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Les ghettos de gotha , Au cœur de la grande bourgeoisie, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Édition Seuil, coll. Points (Septembre 2007) Présentation Les deux sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, directeurs de recherche au CNRS ont fait de l'étude de la grande bourgeoisie un objet sociologue prépondérant dans leurs travaux car de nombreuses analyses sociologiques ont été faites sur les banlieues difficiles, sur les ouvriers, sur les chômeurs mais très peu sur la grande bourgeoisie. Les deux auteurs s'attachent pour leur dernier ouvrage à la présentation du monde de ces classes dites « supérieures », mais avant et surtout à la gestion de l'espace par la grande bourgeoisie, l'inscription spatiale de ces élites de la société française bien définie ; car si on reproche souvent aux immigrés de vivre dans des ghettos, que dire de cette classe dont l'étude du Bottin mondain montre que ses membres ne vivent que dans quatre arrondissements de Paris. D'autant que cette « classe sociale » est très sélective et peu en proie à la mixité sociale, elle vit dans un entre-soi clos et difficile à pénétrer pour ceux qui ne font pas partie de cette aristocratie. Dune part cosmopolites, les riches sont surtout très attachés à leurs territoires, les sujets de l'étude mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour rester entre eux et ne pas développer de mélanges avec d'autres classes sociales. Leur dévouement militant, lorsque ce territoire est menacé, n'a rien à envier à la rage du caïd de banlieue s'opposant au passage dans « sa » cité d'autres exclus venus d'une cité différente car il faut à tout prix préserver le patrimoine, patrimoine historique, culturel et familiale mais ainsi le patrimoine français. Les habitudes, normes et valeurs sociales y sont observés, le phénomène d'homogamie est manifeste. Introduction Par le terme de « Gotha » on définit la haute société et les familles de l'aristocratie et de la grande bourgeoisie française. Le couple de sociologues introduit son ouvrage sur cette part de la population qui constituent des « militants peu ordinaires ». Se pose ainsi en introduction l'étude sociologique la question du militantisme grand-bourgeois présent depuis le XIXe siècle. Pour autant, on associe généralement le terme de militantisme aux mouvements communistes ou syndicalistes. C'est pourquoi il semble paradoxal de l'étendre à la haute-société qui revendique la discrétion de ses membres constituant une des conditions de sa reproduction. Mais dès le début de cette introduction, les auteurs présentent des exemples précis illustrant le militantisme grand-bourgeois : la belle-mère de Valéry Giscard d'Estaing qui distribuait des tracts, pendant le mandat de son gendre dans les boites aux lettres voisines dans le 8e arrondissement de Paris, lieu de concentration de nombreux bourgeois dans le quartier de l'Élysée, contre la construction d'une galerie d'art financée principalement par la banque AXA. Il est ajouté que « la tranquillité des lieux, au cœur de Paris du luxe et du pouvoir, était remarquable et l'installation de cette galerie apparaissait comme une menace pour ce havre de paix. » Il s'agit là d'une exemple parmi d'autres tel à Neuilly-sur-Seine, sur les Champs-Élysées. Pour autant la discrétion demeurant un credo, la mobilisation des beaux quartiers n'est pas ostentatoire « peu de réunions publiques, pas d'occupation des mairies [...] » cela passe davantage par une sociabilité mondaine qui s'établit dans des lieux fermés qui généralement sont des places de concentration du pouvoir (cocktails, dîners, s). Les sociologues mettent notamment en exergue le fait que peu de « recherches en sciences sociales » ont été réalisées sur la mobilisation des beaux quartiers et dénoncent certains « passe-droits ou cadeaux des pouvoirs publics » en faveur de ceux qui sont déjà les plus favorisés et qui possèdent les moyens pour établir une « solidarité consubstantielle », inséparable à la grande bourgeoisie (cercles, clubs). I. Espaces du pouvoir et recherches de l'entre-soi Un espace à sa mesure. Le fait que la haute-bourgeoisie tente d'éviter « activement » les classes qui se trouvent en-dessous dans l'échelle sociale définit le phénomène « d'entre-soi » selon Eric Maurin. En effet M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot montre que la haute- société n'est pas répartie géographiquement de manière éparse bien au contraire, on observe une concentration massive de l'aristocratie française dans la Capitale et une sur-représentation de celle-ci dans certains quartiers et arrondissements à l'image de l'Ouest de Paris, du Faubourg Saint-Germain et Neuilly-sur-Seine considérée par certains comme un 21ème arrondissement. Ces espaces qui abritent de nombreux appartements et hôtels particuliers dont les vastes surfaces, habitables contribuent à faire grimper en flèche les prix au m² et se comptent parmi les plus chers de Paris et sa banlieue. Aussi, cette partie introduit le lien de la richesse de cette classe avec l'éducation différente des enfants bourgeois de ceux des classes plus populaires. On remarque en effet une socialisation distincte : « chacun a le droit dès son plus jeune âge à l'intimité dans sa chambre personnelle », les devoirs ne se font pas dans la salle à manger. Aussi, l'enfant de famille bourgeoise apprend et surtout intériorise le comportement et la tenue à maintenir sous le regard des autres, il contrôle bien son corps « dissimuler ses jambes sous la table ». Ces éléments qui pourraient paraitre insignifiants détermineront plus tard son aisance et son charisme en public. A cela s'ajoute l'espace de la maison aménagée pour les réceptions, place de « sociabilité grande-bourgeoise » où se rencontre « le » monde où seuls ceux de position sociale élevée comptent. Car la richesse économique nécessite avant tout le richesse sociale, un tissu de relations solidaire entre eux. Certains lieux pratiquent une forme de « ségrégation » dans l'espace où certains lieux sont très fermés (Jockey Club) cela relève du choix manifeste, une volonté de vivre ensemble et on retrouve ce phénomène jusque dans les lieux de vacances, l'été la bourgeoisie se rencontre à Marbella en Espagne, les sports d'hiver ont lieu en Suisse dans la station de Gstaad et l'accueil durant le séjour est personnalisé et conforte l'importance et la « singularité » des membres de la haute société et contribue à l'entre-soi. La compagnie des semblables permet

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Les ghettos de gotha, Au cœur de la grande bourgeoisie, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Édition Seuil, coll. Points (Septembre 2007)

Présentation

Les deux sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, directeurs de recherche au CNRS ont fait de l'étude de la grande bourgeoisie un objet sociologue prépondérant dans leurs travaux car de nombreuses analyses sociologiques ont été faites sur les banlieues difficiles, sur les ouvriers, sur les chômeurs mais très peu sur la grande bourgeoisie. Les deux auteurs s'attachent pour leur dernier ouvrage à la présentation du monde de ces classes dites « supérieures », mais avant et surtout à la gestion de l'espace par la grande bourgeoisie, l'inscription spatiale de ces élites de la société française bien définie ; car si on reproche souvent aux immigrés de vivre dans des ghettos, que dire de cette classe dont l'étude du Bottin mondain montre que ses membres ne vivent que dans quatre arrondissements de Paris. D'autant que cette « classe sociale » est très sélective et peu en proie à la mixité sociale, elle vit dans un entre-soi clos et difficile à pénétrer pour ceux qui ne font pas partie de cette aristocratie. Dune part cosmopolites, les riches sont surtout très attachés à leurs territoires, les sujets de l'étude mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour rester entre eux et ne pas développer de mélanges avec d'autres classes sociales. Leur dévouement militant, lorsque ce territoire est menacé, n'a rien à envier à la rage du caïd de banlieue s'opposant au passage dans « sa » cité d'autres exclus venus d'une cité différente car il faut à tout prix préserver le patrimoine, patrimoine historique, culturel et familiale mais ainsi le patrimoine français. Les habitudes, normes et valeurs sociales y sont observés, le phénomène d'homogamie est manifeste.

Introduction

Par le terme de « Gotha » on définit la haute société et les familles de l'aristocratie et de la grande bourgeoisie française. Le couple de sociologues introduit son ouvrage sur cette part de la population qui constituent des « militants peu ordinaires ». Se pose ainsi en introduction l'étude sociologique la question du militantisme grand-bourgeois présent depuis le XIXe siècle. Pour autant, on associe généralement le terme de militantisme aux mouvements communistes ou syndicalistes. C'est pourquoi il semble paradoxal de l'étendre à la haute-société qui revendique la discrétion de ses membres constituant une des conditions de sa reproduction. Mais dès le début de cette introduction, les auteurs présentent des exemples précis illustrant le militantisme grand-bourgeois : la belle-mère de Valéry Giscard d'Estaing qui distribuait des tracts, pendant le mandat de son gendre dans les boites aux lettres voisines dans le 8e arrondissement de Paris, lieu de concentration de nombreux bourgeois dans le quartier de l'Élysée, contre la construction d'une galerie d'art financée principalement par la banque AXA. Il est ajouté que « la tranquillité des lieux, au cœur de Paris du luxe et du pouvoir, était remarquable et l'installation de cette galerie apparaissait comme une menace pour ce havre de paix. » Il s'agit là d'une exemple parmi d'autres tel à Neuilly-sur-Seine, sur les Champs-Élysées. Pour autant la discrétion demeurant un credo, la mobilisation des beaux quartiers n'est pas ostentatoire « peu de réunions publiques, pas d'occupation des mairies [...] » cela passe davantage par une sociabilité mondaine qui s'établit dans des lieux fermés qui généralement sont des places de concentration du pouvoir (cocktails, dîners,

s). Les sociologues mettent notamment en exergue le fait que peu de « recherches en sciences sociales » ont été réalisées sur la mobilisation des beaux quartiers et dénoncent certains « passe-droits ou cadeaux des pouvoirs publics » en faveur de ceux qui sont déjà les plus favorisés et qui possèdent les moyens pour établir une « solidarité consubstantielle », inséparable à la grande bourgeoisie (cercles, clubs).

I. Espaces du pouvoir et recherches de l'entre-soi

Un espace à sa mesure. Le fait que la haute-bourgeoisie tente d'éviter « activement » les classes qui se trouvent en-dessous dans l'échelle sociale définit le phénomène « d'entre-soi » selon Eric Maurin. En effet M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot montre que la haute-société n'est pas répartie géographiquement de manière éparse bien au contraire, on observe une concentration massive de l'aristocratie française dans la Capitale et une sur-représentation de celle-ci dans certains quartiers et arrondissements à l'image de l'Ouest de Paris, du Faubourg Saint-Germain et Neuilly-sur-Seine considérée par certains comme un 21ème arrondissement. Ces espaces qui abritent de nombreux appartements et hôtels particuliers dont les vastes surfaces, habitables contribuent à faire grimper en flèche les prix au m² et se comptent parmi les plus chers de Paris et sa banlieue. Aussi, cette partie introduit le lien de la richesse de cette classe avec l'éducation différente des enfants bourgeois de ceux des classes plus populaires. On remarque en effet une socialisation distincte : « chacun a le droit dès son plus jeune âge à l'intimité dans sa chambre personnelle », les devoirs ne se font pas dans la salle à manger. Aussi, l'enfant de famille bourgeoise apprend et surtout intériorise le comportement et la tenue à maintenir sous le regard des autres, il contrôle bien son corps « dissimuler ses jambes sous la table ». Ces éléments qui pourraient paraitre insignifiants détermineront plus tard son aisance et son charisme en public. A cela s'ajoute l'espace de la maison aménagée pour les réceptions, place de « sociabilité grande-bourgeoise » où se rencontre « le » monde où seuls ceux de position sociale élevée comptent. Car la richesse économique nécessite avant tout le richesse sociale, un tissu de relations solidaire entre eux. Certains lieux pratiquent une forme de « ségrégation » dans l'espace où certains lieux sont très fermés (Jockey Club) cela relève du choix manifeste, une volonté de vivre ensemble et on retrouve ce phénomène jusque dans les lieux de vacances, l'été la bourgeoisie se rencontre à Marbella en Espagne, les sports d'hiver ont lieu en Suisse dans la station de Gstaad et l'accueil durant le séjour est personnalisé et conforte l'importance et la « singularité » des membres de la haute société et contribue à l'entre-soi. La compagnie des semblables permet

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avant tout un cumul des richesse par une mise en commun des biens qu'il faut à tout pris conserver. L'exemple probant est illustré par la loi du 13 décembre 2000 dite SRU (solidarité et renouvellement urbain) qui impose aux communes d'une certaine taille au moins 20% de logements sociaux sous peine d'amende. Saint-Maur (94) et Neuilly-sur-Seine ont du acquitter respectivement un million et demi d'euros et 800000 euros de pénalités. Neuilly-sur-Seine fait figure de ville résistante à la mixité sociale car elle ne compte que 2,6% de logements HLM. Et paradoxalement, on observe que ce sont les communes dont les habitants ont les revenus les plus faibles à l'image des Hauts-de-Seine, qui font les plus gros efforts pour loger ses ménages. Certaines villes ont trouvé une parade, plutôt que construire des HLM, elles favorisent les PLS (Prêt locatif social) destinés aux classes moyennes les plus riches. Ces pourquoi la ville est « le lieu de sédimentation des inégalités » où les plus riches ont la main mise sur la définition de l'espace.

Reconnaître son semblable. Ceux que l'on pourrait qualifier de Jeunesse dorée, rencontrent leurs semblables sur les rallyes, lieu privilégié de rencontre des jeunes du « même monde » s'ajoute au système scolaire et à l'apprentissage familial, c'est une place de socialisation fermée où se lient les relations amicales et amoureuses et constitue ainsi un foyer important d'homogamie sociale.

II.Lieux et liens du pouvoir

Les relations, une richesse décisive. Dans cette partie de l'ouvrage, les deux sociologues présente et décrivent leur arrivée au « Cercle » (Le Cercle de l'Union). Il s'agit d'un lieu incontournable de rencontre de la haute société dans un hôtel particulier du Faubourg Saint-Honoré, tenu par Nathaniel de Rothschild, issus d'une éminente famille aristocrate. Le Cercle permet de maintenir des relations fortes entre membre de la haute-bourgeoisie où l'identité sociale de ces classes privilégiées peut pleinement s'affirmer. D'autant que la richesse n'est rien si les relations sociales ne suivent pas. En effet « le portefeuille » des relations détermine le prestige de la famille par la richesse sociale. L'une des interviewée montre aux sociologues qu'elle tient trois carnets de relations dont les adresses s'établissent partout à l'étranger dont il est essentielle de maintenir des liens de longue durée.

Un G8 patrimonial : le capital social en acte. Le G8 patrimonial est une réunion des présidents de huit associations de défense du patrimoine français qui se tient une fois par mois. Ils ont pour but la préservation de l'art et la culture française à l'image du vicomte de Rohan. Nombreux sont les membres de cette organisation qui sortent des grandes écoles et tout particulièrement de Sciences Po et l'ENA ce qui leur confère un tissu de relation social solide notamment envers le monde politique dont ils peuvent influencer les décisions selon leur intêret. En effet le G8 est un lobby efficace grâce aux contact avec les parlementaires.

III. La puissance des puissants sur la ville

Neuilly défend Neuilly. En effet la présentation de la ville de Neuilly-sur-Seine montre que cette commune conçue comme l'une des plus riche de France concentre une part importante des élites de la capitale en son sein. La ville est le témoin d'un important débat quant à l'aménagement de son espace et de ses axes de communication : la ville dispose de conditions résidentielles exceptionnelles exceptées sur l'avenue Charles-de-Gaulle rebaptisée RN13 dont il est question d'enfouir l'axe de communication sous terre mais ce qui représente un coût de près d'un million d'euros (trois fois le coût du tramway parisien). Là encore les notables de la haute société tentent de faire pression pour que le projet soit accordé et aux frais de l'État si possible, ce qui s'apparente à des ramifications juridiques.

De l'usage des lois. Le ville de Neuilly tente de faire disparaître les pauvres du paysage neuilléen en courtournant « légalement » la loi SRU c'est à dire qu'elle favorise la construction de logement PLS accessible seulement aux classes assez aisées et non pas de HLM destinés aux plus pauvres. Les lois sont respectées mais les intentions sociales ne sont pas appliquées ce qui fait que l'on parle « de ghettos à propos de certains quartiers » qui se referment qu'une seule catégorie de population et amplifie le phénomène de ségrégation sociale et spatiale.

IV. Concurrences pour l'espace

Le château et le village. Cette partie traite des relations de la haute noblesse et des institutions civiles. Le château de Canisy, dans la Manche est classé comme l'une des sept merveilles du département dont le propriétaire actuel est Denis de Kergorlay, l'édifice est un héritage familial. De 1985 à 1995, Denis de Kergorlay fut maire de Canisy et jusqu'alors, les rapports avec la municipalité sont demeurés corrects mais plus tard, leurs relations se sont détériorées dès lors qu'un nouveau plan d'urbanisme prévoyait la création d'une zone à caractère industrielle et commercial en bordure du parc ». Il était en jeu la défense du château et des 500 mètres autour de monuments historiques pour conserver toute l'intégrité du site. Ses détracteurs l'accuse de limiter le développement du village. Dès lors, le châtelain va faire marcher son tissu de relations pour la création d'une zone de protection du patrimoine du château.Concernant « la plus belle avenue du monde » que sont les Champs-Elysées, M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot montre cette éminente place du luxe a peu à peu perdu de sa « substance résidentielle » à savoir que les automobiles submergeaient les allées, les industries, banques et groupes financiers, à la recherche pour leurs sièges sociaux de localisations dans ce haut lieu du « chic parisiens », de grands travaux de rénovation ont aménagé le territoire afin de lui rendre sa spécificité.

Autre lieu notable de l'entre-soi bourgeois, le Bois de Boulogne. Il est la place d'expression des loisirs des plus riches qui utilisent des moyens pour rester entre semblables : le droit d'entrée et la cotisation annuelle pour le Racing Club du groupe Lagardère sont respectivement de 6500 euros et 1400 euros. Tout comme le « Cercle du Bois de Boulogne », le Racing Club propose aux membres des infrastructures pour la pratique sportive bien inscrite dans la classe sociale à savoir de moyens de pratiquer de l'escrime, de l'équitation, du polo.

V.« Le monde est mon jardin »La mondialisation : une vieille tradition. Tout d'abord, les auteurs montrent que le lien entre la bourgeoisie et la mondialisation est

indéniable et relève d'une profonde tradition. A l'origine, l'éducation des membres de la haute société a toujours été tournée vers l'étranger à l'image de Dominique-Henri Freiche

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qui pendant son enfance a « entendu parler de l'Afrique, de l'Asie, de l'Amérique du Sud , du Liban ». Sa famille lui a transmis le goût pour la découverte, il est l'enfant d'un métissage européen et parle cinq langues.

L'argent nomade. Pour ceux qui possèdent beaucoup, la fiscalité française peut leur sembler lourde, c'est alors que l'exil vers les places financières que l'on nomme « paradis fiscaux » peut paraître une perspective intéressante bien que « l'exil doré ait ses contraintes » notamment l'abandon possible de la nationalité française mais il s'agit de protéger le patrimoine familiale en évitant taxes et impôts. Ce sont plusieurs dizaines de milliers de Français qui vivent exilés pour des raisons fiscales entre Monaco, la Belgique, la Suisse, le Luxembourg.

VI. Des intérêts convergents entre familles et pouvoirs publics

L'entre-soi balnéaire et le Conservatoire du littoral. Cette partie présente la situation de Jacqueline de Beaumont, propriétaire d'une demeure agricole en Bretagne acquis par la famille de son mari en 1870 et qui a décidé de vendre au Conservatoire du littoral la partie littorale de la propriété rendant l'espace public. Les sociologues décrivent une situation qui profitent aux deux parties, du comité qui peut légitimement contrôler les bords de mer et la famille de Beaumont conserve « le bien familial à long terme ».Aussi, on relève de nombreux propriétaires de châteaux ouvrent leurs portes au public non sans intérêt. En effet cela confère à la famille propriétaire un statut de prestige, d'appartenance à l'histoire nationale et bénéficient d'aides publiques pour l'entretien des monuments historiques.Les concessions privées dans le bois Boulogne. Propriété de l'État depuis 1848, de statut public, le Bois de Boulogne recèle pourtant de nombreux « lieux protégés », privés et réservés aux membres de cercles dont l'appartenance est déterminée par un capital social influent.Le bottin mondain, annuaire mondain le plus connu en France répertorie les informations sur les membres de la haute-bourgeoisie. Nombreuses sont les familles inscrites qui se concentrent dans les parcs nationaux aux environ de Paris et dont il est essentiel de préserver les espaces protégés toujours pour maintenir le patrimoine familial.

VII. Le collectivisme des pratiques

Les lotissements chics. Le concentration des lotissements chics dans les mêmes lieux (Côte d'Azur, Corse) permet d'assurer à ces élites un entre-soi auquel elles sont attachées et organise une sorte de plan local d'urbanisme à l 'échelle du lotissement dans le but de préserver l'espace social entendu comme la protection du milieu social de la haute-bourgeoisie à l'image de la ville de Keremma, un domaine qui cumule les différentes formes de richesses (éco, culturelles, sociales) et où coexiste individualisme et collectivisme.L'institut de France , gestionnaire des propriétés sans héritiers. « l'institut prend en charge des biens dont il assurera la pérennité symbolique et matérielle » des donateurs sans héritiers et constitue une forme « d'instance de solidarité » . Les ventes aux enchères prisées dans le milieux de la haute-bourgeoisie, permettent de disperser ou recomposer un patrimoine d'autant que l'usure des biens sur ce marché fonctionne comme une bonification économique.

La mobilisation permanente

Au cœur des réseaux : les cercles. « Le bottin mondain donne, en tête de volume la liste des cercles et clubs ». Les deux sociologues reviennent sur l'importance des cercles dans la vie de la bourgeoisie et dont les conditions d'accès sont variables: le « Jockey Club » se présente comme un club très fermé et met en œuvre une sélection sévère pour maintenir une excellence sociale dans les rangs du club pour un « entre-soi sans faille ». Mais le réseau ne se limite pas aux cercles parisiens, par des accords de réciprocité, avec les autres grands cercles étrangers, les membres français sont assurés de retrouver à l'étranger « des gens du même monde » si bien que pourrait se dessiner une forme « d'Internationale des clubs, une Internationale de la haute-bourgeoisie ».

Des militants spécialisées. Les auteurs ont introduit leur livre sur cette notion de militantisme bourgeois sur lequel ils reviennent. Les membres des cercles s'investissent ponctuellement pour la sauvegarde du patrimoine, des monuments historiques ou des causes caritatives, à l'image de l'organisation fondée en 1973, SOS Paris. La bourgeoisie veut à tout prix préserver « les biens cultuels qui ne sont pas les biens comme les autres » selon Denis de Kergorlay, châtelain du château de Canisy. Ces biens culturels constitue leur patrimoine qui les rattache à leurs origines.

Conclusion

« Le fonctionnement d'une classe sociale solidaire apparaît de façon nette et éloquente lorsqu'on étudie les lieux [...] ». La classe dominante a un impact géographique très fort. En effet sa présence transforme l'espace. Cette classe sociale possède un capital multidimensionnel et témoigne d'une excellence sociale. C'est le soucis de l'héritage et la transmission des avantages acquis qui détermine cette volonté universelle pour tous ceux qui en font partie, de préserver le patrimoine historique et familial, et par là le patrimoine français. Pour ne pas disperser ce patrimoine acquis, la haute-bourgeoisie se concentre géographiquement dans des lieux « inaccessibles » aux autres groupes de la population. On observe une sur-représentation des plus riches dans certains quartiers de la capitale et forment des « ghettos du gotha ». Aussi ils pratiquent une forme d'entre-soi omniprésent et cela passe notamment par les loisirs pratiqués dans des cercles fermés où peut s'exprimer toute la richesse à l'abri des regards du reste de la société.

Annexe

Dans cette annexe, les sociologues reviennent sur leurs travaux au sujet de la grande-bourgeoise française et les retours de leurs enquêtes sur les sujets observés notamment dans Voyage en grande bourgeoisie, Paris, PUF, « Quadrige », 2005. Ils parlent de leur

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travail de sociologue et présente le fait que leur origine sociale (classe moyenne/ classe moyenne supérieure) bien éloignée de leurs sujets leur a permit durant l'enquête de se distancer du milieu observé. Ils abordent aussi le retour de leurs travaux par les enquêtés qui semble bien acceptés « par le milieu fortuné de la noblesse et la grande bourgeoisie ancienne » qui cependant est étonnée de « l'utilisation du système théorique élaboré par Pierre Bourdieu qui met à jour la reproduction des positions dominantes, les déterminismes sociaux qui en sont au principe et les concepts d'habitus, de capital social, économique, culturel et symbolique.M. Pinçon et M. Pinçon-Charlot clôturent leur ouvrage sur la perspective du film-documentaire qui illustre tout leur travail de recherche sur la grande bourgeoisie.

Premiere video du film : http://www.dailymotion.com/video/x74bew_dans-les-ghettos-du-gotha-1_webcam

Marion DIVET