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Aspects actuels de l’évolution clinique de la BPCO Avancées thérapeutiques pouvant modifier l’évolution clinique de la BPCO D’après la communication de P.J. Barnes Londres, Angleterre 16 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Rev Mal Respir 2008 ; 25 : 16-20 L e physiologiste et pharmacologue respiratoire londo- nien a ciblé son intervention sur l’importance des phénomè- nes inflammatoires et leurs spécificités au cours de la BPCO. Tabac et inflammation L’impact du tabagisme sur l’aggravation du trouble ven- tilatoire obstructif dans la BPCO est établi de longue date. Les courbes de Fletcher et Peto (fig. 1) montrent l’intérêt du sevrage tabagique chez les fumeurs sensibles au tabac [1] : le déclin du VEMS s’accélère avec l’âge, d’autant que le taba- gisme persiste. Si l’on superpose les stades de gravité de la BPCO selon la classification GOLD avec ces courbes, il est clair que le handicap est d’autant plus irréversible qu’il est sévère. Chez les patients de stade IV, ce handicap n’est quasi- ment plus réversible. Les phénomènes responsables de l’obs- truction bronchique sont donc de moins en moins sensibles à l’arrêt du tabac. Fig. 1. Variation du déclin du VEMS selon le stade de gravité GOLD, reporté sur les courbes de Fletcher et Peto [1]

Avancées thérapeutiques pouvant modifier l’évolution clinique de la BPCO

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Aspects actuels de l’évolution clinique de la BPCO

Avancées thérapeutiques pouvant modifier l’évolution clinique de la BPCO

D’après la communication de P.J. Barnes

Londres, Angleterre

16 © 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservésRev Mal Respir 2008 ; 25 : 16-20

L e physiologiste et pharmacologue respiratoire londo-

nien a ciblé son intervention sur l’importance des phénomè-nes inflammatoires et leurs spécificités au cours de la BPCO.

Tabac et inflammation

L’impact du tabagisme sur l’aggravation du trouble ven-tilatoire obstructif dans la BPCO est établi de longue date. Les courbes de Fletcher et Peto (fig. 1) montrent l’intérêt du sevrage tabagique chez les fumeurs sensibles au tabac [1] : le déclin du VEMS s’accélère avec l’âge, d’autant que le taba-gisme persiste. Si l’on superpose les stades de gravité de la BPCO selon la classification GOLD avec ces courbes, il est clair que le handicap est d’autant plus irréversible qu’il est sévère. Chez les patients de stade IV, ce handicap n’est quasi-ment plus réversible. Les phénomènes responsables de l’obs-truction bronchique sont donc de moins en moins sensibles à l’arrêt du tabac.

Fig. 1.

Variation du déclin du VEMS selon le stade de gravité GOLD, reporté sur les courbes de Fletcher et Peto [1]

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© 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 17© 2008 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

La Lung Health Study a confirmé cette notion de réver-sibilité incomplète du trouble ventilatoire obstructif sur une population de 3 926 fumeurs recrutés dans dix centres d’Amé-rique du Nord [2] et suivis pendant 5 ans. L’impact positif du sevrage tabagique varie selon plusieurs facteurs. En analyse mul-tivariée, les meilleurs paramètres prédictifs d’amélioration sur la première année de l’étude sont l’arrêt du tabac, un VEMS de base plus élevé, la réponse au broncho-dilatateur, la race blan-che, une hyperactivité à la métacholine, et le jeune âge. Pour observer une amélioration maximale du VEMS avec le sevrage tabagique, celui ci doit donc être réalisé le plus tôt possible dans la vie et avant qu’un trouble ventilatoire obstructif impor-tant ne soit installé. Inversement, la reprise du tabagisme en cas de BPCO accélère d’autant plus le déclin du VEMS que les patients sont âgés et que leur VEMS de départ est bas.

Sur le plan physiopathologique, les phénomènes inflam-matoires bronchiques n’évoluent cependant pas parallèle-ment au tabagisme. L’existence d’une réaction inflammatoire est caractéristique de la sensibilité des fumeurs puisqu’elle est plus importante chez les ex-fumeurs qui ont une BPCO que chez ceux qui n’ont pas d’obstruction bronchique. Chez les patients symptomatiques, la réaction inflammatoire ne s’ar-rête pas avec le sevrage tabagique.

Willemse et coll. [3] ont mené une étude prospective sur un an incluant 63 patients de 45 à 75 ans ayant un tabagisme actif à l’entrée dans l’essai, sevrés de corticoïdes inhalés depuis au moins 6 mois, afin de mesurer l’impact du sevrage taba-gique sur l’inflammation des voies aériennes. Ils ont analysé l’expectoration avant, pendant la période de sevrage et un an après l’arrêt du tabac. Des biopsies bronchiques ont été réali-sées avant et un an après l’arrêt du tabac. Les patients ont été séparés en trois groupes : ceux ayant une BPCO selon les sta-des de sévérité de la classification GOLD (n = 28), ceux ayant des symptômes de bronchite chronique sans obstruction (n = 10), et les fumeurs n’ayant ni symptômes cliniques, ni obstruction (n = 25). À l’aide d’une prise en charge tabacolo-gique intensive, 12 patients du groupe BPCO, et 16 patients asymptomatiques ont été effectivement sevrés pendant au moins un an, mais seuls 4 patients ayant une bronchite chro-nique sans obstruction ont réussi leur sevrage, ne permet-tant pas de réaliser une analyse satisfaisante de l’évolution des paramètres inflammatoires dans ce groupe.

Les principales constatations concernent la variation des marqueurs de l’inflammation dans l’expectoration : dans le groupe BPCO sevré, il existe une augmentation de la cel-lularité, du nombre de neutrophiles et de lymphocytes, et du taux d’IL-8 et d’eosinophil cationic protein (ECP), tan-dis que chez les patients asymptomatiques sevrés on observe une baisse des macrophages, du taux d’éosinophiles et d’IL-8. L’aspect des biopsies bronchiques est inchangé dans le groupe de BPCO, tandis que l’on note une diminution des poly-nucléaires et une augmentation des lymphocytes B dans le

groupe asymptomatique. Dans l’ensemble, il existe une diffé-rence notable dans l’évolution des phénomènes inflammatoi-res à un an de sevrage tabagique, qui persistent ou s’aggravent en cas de BPCO, tandis qu’ils s’améliorent en l’absence de BPCO. Les auteurs font remarquer que les modifications observées dans l’expectoration peuvent ne pas refléter les phé-nomènes inflammatoires, mais peuvent correspondre à une simple « élimination » cellulaire, ou à une « concentration » relative des cellules liée à une réduction des sécrétions liqui-diennes dans l’expectoration.

Pour expliquer que l’inflammation persiste effective-ment en cas de BPCO alors même que le facteur toxique a été arrêté pendant plus d’un an, plusieurs hypothèses sont avan-cées : persistance d’un stimulus de l’inflammation tel qu’une colonisation bactérienne, ou présence d’auto-anticorps diri-gés contre le tabac ou d’autres antigènes… Mais le processus inflammatoire est également associé aux phénomènes de répa-ration, et peut être bénéfique et non pas délétère dans le cadre du sevrage tabagique.

Cependant, au niveau du poumon et des petites voies aériennes, l’inflammation et les phénomènes réparateurs peu-vent participer à la fibrose de certaines structures et aggra-ver le trouble ventilatoire obstructif, tandis que la destruction emphysémateuse entraîne une perte des attaches pulmonaires. De ce fait, l’expiration s’accompagne d’un collapsus au niveau des bronches les plus distales avec fermeture prématurée des voies aériennes responsable d’un piégeage distal. Ce phé-nomène explique l’augmentation du volume résiduel, de la capacité résiduelle fonctionnelle et de la capacité pulmonaire totale, au dépend de la capacité inspiratoire qui diminue. Il entraîne aussi une augmentation des pressions auxquelles sont soumises les voies aériennes. L’action des bronchodilatateurs et en particulier du tiotropium au niveau des structures bron-chiques distales est importante pour limiter ce phénomène et améliorer les performances cliniques à l’effort.

L’obstruction bronchique en elle-même est une source d’inflammation locale

L’action des bronchodilatateurs pourrait aussi être indi-rectement anti-inflammatoire, par le biais d’une diminu-tion de la pression exercée au niveau cellulaire. Tschumperlin et coll. [4] ont démontré in vitro que les cellules épithélia-les bronchiques libéraient un taux accru d’endothéline (ET) et de Transforming Growth Factor-β (TGF-β) quand elles étaient soumises à un stress mécanique, en l’occurrence à une augmentation de pression sur leur pôle apical. Dans une micro-enceinte recouverte d’une culture de cellules bron-chiques épithéliales, l’application d’une pression de 30 cm d’eau était considérée comme reflétant l’effet mécanique sur les cellules d’une bronchoconstriction, source d’un trouble

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ventilatoire obstructif avec augmentation du piégeage dans les voies aériennes distales. La durée de la surpression a varié de 4 à 8 heures, et les auteurs ont mesuré la synthèse d’ET 1 et 2, de TGF-β 1 et 2, et de Platelet-derived Growth Factor (PDGF) AB et BB produit par ces cellules « sous pression ».

Ils mettent en évidence une augmentation significative de la production de TGF-β2 et d’ET, d’autant plus impor-tante que la pression a été prolongée, avec un pic précoce. La production de ces substances est indépendante l’une de l’autre. Ces molécules ont un rôle synergique d’activation sur les fibroblastes, dont la synthèse de protéines fibrotiques aug-mente, bien que d’autres facteurs interviennent. Ainsi, le sim-ple fait d’avoir une augmentation de pression distale dans les voies aériennes participe, dans ce modèle, à des phénomènes fibrosants retrouvés en cas d’inflammation. Les bronchodila-tateurs, en réduisant la pression au niveau des structures res-piratoires, pourraient ainsi avoir un effet positif indépendant de leur action mécanique sur le muscle lisse.

Quels sont les mécanismes impliqués dans l’inflammation bronchique de la BPCO ?

On sait que les marqueurs de l’inflammation sont éle-vés dans les voies respiratoires en cas de BPCO, que l’on étu-die le lavage broncho-alvéolaire, les biopsies bronchiques ou plus simplement l’expectoration induite. En cas de BPCO, on retrouve sur ce dernier examen des taux anormalement élevés de neutrophiles, de TNF-α, et d’interleukine-8 (IL-8) [5]. La concentration de l’IL-8 est corrélée avec le nombre de polynu-cléaires neutrophiles : il s’agit d’ailleurs d’un facteur chimio-tactique et activateur pour ces cellules. Le TNF-α augmente la production de l’IL-8 par les cellules épithéliales et les neu-trophiles, entretenant les phénomènes de recrutement cellu-laire. Le TNF-α entraîne aussi - avec l’IL-1β et le α-interféron - la production de substances protéolytiques par les polynu-cléaires, pouvant participer à l’aggravation de l’emphysème. Il existe ainsi une corrélation négative entre le taux de neutrophi-les et le taux d’IL-8 dans l’expectoration induite d’une part, et le VEMS d’autre part ; mais, dès le stade précoce de la BPCO, les stigmates inflammatoires biologiques sont présents.

Les corticoïdes sont-ils efficaces au cours de la BPCO ?

Les études sur l’intérêt de la corticothérapie au cours de la BPCO sont très nombreuses, mais leurs résultats sont dis-cordants selon le recrutement des patients, leur sévérité, les critères de jugement, voire l’interprétation. Globalement, ce traitement est nettement moins actif dans la BPCO qu’au

cours d’une autre pathologie inflammatoire obstructive très fréquente, l’asthme.

Sur les phénomènes inflammatoires biologiques, l’étude de Keatings et coll. [6] montre que l’impact de la corticothé-rapie inhalée ou orale est très différent selon qu’elle est uti-lisée dans l’asthme ou la BPCO. Les auteurs ont mesuré la cellularité, les taux de TNF-α, d’IL-8, d’eosinophilic cationic protein (ECP), d’eosinophil peroxidase (EPO), de myélope-roxidase (MPO) et de lipocaline neutrophile humaine (HNL) dans l’expectoration induite de patients traités par corticoïdes inhalés (budésonide 800 μg 2 fois par jour). Un suivi clinique (carte de symptômes) et fonctionnel (VEMS, débit de pointe) complétait la surveillance.

Quinze patients ayant une BPCO sévère en état stable (VEMS moyen 35,1 ± 1,3 %) ont reçu le budésonide pendant 15 jours. La corticothérapie inhalée n’a modifié ni leur fonc-tion respiratoire, ni les marqueurs de l’inflammation analysés dans l’expectoration induite, qu’il s’agisse du taux de polynu-cléaires neutrophiles ou des autres marqueurs (TNF-α, ECP, EPO, MPO, HNL).

Cette étude a été refaite en utilisant un traitement per os (prednisolone 30 mg/j pendant 2 semaines) afin de s’assu-rer que le manque d’efficacité n’était pas lié à un problème de diffusion de la corticothérapie inhalée chez des patients ayant une obstruction bronchique sévère. Dans cette seconde phase, 10 asthmatiques atopiques (VEMS moyen 95,9 ± 5,7 %) et 8 BPCO (VEMS 48 ± 6,8 %) ont été inclus. On observe une amélioration fonctionnelle (VEMS, débit de pointe matinal), et une diminution des besoins en bronchodilatateurs chez les asthmatiques, alors qu’il n’y a pas de modification en cas de BPCO. L’éosinophilie dans l’expectoration diminue en cas d’asthme, mais ni le pourcentage d’éosinophiles, ni le taux anormalement élevé de neutrophiles n’ont changé dans la BPCO. Chez ces derniers, les concentrations d’ECP, d’EPO et de TNF-α restent inchangées, tandis que les concentra-tions de MPO et HNL tendent à diminuer sans atteindre la signification statistique.

Au total - et avec les limites liées à la courte durée de la corticothérapie prescrite - l’action des corticoïdes sur les éosi-nophiles est confirmée au cours de l’asthme, mais en cas de BPCO ni l’inflammation à neutrophiles, ni les taux d’ECP et d’EPO ne sont modifiés.

Une revue Cochrane en 2007 [7] a analysé l’impact de la corticothérapie inhalée (CSI) au cours de la BPCO. L’existence d’une hyperréactivité bronchique ou d’une réversi-bilité de l’obstruction sous bronchodilatateur d’action rapide, n’étaient pas des critères d’exclusion dans les études prises en compte, et 47 études regroupant plus de 13 000 patients ont été revues. Globalement, ni le déclin du VEMS, ni la mor-talité ne sont modifiés par les CSI, mais on note une réduc-tion du nombre d’exacerbations et du déclin de la qualité de vie. Les tests utilisant la corticothérapie orale, ou la notion

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d’hyperréactivité bronchique ou de réversibilité sous bron-chodilatateur, n’étaient pas prédictifs de l’efficacité des CSI. Quant aux effets secondaires, ils étaient essentiellement locaux (raucité de la voix, candidose oropharyngée).

L’étude TORCH [8] est sans doute l’étude clinique la plus importante sur l’intérêt des CSI au cours de la BPCO. Ses résultats n’étaient pas disponibles pour l’analyse Cochrane publiée seulement deux mois plus tard [7]. Elle confirme l’in-térêt de l’association CSI + β-sympathomimétique sur la qua-lité de vie, le nombre d’exacerbations, et le VEMS au cours de la BPCO. Par contre, elle manque de peu son objectif princi-pal – démontrer une diminution de la mortalité dans le groupe traité – et retrouve un excès de pneumonies dans le groupe traité par CSI.

Ces résultats ont alimenté la discussion sur le rôle res-pectif des CSI et des bronchodilatateurs, en l’occurrence des β-sympathomimétiques, au cours de la BPCO. Dans l’étude TORCH, le meilleur résultat en terme de survie est observé avec l’association CSI + β-sympathomimétique (mortalité globale de 12,6 % à trois ans), mais le moins bon l’est dans le bras fluticasone seule (à 3 ans 16 % de décès versus 15,2 % dans le groupe placebo) [8]. Une étude post hoc de TORCH suggère que l’amélioration de survie est surtout liée à l’utilisa-tion du salmétérol, et non pas de la fluticasone [9]. Une autre source de discussion tient à des biais méthodologiques [9] :

de nombreux patients inclus dans les études reçoivent – un traitement inhalé avant la randomisation et sont sevrés de ces médicaments pour entrer dans les essais. On risque alors de mettre en évidence plus un effet délétère de l’arrêt du traite-ment qu’une amélioration de la BPCO lors de son initiation ;

le nombre de sorties dans ces études est important, – et les résultats en intention de traiter sont biaisés. Ce biais n’existe pas pour le calcul de mortalité dans TORCH, mais est présent sur ce critère dans d’autres études, et dans les objectifs secondaires (nombre d’exacerbations, qualité de vie, fonction respiratoire) de l’étude TORCH.

À quoi est liée la corticorésistance dans la BPCO ?

L’équipe du Professeur P. Barnes s’est particulièrement intéressée à cette question.

Leur réflexion part de la moindre efficacité des gluco-corticoïdes chez les asthmatiques fumeurs ou ex-fumeurs par rapport aux asthmatiques non fumeurs. On sait que l’action des corticoïdes passe par une cascade de réactions cellulaires : après fixation sur un récepteur cytosolique, le couple corti-coïde et récepteur activé migre vers le noyau cellulaire où il se fixe sur l’ADN et va entraîner la synthèse par la cellule de molécules anti-inflammatoires. Il est aussi capable d’inhiber certaines voies métaboliques qui accélèrent la formation de

molécules pro inflammatoires tels que le nuclear factor - kap-paB (NF-κB) et l’activateur protéique 1 (AP-1). Mais il existe une action répressive de ces molécules sur l’effet des corticoï-des de sorte que, si elles sont présentent à des taux élevés, le traitement sera peu efficace [10].

Par ailleurs, les glucocorticoïdes agissent au niveau nucléaire en activant le système des histones dé-acétylases, qui interviennent dans l’enroulement de l’ADN, empêchant l’exposition de sites impliqués dans la synthèse de molécules pro-inflammatoires [11]. Corticoïdes et histones dé-acétyla-ses diminuent l’activité des histones acétyl-transférases qui, à l’inverse, déroulent l’ADN (fig. 2). Or, certains composés du tabac (oxydants) ont un rôle opposé sur ces deux systèmes enzymatiques et empêchent ainsi les corticoïdes d’agir.

Les anticholinergiques ont un effet anti inflammatoire

L’acétylcholine n’est pas une exclusivement neuronale. Cette substance, associée au système parasympathique, inter-vient via une fixation à des récepteurs cellulaires nicotiniques ou muscariniques.

Fig. 2.

Mécanismes de corticorésistance au cours de la BPCO [11].GC : glucocorticoïdes, HDAC : histone dé-acétylase ; HAT : histone acétyl-transférase ; action inhibitrice, action stimulante.Les toxiques inhalés inhibent le système des histones dé-acétylases et activent celui des histones acétyl-transférases et le NF- B. Ils permettent ainsi la transcription des sites ADN de synthèse de molécules pro-inflammatoires (TNF- , IL-8, MMP-9) et diminuent l’action des corticoïdes.

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Tous les composants du système cholinergique ont été retrouvés dans des cellules non neuronales chez les mammifè-res [12]. Leur présence permet à ces cellules de moduler une partie de leur activité biologique en réponse à certaines stimu-lations. Ainsi, la stimulation cholinergique des macrophages entraîne la production de leucotriènes B4 (LTB4), celle des fibroblastes une synthèse de collagène, celle des neutrophi-les la production de lysozyme, celle des lymphocytes T la pro-duction d’interleukines, etc. Or, ces substances participent à l’inflammation, et le blocage des récepteurs à l’acétylcholine peut donc avoir un effet anti-inflammatoire.

Certains auteurs ont mis en évidence une augmentation du nombre de récepteurs muscariniques de type M3 en cas de BPCO [13]. Ainsi, une substance anti-cholinergique qui blo-que ces récepteurs muscariniques peut avoir une action anti-inflammatoire, en plus de son effet broncho-dilatateur.

In vitro, Bühling F et coll. [14] ont étudié l’impact du tiotropium sur l’activité chimiotactique des neutrophiles en réponse à une stimulation cholinergique, et sur les récepteurs muscariniques exprimés par les macrophages alvéolaires : ils ont mis en évidence une diminution de plus de 70 % des sécrétions cellulaires induites. Il y a donc une activité anti-in-flammatoire franche par le biais d’une diminution de la syn-thèse de certaines substances, dont le LTB4.

D’autres auteurs [15] ont étudié le rôle des récepteurs muscariniques des fibroblastes issus de poumons humains dans la synthèse de collagène par ces cellules. Ils ont démon-tré que ces récepteurs avaient un rôle de stimulation de la for-mation de collagène, et qu’ils ont potentiellement un effet pro-fibrosant dans le processus de remodelage des voies res-piratoires observé en cas de BPCO. Le tiotropium, en inhi-bant la formation de ces substances, peut donc contribuer à un effet positif à long terme, indépendamment de son action bronchodilatatrice.

Conclusion

En matière de traitement de la BPCO, l’arrêt du tabac est un objectif majeur, mais l’efficacité du sevrage est surtout nette s’il a lieu précocement, avant l’installation d’un trouble obstructif irréversible sévère.

La distension pulmonaire explique une partie impor-tante du handicap au cours de la BPCO, et les pressions éle-vées qui règnent dans les voies aériennes peuvent contribuer aux phénomènes inflammatoires.

L’inflammation observée dans les bronches au cours de la BPCO est difficile à contrôler par la corticothérapie, du fait de l’action du tabac sur le complexe enzymatique des histones dé-acétylases. L’efficacité clinique des CSI reste discutée.

Les broncho-dilatateurs de longue durée d’action - en plus de leur effet bronchique - ont une action anti-inflam-matoire, et peuvent peut-être modifier la mortalité de la BPCO.

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