUD France, dy tre reprsent.

    Quant aux travaux de cette premire runion de ce comit directeur, ils ont t largement fconds, aboutissant notamment la dfinition dun double objectif pour laction au niveau europen : la lutte contre le flau du SIDA dune part, et la protection des droits de lHomme pour les usagers des drogues : Il ne sagit pas, poursuit Abdalla, de promouvoir la Toxicomanie ou de devenir je ne sais quel carrefour de la dfonce, mais de participer activement en tant qu usager des drogues, la politique de rduction des risques commencer par celui du SIDA. Or, les travaux du comit ont clairement mis en lumire le fait que cest dans les tats (Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas) o les pouvoirs publics ont enfin compris que rien ne peut tre fait en matire de prvention sans le concours des usagers des drogues que sont menes les seules expriences rellement fructueuses. Les rsultats sont l : il n a qu voir les statistiques ; partout o les usagers des drogues sont pris en compte, on observe que la contamination par le virus VIH est nettement moindre.

    Cest pourquoi nous comptons travailler avec nos partenaires europens sans oublier les conditions imposs par le contexte local, en servant notre faon le double objectif du rseau : le droit la sant et les Droits de lHomme.

    Pour nous, en France, cela veut dire entre autre faire en sorte dlargir la palette des choix de vie proposs lusager, et surtout lusager malade. Cest dire en un mot : abstinent ou non, avec ou sans drogue, survivre ... vivre, tout simplement.

    Quoiquil en soit, cest ds juillet prochain, Amsterdam, o se trouve le sige officiel du rseau europen, que se tiendra la prochaine runion du comit directeur, loccasion de la confrence mondiale du SIDA. Et notre groupe, bien que nouveau venu, entend bien y tenir un rle actif, dautant quil a t convenu Oslo de lui confier la coordination des groupes francophones et dEurope du sud. : Belgique, Suisse, Espagne, Italie et la Grce.

    LETTRE DUN AMI

    Lors du colloque Drogue et droits de lHomme, ce 10 avril 1992 Nanterre, jai t agrablement surpris dapprendre lexistence de votre groupe ASUD. Cette rvlation sest passe dun faon assez cocasse dailleurs. Au moment o le Dr Marc Valeur dplorait la lecture que faisait les NA (Narcotic Anonyme) du toxicomane, qui constitue dailleurs leur idologie et lesprit de leur runion - le toxicomane comme impuissant ou pour dire autrement comme malade incurable - vous dvoiliez lassistance votre existence, votre puissance, votre citoyennet (ce qui va forcment lencontre de lanonymat et de la maladie). Sans doute M.Valeur fut le plus tonn, alors quil ne voyait en France dautres formes dauto-support que les NA, mais le remarquable fut cet auditoire qui tout au long de la journe et de la soire vous a ovationns et soutenus et qui, en dfinitive, a pris parti pour vous.

    Chers amis, ce que je voudrais surtout vous dire, cest quici en Belgique, vous avez aussi notre soutien inconditionnel. Plusieurs belges prsents ce 10 avril vous ont dj exprim chaleureusement leur sympathie et leur soutien. Jai moi-mme, lors de mon retour en Belgique, parl de vous plusieurs citoyens-consommateurs belges qui seraient partants pour la mme aventure. Lide nous est mme venue de vous proposer de nous unir vous, en respectant bien entendu les diffrences rgionales inluctables.

    Dabord parce quen Belgique nous avons besoin dune telle dynamique, ensuite et surtout parce que comme on dit ici lunion fait la force, avantage quil ne faudrait pas ngliger dans lEurope politique qui prend racine. Unissons nous aussi aux Suisses. Formons un front francophone. Je le dis avec dautant plus daisance quil faut savoir que les groupes dauto-support nerlandais, anglais ou allemand, qui ont une bonne longueur davance sur nous, ont dj obtenu normment de droits et de reconnaissances grce leur existence et aux groupes de pression quils forment. Il nest pas faux de dire que lusager hollandais est un citoyen part entire ... en tant quusager. Un premier signe de cette union serait de diffuser le journal dans toute la

  • Rseau EuropenFrance, la Belgique, la Suisse, mais il faudra aller plus loin.

    Lide dun front francophone dpasse bien entendu notre lgendaire unilinguisme. Notre Politique* en France et en Belgique mane dune conception bien franaise o la morale - le bien/le mal - gouverne la politique alors que dautres, anglo-saxons, allemands ou nerlandais mettent en avant les ralits, le pragmatisme. Nous ne sommes pas des parias, mais des tres humains part entire, ce que semblent oublier nos pays qui prtendent par ailleurs se laisser, guider par la charte des Droits de lHomme. Ensemble nous serons plus forts pour rappeler notre existence, notre humanit et nos dsirs ceux qui se targuent de morale pour notre bien. Mais quel titre ?

    Encore un mot. A lavenir, nous ne pourrons plus nous contenter dtre seulement auditeurs (participants) dans ces colloques dexperts, mais il faudra participer en tant quexperts ces colloques. Je nai pas peur de dire que nous sommes les experts par Excellence en matire de drogue. Cessons de laisser parler les autres notre place et pour notre bien. Ils y ont droit, car un avis extrieur nest pas ddaigner, mais ils prennent toute la place. Cest un abus de pouvoir sinon de droit !

    *Si la politique Suisse est en train de changer, cest surtout au dpart de la Suisse almanique et non la Suisse romande.

    Didier De Vleeschouwer Sociologue - ex-usager

    LE MOT ETRE HUMAIN A BEAUCOUP CHANGE...

    En ce qui me concerne, mon parcours dusager de drogues et de sropositif, je nen fais pas tout un plat: on ne revient pas en arrire.

    Je voudrais quon me foute la paix.Comment peut-on se permettre de nous juger? et qui ?

    srement pas ltat ni les mdias.Je veux juste quon maccepte comme je suis - avec ce

    que je vis.Quon me considre comme un tre humain et pas

    comme un mot : TOXICO - une tiquette quon vous colle sur le front pour nous cataloguer, mchamment , nous marginaliser. Quand on regarde ce qui existe, on voit quil faut dpasser la question, trouver la solution.

    Pour ceux qui partagent la mme ide mnent le mme combat VIVRE juste VIVRE.

    Comme on peut tant quon peut.Moi, je maide moi-mme.Dj, avec les moyens du bord, les autres suivent.Penser a, cest un pas en avant,et, sans censure,

    pouvoir lcrire.Herv MICHEL

    10

    COUP DE MANQUE

    Jen ai pris hier, aujourdhuiPour mchapper un petit momentPour oublier, quoi, je ne sais pasPeut-tre un peu tout, la vie je croisLa came est l dans mon corps et dans ma tteJe suis bien.

    Le jour sest lev et avec lui la douleurLes yeux peine ouverts, elle mtrangle et me Fait tordre dans mon lit.

    Je voudrais bien essayer de rattraper le filDe mon sommeil perdu pour replonge rdans le nord profond Pour chapper la vrai souffranceInsupportable qui me vibre dans tout le corps.

    VALERIE

  • 11

    Droits de lhomme

    JUSTICE-INJUSTICE

    ARRET DE LA COUR DE CASSATION

    Dsormais, en matire de stupfiants, il suffit dune simple dnonciation pour habiliter la police intervenir en flagrant dlit, cest dire faire irruption au domicile dun suspect nimporte quelle heure du jour et de la nuit, sans avoir besoin daucun document justificatif.

    Rien de nouveau sous le soleil direz-vous. Eh si justement: ce qui est nouveau cest qu prsent, ce genre de pratique policire qui, pour tre courante, nen restait pas moins comme plus ou moins en marge du Code Pnal, se voit en effet officiellement consacre par une toute rcente jurisprudence de la plus haute juridiction franaise.

    La Chambre Ciminelle de la Cour de Cassation vient en effet de rendre un arrt consacrant de fait le droit des policiers intervenir en flagrant dlit sur simple dnonciation, ds lors quil sagit de stupfiants. Et ce, en cassant voici trois semaines larrt de la Cour dAppel de Fort de France dat du 19 juillet 91, arrt par lequel celle-ci annulait elle-mme la procdure de flagrant dlit engage contre un nomm Riquier Max, suspect de vente de drogue la suite de la dnonciation dun petit consommateur qui le dsignait comme son fournisseur. Cette annulation avait t prononce au motif que la simple mise en cause (du suspect) ne saurait constituer lindice apparent suffisant dun comportement dlictueux rvlant lexistence dun flagrant dlit.

    En clair, la rcente dcision de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, en permettant la police dagir en flagrant dlit sur simple dnonciation, lui donne un pouvoir quasi-discrtionnaire et dgag de toute tutelle judiciaire en

    matire de stupfiants...

    Dcidment non, comme rpondait le flic qui lembarquait 3 h du mat aprs avoir dfonc sa porte au pauvre pkin menott, assez naf pour lui demander sil avait un mandat - non vraiment, On nest pas dans un feuilleton amricain, mon petit pote, on nest pas la tl ...Eh non, cest vrai; on est en France en mai 1992...

    MASSACRE AU MYANMAR(ex-Birmanie)

    Daprs le chef du Centre Anti Prostitution, une ONG thalandaise, 25 prostitues birmanes sropositives auraient t xcutes par injection de cyanure en fin 91 sur ordre des autorits de Rangoon.

    Les vingt-cinq jeunes femmes avaient t, en mme temps que plusieurs dizaines de leurs compatriotes, libres du bordel de Thalande o elles travaillaient et refoules vers leur pays dorigine par la police des moeurs thalandaises en juin dernier.

    quand on sait quenviron 40000 prostitues birmanes travaillent dans les bordels du pays du sourire, pour la plupart membres de ces minorits ethniques contre lesquelles le rgime de Rangoon mne par ailleurs une vritable guerre dextermination sous couvert de lutte contre la drogue, et quon connait dautre part le peu de cas que font les gnraux birmans de la vie humaine, on peut lgitimement sattendre des lendemains sanglants... Alors, aprs les prostitues, quand le massacre des UD sropositifs ?

    Pour le moment - et pour ce que nous en savons - la question nest heureusement pas lordre du jour ... Nempche que si jtais birman, et toxico, et sropo, pour couronner le tout, jaurais disons comme une tendance me mfier des prises de sang.

    Selon le Docteur Denisl, dans Synaopsis Pluralis davril 1992, prs de 10000 12000 toxicomanes seraient incarcrs chaque anne en France, avec parmi eux, un taux de sropositivit variant de 30% 40%. On peut donc en dduire quil y aurait actuellement entre 3000 et 5000 Usagers des drogues sropositifs ou malade du SIDA dans les prisons franaises.

    Face cette situation, face aux risques de contamination quelle entrane du fait de limpossibilit de trouver en

    Prison des prservatifs ou des seringues striles, comment ragit lAdministration Pnitentiaire ? Comment soigne-t-elle les dtenus usagers des drogues ou malades du SIDA ? Comment ceux-ci vivent-ils leur sropositivit ou leur maladie en Prison?

    Mdecins pnitentiaires, surveillants, ex-dtenus, parents ou amis de dtenus, nous attendons vos tmoignages ...

    lnterne de lhpital St Andr Bordeaux.

    En taule

  • 12

    Tribune libre

    POUR UNEPOLITIQUE DE REDUCTION DES RISQUESDans leur journal Junkmail de mars 1992 nos amis australiens se livrent une comparaison entre la polique officielle de rduction des risques de la drogue dans leur pays et une xprerience davant garde mise en oeuvre dans la rgion de Merseyde en Grande-Bretagne. Lauteur, Michael Rimmer en tire quelques reflexions qui ne valent pas seulement pour les Antipodes Nous traduisons ici lessentiel de cet article.

    Dans la rgion de Merseyside, au Royaume-Uni, on na pas enregistr depuis deux ans un seul cas de transmission du virus du SIDA par injection de drogues ... Alors qu seulement 150Km de l, Edimbourg (Ecosse), la majorit des usagers des drogues par voie intraveineuse ont un SIDA dclar. Cela parce que les autorits sanitaires du MERSEYSIDE ont mis en oeuvre une vritable politique de rduction des risques, alors que celles dEdimbourg, imperturbables, continuent repeindre la cabine du capitaine tandis que le bateau coule, cest dire partir en guerre contre la drogue, pendant que le SIDA dcime les usagers.

    On parle beaucoup de rduction des risques mais on oublie souvent quune vritable rduction des risques impliquerait labandon de la politique de rpression contre les usagers des drogues. Beaucoup dautres spcialistes des problmes dalcool et des drogues, ainsi que ceux qui orientent la politique officielle en la matire ne voient la rduction des risques qu travers le pralable de labstinence.

    Les puissants de notre socit ont en ralit lgalis les drogues de leur choix (Tabac, alcool, etc ..) et interdit les ntres, ce qui a rendu les drogues illicites bien plus dangereuses quelles ne le sont par elles-mmes. Ils ont confisqu le dbat sur les drogues en se servant dun vritable tir de barrage de discours hystriques, passionnels, destins manipuler le peuple australien pour obtenir son soutien dans leur guerre contre la drogue. La vrit, cest que la prohibition des drogues est une forme trs efficace de contrle social, et quil nest pas question pour ceux qui tiennent les rnes du pouvoir de renoncer un outil aussi commode simplement pour aider les junkies ne pas contracter le SIDA.

    Il faut savoir que lAustralie na prohib lhrone quen 1954 la suite de pressions considrables exerces par les Etats-Unis(...)

    Il apparat clairement tous ceux qui connaissent les vritables donnes du problme que la grande majorit des

    dommages causs par la drogue est en fait imputable non aux drogues elles-mmes, mais leur prohibition (...)

    Tant que ceux qui arrtent la politique du pays ne comprendront pas cela, la rduction des risques ne relevera jamais que du bavardage politicard. La prohibition des drogues met en danger ceux qui en font usage, et ce, pour de nombreuses raisons. Ils sont obligs de dissimuler leur consommation,ce qui fait quils ne sont jamais certains davoir sous la main du matriel strile l et au moment o ils en ont besoin, la loi interdisant notamment de mettre leur disposition ledit matriel strile sur les lieux prcis o il le faudrait - savoir l o on vend la dope... La rpression impose lusager de drogues intraveineuses, un style de vie compltement disjonct, qui rend la plupart du temps pratiquement impossibles les prcautions sanitaires indispensables une vritable rduction des risques. Plus encore, le couple infernal prohibition-repression dgrade limage que lusager se fait de lui-mme, et son respect pour sa propre personne, ce qui nest gure de nature lencourager prendre soin de sa sant. En fait, la prohibition criminalise lusager. Nos prisons en sont pleines, pourtant on leur interdit laccs aux capotes et aux seringues striles - qui sont pourtant notre seule arme face la contamination du sida.

    Dans le Merseyside, au contraire, les gens qui sont dpendants des drogues se voient prescrire par ordonnance de lhrone, de la mthadone, de la dxamphtamine, de la cocane - en fonction de leurs besoins - ce qui leur pargne davoir mener ce style de vie destructur qui est trop souvent leur lot. Cest ainsi que l-bas, la possibilit dune vritable rduction des risques est en train de sinscrire dans la ralit...

    Tandis quici, en Australie, le simple fait de possder du matriel usag peut conduire une incrimination pour consommation de stupfiants (bien que se ne soit pas en principe une preuve suffisante pour justifier une inculpation) ou entraner une perquisition. Ce nest pas ainsi quon peut esprer rduire les risques - au contraire, on les augmente. En ralit, une vritable rduction des risques est impossible avec la lgislation qui prvaut actuellement en Australie.

    Les programmes mthadone, en particulier, depuis la mise en oeuvre de programmes dits faible niveau dintervention, nous sont proposs galement comme exemple dune politique de rduction des risques. Quen est-il rellement ?

    A Canberra, o lon dnombre huit mille usagers de drogues par voie intraveineuse, il ny a que cent sept places pour des programmes mthadone, aucun programme bas niveau dintervention, et il nexiste quun seul point de distribution, loign du centre-ville. La loi interdit aux mdecins gnralistes de ville de prescrire de la mthadone et aux pharmaciens den dlivrer. Les toxicos habilits en recevoir, sont traits de faon proprement effarante, ils nont aucun droit - ce qui nest pas pour engager les autres usagers cesser de se shooter pour se mettre la mthadone. Lobligation daller tous les jours chercher leur dose de mthadone enchane les usagers la clinique o on la leur distribue. Un vritable esclavage, aggrav par lobligation la fois inutile et dgradante de subir un test durine sous

  • 1

    surveillance. Le texte des Directives Nationales sur la mthadone stipule que lun des buts des programmes est la diminution de lusage illicite des drogues et que leur objectif final est labstinence. Les tests durine ne servent qu sassurer de cette abstinence. Nous pensons quant nous qu lheure du sida, ces tests nont pas de raison dtre, moins dtre expressment demands par le patient lui-mme.(...)

    Un programme de rduction des risques digne de ce nom devrait au contraire offrir un choix damphs et dopiacs varis fumer injecter ou prendre oralement selon le choix de chacun. En fait, la plupart des progammes mthadone mis en oeuvre ici ou l nont jamais fait que reflter le jugement moral du personnel soignant, et donc, de la socit sans prendre en compte les dsirs

    et les besoins des usagers. Leur rigidit mme les rend inaptes rpondre ces besoins.

    En Angleterre, on ne parle en revanche presque pas de la contrainte quotidienne pour lusager daller chercher sa dose aprs stre soumis au test durine et les bases de la civilisation nen sont pas branles pour autant! Dans le Merseyside il y a deux cliniques o lon donne de lhrone fumer au lieu de mthadone, pour la simple raison quil est plus facile de dcrocher de lhrone que de la mthadone et que la plupart des intresss la prfrent celle-ci. Les programmes mthadone ne deviendront rellement des programmes de rduction des risques que lorsque les usagers se verront rendre la responsabilit de la gestion de leur consommation de drogues, cest dire de leur propre corps.

    HISTOIRE ORDINAIRE DUSAGERS DE DROGUE

    Ce tmoignage se situe dans une ville de quinze mille habitants dans une province rurale quelque part en France...

    Ici, comme ailleurs les circuits de distribution du cannabis et ses drivs sont consquents et installs de longue date avec des moments dabondance et de pnurie.

    Mais, pour trouver Hlne1 il fut un temps o il fallait tre bien introduit (introuvable dans la rue ) pour pntrer un milieu trs ferm fonctionnant sur lui-mme, dans la ville prfectorale voisine. Puis, il y a une dizaine dannes, les fameux kpas2 vingt keuss3 firent leur apparition. Depuis trois quatre ans, et paralllement la conjoncture sociale (chmage, nouvelle gnration...) la consommation de ce produit sest propage dans notre petite ville et leffet boule de neige na pas tard se faire ressentir, justifiant un approvisionnement quasi permanent.

    Dans nos campagnes tous les milieux sociaux et styles de gens se connaissent et se ctoient plus ou moins. Malgr les modifications relationnelles que lusage de lhrone entranent, les rapports amicaux sont relativement maintenus et restent assez

    sains. Et comme tout se sait le dealer se doit, un peu plus quailleurs peut-tre, de fournir un produit de qualit et servi en quantit honnte pour assurer sa notorit et sa scurit. Souvent acheteurs et dealers sont amis dans la vie prive et partagent non seulement un mme got pour la dope mais aussi des relations professionnelles, familiales, des loisirs communs ou de chaleureux repas bien arross do une consommation (en groupe) plus proche de la convivialit cannabinique.

    Mais quand dcrocher est devenu une ncessit, sarrter, se mettre au vert est (peut-tre) un peu plus facile que dans les grandes agglomrations car lhygine de vie gnrale y est meilleure, plus naturelle. Un cadre plus agrable sans le stress urbain, o on est moins soumis la tentation, se prte mieux faire refonctionner le corps normalement et redcouvrir les petits plaisirs tout simples de la vie quotidienne.

    Enfin, on peut, malgr tout, dire que ce petit monde anim par un mme penchant pour cette substance illicite cohabite dans un climat o la solidarit et lamiti restent peu prs authentiques et o les escroqueries, les arnaques quon attribue habituellement ce milieu restent minimes.

    Puis, arrive le jour o le fournisseur se dplace o cesse son activit, le temps des plans pourris o tu attends des heures un coup de tlphone qui ne vient pas et le manque qui se fait sentir. Commence alors la course contre la montre pour en trouver, ce qui occupe tout ton temps, ta tte, ton esprit, tes finances. Le plus souvent tu te retrancheras vers la grande ville la plus proche o selon les informations de ton rseau

    Echo de province

  • 1

    relationnel ton priple sarrtera peut-tre, sinon, tu pousseras plus loin vers la capitale o, au pire, bien motiv, ce sera un aller-retour au pays des tulipes, avec tout ce que cela implique de galres, de frais supplmentaires, de souffrances physiques.

    Reste la solution de sabstenir jusqu la formation dun nouveau commerce. Alors dbute un autre combat face un milieu mdical mal inform sur le sujet voire pas du tout. Car dans certaines provinces, les institutions dites comptentes (mdecins, hpitaux...) appeles laide dans ces moments l nont la plupart du temps aucune vraie information pratique sur le problme (alors que lusager sait lui ce quil lui faut) et mdicalement naident en rien sinon tabrutir grands coups de calmants. Ledit toxico est, l encore plus leurs yeux, un tre agressif quil faut tout prix rendre inoffensif. Que dire aussi des pharmaciens peu scrupuleux qui refusent de te dtailler des seringues malgr la vente libre et tobligent acheter la dizaine voire la bote entire (soit trente seringues) sachant bien que tu nes pas en position daller te plaindre !

    Contrairement aux grandes villes, lanonymat est beaucoup plus difficile conserver quand tu es repr par les forces rpressives locales, le SRPJ dont le dpartement dpend, dbarque et ltau se resserre trs rapidement. La promiscuit des relations a un risque encore plus important, la dlation. Et, classique, la peur du gendarme pour les plus jeunes allie la parole des parents ayant foi en la justice, donnent des arrestations en cascade la moindre petite affaire.

    Du coup, le pauvre type reconnu la tte du rseau fait la une des journaux locaux (voire mme les actualits tlvises rgionales) qui appuient leurs articles dhypothses les plus farfelues. Ils sera la tte de turc qui au jugement (qui sera exemplaire) copera du maximum pour rassurer les honntes citoyens de la bourgade en question.

    Quand la personne sropositive, il lui est conseill de nen parler qu des gens de confiance, car la plupart des individus tant mal informs, et ayant nombre de prjugs (mme parmi les consommateurs) des rpercussions dordre professionnel, relationnel, le regard suspicieux que lon lui portera sont craindre.

    Jusquau chantage affectif sur nos familles et nos enfants, lusage de drogue est devenu un enfer, non pas par le produit, mais par la sgrgation, lostracisme, qui nous fait plus de mal que le produit lui-mme, jusqu la maladie, jusqu la mort. Etre usager en province, cest toujours prendre le risque dtre diffrent.

    FRANCK & PUCE.1 hlne : lhrone2 kpas : paquet en verlan3 20 keuss = 20 sacs (200,00 Fr)

    UN MARIAGE ENGARDE-A-VUE.

    Ce soir, a fait plus dune demi-heure que jattends que le mec revienne avec ce que je lui ai demand. Le voila, enfin!Vraiment dcontracte, le mec, pour quelquun qui

    est surveill par des civils. Je ne peux me douter de quoique-ce-soit dj en tant que personne dpendante dun produit plus cher quil ne vaut (tant pis). Personnellement, je ne pense qu a. Ca fait presqu un an que je viens ici pour chercher mon plaisir, ce nest pas journalier ! Mais juste une ou deux fois par semaine. Cest suffisant, et puis je naime pas courir aprs tous les jours. Dailleurs, a ne sert rien, je prfre en avoir vraiment envie.

    Toujours est-il que depuis le temps que je viens ici, je me suis rendu compte que les dealers extrmement mfiants par exprience, ne revendent jamais sils estiment tre surveills. Et jusqu maintenant, tout cest bien pass, le mec mentrane dans les escaliers. Je paye et je ne demande pas mon reste.

    Jenfourche ma bcane, je dmarre doucement et commence descendre la rue tranquillement, enfin rassur dtre en route pour la casba (maison). Jamorce un virage, et japerois un type en train de renouer son lacet au beau milieu de la rue; je ralentis encore un peu histoire de passer en lousd (en douce) cot de lui.

    Alors tout est all trs vite. Il relve la tte, me hle et me demande une cigarette que je lui refuse poliment en marrtant un dixime de seconde, ce qui suffit largement son collgue planqu derrire une caisse, et qui me pcho (me prend) en tratre le colbak (par le col) !

    Je regarde lautre : il se marre en me mettant sa plaque sous le nez. Ils mentranent dans une petite cage descalier cot, et me demandent une premire fois :

    - O est la came ?- Je nai rien achet!- Allez ... on ta vu de toute faon !- Je vous assure que je ne lai pas prise!- Tu sais, chaque fois quon gaule (prend) un

    tox,il nous donne toujours tout-de-suite sa dose; alors tu ferais mieux de faire pareil ... de toute

  • 1

    Vcumanire, on la trouvera !

    Sur ce, ils commencent me fouiller justement la bonne poche, et ressortent le keps (le paquet) entre leurs doigts. Jhallucinais ! Enfin ... faon de parler, parce qu ce niveau l, question dfonce, jtais mal barr.

    Les trois quart-d heure qui suivirent, je les ai pass accroch par les pinces (menottes) lescalier, ou plutt des barreaux, le temps que ces messieurs attrapent le dealer, non de bonbons, mais de bonbonnes. Ensuite ? Eh bien garde--vue, tentative des flics de mamadouer pour que je balance le mec pour plus que ce quil a fait, puis le dpt, le procureur le lendemain matin, coupl avec les mdecins pour linvitable injonction thrapeutique. Total, 15h30 je sortais tout juste. Cest quand mme con le jour de mon mariage; ctait 14h00 ! On dit une vie de chien, je les envie!

    MORALE : La veille de tes noces, abstiens-toi !SYLVAIN

    EN PRISON, EN BANLIEUE OU AUTRE PART

    Jcris dans ce journal pour vous dire que jaime a ! Jaime vous crire ! Javais commenc mon histoire dans le journal de quartier de Vitry-sur-Seine, et jai envie de vous donner de mes nouvelles...

    Je suis toujours sous AZT. Je continue les arosols. Bien sur, apparemment, je me porte bien ! Mais je fais attention mon bilan sanguin, les fameux T4, globules blancs qui ne doivent pas tre moins nombreux. Par prcaution. Toujours par prcaution.

    Comme cet ami rencontr dernirement lhpital. Il venait dattraper une pneumo-cystose.. Il ma appris que son frre tait mort lanne dernire. Je ne le savais mme pas! Lui ne se faisait pas suivre mdicalement.Par prcaution. Enfin ! Faut pas flipper!

    Cest dur dire, mais maintenant, je veux vivre, pour ne pas mourir comme un con ! je veux apporter des tas de choses tous ceux qui sont, comme on dit, des drogus mais qui part sont des gens comme tout le monde. Mal vus! Pourtant, qui est vraiment indpendant, libre ? Nous sommes toujours considrs comme des toxicos, des malaims pour certains, des vrais amis pour dautres ? Des personnes qui comprennent, qui essayent au moins de comprendre, tout en ayant peur du sida.

    O est la logique des choses ? Quelle vie mne-t-on ? Il ny a pas longtemps, jtais une runion, et on a pu en parler. Jai trouv super ! Il faut venir en parler. Tout cela ma fait du bien, car jai besoin damis, damour et de comprhension. Ce nest pas forcment facile, mais cela peut se faire.

    Je comprends ceux qui sont en prison, en banlieue, ou autre part. Il faudrait pouvoir partir loin de tout ! Bien vivre, faire lamour, avoir des enfants, des tas denfants qui seraient heureux, bien dans leur peau.

    Jai eu des moments difficiles : voir mon grand-frre mourir, les amis, les copains, tous dj partir. Pourquoi ? Etre dans le nant, avoir vu la mort de prs, de trop prs. Etre bien, ou entre les deux, avoir des dsirs impossibles raliser; je volais ma propre mre, je galrais dans le dsastre. Comment tre heureux et trouver sa place dans cette socit ? telle que je la vois, sous un aspect en crever. Vouloir sen sortir, mais comment ?

    Nous ne demandons rien dautre que de nous donner notre drogue et quon nous laisse tranquilles. Au lieu de faire les hypocrites et de donner la mort au lieu de donner la vie. La mort, ce nest quun mot. Pourquoi nest -on pas sincres les uns avec les autres ? On a pas le temps de jouer avec les sentiments ? Si jaime la dfonce, qui osera me linterdire maintenant ?

    XAVIER

  • UNE MERE TEMOIGNEA travers ces lignes, je viens vous raconter mon

    exprience :Jai pass une soire en runion avec un groupe

    dusagers des drogues. Pas vident ; je suis mre mais jai eu la surprise de constater que, durant cet entretien, la drogue na jamais t voque. Les discussions ont plutt port sur la faon de sen sortir, de se prendre en charge, de se faire respecter, et, dans lavenir, de requrir laide dassociations ou de 1Etat, comme il vient de le promettre pour viter les problmes des quartiers risques.

    Il faut les encourager, ils redressent la tte. Une bouffe dair pur dans notre horizon de famille dtruite par les effets et retombes de la drogue.

    Je tiens saluer la Naissance de ce Groupe en France, en tant que parent; oui, je suis une de ces mres qui ont du lutter contre cet abattement o ils se plongent; effraye par cette forme de racisme des

    REMERCIEMENTSA loccasion du premier numro de notre

    journal, cest tout le groupe ASUD qui se joint notre quipe pour remercier de leur coute attentive nos proccupations MM Fromiont et Dorlans, de la Ville de Paris, ainsi que Mme Christine Ortmans de lAFLS, Maitre Charles-Henri De Choiseul-Praslin, notre conseiller juridique, le Dr Annie Mino, mdecin-chef de la division pour toxico-dpendants de Genve, Mme Colette Aubourg, ainsi que tous ceux qui nous ont aid constituer le Groupe et sortir le journal ASUD.

    Parmi eux, nous tenons remercier tout particulirement les laboratoires Delagrange pour leur aide financire sans laquelle ce premier numro naurait jamais vu le jour.

    Un grand merci galement tout les membres de lquipe de lassociation APARTS. Cest en effet grce leur confiance et leur gnreuse hospitalit que le groupe ASUD peut aujourdhui sortir ce numro 1 de son journal.

    voisins ou amis proches qui, apeurs et alerts mais sans connaissance exacte du danger cherchent protger leur progniture en les empechant de frquenter nos enfants comme sils taient des pestifrs.

    Il est vrai que nous vivons dans un univers diffrent de ce que nous avions vcu, compltement dmuni et dsespr car cest langoisse qui nous habite.

    Seul un psychologue ma aid et un peu calme en rflchissant : pour lui, ces jeunes intoxiqus sont plus sensibles, plus perdus donc, en ne supportant pas par la mme notre socit dure et domine par largent.et la technicit.

    Eux cherchent lHumain, la tendresse, la confiance, et on les rejette, do leur regroupement entre-eux, les isolants encore plus et les dsignant la vindicte populaire.

    En tant que parent, il ne faut pas cder au dcouragement, mais consulter son mdecin, les

    aider par notre inconditionnelle tendresse.

    Alors, je reprends confiance en les voyant se prendre en charge, sassumer, et l, un peu libre et moins seule aussi, Associations, ministres, et anonymes, apportez nous votre concours ...

    Colette AUBOURG

    Journal Prvention sant droits de lhomme

    Auto-Supportdes Usagers de Drogues

    Rdacteur en chef: Gilles CHARPYRdaction:Phuong-ThaoFredericDIGOUXSylvain DIGOUXFranck ALAINValrie LEBRUNPhilippe MARCHENAY Alex MARCUS Rodolphe MASHerv MICHEL Xavier MICHELNathalie NOGENT

    Yazid MOHAMEDDung NGUYENIllustrations :Pierre MANOELDominique RONGERESL o g o :Franoise LABOXMicro-dition:Maria RACZImprimerie :Recto-Verso94400 VITRY SUR SEINE

    1