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Autour de Marin Marais, Louis XIV et 20 millions de Français par Jean BRAUNSTEIN, professeur d'histoire des arts au Lycée Jeanne d'Arc, Rouen A côté des fastes de Versailles, il est souhaitable de jeter un coup d'œil sur la société française du 17ème siècle et sur les courants qui la traversent. L'absolutisme de Louis XIV, qui consiste à domestiquer les nobles en les transformant en courtisans, à imposer les goûts du roi en matière artistique, mais aussi mettre la France au pas en matière religieuse, tout en cherchant à contrôler étroitement l'économie et passer au dessus des libertés provinciales, tout cela dans un contexte de guerres fréquentes et de crise économique récurrente, correspondant à un « trend » dépressif séculaire. L'absolutisme ne va pas de soi, car contrairement à ce qu'on pourrait penser, le pouvoir du roi n'a pas été jusqu'à cette époque un pouvoir absolu. Le roi médiéval ne fait pas ce qu'il veut, car il n'a pas les moyens d'imposer ses volontés face à la grande noblesse et à l'Église. Les velléités de pouvoir absolu tournent court devant ces puissances. Louis XIII et Richelieu tenteront bien de briser le pouvoir des « Grands », mais dès qu'ils disparaissent, la Fronde s'impose à Anne d'Autriche, et la Cour ne peut que fuir de Paris pour se réfugier à Saint Germain, épisode qui marquera tant le jeune Louis XIV qu'il cherchera en s'installant à Versailles à échapper à l'emprise parisienne. Les difficultés économiques Versailles ne doit pas faire illusion, nous sommes au 17ème siècle dans une période de dépression économique, faisant suite au « beau 16ème siècle », poussé par la découverte de l'Amérique et de ses richesses, en particulier en or. Les moyens financiers abondent, l'Espagne et le Portugal découvrent le luxe, qu'ils financent avec l'or des Amériques, qui leur permet de se fournir dans les pays du Nord, Pays Bas espagnols en particulier : c'est ce qui fera la richesse d'Anvers au 16ème siècle. Peu à peu, le centre de gravité de l'Europe, qui reposait au Moyen-âge sur l'axe Venise- Bruges, se déplace vers le Nord seul, Flandres et Pays Bas, Amsterdam supplantant Anvers au

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Autour de Marin Marais, Louis XIV et 20 millions de Français

par Jean BRAUNSTEIN, professeur d'histoire des arts au Lycée Jeanne d'Arc, Rouen

A côté des fastes de Versailles, il est souhaitable de jeter un coup d'œil sur la société française du 17ème siècle et sur les courants qui la traversent. L'absolutisme de Louis XIV, qui consiste à domestiquer les nobles en les transformant en courtisans, à imposer les goûts du roi en matière artistique, mais aussi mettre la France au pas en matière religieuse, tout en cherchant à contrôler étroitement l'économie et passer au dessus des libertés provinciales, tout cela dans un contexte de guerres fréquentes et de crise économique récurrente, correspondant à un « trend » dépressif séculaire.

L'absolutisme ne va pas de soi, car contrairement à ce qu'on pourrait penser, le pouvoir du roi n'a pas été jusqu'à cette époque un pouvoir absolu. Le roi médiéval ne fait pas ce qu'il veut, car il n'a pas les moyens d'imposer ses volontés face à la grande noblesse et à l'Église. Les velléités de pouvoir absolu tournent court devant ces puissances. Louis XIII et Richelieu tenteront bien de briser le pouvoir des « Grands », mais dès qu'ils disparaissent, la Fronde s'impose à Anne d'Autriche, et la Cour ne peut que fuir de Paris pour se réfugier à Saint Germain, épisode qui marquera tant le jeune Louis XIV qu'il cherchera en s'installant à Versailles à échapper à l'emprise parisienne.

Les difficultés économiques

Versailles ne doit pas faire illusion, nous sommes au 17ème siècle dans une période de dépression économique, faisant suite au « beau 16ème siècle », poussé par la découverte de l'Amérique et de ses richesses, en particulier en or. Les moyens financiers abondent, l'Espagne et le Portugal découvrent le luxe, qu'ils financent avec l'or des Amériques, qui leur permet de se fournir dans les pays du Nord, Pays Bas espagnols en particulier : c'est ce qui fera la richesse d'Anvers au 16ème siècle. Peu à peu, le centre de gravité de l'Europe, qui reposait au Moyen-âge sur l'axe Venise-Bruges, se déplace vers le Nord seul, Flandres et Pays Bas, Amsterdam supplantant Anvers au

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17ème siècle, et l'Italie étant touchée par le déplacement des grandes routes commerciales de la Méditerranée vers l'Atlantique. La France est à l'écart de ces grands courants commerciaux, elle s'est lancée tard dans l'expansion coloniale (la Nouvelle France découverte par Jacques Cartier en 1534, soit 42 ans après Christophe Colomb) et ses tentatives brésiliennes (Villegaignon à Rio de Janeiro) ont échoué, ne lui laissant que le Maranhao, puis la Guyane comme seul point d'appui sur le continent sud-américain.Par la création des compagnies de navigations, Louis XIV veut rattraper ce retard dans le cadre d'une économie dirigée, c'est ce qu'on appelle le mercantilisme, un forme de protectionnisme.L'idée du mercantilisme est de « produire et transporter français » ; la production sera confiée à des manufactures comme celle des Gobelins pour les tapisseries (pour remplacer les tapisseries des Flandres) et des compagnies de navigation comme la compagnie des Indes Orientales, basée à l'Orient (Lorient), qui reçoit le monopole du commerce avec les Indes Orientales. Il existe aussi une Compagnie du Nord, pour l'espace baltique, aux mains des Hollandais après avoir été le domaine de la Ligue hanséatique, et la Compagnie des Indes occidentales, qui pratique le commerce triangulaire avec les Antilles. Ces compagnies sont calquées sur le modèle des compagnies hollandaises, comme la célèbre VOC (compagnie des Indes Occidentales, à l'origine de la fondation du Cap et de l'Afrique du Sud néerlandaise ). La compagnie française fonde Pondichéry et est à l'origine de l'implantation française aux Indes qui se poursuit jusqu'à 1763, date de la défaite française dans la guerre de Sept Ans, qui a pour conséquence la renonciation à l'Inde et au Canada. La monarchie française a aussi cherché à asseoir sa domination sur le Canada, c'est l'objet de l'expédition de Champlain, parti de Honfleur en 1603 pour créer une « nouvelle France » sur les bords du Saint Laurent. L'expédition du rouennais Cavelier de La Salle permet d'atteindre le Mississippi et d'élargir l'espace dominé par la France (1682). Cependant la colonisation de la Louisiane ne sera pas une réussite et la faillite de Law, sous la Régence, aura raison des espoirs français : le financement privé de la colonisation par une compagnie privée qui fera faillite fâchera pour longtemps les Français avec l'achat d'actions et le papier monnaie. Ce qui reste cependant du règne de Louis XIV dans le domaine économique est ce qu'on appellera le colbertisme, c'est à dire l'absolutisme appliqué à l'économie, qui deviendra ensuite le dirigisme à la française, sensible jusqu'à nos jours.Le grand commerce transocéanique ne doit pas faire illusion : la situation économique de la France au 17ème siècle est difficile, en particulier dans l'agriculture, et par contrecoup, la situation alimentaire du plus grand nombre est catastrophique.

Les problèmes sociaux

Les difficultés économiques touchent durement les paysans, qui forment la majorité de la population du royaume. L'économie pré-industrielle est soumise à des crises cycliques : une mauvaise récolte, liée en général à des anomalies climatiques, entraîne la baisse du niveau de vie des paysans, qui n'achètent plus de produits urbains et entraînent la faillite des ateliers urbains, jetant dans la misère et la famine leurs employés. Dans une économie fermée, où les produits circulent peu d'une province à l'autre, une récolte plus faible signifie une plus grande rareté, donc une hausse des prix, accentuée souvent par la spéculation (accaparement) : les paysans sont alors victimes de la famine, par manque de moyens pour acheter leur nourriture, ou par quantité insuffisante de nourriture produite s'ils vivent en autoconsommation. Les populations affaiblies par la famine ou la malnutrition sont les victimes désignées des épidémies de peste, qui reviennent à peu près tous les vingt ans. La première grande peste européenne date de 1348-51 (la Peste Noire) et la dernière est la peste de Marseille, en 1720, qui emporte la moitié de la population de la ville. On ne possède pas de remède, et la peste revient par cycles, jusqu'à ce qu'elle disparaisse.Quand les conditions de vie deviennent trop intolérables, les paysans se révoltent, le plus souvent lorsqu'on veut leur imposer une taxe supplémentaire. Rappelons que dans la France d'Ancien Régime, l'impôt direct, la taille, pèse sur le seul Tiers État, et qu'il faut payer en outre des impôts indirects comme la gabelle sur le sel, les aides sur les boissons, auxquels s'ajoutent les droits

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seigneuriaux, cens, champart, banalités, corvées. Les seigneurs ne sont cependant pas nécessairement des nobles à cette époque, ils peuvent être des monastères ou des bourgeois, et il existe une paysannerie libre. Le servage a disparu dès le 15ème siècle dans la plus grande partie de la France. Il reste des droits féodaux du Moyen-âge des privilèges comme les colombiers ou la chasse. Aucun progrès technique ne vient améliorer la production agricole, à la différence des paysans allemands, les paysans français refusent la pomme de terre jusqu'au règne de Louis XVI.

Le résultat est que la population française stagne : les naissances sont nombreuses, mais la mortalité est forte, on a pu écrire qu'il faut 2 naissances pour faire un adulte. La moyenne des naissances est de 5 enfants par femme, car l'âge au mariage est très tardif, 25-27 ans, et il n'existe pas ou peu de naissances hors mariage. Les femmes cessent d'avoir des enfants vers 40 ans, elles peuvent aussi mourir lors des épidémies ou en mettant au monde leur enfant, elles n'ont donc (en moyenne) que 10 à 15 ans pour faire des enfants, d'où ce nombre d'enfants peu élevé. Il en meurt un sur deux avant l'âge de vingt ans, davantage en cas de crise ou d'épidémie, ce qui explique que deux parents sont remplacés par deux enfants, donc stagnation de la population, qui est cependant la plus élevée d'Europe avec 20 millions d'habitants.

Voir à ce sujet Pierre Gouberthttp://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1952_num_7_4_2103

Les problèmes religieux

La religion tient une place centrale dans la vie des Français à cette époque : dans une société où tout le monde est croyant (l'historien Lucien Febvre a montré l'impossibilité de l'incroyance au 16ème siècle, et la philosophie des Lumières n'apparaît qu'au siècle suivant), faire son Salut est essentiel,

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les querelles entre catholiques et protestants sont donc essentielles.En France, les querelles religieuses ont commencé avec l'affaire des Placards en 1532 sous François Ier, mais le choses ne deviennent graves qu'en 1562 avec la première des huit guerres de religion, qui vont durer jusqu'à l'édit de Nantes de 1598. Ce texte dû à Henri IV reconnaît l'existence de la religion protestante en France, avec un statut inférieur au catholicisme, et la possession de places de sûreté, villes fortifiées tenues par les protestants, comme La Rochelle. Louis XIII et Richelieu vont tenter de démanteler petit à petit ce qui peut apparaître comme « un état dans l'état », avec par exemple le siège de La Rochelle. Il faut avoir présent à l'esprit non pas notre 21ème siècle attaché à la liberté religieuse, mais le 17ème siècle, où la communauté l'emporte sur l'individu, et où le protestantisme sert de support à l'indépendance de certains Grands par rapport au pouvoir royal (les Condé, par exemple) et où des pays étrangers peuvent s'appuyer sur les places-fortes protestantes, comme l'Angleterre lors du siège de La Rochelle.Louis XIV n'aura de cesse que d'éradiquer le protestantisme en France. Après les dragonnades, il décide de la Révocation de l'édit de Nantes par l'édit de Fontainebleau de 1685. Les protestants n'ont plus d'autre choix que de se convertir ou s'exiler. Nombre d'entre eux partent aux Pays-Bas, à Berlin (où il vont représenter une part importante de la population) et même en Afrique du Sud, où ils introduisent la culture de la vigne. L'exil des protestants, en général qualifiés, sera une grande perte pour la France. C'est une des graves erreurs de Louis XIV. Certains vont choisir la résistance, ce sera la révolte des Camisards, dans les Cévennes, au début du 18ème siècle.Les querelles religieuses existent aussi à l'intérieur du catholicisme, avec la querelle janséniste. Parti d'une réflexion sur la Grâce divine, le jansénisme devient un pôle de résistance à l'absolutisme religieux de Louis XIV et aux Jésuites. Les Jansénistes pensent que l'homme ne peut faire son Salut qu'avec l'aide de la Grâce divine, alors que les Jésuites mettent davantage en avant le rôle de l'Homme. Le jansénisme prône un catholicisme austère et exigeant, alors que les Jésuites sont plus souples. Louis XIV finira par faire raser Port Royal, mais l'esprit janséniste, opposé à la monarchie absolue, imprègne les Parlements, qui s'opposent à la condamnation du jansénisme par Rome (Bulle Unigenitus, 1713). Cet esprit frondeur des Parlements, dominés par la noblesse de robe, hostile à l'absolutisme, sera un des problèmes des règnes de Louis XV et Louis XVI.

Louis XIV et la guerre

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Il faut se replacer dans le contexte européen pour comprendre les guerres du 17ème siècle, et on y retrouve les querelles religieuses. La fracture religieuse en Europe a fait apparaître des pays défenseurs du catholicisme, l'Espagne et l'Autriche, deux morceaux de l'empire des Habsbourg, et les princes protestants allemands, la Suède, principale puissance protestante du nord de l'Europe, et l'Angleterre.La guerre de Trente Ans, de 1618 à 1648, oppose les Habsbourg et les princes catholiques allemands à la Suède et aux princes protestants allemands, soutenus par Richelieu, inquiet de la puissance de la « maison d'Autriche » aux frontières Est et Sud de la France. La guerre se termine en 1648 par les traités de Westphalie qui donnent à la France Metz, Toul et Verdun ainsi que presque toute l'Alsace. La paix des Pyrénées en 1659 marque la fin du conflit avec l'Espagne et donne le Roussillon à la France (et une frontière avec l'Espagne qui n'a plus bougé depuis). Louis XIV vent repousser les frontières françaises vers l'Est et le Nord. Lors de la guerre de Hollande, au traité de Nimègue en 1678, il annexe Lille et quelques autres villes, ainsi que la Franche-Comté, puis occupe Strasbourg en 1681, ce qui donne l'ensemble de l'Alsace sauf Mulhouse à la France. La Révocation ligue toute l'Europe protestante contre la France (Ligue d'Augsbourg) ; Louis XIV dévaste alors le Palatinat, mais l'avancée des frontières françaises est arrêtée (paix de Ryswick, 1697). Ensuite, la guerre de Succession d'Espagne commence avec le choix du petit fils de Louis XIV, Philippe, comme roi d'Espagne. Angleterre et Provinces-Unies s'allient contre la France, qui va subir de graves défaites. Le traité d'Utrecht en 1713 consacre la perte de Terre Neuve et de l'Acadie et la cession de Gibraltar à la Grande Bretagne, qui est le grand vainqueur du conflit et s'impose désormais pour les deux siècles suivants face à la France et à la place des Provinces-Unies.

Louis XIV et les arts

Louis XIV est le protecteur des arts et des lettres, mais impose ses goûts pour la danse, la musique et le théâtre. Il favorise Lully, Molière, Racine, La Fontaine, Boileau, Bossuet.Le goût classique s'impose dans la littérature, le théâtre, la musique. Il pose comme principe de base l'admiration de l'Antiquité. C'est dans l'architecture et la peinture qu'il est le plus visible.Des Académies sont créées pour encadrer l'art : Académie de peinture et de sculpture, Académie d'architecture, Académie de musique (1669), Académie de France à Rome, Académie des

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Inscriptions et Belles Lettres (1663), Académie des sciences (1666) (et Académie française en 1635)Nicolas Poussin est un bon exemple de classicisme. On peut citer aussi Claude Gelée (Le Lorrain), Philippe de Champaigne, les frères Le Nain, ces deux derniers davantage portés sur le réalisme.Sous Louis XIV, les peintres de Cour sont favorisés, comme Mignard ou Le Brun, ou le sculpteur Coysevox (alors que Puget travaille pour lui-même).L'architecture classique est imposée par le roi face au baroque en vogue dans le reste de l'Europe.

VersaillesEn 1623, Louis XIII se fait construire un petit pavillon de chasse sur une butte au milieu des forêts et des marécages, à l'emplacement de l'actuelle cour de marbre.Au début de son règne, Louis XIV ne trouve pas de château qui lui convienne et va du Louvre aux Tuileries, à St Germain, à Fontainebleau, etc. En 1651, il a un « coup de cœur » pour le petit pavillon de Versailles, où il emmène sa maîtresse, Louise de la Vallière. A partir de 1661, où il fait arrêter Fouquet, Louis XIV utilise ses architectes Le Vau et Mansart pour agrandir le petit château. La première fête y est donnée en 1664 sous le nom « Les Plaisirs de l’Isle Enchantée », elle dure une semaine, la seconde en 1668, le « Grand Divertissement Royal de Versailles » avec Georges Dandin de Molière et les Fêtes de l’Amour et du Hasard de Lully.

Le Vau construit ensuite un second bâtiment qui enveloppe le premier : grand appartement du roi au nord et grand appartement de la reine au sud, avec une terrasse face aux jardins. Côté cour, la cour royale fut fermée par des grilles.

En 1670, on construit dans les jardins le Trianon, au moment où les grandes familles nobles se font bâtir des hôtels particuliers dans ce qui devient la ville nouvelle de Versailles.De 1678 à 1684, la terrasse est remplacée par la Galerie des Glaces, dont la décoration est confiée à Charles Le Brun.

Entre temps, en 1682, le roi et toute la Cour se sont installés à Versailles, au milieu des travaux. Louis XIV a alors 44 ans.

La présence de la Cour à Versailles permet de domestiquer une noblesse frondeuse. Le roi lui distribue des pensions, des logements au château, les occupe avec des fêtes et des divertissements. Il établit des règles (l'Etiquette) qui rythment la vie quotidienne de la Cour et met en scène

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l'absolutisme royal. De façon moins formelle, trois fois par semaine, de 19 à 22 heures, les courtisans étaient admis dans le Grand Appartement. Dans différents salons étaient répartis des buffets, des tables de jeu, on pouvait écouter de la musique ou danser. C'était un honneur d'y être admis. Dans les années suivantes, Louis XIV fait construire l'Orangerie, qui abritait 3000 arbustes et 150 000 plantes, les écuries, l'aile nord des courtisans, le grand commun et le Grand Trianon, pour remplacer le premier bâtiment.22 000 à 30 000 ouvriers (selon la disponibilité des régiments) et 6000 chevaux s’affairaient sur les différents chantiers de Versailles. C'est Mansart qui coordonnait le chantier. 5000 courtisans y vivaient, soit au château, soit en ville.

Le dernier bâtiment important fut la grande chapelle, que Mansart construisit jusqu'à sa mort en 1708 et qui fut achevée en 1710.

On considère Versailles comme l'exemple européen de l'art classique du fait de ses proportions régulières, de son horizontalités, de la symétrie, de la sobriété du décor de la façade, de la prédominance des lignes droites.

On peut comparer avec la colonnade du Louvre de Perrault, préférée par Louis XIV au projet du Bernin.

Des peintres classiques

Nicolas PoussinNicolas Poussin est né aux Andelys, puis quite à l'âge de 18 ans sa famille pour devenir peintre, il

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fréquente les ateliers parisiens, puis part pour l'Italie. Il s'établit à Rome en 1624 et travaille pour le pape Urbain VIII, puis repart pour la France en 1640 , où il devient premier peintre du roi, et repart pour Rome deux ans plus tard, pour y rester jusqu'à sa mort en 1665.Poussin est un des meilleurs représentants de l'école classique française.

Nicolas Poussin (Les Andelys, 1594 - Rome, 1665) Vénus présente à Énée les armes forgées par Vulcain huile sur toile 106 x 146 cm, 1639

Ce tableau de Nicolas Poussin, peintre français du 17ème siècle né aux Andelys, est une illustration fidèle du récit de l'Eneide de Virgile, ainsi qu'un bon exemple de la peinture classique.Vénus montre à Enée, enfant qu'elle a eu avec le Troyen Anchise, les armes qu'elle a fait forger pour lui par Vulcain, réunies en trophée et attachées à un arbre. La déesse domine la scène, semblant suspendue dans les airs, entourée d'Amours et suivie du cygne. A ses pieds, trois allégories représentant les fleuves. Enée est saisi au moment où il est confronté à son destin, car les armes doivent lui permettre de l'emporter dans la bataille qui décidera de son installation au Latium et de la fondation de Rome.Le tableau est construit sur un rythme ternaire, trois arbres, trois allégories de fleuves, trois urnes, trois Amours.

La peinture classique

Ce tableau se rattache au courant classique par sa composition rigoureuse, bâtie ici sur un rythme ternaire, que l'on retrouve dans la division en trois bandes verticales. Les personnages sont relativement figés et les courbes sont peu nombreuses. Le dessin revêt une grande importance. Le sujet est emprunté à l'Antiquité. Les couleurs sont éclatantes.

Philippe de Champaigne, 1602-1674 Dieu le Père créant l’univers matériel Vers 1633, huile sur toile 220 cm x 175 cm

Philippe de Champaigne (1602-1674) est né dans une famille pauvre, a étudié auprès d'un peintre bruxellois puis a rencontré à Paris Nicolas Poussin. Il participe au décor du Palais du Luxembourg pour Marie de Médicis, ce qui le rapproche de la reine mère et de Richelieu, qu'il peint en habit de cardinal, puis peindra le portrait du roi. Il est en 1648 membre fondateur de l'académie royale de peinture et de sculpture.

Il est alors proche des Jansénistes et devient le peintre de Port Royal.Dieu le Père créant l’univers matériel est un tableau de 1633, donc bien antérieur au régne de Louis XIV et à la naissance de Marin Marais. Il montre cependant l'importance du thème religieux dans la peinture du 17ème siècle.

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Claude Gelée, (1600-1692), Port au lever du soleil, 1674 huile sur toile, 72 x 96 cm Alte Pinakothek, Munich

Claude Gelée, (1600-1692) pâtissier, il suit un groupe de patissiers qui va à Rome, devient cuisinier d'un peintre qui lui apprend la peinture, puis il reçoit des commandes d'Urbain VIII, le pape et fait toute sa carrière à Rome .Claude Gelée a produit un grand nombre de tableaux représentant des paysages, en particulier des ports imaginaires. Le tableau est conçu comme un décor de théâtre. L'effet de profondeur est réalisé par les couleurs estompées et la maîtrise de la perspective.

Le Brun (1619-1690)Son père est sculpteur, il est remarqué par le Chancelier Séguier, qui devient son protecteur, lui finance un voyage à Rome et lui permet de passer 4 ans en Italie. A son retour, il obtient des commandes royales puis travaille pour Nicolas Fouquet à Vaux le Vicomte. Il dirige la manufacture des Gobelins en 1663, en même temps qu'il entre à l'Académie de peinture, après avoir été anobli en 1662. Il est chargé du décor intérieur de Versailles, en particulier la Galerie des Glaces.

Après Louis XIVEt puisque Marin Marais est mort en 1728, on peut dire un mot de la période qui suit le règne de Louis XIV. Lorsque le roi meurt en 1715, c'est un soulagement pour toute la Cour, qui supportait de plus en plus mal l'ambiance de Versailles à la fin de la vie de Louis XIV. C'est alors une fuite vers Paris et le quasi abandon du château, Louis XV, arrière petit fils de Louis XIV ayant alors 5 ans, c'est le cousin du roi, Philippe d'Orléans qui exerce la Régence jusqu'en 1723. Louis XIV a perdu son fils en 1711 et ses deux petits fils en 1712, il prévoit la régence du duc du Maine, son fils illégitime avec Mme de Montespan, mais son neveu Philippe d'Orléans fait casser le testament par le Parlement de Paris en échange du rétablissement de son droit de remontrance. La personnalité du régent est très différente, il est connu pour sa vie libertine (il a eu son premier enfant à 14 ans). Il composa deux opéras, favorisa la vie artistique, mais fit tout de même embastiller Voltaire, qui l'avait critiqué.

WATTEAU (1684-1721)L 'embarquement pour Cythère, 1717

huile sur toile, 129 x 194 cmMusée du Louvre, Paris

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WATTEAU (1684-1721)

Pèlerinage à Cythère1718-20huile sur toile, 129 x 194 cmChâteau de Charlottenburg, Berlin

WATTEAU (1684-1721)Né à Valenciennes, Jean-Antoine Watteau est le fils d'un charpentier, à 18 ans, il est apprenti chez un peintre qui fait des décors de théâtre et qui l'emmène à Paris travailler sur des décors pour l'Opéra en 1702. Puis il devient élève d'un décorateur.Le Pèlerinage à Cythère est le tableau qu'il présente en 1717 comme « morceau de réception » à l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture. Un second tableau, Embarquement pour Cythère fut réalisé ensuite, il se trouve à Berlin.L'ambiance générale du tableau correspond à l'esprit de la Régence, une époque de plaisirs et de « fêtes galantes », en réaction contre l'austérité de la fin du règne de Louis XIV.

Au premier plan se trouve un groupe de trois couples correspondant aux trois étapes de la séduction, proposition de l'homme, acceptation de la femme, consentement et départ pour Cythère, non sans se retourner... Des arbres dominent le deuxième plan. La partie gauche du tableau est consacrée à l'embarquement (ou le débarquement ?) et au ciel.Le tableau célèbre la nature apprivoisée (art des jardins), l'élégance vestimentaire, le libertinage. Il est sous le regard de Vénus à droite et des Amours à gauche.Les courbes, les arabesques, la complexité et la profusion de détails, l'accent mis sur les sentiments, rattachent ce tableau à la sensibilité baroque et plus particulièrement rococo (bien que ce courant ne se développe pleinement qu'à partir des années 1730), du fait de la légèreté de la représentation. Le thème a été repris par Rameau dans les Indes Galantes (Hâtez-vous de vous embarquer,Jeunes coeurs, volez à Cythère! à l'Acte I) et par Verlaine, Fêtes Galantes, repris par les mélodistes français de la fin 19ème et début 20ème siècle, ainsi que L'isle joyeuse de Debussy en 1904.