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1 Atelier d’évaluation et d’analyse du processus électoral de 2011 au Bénin

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Atelier d’évaluation et d’analysedu processus électoral

de 2011 au Bénin

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- Relecture, critique et correction M.Omer Sassé

- Coordination M. Rufin B. GODJO

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SOMMAIRE

Termes de Référence .......................................................

Programme .......................................................................

Discours d’ouverture de Madame Uta Dirksen,Représentante Résidente de la Friedrich-Ebert-Stiftung...............................................................................

Communication N°1 : Le montage institutionnel de laCENA et l’exigence de transparence dans la gestion desprocessus électoraux, par Monsieur Mathias Hounkpê...

Communication N°2 : La Liste Electorale PermanenteInformatisée : contenu, objectifs, force et faiblesses, parMonsieur Rufin D. Domingo ...............................................

Communication N°3 : Le régionalisme et l’urgence dela cohésion sociale au Bénin, par le Professeur AlbertTingbé-Azalou....................................................................

Rapport général élaboré par Monsieur Sahadou AliZato....................................................................................

Liste des participants ........................................................

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Termes de Références

Thème central : Analyse du processus électoral(présidentielle et législative) de2011 au Bénin

Date et lieu : Jeudi 16 Juin 2011 au siège dela Friedrich-Ebert-Stiftung, sis auquartier Cocotiers - Cotonou.

Cibles : Acteurs politiques, membres de lasociété civile, membres d’organisationssyndicales, politologues, experts engouvernance,institutions internationaleset corps diplomatique, médias.

Organisatrice : Friedrich-Ebert-Stiftung (FES).

Contexte justification :

Depuis l’avènement du renouveau démocratique en 1990, leBénin procède à échéances régulières et par la voie des urnesau renouvellement de son personnel politique. De manièregénérale, ces consultations électorales sont jugées acceptablesaussi bien par les observateurs nationaux que par lacommunauté internationale. Ainsi, à l’instar des pays commele Ghana ou le Mali, le Bénin est considéré comme un exemplede démocratie. Cependant, plusieurs observateurs avertis del’architecture institutionnelle du Bénin reconnaissent que sonsystème électoral, souffre de nombreux dysfonctionnementsqu’il importe de corriger afin de préserver l’image de marque

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du pays et surtout d’éviter aux paisibles populations dessituations inextricables. C’est, la principale raison qui motivel’initiation de la récente réforme en vue de la réalisation d’uneListe Electorale Permanente Informatisée (LEPI) qui marqueune avancée majeure et a permis l’organisation par laCommission Electorale Nationale Autonome (CENA) desélections présidentielle- et législative de 2011.

Dans sa conception structurelle, la CENA est un organeindépendant chargé de la gestion transparente et efficacedes processus électoraux. Mais au fil des années, lefonctionnement des CENA successives a posé des problèmesrécurrents notamment liés aux tractations politiquesinterminables pour la désignation de leurs membres, les délaistrès courts pour une mise en œuvre correcte de leurchronogramme, leur caractère budgétivore et surtout lesaccusations de partialité de la part de certains acteurspolitiques. Malheureusement, force est de constater qu’àquelques nuances près les élections de 2011 ne contredisentpas les griefs précités.

Sur fond des imperfections relevées, il importe de noter quesi l’élection législative s’est déroulée dans un climat de paixrelative, la présidentielle, quant à elle, a suscité de vivespassions et n’a pas manqué d’éprouver aussi bien lesinstitutions impliquées dans l’organisation du processusélectoral que les acteurs politiques et ceux de la société civile.Pire, une lecture sereine de la campagne électorale et mêmedes résultats des élections révèle une certaine fractureentretenue par les acteurs politiques entre le nord et le suddu pays. Ainsi, au lieu de se préoccuper de la gouvernancepolitique, économique et sociale, la campagne électorale,surtout celle de la présidentielle, s’est fondamentalement

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focalisée sur l’appartenance ethnique et le régionalisme, quiont constitué des arguments forts pour la mobilisation desélecteurs.

A l’issue d’un tel processus, qui laisse des séquelles tangibleset qui pourrait compromettre l’expérience démocratique, ilurge de s’interroger, en l’occurrence sur :

l’exacerbation de la crise de confiance au sein de la classepolitique ;

l’effritement de la confiance vis-à-vis de plusieurs institutionscardinales de la République, et ;

la résurgence de la méfiance entre les communautés dunord et celles du sud sur fond de considérationsrégionalistes.

C’est pourquoi, la Friedrich-Ebert-Stiftung a jugé opportun derevisiter sereinement le processus électoral, d’en déceler lesfailles et de dégager des pistes d’amélioration. D’où l’initiativede la tenue du présent atelier dont les contributions serontconsignées dans un document synthèse et mises à ladisposition des participants.

Objectif Général :

Procéder à une analyse objective et dépassionnée duprocessus électoral (présidentielle et législative), d’en releverles failles - et de proposer des solutions susceptibles d’améliorerle système électoral béninois.

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Objectifs Spécifiques :

Jeter un regard critique sur le rôle de la CENA dans lagarantie de la transparence électorale ;

Susciter une réflexion constructive sur la LEPI et sonamélioration ;

Mettre en parallèle la question de régionalisme avec lanécessité de cohésion sociale ;

Formuler des solutions crédibles pour l’amélioration defuturs processus électoraux.

L’atelier se déroulera sous forme de contributions d’expertssur les aspects retenus dans le cadre de son organisation etsera nourri de débats de qualité.

Contenu de l’atelier :

L’atelier connaîtra la contribution d’experts sur trois (3)questions fondamentales : la Commission Electorale NationaleAutonome (CENA), la Liste Electorale Permanente Informatisée(LEPI), puis le régionalisme et la paix sociale.

A-‘’Le montage institutionnel de la CENA et l’exigence detransparence dans la gestion des processus électoraux’’ (en15 minutes) par M. Mathias Hounkpê, Politologue

- Présentation de la CENA et de ses attributions majeures ;

- Mode de désignation des membres de la CENA ;

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- Appréciation de la gestion du processus électoral de 2011par la CENA ;

- Proposition de pistes pour une meilleure gestion desprocessus électoraux.

B-‘’La Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) :contenu, objectifs, forces et faiblesses’’ (en 15 minutes)par Monsieur Rufin Domingo, Informaticien, Intégrateurde solutions de Gestion, Membre du Bureau de la MissionIndépendante de Recensement Electoral NationalApprofondi (MIRENA)

- Présentation sommaire, caractéristiques et Objectifs viséspar la LEPI ;

- Forces et faiblesses de la LEPI ;

- Reproches concrets formulés contre le processus de miseen œuvre de la LEPI (les sources des polémiques etcontestations) ;

- Dispositions pratiques pour la crédibilisation de la LEPI etl’amélioration des futures élections.

C-‘’Le régionalisme et l’urgence de la cohésion sociale auBénin’’, (en 15 minutes) par le Professeur Tingbé-AzalouAlbert, Sociologue Anthropologue Ethnolinguiste.

- Rappel historique des rapports entre les diversescommunautés au Bénin ;

- Les causes profondes du régionalisme au Bénin ;

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- Les diverses manifestations du régionalisme ;

- Analyse du discours politique de la présidentielle de 2011et ses conséquences sur la cohésion nationale ;

- Formulation de perspectives pour le renforcement de lacohésion nationale.

Les leçons majeures tirées pour une amélioration des futuresélections seront synthétisées par le modérateur et consignéespar le rapporteur.

Modérateur : Monsieur Orden Alladatin, membre de lasociété civile, expert en gouvernance.

Rapporteur : Sahadou Zato Ali, Consultant - Formateur

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Programme

Atelier d’évaluation et d’analyse du processusélectoral de 2011 au Bénin

Jeudi 16 Juin 2011 au siège de la Friedrich-Ebert-Stiftung, sis au quartier Cocotiers

Arrivée et installation des invités.

Présentation du cadre général de l’atelierpar Monsieur Orden Alladatin,Modérateur.

Mot de bienvenue de Madame UtaDirksen, Représentante Résidente de laFES.

Communication N°1 : ‘’Le montageinstitutionnel de la CENA et l’exigencede transparence dans la gestion desprocessus électoraux’’ par M. MathiasHounkpê, Politologue, suivi dediscussions.

Pause-café.

08H45-09H00 :

09H00-09H15 :

09H15-09H30 :

09H30-11H00 :

11H00-11H15 :

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Communication N°2 : ‘’La ListeElectorale Permanente Informatisée(LEPI) : contenu, objectifs, forces etfaiblesses’’ par Monsieur RufinDomingo, Informaticien, Intégrateur desolutions de Gestion, Membre du Bureaude la MIRENA, suivi de discussions.

Pause-déjeuner.

Communication N°3 : ‘’Le régionalismeet l’urgence de la cohésion sociale auBénin’’, par le Professeur Tingbé-AzalouAlbert, Sociologue-Anthropologue,Ethnolinguiste, suivi de discussions.

Synthèse des discussions et formulationdes leçons majeures devant contribuer àl’amélioration du système électoral, parle Modérateur.

Mot de fin de la Représentante Résidentede la FES.

11H15-12H45 :

12H45-14H00 :

14H00-15H30 :

15H30-15H45 :

15H45-16H00 :

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Discours d’ouverture de Madame UtaDirksen, Représentante Résidente de la

Friedrich-Ebert-Stiftung

Mesdames et Messieurs, soyez les bienvenus dans lesmodestes locaux de la Friedrich-Ebert-Stiftung. Nous vous yaccueillons avec beaucoup de fierté.

Affirmer que le Bénin sort fraîchement d’élections fortementcontestées serait un secret de Polichinelle. En effet, aucontexte politique surchauffé et inapproprié au dialogue, s’estgreffée la remise en cause constante et soutenue de chaqueétape du processus électoral.

Face à une telle situation, diversement vécue par les citoyenset les acteurs politiques, demeure, à notre sens, une hypothèseimportante qui est d’ailleurs confirmée par les analyses les pluscrédibles. En réalité, lorsqu’on fait l’effort de transcender lesparticularités de la situation politique récemment vécue par leBénin et la rhétorique politicienne ambiante, on se rendaisément compte de la persistance de défis structurelsintrinsèques au système électoral béninois. En clair, il estpressant de procéder à une profonde et opportune réformedes instruments et institutions de gestion des élections pourdes résultats crédibles.

C’est, pour contribuer à relever ce défi que l’atelier de cematin est organisé. En prenant une telle initiative, la Friedrich-Ebert-Stiftung a l’ambition d’apporter sa modeste contributionà une analyse significative des institutions, instruments etréalités politiques qui entourent le processus électoral au Bénin.

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Cependant, notre but, d’ailleurs clairement exprimé dans lesTermes de Références de la présente rencontre, n’est pas decréer un tribunal des élections écoulées dont les résultats ontbien été validés par la plus haute juridiction qu’est la CourConstitutionnelle. En revanche, notre objectif est de nousdépartir des considérations partisanes et politiciennes pourscruter la réalité actuelle et réfléchir sur les solutions quiamélioreraient significativement le système électoral actuel.Ce faisant, nous aurions tous, fait œuvre utile si nos réflexionsvisaient prioritairement le renforcement de la démocratiebéninoise.

Et c’est pour garantir l’atteinte de cet objectif que nous avonsinvité des personnalités comme vous qui cernezindubitablement la thématique des élections. J’ose donc croireque vous êtes prêts à prendre cette direction avec nous. Nedoutant pas un seul instant de votre engagement, je voudraisvous exhorter à ranger au placard, ne serait-ce que quelquesheures, vos appartenances, sympathies et autres accointancespolitiques afin de procéder à une lecture sereine et une analysecritique du sujet objet de notre assemblée ici ce matin.

Comme vous l’aurez remarqué, les échanges de ce jour,tournent autour de trois axes que sont: la CommissionElectorale Nationale Autonome (CENA), la Liste ElectoralePermanente Informatisée (LEPI) et la question du régionalisme.

Mesdames et Messieurs, j’ai pleine conscience du fait que lesthèmes précités ne sont pas révélateurs de la quintessencedes réalités liées au processus électoral béninois mais nousavons dû nous limiter à ces choix afin d’élaborer un programmeréaliste qui tienne sur une journée. Aussi, voulions-nous nousconformer au vieil adage ‘’qui trop embrasse, mal étreint’’. Et

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donc, pour ne pas mal étreindre, nous avons orienté notreréflexion vers ces trois pistes.

Mesdames et Messieurs, permettez-moi de partager avec vousla logique qui soutend cette option.

D’abord sur la Commission Electorale Nationale Autonome,faudrait-il le rappeler, les appels répétés pour une refonte decet organe cardinal de la gestion des élections ont commencébien avant la mise en route du processus électoral de 2011 .Eneffet, il était, me semble t-il opportun que les acteurs politiquesenclenchent la revue et l’achèvement de la réforme de la CENAavant le début d’un nouveau cycle électoral ; ceci pour éviterque des motivations politiciennes, parfois légitimes neplombent les réformes et les dévient de leur trajectoireoriginelle.

Ensuite sur la LEPI, il est maintenant clairement établi que cetinstrument jouera désormais un rôle central dans toutesélections futures au Bénin. Il est donc important d’anticiperet de réfléchir collectivement aux prochaines étapes pour quecet instrument ne redevienne l’objet de toutes les controversespolitiques lors des prochaines consultations électorales, maisplutôt un outil crédible de renforcement de la démocratie.

Enfin, la question du régionalisme ; vous conviendrez avecmoi que les dernières élections ont révélé au grand jour desimages, discours et pratiques assez préoccupants. De maconnaissance relative du Bénin, il semble que les acteurspolitiques ont généralement su s’abstenir, du moinspubliquement, de prononcer des discours régionalistes quidivisent, brutalisent et créent de dégâts irréparables commec’est le cas dans d’autres pays de la sous région ouest-

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africaine. En conséquence se pose la question de savoircomment procéder pour éviter au Bénin de tomber demanière définitive dans un tel piège sans fin ? C’est là queréside le défi !

Mesdames et Messieurs, si nous nous concentrionseffectivement sur ces trois questions, nous aurions -fait œuvreutile pour l’amélioration qualitative des élections et surtout lerenforcement de la démocratie béninoise.

C’est sur cette exhortation que je souhaite plein succès à nostravaux. Je vous remercie !

Uta DirksenReprésentante Résidente

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Communication 1 :Le montage institutionnel de la CENA et l’exigence detransparence dans la gestion des processus électoraux

Par Monsieur Mathias HOUNKPÊ, Politologue

Introduction

A l’issue de l’historique Conférence des Forces Vives de laNation de février 1990, le Peuple béninois a opté pourl’établissement au Bénin d’un régime de démocratie libéralebasée sur l’Etat de Droit. En conséquence, le Peuple – dans laConstitution du 11 décembre 1990 – a choisi les électionscomme le seul moyen de sélection de ses représentants parqui il exerce sa souveraineté. Le Peuple béninois, à l’instar despeuples d’autres démocraties à travers le Monde, a ainsi faitde l’élection un instrument majeur dans la mise en œuvre dela démocratie et de l’Etat de Droit au Bénin.

Du début du Renouveau démocratique en 1990 à ce jour,plusieurs dispositions ont été prises par la Représentationnationale pour l’amélioration de la qualité de la gestion desélections au Bénin. Les mesures en question concernent aussibien la législation électorale que le cadre institutionnel degestion des processus électoraux. La création en 1994 d’uneCommission Electorale Nationale Autonome (CENA) commeun organe ad hoc de gestion des élections, est l’une desinnovations les plus importantes de ce point de vue. Unequinzaine d’années d’expérimentation de la CENA et lagestion d’une dizaine d’élections par cette dernière laissentun goût d’inachevé et même d’insatisfaction aux Béninois.

La présente communication est préparée à l’occasion del’atelier sur « L’analyse du processus électoral de 2011 ». Elle

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est subdivisée en trois sections dont la première porte sur uneappréciation sommaire des performances de la CENA depuis1995 qu’elle a géré les élections pour la première fois (1). Ladeuxième partie met en exergue quelques unes des causesmajeures des contre-performances des différentes CENA (2)et la troisième partie propose des pistes de réflexion pourl’amélioration des performances de la Commission ElectoraleNationale Autonome au Bénin (3).

1. Appréciation de la gestion des élections par la CENA

Par souci de clarté et de pertinence, l’analyse ci-dessous ne selimitera pas à l’appréciation de la CENA 2011. L’appréciationde la CENA 2011 – qui n’a pas encore révélé toute son histoire– sera précoce et ne suffira pas pour faire ressortir les faiblessestendancielles de la Commission. Toutes les CENA depuis 1995seront donc revisitées afin de rendre aisée, la mise en exerguedes faiblesses tendancielles et les séparer des faiblessesconjoncturelles. Cet exercice est nécessaire si l’on a le soucide la recherche de solutions aux problèmes que pose le recoursà la CENA dans la gestion des processus électoraux au Bénin.

L’analyse des performances de la CENA se fera par rapportaux critères qui, aux yeux de la Cour Constitutionnelle (CC),justifiaient la mise en place d’un organe du genre. Selon lessages de la Cour, la création de la CENA « est liée à la recherched’une formule permettant d’isoler dans l’Administration del’Etat, un organe … pour l’exercice d’attributions concernantle domaine sensible des libertés publiques, en particulier desélections honnêtes, régulières libres et transparentes. »1 Dans

1 Décision DCC 34-94 du 23 décembre 1994.

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2 C’est nous qui soulignons.

cette même décision, la Cour a affirmé que « la création de laCENA … permet, d’une part, d’instaurer une traditiond’indépendance et d’impartialité en vue d’assurer la liberté etla transparence des élections, et d’autre part, de gagner laconfiance des électeurs et des partis et mouvementspolitiques2. »

Pour apprécier les performances de la CENA, nous analyseronssuccessivement, la mesure dans laquelle elle a organisé desélections libres et transparentes (a), qu’elle a gagné laconfiance des électeurs (b) et celle des partis et mouvementspolitiques (c).

a. La qualité libre et transparente des élections gérées par la CENA

Si l’unanimité peut aisément se réaliser sur le fait que lesélections gérées par la CENA sont en général libres, il est difficiled’affirmer qu’elles sont transparentes et crédibles. Le reportdes élections est devenu monnaie courante au Bénin, mêmesi les délais majeurs (notamment celui relatif à l’élection duPrésident de la République) peuvent être considérés commerespectés. Progressivement, les résultats des élections sontcontestés avec de plus en plus de virulence tout comme si laqualité de la gestion des élections était inversementproportionnelle au temps.

Par ailleurs, les critiques sont devenues progressivement trèsacerbes à l’endroit de la CENA aussi bien de la part des acteurspolitiques, de la société civile que des citoyens ordinaires. Lesmembres de la Commission, particulièrement ses

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responsables, sont traités de tous les noms par les acteursclés du processus électoral. S’il ne s’agit de la CENA desmiracles, l’on entend parler de la CENA de tel camp politiqueou de résultats d’un camp politique qui n’engageraient pastoute l’institution. Enfin, depuis quelques années la menacede boycott des élections par des groupes politiques pour noncrédibilité de la gestion des élections n’est plus du domainede la fiction au Bénin.

b. La confiance des électeurs en la CENA

A l’instar des performances de la CENA, la confiance desélecteurs vis-à-vis de la Commission s’est progressivementérodée. Selon les résultats des enquêtes Afro-baromètre (voirfigure n°1 ci-dessous), les Béninois qui ne croient pas du toutou qui croient juste un peu en la CENA sont passés d’environ45% en 2005 à plus de 48% en 2008. En ajoutant à ce quiprécède, c’est à dire ceux qui n’ont pas du tout confiance ouqui ont juste un peu confiance – le pourcentage passed’environ 58 en 2005 à plus de 72 en 2008. Une fois encore,la lecture des statistiques ci-dessus donne le sentiment queles Béninois perdent progressivement confiance en la CENAcomme structure en charge de la gestion des élections.

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Figure n°1 : degré de confiance des citoyens en la CENADonnées tirées des Round 3 (2005) et Round 4 (2008)de Afro-baromètre

3025201510

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Confiance en la CENA

Round 3(2005)Round 4(2008)

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Le déficit de confiance dont la CENA fait l’objet de la part descitoyens béninois se voit encore mieux lorsque les donnéesde la figure ci-dessus sont comparées à celles d’autresnouvelles démocraties de la sous-région ouest africaine. Lesrounds 3 (en 2005) et 4 (en 2008) de l’enquête Afro-baromètre révèlent que la CENA (du Bénin), lorsqu’elle estcomparée à certaines de ses homologues de la sous-région,est l’une des Commissions électorales qui jouissent de moinsde confiance de la part de leurs populations. A la question desavoir « avez-vous confiance en la Commission électorale »,le Bénin vient en deuxième position derrière le Nigéria (voirFigure n°2 ci-dessous) et loin devant le Ghana.

Figure n°2 : Illustration du déficit de confiance descitoyens vis-à-vis des OGE. À la question avez-vousconfiance en la CE? « Pas du tout ou juste un peu »

908070605040302010

0

2005

2008

BENIN

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c. La confiance des partis et mouvements politiques

Le manque de confiance dont fait l’objet la CENA est encoreplus profond lorsque l’on considère le point de vue ou lespositions adoptées par les partis et mouvements politiques.Le déficit de confiance des acteurs politiques vis-à-vis de laCommission électorale s’est manifesté pratiquement dès la2e CENA (en 1996). Ce manque de confiance des acteurspolitiques en la CENA s’est manifesté de plusieurs manièresallant de la manipulation des dispositions légales (contenuesdans la loi portant règles générales pour les élections) auxcomportements stratégiques au sein de l’organe.

Déjà après la première expérimentation de la CENA en 1995,les acteurs politiques semblent avoir acquis la conviction quele contrôle de la Commission pouvait aider à influencer lesrésultats des élections. La mise en place des CENA successives,depuis 1996, a donné l’occasion à chacun des campspolitiques d’user de toutes sortes de stratagèmes pourarracher aux camps adverses le contrôle de la Commission.Instrumentalisation de la loi électorale de manière à garantirla majorité au sein de la Commission (en déterminant lenombre de membres sur la base de la configuration politiquede l’Assemblée du moment) ; bagarres interminables pour lasélection des représentants des camps politiques ; disputessans fin – obligeant assez souvent la Cour Constitutionnelle àintervenir – lors de la composition du Bureau de la CENA ; …Tout y passe.

Au delà des tentatives de contrôle de la CENA, les acteurspolitiques ont recours à d’autres moyens toujours dans le soucid’instrumentalisation de la Commission électorale etd’influence des résultats des élections.Les comportements

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stratégiques de la part des commissaires des CENA successivessont devenus monnaie courante. Tentatives pour subtiliser desdocuments électoraux importants (tels que les bulletins devote), stratégie de blocage du fonctionnement de laCommission, disputes autour de la proclamation des résultatsprovisoires ou des tendances, … sont devenues les scènesauxquelles les Béninois sont habitués lors de la gestion desélections.

2. Sources majeures des contre-performances de la CENA

Les dysfonctionnements ainsi que les contre-performancesde la CENA peuvent s’expliquer par une série de facteurs. Lecadre légal des élections, la qualité de l’interaction entre lesdifférentes institutions impliquées dans la gestion des élections(y compris la CENA), le mode de composition et defonctionnement de la CENA … sont des déterminantspossibles de la qualité de la gestion des processus électorauxpar la Commission électorale. La présente section met enexergue seulement quelques uns des facteurs majeurs, sourcesdes difficultés dans la gestion des élections par la CENA auBénin.

a. La durée d’organisation des élections

La durée du temps, en général très court, dont ont disposéles différentes CENA pour la gestion des élections est le premierfacteur important qui retient l’attention. Le caractère ad hocde la CENA – c’est-à-dire le fait qu’elle est installée seulementquelques mois avant les élections – est la première source deproblèmes de ce point de vue. Les conséquences de cet étatde choses sont connues de tous : difficultés de préparation

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suffisante des élections, incapacité de formation adéquatedes agents électoraux, incapacité de capitalisation desexpériences du passé, etc.

Le caractère ad hoc de la CENA n’est pas la seule justificationde la brièveté du temps dont disposent les Commissions pourla gestion des élections. Les acteurs politiques pour diversesraisons ont pris l’habitude de désigner leurs représentants àla CENA avec beaucoup de retard en violation des dispositionslégales. Des trois (03) mois au minimum prévus par toutes leslois électorales (depuis 1995), seulement 3 CENA ont pu êtreinstallées dans les délais légaux. Les autres CENA sont installéesà 2 mois ou moins, parfois mêmes à environ 40 jours desdates officiellement fixées pour la tenue des élections (voirFigure n°3).

Figure n°3 : Nombre de jours de préparation des électionspar les CENA

180160140120100806040200

No

mb

re d

e jo

urs

Année des élections

1995199619992001200220032006200720082011

délai réeldélai légal

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b. L’extrême politisation de la CENA

Le deuxième facteur qui retient l’attention est celui relatif à cequi peut être appelé l’extrême politisation de la CENA. Elle semanifeste par le contrôle quasi-total qu’exercent lesreprésentants des partis politiques (souvent des militants) ausein de la Commission. Dans la plupart des cas, lesreprésentants des partis constituent plus de 90% des membresde la CENA. C’est ainsi que pour la CENA 2008, lesreprésentants des partis politiques étaient 16 sur 17 et pourla CENA 2011, 10 sur 11.

Les membres de la CENA ne jouissent pas seulement de laconfiance des acteurs politiques, ils sont des militants envoyésau front pour la défense des intérêts particuliers. Lesconséquences de cet état de choses sont connues par tous :comportements stratégiques au sein de la commission,augmentation du coût des élections, incapacité du contrôlede la gestion des ressources publiques investies dans la gestiondes élections, etc. L’extrême politisation des CENA entraîne(encourage) également les tentatives de violation de lalégislation électorale tout en réduisant les chancesd’identification et de sanction des coupables.

c. La variabilité permanente de la législation électorale

Comme déterminant des dysfonctionnements de la CENI, lavariabilité permanente de la législation électorale est letroisième qui retient l’attention dans le cadre de la conceptiondu présent document. Les lois électorales sontsystématiquement modifiées à l’approche de chaqueéchéance électorale et très souvent au dernier moment. Surenviron une vingtaine d’années de pratique du Renouveau

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démocratique, la législation électorale a été amendée plus devingt (20) fois.

Cette variabilité de la législation électorale (souvent au derniermoment) constitue l’une des explications de la désignationet de l’installation tardives des membres de la Commissionélectorale. En effet, installés tardivement, souvent à moins de2 mois des élections, les membres de la CENA et ceux de sesdémembrements n’ont pas le temps nécessaire pour maîtriserle cadre légal de gestion des élections.

Elle constitue également un véritable problème pour la CENAen ce qui concerne la nécessaire sensibilisation des populationset des agents électoraux sur le contenu de la législation. LeSecrétariat administratif permanent de la Commissionélectorale nationale autonome SAP/CENA, qui devraits’occuper de cette tâche pendant les périodes entre deuxélections, n’en n’a pas les moyens et ne peut le faire demanière efficace. Pire, il est difficile pour le SAP/CENA de savoirà l’avance le contenu du cadre légal des élections pendantcette période.

d. La mauvaise articulation des rapports entre la CENA et ses démembrements

La mauvaise articulation des rapports entre la CENA et sesdémembrements est présentée ici comme le 4e facteurexplicatif des dysfonctionnements observés dans la gestiondes élections par la CENA. Le mode de sélection des membresde la CENA et de ceux de ses démembrements rend difficilela collaboration nécessaire pour la bonne gestion desprocessus électoraux. Par exemple, les membres de la CENAet de ses démembrements jusqu’au niveau des

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arrondissements, c’est-à-dire les Commissions électoralesd’arrondissements (CEA) sont désignés tous par les mêmespersonnes, c’est-à-dire essentiellement les députés. Parfois,ces dernières années, les niveaux de diplômes exigés à desdémembrements plus bas (par exemple au niveau des agentsélectoraux) sont plus élevés que ceux exigés à desdémembrements plus élevés. Comme conséquences de cela,il n’est pas rare d’observer :

L’insubordination des niveaux inférieurs de la CENA à cettedernière ou entre les différents niveaux inférieurs de laCENA (par exemple, des CEC – Commissions ElectoralesCommunales – à des CED – Commissions ElectoralesDépartementales– ou des CEA – Commissions Electoralesd’Arrondissements – aux CEC, etc.) due simplement aufait que tous sont désignés par les mêmes personnes etpar conséquent semblent avoir les mêmes sources delégitimité ;

L’insubordination entre les niveaux inférieurs de la CENAdue essentiellement au fait que les niveaux de compétenceexigés ne sont pas les mêmes ;

La difficulté pour la CENA de contrôler et de faire respecterses instructions par les niveaux inférieurs dedémembrements à cause de la trop forte politisation detout l’appareil ;

Etc.

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e. Les mécanismes crédibles de contrôle de la gestion financière de la CENA

L’absence de mécanismes crédibles de contrôle de la gestiondes ressources mises à la disposition de la CENA pourl’organisation des élections constitue également une sourcepossible des dysfonctionnements de la Commission. Lemanque de rigueur dans le contrôle de la gestion desressources de la CENA contribue à rendre difficile lacollaboration et la cohésion entre les membres de laCommission. Il occasionne des disputes entre ces derniers etpar conséquent entre les partis politiques qui les y envoientautour des questions relatives à la passation des marchés etautres.

L’absence de mécanismes crédibles de contrôle de la gestiondes ressources par la CENA sert également de prétextes àl’Exécutif pour interférer dans la gestion des processusélectoraux. Plusieurs fois ces dernières années, l’Exécutif, sousprétexte d’améliorer le contrôle de la gestion des ressourcesmises à disposition de la CENA a pris des initiatives quifinalement ont constitué des handicaps pour la gestion efficacedes élections.

f. Le contrôle de la violation de la législation électorale

Une autre faiblesse dont souffre la gestion des processusélectoraux au Bénin est celle relative à l’incapacité à fairerespecter la législation électorale. La Cour Constitutionnelleet la Cour Suprême concourent, selon les types d’élections, àla réduction (au redressement) des torts politiques, à lagarantie de la sincérité des élections. Mais ces deux institutions

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n’aident pas beaucoup dans la sanction pénale desresponsables de fraudes et de corruptions électorales.

Les comportements stratégiques des membres de la CENA etde ceux de ses démembrements ne sont pas punis. Laviolation de la législation électorale par les agents électoraux– confiscation de listes électorales et manipulation desdocuments électoraux – à toutes les élections organiséesdepuis le recours à la CENA est restée (à l’exception dequelques cas rares) quasiment impunie. Des actes de vol dedocuments électoraux ont été dénoncés à certaines CENA,des commissions d’enquête ont été parfois mises en place etmême des commissaires mis aux arrêts mais tout ceci sansconclusion tangible en terme de sanction.

3. Pistes pour une meilleure gestion des processus électoraux au Bénin

Cette dernière section suggère des pistes de réflexion parrapport à certaines des faiblesses évoquées ci-dessus. Maisavant, quelques mots paraissent nécessaires sur le maintienou non au Bénin du modèle actuel d’organe indépendant degestion des élections. Cette mise au point est nécessaire parceque les difficultés rencontrées et des contre-performances desCENA successives ramènent au devant de la scène les débatsautour du retour ou non au Ministère de l’Intérieur la gestiondes processus électoraux.

a. Le modèle de gestion des élections

Les difficultés que pose la gestion des élections par les CENAsuccessives ramènent progressivement sur le tapis la questionde savoir s’il ne vaudrait pas mieux retourner la gestion des

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élections au Ministère de l’intérieur. La réponse à cettequestion devrait, de notre point de vue, être un noncatégorique et ceci pour les raisons ci-après.

Premièrement, il faut noter que le recours aux Commissionsélectorales n’est pas une spécificité de la jeune démocratiebéninoise ni même des nouvelles démocraties africaines.Aujourd’hui, à travers le Monde, au moins 118 des 214 pays(soit 55%) et territoires ont recours à des modèlesindépendants de commissions électorales. Des modèlesmixtes – gestion conjointes par le Gouvernement et unecommission indépendante – existent dans au moins 56 pays(soit 26%) et le modèle gouvernemental ne subsiste que dansau plus 40 pays (soit 15%). Au total, près de 80% des pays etterritoires du Monde ont recours à une forme ou une autrede Commission électorale.

Deuxièmement, les raisons qui ont justifié, dans le cas du Bénin,le choix du législateur de confier la gestion du processusélectoral à une CENA existent toujours et ce sont peut-êtremême aggravées. L’Administration publique est demeuréetoujours aussi fortement politisée et sous le contrôle quasi-total de la coalition politique au pouvoir que par le passé. Dela même manière les cadres de l’Administration n’ont pasmontré – depuis 1994 que la CENA est créée – uneamélioration dans le temps de leurs capacités d’autonomieet de neutralité vis-à-vis du pouvoir Exécutif.

Troisième et dernière raison, à ce jour, il est difficile de pointerdu doigt les efforts motivés du législateur et des acteurspolitiques de façon générale pour renforcer les capacités dela CENA. Les insuffisances dont souffrent les processusélectoraux sont pour la plupart identifiées depuis plusieurs

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années aussi bien dans les rapports des différentes CENAque dans ceux des autres acteurs impliqués, notamment lesacteurs de la société civile. Quasiment rien n’a pourtant étéfait à ce jour pour corriger les insuffisances et créer lesconditions idoines pour une bonne gestion des élections parla CENA. Comment peut-on rejeter un modèle sans avoiressayé, sur la base des leçons tirées de la pratique, de luiapporter toutes les corrections nécessaires ?

b. La durée de vie de la CENA

Le tort que cause le caractère ad hoc de la CENA à la qualitédes élections au Bénin est connu et reconnu de quasimenttous les acteurs du processus électoral béninois. La nécessitéde la pérennité de la Commission semble progressivement seprésenter comme la solution idéale en ce qui concerne la duréede vie de la CENA. Des résistances existent encore au niveaude certains acteurs politiques, mais le nombre de ces dernierssemble en régression au fil du temps. Dans la sous-région del’Afrique de l’Ouest, les commissions électorales ad hoc nesont plus la règle, mais plutôt l’exception (voir tableau n°1 ci-dessous).

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En plus de la pérennité de la Commission électorale, il fautaccorder une importance aux termes des mandats descommissaires. Les expériences de commissions électoralesperformantes de la sous région ouest-africaine nousenseignent que les mandats peuvent être de plusieurs années(entre 5 et 7 ans) non renouvelables ou renouvelables uneseule fois. Les mandats peuvent également être sans limitepour tout ou partie des membres de la Commission qui nequittent leurs fonctions qu'une fois atteint l'âge de la retraite.

Tableau n°1 : durée de vie de la CE et du mandat desmembres des CE de l’Afrique de l’Ouest

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c. La politisation de la CENA

Comme déjà montré plus haut, la politisation de la CENA ades conséquences graves sur la qualité des élections au Bénin.Elle affecte négativement le comportement des membres dela Commission, rend difficile l'application de la législationélectorale, concourt à l'augmentation du coût des élections,etc. Malgré la résistance des acteurs politiques, ladépolitisation et la professionnalisation de la CENA fait partiedes voies de salut de la gestion des élections de qualité par laCommission électorale. Les Commissions électorales de la sous-région de l'Afrique de l'Ouest se classent, de ce point de vue,pratiquement par rapport aux différences linguistiques (voirtableau n°2). Pourquoi seulement les pays francophones semontrent-ils incapables d'aller vers la dépolitisation de leurscommissions électorales ? La réponse à cette question pourraitnous aider à aller de l'avant.

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Quelques précautions sont cependant nécessaires pour réussirla dépolitisation et la professionnalisation de la CENA. Parexemple, la professionnalisation de la CENA ne devrait pasêtre entendue comme l’exigence de profils techniquesnécessaires à la gestion des élections pour la sélection desmembres de la Commission. Il n’est donc pas nécessaire d’êtrejuriste, politologue, statisticien ou autres sociologue pour êtremembre d’une Commission électorale. Il faut plutôt rechercherdes qualités telles que la maîtrise des exigences pour la gestiond’une bonne élection, la neutralité et l’objectivité, le souci de

Tableau n°2 : origines et profil des membres desCommissions électorales de la CEDEAO

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la consolidation de la démocratie, etc. Ensuite, obtenir de laCENA qu’elle procède au recrutement sur la base des critèrespertinents des cadres techniques dont elle sentirait le besoin.

Le maintien de la confiance des acteurs politiques et descitoyens devrait constituer également un souci lorsque l’onveut procéder à la dépolitisation de la CENA. Des mécanismessusceptibles d’aider à obtenir la confiance des acteurspolitiques sont nécessaires. Les exemples ghanéen (créationd’un comité « informel » réunissant la CENA et les partispolitiques) ou Cap-Verdien (participation des représentantsdes partis et candidats aux plénières de la CE sans voixdélibératives) ou autres.

Bien que la confiance des acteurs politiques concoure à lacréation de la confiance au niveau des citoyens, d’autres voiessont disponibles pour conforter cela. Il s’agit, par exemple,d’assurer des critères pertinents et objectifs de recrutementdes membres compétents aussi bien la CENA que pour cescadres techniques. Il s’agit également des mécanismes quiaux yeux des citoyens garantissent de manière crédiblel’indépendance de la Commission.

d. Le cadre légal des élections

Il faudrait prendre quelques mesures qui réduisent la révisiontrop fréquente de la législation électorale. Cela peut se faireen exigeant de toute proposition d’amendement d’une loiélectorale la présentation par l’auteur de l’améliorationattendue dudit amendement en ce qui concerne la gestiondes élections au Bénin. Il peut être également exigé de la CENAqu’elle dépose, après la gestion d’une élection, sur le Bureau

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de l’Assemblée la liste des amendements qu’elle jugeraitnécessaires à une meilleure gestion des élections futures.

e. Le contrôle de la gestion des ressources par la CENA

Le contrôle de la gestion des ressources mises à la dispositionde la CENA doit se faire tout en tenant compte des exigencesspécifiques à l’organisation des élections. Par exemple, l’onpourrait privilégier le contrôle a priori, permettant de réduireles risques d’exagération des coûts des ingrédients nécessairespour la gestion des élections. Il est également suggéré – enguise de contrôle a posteriori – de rendre systématique l’auditde la gestion de chaque élection par la CENA. Il faut par contre,faire attention au contrôle concomitant (pendant la gestiondu processus électoral) qui peut, si les procédures de passationdes marchés ne sont pas suffisamment flexibles et adaptéescontribuer à handicaper la bonne gestion des élections.

CONCLUSION

La présente contribution à la réflexion en cours pourl’amélioration de la gestion des élections au Bénin n’est pasexhaustive. Nous avons délibérément choisi de mettre surtoutl’accent sur les insuffisances dont ont souffert les CENA depuisla fin des années 1990, sur les sources majeures de cesinsuffisances et sur des pistes existantes pour les résoudre.

Il n’y a pas de doute que le recours à la CENA pour la gestiondes élections au Bénin a eu des impacts positifs même simalheureusement ils sont beaucoup moins visibles que lesnuisances.

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Communication 2 :La Liste Electorale Permanente Informatisée :

contenu, objectifs, force et faiblessesPar Monsieur Rufin D. DOMINGO, Informaticien / MIRENA.

Introduction

La Liste électorale permanente informatisée (LEPI) estdisponible au Bénin depuis le 20 février 2011. Après plusieurstentatives infructueuses depuis 1998, la LEPI a été remise enselle avec l’appui des partenaires techniques et financiers etl’accompagnement de la société civile, même avant quen’intervienne le vote, par l’Assemblée nationale, de la loin°2009-10 du 13 mai 2009 portant organisation duRecensement Electoral National Approfondi (Rena) etétablissement de la LEPI.

La mise en place de l’architecture institutionnelle prévue parla loi s’est faite graduellement. D’abord la Commission Politiquede Supervision (CPS), ensuite la MIRENA, organe d’exécutiondu RENA et de la LEPI et enfin les démembrements de celles-ci. Ces institutions ont eu pour mission de conduire le processusavec l’appui technique du Projet d’appui à la réalisation de laLEPI ( PAREL). Les différentes étapes opérationnelles du RENA,notamment la cartographie censitaire, le recensement porte-à-porte des citoyens de 8 ans et plus, l’enregistrementbiométrique des citoyens de 12 ans et plus et le traitementinformatique de toutes les données, ont permis, par un travailméthodique de rigueur, d’aboutir à l’établissement de la LEPI.

Aussi, l’envergure du théâtre des opérations, le grand nombred’acteurs de différents niveaux, à différentes échelles de celong et complexe processus n’ont-ils pu empêcher que

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surgissent des difficultés et conflits d’intérêts à chaque étapede la réalisation de cette œuvre.

Mais, l’on ne peut occulter que l’interprétation etl’inadaptation de certaines dispositions légales ont été à labase de maints dysfonctionnements. Pour les surmonter, dessolutions ponctuelles ont été trouvées au cours de différentesconcertations et des recommandations ont été faites pourles éviter à l’avenir.

Envers et contre tout, la LEPI est advenue, et constitueaujourd’hui, outre une avancée dans la transparence desélections, une base dans une perspective de contrôle du coûtdes élections, sans oublier son utilisation à d’autres fins ycompris de développement. Des résultats exploitables ontété donc obtenus et attendent quelques corrections pourcombler davantage les attentes. Il reste cependant à déciderde la prise en compte des acquis du projet pour leur assurer lapérennité souhaitée.

Dans le respect des termes de références qui me sont assignés,je ferais d’abord une présentation de la LEPI, en mettant enrelief ses caractéristiques et les objectifs visés par elle.J’évoquerais ensuite ses forces et ses faiblesses. Il sera parailleurs question de faire connaître ou de rappeler les griefsqui sont articulés contre la LEPI. J’indiquerai enfin lesdispositions pratiques en vue de la crédibilisation de la LEPI etl’amélioration des futures élections

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1.Caractéristiques et objectifs visés par la LEPI

a. Présentation de la LEPI

La liste électorale permanente informatisée est unique etnationale. Elle est une liste exhaustive avec photo de tous lescitoyens en âge de voter. La liste électorale permanenteinformatisée est le résultat d’opérations de recensementélectoral national approfondi et de traitement automatiséd’informations nominatives, personnelles et biométriquesobtenues sur l’ensemble du territoire national et à l’étranger,dans les ambassades et consulats de la République du Bénin.(article 3, loi 2009 – 10 du 13 mai 2009).

Concrètement, la LEPI, qui a été réalisée et mise à la dispositionde la Commission Electorale Nationale autonome en vue desdernières élections présidentielle et législative, est en fichier ;elle est extraite du fichier électoral national et constituée descitoyens de 18 ans et plus résidant sur l’ensemble du territoirenational et à l’étranger avec leurs données nominatives,personnelles et biométriques.

b. Objectifs

On ne dira jamais assez que la LEPI vise :

la modernisation du système électoral ;

l’amélioration de la qualité des consultations électorales ;

la réduction des contestations post électorales ;

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la réduction des coûts d’organisation des élections ;

la fiabilisation du fichier électoral ;

l’amélioration de l’état civil ;

Elle pourra en outre :

i. Concernant les données cartographiques collectées servir :

Dans l’administration territoriale à actualiser, via une loi, laliste des villages et quartiers de villes avec leurs coordonnéesgéographiques ;

A un meilleur aménagement du territoire par la réalisationdes cartes des infrastructures sectorielles géo référencées,notamment sanitaires, scolaires, culturelles, touristiques,énergétiques et routières, etc ;

A une meilleure organisation des recensements et enquêtesde populations.

ii. Concernant les données du Recensement Porte à Porte (RPP)

Elles permettront l’amélioration :

Des projections démographiques sur la base d’hypothèsestangibles ;

Des calculs des indicateurs socio-démographiques ;

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De la construction des pyramides des âges ;

De la planification socio-économique jusqu’au niveau local.

iii. Concernant les données biométriques collectées

Les entités étatiques à différents niveaux peuvent exploiter labase de données biométriques issues du RENA pour :

Elucider scientifiquement des enquêtes judiciaires aux finsde contribuer à réduire les erreurs judiciaires et faire baisserle taux de criminalité au Bénin ;

Procéder à une meilleure comparaison des relevésd’empreintes digitales avec celles de la base nationale dedonnées biométriques ;

Aider efficacement la justice dans le règlement des conflitsdomaniaux par l’authentification des empreintes digitalesapposées sur les conventions de vente de terrain, lorsquecelles-là sont exploitables ;

Rendre disponible à la justice l’identité judiciaire complètedes citoyens connus d’elle, qu’ils soient condamnés ounon ;

Aider à la production de documents administratifssécurisés (carte d’identité, passeport, titres de transports,assurance, banque, etc).

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2. Les forces et faiblesses de la LEPI

Comme annoncé dans l’introduction, la réalisation de la LEPIa bénéficié de certains atouts et connu des problèmes de diversordres.

La LEPI en elle-même constitue déjà une force vu soncontenu et les nombreux objectifs qu’elle permettraultérieurement d’atteindre.

Les faiblesses de la LEPI en son état actuel sont les suivantes :

La non exhaustivité du Recensement Porte à Porte, ainsique de l’enregistrement biométrique des citoyens de 12ans et plus ;

La non prise en compte à temps des réclamations faitespar les citoyens lors de l’affichage des listes provisoires ;

La non effectivité du transfert de compétences entre lesopérateurs technologiques et la partie nationale.

3. Reproches concrets formulés contre la LEPI (les sources de polémiques et de contestations)

Les griefs qui sont articulés contre la LEPI peuvent se résumeren ces points :

La tutelle substitution de l’organe politique CPS sur l’organetechnique qu’est la MIRENA ;

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L’incapacité (budgétaire) de la MIRENA à communiquersur le processus ;

L’interprétation non partagée de la démarche progressive(aire par aire) prescrite par la loi ;

Les délais relativement courts concernant les opérationsde terrain (cartographie, RPP et enregistrementbiométrique) pour obtenir l’exhaustivité de la loi ;

Les contestations relatives au nombre de villages recenséslors du processus, et par ricochet le nombre de centres devote, et de bureaux de vote ;

La non observation de la pause tant souhaitée pour unemeilleure évaluation des premières étapes du processus ;

Les non application au RPP ne serait ce que partiellement,des méthodes du Recensement Général de la Populationet de l’Habitat (RGPH) ;

Les remises à jour multiples du chronogramme et leur nonpublication ;

La non application intégrale des recommandations dugroupe de Travail ;

L’absence de consensus de la classe politique autour de laréalisation de la LEPI.

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4. Dispositions pratiques pour la crédibilisation de la LEPI et l’amélioration des futures élections

Désignation de la structure de gestion des acquis du projet LEPI

Il ne ressort pas de la loi la structure chargée de prendre lerelais des organes chargés de réaliser le Recensement ElectoralNational Approfondi (RENA) et la Liste Electorale PermanenteInformatisée (LEPI) , de procéder à l’apurement, à la mise àjour et à la révision globale de la LEPI et de pérenniser sesacquis.

Le législateur s’est contenté d’énoncer «… l’organecompétent désigné pour procéder aux corrections du fichierélectoral national et de la Liste Electorale PermanenteInformatisée …» Article 9 alinéa 3 et comme pour toute autreloi à l’article 66 il a disposé : « Des décrets pris en Conseil desministres déterminent, en tant que de besoin, les modalitésd’application de la présente loi ».

Il faudra donc que l’exécutif par un décret désigne la structurequi doit accueillir et conserver le fichier électoral national etprocéder périodiquement, comme indiqué à l’article 4, à sonapurement, à sa mise à jour et à sa révision. Cette structuredoit bien évidemment disposer de toutes les compétencesen matière de ressources humaines et logistiques nécessairespour assurer la mission qui lui incombera.

On pourrait penser au Secrétariat Administratif Permanent dela Commission Electorale Nationale Autonome (SAP-CENA) sion se réfère à l’article 2 du décret n°2008-005 du 17 janvier2008 portant organisation et fonctionnement de cette

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institution. Mais un tel choix pourrait poser problème en raisonde la tutelle de la Présidence de la République sur cetteinstitution et pour le fait qu’il s’agit non seulement de donnéesélectorales mais également de données personnelles,nominatives et biométriques qui appellent protection. Lagestion des ces données suggère l’implication de laCommission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL),loi n° 2009 – 09 portant protection des données à caractèrepersonnel en République du Bénin. IL faut donc recourir àtout prix à l’avis de cette Commission avant toute décisionrelative à la structure devant être désignée ou créée pourconserver et gérer le Fichier électoral national

Pour la gestion future des matériels, il serait judicieuxd’identifier un lieu sûr pour les abriter en vue de faciliter leurmaintenance, leur sécurisation et leur utilisation future.

Un minimum d’installation est nécessaire pour faire tourneren permanence des appareils, tels que les serveurs qui devrontrester dans des conditions environnementales adéquates,et subir une maintenance appropriée.

La gestion et la maintenance de ces matériels devront êtreconfiées à une équipe de techniciens et de gestionnairesavérés, car les spécificités requises pour la pérennisation deces investissements sont particulières.

Aussi, pour la sécurisation des matériels, est-il indispensablede déployer des agents de sécurité pour garder les lieux etfournir en permanence l’électricité.

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La périodicité de mise à jour de la LEPI

Il ressort de tout ce qui précède, une impérieuse nécessité deprofessionnalisation du système électoral par uneAdministration électorale permanente dotée detechniciens avérés recrutés sur la base d’un appel àcandidature en s’inspirant de modèles existant ailleurs.

La LEPI doit faire l’objet d’un apurement, d’une mise à jourrégulière de ses données constitutives et d’une révision globaleà périodes régulières (Cf. article 4 de la loi N° 2009-10 du 13mai 2009).

Les opérations d’apurement concernent :

La rectification des erreurs matérielles ;

La radiation suite aux décès, aux décisions issues des recours,aux émigrants non enregistrés dans les ambassades etconsulats ou aux conséquences du dé doublonnage.

La mise à jour porte sur :

L’intégration des électeurs ayant l’âge de voter, desélecteurs naturalisés au cours de l’année et des électeursimmigrants en République du Bénin au cours de l’année etremplissant les conditions requises pour être électeurs ;

Le transfert de résidence principale ou de domicile, lechangement de lieu d’affectation pour les électeurs assignésà une résidence obligatoire, l’émigration d’électeursenregistrés auprès d’une ambassade ou consulat de laRépublique du Bénin.

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Dans l’immédiat et dans le souci d’une plus grandeexhaustivité du RENA, il faut procéder à la correction de labase de données du RPP par un recensementcomplémentaire à l’intention des citoyens non encore prisen compte à la faveur du prochain Recensement Généralde la Population et de l’Habitat (RGPH). Ce recensementcomplémentaire sera suivi d’une phase d’enregistrementspécial des citoyens. A cet effet, il faudra mettre en placeun nouveau cadre légal ;

A l’approche de chaque scrutin et conformément auxdispositions légales, il sera procédé à la mise à jour du fichierélectoral et de la LEPI ;

Tous les (10) dix ans et conformément aux dispositionslégales, il sera procédé à la révision globale (renouvellementet actualisation) des données.

Conclusion

Le processus du RENA/LEPI a permis d’obtenir à son termedes résultats tangibles dont la LEPI. Cependant, pour fairejouer à l’instrument le rôle qui lui est dévolu, il reste à le parfaireen levant les principales contraintes techniques, légales etinstitutionnelles.

Pour ce faire, il convient de rétablir autour de l’instrument leconsensus politique qui a présidé à son avènement.

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Communication N°3 :Le régionalisme et l’urgence de la cohésion

sociale au Bénin,Par le Professeur Albert Tingbé-Azalou, Socioanthropologue, UAC.

Enseignant chercheur, DSA/FLASH/UAC, Consultant en prospective stratégique.

Le sujet soumis à notre méditation porte sur « Le régionalismeet l’urgence de la cohésion sociale au Bénin », un sujetapparemment délicat en raison de l’évidence du problèmequi en fait la centralité. La réalité dont la fonction est liée à laquotidienneté est généralement perçue comme banale parceque fortement partagée par le sens commun intériorisé parla conscience collective qui n’en fait quasiment plus unepréoccupation majeure bien qu’alarmante. Pourtant sabanalisation n’est que de surface ; elle ne fragilise en rien sonacuité dans une Afrique où se cultivent le régionalisme etl’ethnicisme conduisant, à des endroits, à des dérivessanglantes. C’est dire, Mesdames et Messieurs, que lerégionalisme n’est pas un problème tabou ni au Bénin, ni dansla société monde surtout en période électorale. Mais, cettefois-ci, au Bénin il a connu un peu plus de singularité et constituede ce fait un référent important pour l’analyste qui doitprendre le risque de réfléchir sur les élections présidentielle etlégislative de 2011 au Bénin.

La présente communication réalisée à travers une revuedocumentaire ayant comme support les journaux nationauxet étrangers parus pendant la période de la campagneélectorale, après la publication des résultats, le site du journalélectronic Jolome, des ouvrages et l’interview de certainespersonnes ressources met en exergue quelques déterminantsdu régionalisme dans les rapports entre diverses communautés

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nationales et des variables susceptibles de favoriser unecohésion sociale génératrice de développement.

Ce schéma d’analyse repose sur quatre principales articulations :

1. Bref rappel historique des rapports entre les diversescommunautés au Bénin,

2. La région comme enjeu et défi sur le champ de l’électionprésidentielle de 2011 au Bénin

3. Perspectives pour le renforcement de la cohésion nationale

I. Bref rappel historique des rapports entre les diverses communautés au Bénin

Au Bénin, tous les citoyens sont égaux en droit selon lesdifférentes constitutions adoptées depuis l’indépendance.Cependant, une observation attentive des relationsinterpersonnelles tant à la campagne que dans les villes révèlede véritables indices de discrimination clairement mis enévidence par l’enquête de terrain menée à cet effet dansdifférentes « aires culturelles » du pays en janvier/ février19971. L’objectif essentiel de cette enquête visant à établirl’image qu’on a de « soi », et l’image qu’on a de l’ « Autre »dans les différentes aires culturelles du pays. Le résultat le plusimportant de cette enquête a trait en l’existence d’une visionstéréotypée de « soi » et de l’ « Autre ».

1Par une équipe pluridisciplinaire de chercheurs dans le but d’établir le portraitidentitaire de l’acteur social selon les groupes socioculturels(Anignikin, S. : Les relations interculturelles et interethniques au Bénin : lesracines historiques des oppositions ethniques et régionales,pp137-161 in la discrimination raciale.

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Ainsi dans l’aire culturelle Baatonu, cette vision stéréotypée estorganisée autour de la valorisation de « soi » et du quasi méprisde l’« Autre». Le Baatombu dit lui-même « Baatonuwi », lesuffixe «wi » valorise l’individu dans le sens de « véritable ». LeBaatonu est le « Tonou-wi » c’est-à-dire l’Homme parexcellence. Parallèlement, le Baatonu se sert du suffixe « gué »pour déprécier l’«Autre». Ainsi, il parle du yoruba en termesde «yorugué», du Somba en termes de « Sobougué ».

Quant aux populations de l’Atacora, elles mettent beaucoupplus l’accent sur l’image de l’ « Autre » que sur leur propreimage. L’ « Autre », c’est généralement l’ennemi qui les acontraintes à se réfugier dans les collines. De manière générale,c’est l’image négative du Baatonu qui domine. Dans le groupeLokpa, par exemple, on utilise le terme « Sanmansi », c’est-à-dire «le méchant», pour désigner le Baatonu. Dans l’aireculturelle Adja-Tado-Fon, la vision stéréotypée est fondéed’abord sur la valorisation de l’image de « soi », une démarchequi déprécie automatiquement l’autre. A Abomey, on parlede « Houégbadjavi », terme qui désigne le Prince et quis’oppose automatiquement à « Anato » et même à Fon(Fonnou) que l’on emploie généralement pour désigner leshommes de condition inférieure. A Porto-Novo, le terme «Ayinonvi » valorise l’homme de la « cité » par rapport au «Gbétanou », l’homme de la brousse.

Mais à l’intérieur de cette même aire culturelle « Adja-Tado-Fon », il apparaît d’autres clivages qui réduisent l’image del’Aboméen, du Dahoméen voire du Fonnou à celle de l’Hommefruste (par rapport au Houéda de Ouidah), de l’Hommeméchant (par rapport au Hogbonouto ou aux habitantsd’Allada) et de l’Homme sanguinaire (par rapport auxpopulations Adja du Mono ainsi qu’aux populations « Maxi-

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Monso » des Collines ou aux « Maxi Basso » d’Agonli. Quantà l’Aboméen, il manifeste un certain mépris pour les « Mahi »(traité comme des bêtes puantes et prétentieuses), pour lePorto-Novien (qui apparaît comme un roublard et fanfaron),pour l’ « Adja » qui est fruste, le « Mina » qui est prétentieux.Dans l’aire culturelle yoruba, l’homogénéité relative du groupeethnique et surtout la référence à un même ancêtre mythique« Odoudouwa » atténuent les clivages. L’image que les yorubase font d’eux-mêmes est celle de l’Homme cupide. Mais lejugement est plus sévère lorsqu’il provient des populationsqui, dans leur évolution historique, se sont détachées du troncprincipal Yoruba, comme ceux qu’on appelle généralementles Anago, c’est-à-dire de Kétou, les Tchabè, les Idasha, lesItcha, les Ifè. Pour les Nago, la cupidité du Yoruba peutl’amener à vendre les siens.

Les rapports entre l’aire culturelle « Adja-Tado-Fon » d’un côtéet l’aire culturelle « Yoruba-Nago » de l’autre sont ceux quisont franchement mauvais. Chez les Anago, l’image del’Aboméen est diabolisée. Ainsi l’Homme de Kétou neconsidère pas l’Aboméen comme un homme. Pour les Idatchaet les Tchabè, l’Aboméen est un mauvais génie. Evidemment,pour l’Aboméen, les Yoruba et les Nago sont des ennemishéréditaires. A ces images de base se sont surimposéesd’autres par la suite dans le sens d’une simplificationrégionaliste Nord-Sud. Dans ce cadre, l’homme du Norddénonce la démarche prétentieuse et dominatrice del’homme du Sud. Quant à ce dernier, il affiche le mépris del’homme « policé » face à l’homme « frustes ». A ces imagesse surimpose celle de l’homme du Sud qui est « faux » paressence et celle de l’homme du Nord qui est « honnête » paressence.

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Localement, le milieu écologique a pu générer un certainnombre de clichés péjoratifs. C’est le cas de l’expression «Sokanmènou », c’est-à-dire « montagnard » pour désignerles habitants du Département des Collines). C’est le caségalement du terme « Toffin » pour désigner les hommes quivivent sur l’eau.

Ces différentes images stéréotypées qui sont habituellementgérées de manière interne aux différents groupes, secristallisent parfois en de véritables manifestations d’exclusion.C’est dans le cas particulier pour l’homme de Kétou par rapportà l’Aboméen. Dans un article intitulé le « Centenaire de larenaissance de Kétou », le Révérend Père Moïse AdéniranAdekambi2 constate comment l’animosité entre Abomey etKétou, née de la guerre de 1886, dure jusqu’à nos jours. « Ilen est résulté pour le kétois, cette inquiétante et surprenantealternative » : « Egu nbonia ? » (Est-ce un Fon ou un homme ?)3.L’auteur précise que cette alternative qui s’appliquait au seulAboméen est par suite généralisée « à tous les autressousgroupes de l’aire culturelle Adja-Tado »4.

Dans un article sur les Kufaloyinma de l’Atacora, Abiola FélixIroko rend compte d’une situation d’exclusion tout aussidramatique. Il souligne que « les cavaliers Baatombu ont, dansle passé, terrorisé les Kufaloyinma au point que la vue d’uncheval dans un rêve signifie pour un Kufalo, l’imminence d’uneattaque Baatonu »5. De nos jours, l’image du cheval est

2La croix du Bénin, du 2 décembre 19943Ibid4Ibid5Notice sur les Kufolyinma de l’Atacora, le Mois en Afrique, N°221 de juin-juillet 1984,pp 121-129

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assimilée par plusieurs groupes ethniques de l’Atacora à celledu Baatonu et annonce un malheur.

Les manifestations d’exclusion se développent surtout dansle domaine matrimonial. En effet, les mariages sont difficilesentre les ressortissants de deux groupes ethniques qui sedétestent cordialement. Si le cas entre Kétou et Abomey estbien connu, des oppositions plus diffuses mais tout aussidéfinitives découragent les relations matrimoniales entre leshabitants du Mono et les Aboméens, et plus généralemententre les populations du Sud et celles du Nord. Même dans leNord, ces oppositions sont bien connues et restentpratiquement irréductibles entre le Dendi de Djougou et lesautres peuples de l’Atacora.

L’expérience a montré que ceux qui ont pu braver ces interditsnon dits se révèlent être, comme pour se racheter auprès deleur groupe ethnique, les plus grands pourfendeurs du groupeethnique du conjoint, plaçant du coup les enfants dans unesituation difficile. L’incidence immédiate de cette classificationdes ethnies que la colonisation a grandement contribué àmettre en place est l’émergence des représentations. Celles-ci, sont la forme d’appréciation qui découle d’une manièreparticulière de voir l’autre globalement par le prisme despréjugés. Du coup, il s’est développé des jugements de valeurréciproques à travers les âges. Quelques exemples pour s’enconvaincre. Selon Iroko (1989) : « Les Yowa de la région deDjougou […] considèrent souvent comme des êtres inférieurset frustres les Tangba, groupe socioculturel avec lequel ils ontpourtant des affinités sur plus d’un point ; ils se sententconsidérés lorsqu’on les confond avec eux. En revanche,éprouvant un certain ressentiment face aux Dendi, ils prennentces marchands musulmans, riches et aisés pour la plupart,

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comme des étrangers arrogants et orgueilleux ; ceux-ci,habitués à vivre dans le cadre d’une cité opulente, commeDjougou, ne les considèrent-ils pas en retour comme desautochtones peu évolués, beaucoup plus attachés à la glèbequ’aux grandes transactions commerciales et, de surcroît,repliés pour la plupart dans leur religion traditionnelle ? ».

Dans presque toutes les régions d’Afrique, ces représentationssont omniprésentes. À des endroits, elles ont débouché surdes comportements quelque peu de ‘’xénophobie».L’exemple évoqué par Iroko (1989) est assez illustratif : « Il ya quelques années, les habitants de Djougou, indignés,demandèrent l’affectation hors de leur centre médical d’unejeune sage-femme ‘’Somba» dont ils refusaient les servicesmalgré sa compétence, parce qu’elle appartenait à un groupesocioculturel qu’ils considèrent comme inférieur au leur et dontils jugent les membres indignes de voir la nudité de leursépouses au moment des consultations prénatales et del’accouchement ». Ces attitudes somme toute déplorables ausein d’un espace territorial à la recherche de son unité, neconstituent pas toujours, hélas !, des faits isolés. Au contraire,elles sont monnaie courante et ont des racines historiquestrès anciennes. Le nationalisme qui a vu le jour dans le sillagedes luttes pour l’indépendance n’a malheureusement faitqu’envenimer la situation. Déjà en son temps, Frantz Fanondans son ouvrage intitulé Les damnés de la terre (1961)critiquait vertement cet ordre social. « La conscience nationaleau lieu d’être la cristallisation coordonnée des aspirations lesplus intimes de l’ensemble du peuple, au lieu d’être le produitimmédiat le plus palpable de la mobilisation populaire, ne seraen tout état de cause qu’une forme sans contenu, fragile,grossière. Les failles que l’on y découvre expliquent amplementla facilité avec laquelle, dans les jeunes pays indépendants,

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on passe de la nation à l’ethnie, de l’Etat à la tribu. Ce sontces lézardes qui rendent compte des retours en arrière, sipénibles et si préjudiciables à l’essor national, à l’unité nationale ».

En outre, la région comme enjeu politique au Bénin neconcerne pas que les adultes. La jeunesse est aussi au coeurde cette réalité. Pour Sylvain Anignikin, les clivages provoquéspar les manipulations ethnocentristes ont atteint, en 1966,un nouveau sommet avec la création du Front d’ActionCommun des Elèves et Etudiants du Nord (FACEEN) quis’oppose à l’Union Générale des Elèves et EtudiantsDahoméens (UGEED), entre autres, sur l’appréciation des«causes fondamentales des disparités régionales, basesobjectives du phénomène régionaliste».

Les manifestations d’exclusion se traduisent parfois dans desmouvements de violence. On observe ces violencesgénéralement à l’occasion de matchs de football, deconsultations électorales ou de coups d’Etat militaires.

Comme on le constate, le régionalisme qui renvoie à laconfiguration géopolitique et sociohistorique du pays est loind’être un phénomène nouveau.

II. La région comme enjeu et défi sur le champ de l’élection présidentielle de 2011 au Bénin

1. Esquisse des causes profondes

Le Bénin n’est pas encore un Etat-Nation et cela crée unpatriotisme fragile parce que la citoyenneté ethno régionalisteest plus forte que la citoyenneté nationale (Bénin 2025 Alafia).Ainsi, les phénomènes d’intolérance entre les communautés

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remettent en cause le vouloir vivre collectif, l’un des facteursde construction et de consolidation de la Nation et mettent àrude épreuve le processus d’identification sociale communenationale. La Nation est donc administrative et fictive. Ellen’existe pas encore dans les consciences collectives, lesmanières de faire continuant d’être propres à chaque groupesocioculturel. A cet égard, la citoyenneté ethnique exerce unesuprématie assez subtile et pourtant plus forte sur lacitoyenneté nationale. En fait l’histoire sociopolitique du Béninest parsemée de querelles, de conflits interethniques etpolitiques manifestés par des sentiments de frustration, dehaine, de dédain, de méchanceté et de méfiance. Aujourd’hui,cette situation semble être simplifiée en terme d’oppositions,bien qu’implicites (pas toujours manifestes) entrecommunautés/nationalités : sous une apparence forgée pardes manipulations politiques, subsistent de nombreusescontradictions et autres frustrations entre les communautésd’une même région, d’une même localité et d’un même village.

En marge des enjeux socioculturels, la politique se sert del’ethnie comme de la région comme arme électorale dans uncontexte politique non idéologique (Tokpanou V. et AkindèsF., 2005). Deux axes d’analyse s’offrent :

- L’instrumentalisation des liens socioculturels

La réalité politique (notamment électorale) béninoise nerépond plus aux théories de la «marchandisation du vote» (J.P. Olivier de Sardan) ou encore moins «logique du fils de terroir »(Arifari-Bako N.,1995). Le processus électoral a livré un verdictqui étonne tant le monde scientifique que politique. Lescandidats en réalité pendant la période électorale fascinentles populations par le rappel des liens historiques qui lient telle

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famille à telle autre, ou tel groupe sociolinguistique à tel autreou encore tel royaume à tel autre. N’y a-t-il pas été expliquéaux populations d’Abomey et de Porto-Novo que Tofa etBéhanzin sont des frères et ont suivi les mêmes formationsmilitaires et éducations royales. N’a-t-on pas rappelé lecaractère intégratif et de cohésion sociale du présidentcandidat Boni Yayi en ce sens qu’il vient du Nord et a épouséune femme de Ouidah. C’est dans cette même dynamiqueque Monsieur Sévérin Adjovi, Maire de la ville de Ouidahcompare Madame Chantal Yayi actuelle première Dame àMadame Adélaïde Houngbédji épouse du Maître AdrienHoungbédji candidat de l’UN à la dernière électionprésidentielle pour convier sa population à le suivre dans sonchoix. Il s’agit purement d’une « instrumentalisation des lienssocioculturels » comme en France ou aux Etats Unis lesélecteurs tiendront compte de leur appartenance linguistique,culturelle, économique et même professionnelle dans les choixélectoraux.

- La capitalisation des acquis socioéconomiques

Au lendemain des élections présidentielle et législative lenouveau et ancien président de la république a posé deux actescapitaux dans l’analyse du comportement électoral du Béninois.

Dans « l’arène politique » béninoise le capitalsocioéconomique est au service des joutes électorales. Lecitoyen ne vote pas en réalité aux présidentiables mais plutôtdans la perspective de sauvegarder les intérêts du fils de leurrégion qui est dans la bonne grâce du pouvoir. Commechaque groupe sociolinguistique cherche à s’identifier à unpersonnage proche de cette arêne . On considère mêmel’état d’une commune ou d’une ville comme le résultat de la

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politique d’opposition pratiquée par le leader de cette localitébéninoise.

En plus de ces faits, on note la répartition inégale desinstitutions sur l’ensemble du territoire. Il est constaté quetoutes les institutions de prises de décision, les grandesentreprises publiques pourvoyeuses de richesses pour laplupart sont installées dans la région méridionale du pays(Cotonou et Porto-Novo). Cette situation est souvent sourcede frustration qui fait naître le régionalisme.

Au plan politique, il est observé que les cadres de certainesrégions sont promus à des postes de responsabilité plus qued’autres dans l’administration publique. Ceci pousse des régionsdépourvues à réclamer le positionnement de leurs fils etmenacent de sanctionner le pouvoir en place lors des élections.

2. Manifestations diverses

Le régionalisme au Bénin se manifeste sous plusieurs facettes.Mais celles qui sont les plus remarquables s’observent aumoment des élections. Deux faits permettent d’illustrer cetétat de chose : la constitution des alliances pour les électionsprésidentielles du 13 mars 2011 et les résultats de ces élections.Les autorités politiques béninoises ont souvent prôné leregroupement des partis politiques afin d’avoir des groupesforts qui doivent présenter un projet de société cohérent auservice du développement du pays. Si on remonte dansl’histoire récente de la vie politique du Bénin, on peut retenirl’alliance Union pour le Bénin du Futur (UBF) constituée en2002 par les partisans du Général Mathieu Kérékou, ancienPrésident de la République pour les élections communales etmunicipales de 2002 et législatives de 2003. L’UBF est

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composée de plusieurs partis politiques dont les leaders serecrutent dans toutes les régions du pays et des groupessocioculturels. En 1991, lors des premières élections de l’èredu Renouveau Démocratique, Mathieu Kérékou a reçu lesoutien entier des électeurs du Nord malgré ses 17 années degestion dite catastrophique dont notamment de 1972 à1989. Ces électeurs du Nord n’ont pas tenu compte de sagestion pour lui accorder leur suffrage. Ils l’ont fait toutsimplement parce qu’il est du Nord.

En 1996, Bruno Amoussou et Adrien Houngbedji, tous deuxressortissants du Sud, ont soutenu Kérékou contre Soglo quiest pourtant un fils du Sud. En 2001, Bruno Amoussou asoutenu Mathieu Kérékou, après la démission de Soglo et deHoungbédjien légitimant l’élection de Kérékou. BrunoAmoussou, aurait pu faire le jeu des deux premiers s’il devaitagir par régionalisme. En 2006, le groupement ADD-Wologuèdè composé des actuels ténors de l’UN a soutenuBoni Yayi (un nordiste) contre Adrien Houngbédji (un sudiste).Si ce groupement était régionaliste, on n’aurait jamais eu cetétat de choses.

Pour les élections récentes, l’alliance ADD-Wologuèdè élargieà d’autres formations politiques pour devenir l’Union fait laNation a porté son choix sur Me Adrien Houngbédji.Enanalysant ces faits de l’histoire politique de notre pays, onpeut constater que depuis fort longtemps, les candidats duNord sont toujours soutenus par les ressortissants du Sudcontre d’autres ressortissants du Sud.En 2010 vit le jour leregroupement de partis politiques dénommé Union fait laNation (UN) pour les élections présidentielles de mars 2011.Le but principal de ce regroupement est de ‘’chasser» dupouvoir le leader du changement le président de la République

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Boni Yayi. Si l’idée de ce regroupement politique constitue unsalut pour les promoteurs, le danger qu’il recouvre est soncaractère essentiellement régionaliste ou du moins homogène parrapport au Sud. Et les résultats obtenus à l’issue du scrutinprésidentiel sont assez illustratifs du régionalisme politique au Bénin.

Tableau : Résultats des deux grands candidats à laprésidentielle du 13 mars 2011 au Bénin

Source : données de la Commission Electorale Nationale Autonome, CENA2011, mise en forme.

Principa-lesrégions

Tenden-cesNord

Départe-ment

Tenden-cesSud

Candidats

Observation

Nombre de

suffragesHoungbédjiAdrien

Boni Yayi

AliboriAtacoraDongaBorgouCollines

Plateau

Zou

Atlantique

Littoral

Mono

Couffo

Ouémé

3,4145,9431,89813,38321,871

72,462

130,044

150,498

141,016

37,240

86,324

272,309

158,371128,76079,777232,193131,964

53,679

87,119

202,159

115,620

85,681

62,909

86,556

203,258177.650120.335282.263168.612

134.524

244.870

398.519

274.218

131.630

160.992

372.137

Yayi BoniYayi BoniYayi BoniYayi BoniYayi BoniHoungbédjiAdrien(UN)

HoungbédjiAdrien(UN)Yayi BoniHoungbédjiAdrien(UN)Yayi BoniHoungbédjiAdrien(UN)HoungbédjiAdrien(UN)

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(Ce regroupement en “tendances Nord” et en “tendancesSud” tient compte du comportement électoral des populationset non du découpage administratif.)

Il est noté à travers ces résultats que le vote a révélé unecoloration ethnique et régionaliste. Dans les départementsdu Nord (Alibori, Atacora, Borgou et Donga) Boni Yayi aobtenu respectivement comme nombres de suffrages158.371, 128.760, 232.193 et 79.777 contre 3.414, 5.943,13.383 et 1.898 pour Maître Adrien Houngbédji. Dans lesCollines où le candidat Boni Yayi a émergé par les jeux d’allianceet de sentiment de devoir électoral étant donné queTchaourou, commune d’origine du président a des liens socio-historiques et culturels assez manifestes avec les acteurs sociauxdu groupe socioculturel nago a obtenu 131.964 contre21.871pour le candidat de UN. Dans l’Atlantique qui n’estpas un département du Nord par contre Boni Yayi vient entête avec 202.159 contre 150.498 pour Adrien Houngbédji.Ces résultats montrent que les leaders politiques de cedépartement soutenant le candidat Boni Yayi ont suconvaincre les populations pour ce choix.Dans certainsdépartements du Sud notamment le Littoral, l’Ouémé, le Zou,le Plateau et le Couffo la situation est favorable au candidatunique de l’Union fait la Nation à cause de l’influence decertains leaders membres (notamment Bruno Amoussou) dece regroupement politique. Ainsi dans ces départements citésci-dessus, le candidat Adrien Houngbédji a obtenurespectivement les nombres de suffrages 141.016, 272.309,130.044 , 72.462 et 86.324 contre 115.620, 86.556,87.119, 53.679 et 62.909 pour Boni Yayi. Au regard de cesrésultats, il se dégage que les électeurs du Nord se sont illustrésdans la “logique du fils de terroir” et certains se plaisent à direallègrement que les Sudistes votent pour leur ventre parce

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que c’est l’argent qui règle leur problème. Ces comportementsélectoraux ou électoralistes amènent certains candidats à éviterde faire leur immersion dans certaines localités préjugéescomme zones de prédilection qui ne vaillent pas la peine d’êtreexplorées.

Dès la constitution de l’alliance UN, elle a été taxée derégionaliste car elle ne couvre pas les leaders politiques dunord. La réplique a été constatée à un mois des électionsprésidentielles quand les leaders politiques du nord ontconstaté que l’enjeu n’est pas forcément le candidat Boni Yayimais c’est le nord parce que le sud aurait gardé le pouvoir aumoment des monarchies. Et le candidat qui permettrait degarder le pouvoir au nord, c’est le soutien massif à Boni Yayicar le candidat Abdoulaye Bio Tchané aussi originaire du norda été mis en 1.minorité dans cette région afin de maintenirBoni Yayi au pouvoir.

3. Statut de la région dans le discours politique à la présidentielle de 2011 et ses conséquences sur la cohésion nationale

Au Bénin, l’élection présidentielle du 13 mars 2011 a été uneoccasion où les acteurs politiques candidats ont parcouru lesvillages, les hameaux et les centres urbains pour s’adresseraux populations afin de recueillir leurs suffrages. Quel estl’impact du discours politique de la présidentielle de 2011 etses conséquences sur la cohésion sociale ? Qu’entendon parcohésion sociale ?

La notion de cohésion sociale occupe de plus en plus lesdébats contemporains. Si en Occident, elle est évoquée parrapport à l’épreuve du libéralisme économique, en Afrique,

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elle est, selon certains auteurs, perdue ; perte des repèressociaux exacerbée par la recherche identitaire et ledéveloppement des sentiments et comportements ethnicistes.

Utilisée par Émile Durkheim dans De la division du travail social,la notion de cohésion sociale désigne le résultat de la solidaritéissue de la division du travail social. Pour Durkheim, la solidaritéest le « facteur de la cohésion sociale » en ce sens qu’elle estun «phénomène tout moral qui (…) incline fortement leshommes les uns vers les autres, les met fréquemment encontact, multiplie les occasions qu’ils ont de se trouver enrapports ». Il dira à ce sujet « nous ne sommes rien les unssans les autres ; plus nous gagnons en individualité, plus notredépendance mutuelle est grande » (Durkheim, 1978). C’estla même idée qu’Ewald (1986) traduit en ces termes : « nousnous devons avant même notre naissance, avant tout échangecontractuel, entièrement aux autres et à la société ». Certes,Durkheim parle de cohésion sociale, mais il n’en donne pasune définition claire. Il s’est surtout occupé d’en définir lesconditions de possibilité et de réalisation. Et il en est de mêmepour la plupart des auteurs qui, depuis Durkheim, font usagede cette notion, souvent dite controversée.

C’est dire combien il n’est pas aisé de saisir les contours précisde la notion de cohésion sociale. Car, elle fait toujours appel àdes éléments d’horizons divers : politique, économique, social,etc. De plus, elle est souvent récupérée et instrumentaliséepar les hommes politiques qui, en fonction de leurs intérêts,définissent la nature et les conditions du lien social. Le pointde vue du sociologue Bernard (1999) exprime bien cettesituation : «La notion de cohésion sociale présente les signescaractéristiques d’un quasi-concept, c’est-à-dire d’une de ses

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constructions mentales hybrides que le jeu politique nouspropose de plus en plus souvent, à la fois pour détecter desconsensus possibles sur une lecture de la réalité et pour lesforger. Je dis hybrides parce que ces constructions ont deuxfaces: elles sont d’une part fondées, en partie et sélectivement,sur une analyse des données de la situation, ce qui leur permetà la fois d’être relativement réalistes et de bénéficier de l’auralégitimante de la méthode scientifique ; et elles conserventd’autre part une indétermination qui les rend adaptables auxdifférentes situations, assez flexibles pour suivre les méandreset les nécessités de l’action politique au jour le jour. Cetteindétermination explique qu’il soit si difficile de déterminer ceque signifie la cohésion sociale ».

Au cours de cette élection, comme c’est signalé plus haut tousles candidats en lice ont adressé des messages à l’endroit despopulations qui constituent les potentiels électeurs. Certainsde ces messages ont retenu notre attention et méritent d’êtreanalysés. Le message du président candidat Boni Yayi est bienconscient que la lutte sera âpre face à l’ambition de sesnombreux citoyens avec qui il devra discuter le pouvoir. Il yvoit d’ailleurs dans cette arène politique, une «preuve de lavitalité de notre démocratie ». Message du candidat, messagede bilan, l’expérience du candidat l’amène à dégager troisdéfis majeurs dont le Bénin devra tenir compte, s’il veut avoirdroit de cité aussi bien dans l’espace régional qu’international.Comme défis, il relève :

- les crises politiques ;- les changements climatiques et- les tensions économiques.

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Boni Yayi est bien conscient que ces difficultés constituentdes réalités auxquelles les Béninois devront faire face avec «grandeur d’âme et d’esprit ». Cela revient-il à dire que les cinqdernières années passées n’ont pas permis d’« élever » les Béninoiset les Béninoises vers ces grandeurs d’âme et d’esprit » ? En toutcas, ces défis que le candidat présente sont des vécus qui nesont pas extérieurs au quotidien des Béninois. Il ne présentepas les faiblesses fondamentales de ses différentsgouvernements et semble présenter dans ce message unsentiment d’« autosatisfaction ». Il propose d’ailleurs une veillepermanente de nos approches politiques » ; par quelsmécanismes ? Avec quels instruments ? Et pour quelle formed’amélioration des dispositifs de veille existant ? Même si lemessage du candidat est muet quant aux stratégiesopérationnelles que pourrait présenter l’homme expérimentépour relever ces défis aussi bien au plan nationalqu’international, ce message a le mérite de nous permettrede cerner les notions de prospérité et d’émergence qui ontconstitué les éléments clés du discours fondateur de sonpremier mandat. L’usure du temps ne les aurait pas ‘’fanés»,car si Boni Yayi nous les rappelle, c’est certainement parcequ’il va falloir une fois de plus compter avec ‘’la prospérité» et‘’l’émergence» pour se doter de ces grandeurs d’âme etd’esprit auxquelles il fait allusion pour faire face aux défis qu’ila à relever. En effet, pour Boni Yayi, le Bénin prospère est unBénin où le travail est une valeur fondamentale. Enfinsoulignons que ce message ne met pas l’accent de manièreexplicite sur les maux qui minent et entravent la cohésionsociale et l’unité nationale dans le pays.

Le second message qui a suscité d’intérêt pour cettecommunication est celui du candidat de UN, Adrien

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Houngbédji. Ce message a démarré par des critiques acerbesdu régime sortant celui de Boni Yayi. Il pense :

évacuer de la scène politique béninoise, la horde descomplices trempés dans les scandales, CEN-SAD, ICCservices, machines agricoles afin de faire souffler le

peuple» ;

restaurer la démocratie en la débarrassant des velléitésdictatoriales et des entorses permanentes aux libertés dela presse, interdictions des marches de protestation,absence de diligence due pour la recherche de citoyensdisparus, violations des droits sociaux par des entraves à laliberté syndicale, etc.» .

Il poursuit en proposant :

remettre ensemble le Bénin débout, uni, fort et fraternel»,

une aide financière sera fournie aux communes à travers letransfert d’un milliard en moyenne à chacune des 77 mairiesque compte notre pays» ;

Une augmentation du microcrédit en plus de la créationd’une banque des femmes qui associe les communes» ;

fournir à chaque étudiant un ordinateur avec accèsnumérique»

Le message du candidat Adrien Houngbédji contient despropositions intéressantes mais les stratégies opérationnellespour leur mise en application ne sont pas décrites et

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apparaissent démagogiques. Prenons par exemple, lafourniture à chaque étudiant d’un ordinateur avec numériqueparaît floue car on ne sait si ce sont les étudiants en fin decycle ou tous les étudiants toutes promotions confondues oude manière progressive. Par contre, le point fort de ce messageest celui relatif à la cohésion nationale de l’ensemble du pays.

Au demeurant, la campagne de l’élection présidentielle du13 mars 2011 a été d’une remarquable nullité et d’uneparticulière indignité. Elle a servi à révéler les graves déficiencesdes femmes et des hommes politiques béninois qui, pour laplupart et pour l’essentiel, ont distribué beaucoup d’argentpour avoir les suffrages des populations. Cette campagne estmarquée d’injures et d’insultes. Cette situation s’explique parla pauvreté idéologique des protagonistes qui n’ont pas lemoindre projet de société bien monté à proposer auxpopulations.

III. Perspectives pour le renforcement de la cohésion nationale

Les perspectives de renforcement de la cohésion nationalepassent par la lutte contre le régionalisme et la promotion denouvelles valeurs sociétales pour le bien-être des populations.

1. Le régionalisme, menace à l’unité nationale

Le régionalisme revient, sous une nouvelle forme :l’ethnocentrisme, une attaque d’un type nouveau contre ladémocratie et les bases fragiles de la nation. Le régionalismeprogresse, nettement ces dernières années et menace de sebanaliser dans les centres de décision, voire dans l’appareilétatique. Cette menace se concrétise davantage en terme de

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résurgence épisodique au cours des élections au Bénin. De cefait, elle constitue une menace pour la démocratie, la bonnegouvernance et la cohésion nationale.

Agir contre le régionalisme devient ainsi une extrême urgence,du moins pour le peuple tout entier. Lutter contre lerégionalisme passe par la lutte contre le chômage et toutesles formes d’exclusion. Lutter contre le régionalisme relève del’ordre de l’exigence comme condition indispensable auchangement social et au développement national. Celaimpose aux composantes sociales et particulièrement auxresponsables politico-administratifs de toutes catégories,d’avoir et de respecter une morale personnelle et une éthiquecollective. Lutter contre le régionalisme oblige les politiques àproposer une société où chacun trouve sa place, où chacunvit mieux, où chacun reprend espoir. Beaucoup d’hommes etde femmes, aujourd’hui exclus ou craignant de l’être ouécoeurés par notre fonctionnement collectif, se réfugient dansl’extrémisme, le rejet de l’autre et l’individualisme exacerbé.

2. Actions possibles

Les actions relatives à l’inversion de la tendance lourde queconstitue le régionalisme sont multiples et multiformes parceque liées à tous les paliers de la vie individuelle et sociale. Ellesdoivent être menées pour assurer la quiétude à toutes lesBéninoises et à tous les Béninois où qu’ils se trouvent sur leterritoire national. Or, il est démontré qu’aucundéveloppement n’est possible dans un milieu où les gens sesentent marginalisés ou exclus. La cohésion sociale apparaîtcomme un ciment de l’unité nationale qui est nécessaire àtout processus de développement et d’épanouissement des

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populations. Pour ce faire des actions suivantes doivent êtremenées. Il s’agit de :

• développer le sentiment patriotique dans le systèmeéducatif à partir de l’utilisation des vestiges culturels telsque les langues nationales ;

• promouvoir les cultures nationales comme vecteur de savoiret de cohésion sociale ;

• développer le sentiment de la solidarité nationale ;

• amener les acteurs de la vie politique à prendre toutesinitiatives concrètes afin de démontrer leur déterminationà lutter contre le régionalisme sous toutes ses formes ;

• convaincre toutes les autorités politiques et traditionnelles,toutes les personnalités scientifiques, morales, de la sociétécivile et religieuses, ainsi que tous les organes de presse,notamment, à travailler concrètement à la formation d’uneconscience nationale en posant des actes tout aussiconcrets susceptibles de concourir à la construction d’unevéritable nation béninoise ;

• sensibiliser les forces sociales et politiques à oeuvrer pourla criminalisation effective du régionalisme et del’ethnocentrisme conformément à l’esprit de la constitution ;

• montrer à tous les démocrates de notre pays la nécessitéà s’engager pendant les périodes électorales à signer uncode de bonnes conduites qui exclut de leurs propos etactes toute velléité au régionalisme et à l’ethnocentrisme ;

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• insérer dans les curricula de formation des notions sur l’uniténationale, la cohésion et la paix dans les programmes destrois ordres d’enseignement ;

• assurer une meilleure répartition de la richesse nationaleafin de favoriser le développement harmonieux et équilibrédes régions du pays ;

• prendre ensemble l’élan décisif pour consolider ladémocratie, afin de sauvegarder l’unité nationale et la paix,devient une urgence dans une analyse objective.

Conclusion :

Comme on le constate, le régionalisme qui renvoie à laconfiguration géopolitique et sociohistorique du pays est loind’être un phénomène nouveau. Les résultats de l’électionmontrent clairement que les choix des électeurs n’ont pas étédispersés mais plutôt concentrés sur les deux grands candidatsque sont Boni Yayi et Adrien Houngbédji. Ils participent de labipolarisation du Bénin en deux grandes régions à savoir leNord et le Sud. En fait, le président Boni Yayi, originaire duNord a eu les meilleurs scores dans cette zone au détrimentde son challenger Maître Adrien Houngbédji originaire du Sud.Les deux candidats sont soutenus par des alliances de partisou mouvements politiques: les Forces Cauris pour un BéninEmergent (FCBE) pour Boni Yayi et l’Union fait la Nation (UN)pour Adrien Houngbédji. Toutefois, force est de reconnaitreque le régionalisme constitue une contrainte majeure à l’uniténationale et à la paix. La Côte d’Ivoire d’ Alasane DramaneOuattara et de Laurent Gbagbo en ont donné leçon au traversdu scénario pessimiste de « La chauve souris étranglée » misen relief dans le rapport des études prospectives « Côte

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d’Ivoire 2025 ». Il s’agit donc d’un fléau à combattre à toutprix par la promotion d’une culture d’intégration nationalefavorable à la solidarité et à la cohésion sociale.

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Références bibliographiques

• Akindès, F. et Topanou, V. : Le contrôle parlementaire del’action gouvernementale en République du Bénin.Unelecture sociologique, démocratie, gouvernance et droits del’homme,document du programme n°18, octobre 2005,Institut de recherche des Nations Unies pour ledéveloppement social, 48 pages.

• Anignikin, S. : Les relations interculturelles et interethniquesau Bénin : les racines historiques des oppositions ethniqueset régionales, pp137-161 in la discrimination raciale. Actesde la réunion internationale d’experts sur toutes les formesde discrimination fondées sur l’origine raciale, nationaleou tous autres motifs, en Afrique au Sud du Sahara,Cotonou, les 5 et 6 juin 1997.

• Bako-Arifari, N. : Démocratie et logiques du terroir au Bénin,in politique africaine, n° 59 octobre 1995, le Bénin, pp7-24.

• Durkheim, E., 1978 (Éd. orig. 1893), De la division du travailsocial, Paris, PUF.

• Ewald, F., 1986 : L’État providence, Paris, Grasset.

• Fanon, F., 1961, reéd. 2002 : Les damnés de la terre, Paris,La Découverte/Poche, 311p.

• Iroko, F. 1989 : «Regard extérieur et saisie interne desethnies et des ethnonymes.République Populaire du Bénin » in Les ethnies ont unehistoire, Paris, Karthala/ACCT, pp. 213-222.

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• La Nation n° 5185 du mardi 22 février 2011, message ducandidat Adrien Houngbédji, p. 3.

• La Nation n° 5190 du mardi 1er mars 2011, message ducandidat Boni Yayi, p. 3.

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Rapport général

Par Monsieur Sahadou ALI ZATO, Consultant en communicationet développement organisationnel

Depuis l’avènement du renouveau démocratique en 1990, leBénin à l’instar du Mali et du Ghana, apparaît comme unexemple de démocratie réussie en Afrique grâce entre autres,à l’organisation régulière d’élections (présidentielles,législatives et communales) sans contestations trop violentes.Cette image à la limite idyllique est toutefois nuancée par denombreux observateurs et analystes politiques qui craignentdes risques de dérives graves et des menaces sur la paix socialeau regard des nombreuses insuffisances que connaît lesystème électoral à travers l’organisation mise en place et lestextes.

Le projet de réalisation d’une Liste Electorale PermanenteInformatisée (LEPI) qui devait apporter des solutions durableset efficaces aux dérives observées et redoutées a été très tôtl’objet d’interminables discussions autour des conditions desa mise en œuvre. En effet, tout en étant reconnue par laplupart des acteurs politiques comme un instrument deprogrès et d’avancée notable, la LEPI est restée objet decontroverses et de discussions interminables sans qu’unconsensus n’en soit dégagé. Au demeurant, la CommissionElectorale Nationale Autonome (CENA) chargée de sonutilisation lors des élections présidentielle puis législative aconnu de nombreuses difficultés qui ont conduit à desélections suivies de fortes réclamations et contestations.Certains acteurs politiques n’ont pas hésité à mettre en doutel’impartialité de la Commission Electorale qu’ils ont jugédominée des forces politiques acquises à l’un des candidats.

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Pourtant dans son montage, la CENA est un organeindépendant chargé de la gestion transparente et efficacedes processus électoraux. Mais au fil des années, les différentesCENA ont posé des problèmes récurrents notamment liés auxtractations politiques interminables pour la désignation deleurs membres, les délais quasi-insuffisants pour une mise enœuvre correcte de leur chronogramme, leur caractèrebudgétivore et surtout les accusations de partialité de la partde certains acteurs politiques.

Une autre source d’insatisfaction et d’inquiétude est révéléepar une lecture sereine de la campagne électorale et mêmedes résultats des élections. On constate en effet une certainefracture entretenue par les acteurs politiques entre le nord etle sud du pays. Ainsi, au lieu de se préoccuper de lagouvernance politique, économique et sociale, la campagneélectorale, surtout celle de la présidentielle, s’estfondamentalement focalisée sur l’appartenance ethnique etle régionalisme, qui ont constitué des arguments forts pour lamobilisation des électeurs.

A la sortie d’une élection caractérisée par ces insatisfactionset inquiétudes, la Friedrich-Ebert-Stiftung a jugé utile de revisitersereinement le processus électoral, d’en déceler les failleséventuelles et de dégager des pistes de corrections pour unemeilleure organisation des futures consultations électorales.Les échanges entre participants sélectionnés parmi les acteurspolitiques, membres de la société civile, membresd’organisations syndicales, politologues, médias, experts engouvernance, institutions internationales et corpsdiplomatique au Bénin- s’articuleront autour des thèmessuivants :

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• l’exacerbation de la crise de confiance au sein de la classepolitique ;

• l’effritement de la confiance vis-à-vis de plusieurs institutionscardinales de la République ;

• la résurgence de la méfiance entre les communautés du nordet celles du sud sur fond de considérations régionalistes ;

Cérémonie d’ouverture

L’atelier d’échanges sur le thème central ‘’Analyse des élections(présidentielle et législative) de 2011 au Bénin’’ qui s’estdéroulé le 16 juin 2011 dans la salle de Conférence de laFriedrich-Ebert-Stiftung à Cotonou a débuté avec le mot debienvenue de M. Orden ALLADATIN, membre actif de laSociété Civile au Bénin et Modérateur de l’Atelier, qui a trèsbrièvement présenté le contenu et les articulations duprogramme de la journée. Le modérateur n’a pas manquéd’attirer l’attention des participants sur l’impérieuse nécessitéde se départir des considérations partisanes, des récriminationset frustrations contenues pour se concentrer sur le rôle quiest attendu d’eux ; celui de véritables experts et analystes desquestions électorales.

A la suite de l’introduction de M. GODJO, Mme Uta DIRKSEN,Représentante Résidente de la Friedrich-Ebert-Stiftung àCotonou a prononcé son allocution d’ouverture. Après avoirdécrit les principales caractéristiques des dernières élections,Mme DIRKSEN a ressorti la persistance de défis structurelsintrinsèques au système électoral béninois et soulignél’urgence et l’importance que les institutions et - instrumentsde gestion des élections subissent des reformes profondes et

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surtout honnêtes. Pour Mme DIRKSEN, le souci de la FES enorganisant cet atelier n’est pas de créer un tribunal desélections écoulées qui ont bien été validées par la plus hautejuridiction qu’est la Cour Constitutionnelle mais plutôtd’amener les acteurs à se départir des considérationspartisanes et politiciennes pour scruter la réalité actuelle etréfléchir sur les solutions qui améliorent significativement lesystème électoral. Pour pouvoir exploiter judicieusement letemps imparti, les échanges, tourneront autour de trois thèmesque sont ; la Commission Electorale Nationale Autonome(CENA), la Liste Electorale Permanente Informatisée (LEPI) etla question du régionalisme même s’ils ne sont pas révélateursde la quintessence des réalités liées au processus électoralbéninois. Pour finir, Mme DIRKSEN a précisé qu’en seconcentrant effectivement sur ces trois axes de réflexion, lesparticipants feraient déjà œuvre utile pour l’améliorationqualitative des élections et surtout le renforcement de ladémocratie béninoise. C’est en exhortant l’assistance à unecontribution de qualité que Mme DIRKSEN a lancé ledémarrage de l’atelier.

Trois communications ont meublé la rencontre et ont étésuivies de riches débats modérés par M. Orden ALLADATIN.

COMMUNICATIONS

Communication 1 : ‘’Le montage institutionnel de la CENAet l’exigence de transparence dans la gestion desprocessus électoraux’’

Par Mathias HOUNKPE, Politologue et auteur de plusieursétudes sur les systèmes électoraux en Afrique de l’Ouest.

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Après une brève présentation du plan de sa communication,M. HOUNKPE a tenu à souligner que tout processusd’apprentissage exige des mécanismes d’évaluationpériodique et que la gestion du processus électoral, épinedorsale de toute démocratie (surtout si elle est jeune), le méritedavantage. Partant de cette considération, M. HOUNKPE aapprécié la gestion des élections par rapport aux critères dela décision DCC 34-94 du 23/12/94 fixés par la CourConstitutionnelle au Bénin et qui sous-tendent la création dela CENA. Pour le communicateur, l’analyse de l’évolution de lasituation montre que ces critères au nombre de trois, ne sontnullement satisfaits. En effet, éléments de preuve à l’appui, lecommunicateur a montré que :

• La qualité des élections baisse depuis une dizaine années ;

• Les acteurs politiques n’ont plus confiance en la CENA ;

• Les électeurs aussi n’ont plus confiance en la CENA.

Quant à la gestion des élections par la CENA de 2011, au-delà des insuffisances qui caractérisent les autres CENA et quin’ont pas été corrigées, elle a souffert :

• Des conséquences des disputes autour de la LEPI

• Des tentatives d’instrumentalisation du processus électoralpar les acteurs politiques (plus que par le passé)

• De délais encore plus courts d’installation de la CENA et/oude ses démembrements

Mais elle a par contre montré des points positifs notamment :

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• La compétence de ses membres: pour la plupart d’anciensmembres de CENA

• La réduction des disputes pour le contrôle de la CENA(organisation et fonctionnement de la Commission)

• La quasi-inexistence de cas de tentatives d’influence de lagestion du processus électoral par un camp politique de laCENA

• Etc.

Pour le communicateur, les sources majeures de contreperformance de la CENA sont à rechercher aux différentsniveaux suivants :

• Le caractère ad hoc de la CENA

• La politisation (extrême) de la CENA

• La mauvaise articulation des rapports entre la CENA et sesdémembrements

• La variabilité permanente (et parfois au dernier moment)du cadre légal des élections

• La difficulté qu’ont les acteurs politiques à se mettre audessus de calculs immédiats

• L’inexistence de mécanismes crédibles de contrôle de lagestion du processus électoral par la CENA

• L’incapacité à contrôler la violation de la législation électorale

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Pour réduire les contre performances et améliorer lefonctionnement de la CENA, il importe de :

• Rendre la CENA pérenne:

l’institution les membres (dont certains peuvent être intermittents)

• Dépolitiser la CENA : la professionnaliser

• Regagner la confiance des acteurs politiques

Inclure tous les camps politiques dans la sélection desmembres

Prévoir des mécanismes de maintien de la confiance desacteurs politiques

• Regagner la confiance des citoyens

Conditions et critères de recrutement non clientélistes

Mécanismes de garantie de l’indépendance de la CENA

• Améliorer le cadre légal des élections:

Réduire sa variabilité et

La conditionner (autant que possible) par l’amélioration dela gestion du processus électoral

• Renforcer les capacités de la CENA à faire respecter lalégislation électorale

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• Amener la CENA à rendre compte de sa gestion desressources publiques

Contrôle a priori: publication du (projet de) budget etobligation de justification des écarts « exagérés »

Contrôle a posteriori obligatoire et systématique

Communication 2 : Liste Electorale PermanenteInformatisée : contenu, objectifs, forces et faiblesses.

Par Rufin D. DOMINGO. Informaticien, Intégrateur de solutionsde Gestion, Membre du Bureau de la Mission Indépendantede Recensement Electoral National Approfondi (MIRENA)

M. DOMINGO après avoir annoncé le plan de sa présentation,a tenu à rappeler les diverses tentatives pour mettre en placela Liste Electorale permanente Informatisée (LEPI) depuis 1998ainsi que les conditions dans lesquelles elle a finalement vu lejour avec le soutien des Partenaires Techniques et Financiers(PTF), de la Société Civile et des forces politiques même si c’estsur fond de tergiversations et divergences dans l’orientation.Ainsi, le projet d’Appui à la réalisation de la LEPI (PAREL) a étéconduit par la Commission Politique de Supervision (CPS) etla Mission Indépendante pour le Recensement ElectoralNational Approfondi (MIRENA).

Après une brève présentation de la LEPI, le communicateur aressorti les objectifs visés, notamment :

•La modernisation du système électoral ;

•L’amélioration de la qualité des consultations électorales ;

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•La réduction des contestations post électorales ;

•La réduction des coûts d’organisation des élections ;

•La fiabilisation du fichier électoral ;

•L’amélioration de l’état civil ;

Au-delà de ces objectifs de base, les données collectées lorsde la réalisation de la LEPI pourront servir à :

• Actualiser, au moyen d’une loi, la liste des villages et quartiersde villes avec leurs coordonnées géographiques pour uneutilisation optimale dans l’administration territoriale ;

• Améliorer l’aménagement du territoire par la réalisationdes cartes des infrastructures sectorielles géo référencées,notamment sanitaires, scolaires, culturelles, touristiques,énergétiques et routières, etc. ;

• Améliorer l’organisation des recensements et enquêtes depopulations ;

• Préciser les projections démographiques sur la based’hypothèses tangibles ;

• Faciliter le calcul des indicateurs sociodémographiques ;

• Faciliter la construction des pyramides des âges ;

• Améliorer la planification socio-économique jusqu’au niveaulocal.

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• Elucider scientifiquement des enquêtes judiciaires aux finsde contribuer à réduire les erreurs judiciaires et faire baisserle taux de criminalité au Bénin ;

• Procéder à une meilleure comparaison des relevésd’empreintes digitales avec celles de la base nationale dedonnées biométriques ;

• Aider efficacement la justice dans le règlement des conflitsdomaniaux par l’authentification des empreintes digitalesapposées sur les conventions de vente de terrain, lorsquecelles-là sont exploitables ;

• Rendre disponible à la justice l’identité judiciaire complètedes citoyens connus d’elle, qu’ils soient condamnés ou non ;

• Aider à la production de documents administratifssécurisés (carte d’identité, passeport, titres de transports,assurance, banque, etc.).

Pour le Communicateur, tout en étant une force au regard deson contenu et de ses objectifs, la LEPI en son état actuelprésente les difficultés suivantes :

• La non exhaustivité du Recensement Porte à Porte, ainsique de l’enregistrement biométrique des citoyens de 12ans et plus ;

• La non prise en compte à temps des réclamations faitespar les citoyens lors de l’affichage des listes provisoires ;

• La non effectivité du transfert de compétences entre lesopérateurs technologiques et la partie nationale.

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Tout ceci selon le Communicateur a amené certains acteurspolitiques et observateurs à formuler de griefs autour despoints suivants :

• La tutelle substitution de l’organe politique CPS sur l’organetechnique qu’est la MIRENA ;

• L’incapacité budgétaire de la MIRENA à communiquer surle processus ;

• L’interprétation non partagée de la démarche progressive(aire par aire) prescrite par la loi ;

• Les délais relativement courts concernant les opérations deterrain (cartographie, RPP et enregistrement biométrique)pour obtenir l’exhaustivité de la loi ;

• Les contestations relatives au nombre de villages recenséslors du processus, et par ricochet le nombre de centres devote, et de bureaux de vote ;

• La non observation de la pause tant souhaitée pour unemeilleure évaluation des premières étapes du processus ;

• La non application au RPP ne serait ce que partiellement,des méthodes du Recensement Général de la Populationet de l’Habitat (RGPH) ;

• Les mises à jour multiples du chronogramme et leur nonpublication ;

• La non application intégrale des recommandations dugroupe de Travail ;

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• L’absence de consensus de la classe politique autour de laréalisation de la LEPI.

Pour le Communicateur, il importe que des dispositionspratiques soient prises afin de crédibiliser la LEPI et améliorerses performances lors des prochaines élections. Il s’agitnotamment de :

La désignation de la structure de gestion des acquis du projetLEPI. En effet, cette structure n’étant pas clairement désignéepar la Loi, il importe que des dispositions soient prises pourqu’une structure crédible soit responsabilisée pour assurer cettemission. Il est évident que cette structure doit disposer del’indépendance nécessaire pour sa crédibilité et descompétences et moyens spécifiques. Ceci est d’autant plusimportant qu’il s’agit non seulement de données électoralesmais aussi personnelles, nominatives et biométriques quinécessitent la protection des citoyens.

La périodicité de mise à jour de la LEPI. Pour le Communicateuril se dégage une impérieuse nécessité de professionnalisationdu système électoral par une Administration électoralepermanente dotée de techniciens avérés recrutés sur la based’un appel à candidature en s’inspirant de modèles existantailleurs. La LEPI doit faire l’objet d’un apurement, d’une miseà jour régulière de ses données constitutives et d’une révisionglobale à périodes régulières. Ceci suppose dans l’immédiat,une correction de la base de données pour une plus grandeexhaustivité, à l’approche de chaque scrutin, et pour finir, unerévision globale tous les dix ans.

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Communication 3 : Le régionalisme et l'urgence de lacohésion sociale au Bénin.

Par le Professeur Albert TINGBE-AZALOU, Socioanthropologue, UAC. Enseignant chercheur, DSA/FLASH/UAC,Consultant en prospective stratégique.

M. TINGBE-AZALOU a d'entrée de jeu souligné l'importanceet la délicatesse de la thématique au regard de son lien avecla cohésion et l'unité nationale. Après avoir annoncél'articulation de sa présentation, M. TINGBE-AZALOU a rappeléaux participants l'existence depuis les temps coloniaux dediscriminations au niveau des citoyens de la même airesocioculturelle vis-à-vis des autres ou plus simplement entreeux-mêmes. Ces formes de discriminations vont de lavalorisation de soi et donc la dépréciation voire la crainte del'autre. A ces images de base se sont surimposées d'autrespar la suite dans le sens d'une simplification régionaliste Nord-Sud. Dans ce cadre, l'homme du Nord dénonce la démarcheprétentieuse et dominatrice de l'homme du Sud. Quant à cedernier, il affiche le mépris de l'homme " policé " face à l'homme" fruste ". L'image de l'homme du Sud qui est " faux " paressence et celle de l'homme du Nord qui est " honnête " paressence a renforcé si besoin était la vision manichéenne dupays. Un ensemble de jugements de valeurs réciproques etsouvent antagonistes s'est donc progressivement développéà travers les âges et les générations, débouchant souvent surdes attitudes de méfiance, de rejet voire de xénophobie.

Pour le Communicateur, les causes profondes sont diverses.En effet, le Bénin n'étant pas encore un Etat-Nation, l'ethnorégionalisme est plus forte que la citoyenneté nationale etrend difficile les actions communes pour un mieux être collectif.

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Les liens socioculturels ont alors été instrumentalisés par lesacteurs politiques dans leurs efforts de mobilisation desélecteurs. Dans le même ordre d'idée, la capitalisation desacquis socioéconomiques lors des campagnes électoralesproduit des effets remarquables. Il n'est effectivement pas rarede voire faire le lien entre l'état des investissements dans uneCommune ou le positionnement des cadres qui en sont issuscomme le résultat de ses relations avec le pouvoir en place.L'inégalité dans la répartition des richesses nationales et dansle positionnement des cadres est donc difficilementassimilable à un hasard ou une simple politique défectueusede développement national.

Les manifestations du régionalisme au Bénin sont multipleset variées mais pour le communicateur, le jeu des alliances aucours des élections présidentielles de mars 2011 et les résultatsqui ont suivi, permettent d'en avoir une idée précise. Pour leCommunicateur comme pour de nombreux analystes, lacréation d'un grand regroupement de partis politiques dontles leaders sont du Sud a été perçue comme une menacerégionaliste et les résultats des élections ont montré unecoloration ethnique et régionale tant pour la mouvanceprésidentielle que pour l'opposition même si certains résultatssont à lier à la présence de fortes personnalités qui ont sumobiliser leur électorat local au profit d'un candidat issu d'uneautre région : même dans ce cas, les électeurs ont plus votépour leur frère ou parent que pour le candidat à la présidence.Pour M. TINGBE-AZALOU, le régionalisme revient, sous unenouvelle forme : l'ethnocentrisme, une attaque d'un typenouveau contre la démocratie et les bases fragiles de la nation.Le régionalisme progresse, nettement ces dernières annéeset menace de se banaliser dans les centres de décision, voiredans l'appareil étatique. Cette menace se concrétise

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davantage en termes de résurgence épisodique au cours desélections au Bénin. De ce fait, elle constitue une entrave à ladémocratie, la bonne gouvernance et la cohésion nationale.

Agir contre le régionalisme devient ainsi une extrême urgence,du moins pour le peuple tout entier. Lutter contre lerégionalisme passe par la lutte contre le chômage et toutesles formes d'exclusion. Lutter contre le régionalisme relève del'ordre de l'exigence comme condition indispensable auchangement social et au développement national. Celaimpose aux composantes sociales et particulièrement auxresponsables politico-administratifs de toutes catégories,d'avoir et de respecter une morale personnelle et une éthiquecollective. Lutter contre le régionalisme oblige les politiques àproposer une société où chacun trouve sa place, où chacunvit mieux, où chacun reprend espoir. Beaucoup d'hommes etde femmes, aujourd'hui exclus ou craignant de l'être ouécœurés par notre fonctionnement collectif, se réfugient dansl'extrémisme, le rejet de l'autre et l'individualisme exacerbé.

Les actions relatives à l'inversion de la tendance lourde queconstitue le régionalisme sont multiples et multiformes parceque liées à tous les paliers de la vie individuelle et sociale.Pour ce faire des actions suivantes doivent être menées. Ils'agit de :

• Développer le sentiment patriotique dans le systèmeéducatif à partir de l'utilisation

• Promouvoir les vestiges culturels tels que les langues nationales ;

• Promouvoir les cultures nationales comme vecteur de savoiret de cohésion sociale ;

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• Développer le sentiment de la solidarité nationale ;

• Amener les acteurs de la vie politique à prendre toutesinitiatives concrètes afin de démontrer leur déterminationà lutter contre le régionalisme sous toutes ses formes ;

• Convaincre toutes les autorités politiques et traditionnelles,toutes les personnalités scientifiques, morales, de la sociétécivile et religieuses, ainsi que tous les organes de presse,notamment, à travailler concrètement à la formation d'uneconscience nationale en posant des actes tout aussi concretssusceptibles de concourir à la construction d'une véritablenation béninoise ;

• Sensibiliser les forces sociales et politiques à œuvrer pour lacriminalisation effective du régionalisme et del'ethnocentrisme conformément à l'esprit de la constitution ;

• Montrer à tous les démocrates de notre pays la nécessité às'engager pendant les périodes électorales à signer un codede bonnes conduites qui exclut de leurs propos et actestoute velléité au régionalisme et à l'ethnocentrisme ;

• Insérer dans les curricula de formation des notions sur l'uniténationale, la cohésion et la paix dans les programmes destrois ordres d'enseignement ;

• Assurer une meilleure répartition de la richesse nationaleafin de favoriser le développement harmonieux et équilibrédes régions du pays ;

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•Prendre ensemble l'élan décisif pour consolider ladémocratie, afin de sauvegarder l'unité nationale et la paix,devient une urgence dans une analyse objective.

SYNTHÈSE DES DISCUSSIONS

Après la présentation des communications, plusieurs centresd'intérêts ont mobilisé l'attention des participants et meubléleurs questions, contributions et préoccupations. Lesdiscussions et les éclairages apportés par les présentateursont permis de dégager un certain nombre de points autourdesquels on observe un minimum de convergence même siils sont assortis de précautions à prendre.

Communication 1.

• Pérenniser la CENA. Les insuffisances et dérapes observésne doivent nullement remettre en cause l'option d'unecommission électorale et le non retour à l'organisation desélections par le Ministère de l'Intérieur. Il s'agit plutôt des'inspirer des expériences réussies dans la sous région pouraméliorer le système béninois. Dans ce sens, il est impérieuxde sortir de la logique d'une commission ad hoc qui estsource de précipitation et d'inexpérience dans la conduitedes activités électorales. La Commission pourra être miseen place à travers un cadre institutionnel cohérent et ce,loin des joutes électorales. Les membres de cette commissionpourront avoir un mandat d'une durée supérieure aumandat présidentiel qui sera renouvelable au plus une fois.

• Dépolitiser la CENA. Le principe de contrôle de la CENA parles forces politiques pour obtenir leur confiance est bien ensoi, toutefois, le contrôle ne signifie pas que lesdites forces

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soient chargées de la gestion effective des élections. Eneffet, les forces politiques peuvent se retrouver en positionde contrôle des acteurs chargés des différentes opérationsélectorales et ce, avec des revues de conformité étape parétape pour recueillir le consensus. Cette dispositionpermettra de réduire de façon significative les tentativesde prise de contrôle de la Commission qu'on observe àchaque élection. Il est évident que la dépolitisation effectivede la Commission suppose le recrutement sanscomplaisance des agents de la Commission. Ce recrutementpourra être fait sur appel à candidature publique par unestructure indépendante sous le contrôle des partis politiqueset sur la base de critères de compétences clairementidentifiés et rendus publiques.

• Professionnaliser la CENA. Il s'agit d'une conséquence desdeux premiers points. Une fois le personnel électoral recruté,il importe de le former pour réduire voire éviter l'amateurismeet les cafouillages observés dans la conduite des opérationsélectorales. Il est en effet apparu que du fait d'uneinstallation tardive des CENA sur fond de tergiversationspolitiques en vue d'un contrôle de la Commission et detentatives de manipulation des résultats, les membres de laCENA et de ses démembrements sont formés à la hâte cequi influe négativement sur la qualité de leurs prestations.

•Renforcer l' indépendance de la CENA. Au-delà del'autonomie de la Commission, son indépendance vis-à-visdes gouvernants et des autres forces politiques est ressortiecomme une impérieuse nécessité. Dans ce sens, l'érectionde la CENA comme organe constitutionnel doté de missionspécifique, pouvoirs clairs et de moyens adéquats peut êtreune solution. Cette disposition devra régler la question du

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vote du budget de la Commission par le Parlement et samise à disposition au même titre que toutes les autresinstitutions de la République. Il faut préciser quel'indépendance de la CENA ne signifie aucunement dispensede compte rendu et de contrôle de sa gestion par leGouvernement et tous les acteurs politiques.

• Disposer d'un code électoral. Le constat navrant est qu'àchaque consultation électorale, les manœuvres politiquesont lieu au Parlement pour le vote de nouvelles lois pourl'élection à venir. Ces manœuvres sont à n'en point douterdes manifestations de la volonté de chaque camp politiqueà influer d'avance sur le processus électoral en sa faveur.Au-delà de la perte de temps et d'énergie entraînant desretards dans l'installation des structures chargées de lagestion des élections, ces modifications trop régulières fontque les agents électoraux sont très mal formés et nemaîtrisent pas les textes. Au demeurant, ceux qui ontl'habitude d'être sollicités pour les élections, se perdent dansdes confusions au lieu de permettre de capitaliser l'expertiseacquise au fil des années. Il est donc apparu opportun dedoter le Bénin d'un code électoral clair et précis pour éviterla dispersion des textes et surtout leur refonte à chaqueélection.

• Décentraliser la publication des résultats des élections. Laquestion de la centralisation des résultats des élections, leurtraitement et leur proclamation provisoire à partir d'uncentre unique (le siège de la CENA) a préoccupé lesparticipants. En effet, les effets pervers de cettecentralisation ont été ressortis notamment : les retardschroniques dans la proclamation des résultats, la facilitationde manipulations des chiffres et des procès verbaux sur le

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parcours de leur transport, etc. Pour réduire cesdysfonctionnements, il est apparu opportun d'instituer laproclamation des résultats provisoires tout au moins dès leniveau circonscription électorale.

• Evaluer systématiquement l'expérience de gestion desélections par chaque CENA. Après plusieurs expériences degestion des élections au Bénin par diverses CENA, il estapparu qu'aucune évaluation véritable desdites gestions n'aété réalisée. Dans les quelques rares cas où un audit de lagestion financières de la Commission a été fait, les résultatsn'ont jamais été publiés. Au-delà du fait que l'habitude denon évaluation publique encourage le développement etla perpétuation de mauvaises pratiques, elle ne permet pasune capitalisation des expériences et une amélioration dela gestion des élections au Bénin. Il est donc importantd'instituer systématiquement à la fin de chaque processusélectoral, une évaluation qui permettra à tous les acteurspolitiques, la société civile, les chercheurs, les observateurs,les institutions de la République, les partenaires techniqueset financiers, tout citoyen. d'analyser la gestion des électionset d'identifier les axes d'amélioration.

• Redéfinir le rôle de la société civile. En vue de crédibiliser lesrésultats des élections et de servir d'interface entre les forcespolitiques, la Société Civile a été intégrée par le législateuraux organes de gestion des élections. Malheureusementles tentatives d'instrumentalisation de la Société Civile et lesquerelles fratricides qui en ont découlé ont non seulementdécrédibilisé la Société Civile mais également ressorti lesdifficultés techniques et pratiques à son intégration. Ilapparaît donc nécessaire que ses membres jouent toutcomme ceux des partis politiques, le rôle d'observateurs des

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techniciens chargés de la conduite des opérationsélectorales.

• Renforcer les ressources de gestion électorale contrôléespar la CENA. Dans la gestion des opérations électorales,plusieurs domaines stratégiques ne sont pas sous le contrôlede la CENA malgré qu'elle soit censée être autonome etresponsabilisée. Il s'agit entre autres de l'organisation de lasécurité au cours des élections. Cette importante activitéreste sous le contrôle des ministères en charge de l'intérieuret de la défense. Or, il n'est un secret pour personne queles hommes en arme peuvent influencer le processus. Il enest de même pour le transport du matériel sensible et desrésultats par les militaires ainsi que le paiement des agentsélectoraux par des agents du ministère des finances quiobéissent plus à leur Ministre qu'au Président de la CENA.Pour une meilleure coordination et synergie des actions, ilest important que l'ensemble de ces domaines relève d'uneseule autorité qui est entièrement responsabilisée et qui aun devoir de compte rendu. Au titre de la sécurité,l'organisation d'une force spéciale pour les élections sousle commandement du Président de la CENA et qui a donnéd'excellents résultats dans la sous-région peut êtreenvisagée avec sérénité.

• Appliquer effectivement les sanctions prévues par la loi enmatière de gestion des élections. Un constat majeur etnavrant est l'absence totale de sanctions en cas de viol desdispositions législatives et réglementaires en matièred'élection au Bénin. Malgré l'existence de lois qui sont trèsclaires, tous les cas de fraudes constatés sont traités aumeilleur des cas par la Cour Constitutionnelle et la CourSuprême (selon les cas), au niveau règlement du

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Communication 2.

• Faire une évaluation claire, participative et inclusive de laLEPI. Le processus de mise en place de la LEPI à traversl’existence de tentatives avortées depuis 1998, destergiversations, des méfiances soulevées, des frustrationsengendrées, etc. mérite d’être évalué. En effet après safinalisation et son utilisation lors des dernières électionsprésidentielle et législative, la LEPI n’a pas fini de faire coulerencre et salive. Une fois la passion des élections retombées,il importe de faire une évaluation participative et inclusivepour ressortir, les forces et faiblesses, identifier les axes decorrection et d’amélioration et les mettre en œuvre afin dedonner à la LEPI la plénitude de sa dimension dedéveloppement et d’outil d’élections libres, transparenteset incontestées. Pour être efficace, cette évaluation doit êtreimpartiale et les discussions doivent être organisées sur unedurée suffisante, sur toute l’étendue du territoire et associerautant d’acteurs de différentes catégories que nécessaire ;la cautérisation des plaies issues des dernières élections peutêtre à ce prix.

contentieux politique et rétablissement des candidats lésésdans leurs droits. Aucune disposition pénale n'est mise enapplication à l'encontre des contrevenants. Il faut préciserque la désignation des membres de la CENA et de sesdémembrements par les partis politiques leur donne du coupune immunité tacite (ils agissent en effet au profit de leursparrains politiques qui ne peuvent se permettre de les lâcherau cas où ils sont pris en flagrant délit de fraude). Dans cesconditions, la dépolitisation de la CENA soutenue par unevolonté politique partagée de sanction, peut permettre deréduire le phénomène de l'impunité en matière de fraudesélectorales.

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• Reconnaître les insuffisances de la LEPI et entreprendre lesmesures correctives. La réalisation de la LEPI a soulevébeaucoup de passion et pendant que certains demandaient(voire exigeaient) son arrêt pour évaluation partielle, d’autressouhaitaient la poursuite contre vents et marées afin quel’outil soit disponible à temps pour les élections de 2011.Cette double perception ayant faussé les raisonnementsdes uns et des autres préoccupés par des conflits d’intérêts,il est important pour tous de se départir des considérationspartisanes ou institutionnelles pour examiner froidementl’outil, en ressortir les insuffisances et les corriger avant lesélections locales. En effet, il est évident que certaines erreursou insuffisances qui n’ont pas donné lieu à des dérapagestrop graves, peuvent devenir carrément explosifs lors desconsultations locales. A titre d’exemple, les électeurs quidevront changer de village administratif pour voter commelors des présidentielle et législative parce que leur nom setrouve sur le listing d’un autre village. Au-delà de la questionde la distance à parcourir qui demeure déjà anormal, il fautajouter les frustrations liées à l’incapacité d’exprimer sonsuffrage pour son candidat.

• Réduire la trop grande immixtion du politique dans uneopération technique. De l’avis de nombreux observateurs,analystes et de celui de certains membres de la MIRENA, latutelle de l’organe politique qu’est la CPS/LEPI a été tropforte sur l’organe technique qu’est la MIRENA qui a à lalimite brillé par son absence et sa démission vis-à-vis del’organe de supervision. La tutelle était donc devenuesubstitution dans de nombreux cas ce qui a renforcé lesclivages, méfiances, appréhensions et frustrations. Lapoursuite de l’exploitation des données de la LEPI(apurement, mise à jour, révision ou conservation) doit donc

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se faire sur des bases purement technique, avec uneobservation des politiques et de la Société Civile qui nedevront en aucun cas se substituer aux techniciens qu’ilssont censés contrôler.

• Prendre les dispositions pour la sécurisation effective desdonnées collectées. Il est évident pour tous que les donnéesrelevées lors de la réalisation de la LEPI, tout en constituantune première au Bénin, posent un problème. En effet, enplus d’être des données électorales, donc sensibles, cesdonnées sont personnelles et biométriques. Le législateurne s’y est pas trompé en votant en même temps que la loisur la LEPI, celle sur la protection des données personnelleset biométriques au Bénin. Toutefois, au plan pratique etopérationnel, la question de la structure qui devra assurerla conservation et la sécurisation des données de la LEPI etsa mise à disposition pour apurement, mise à jour, révisionou exploitation future pose problème.

• Assurer l’interconnexion entre la RENA et l’INSAE. Un deséléments du dispositif envisagé pour préciser et mettre àjour la LEPI se trouve être le Quatrième RecensementGénéral de la Population et de l’Habitat (RGPH 4) réalisépar l’Institut National de Statistiques et d’Analyseséconomiques (INSAE). Si cette disposition parait normale,elle pose toutefois le problème de faible voire inexistencede collaboration entre l’INSAE et la MIRENA lors de laréalisation de la LEPI. En effet, les raisons officielles évoquéessont la non-conformité/similitude des approches decollectes utilisées par les deux structures. La question àrésoudre reste donc comment utiliser les méthodes decollecte de l’INSAE au cours du RGPH 4 tout en étant colléaux procédures de la LEPI ? Dans cette optique, l’intégration

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de points complémentaires dans le questionnaire habituelde l’INSAE permettra d’identifier les points à compléter,corriger ou mettre à jour à travers une campagneextraordinaire de mise à jour de la LEPI.

Communication 3.

• Reconnaître les effets pervers du régionalisme et sondéveloppement alarmant. Tous les participants ont étéunanimes à reconnaître avec le Communicateur que lesdernières campagnes électorales ont fait encourir un granddanger à la Nation béninoise en formation. En effet, lespoliticiens de tous bords n’ont eu aucun scrupule àinstrumentaliser la frustration des populations desdifférentes régions pour les dresser les unes contre les autres.L’étonnante facilité avec laquelle cela s’est produit estsuffisamment inquiétante pour interpeller tous les acteurspolitiques et de la Société Civile. Les frustrations existent (etont toujours existé) partout et ne sauraient être perçuescomme l’apanage d’une région. Dans ce contexte, touteaction appelle une réaction et le développement desressentiments n’en est que plus fulgurant. Il importe quetous les acteurs de la vie publique en prennent conscienceet que leurs actes en tiennent compte.

• Eviter de confondre les efforts légitimes de développementd’une région au régionalisme. L’attachement à sa famille,son ethnie et région est à ne pas s’en douter unecaractéristique du Béninois. Au-delà de tout effort dedéveloppement de l’esprit national, il importe d’en tenircompte. Cet état d’esprit ne présente pas d’inconvénientsmajeurs et est même source de progrès pour peu qu’il nese développe pas au détriment des autres régions, en

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posant des actes d’exclusion pour défavoriser les autres. Lacompétition positive entre le développement des régionsdans un esprit de progrès doit être encouragé et ne pasêtre confondu au régionalisme. Le professeur TINGBE-AZALOU n’a pas hésité à caractériser cet esprit derégionisme par opposition au régionalisme qui supposel’existence d’acteurs organisés pour assurer la défense desintérêts exclusifs d’une région au détriment des autres qu’ilsdévalorisent voire réduisent à néant.

• Eviter de confondre l’exclusion par un système avec lerégionalisme. Un autre point saillant est celui desmanifestations d’exclusion d’une partie de la populationqui ne profite pas suffisamment des richesses créées, del’accès à l’éducation, aux postes de direction et de décision,etc. Ce phénomène est très tôt assimilé au régionalisme carles victimes semblent se retrouver dans une région mêmesi une analyse froide de la situation révèle que les victimes àun moment donné peuvent être sur tout le territoire etqu’on se retrouve plutôt face à un système qui exclut etdéfavorise tous ceux qui ne lui sont pas acquis ; qu’ils soientd’une région ou d’une autre Un système pareil qui doit êtrecombattu au regard des risques qu’il fait encourir à lacohésion nationale, doit être différencié du régionalismesous peine d’engendrer des frustrations encore plus fortesauprès de personnes doublement exclues car n’étant pasdu système tout en étant de la ‘’bonne région’’.

• Organiser un débat franc et fraternel sur le phénomène durégionalisme et ses effets. Il est apparu important au regarddes tentatives de manipulation et d’instrumentalisation desfrustrations ou des incompréhensions des uns et des autres,que des discussions dépassionnées soient organisées à

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travers le pays pour aborder une fois pour toute la questiondu régionalisme, pour se regarder tels que nous sommes etcomprendre les sentiments et motivations des uns et desautres afin de dégager les pistes d’actions palliatives,correctives et préventives. Le débat ne doit en aucun casêtre galvaudé ni source de nouveaux conflits résultant dediatribes incontrôlées. Il s’agit de débats responsables,fraternels en dehors des périodes électorales et quipermettront de mieux circonscrire un phénomène qui peutêtre très nuisible à la paix sociale et le développementnational.

• Renforcer les efforts pour lutter contre les stéréotypes etl’exclusion. Les relations entre les différentes communautésau Bénin sont caractérisées par de nombreux stéréotypeset par l’exclusion ou simplement la dévalorisation de l’autre.Ces mauvaises perceptions qui peuvent amener à desjugements hâtifs et dangereux, sont à décourager et tousles acteurs de la vie publique au Bénin doivent se donner lamain pour les combattre ou les réduire. Au demeurant, onobserve de plus en plus des manifestations qui peuvent êtremis en exergue et servir d’exemples positifs : les relationsamicales et quasi fraternelles entre des gens issus dedifférentes communautés ethniques ou régions, les mariagesinterethniques,les extraordinaires regroupements sansdistinction d’ethnie ou de religion lors des cérémoniesfunéraires, etc. bref tous ces éléments qui tendent à montrerque le régionalisme est plus une instrumentalisation desentiments des populations par des politiciens en perte devitesse, qu’une réaction normale et structurée visant àprivilégier systématiquement les populations d’une régionau détriment de celles d’une autre

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• Renforcer le développement d’un esprit républicain pour lapromotion et la mise en œuvre d’un développementéquilibré des régions. Cet élément est et demeure le plusimportant dans la lutte contre le développement durégionalisme. En effet, comment parler d’une Nation sil’accès à l’éducation, à l’eau, à la santé, à l’énergie, au travail,etc. est déséquilibré, si les admis à un test de recrutementsont essentiellement d’une région qui comme par hasarddispose de meilleurs infrastructures et enseignants (un desparticipants a d’ailleurs indiqué que de nombreux cadresaffectés dans certaines régions préféraient laisser leur familledans les grands centres pour permettre à leurs enfants decontinuer à bénéficier d’un enseignement de qualité pourêtre plus performants), si les responsables chargés de lagestion du patrimoine national n’ont pas l’esprit républicainnécessaire pour assurer de manière effective undéveloppement équilibré des régions, etc. Il est clair quetant que des déséquilibres criards demeureront ou qu’onassimilera l’accès à l’éducation ou à la santé à de simplesconstructions de classes ou de centres de santé sanspersonnel qualifié, on ne saurait s’étonner de la propositiondes montages les plus ahurissants tels que la politique ditedes ‘’quotas de recrutement dans la fonction publique’’ quine sont malheureusement que des pis aller. Lerenforcement de l’esprit républicain et d’un développementéquilibré doit être un combat sacré pour tous les Béninoiscar les bourreaux d’hier peuvent devenir des victimesd’aujourd’hui et redevenir des bourreaux de demain avecl’aide de ténébreux sauveurs selon l’implacable logique dutriangle infernal de KARTMANN.

• Renforcer le processus de décentralisation en cours. A lasuite de l’élément précédent, le renforcement du transfert

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des compétences et des ressources dans le processus dedécentralisation voire même du niveau de décentralisation,peut être une voie pour réduire les frustrations sources detous les problèmes. En effet, sous la réserve de la prise detoutes les garanties pour une utilisation rationnelle et auprofit de la grande majorité des populations et tout enassurant sa mission de développement au niveau macro,l’Etat gagnerait à mettre d’avantage de ressources à ladisposition des Mairies afin qu’elles puissent jouerpleinement leur rôles d’acteurs et de promoteurs dudéveloppement local. Dans cette approche dedéveloppement équilibré par la base, il importe qu’uncontrôle strict des ressources transférées par l’Etat soit réalisépar les Inspecteurs d’Etat.

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N° Nom et Prénoms Structure1.

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Jean-Claude DJANKAKI

Sahadou ZATO ALI

Jean-A ODJO

Denis AMOUSSOU YEYE

G. Jean-Marie BOTCHI

Léon B. BIO BIGOU

Abdon B. ZONON

KAKOU ASSOUKPE

Cyprien AWOLABI

Albert TINGBE-AZALOU

Mackenzie Rawe

Guy Constant EHOUMI

Rufin DOMINGO

Christine AKOHOUHOUEABALLO

Consultant

Rapporteur Atelier

Politologue

Universitaire / UAC

Sociologue/MIRENA

SG/UAC

COSI-BéninInspecteur Vérificateur

PAREL/PNUD

VHU/PNUD

UAC

Ambassade des Etats Unis

REJEB/SG

Informaticien/Communicateur

ABBAP

LISTE DES PARTICIPANTS

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28.

29.

Yves C. AGONDANOU

Fatoumatou B. ZOSSOU

Nathanaël AGBOSSOU

Lazare SEHOUETO

Paulin DJAKPO

François AWOUDO

Francis LALAYE

Jean-Claude DOSSA

Elise SOGLO

Gérard AGOGNON

J.B. Maxime HOUNKPE

Sylvie de CHACUS

Nadège S.ZINZINDOHOUE-BADET

Eric HOUNDETE

Urbain AMEGBEDJI

ARGA

WANEP-Bénin

Hunger Free World

Assemblée Nationale

Académie Alioune Blondinpour la Paix

ARAM/Consultant enMédia & Communication

Ambassade Pays BasExpert Gouvernance

Réseau WANJOP-Bénin

RIFONGA

CNPA-Bénin,Secrétaire Générale

BEN/CSA/Bénin

UAC/FLASH/DSPEEnseignante-Chercheuse

FORS-Elections

Assemblée Nationale

Centre Africa Obota

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42.

43.

44.

45.

Frederik LangkildeSØrensen

Zinsou Yves DAHLOKONON

Georges AMLON

Wilfried LéandreHOUNGBEDJI

Benjamin THULL

Maria ZANDJI

Enrico COLOMBO

Mathias GBETOHO

Joël ATAYI-GUEDEGBE

Albert TINGBE AZALOU

Mathias HOUNKPE

Orden ALLADATIN

Rufin B. GODJO

Nouratou ZATO-KOTOYERIMA

Gentil Pierre KADJA

Uta DIRKSEN

Ambassade du Danemark

ALCRER ONG/Socio-Anthropologue

ORTB-Radio/Journaliste

La Nation/Journaliste

Fondation KonradAdenauer/Stagiaire

FICA/ReprésentanteAdjointe

Délégué Union Européenne

KAS-Bénin

OSC Nouvelle Ethique

UAC

Consultant

Consultant

FES

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