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ÉDITORIAL Un Cœur-à-Cœur avec Dieu Un bulletin paroissial mensuel BAABDATH sommaire 24 « « D ès la 1ère semaine de ce nouveau mois, nous rentrons dans le Temps de Carême, qui est le temps de préparation et d’approfondissement de notre foi pour que notre cœur puisse accueillir avec plus de sincérité et plus de vérité intérieure le geste d’amour que fait Dieu pour nous sauver. Ce temps de préparation est « le temps du désert » que nous avons à partager avec Jésus qui s’y retire pendant quarante jours pour mieux se préparer à sa mission de fils de Dieu et de messager de sa parole. Ce temps de carême nous invite aussi à nous convertir, c’est-à-dire à retrouver les racines de notre foi, « vous retourner vers Dieu, vers les autres, et vers nous-mêmes pour remettre en nos vies plus d’unité, d’ouverture et de paix ». Ce temps de préparation à la Pâque du Seigneur est aussi un temps de contemplation et de prière. Prier, jeûner et « faire l’aumône sans le claironner devant soi » (Matthieu 6, 2). Voilà le programme que nous propose le Christ pour le retrouver au cœur de son message et retrouver au plus profond de nos cœurs son visage d’amour et de pardon. Partons en carême comme l’on part en pèlerinage vers celui qui est au cœur de notre foi. Bonne route ! Fra’ Jean-Louis MARS 2014 ÉDITORIAL THÈME LITURGIQUE DU MOIS LE CARÊME MÉDITATION DOMINICALE LA PSALMODIE OU LITURGIE DU CŒUR L’ABÉCÉDAIRE DE LA FOI L’ÉGLISE IMAGES ET REPERES MESSAGE DU SAINT PÈRE POUR LE CARÊME LA JOIE DE L’ÉVANGILE MÉDITATIONS I: DIEU ET L’ARGENT-III MÉDITATIONS II: AIMER, EST-CE VRAIMENT POSSIBLE LES CLÉS DE LA PRIERE LES JÉSUITES AU LIBAN-II NOUVELLE ÉVANGELISATION LA NOUVELLE EVANGELISATION, C’EST QUOI? - V ENQUÊTE L’ÉVANGILE EST-IL VRAI ?-III AUTOUR DU CHRISTIANISME PRES DU TEMPLE, LES ADEPTES ETAIENT SOUMIS À LA TENTATION À LA DÉCOUVERTE DES SITES ET ÉGLISES DU LIBAN ANNIVERSAIRE DES SAINTS SAINT PATRICK PROGRAMME DES ACTIVITÉS ET CARNET 1 2 6 18 14 20 24 26 46 48 52 50 34 38 32 40 44 42

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ÉDITORIAL

Un Cœur-à-Cœur avec DieuUn bulletin paroissial mensuel

BAABDATH

sommaire24

« «

D ès la 1ère semaine de ce nouveau mois, nous rentrons dans le Temps de Carême, qui est le

temps de préparation et d’approfondissement de notre foi pour que notre cœur puisse accueillir avec plus de sincérité et plus de vérité intérieure le geste d’amour que fait Dieu pour nous sauver. Ce temps de préparation est « le temps du désert » que nous avons à partager avec Jésus qui s’y retire pendant quarante jours pour mieux se préparer à sa mission de fils de Dieu et de messager de sa parole. Ce temps de carême nous invite aussi à nous convertir, c’est-à-dire à retrouver les racines de notre foi, « vous retourner vers Dieu, vers les autres, et vers nous-mêmes pour remettre en nos vies plus d’unité, d’ouverture et de paix ». Ce temps de préparation à la Pâque du Seigneur est aussi un temps de contemplation et de prière. Prier, jeûner et « faire l’aumône sans le claironner devant soi » (Matthieu 6, 2). Voilà le programme que nous propose le Christ pour le retrouver au cœur de son message et retrouver au plus profond de nos cœurs son visage d’amour et de pardon.Partons en carême comme l’on part en pèlerinage vers celui qui est au cœur de notre foi. Bonne route ! Fra’ Jean-Louis

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ÉDITORIAL THÈME LITURGIQUE DU MOISLE CARÊME

MÉDITATION DOMINICALELA PSALMODIE OU LITURGIE DU CŒURL’ABÉCÉDAIRE DE LA FOIL’ÉGLISE IMAGES ET REPERESMESSAGE DU SAINT PÈREPOUR LE CARÊMELA JOIE DE L’ÉVANGILEMÉDITATIONS I:• DIEU ET L’ARGENT-III

MÉDITATIONS II:• AIMER, EST-CE VRAIMENT POSSIBLE

LES CLÉS DE LA PRIERELES JÉSUITES AU LIBAN-IINOUVELLE ÉVANGELISATION• LA NOUVELLE EVANGELISATION, C’EST QUOI? - V

ENQUÊTE • L’ÉVANGILE EST-IL VRAI ?-III

AUTOUR DU CHRISTIANISME• PRES DU TEMPLE,LES ADEPTES ETAIENT SOUMIS À LA TENTATION

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2 THÈME LITURGIQUE DU MOIS:

LA GRÂCE DU DÉSERT

LE CARÊMEe temps du Carême est un temps privilégié et parmi les plus riches de l’année.Appuyé sur un beau choix de textes bibliques,

conduisant à de riches enseignements spirituels, il aborde, tour à tour, quelques-uns des grands problèmes de la vie et de notre foi chrétienne, en les éclairant à la lumière de la Révélation.Il nous élève progressivement vers la Passion rédemptrice du Christ, débouchant sur la lumière et l’allégresse du jour de Pâques. Mystère de la Résurrection.On voit par là combien ce temps de grâce du Carême, contrairement à beaucoup d’idées reçues, est un temps empreint d’une joie profonde (Triomphe du Christ sur le Tentateur -Transfiguration sur la montagne — Révélation de la Sources vive à la Samaritaine — Guérison de l’aveugle-né — Résurrection de Lazare — Victoire du Christ sur la croix). Une joie austère mais authentique accompagne ainsi ce long cheminement qui monte vers notre Rédemption. C’est dans la force de la bienheureuse espérance, qu’il nous faut savoir

cheminer ainsi, sur les pas du Vainqueur du péché et de la mort.Ainsi, peu à peu, d’étapes en étapes, sommes-nous entraînés à revivre à la suite du Christ notre propre montée à Jérusalem. La Jérusalem nouvelle et éternelle qui marquera le point de ralliement de tous les disciples, une fois parvenus sur l’autre rive où le Christ nous introduira tous ensemble au partage de sa Vie éternelle.

Je suis la Résurrection et la Vie. Qui croit en moi, fût-il mort, vivra.Et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais (Jn 11,26).

En effet si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur, et si tu crois en ton cœur que Dieu l’a ressuscité, tu seras sauvé (Rm 10,9).

Qui me donnera des ailes de colombeque je m’envole et me pose? Vois, je m’enfuirais au loin,

je gîterais au désert (Ps 54,8).

C’est pourquoi je vais la séduire, la conduire au désert et parler à son cœur. Je te fiancerai à moi pour toujours. Je te fiancerai dans la tendresse et dans l’amour. Je te fiancerai dans la fidélité et tu connaîtras le Seigneur ton Dieu (Os 2, 16.21-22).Par excellence, le Carême est le temps du désert.Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert. Et dans ce désert il reste quarante jours tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient (Mc 1,12-13).Le désert !Un cinquième des terres de notre planète est constitué de déserts. Ce n’est pas par hasard. Dans toute vie humaine, un temps arrive, un jour ou l’autre, où chacun doit, de quelque manière, traverser son propre désert. Ce n’est jamais pour rien. Dans l’histoire exemplaire du peuple élu, de la vie du Christ, et de la marche de l’Église, se situe la nécessité d’un temps de passage au désert. Ce n’est pas sans signification profonde.Il y a là plus qu’un secret, plus qu’une valeur, plus qu’un enseignement ; il y a un mystère du désert.Qu’est-ce donc qu’un désert?Le désert, c’est tout d’abord le lieu du dépouillement.Au désert, il n’y a que le minimum et on n’y peut emporter que le minimum. Une terre nue pour porter les pas, sous un ciel nu pour éclairer la marche. Point de végétation : la réalité

minérale du sol s’étend sous la réalité sidérale du firmament. Point d’habitation : en ce lieu où tout parle du Créateur, plus rien n’évoque les créatures. Point de bruit: le silence absolu envahit les ergs et les regs, les dunes et les rocailles. Point d’ombre sous le soleil le jour. Point d’abri contre le froid la nuit. Sur cette terre vide, il faut que l’homme lui-même se vide. L’avoir, le pouvoir, le savoir, ici, ne comptent plus. L’homme au désert, ne vaut plus par ce qu’il a, par ce qu’il fait, par ce qu’il paraît; il vaut par ce qu’il est. Pour vivre, il doit survivre ! Et il ne le pourra que s’il accepte l’impératif de ce dépouillement.Ainsi en est-il de quiconque veut suivre le Christ.Le désert, c’est ensuite le lieu du combat.Du combat contre la fatigue, contre l’inconfort, contre la soif, la solitude, la faim, mais plus encore contre le diable, contre le monde et contre soi-même. Contre le diable qui s’y révèle sans équivoque comme l’Ennemi ramenant ses angoisses, ses fantasmes, ses tentations ; contre le monde, dont le souvenir, l’agacement ou la nostalgie, viennent rejoindre le solitaire jusqu’au fond de sa propre rupture; et contre soi-même, où l’on sent monter en son for intérieur, le bavardage, le murmure, la suffisance, la tiédeur...Alors, il faut lutter. Lutter pour acquérir la paix. Ce n’est plus le moment de la tranquillité mais de l’affrontement. C’est l’heure et le lieu du combat.Nul ne peut marcher derrière le Christ, sans mener ce combat.Le désert c’est ensuite, le lieu où se révèle l’essentiel.Impossible fuite dans le divertissement. Ici, tout se relativise, se rapetisse, s’essentialise. Au cœur de ce dénuement, au milieu de cette lutte, se révèle une Présence. La présence même du Créateur du désert. Celui auquel on ne peut pas ne

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3LE CARÊMEpas penser, vers qui on ne peut pas ne pas crier; celui qui se révèle alors si profondément inscrit en soi, si évidemment établi au-dessus de soi, qu’on le découvre au plus intime et au plus haut. Le Dieu du temps et d’avant le temps. Le Dieu de l’univers et de l’histoire. Dieu qui nous remplit l’âme, Dieu qui commande aux éléments, Dieu créateur et animateur du monde. Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, Dieu de mes épreuves, Dieu de mon cœur, Dieu de Jésus-Christ !À chacun, le désert de la vie rappelle qu’il n’est d’autre absolu que Lui.C’est alors que le désert se révèle enfin comme une grâce d’émerveillement.« Le plus beau du désert c’est qu’il cache un puits quelque part. » Après la morsure de la nuit glacée, c’est l’enchantement du soleil levant : l’heure où la terre sort de l’ombre, où les bleus dessinent l’horizon, où l’âme s’éveille devant Dieu. Dieu, toi mon Dieu, je te cherche dès l’aurore, mon âme a soif de Toi. Terre sèche, altérée et sans eau, mes lèvres diront ton éloge (Ps 62,2). Après la brûlure du plein midi, c’est l’émerveillement du soleil couchant : les montagnes s’endorment, les dunes s’assoupissent, la douceur du soir efface la rudesse du jour : En paix je me couche, aussitôt je m’endors, Toi seul, Seigneur, tu m’établis en sûreté (Ps 4,9). L’attrait du monde est oublié. La force du Christ a triomphé de l’Adversaire. Au soir les larmes, au matin les cris de joie! (Ps 29,6). Au tréfonds de son cœur, la Présence de Dieu a tout lavé, tout apaisé. Dieu seul est là, mais en Dieu il y a le monde, et mon cœur contient le Dieu du monde !La distance révèle une présence. La rupture déborde sur la communion. Tous les amis sont retrouvés. Les ennemis sont pardonnés. Devant ta face plénitude de joie et à ta droite délices éternelles (Ps 15,11). Tout est réconcilié. Tout est unifié. Émerveillement de cette Plénitude ! Par le plus intime de soi on atteint au plus universel.Dieu est Bien tout et en tous. Il est partout et pour toujours. Le désert nous le dit : « Dieu seul suffit ! »Lieu du dépouillement et du combat, lieu de l’essentiel et de l’émerveillement, tel est le désert où le Christ s’enfonce. Jésus y est, nous dit saint Marc, vivant parmi les bêtes sauvages: c’est le dépouillement. Il y est tenté par Satan: c’est le combat. Il y part poussé par l’Esprit: c’est le lot de toute vie. Et les anges de Dieu le servaient: c’est la grâce de l’émerveillement.Nous devons, à sa suite, aller au désert nous aussi. Car, le désert, de quelque façon, nous le connaissons tous. Désert de la maladie, désert de l’échec, désert de la solitude ; désert de la banalité d’une existence monotone, de la sécheresse d’une vie intérieure sans joie, de la désillusion, du divorce, du doute, ou de cette platitude fade que les mystiques appellent acédie... Chacune et chacun de nous a connu ou connaîtra la traversée nécessaire de son propre désert. Et le temps du carême est revenu nous invitant à nous avancer sur le chemin

dépouillé qui conduit à la pâque vers la vie.Alors, souvenons-nous ! Souvenons-nous toujours que ce temps aride est celui d’une grâce authentique.La grâce d’un vrai dépouillement tout d’abord. Ce dépouillement qui nous libère et nous purifie : Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive (Mc 8,34). Aucun attachement à Dieu n’est possible si nous n’avons pas commencé par un détachement de tout ce qui nous détourne de lui. Disons-le avec délicatesse, mais disons-le dans la vérité : nos épreuves de dépouillement nous conduisent, en finale, à un vrai grandissement, si nous les vivons à la lumière de l’Esprit et à la suite du Christ. Tel deuil, tel échec, telle incompréhension, telle faillite, telle nuit... n’ont-ils pas été souvent pour nous comme autant de grâces ? De grâces du désert d’où nous sortons purifiés et grandis.Le désert nous offre ensuite à tous la grâce du bon combat (Ep 6,13). Car on ne peut, sans combat, demeurer honnête, rester pur, prier sans cesse; on ne peut témoigner, servir, aimer, sans lutter quotidiennement. C’est cela aussi que nous apprend la traversée de nos déserts, au bout desquels nous est enfin donnée la paix, la vraie paix, celle qui n’est pas en-deçà, mais au-delà du combat. La paix du Christ.Alors, nous pouvons entrer dans la découverte de l’essentiel. Ce que nous aurions aimé faire ne s’est pas réalisé. Ce que nous aurions voulu dire n’a pas pu s’exprimer. Ce que nous avons construit, enfanté, mûri, s’est effondré, a dévié, a péri...Mais voici qu’au-delà de ce désert, une terre nouvelle s’est mise à fleurir. Une source a jailli au milieu de cette aridité (Is 43,20).Une lumière a brillé, un visage s’est dévoilé devant nous, et, de notre propre mort, nous avons vu surgir la vie ! L’essentiel nous a été révélé qui nous fait dire : « C’est vraiment Dieu qui est Premier. »Nous pouvons entrer, enfin, dans un émerveillement tout neuf. Certes, jusqu’à la fin, demeure la rugosité d’une existence toujours un peu austère. Mais la certitude acquise de l’amour incessant de Dieu pour nous, nous introduit déjà au partage d’une solide joie. Joie sans nom d’avoir enfin découvert le visage de notre Père éternel (7n 14,9). Joie sans mesure de donner la main à notre Epoux divin (7n 3,29). Joie sans fin de puiser avec l’Esprit aux sources mêmes du salut (Is 12,3).Le premier Adam, chassé du paradis, a dû partir vers le désert (Gn 3,23) de la campagne aride ou de la ville anonyme. Le nouvel Adam nous a rejoints au désert de notre cœur, et au cœur des villes, pour nous ramener en paradis.Il disait : Les temps sont accomplis. Le Royaume de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle (Mc 1,15).

LA TRIPLE CONVERSIONJe sais qu’ils n’écoutent point. C’est un peuple à la nuque raide. Mais, dans le pays de leur exil ils rentreront en eux-mêmes et connaîtront que je suis le Seigneur leur Dieu. Je leur donnerai un cœur et des oreilles qui entendent. Pour eux, j’établirai une alliance éternelle ; et je serai leur Dieu et ils seront mon peuple (Ba 2,30-31.35).

Par excellence, le Carême est aussi le temps de la conversion.Le temps de Carême dans lequel nous entrons, et pour quarante jours d’affilée, nous invite à la conversion, c’est-à-dire au retournement. Nous sommes tous en effet comme «détournés ». Détournés de la prière, de la charité, de l’ascèse. Il nous faut incessamment y revenir. Nous retourner vers Dieu, vers les autres et vers nous-mêmes pour remettre en nos vies plus d’unité, d’ouverture, de paix.Aussi, chaque année, l’Église nous propose-t-elle ce que l’apôtre Paul appelle un temps favorable et, plus précisément encore le jour du salut (2 Co 6,2 ; Jl 1,15; 2,1). C’est-à-dire celui où nous disons « oui » par la conversion à la grâce

reçue de Dieu, afin qu’elle ne reste pas sans effet (2 Co 6,1).

Ce retournement nous réoriente d’abord vers Dieu. Quand le prophète Joël propose un rassemblement, c’est un rassemblement autour du Seigneur. Et le regroupement ainsi organisé se fait dans le Temple et constitue par là même une assemblée sainte (Jl 2, 16-17). Revenez à moi de tout votre cœur, déclare le Seigneur, car je suis un Dieu de tendresse (2, 12).Faisant écho au prophète Joël, s’adressant au peuple d’Israël, Paul, parlant aux Grecs de Corinthe, relance le même appel en disant : Nous vous en supplions au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu (2 Co 5,20).Le Christ Jésus lui-même n’hésite pas à nous dire à chacun: Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre. En d’autres termes, retourne-toi vers Dieu. Et ton Père qui voit dans le secret, te le rendra (Mt 6,6).Nous voici bien instamment invités, en ce jour, à nous tourner vers le Seigneur. Posons-nous donc sincèrement la

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4 THÈME LITURGIQUE DU MOIS:

MÉDITER LA PAROLE DE DIEUTiens-toi à ce que tu as appris et dont tu as acquis la certitude. Tu sais de quel maître tu le tiens, et c’est depuis ton plus jeune âge que tu connais les Saintes Lettres. Elles sont à même de te procurer la sagesse qui conduit à la foi dans le Christ Jésus. Toute Écriture est inspirée par Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice. Ainsi l’homme de Dieu sera-t-il accompli, équipé pour toute œuvre bonne (2 Tm 3,14-17).

Par excellence, le Carême est enfin le temps de la contemplation.L’Évangile est tissé de paradoxes qui s’éclairent entre eux, mutuellement, et s’équilibrent par le jeu de leurs contrastes. La réalité humaine est complexe en effet ; les circonstances où nous vivons sont multiples et variées et les réponses que nous pouvons y apporter doivent donc être appropriées. Jésus qui connaît parfaitement le monde qu’il a créé et l’homme qu’il a racheté, le sait mieux que quiconque.C’est pourquoi nombre de ses exhortations trouvent leur complément dans des affirmations parallèles dont le contraste, volontairement appuyé, nous fait monter vers une vérité de plus en plus mise en lumière. Ainsi sommes-nous conduits sur le chemin des paradoxes de l’Évangile.

Nous pourrions donc prendre le contre-pied, si l’on ose dire, au nom même des paroles de Jésus dans l’Évangile, de ce

question : vers quoi, vers qui notre vie est-elle orientée ? De fait, elle vient de Dieu et retourne vers lui (Jl 13,3). C’est donc vers notre vraie source de vie et notre véritable terme de joie, de paix, de lumière et d’amour que l’Église et Dieu nous appelant à nous tourner en ce jour. Si nous comprenons d’abord ainsi la conversion, elle ne reste plus quelque chose d’ennuyeux ou de pénible ; mais au contraire une exigence pleine de vérité, une marche libre et joyeuse vers Celui qui nous aime et dont le prophète Joël déjà nous dit qu’il veut nous combler de bienfaits.La conversion au Seigneur ne devient effective en notre vie que lorsque ce grand désir de lui, ce pressant appel à revenir vers lui habite notre cœur. Non pas comme une contrainte ascétique ou une attitude rébarbative, mais comme une marche pleine d’espérance. L’espérance des enfants qui se mettent à courir vers la Maison du Père où le vrai bonheur, enfin reconnu à l’horizon de la vie, les appelle et les attend.Le Carême nous invite ensuite à nous tourner vers les autres. L’assemblée que Dieu convoque dans le livre du prophète Joël, c’est l’assemblée de tout le peuple ; jeunes filles et jeunes gens, époux, vieillards, enfants (3,1-2), sont tous invités à former, autour des prêtres du Seigneur, une assemblée liturgique (2,14).Une assemblée où se vive le jeûne qui plaît à Dieu, c’est-à-dire se traduisant par une vie de stricte justice et d’authentique charité (Is 58,7-8). Nous sommes les ambassadeurs du Christ, renchérit l’apôtre Paul (2 Co 5,20). C’est donc vers nos frères et sœurs que, tous, il nous envoie.La vraie conversion nous tourne aussi vers les autres en nous demandant de partager avec eux le meilleur de nous-mêmes, savoir l’Évangile du salut (Ep 1,13). Et Jésus en personne n’hésite pas à nous dire que cet amour de charité, très concrètement, nous invite aussi à partager. Pour toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que donne ta main droite... Ton Père voit ce que tu fais en secret, il te le revaudra (Mt 6,3).L’Évangile et la Bible entière nous le disent partout à l’envi: il n’est pas de conversion possible à l’amour de Dieu sans un retournement quotidien vers l’amour des hommes. On peut même noter que dans les propos de Jésus, cet exercice de la charité passe avant celui de la prière. Nous n’en finirons donc jamais de nous convertir un peu plus chaque jour le cœur à plus de compassion, d’entraide, d’esprit de service, d’écoute, de bienveillance, de miséricorde. Là où est l’amour, là est Dieu en vérité. Sa présence elle-même est

alors rendue vivante, percep¬tible, manifestée.Ce double amour qui nous oriente ainsi tout à la fois vers le Seigneur et vers notre prochain, nous tourne enfin, paradoxalement mais réellement, au plus profond et au plus vrai de nous-mêmes. Car le Carême est aussi ce temps de grâce où tout nous invite à l’intériorité dans l’accueil comblant de ses bienfaits, comme dit Joël (2,13). Dans l’attention à l’aujourd’hui de sa grâce, comme dit Paul, car nous avons à travailler avec lui, nous est-il rappelé, de façon à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu (2 Co 6,1). Cette grâce actuelle et sanctifiante que la prière active en notre âme et qui nous conduit, un peu chaque jour, à sacrifier quelque chose pour lui, pour apprendre à mieux se maîtriser et à aimer dans la liberté et la vérité. Pour toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage... Ton Père voit ce que tu fais en secret, il te le revaudra. « La révolution qui doit changer le monde commence par soi-même », écrit à juste titre Maurice Zundel.

Ainsi le Carême nous invite bel et bien à nous ré-orienter vers nous-mêmes ; non pas égoïstement ou petitement, mais librement, véritablement, pour devenir, chacun et chacune de nous, ce que nous sommes de mieux, c’est-à-dire de vrais enfants de Dieu. Nous découvrons alors, émerveillés, enthousiasmés au-dedans de ce cœur plus vaste que l’univers, puisque contenant Celui que l’univers ne contient pas, la présence même du Dieu trois fois saint nous donnant d’avoir part à sa propre divinité !« Ô Dieu qui scrutes les reins et les cœurs, écrit saint Anselme, tu pénètres les secrets de ma pensée. Devant toi est à découvert ce que tu as semé dans mon âme et qui peut t’être offert ; tu connais aussi ce que moi-même ou l’homme ennemi avons répandu. Ce que tu as semé, nourris-le, fais-le croître jusqu’à son achèvement. De même que je n’ai rien pu commencer de bon sans toi, de même je ne puis l’achever loin de toi. Ne me juge pas, ô Dieu de miséricorde, d’après ce qui te déplaît en moi, mais ôte de moi ce que tu n’y as pas mis. Je ne puis me corriger moi-même sans toi. »

Oui, Seigneur, convertis-moi ! Fais-moi revenir, Seigneur, que je revienne (Jr 3,18). Convertis-moi à ta Présence et apprends-moi à prier. Convertis-moi à mes frères et donne-moi de les aimer. Convertis-moi au plus intime de moi-même et dis-moi comment t’y trouver, pour t’y adorer.

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5que ce même Jésus nous dit dans l’Évangile du premier jour du Carême. Non pas pour en faire ressortir les contradictions - il n’y en a pas une seule dans les enseignements du Christ -, mais les nuances et les complémentarités.Prier dans le secret et sans se faire remarquer (Mt 6,6), oui! Cela reste l’exigence de fond de toute prière authentique. Mais sans oublier que Jésus nous invite aussi à témoigner, à agir en fils de la lumière, sans mettre la lampe sous le boisseau. Il a lui-même, si assidu aux liturgies publiques, donné le premier l’exemple de la prière régulière, en Galilée, chaque sabbat à la synagogue et, à Jérusalem, chaque jour dans le Temple. Et il nous dit clairement : Celui qui aura honte de moi devant les hommes, à mon tour j’aurai honte de lui devant mon Père des cieux (Mt 10,33 ; Mc 8,38).Faire l’aumône sans le claironner devant soi (Mt 6,2), oui! La charité n’est vraie que si elle se pratique sans vanité, comme en secret. Mais Jésus dit bien aussi qu’il faut savoir tout mettre en œuvre pour venir en aide, et visiblement s’il le faut, aux malades, aux affamés, aux prisonniers (Mt 25,31s) et donc pour aimer en acte et véritablement (1 Jn 3,18).Jeûner en secret et vivre l’ascèse au fond de son cœur (Mt 6,18), oui ! Tout libre renoncement a pour but premier de plaire à Dieu. Mais sans oublier, comme Jésus nous le rappelle avec force, cette parole du Seigneur : C’est l’amour que je veux et non les sacrifices (Mt 9,13). Et que le Christ lui-même n’a pas craint parce qu’il mange et boit de se faire traiter, même si c’était injus¬tement, d’ivrogne et de glouton. Il n’a jamais dédaigné d’aller s’asseoir à la table des hommes. Ne nous offusquons pas cependant de ces propos contrastes qui ne sont en rien des contradictions. De la juxtaposition de ces paroles évangéliques jaillit en effet un surcroît de lumière. Le sens, la portée et la richesse des paroles du Seigneur que l’Église nous donne à méditer en ce Carême en sont au contraire tout éclairés.C’est ainsi que la prière personnelle et faite au plus secret de son cœur, non seulement n’empêche pas le témoignage, mais, au contraire, le stimule et le fortifie. Nos liturgies sont d’autant plus belles et vraies qu’elles sont précédées et suivies de ces longs temps de méditation, d’oraison et d’adoration au plus profond de l’âme.L’aumône accomplie dans la discrétion et sans témoin n’interdit pas, tout au contraire, tout engagement visible et efficace, dans des œuvres de charité, des quêtes publiques et des organismes d’entraide. Cela sera même d’autant plus vrai et productif que conduit par des cœurs dont Dieu seul sait combien ils peuvent être généreux et donnés.Le jeûne le plus vrai demeure celui qui plaît d’abord à Dieu. Mais il est bien dit aussi, et l’Église elle-même l’enseigne, qu’il petit être fait et partagé en famille, en communauté, et que cet exemple mutuel, cet entraînement collectif, est d’autant mieux vécu et devient même stimulant pour tous, qu’il est déjà porté devant Dieu, dans le secret de sa propre ascèse.Nous voilà donc invités, pour en revenir à la lettre des enseignements de Jésus au début de ce Carême, à vivre effectivement l’aumône, la prière et le jeûne. Mais qu’est-ce que le jeûne, la prière et l’aumône ? L’aumône est un don fait sans attente de retour. Elle établit un lien entre nous-mêmes et autrui. La prière est une parole revue de Dieu et offerte à Dieu. Elle se situe donc entre nous et le Père du ciel. Le jeûne est la libre transposition d’un besoin vital en renoncement consenti pour une offrande d’amour libératrice. Il nous place entre nous et les fruits de la création.Ainsi nous apparaît cette dimension de gratuité, dans le don de nous-mêmes et de liberté, toujours vis-à-vis de nous-mêmes, mais qui nous tourne avec dignité, joyeux détachement et humilité, et vers Dieu et vers les autres et vers chacun de nous. Mais avec, à chaque fois, la mystérieuse rencontre de Celui qui est Notre Père. Ce Dieu jamais vu ni jamais entendu (7n 1,18 : 5,37 ; 1 In 4,12), mais dont le regard et la présence nous sont alors clairement manifestés au plus profond de notre cœur !

Il est intéressant cependant de noter, à ce stade, que, si l’entrée en Carême marque une mise en marche de l’Église, nous ne sommes pas pour autant les seuls parmi tous les croyants mettre ainsi en avant le jeûne, la prière et l’aumône. C’est la même étonnamment un trait commun à toutes les religions du monde. Des temples aux mosquées, des pagodes aux ashrams, des synagogues aux églises, partout, et en un sens depuis toujours, l’homme croyant se sent appelé à jeûner, à partager et à prier.

II nous faut savoir contempler, pour en louer le Dieu de l’univers, Père des miséricordes (2 Co 1,3), ce long fleuve de générosité dans le partage, d’adoration, de supplication et de louange, d’ascèse volontaire pour plus de maîtrise de soi, qui irrigue secrètement mais si réellement le monde. Du prophète Élie au Mahatma Gandhi, de Jean Baptiste au désert aux musulmans faisant le Ramadan, et de Jésus de Nazareth à toute la chrétienté marchant à sa suite, tout cela se vit sous le regard de Dieu qui nous a créés, nous soutient et nous attend !Chrétiens, nous vivons néanmoins cela de manière toute particulière, à la suite du Christ, selon son exemple et dans l’esprit de ses enseignements. Ce n’est pas en vain et sans signification en effet, si ces exhortations de Jésus sont au cœur du Sermon sur la montagne. La ligne de partage ne se situe pas pour autant ici entre l’Évangile et les pratiques analogues des autres religions. La frontière passe entre la pratique hypocrite (le terme revient à trois reprises dans la bouche de Jésus : Mt 6,2.5.16) et la sincérité cachée. Entre la suffisance affichée et l’humble authenticité vécue. Nous avons à vivre cela, non seulement sous le regard d’un Dieu Très Haut et Tout-Puissant, mais d’un Père qui nous rejoint, en secret, dans la tendresse et la joie d’un cœur à cœur.Jésus nous appelle ainsi avec fermeté à ne pas déguiser en acte religieux une motivation conformiste. À passer de l’horizontalité des considérations de l’entourage à la verticalité de ce qui plaît au Père des cieux. On voit par là combien une chrétienté, vivant authentiquement et joyeusement sa marche de Carême, peut se situer, sans discours mais éloquemment, en face d’un monde qui se voudrait essentiellement régi par les lois du marché où tout est monnayé et monnayable ; de la fausse transparence qui, pour se dire totale, ne respecterait plus le secret de l’âme et de la conscience ; d’une société du spectacle où chacun n’existerait que dans la mesure où il est reconnu et fait parler de lui.

À nous donc de vivre ce que le Christ nous redit, en ce commencement du Carême, ce temps de grâce du Carême qui est notre marche commune vers l’allégresse de Pâques.Nous goûterons alors la paix de la Présence aimante du Père au plus intime de notre cœur. Notre vie pourra refléter cette joie qui vient de Dieu nous donnant de devenir, comme le souhaite saint Paul, la bonne odeur du Christ. Et nos visages, lavés par le jeûne, la prière et la charité, pourront poser sur toutes choses, un regard de bénédiction !

LE CARÊME

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6 MÉDITATION DOMINICALE - I

ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRISTSELON SAINT MATTHIEU 6, 24-34

POUR MÉDITER L’ÉVANGILE

2 MARS 2014 8e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

« Dieu, Père de son peuple »Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : « Aucun homme ne peut servir deux maîtres : ou bien il détestera l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. C’est pourquoi je vous dis : Ne vous faites pas tant de souci pour votre vie, au sujet de la nourriture, ni pour votre corps, au sujet des vêtements. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne font ni semailles ni moisson, ils ne font pas de réserves dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? D’ailleurs, qui d’entre vous, à force de souci, peut prolonger tant soit peu son existence ? Et au sujet des vêtements, pourquoi se faire tant de souci ? Observez comment poussent les lis des champs : ils ne travaillent pas, ils ne filent pas. Or je vous dis que Salomon lui-même, dans toute sa gloire, n’était pas habillé comme l’un d’eux. Si Dieu habille ainsi l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui, et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi ? Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : ‘Qu’allons-

nous manger ? ‘ ou bien : ‘Qu’allons-nous boire ?’ ou encore : ‘Avec quoi nous habiller ?’ Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus le marché. Ne vous faites pas tant de souci pour demain : demain se souciera de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. »

L’AMOUR SE VEUT RÉCIPROQUELa première lecture de ce dimanche est courte, mais forte. C’est une des plus belles déclarations d’amour que Dieu nous adresse dans la Bible : « Je ne t’oublierai pas, de même qu’une mère ne peut oublier son enfant. » Le constat des séquelles psychologiques que provoque immanquablement l’avortement vient tristement confirmer cette phrase : une mère n’oublie jamais son enfant. L’Évangile répond à cet amour viscéral de Dieu par l’exigence demandée au disciple: se consacrer à Dieu. Lui donner tout notre cœur, ne pas penser, parler ou agir sans lien avec lui. Et s’abandonner avec confiance en ses mains. Ne pas se soucier de ce que nous allons devenir, parce que lui s’en préoccupe. Saint Paul va plus loin que l’abandon de soi sur le plan terrestre et matériel : il abandonne à Dieu le jugement de son âme, il s’en remet à lui au sujet de son sort céleste et spirituel. « Celui qui me juge, c’est le Seigneur », nous dit-il dans la seconde lecture.Tout cela peut nous paraître bien beau, mais inaccessible. Il n’en est rien : nous y arrivons, par exemple, envers un être humain, quand nous lui consacrons notre vie dans le mariage. Ce processus d’amour est exactement le même entre mon conjoint et moi qu’entre Dieu et moi. L’amour commence en effet par faire attention à l’autre, par se rendre compte qu’il existe, et qu’il a des qualités. Il commence encore quand l’un voit l’autre au-delà des apparences, quand il creuse sa personnalité. Cette découverte est rarement immédiatement réciproque : il faut que l’un devienne plus présent, plus insistant dans son regard et ses questions, ou qu’il déclare sa flamme pour être remarqué, et contemplé à son tour. Alors, tandis que l’on scrute l’autre, on se laisse scruter. On admet que l’autre entrevoie notre vulnérabilité, nos défauts, qu’il ait progressivement accès à nos secrets, parce qu’on sait qu’il nous aime, et qu’il ne profitera pas de connaître le défaut de notre cuirasse pour nous occire. On s’abandonne à lui. On ne sait pas ce qu’on fera le week-end ensemble, mais cela importe peu : l’autre a sans doute une idée là-dessus ; de toute façon, nous serons ensemble, et c’est là l’essentiel. Voilà comment nous réagissons envers un être humain qui nous aime, au point de s’intéresser à nous, et de se livrer à nous. Nous devons agir ainsi, lentement mais sûrement, ou alors ce n’est pas de l’amour véritable. L’amour exige ce total abandon, et la réciprocité du don de soi. Déjà sur le plan humain, un tel abandon est « risqué ». C’est un renoncement à son égoïsme, à l’auto-idolâtrie. Certains hésitent à réellement jouer le jeu du mariage, soit en ne se présentant pas à l’église, soit en ne se donnant pas vraiment dans leur échange des consentements. Nous, nous ne devons pas tricher avec Dieu, parce qu’il ne triche pas avec nous quand il dit qu’il nous aime. Il ne simule pas l’amour pour nous vampiriser notre vie durant ; au contraire, il nous a aimés jusqu’à s’incarner et mourir pour nous sur la croix.Faisons attention à Dieu, contemplons-le sans les préjugés habituels (« Il a permis la mort de ma mère », « Il n’a rien fait contre le tsunami », etc.), et laissons-nous conquérir... Abbé Arnaud Spriet

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7MÉDITATION DU MERCREDI DES CENDRES

ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRISTSELON SAINT MATTHIEU – Mt 6, 1-6. 16-18

POUR MÉDITER L’ÉVANGILE

5 MARS 2014 MERCREDI DES CENDRES

« Ton Père voit ce que tu fais en secret »

Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : « Si vous voulez vivre comme les justes, évitez d’agir devant les hommes pour vous faire remarquer. Autrement, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux. Ainsi, quand tu fais l’aumône, ne fais pas sonner de la trompette devant toi, comme ceux qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense. Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que donne ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais en secret : il te le revaudra. Et quand vous priez, ne soyez pas comme ceux qui se donnent en spectacle : quand ils font leurs prières, ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et les carrefours pour bien se montrer aux hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense. Mais toi quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais en secret : il te le revaudra.

Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme ceux qui se donnent en spectacle : ils se composent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense. Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais en secret : il te le revaudra. »

DES CENDRES POUR CROÎTRE EN VÉRITÉVoici venu le temps de la pénitence pour que nous nous préparions, catéchumènes et pénitents réunis, à l’élévation glorieuse du Seigneur juste après les heures douloureuses de sa Passion. Cette pérégrination vers le calvaire est amorcée par une journée de jeûne, de prière et de partage, pour nous mettre dans les conditions du dépouillement, afin d’être réellement enrichis de celui qui donne la vie. La liturgie prévoit alors de le manifester avec ces gestes évocateurs par eux-mêmes en nous couvrant de cendres, comme au temps de l’ancienne alliance, lorsqu’on voulait vivre une pénitence, efficace, publique et significative. Ainsi l’imposition des cendres viendra marquer notre front pour nous rappeler notre petitesse, et nos limites, afin d’accepter de grandir selon la volonté de Dieu pour entrer dans son éternité, en abandonnant ce qui fait notre imperfection. Nous serons épurés par le feu de la charité, que le Christ offrira au monde entier sur la croix, et qu’il partagera en nous ouvrant la voie de la vie éternelle et définitive dans sa résurrection.

Que par le jeûne, nous puissions mieux nous unir à ceux qui seront plongés dans le bain baptismal et qui dans ces derniers temps entrent inexorablement dans les tentations du désespoir ou de l’abandon. À leur côté, nous, baptisés, et donc pécheurs pardonnés, païens convertis, déjà réconcilies, nous voulons les encourager et nous associer à leur combat, tout comme nous voulons mieux nous unifier en associant notre corps au combat de l’esprit, libérant ainsi provisoirement l’âme des pesanteurs de la chair. Elle prend la première place en cette journée particulière, où nous voulons porter la terre entière. Le jeûne offrant un temps supplémentaire pour la prière en la stimulant et en l’honorant

d’une bien piètre privation qui pourtant en ce jour particulier prend souvent l’allure d’une impossible offrande. Retrouvant le chemin plus direct de l’unification à Dieu, par le jeûne et la prière, nous déclenchons inexorablement le partage de la joie et des biens que nous abandonnons pour mieux les donner à ceux qui en ont le plus besoin. Privation, prière et partage seront les ingrédients d’un carême réussi, qui nous conduit aux jours où la vie triomphe de la mort par l’amour.Portons dans notre prière ces catéchumènes qui de façon providentielle ont été touchés par la grâce du sauveur auprès de qui ils veulent puiser leur vie en étant bientôt plongés dans sa mort et sa résurrection. Craignons d’en perdre sur le chemin par notre indifférence, surtout par notre faute ou notre manque de fraternité, comme si à notre tour nous n’étions pas changés, sauvés et illuminés par le Christ notre Seigneur, lui le chemin, la vérité et la vie.

Abbé Guillaume Seguin

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8 MÉDITATION DOMINICALE - II

ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRISTSELON SAINT MATTHIEU – Mt 4, 1-11

POUR MÉDITER L’ÉVANGILE

9 MARS 2014 1er DIMANCHE DE CARÊME

« Jésus tenté par le mal »Alors Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. » Mais Jésus répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Alors le diable l’emmène à la Ville sainte, le place au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » Le démon l’emmène encore sur une très haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire. Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si tu te prosternes pour m’adorer. » Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est devant le Seigneur que tu prosterneras, et c’est lui seul que tu adoreras. » Alors le démon le quitte. Voici que des anges s’approchèrent de lui, et ils le servaient.

LE CHRIST SAUVEURLe Christ sauve tout notre êtreQuarante jours au désert rappelant les quarante années d’errance du peuple d’Israël, le sauveur retourne à la poussière pour faire sienne l’errance de son peuple et s’unir au premier homme, Adam, tiré de cette même poussière. C’est dans la création que la tentation permit le péché, c’est dans sa personne, vrai Dieu et vrai homme que le Christ veut vaincre pour nous cette tentation.

Le Christ sauve notre corpsComme il avait tenté Ève par son fruit désirable, le tentateur, usant du même stratagème, propose au Christ de soulager sa faim. Car Jésus-Christ, vrai homme, a faim et nous aussi avons faim de multiples désirs charnels. Notre Seigneur élève ces désirs au seul bien qui peut les transcender sans les nier, la parole de Dieu.

Le Christ sauve notre espritComme il avait trompé nos premiers parents en ruinant leur confiance en Dieu: « Pas du tout, vous ne mourrez pas », le tentateur propose au Christ Jésus de satisfaire un besoin naturel de l’esprit humain : tenter de réduire sa confiance en Dieu en lui demandant des preuves évidentes. À cette confiance ruinée, le Christ oppose la foi de qui se sait aimé de Dieu.

Le Christ sauve notre âmeVoyant que l’homme et la femme étaient faits pour Dieu, le serpent les trompa en leur proposant de devenir « comme des dieux » par la connaissance du mal (puisque du bien ils vivaient déjà.). Avec le Christ, le démon use du même artifice: tenter de détourner son âme de l’adoration de Dieu vers l’idolâtrie (puissance, argent, vaine gloire). Le Seigneur se manifeste ici dans sa divinité en repoussant le mal.Nous voici à sa suite, au début du carême, pour qu’il élève à Dieu notre corps, notre esprit et notre âme, crie ces mots : « Abba, père! » et repousse le mal : « Arrière, Satan ! »

Abbé Martin Roussel

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9MÉDITATION DOMINICALE - III

ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRISTSELON SAINT MATTHIEU – Mt 17, 1-9

POUR MÉDITER L’ÉVANGILE

16 MARS 2014 2e DIMANCHE DE CARÊME

« Jésus transfiguré »Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière. Voici que leur apparurent Moïse et Élie, qui s’entretenaient avec lui. Pierre alors prit la parole et dit à Jésus: « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! Si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il parlait encore, lorsqu’une nuée lumineuse les couvrit de son ombre, et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! » Quand ils entendirent cela, les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande frayeur. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : « Relevez-vous et n’ayez pas peur ! » Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul. En descendant de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez de cette vision à personne, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. »

DU DÉSERT À LA MONTAGNE SAINTELe deuxième dimanche de carême nous invite à contempler ce qui est notre vocation : la glorification de notre corps dans une communion de filiation renouvelée par la personne de Jésus-Christ, Parole éternelle du Père. La semaine précédente, avec les tentations au désert, nous mesurions comment Jésus s’est rendu solidaire de notre condition humaine confrontée à la tentation. Ce dimanche, c’est la divinité du Christ qui transparait au-delà de la chair. Le Seigneur, dans son infinie délicatesse, a anticipé sa victoire devant Pierre, Jacques et Jean pour les préparer à la grande épreuve de la croix et les affermir dans la foi. Ils se sont souvenus, aux terribles heures de la passion, de cette illumination du ciel sur la montagne. Tout a pris sens dans le souffle de la pentecôte. Pour notre marche vers Pâques, nous recevons comme Pierre, Jacques et Jean ce cadeau de la transfiguration comme une anticipation de la victoire finale. Elle donne à notre combat spirituel un but et un sens. Les efforts de carême ont pour but de préparer notre cœur à Pâques et tout ce que nous faisons de concret n’aura de valeur que dans la mesure où cela dispose nos cœurs à vivre intensément le mystère

des jours saints. Tout ce qui nous est proposé dans le mystère de la transfiguration illustre la grâce de notre baptême. La glorification du corps nous rappelle que nous sommes appelés à mourir à la maladie du péché pour renaître d’une vie nouvelle. La voix du Père nous redit que cette nouvelle naissance nous fait entrer dans une relation nouvelle de filiation avec lui. La présence de Moïse et Élie ainsi que l’invitation du Père à écouter son Fils bien-aimé nous remet dans la méditation des Écritures comme lieu éminent de la communion avec Jésus-Christ, la Parole faite chair. Par le baptême nous avons reçu les arrhes de l’Esprit, nous avons goûté dans la foi, comme les apôtres sur la montagne, à la lumière éternelle entraperçue au jour de la transfiguration. Comme la théophanie du baptême du Seigneur, la transfiguration permet au Père de redire le lien si privilégié qui l’unit à son Fils. Au jour de notre baptême également, le Père redit le lien privilégié qu’il veut établir avec nous. Du désert à la montagne, notre chemin de carême est désormais tout tracé. Comme pour Jésus, il nous reste cependant à vivre et à combattre. « Celui qui perd sa vie pour moi et pour l’Évangile, la gagne pour la vie éternelle. » Le combat spirituel n’est pas un combat de plus, c’est notre lutte quotidienne que nous menons avec le Christ, certains de la victoire qu’il a gagnée pour nous au matin de Pâques. Ce n’est pas seulement notre carême qui est appelé à être une marche du désert à la montagne mais toute notre vie.

Abbé Martin Roussel

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10 FÊTE DE SAINT JOSEPH

ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRISTSELON SAINT MATTHIEU – Mt 1, 16. 18-21. 24a

19 MARS 2014 SAINT JOSEPH

Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ. Or, voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret. Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.» Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit: Il prit chez lui son épouse.

Saint Joseph, intercède pour nous

Glorieux Saint Joseph, époux de Marie, accorde-nous ta protection paternelle, nous t’en supplions par le Cœur de Jésus et le Cœur Immaculé de Marie.

Ô toi dont la puissance s’étend à toutes nos nécessités et sait rendre possibles les choses les plus impossibles, ouvre tes

yeux de père sur les intérêts de tes enfants. Dans l’embarras et la peine qui nous pressent, nous recourons à toi avec confiance. Daigne prendre sous ta charitable conduite cet intérêt important et difficile, cause de notre inquiétude. Fais que son heureuse issue tourne à la Gloire de Dieu et au bien de ses dévoués serviteurs.

Ô toi que l’on n’a jamais invoqué en vain, aimable Saint Joseph, toi dont le crédit est si puissant auprès de Dieu que l’on a pu dire « au Ciel Saint Joseph commande plutôt qu’il ne supplie », tendre père, prie pour nous Jésus, prie pour nous Marie. Sois notre avocat auprès de ce Divin Fils dont tu as été ici-bas le père nourricier si attentif, si aimant, et le protecteur fidèle. Sois notre avocat auprès de Marie, dont tu as été l’époux si aimant et si tendrement aimé. Ajoute à toutes tes gloires celle de gagner la cause difficile que nous te confions.

Nous croyons, oui, nous croyons que tu peux exaucer nos vœux en nous délivrant des peines qui nous accablent et des amertumes dont notre âme est abreuvées. Nous avons de plus la ferme confiance que tu ne négligeras rien en faveur des affligés qui t’implorent.

Humblement prosternés à tes pieds, bon Saint Joseph, nous t’en conjurons, aie pitié de nos gémissements et de nos larmes. Couvre-nous du manteau de tes miséricordes et bénis-nous.

Amen.D’après Saint François de Sales

PRIÈRE

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11MÉDITATION DOMINICALE - IV

ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRISTSELON SAINT JEAN – Jn 4, 5-42

POUR MÉDITER L’ÉVANGILE

23 MARS 2014 3e DIMANCHE DE CARÊME

« Une source jaillissante pour la vie éternelle »Jésus arrivait à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source. C’était la sixième heure, environ midi. Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit: « Donne-moi à boire. » – En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter des provisions. La Samaritaine lui dit : « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » – En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains. Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. » Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau vive ? Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ? » Jésus lui répondit : « Quiconque boit de

cette eau aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. » La femme lui dit : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser.» Jésus lui dit : « Va, appelle ton mari, et reviens. » La femme répliqua : « Je n’ai pas de mari. » Jésus reprit : « Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : des maris, tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. » La femme lui dit : « Seigneur, je vois que tu es un prophète !... Eh bien ! Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. » Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. » La femme lui dit : « Je sais qu’il vient, le Messie, celui qu’on appelle Christ. Quand il viendra, c’est lui qui nous fera connaître toutes choses. » Jésus lui dit : « Je le suis, moi qui te parle. » À ce moment-là, ses disciples arrivèrent ; ils étaient surpris de le voir parler avec une femme. Pourtant, aucun ne lui dit : « Que cherches-tu ? » ou bien : « Pourquoi parles-tu avec elle ? » La femme, laissant là sa cruche, revint à la ville et dit aux gens : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? » Ils sortirent de la ville, et ils se dirigeaient vers lui. Entre-temps, les disciples l’appelaient : « Rabbi, viens manger. » Mais il répondit : « Pour moi, j’ai de quoi manger : c’est une nourriture que vous ne connaissez pas. » Les disciples se disaient entre eux : « Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? » Jésus leur dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. Ne dites-vous pas : “Encore quatre mois et ce sera la moisson” ? Et moi, je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs déjà dorés pour la moisson. Dès maintenant, le moissonneur reçoit son salaire : il récolte du fruit pour la vie éternelle, si bien que le semeur se réjouit en même temps que le moissonneur. Il est bien vrai, le dicton : “L’un sème, l’autre moissonne.” Je vous ai envoyés moissonner ce qui ne vous a coûté aucun effort ; d’autres ont fait l’effort, et vous en avez bénéficié.» Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage : « Il m’a dit tout ce que j’ai fait. » Lorsqu’ils arrivèrent auprès de lui, ils l’invitèrent à demeurer chez eux. Il y demeura deux jours. Ils furent encore beaucoup plus nombreux à croire à cause de sa parole à lui, et ils disaient à la femme : « Ce n’est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons : nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »

L’HEURE VIENT... ET C’EST MAINTENANTIl était environ midi : pourquoi Jean précise-t-il l’heure ?Parce que c’est l’heure d’aller puiser de l’eau ? Non, justement, ce n’est pas l’heure habituelle de la corvée d’eau, il fait beaucoup trop chaud. Ou parce que c’est l’heure de la pleine lumière et que la lumière du monde vient de se lever sur la Samarie, avec la révélation du Messie ?Chose intéressante, c’est à une femme de mauvaise vie que Jésus parle de salut, et une Samaritaine de surcroît, ce qui aggravait son cas. En effet, aux yeux des Pharisiens, la Samarie passait pour avoir bien besoin de conversion. La brouille entre Judéens et Samaritains remontait loin : elle datait pour une part de la conquête de la Samarie par les Assyriens de Ninive qui avaient déports les Samaritains et installé à leur place des étrangers, donc des païens. Une tenace réputation d’hérétiques entachait donc irrémédiablement les descendants de ces deux populations mélangées. Ajoutons à cela l’histoire du temple du Garizim dont la destruction restait pour les Samaritains un souvenir douloureux.Mais, Jésus l’a déjà dit, ce sont les malades qui ont besoin du médecin ; ce sont les humbles qui accueillent le plus volontiers son message de salut : cette femme qui se rend au puits à l’heure la plus chaude du jour, sans doute parce qu’elle est méprisée et fuit les rencontres, est donc la mieux disposée à rencontrer son Sauveur.

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12 ANNONCIATION DU SEIGNEUR

ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRISTSELON SAINT LUC – Lc 1, 26-38

POUR MÉDITER L’ÉVANGILE

25 MARS 2014 ANNONCIATION DU SEIGNEUR

L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une jeune fille vierge, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. L’ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils ; tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » Marie dit à l’ange : « Comment cela va-t-il se faire puisque je suis vierge ? » L’ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, il sera appelé Fils de Dieu. Et voici qu’Élisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse et en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait la femme stérile. Car rien n’est impossible à Dieu. » Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »Alors l’ange la quitta.

DIS OUI ET REÇOIS LA PAROLELes Pères de l’Église aiment à dire que Marie a conçu par l’oreille (saint Ephrem) en se mettant à l’écoute du Seigneur : « Que tout se passe pour moi selon ta parole. » En ce jour de l’annonciation, toute l’Église se met à l’école de Marie pour écouter le Seigneur et concevoir la Parole par la force de l’Esprit. Notre religion n’est pas une religion du livre mais du Verbe : « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ». Dans la basilique de l’Annonciation à Nazareth, est gravé sur l’autel: « Hic Verbum caro factum est ». Là, Dieu s’est avancé, abaissé, livré. Là, dans le sein de la Vierge, le Verbe annonce la croix et le tombeau, l’abaissement ou la logique de l’incarnation.L’annonciation est une fête christocentrique dans laquelle Marie trouve toute sa place. Cette fête éclaire admirablement le rôle de Marie dans le dessein du salut. Fêter l’Annonciation, c’est fêter le mystère pascal. L’oraison de l’Angélus donne cette unité : « Que ta grâce Dieu notre Père se répande en nos cœurs. Par le message de l’ange tu nous as fait connaître l’incarnation de ton Fils bien-aimé. Conduis-nous par sa Passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection. » À l’annonciation, tout est dit ! L’ange est le porte-

parole de l’avènement du Fils : « Il sera grand, il sera appelé le Fils du Très-Haut, son règne n’aura pas de fin... Rien n’est impossible à Dieu. » C’est la force de l’amour de Dieu qui fait descendre le Verbe dans le sein de la Vierge. C’est la force de l’amour de Dieu qui fait croître le royaume en vue de l’éternité. C’est la force de l’amour de Dieu qui fait de la croix un signe de tendresse et de pardon. C’est la puissance de l’amour qui fait surgir le crucifié du tombeau au matin de Pâques.À Dieu, rien d’impossible ! Fêter l’annonciation en carême dit l’unité liturgique et théologique du carême et du temps pascal. Cela est d’autant plus explicite lorsque Pâques tombe un 25 mars. Les anciens sacramentaires faisaient coïncider la mort et la conception du Christ. Nous le voyons, incarnation et rédemption ne se séparent aucunement. C’est ici l’enseignement admirable de cette fête. L’oraison de l’Angélus, comme l’oraison d’ouverture de cette fête, en témoigne ainsi que la prière après la communion qui demande que : « fortifiés par la puissance de la résurrection du Christ » nous parvenions « à la joie éternelle ».Dis « Oui » Marie et conçois la Parole ! Puissions-nous, par ton « oui » accueillir la joie éternelle en concevant spirituellement la Parole. Aujourd’hui, redisons notre « oui » pour annoncer le Christ et travailler avec empressement à la nouvelle évangélisation.

Abbé Denis Richard

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13MÉDITATION DOMINICALE - V

ÉVANGILE DE JÉSUS-CHRISTSELON SAINT JEAN – Jn 9, 1-41

30 MARS 2014 4e DIMANCHE DE CARÊME

« Jésus, lumière du monde »En sortant du temple, Jésus vit sur son passage un homme qui était aveugle de naissance. Ses disciples l’interrogèrent : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » Jésus répondit : « Ni lui, ni ses parents n’ont péché. Mais c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui. Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé, tant qu’il fait jour ; la nuit vient où personne ne pourra plus y travailler. Aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » Cela dit, il cracha à terre et, avec la salive, il fit de la boue ; puis il appliqua la boue sur les yeux de l’aveugle, et lui dit : « Va te laver à la piscine de Siloé» – ce nom se traduit : Envoyé. L’aveugle y alla donc, et il se lava ; quand il revint, il voyait. Ses voisins, et ceux qui l’avaient observé auparavant – car il était mendiant – dirent alors : « N’est-ce pas celui qui se tenait là pour mendier ? » Les uns disaient : « C’est lui. » Les autres disaient : « Pas du tout, c’est quelqu’un qui lui ressemble.» Mais lui disait : « C’est bien moi. » Et on lui demandait: « Alors, comment tes yeux se sont-ils ouverts? » Il répondit: « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il me l’a appliquée sur les yeux et il m’a dit : “Va à Siloé et lave-toi.” J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. » Ils lui dirent : « Et lui, où est-il ? » Il répondit : « Je ne sais pas. » On l’amène aux pharisiens, lui, l’ancien aveugle. Or, c’était

un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. À leur tour, les pharisiens lui demandaient comment il pouvait voir. Il leur répondit : « Il m’a mis de la boue sur les yeux, je me suis lavé, et je vois. » Parmi les pharisiens, certains disaient : « Cet homme-là n’est pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le repos du sabbat. » D’autres disaient : « Comment un homme pécheur peut-il accomplir des signes pareils ? » Ainsi donc ils étaient divisés. Alors ils s’adressent de nouveau à l’aveugle : « Et toi, que dis-tu de lui, puisqu’il t’a ouvert les yeux ? » Il dit : « C’est un prophète. » Or, les Juifs ne voulaient pas croire que cet homme avait été aveugle et que maintenant il pouvait voir. C’est pourquoi ils convoquèrent ses parents et leur demandèrent : « Cet homme est bien votre fils, et vous dites qu’il est né aveugle ? Comment se fait-il qu’à présent il voie ? » Les parents répondirent : « Nous savons bien que c’est notre fils, et qu’il est né aveugle. Mais comment peut-il voir maintenant, nous ne le savons pas ; et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez grand pour s’expliquer. » Ses parents parlaient ainsi parce qu’ils avaient peur des Juifs. En effet, ceux-ci s’étaient déjà mis d’accord pour exclure de leurs assemblées tous ceux qui déclareraient publiquement que Jésus est le Christ. Voilà pourquoi les parents avaient dit : « Il est assez grand, interrogez-le ! » Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. » Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien. Mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et à présent je vois.» Ils lui dirent alors : « Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? » Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous voulez, vous aussi, devenir ses disciples ? » Ils se mirent à l’injurier : « C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples. Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais celui-là, nous ne savons pas d’où il est. » L’homme leur répondit: « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » Ils répliquèrent : « Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors. Jésus apprit qu’ils l’avaient jeté dehors. Il le retrouva et lui dit : « Crois-tu au Fils de l’homme ? » Il répondit : « Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? » Jésus lui dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. » Il dit : « Je crois, Seigneur!» Et il se prosterna devant lui. Jésus dit alors : « Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » Parmi les pharisiens, ceux qui étaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent: « Serions-nous aveugles, nous aussi ? » Jésus leur répondit : « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : “Nous voyons !”, votre péché demeure.

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14 LA PSALMODIE...

LA PSALMODIE, OULITURGIE DU CŒUR-II

Au temps du carême, «l’homme se pénètre de son néant et de son péché». La Sainte Église, se revêtant de repentance, déploie son voile de sobriété. Pour nous accorder aux tons de la liturgie romaine, les mélodies psalmiques proposées pour ce mois seront teintées d’une certaine gravité. Celle-ci n’a en effet pour but que de mieux préparer l’éclat du psaume de la victoire toujours neuve, qui jaillira infailliblement du sein de nos vigiles pascales. Cette victoire dont, au fil des dimanches, viendra se creuser en nous la soif.

ne liturgie au creuset…Si l’Église considère le temps du carême comme étant un temps de pénitence purificatrice en

préconisant une liturgie austère, elle met cependant en garde contre le fait que celle-ci se montre «lugubre». Ce qui ne saurait s’accorder avec sa conception d’«Œuvre de Dieu et image de la Cour céleste».

«Il incombe, donc, aux cérémoniaires et aux maîtres de musique de tirer pleinement profit de l’enlèvement des cache-misère habituels, en multipliant au besoin les instructions et les répétitions des servants et des chantres, activités que les intéressés intègreront dans leur programme spirituel de carême».

… Pour une Alliance renouvelée!Rebondissons sur cette précieuse recommandation du Guide des Cérémonies, pour rappeler l’importance du soin et de la précision que l’on doit apporter, non seulement en carême mais en tout temps, à toute préparation liturgique dont la dimension musicale, objet de notre intérêt, est intrinsèque.

« C’est pourquoi, la musique sacrée sera d’autant plus sainte qu’elle sera en connexion plus étroite avec l’action liturgique, en donnant à la prière une expression plus suave, en favorisant l’unanimité, ou en rendant les rites sacrés plus solennels» (Constitution dogmatique Sacro Sanctum Concilium; chap. VI, 112).

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15...OU LITURGIE DU CŒUREN PRATIQUEChantre ou « maître de chœur »« Le chant et la musique participent en effet à la dimension sacramentelle de la liturgie, mystère pascal célébré par le peuple de Dieu qui y exerce le sacerdoce nouveau ». L’agir plénier et authentique de tous les fidèles y est donc premier. Le bon agir du chantre consistera déjà, et avant tout, en l’art de régler la juste intervention de chacun au sein de la célébration (chantre, chœur, psalmistes, solistes, assemblée), en partant des principes musicologiques. Un outil manuel (feuille) ou visuel (projection power point) bien agencé, et mis à la disposition de tous, pourrait s’avérer très utile à cet effet.

Chantre et maître de cérémonie Ils cultiveront ensemble l’art de l’anticipation, dans la coordination de tous les détails de la liturgie pouvant avoir une incidence, directe ou indirecte, sur son aspect musical. Cela laissera en outre au chantre, chargé de l’entraînement du chœur et des musiciens, le temps nécessaire pour une mise en œuvre convenable. Leur entente et leur complicité est la clef du bon fonctionnement de toute liturgie, moyennant bien sûr la coopération du célébrant qui, tout en donnant les orientations principales, laissera à chacun la marge nécessaire de travail, dans le respect des différentes compétences.

Chantre, psalmistes, chanteurs et musiciensEn accomplissant le service liturgique, ils exercent un ministère particulier qui comporte des exigences techniques précises. Par leur professionnalisme, ils devront viser l’excellence, qui ne peut, en aucune manière, souffrir l’ombre d’une médiocrité. Par leur anticipation permanente de leurs tâches respectives, personnelles et communes, ils acquerront peu à peu l’habileté au combat. Ils sont appelés à un véritable engagement spirituel, allant jusqu’au don de soi. Par leur humble service, ils deviennent les instruments de la grâce d’en haut opérant au sein de l’Église. « Qu’ils s’appliquent à coopérer avec elle afin de ne pas la recevoir en vain ». Orgue en carême Avant le concile Vatican II, l’usage de l’orgue liturgique était strictement réglementé. Il y avait, en outre, des temps de l’année où son jeu était proscrit. D’où anciennement le rite de la fermeture des volets ornant les buffets des grandes orgues, et de leur réouverture progressive annonçant une solennité.

Aujourd’hui, dans la Présentation générale du Missel Romain, la prescription de carême concernant l’orgue se trouve amortie, puisque « le son des instruments est permis uniquement pour faire tenir le chant»: «Sonus instrumentorum permittitur tantum ad cantum sustentandum».

L’organiste, réel prédicateur, ordinairement appelé à commenter la liturgie du jour, est donc invité pendant le carême à ne toucher l’orgue que pour soutenir le chant, à l’exception du quatrième dimanche (Lætare), des solennités et des fêtes. Il sera, en outre, tenu pendant ce Saint Temps à observer une certaine tempérance dans son jeu, exprimée en partie par la discrétion du choix de ses registrations.

«L’orgue, le roi des instruments, peut conduire à la joie de la foi. [...] L’orgue est appelé depuis toujours et à juste titre le roi des instruments musicaux, parce qu’il reprend tous les sons de la création et, […] se fait l’écho de la plénitude des sentiments, de la joie à la tristesse, de la louange à la lamentation [...].

En outre, comme toute musique de qualité, en transcendant la sphère simplement humaine, il renvoie au divin. La grande variété des timbres de l’orgue, depuis le « piano» jusqu’au bouleversant « fortissimo », en fait l’un des instruments supérieurs à tous les autres. Il est en mesure de faire écho à tous les domaines de l’existence humaine. Les multiples possibilités de l’orgue nous rappellent d’une certaine façon l’immensité et la magnificence de Dieu [...].» Benoît XVI

LA RÈGLE D’OR DE LA LITURGIE… Est celle qui, à l’instar d’Élie au mont Carmel, dispose, une brindille après l’autre, le bois de la préparation dans l’ordinaire du quotidien, avant d’y placer l’offrande. Afin que, lorsqu’invoqué, Dieu enverra du ciel son feu, celui-ci trouve quelque chose à consumer!

Patricia BAROUDY

Bibliographie«Présentation générale de la Liturgie des Heures», Prière du Temps présent, Cerf-Desclée-Desclée de Brouwer-Mame, Paris, 1980.«Sacro Sanctum Concilium», VATICAN II, les seize documents conciliaires, chap. VI, Éd. FIDES, Montréal, 1969, p.160.Felice RAINOLDI, Eugenio COSTA jr., «Chant et musique», Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, Tome I, Brepols, Belgique, 1992, P. 169-184.

(Orgue de l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, France.)

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Dimanche VIII du temps ordinaire (année A)– Psaume 61

16 LA PSALMODIE ...Refrain : En Dieu seul, le repos de mon âmeJe n’ai de repos qu’en Dieu seul, mon salut vient de lui. Lui seul est mon rocher, mon salut, ma citadelle : je suis inébranlable.Mon salut et ma gloire se trouvent près de Dieu.Chez Dieu mon refuge, mon rocher imprenable!Comptez sur lui en tous temps, vous, le peuple.Devant lui, épanchez votre cœur : Dieu est pour nous un refuge.

Refrain : Pitié, pour moi, purifie moiPitié pour moi, mon Dieu dans ton amour, Pitié pour moi.....selon ta grande miséricorde, efface mon péché, Purifie moi....Lave-moi tout entier de ma faute, Pitié pour moi.....purifie-moi de mon offense. Purifie moi....Oui, je connais mon péché, Pitié pour moi.....ma faute est toujours devant moi, Purifie moi....contre toi, et toi seul, j’ai péché, Pitié pour moi.....ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. Purifie moi....

Crée en moi un cœur pur, Ô mon Dieu, Pitié pour moi.....renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. Purifie moi....Ne me chasse pas loin de ta face, Pitié pour moi.....ne me reprends pas ton esprit saint. Purifie moi....Rends-moi la joie d’être sauvé; Pitié pour moi.....que l’esprit généreux me soutienne Purifie moi....Seigneur, ouvre mes lèvres, Pitié pour moi.....et ma bouche annoncera ta louange. Purifie moi....

Refrain : Seigneur, ton amour soit sur nous, comme notre espoir est en toi.Oui, elle est droite, la parole du Seigneur; il est fidèle en tout ce qu’il fait,il aime le bon droit et la justice; la terre est remplie de son amour. Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour,pour les délivrer de la mort, les garder en vie aux jours de famine. RefrainNous attendons notre vie du Seigneur il est pour nous un appui, un bouclier.Que ton amour, Seigneur, soit sur nous, comme notre espoir est en toi.

Refrain : Aujourd’hui, ne fermons pas notre cœur, mais écoutons la voix du Seigneur!Venez, crions de joie pour le Seigneur, acclamons notre rocher, notre salut!Allons jusqu’à lui en rendant grâce, par nos hymnes de fête acclamons-le! Entrez, inclinez-vous, prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faitsOui, il est notre Dieu; nous sommes le peuple qu’il conduit. Aujourd’hui écouterez-vous sa parole? « Ne fermez pas votre cœur comme au désertoù vos pères m’ont tenté et provoqué, et pourtant ils avaient vu mon exploit ».

Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer

Le Seigneur est mon berger, Je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer.Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure.Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante. Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie; J’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours.

Dimanche VIII du temps ordinaire (année A) – Psaume 61

Dimanche I du temps du carême (année A) – Psaume 50

Dimanche II du temps du carême (année A) – Psaume 32

Dimanche III du temps du carême (année A) – Psaume 94

Dimanche IV du temps du carême (année A) – Psaume 22

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17...OU LITURGIE DU CŒURDimanche I du temps du carême (année A)

– Psaume 50

Dimanche II du temps du carême (année A)– Psaume 32

Dimanche IV du temps du carême (année A)– Psaume 22

Dimanche III du temps du carême (année A)– Psaume 94

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euphémisme cachant en réalité de profonds changements. L’œcuménisme en fut l’un des sujets de poids et l’on nota la présence aux séances d’invités laïcs, protestants, orthodoxes, anglicans. La liturgie fut reformée, les langues nationales se substituant ou s’associant au latin.

Au début du XVIe siècle, l’Église catholique cherche à s’opposer à la Réforme propagée par Luther pour dénoncer ses abus, notamment le trafic des indulgences, la corruption ou la collusion avec les pouvoirs laïcs ! Les volontés de changement gagnent le cœur de Rome et de nouveaux ordres prônent le dénuement, comme celui des jésuites créé en 1540. L’Église catholique essaie donc de réagir, de se réformer, de contenir l’influence des protestants. Le pape Paul III (1534-1549), avec l’appui de la curie, convoque en 1545 le concile de Trente. La Contre-Réforme est lancée. Malgré les obstacles politiques et d’interminables interruptions, il s’achève en 1563 grâce aux efforts, surtout, de Paul III, Jules III (1550-1555), Pie IV (1559-1565) et son neveu, le cardinal Charles Borromée. Les décisions portent sur le rôle de l’homme dans son salut, les relations entre la révélation dans l’Écriture et l’enseignement de la Tradition, les sacrements dont le nombre et la fonction sont définis... Mais si la Contre-Réforme répond en partie aux problèmes soulevés par la Reforme, elle élargit le fossé qui sépare les deux confessions, en insistant par exemple sur la distinction entre prêtres et laïcs. La rupture est consommée et les persécutions vont aller bon train, contre les protestants en France, contre les catholiques en Angleterre. En Allemagne, l’antagonisme s’exacerbe entre princes catholiques et protestants. La Contre-Réforme aura une grande influence dans l’Église catholique ; elle freine l’essor de la Réforme et suscite le développement significatif des missions en Asie, en Afrique et en Amérique.

L’ABÉCÉDAIRE DE LA FOI

Vers l’œcuménisme absoluEn l’an 48, la première Église se réunit à Jérusalem (Actes 15) et adopte des décisions à l’égard de certaines pratiques de la Loi juive. Les apôtres forment ainsi le premier concile (du latin concilium, « assemblée »), inaugurant la série des conciles «œcuméniques », organe suprême de l’Église dans la définition des articles de foi. L’Église catholique en reconnaît vingt et un, de Nicée (325) à Vatican II (1962-1965). Les Églises orthodoxes et protestantes ne reconnaissent pour leur part que les huit premiers. Pour l’Église catholique, le pape (continuateur de Pierre) convoque tous les évêques du monde (successeurs des apôtres) qui représentent l’Église universelle. Il assure la présidence de cette assemblée, et toute décision doit recevoir sa confirmation par une bulle (lettre). Les conciles ont essentiellement servi à lutter contre les hérésies, à combattre différents abus à l’intérieur de l’Église, à définir les rapports entre l’Église et les autorités politiques, ou encore à régler des différends internes, notamment le grand schisme d’Occident et l’existence des deux papes, en Avignon et à Rome, qui prirent fin au concile de Constance en 1414. Les trois derniers conciles sont ceux de Trente (1545-1563), qui lança la Contre-Réforme, Vatican I (1869-1870) qui décréta l’infaillibilité du pape, et Vatican II (1962-1965). Convoqué par Jean XXIII, que personne ne pensait capable d’une telle audace, Vatican II devait être, selon ses mots, un simple aggiornamento (« mise à jour »),

COMME...

C COMME...CONTRE-RÉFORME

...CONCILES

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Selon la Bible, la Création, récit que reprend la foi chrétienne, est l’acte par lequel Dieu, à partir du néant, amène à l’existence les astres, la Terre et tout ce qu’elle contient, hommes, animaux et plantes. Dieu ne créé pas par un intermédiaire divin, il créé par sa Parole : il dit et cela exista. Les textes bibliques qui relatent la Création (les trois premiers chapitres de la Genèse) se démarquent ainsi, par la nature de Dieu, des cosmogonies qui circulent au Proche-Orient et dans lesquelles des divinités et des forces se livrent à des luttes colossales — même si la Bible leur emprunte quelques éléments, par exemple l’arbre de vie. Dans le premier récit (Gn 1), Dieu prouve sa transcendance en créant tout en sept jours et par sa Parole, son Verbe, pour reprendre Jean (Jn 1, 1-5) : astres, animaux, plantes et l’homme qu’il fait à son image.

« Au commencement était le Verbeet le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu » (In 1, 1)

Le second récit (Gn 2-3) relate comment il crée l’homme et la femme, le premier couple (monogame) confronté aux relations conjugales, à la tentation, au péché, avant d’être exclu du paradis et d’exprimer sa nostalgie du bonheur passé. Mais Dieu ne condamne pas l’homme qui, s’il Lui obéit de nouveau, peut continuer à espérer. Malheureusement, le mal est dans le monde : Caïn tue son frère Abel, Dieu envoie le déluge, Noé construit son arche et Yahvé pardonne. Puis, bâtissant la tour de Babel — l’empire de Babylone —, l’homme prétend toucher les cieux. Aussi Dieu disperse-t-il les peuples. Mais une longue généalogie conduit ensuite à Abraham, le premier patriarche, donc Israël, preuve que Dieu ne délaisse pas l’humanité mais se prépare au contraire à la sauver.

Tiré de « l’Abécédaire du Christianisme »

C COMME ...CRÉATION

19L’ABÉCÉDAIRE DE LA FOI

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20 L’ÉGLISE: IMAGES ET REPÈRES

a question peut paraître à première vue un peu iconoclaste tant la réponse tombe sous le sens. C’est Jésus, bien évidemment, qui a fondé l’Église. D’ailleurs tout le monde connaît les paroles célèbres : « Tu es Pierre,

et sur cette Pierre, je bâtirai mon Église » (Matthieu 16, 18). La phrase ne met pas seulement en avant la primauté de Pierre, elle dit surtout la volonté du Christ d’édifier une assemblée, autrement dit une Église, son Église. Et l’on peut entendre en écho les paroles de Jésus répétées solennellement trois fois au même Pierre dans l’Évangile de Jean : « Pais mes brebis » (Jean 21, 15-17). C’est donc bien Jésus qui est le fondateur de l’Église et Pierre en est le chef.

Un réformateur plus qu’un fondateurCe point de vue un peu sommaire a longtemps prévalu.

Pourtant un simple recul historique montre le caractère relatif de cette lecture. Tout d’abord, à la différence d’autres fondateurs tels Bouddha ou Mohammed, Jésus n’a pas eu le temps de construire et d’instituer, encore moins de codifier : il a été condamné bien avant ! Tout au plus a-t-il pu poser des gestes signifiants, dont le plus fort est l’eucharistie, mais guère davantage. Ensuite il n’apparaît pas vraiment dans les Évangiles comme le fondateur d’une institution mais bien plutôt comme un réformateur, le prophète, le promoteur et le premier acteur de nouvelles relations entre les hommes et avec Dieu. Le mot qui revient le plus souvent dans sa bouche pour designer cet univers neuf qu’il propose aux hommes n’est pas celui d’Église mais de Royaume. Un Royaume déjà là et pourtant encore à venir. Enfin, il convient de rappeler que les Évangiles ne sont pas un reportage, mais un récit fonde sur l’événement Jésus lu à la lumière de

L

Jean-Pierre RosaÉcrivain

Jésus ? Pierre ? Paul ? La naissance de l’Église reste un événement mystérieux dont le fondateur est difficile à identifier…

D’un peupleà un autre...II

QUI A FONDÉ L’ÉGLISE?

...Suite

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la résurrection. Et cela non pas seulement parce que la résurrection illumine rétrospectivement la vie de Jésus, son passage parmi les siens, mais aussi parce que la mentalité du temps ne connaît pas le compte-rendu «objectif »..

Paul : dans un courant qui le dépasseQui peut alors prétendre au titre de « fondateur de l’Église? Paul ? Pierre ? Les apôtres ? Certains en effet n’hésitent pas à faire de Paul non seulement le fondateur de l’Église mais le fondateur du christianisme. C’est lui en effet qui rompt avec le judaïsme non seulement sur le plan pratique - l’abstention de la circoncision - mais aussi doctrinal. En proclamant la suprématie de la grâce, c’est-à dire du don gratuit de Dieu, sur l’observance de la Loi (Glatesa 5, 2-3) et en affirmant que Dieu s’est choisi une descendance nouvelle supérieure à l’ancienne (Galates 4, 21-26), il va plus loin que Jésus. Cette thèse ne résiste pourtant pas longtemps à l’examen. La relecture des Évangiles montre à l’évidence que Paul a en réalité prolongé un mouvement amorcé par Jésus lui-même lorsqu’il proclame la fin de la distinction rituelle du pur et de l’impur, lorsqu’il dénonce l’hypocrisie des pharisiens qui et enfin lorsqu’il opère chez des non-juifs et de préférence le jour du Sabbat, des guérisons. En réalité, Paul s’inscrit lui-même dans un courant qui le dépasse. Pierre pourtant appelé par Jésus à être le rocher sur lequel s’édifiera son Église apparaît, dans les Évangiles et les Actes, plutôt comme un « suiveur » que comme un initiateur. Rappelons-nous le baptême de Corneille. C’est après avoir eu une vision préparatoire (les animaux impurs offerts en nourriture) que Pierre est amené à donner le baptême au païen incirconcis Corneille en déclarant :

«Pourrait-on refuser l’eau du baptême à ces gens qui ont reçu l’Esprit saint tout comme nous ? » (Actes 11, 47). Et au concile de Jérusalem, quelques années plus tard, Pierre se range à la pratique déjà en cours de Paul.

Et les femmes ?Nous sommes donc devant une énigme : voilà une institution qui s’impose — au milieu de persécutions sévères — sans fondateur historique précis ! Tout se passe comme si la fidélité au Christ vivant parmi les siens avait été plus forte que les vents contraires.Mais revenons au moment fondateur de la résurrection et des premiers temps de l’assemblée naissante : ce sont des femmes qui, les premières, reçoivent l’annonce

de la résurrection et la propagent. Et c’est la première communauté décrite dans les Actes qui apparaît comme la figure ecclésiale par excellence: toutes ces personnel,

instruites par les apôtres, mettent en œuvre de façon très concrète le commandement d’amour réciproque laissé par Jésus (cf. Actes 2, 41-47 ; 4, 32-35 ; 5, 11-16).Le fondateur de l’Église n’est donc ni Pierre, Paul ou Jacques, pas même Jésus. L’historien est en face d’un fait qui échappe à l’investigation. Le croyant, lui, est amené à réaliser et il proclamer que c’est bien l’Esprit promis par le Christ qui est-il la source de l’Église. C’est le même Esprit qui se trouve au seuil de la création du monde et au seuil de cette nouvelle création qui a lieu à la Pentecôte. C’est ce souffle, plus fort que toutes les tempêtes, qui institue la communauté dans l’amour, admoneste Pierre, inspire Paul, pousse la communauté naissante vers les païens, permet la structuration d’une assemblée qui est appelée à vivre sous sa conduite.

...D’UN PEUPLE À UN AUTRE-II

Il y a un accord entre l’humble douceur de Jésus et la bonté, la facilité, du style de vie qu’il

met en route

Un chant liturgique bien connu l’affirme : « Nous sommes le corps du Christ !» Ce n’est pas un slogan, il s’agit d’une expérience fondée sur le Christ. C’est saint Paul qui, après sa conversion, associe l’Église à Jésus-Christ lui-même. Sur le chemin de Damas, Paul entendit une voix : « Je suis Jésus, celui que tu persécutes » (Actes 9, 5). Or c’est l’Église que Paul persécutait et non Jésus qu’il ne connaissait pas. Cette union du Christ à l’Église, faisant de l’Église le corps mystique du Christ, est le socle de la théologie paulinienne.Saint Paul compare cette union avec le manage entre un homme et d’une femme (Ephésiens 5, 28-33). Cette comparaison expose le lien fort d’unité que vivent les chrétiens avec le Christ mais aussi la différence qui subsiste avec lui. L’usage du terme de corps du Christ pour designer l’Église est donc éminemment théologique. Les chrétiens sont au Christ ce qu’est le corps aux hommes : ils permettent d’entrer en relation avec lui.

L’Église, corps du Christ

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22 L’ÉGLISE: IMAGES ET REPÈRES

Pour un spectateur occidental accoutumé à la représentation de la Pentecôte, l’icône orthodoxe peut surprendre. On reconnaît bien sûr quelques traits de l’épisode : douze hommes assemblés dans une maison — le Cénacle — reçoivent l’Esprit sous forme de langues de feu. Mais les ressemblances s’arrêtent là.Pourquoi Matthias est-il remplacé par le personnage qui fait face à Pierre, et qui est manifestement Paul, comme le prouve le fait qu’il tienne en main le livre de ses épîtres? Et qui est cet étrange personnage en bas de l’image ? Plutôt que d’offrir une restitution fidèle du texte des Actes des Apôtres comme les Occidentaux, l’icône orthodoxe cherche à en révéler le sens.

Les apôtres sont assis en demi-cercle pour nous rappeler que le nom grec de l’Église, ecclesia, signifie « rassemblement ». L’icône de la Pentecôte est avant tout celle de l’Église, inspirée de Dieu. Le cercle n’est d’ailleurs pas fermé car de nouveaux peuples ne cessent de s’y agréger. Personne ne préside, tous s’assemblent autour d’une place vide : le véritable maître de l’Église est le Christ qui siège invisiblement au milieu de tous.Au milieu, le personnage couronné représente le monde temporel, dans lequel les marques de pouvoir ont encore cours. Il tient en main, au milieu d’un linge en signe d’infini respect, les douze rouleaux des prophètes : le monde a déjà reçu la Révélation. Mais celle-ci n’est pas complète : les douze disciples tiennent eux aussi douze rouleaux et beaucoup tendent la main vers le monde en signe de bénédiction, car la tâche de l’Église est de bénir et d’enseigner. »

Régis Burnet, historien de l’artTiré de « Les Cahiers Croire »

Rassemblésautour du Maître

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23...D’UN PEUPLE À UN AUTRE-II

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24 MESSAGE POUR LE CARÊME

hers frères et sœurs,Je voudrais vous offrir, à l’occasion du Carême, quelques réflexions qui puissent vous aider dans un chemin personnel et communautaire de conversion. Je m’inspirerai de la formule

de saint Paul : « Vous connaissez en effet la générosité de notre Seigneur Jésus-Christ : lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté » (2 Co 8, 9). L’apôtre s’adresse aux chrétiens de Corinthe pour les encourager à être généreux vis-à-vis des fidèles de Jérusalem qui étaient dans le besoin. Que nous disent-elles, ces paroles de saint Paul, à nous chrétiens d’aujourd’hui ? Que signifie, pour nous aujourd’hui, cette exhortation à la pauvreté, à une vie pauvre dans un sens évangélique ?

La grâce du ChristCes paroles nous disent avant tout quel est le style de Dieu. Dieu ne se révèle pas par les moyens de la puissance et de la richesse du monde, mais par ceux de la faiblesse et la pauvreté : « Lui qui est riche, il est devenu pauvre à cause de vous … ». Le Christ, le Fils éternel de Dieu, qui est l’égal du Père en puissance et en gloire, s’est fait pauvre ; il est descendu parmi nous, il s’est fait proche de chacun de nous, il s’est dépouillé, « vidé », pour nous devenir semblable en tout (cf. Ph 2, 7 ; He 4, 15). Quel grand mystère que celui de l’Incarnation de Dieu ! C’est l’amour divin qui en est la cause, un amour qui est grâce, générosité, désir

d’être proche et qui n’hésite pas à se donner, à se sacrifier pour ses créatures bien-aimées. La charité, l’amour, signifient partager en tout le sort du bien-aimé. L’amour rend semblable, il crée une égalité, il abat les murs et les distances. C’est ce qu’a fait Dieu pour nous. Jésus, en effet, « a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché » (CONC. OECUM. VAT. II, Const. past. Gaudium et Spes, n. 22 § 2).La raison qui a poussé Jésus à se faire pauvre n’est pas la pauvreté en soi, mais – dit saint Paul – [pour que] «… vous deveniez riches par sa pauvreté ». Il ne s’agit pas d’un jeu de mots, ni d’une figure de style ! Il s’agit au contraire d’une synthèse de la logique de Dieu, de la logique de l’amour, de la logique de l’Incarnation et de la Croix. Dieu n’a pas fait tomber sur nous le salut depuis le haut, comme le ferait celui qui donne en aumône de son superflu avec un piétisme philanthropique. Ce n’est pas cela l’amour du Christ ! Lorsque Jésus descend dans les eaux du Jourdain et se fait baptiser par Jean-Baptiste, il ne le fait pas par pénitence, ou parce qu’il a besoin de conversion ; il le fait pour être au milieu des gens, de ceux qui ont besoin du pardon, pour être au milieu de nous, qui sommes pécheurs, et pour se charger du poids de nos péchés. Voilà la voie qu’il a choisie pour nous consoler, pour nous sauver, pour nous libérer de notre misère. Nous sommes frappés par le fait que l’apôtre nous

C

MESSAGE DU SAINT PÈRE POUR LE CARÊME

Il s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté ( cf. 2 Co 8, 9 )

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25MESSAGE POUR LE CARÊMEdise que nous avons été libérés, non pas grâce à la richesse du Christ, mais par sa pauvreté. Pourtant saint Paul connaît bien « la richesse insondable du Christ » (Ep 3, 8) « établi héritier de toutes choses » (He 1, 2).Alors quelle est-elle cette pauvreté, grâce à laquelle Jésus nous délivre et nous rend riches ? C’est justement sa manière de nous aimer, de se faire proche de nous, tel le Bon Samaritain qui s’approche de l’homme laissé à moitié mort sur le bord de la route (cf. Lc 10, 25ss). Ce qui nous donne la vraie liberté, le vrai salut, le vrai bonheur, c’est son amour de compassion, de tendresse et de partage. La pauvreté du Christ qui nous enrichit, c’est le fait qu’il ait pris chair, qu’il ait assumé nos faiblesses, nos péchés, en nous communiquant la miséricorde infinie de Dieu. La pauvreté du Christ est la plus grande richesse : Jésus est riche de sa confiance sans limite envers le Père, de pouvoir compter sur Lui à tout moment, en cherchant toujours et seulement la volonté et la gloire du Père. Il est riche comme est riche un enfant qui se sent aimé et qui aime ses parents et ne doute pas un seul instant de leur amour et de leur tendresse. La richesse de Jésus, c’est d’être le Fils ; sa relation unique avec le Père est la prérogative souveraine de ce Messie pauvre. Lorsque Jésus nous invite à porter son « joug qui est doux », il nous invite à nous enrichir de cette « riche pauvreté » et de cette « pauvre richesse » qui sont les siennes, à partager avec lui son Esprit filial et fraternel, à devenir des fils dans le Fils, des frères dans le Frère Premier-né (cf. Rm 8, 29).On a dit qu’il n’y a qu’une seule tristesse, c’est celle de ne pas être des saints (L. Bloy) ; nous pourrions également dire qu’il n’y a qu’une seule vraie misère, c’est celle de ne pas vivre en enfants de Dieu et en frères du Christ.

Notre témoignageNous pourrions penser que cette « voie » de la pauvreté s’est limitée à Jésus, et que nous, qui venons après Lui, pouvons sauver le monde avec des moyens humains plus adéquats. Il n’en est rien. À chaque époque et dans chaque lieu, Dieu continue à sauver les hommes et le monde grâce à la pauvreté du Christ, qui s’est fait pauvre dans les sacrements, dans la Parole, et dans son Église, qui est un peuple de pauvres. La richesse de Dieu ne peut nous rejoindre à travers notre richesse, mais toujours et seulement à travers notre pauvreté personnelle et communautaire, vivifiée par l’Esprit du Christ.À l’exemple de notre Maître, nous les chrétiens, nous sommes appelés à regarder la misère de nos frères, à la toucher, à la prendre sur nous et à œuvrer concrètement pour la soulager. La misère ne coïncide pas avec la pauvreté; la misère est la pauvreté sans confiance, sans solidarité, sans espérance. Nous pouvons distinguer trois types de misère : la misère matérielle, la misère morale et la misère spirituelle. La misère matérielle est celle qui est appelée communément pauvreté et qui frappe tous ceux qui vivent dans une situation contraire à la dignité de la personne humaine : ceux qui sont privés des droits fondamentaux et des biens de première nécessité comme la nourriture, l’eau et les conditions d’hygiène, le travail, la possibilité de se développer et de croître culturellement. Face à cette misère, l’Eglise offre son service, sa diakonia, pour répondre aux besoins et soigner ces plaies qui enlaidissent le visage de l’humanité. Nous voyons dans les pauvres et les laissés- pour-compte le visage du Christ ; en aimant et en aidant les pauvres nous aimons et nous servons le Christ. Notre engagement nous pousse aussi à faire en sorte que, dans le monde, cessent les atteintes à la dignité humaine, les discriminations et les abus qui sont si souvent à l’origine de la misère. Lorsque le pouvoir, le luxe et l’argent deviennent des idoles, ils prennent le pas sur l’exigence

d’une distribution équitable des richesses. C’est pourquoi il est nécessaire que les consciences se convertissent à la justice, à l’égalité, à la sobriété et au partage.La misère morale n’est pas moins préoccupante. Elle consiste à se rendre esclave du vice et du péché. Combien de familles sont dans l’angoisse parce que quelques-uns de leurs membres – souvent des jeunes – sont dépendants de l’alcool, de la drogue, du jeu, de la pornographie. Combien de personnes ont perdu le sens de la vie, sont sans perspectives pour l’avenir et ont perdu toute espérance. Et combien de personnes sont obligées de vivre dans cette misère à cause de conditions sociales injustes, du manque de travail qui les prive de la dignité de ramener le pain à la maison, de l’absence d’égalité dans les droits à l’éducation et à la santé? Dans ces cas, la misère morale peut bien s’appeler début de suicide. Cette forme de misère qui est aussi cause de ruine économique se rattache toujours à la misère spirituelle qui nous frappe, lorsque nous nous éloignons de Dieu et refusons son amour. Si nous estimons ne pas avoir besoin de Dieu, qui nous tend la main à travers le Christ, car nous pensons nous suffire à nous-mêmes, nous nous engageons sur la voie de l’échec. Seul Dieu nous sauve et nous libère vraiment.L’Évangile est l’antidote véritable contre la misère spirituelle : le chrétien est appelé à porter en tout lieu cette annonce libératrice selon laquelle le pardon pour le mal commis existe, selon laquelle Dieu est plus grand que notre péché et qu’il nous aime gratuitement, toujours, et selon laquelle nous sommes faits pour la communion et pour la vie éternelle. Le Seigneur nous invite à être des hérauts joyeux de ce message de miséricorde et d’espérance ! Il est beau d’expérimenter la joie de répandre cette bonne nouvelle, de partager ce trésor qui nous a été confié pour consoler les coeurs brisés et donner l’espérance à tant de frères et de soeurs qui sont entourés de ténèbres. Il s’agit de suivre et d’imiter Jésus qui est allé vers les pauvres et les pécheurs comme le berger est allé à la recherche de la brebis perdue, et il y est allé avec tout son amour. Unis à Lui, nous pouvons ouvrir courageusement de nouveaux chemins d’évangélisation et de promotion humaine.Chers frères et soeurs, que ce temps de carême trouve toute l’Église disposée et prête à témoigner du message évangélique à tous ceux qui sont dans la misère matérielle, morale et spirituelle ; message qui se résume dans l’annonce de l’amour du Père miséricordieux, prêt à embrasser toute personne, dans le Christ. Nous ne pourrons le faire que dans la mesure où nous serons conformés au Christ, Lui qui s’est fait pauvre et qui nous a enrichi par sa pauvreté. Le carême est un temps propice pour se dépouiller ; et il serait bon de nous demander de quoi nous pouvons nous priver, afin d’aider et d’enrichir les autres avec notre pauvreté. N’oublions pas que la vraie pauvreté fait mal : un dépouillement sans cette dimension pénitentielle ne vaudrait pas grand-chose. Je me méfie de l’aumône qui ne coûte rien et qui ne fait pas mal.Que l’Esprit saint, grâce auquel nous « [sommes] pauvres, et nous faisons tant de riches ; démunis de tout, et nous possédons tout » (2 Co 6, 10), nous soutienne dans nos bonnes intentions et renforce en nous l’attention et la responsabilité vis-à-vis de la misère humaine, pour que nous devenions miséricordieux et artisans de miséricorde. Avec ce souhait je vous assure de ma prière, afin que tout croyant et toute communauté ecclésiale puisse parcourir avec profit ce chemin de carême. Je vous demande également de prier pour moi. Que le Seigneur vous bénisse et que la Vierge Marie vous garde.

Du Vatican, le 26 décembre 2013Fête de saint Étienne, diacre et protomartyr

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26 LA JOIE DE L’ÉVANGILE

a transformation missionnaire de l’église

19. L’évangélisation obéit au mandat missionnaire de Jésus : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Mt 28, 19-20a). Dans ces versets, on présente le moment où le Ressuscité envoie les siens prêcher l’Évangile en tout temps et en tout lieu, pour que la foi en lui se répande en tout point de la terre.

I- Une Église « en sortie » / « en partance »20. Dans la Parole de Dieu apparaît constamment ce dynamisme de « la sortie » que Dieu veut provoquer chez les croyants. Abram accepta l’appel à partir vers une terre nouvelle (cf. Gn 12,1-3). Moïse écouta l’appel de Dieu : « Va, je t’envoie » (Ex 3,10) et fit sortir le peuple vers la terre promise (cf. Ex 3, 17). À Jérémie il dit : « Vers tous ceux à qui je t’enverrai, tu iras » (Jr 1, 7). Aujourd’hui, dans cet « allez » de Jésus, sont présents les scénarios et les défis toujours nouveaux de la mission évangélisatrice de l’Église, et nous sommes tous appelés à cette nouvelle « sortie » missionnaire. Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile.

21. La joie de l’Évangile qui remplit la vie de la communauté des disciples est une joie missionnaire. Les soixante-dix disciples en font l’expérience, eux qui reviennent de la mission pleins de joie (cf. Lc 10, 17). Jésus la vit, lui qui exulte de joie dans l’Esprit Saint et loue le Père parce que sa révélation rejoint les pauvres et les plus petits (cf. Lc 10, 21). Les premiers qui se convertissent la ressentent, remplis d’admiration, en écoutant la prédication des Apôtres « chacun dans sa propre langue » (Ac 2, 6) à la Pentecôte. Cette joie est un signe que l’Évangile a été annoncé et donne du fruit. Mais elle a toujours la dynamique de l’exode et du don, du fait de sortir de soi, de marcher et de semer toujours de nouveau, toujours plus loin. Le Seigneur dit : « Allons ailleurs, dans les bourgs voisins, afin que j’y prêche aussi, car c’est pour cela que je suis sorti » (Mc 1, 38). Quand la semence a été semée en un lieu, il ne s’attarde pas là pour expliquer davantage ou pour faire d’autres signes, au contraire l’Esprit le conduit à partir vers d’autres villages.

22. La parole a en soi un potentiel que nous ne pouvons pas prévoir. L’Évangile parle d’une semence qui, une fois semée, croît d’elle-même, y compris quand l’agriculteur dort (cf. Mc 4, 26-29). L’Église doit accepter cette libertéinsaisissable de la Parole, qui est efficace à sa manière, et sous des formes très diverses, telles qu’en nous échappant elle dépasse souvent nos prévisions et bouleverse nos schémas.23. L’intimité de l’Église avec Jésus est une intimité

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La joie de l’Évangile-IIExhortation apostolique « Evangelii Gaudium» du pape François 2e partie (24 novembre 2013)

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CHAPITRE -I

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27PAPE FRANÇOIS

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itinérante, et la communion « se présente essentiellement comme communion missionnaire ». 20Fidèle au modèle du maître, il est vital qu’aujourd’hui l’Église sorte pour annoncer l’Évangile à tous, en tous lieux, en toutes occasions, sans hésitation, sans répulsion et sans peur. La joie de l’Évangile est pour tout le peuple, personne ne peut en être exclu. C’est ainsi que l’ange l’annonce aux pasteurs de Bethléem : « Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande joie qui sera celle de tout le peuple » (Lc 2, 10). L’Apocalypse parle d’«une Bonne Nouvelle éternelle à annoncer à ceux qui demeurent sur la terre, à toute nation, race, langue et peuple » (Ap 14, 6).

Prendre l’initiative, s’impliquer, accompagner, porter du fruit et fêter24. L’Église « en sortie » est la communauté des disciples missionnaires qui prennent l’initiative, qui s’impliquent, qui accompagnent, qui fructifient et qui fêtent. « Primerear – prendre l’initiative » : veuillez m’excuser pour ce néologisme. La communauté évangélisatrice expérimente que le Seigneur a pris l’initiative, il l’a précédée dans l’amour (cf. 1Jn 4, 10), et en raison de cela, elle sait aller de l’avant, elle sait prendre l’initiative sans crainte, aller à la rencontre, chercher ceux qui sont loin et arriver aux croisées des chemins pour inviter les exclus. Pour avoir expérimenté la miséricorde du Père et sa force de diffusion, elle vit un désir inépuisable d’offrir la miséricorde. Osons un peu plus prendre l’initiative ! En conséquence, l’Église sait “s’impliquer”. Jésus a lavé les pieds de ses disciples. Le Seigneur s’implique et implique les siens, en se mettant à genoux devant les autres pour les laver. Mais tout de suite après il dit à ses disciples : « Heureux êtes-vous, si vous le faites » (Jn 13, 17). La communauté évangélisatrice, par ses œuvres et ses gestes, se met dans la vie quotidienne des autres, elle raccourcit les distances, elle s’abaisse jusqu’à l’humiliation si c’estnécessaire, et assume la vie humaine, touchant la chair souffrante du Christ dans le peuple. Les évangélisateurs ont ainsi “l’odeur des brebis” et celles-ci écoutent leur voix. Ensuite, la communauté évangélisatrice se dispose à “accompagner”. Elle accompagne l’humanité en tous ses processus, aussi durs et prolongés qu’ils puissent être. Elle connaît les longues attentes et la patience apostolique.

L’évangélisation a beaucoup de patience, et elle évite de ne pas tenir compte des limites. Fidèle au don du Seigneur, elle sait aussi “fructifier”. La communauté évangélisatrice est toujours attentive aux fruits, parce que le Seigneur la veut féconde. Il prend soin du grain et ne perd pas la paix à cause de l’ivraie. Le semeur, quand il voit poindre l’ivraie parmi le grain, n’a pas de réactions plaintives ni alarmistes. Il trouve le moyen pour faire en sorte que la Parole s’incarne dans une situation concrète et donne des fruits de vie nouvelle, bien qu’apparemment ceux-ci soient imparfaits et inachevés. Le disciple sait offrir sa vie entière et la jouer jusqu’au martyre comme témoignage de Jésus-Christ ; son rêve n’est pas d’avoir beaucoup d’ennemis, mais plutôt que la Parole soit accueillie et manifeste sa puissance libératrice et rénovatrice. Enfin, lacommunauté évangélisatrice, joyeuse, sait toujours “fêter”. Elle célèbre et fête chaque petite victoire, chaque pas en avant dans l’évangélisation. L’évangélisation joyeuse se fait beauté dans la liturgie, dans l’exigence quotidienne de faire progresser le bien. L’Église évangélise et s’évangélise elle-même par la beauté de la liturgie, laquelle est aussi célébration de l’activité évangélisatrice et source d’une impulsion renouvelée à se donner.

II- Pastorale en conversion25. Je n’ignore pas qu’aujourd’hui les documents ne provoquent pas le même intérêt qu’à d’autres époques, et qu’ils sont vite oubliés. Cependant, je souligne que ce que je veux exprimer ici a une signification programmatique et des conséquences importantes. J’espère que toutes les communautés feront en sorte de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour avancer sur le chemin d’une conversion pastorale et missionnaire, qui ne peut laisser les choses comme elles sont. Ce n’est pas d’une « simple administration »21 dont nous avons besoin. Constituons-nous dans toutes les régions de la terre en un « état permanent de mission ».22

26. Paul VI a invité à élargir l’appel au renouveau, pour exprimer avec force qu’il ne s’adressait pas seulement aux individus, mais à l’Église entière. Rappelons-nous ce texte mémorable qui n’a pas perdu sa force interpellante : « L’heure sonne pour l’Église d’approfondir la conscience qu’elle a d’elle-même, de méditer sur le mystère qui est le sien […] De cette conscience éclairée et agissante dérive un désir spontané de confronter à l’image idéale de l’Église, telle que le Christ la vit, la voulut et l’aima, comme son Épouse sainte et immaculée (cf. Ep 5,27), le visage réel que l’Église présente aujourd’hui. […] De là naît un désir généreux et comme impatient de renouvellement, c’est-à-dire de correction des défauts que cette conscience en s’examinant à la lumière du modèle que le Christ nous en a laissé, dénonce et rejette ».23Le concile Vatican II a présenté la conversion ecclésiale comme l’ouverture à une réforme permanente de soi par fidélité à Jésus-Christ : « Toute rénovation de l’Église consiste essentiellement dans une fidélité plus grande à sa vocation […] L’Église au cours de son pèlerinage, est appelée par le Christ à cette réforme permanente dont elle a perpétuellement besoin en tant qu’institution humaine et terrestre. »24Il y a des structures ecclésiales qui peuvent arriver à favoriser un dynamisme évangélisateur ; également, les bonnes structures sont utiles quand une vie les anime, les soutient et les guide. Sans une vie nouvelle et un authentique esprit évangélique, sans “fidélité de l’Église à sa propre vocation”, toute nouvelle structure se corrompt en peu de temps.

Un renouveau ecclésial qu’on ne peut différer27. J’imagine un choix missionnaire capable de transformer toute chose, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale devienne un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’autopréservation. La réforme des structures, qui exige la conversion pastorale, ne peut se comprendre qu’en ce sens : faire en sorte qu’elles deviennent toutesplus missionnaires, que la pastorale ordinaire en toutes ses instances soit plus expansive et ouverte, qu’elle mette les agents pastoraux en constante attitude de “sortie” et favorise ainsi la réponse positive de tous ceux auxquels Jésus offre son amitié. Comme le disait Jean-Paul II aux évêques de l’Océanie, « tout renouvellement dans l’Église doit avoir pour but la mission, afin de ne pas tomber dans le risque d’une Église centrée sur elle-même ».2528. La paroisse n’est pas une structure caduque ; précisément parce qu’elle a une grande plasticité, elle peut prendre des formes très diverses qui demandent la docilité et la créativité missionnaire du pasteur et de la communauté. Même si, certainement, elle n’est pas l’unique institution évangélisatrice, si elle est capable de

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28 LA JOIE DE L’ÉVANGILE

se réformer et de s’adapter constamment, elle continuera à être « l’Église elle-même qui vit au milieu des maisons de ses fils et de ses filles ».26Cela suppose que réellement elle soit en contact avec les familles et avec la vie du peuple et ne devienne pas une structure prolixe séparée des gens, ou un groupe d’élus qui se regardent eux-mêmes. La paroisse est présence ecclésiale sur le territoire, lieu de l’écoute de la Parole, de la croissance de la vie chrétienne, du dialogue, de l’annonce, de la charité généreuse, de l’adoration et de la célébration.27 À travers toutes ses activités, la paroisse encourage et forme ses membres pour qu’ils soient des agents de l’évangélisation.28 Elle est communauté de communautés, sanctuaire où les assoiffés viennent boire pour continuer à marcher, et centre d’un constant envoi missionnaire. Mais nous devons reconnaître que l’appel à la révision et au renouveau des paroisses n’a pas encore donné de fruits suffisants pour qu’elles soient encore plus proches des gens, qu’elles soient des lieux de communion vivante et de participation, et qu’elles s’orientent complètement vers la mission.

29. Les autres institutions ecclésiales, communautés de base et petites communautés, mouvements et autres formes d’associations, sont une richesse de l’Église que l’Esprit suscite pour évangéliser tous les milieux et secteurs. Souvent elles apportent une nouvelle ferveur évangélisatrice et une capacité de dialogue avec le monde qui rénovent l’Église. Mais il est très salutaire qu’elles ne perdent pas le contact avec cette réalité si riche de la paroisse du lieu, et qu’elles s’intègrent volontiers dans la pastorale organique de l’Église particulière.29 Cette intégration évitera qu’elles demeurent seulement avec une partie de l’Évangile et de l’Église, ou qu’elles se transforment en nomades sans racines.

30. Chaque Église particulière, portion de l’Église Catholique sous la conduite de son Évêque, est elle aussi appelée à la conversion missionnaire. Elle est le sujet premier de l’évangélisation,30 en tant qu’elle est la manifestation concrète de l’unique Église en un lieu du monde, et qu’en elle « est vraiment présente et agissante l’Église du Christ, une, sainte, catholique et apostolique».31 Elle est l’Église incarnée en un espace déterminé, dotée de tous les moyens de salut donnés par le Christ, mais avec un visage local. Sa joie de communiquer Jésus Christ s’exprime tant dans sa préoccupation de l’annoncer en

d’autres lieux qui en ont plus besoin, qu’en une constante sortie vers les périphéries de son propre territoire ou vers de nouveaux milieux sociaux-culturels.32 Elle s’emploie à être toujours là où manquent le plus la lumière et la vie du Ressuscité.33 Pour que cette impulsion missionnaire soit toujours plus intense, généreuse et féconde, j’exhorte aussi chaque Église particulière à entrer dans un processus résolu de discernement, de purification et de réforme.

31. L’évêque doit toujours favoriser la communion missionnaire dans son Église diocésaine en poursuivant l’idéal des premières communautés chrétiennes, dans lesquelles les croyants avaient un seul cœur et une seule âme (cf. Ac 4, 32). Par conséquent, parfois il se mettra devant pour indiquer la route et soutenir l’espérance du peuple, d’autres fois il sera simplement au milieu de tous dans une proximité simple et miséricordieuse, et en certaines circonstances il devra marcher derrière le peuple, pour aider ceux qui sont restés en arrière et – surtout – parce que le troupeau lui-même possède un odorat pour trouver de nouveaux chemins. Dans sa mission de favoriser une communion dynamique, ouverte et missionnaire, il devra stimuler et rechercher la maturation des organismes de participation proposés par le Code de droit canonique34 et d’autres formes de dialogue pastoral, avec le désir d’écouter tout le monde, et non pas seulement quelques-uns, toujours prompts à lui faire des compliments. Mais l’objectif de ces processus participatifs ne sera pas principalement l’organisation ecclésiale, mais le rêve missionnaire d’arriver à tous.

32. Du moment que je suis appelé à vivre ce que je demande aux autres, je dois aussi penser à une conversion de la papauté. Il me revient, comme Évêque de Rome, de rester ouvert aux suggestions orientées vers un exercice de mon ministère qui le rende plus fidèle à la signification que Jésus-Christ entend lui donner, et aux nécessités actuelles de l’évangélisation. Le Pape Jean-Paul II demanda d’être aidé pour trouver une « forme d’exercice de la primauté ouverte à une situation nouvelle, mais sans renoncement aucun à l’essentiel de sa mission ».35 Nous avons peu avancé en ce sens. La papauté aussi, et les structures centrales de l’Église universelle, ont besoin d’écouter l’appel à une conversion pastorale. Le Concile Vatican II a affirmé que, d’une manière analogue aux antiques Églises patriarcales, les conférences épiscopales peuvent « contribuer de façons multiples et fécondes à ce que le sentiment collégial se réalise concrètement ».36 Mais ce souhait ne s’est pas pleinement réalisé, parce que n’a pas encore été suffisamment explicité un statut des conférences épiscopales qui les conçoive comme sujet d’attributions concrètes, y compris une certaine autorité doctrinale authentique.37 Une excessive centralisation, au lieu d’aider, complique la vie de l’Église et sa dynamique missionnaire.

33. La pastorale en terme missionnaire exige d’abandonner le confortable critère pastoral du “on a toujours fait ainsi”. J’invite chacun à être audacieux et créatif dans ce devoir de repenser les objectifs, les structures, le style et les méthodes évangélisatrices de leurs propres communautés. Une identification des fins sans une adéquate recherche communautaire des moyens pour les atteindre est condamnée à se traduire en pure imagination. J’exhorte chacun à appliquer avec générosité et courage les orientations de ce document, sans interdictions ni peurs. L’important est de ne pas marcher seul, mais de toujours

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29PAPE FRANÇOIScompter sur les frères et spécialement sur la conduite des évêques, dans un sage et réaliste discernement pastoral.

III. À partir du cœur de l’Évangile34. Si nous entendons tout mettre en terme missionnaire, cela vaut aussi pour la façon de communiquer le message. Dans le monde d’aujourd’hui, avec la rapidité des communications et la sélection selon l’intérêt des contenus opérés par les médias, le message que nous annonçons court plus que jamais le risque d’apparaître mutilé et réduit à quelques-uns de ses aspects secondaires. Il en ressort que certaines questions qui font partie de l’enseignement moral de l’Église demeurent en dehors du contexte qui leur donne sens. Le problème le plus grand se vérifie quand le message que nous annonçons semble alors identifié avec ces aspects secondaires qui, étant pourtant importants, ne manifestent pas en eux seuls le cœur du message de Jésus Christ. Donc, il convient d’être réalistes et de ne pas donner pour acquis que nos interlocuteurs connaissent le fond complet de ce que nous disons ou qu’ils peuvent relier notre discours au cœur essentiel de l’Évangile qui lui confère sens, beauté et attrait.

35. Une pastorale en terme missionnaire n’est pas obsédée par la transmission désarticulée d’une multitude de doctrines qu’on essaie d’imposer à force d’insister. Quand on assume un objectif pastoral et un style missionnaire, qui réellement arrivent à tous sans exceptions ni exclusions, l’annonce se concentre sur l’essentiel, sur ce qui est plus beau, plus grand, plus attirant et en même temps plus nécessaire. La proposition se simplifie, sans perdre pour cela profondeur et vérité, et devient ainsi plus convaincante et plus lumineuse.

36. Toutes les vérités révélées procèdent de la même source divine et sont crues avec la même foi, mais certaines d’entre elles sont plus importantes pour exprimer plus directement le cœur de l’Évangile. Dans ce cœur fondamental resplendit la beauté de l’amour salvifique de Dieu manifesté en Jésus Christ mort et ressuscité. En ce sens, le Concile Vatican II a affirmé qu’ « il existe un ordre ou une ‘hiérarchie’ des vérités de la doctrine catholique, en raison de leur rapport différent avec le fondement de la foi chrétienne ».38 Ceci vaut autant pour les dogmes de foi que pour l’ensemble des enseignements de l’Église, ycompris l’enseignement moral.

37. Saint Thomas d’Aquin enseignait que même dans le message moral de l’Église il y a une hiérarchie, dans les vertus et dans les actes qui en procèdent.39Ici, ce qui compte c’est avant tout « la foi opérant par la charité » (Ga 5, 6). Les œuvres d’amour envers le prochain sont la manifestation extérieure la plus parfaite de la grâce intérieure de l’Esprit : « L’élément principal de la loi nouvelle c’est la grâce de l’Esprit Saint, grâce qui s’exprime dans la foi agissant par la charité. »40 Par là il affirme que, quant à l’agir extérieur, la miséricorde est la plus grande de toutes les vertus : « En elle-même la miséricorde est la plus grande des vertus, car il lui appartient de donner aux autres, et, qui plus est, de soulager leur indigence ; ce qui est éminemment le fait d’un être supérieur. Ainsi se montrer miséricordieux est-il regardé comme le propre de Dieu, et c’est par là surtout que se manifeste sa toute-puissance. »41

38. Il est important de tirer les conséquences pastorales

de l’enseignement conciliaire, qui recueille une ancienne conviction de l’Église. D’abord il faut dire que, dans l’annonce de l’Évangile, il est nécessaire de garder des proportions convenables. Cela se reconnaît dans la fréquence avec laquelle sont mentionnés certains thèmes et dans les accents mis dans la prédication. Par exemple, si un curé durant une année liturgique parle dix fois sur la tempérance et seulement deux ou trois fois sur la charité ou sur la justice, il se produit une disproportion, par laquelle ces vertus, qui devraient être plus présentes dans la prédication et dans la catéchèse, sont précisément obscurcies. La même chose se passe quand on parle plus de la loi que de la grâce, plus de l’Église que de Jésus Christ, plus du pape que de la Parole de Dieu.

39. Ainsi, comme le caractère organique entre les vertus empêche d’exclure l’une d’elles de l’idéal chrétien, aucune vérité n’est niée. Il ne faut pas mutiler l’intégralité du message de l’Évangile. En outre, chaque vérité se comprend mieux si on la met en relation avec la totalité harmonieuse du message chrétien, et dans ce contexte toutes les vérités ont leur importance et s’éclairent réciproquement. Quand la prédication est fidèle à l’Évangile, la centralité de certaines vérités se manifeste clairement et il en ressort avec clarté que la prédication morale chrétienne n’est pas une éthique stoïcienne, elle est plus qu’une ascèse, elle n’est pas une simple philosophie pratique ni un catalogue de péchés et d’erreurs. L’Évangile invite avant tout à répondre au Dieu qui nous aime et qui nous sauve, le reconnaissant dans les autres et sortant de nous-mêmes pour chercher le bien de tous. Cette invitation n’est obscurcie en aucune circonstance ! Toutes les vertus sont au service de cette réponse d’amour. Si cette invitation ne resplendit pas avec force et attrait, l’édifice moral de l’Église court le risque de devenir un château de cartes, et là se trouve notre pire danger. Car alors ce ne sera pas vraiment l’Évangile qu’on annonce, mais quelques accents doctrinaux ou moraux qui procèdent d’options idéologiques déterminées. Le message courra le risque de perdre sa fraîcheur et de ne plus avoir “le parfum de l’Évangile”.

IV. La mission qui s’incarne dans les limites humaines40. L’Église qui est disciple-missionnaire, a besoin de croître dans son interprétation de la Parole révélée et dans sa compréhension de la vérité. La tâche des exégètes et des théologiens aide à « mûrir le jugement de l’Église».42D’une autre façon les autres sciences le font aussi. Se

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30 LA JOIE DE L’ÉVANGILE référant aux sciences sociales, par exemple, Jean-Paul II a dit que l’Église prête attention à leurs contributions «pour tirer des indications concrètes qui l’aident à remplir sa mission de Magistère ».43 En outre, au sein de l’Église, il y a d’innombrables questions autour desquelles on recherche et on réfléchit avec une grande liberté.Les diverses lignes de pensée philosophique, théologique et pastorale, si elles se laissent harmoniser par l’Esprit dans le respect et dans l’amour, peuvent faire croître l’Église, en ce qu’elles aident à mieux expliciter le très riche trésor de la Parole. À ceux qui rêvent une doctrine monolithique défendue par tous sans nuances, cela peut sembler une dispersion imparfaite. Mais la réalité est quecette variété aide à manifester et à mieux développer les divers aspects de la richesse inépuisable de l’Évangile.44

41. En même temps, les énormes et rapides changements culturels demandent que nous prêtions une constante attention pour chercher à exprimer la vérité de toujours dans un langage qui permette de reconnaître sa permanente nouveauté. Car, dans le dépôt de la doctrine chrétienne «une chose est la substance […] et une autre la manière de formuler son expression ».45 Parfois, en écoutant un langage complètement orthodoxe, celui que les fidèles reçoivent, à cause du langage qu’ils utilisent et comprennent, c’est quelque chose qui ne correspond pas au véritable Évangile de Jésus-Christ. Avec la sainte intention de leur communiquer la vérité sur Dieu et sur l’être humain, en certaines occasions, nous leur donnons un faux dieu ou un idéal humain qui n’est pas vraiment chrétien. De cette façon, nous sommes fidèles à une formulation mais nous ne transmettons pas la substance. C’est le risque le plus grave. Rappelons-nous que «l’expression de la vérité peut avoir des formes multiples, et la rénovation des formes d’expression devient nécessaire pour transmettre à l’homme d’aujourd’hui le message évangélique dans son sens immuable ».46

42. Cela a une grande importance dans l’annonce de l’Évangile, si nous avons vraiment à cœur de faire mieux percevoir sa beauté et de la faire accueillir par tous. De toute façon, nous ne pourrons jamais rendre les enseignements de l’Église comme quelque chose de facilement compréhensible et d’heureusement apprécié par tous. La foi conserve toujours un aspect de croix, elle conserve quelque obscurité qui n’enlève pas la fermeté à son adhésion. Il y a des choses qui se comprennent et s’apprécient seulement à partir de cette adhésion qui est sœur de l’amour, au-delà de la clarté avec laquelle on peut en saisir les raisons et les arguments. C’est pourquoi il faut rappeler que tout enseignement de la doctrine doit se situer dans l’attitude évangélisatrice qui éveille l’adhésion du cœur avec la proximité, l’amour et le témoignage.

43. Dans son constant discernement, l’Église peut aussi arriver à reconnaître des usages propres qui ne sont pas directement liés au cœur de l’Évangile. Aujourd’hui, certains usages, très enracinés dans le cours de l’histoire, ne sont plus désormais interprétés de la même façon et leur message n’est pas habituellement perçu convenablement. Ils peuvent être beaux, cependant maintenant ils ne rendent pas le même service pour la transmission de l’Évangile. N’ayons pas peur de les revoir. De la même façon, il y a des normes ou des préceptes ecclésiaux qui peuvent avoir été très efficaces à d’autres époques, mais qui n’ont plus la même force éducative comme canaux de vie. Saint Thomas d’Aquin soulignait que les préceptes donnés par le Christ et par les Apôtres au Peuple de Dieu

« sont très peu nombreux ».47 Citant saint Augustin, il notait qu’on doit exiger avec modération les préceptes ajoutés par l’Église postérieurement « pour ne pas alourdir la vie aux fidèles » et transformer notre religion en un esclavage, quand « la miséricorde de Dieu a voulu qu’elle fût libre».48 Cet avertissement, fait il y a plusieurs siècles, a une terrible actualité. Il devrait être un des critères à considérer au moment de penser une réforme de l’Église et de sa prédication qui permette réellement de parvenir à tous.

44. D’autre part, tant les pasteurs que tous les fidèles qui accompagnent leurs frères dans la foi ou sur un chemin d’ouverture à Dieu, ne peuvent pas oublier ce qu’enseigne le Catéchisme de l’Église catholique avec beaucoup de clarté : « L’imputabilité et la responsabilité d’une action peuvent être diminuées voire supprimées par l’ignorance, l’inadvertance, la violence, la crainte, les habitudes,les affections immodérées et d’autres facteurs psychiques ou sociaux ».49 Par conséquent, sans diminuer la valeur de l’idéal évangélique, il faut accompagner avec miséricorde et patience les étapes possibles de croissance des personnes qui se construisent jour après jour.50 Aux prêtres je rappelle que le confessionnal ne doit pas être une salle de torture mais le lieu de la miséricorde du Seigneur qui nous stimule à faire le bien qui est possible. Un petit pas, au milieu de grandes limites humaines, peut-être plus apprécié de Dieu que la vie extérieurement correcte de celui qui passe ses jours sans avoir à affronter d’importantes difficultés. La consolation et l’aiguillon de l’amour salvifique de Dieu, qui œuvre mystérieusement en toute personne, au-delà de ses défauts et de ses chutes, doivent rejoindre chacun.

45. Nous voyons ainsi que l’engagement évangélisateur se situe dans les limites du langage et des circonstances. Il cherche toujours à mieux communiquer la vérité de l’Évangile dans un contexte déterminé, sans renoncer à la vérité, au bien et à la lumière qu’il peut apporter quand la perfection n’est pas possible. Un cœur missionnaire est conscient de ces limites et se fait « faible avec les faibles […] tout à tous » (1Co 9, 22). Jamais il ne se ferme, jamais il ne se replie sur ses propres sécurités, jamais il n’opte pour la rigidité auto-défensive. Il sait que lui-même doit croître dans la compréhension de l’Évangile et dans le discernement des sentiers de l’Esprit, et alors, il ne renonce pas au bien possible, même s’il court le risque de se salir avec la boue de la route.

V. Une mère au cœur ouvert46. L’Église “en sortie” est une Église aux portes ouvertes. Sortir vers les autres pour aller aux périphéries humaines ne veut pas direcourir vers le monde sans direction et dans n’importe quel sens. Souvent il vaut mieux ralentir le pas,mettre de côté l’appréhension pour regarder dans les yeux et écouter, ou renoncer aux urgences pour accompagner celui qui est resté sur le bord de la route. Parfois c’est être comme le père du fils prodigue, qui laisse les portes ouvertes pour qu’il puisse entrer sans difficultés quand il reviendra.

47. L’Église est appelée à être toujours la maison ouverte du Père. Un des signes concrets de cette ouverture est d’avoir partout des églises avec les portes ouvertes. De sorte que, si quelqu’un veut suivre une motion de l’Esprit et s’approcher pour chercher Dieu, il ne rencontre pas la froideur d’une porte close. Mais il y a d’autres portes qui ne doivent pas non plus se fermer. Tous peuvent participer

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31PAPE FRANÇOISde quelque manière à la vie ecclésiale, tous peuvent faire partie de la communauté, et même les portes des sacrements ne devraient pas se fermer pour n’importe quelle raison. Cela vaut surtout pour ce sacrement qui est “ la porte”, le Baptême. L’eucharistie, même si elle constitue la plénitude de la vie sacramentelle, n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède etun aliment pour les faibles.51 Ces convictions ont aussi des conséquences pastorales que nous sommes appelés à considérer avec prudence et audace. Nous nous comportons fréquemment comme des contrôleurs de la grâce et non comme des facilitateurs. Mais l’Église n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile.

48. Si l’Église entière assume ce dynamisme missionnaire, elle doit parvenir à tous, sans exception. Mais qui devrait-elle privilégier ? Quand quelqu’un lit l’Évangile, il trouve une orientation très claire : pas tant les amis et voisins riches, mais surtout les pauvres et les infirmes, ceux qui sont souvent méprisés et oubliés, « ceux qui n’ont pas de quoi te le rendre » (Lc 14, 14). Aucun doute ni aucune explication, qui affaiblissent ce message si clair, ne doivent subsister. Aujourd’hui et toujours, « les pauvres sont les destinataires privilégiés de l’Évangile »,52 et l’évangélisation, adressée gratuitement à eux, est le signe du Royaume que Jésus est venu apporter. Il faut affirmer sans détour qu’il existe un lien inséparable entre notre foi et les pauvres. Ne les laissons jamais seuls.

49. Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ. Je répète ici pour toute l’Église ce que j’ai dit de nombreuses fois aux prêtres et laïcs de Buenos Aires : je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. Plus que la peur de se tromper j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les structures qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous transforment en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles, alors que, dehors, il y a une multitude affamée, et Jésus qui nous répète sans arrêt : « Donnez-leur vous-mêmes à manger» (Mc 6, 37).

Tiré de « La joie de l’Évangile – Pape François »

20 JEAN-PAUL II, Exhort. Apost. Postsynodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 32 : AAS 81 (1989),451.21 Vème CONFERENCE GENERALE DE L’EPISCOPAT LATINO-AMERICAIN ET DES CARAÏBES, Document d’Aparecida(29 juin 2007), n. 201.22 Ibid., n. 551.23 PAUL VI, Lett. enc. Ecclesiam suam (6 août 1964) nn. 10-12: AAS 56 (1964), 611-612.24 CONC. OECUM. VAT. II, Décret Unitatis redintegratio, sur l’oecuménisme, n. 6.25 JEAN-PAUL II, Exhort. Apost. Postsynodale Ecclesia in Oceania (22 novembre 2001), n. 19 : AAS 94 (2002),390.26 JEAN-PAUL II, Exhort. Apost. Postsynodale Chrisifideles laici (30 décembre 1988), n. 26 : AAS 81 (1989), 438.27 Cf. Proposition 26.28 Cf. Proposition 44.29 Cf. Proposition 26.30 Cf. Proposition 41.

31 CONC. OECUM. VAT. II, Décret Christus Dominus, sur la charge pastorale des évêques, n. 11.32 Cf. BENOIT XVI, Discours aux participants au Congrès international à l’occasion du 40ème anniversaire duDécret conciliaire Ad Gentes (11 mars 2006) : AAS 98 (2006), 337.33 Cf. Proposition 42.34 Cf. cc. 460-468 ; 492-502 ; 511-514 ; 536-53735 Lett. enc. Ut unum sint (25 mai 1995) n. 95: AAS 87 (1995), 977-978.36 CONC. OECUM. VAT. II, Const. dogm. sur l’Eglise Lumen gentium, n. 23.37 Cf. JEAN-PAUL II, Motu proprio Apostolos suos, (21 mai 1998) : AAS 90 (1998), 641-658.38 CONC. OECUM. VAT. II, Décret Unitatis redintegratio, sur l’oecuménisme, n. 11.39 Cf. S. Th. I-II, q. 66, a. 4-6.40 S. Th. I-II, q. 108, a. 1.41 S. Th. II-II, q. 30, a. 4. ; cf. Ibid. q. 40, a.4, ad 1. « Les sacrifices et les offrandes qui font partie du culte divinne sont pas pour Dieu lui-même, mais pour nous et nos proches. Lui-même n’en a nul besoin, et s’il les veut,c’est pour exercer notre dévotion et pour aider le prochain. C’est pourquoi la miséricorde qui subvient auxbesoins des autres lui agrée davantage, étant plus immédiatement utile au prochain ».42 CONC. OECUM. VAT. II, Const. dogm. Dei Verbum, sur la Révélation divine, n. 12.43 Motu proprio Socialium Scientiarum, (1 janvier 1994) : AAS 86 (1994), 209.44 Saint Thomas d’Aquin soulignait que la multiplicité et la distinction « proviennent de l’intention du premieragent », celui qui veut « que ce qui manque à une chose pour représenter la bonté divine soit suppléé par uneautre », parce « qu’une seule créature ne saurait suffire à représenter sa bonté comme il convient » (S. Th. I, q.47, a. 1). Donc nous avons besoin de saisir la variété des choses dans leurs multiples relations (cf. S. Th.I, q. 47,a. 2, ad 1 ; q. 47, a. 3). Pour des raisons analogues, nous avons besoin de nous écouter les uns les autres et denous compléter dans notre réception partielle de la réalité et de l’Evangile.45 JEAN XXIII, Discours lors de l’ouverture solennelle du Concile Vatican II (11 octobre 1962) VI, n. 5 : AAS 54(1962), 792 : « Est enim aliud ipsum depositum Fidei, seu veritates, quae veneranda doctrina nostra continentur,aliud modus, quo eaedem enuntiantur ».46 JEAN-PAUL II, Lett. enc. Ut unum sint (25 mai 1995) n. 19: AAS 87 (1995), 933.47 S. Th. I-II, q. 107, a. 4.48 Ibid.49 N. 1735.50 Cf. JEAN-PAUL II, Exhort. Apost. Postsynodale Familiaris consortio (22 novembre 1981), n. 34c : AAS 74(1982), 123-12551 Cf. SAINT AMBROISE, De sacramentis, IV, 6, 28 : PL 16, 464 ; SC 25, 87 : « Je dois toujours le recevoir pourque toujours il remette mes péchés. Moi qui pèche toujours, je dois avoir toujours un remède » ; IV, 5, 24 : PL16, 463 ; SC 25, 116 : « Celui qui a mangé la manne est mort ; celui qui aura mangé ce corps obtiendra larémission de ses péchés ». SAINT CYRILLE D’ALEXANDRIE, In Joh. Evang. IV, 2 : PG 73, 584-585 : « Je me suisexaminé et je me suis reconnu indigne. A ceux qui parlent ainsi je dis : et quand serez-vous dignes ? Quand vousprésenterez-vous alors devant le Christ ? Et si vos péchés vous empêchent de vous approcher et si vous ne cessezjamais de tomber – qui connaît ses délits ?, dit le psaume –demeurerez-vous sans prendre part à la sanctificationqui vivifie pour l’éternité ? ».52 BENOIT XVI, Discours à l’occasion de la rencontre avec l’épiscopat brésilien dans la cathédrale de Sao Paulo,Brésil (11 mai 2007), 3 : AAS 99 (2007), 428.

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32 MÉDITATION I

DIEU ET L’ARGENT-III

De quoi parle-t-on quand on parle d’argent ? À l’évidence, pas seulement d’une valeur ou d’un papier-monnaie. On parle d’une réalité qui s’est à ce point infiltrée entre nous qu’elle tisse en partie nos relations avec autrui. Être fortuné ou non change tout dans l’image sociale. L’argent est une réalité qui possède, autant que nous la possédons. Question centrale : que devient l’humain face à l’argent ?

U ne spiritualité de l’argentNul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir

Dieu et Mamon (Matthieu 6, 24; voir Luc 16, 13).

Quand Jésus parle de l’argent, il le personnifie et lui donne un nom : Mamon. Mamônas est le nom araméen de la petite statuette de la fortune, à qui l’on sacrifiait pour obtenir du succès dans les affaires ou dans les relations. C’est dire qu’en donnant un nom à l’argent, Jésus veut dire qu’à tout moment, l’argent peut devenir un dieu auquel on sacrifie sa vie.En affirmant que l’argent peut devenir un dieu, l’Évangile affirme que notre rapport à lui ne constitue pas premièrement une question d’ordre moral, mais d’ordre spirituel.

Nous interroger sur la manière dont nous utilisons notre argent, c’est nous situer sur le plan moral : ce que nous en faisons, ce que nous gardons, ce que nous donnons. Quand Jésus parle des biens, il passe de l’ordre moral (comment faire pour bien faire ?) à l’ordre spirituel : en vue de quoi possède-t-on ? sur quoi fonde-t-on sa vie ? quel dieu se donne-t-on ? Et du coup, la relation aux biens passe de la morale à la spiritualité.

L’argent-désirL’argent peut devenir dieu. Mais que signifie « servir Mamon » ? Contrairement à ce qu’on imagine, la formule ne s’applique pas simplement à ceux qui investissent toute leur vie, toute leur énergie à gagner de l’argent. La formule remonte plus profondément aux racines de ce dévouement acharné au travail.Comme toujours en hébreu, le nom est révélateur. Mamônas vient de la racine hébraïque âman, qui a donné le mot « amen », par quoi nous affirmons que notre prière est vraie. Aman indique la stabilité, la fermeté. Mamônas désigne ce qui est solide, ce qui est stable, ce en quoi l’on peut avoir confiance. Mamon, c’est l’argent qui se présente comme garantie de stabilité. Mamon, c’est l’argent destiné à m’offrir paix et sécurité. Mamon, c’est l’argent-refuge.Mais refuge contre quoi ? Une parabole, dit bien quel type d’inquiétude cherche son refuge, et son oubli, dans l’argent-Mamon.Il y avait un homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. Et il se demandait : Que vais-je faire ? Car je n’ai pas où rassembler ma récolte. Et il se dit : Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes granges et j’en bâtirai de plus grandes et j’y ramasserai tout mon blé et mes biens. Et je me dirai à moi-même : te voilà avec quantité de biens en réserve pour de longues années ; repose-toi, mange, bois, fais la fête. Mais Dieu lui dit :

...Suite et fin.

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33LES CLÉS DE LA FOIInsensé, cette nuit même on va te redemander ta vie, et ce que tu as préparé, qui donc l’aura ? (Luc 12,16-20)En quelques traits, ce merveilleux conteur qu’est Jésus a brossé une scène vivante et suggestive ! L’accumulation de réserves de la part du paysan fortuné dit l’inquiétude du lendemain, la peur de manquer, et le soulagement devant l’abondance. Dans sa volonté de s’assurer l’avenir se joue la lutte contre l’incertitude, l’angoisse devant la précarité. L’angoisse devant la mort. « Repose-toi, fais la fête », se promet-il... et le récit de s’arrêter sur l’ironie de sa mort, au moment même où il estimait avoir triomphé de sa fragilité.

Derrière l’accumulation des richesses, c’est donc la peur de manquer qui se trouve tapie, et derrière elle la peur de la mort. Car l’argent s’offre comme une garantie contre la mort. L’argent a quitté son statut d’objet pour devenir Mamon qui protège de la mort. Déifier l’argent, c’est en faire un rempart contre la mort, une promesse d’éternité.Ce que dévoile la parabole, c’est qu’au fond de cette quête se tapit la peur de manquer, version masquée de la peur de mourir.

Un Manon trompeur Mais l’Évangile va plus loin. Il qualifie le pouvoir de l’argent en disant qu’il s’agit d’un « argent trompeur». La Traduction Œcuménique de la Bible rend ainsi une expression qui signifie littéralement : « Mamion d’injustice » (Luc 16, 9.11).L’expression indique tout d’abord, et sans détour, que l’argent circule dans un système économique générateur d’injustices.Mais surtout, l’argent est trompeur parce qu’il n’offre pas ce qu’il promet. Il est un dieu dont les promesses sont illusoires, car elles ne transforment pas nos impuissances en pouvoir, ni notre fragilité en éternité. Mamon ne fournit pas les garanties qu’on attend de lui.L’expression révèle à ceux qui accumulent qu’ils sont à la fois les complices d’un système économique injuste et les victimes d’une illusion mortelle. Voilà pourquoi Jésus s’écriera : « Malheureux, vous les riches ! »

Les oiseaux du CielC’est sur la question de la confiance que Jésus oppose le service de Dieu et le service de Mamon. Encore une fois, il ne s’agit aucunement de pénaliser le gain financier. La question posée est : sur quoi, sur qui fonder sa confiance ? en qui, en quoi investir sa sécurité ? Rechercher la sécurité dans l’argent revient à le déifier en faisant de lui une idole sécuritaire. Du coup, l’énergie vitale est absorbée par la quête du gain.Du coup aussi, souci de l’autre et attention aux besoins des démunis s’évanouissent face au besoin compulsif d’avoir assez.

Placer sa confiance en Dieu est illustré par cette parole de Jésus dans le Sermon sur la montagne:

Ne soyez pas en souci pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? Regardez les oiseaux du ciel: ils

ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent pas dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit ! Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? (Matthieu 6,25-26)

Ce qui est visé ici n’est pas l’activité économique : y a-t-il plus besogneux, plus activiste que les oiseaux ? Or, si les oiseaux du ciel s’affairent pour gagner la nourriture quotidienne, ils ne provisionnent pas pour le lendemain. Jésus a le regard du sage confiant en la Providence : placer en Dieu sa confiance pour l’avenir, c’est renoncer à se construire soi-même une forteresse dorée.Car il faut absolument éviter que la peur du manque conduise à l’accaparement des biens disponibles par les uns au détriment des autres.

Le Matériel et le SpirituelNous sommes les héritiers d’une culture de type grec pour qui le matériel et le spirituel sont radicalement distincts. On attribue à la religion le destin de l’âme, tandis que les affaires terrestres sont dévolues aux intérêts pragmatiques.Mais l’Évangile est formel : les affaires d’argent ne sont aucunement « bassement matérielles » ! Au contraire, il n’y a pas occupation plus hautement spirituelle que d’établir un budget. Parce qu’un budget, par sa répartition des sommes, reflète le système de valeurs du groupe : quel montant investit-il dans sa défense, dans la formation, dans sa consolidation, dans la préparation de l’avenir, dans la solidarité avec les démunis, etc. ? Un budget est le portrait du groupe, une radiographie de ses convictions.

La gestion des biens est un domaine où se joue l’orientation de notre vie. C’est un lieu où se décide quel est en vérité notre ordre de valeurs, ou si l’on préfère, quel est notre dieu. « L’argent est un lieu de vérité, ne serait-ce que parce que sa quête et son utilisation reflètent ce qui est pour chacun essentiel à sa vie.On a compris qu’en faisant passer notre rapport à l’argent de la morale à la spiritualité, Jésus change la question. Elle n’est plus « que fais-tu de ton argent ? » mais qu’est-ce que ton argent fait de toi ?

Tiré de l’ouvrage « Dieu et l’argent » de Daniel MARGUERAT

...Suite et fin.

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34 MÉDITATION II

n français, nous avons un seul mot, amour, pour l’amour du gâteau au chocolat, de sa grand-mère ou de sa femme. Le vocabulaire peut être ambigu. Les grecs ont trois mots : 1 l’eros, c’est

le désir, l’amour physique et le sentiment, 2 la philia, c’est la concorde spontanée, l’amitié, 3 l’agape, c’est l’amour fraternel et l’amour divin. Peut-être pourrions-nous distinguer plusieurs dimensions de l’amour.

A. Eros et philia : la distinction de l’amour sentiment et de l’amour d’amitié

Premièrement, différentes facultés de connaissance sont en jeu. L’amour sentiment comme passion peut être une idéalisation. En revanche l’amour d’amitié est connaissance de l’autre.

Deuxièmement, les facultés de désir ne sont pas les mêmes. L’amour peut être vécu uniquement au niveau des sentiments ou de la relation physique. Mais l’amour d’amitié est aussi décision, volonté, acte de liberté pleinement responsable.

Troisièmement, le rapport est différent. L’amour d’amitié suppose une certaine égalite. Le dialogue implique qu’alternativement l’un et l’autre parle et écoute. En revanche l’amour sentiment peut transformer l’autre en objet. Le rapport peut être inégalitaire et non réciproque, fait de silences ou de monologues.

Quatrièmement, les qualités du rapport ne sont pas identiques. L’amour sentiment peut n’être qu’intérêt masqué. L’amoureux peut aimer l’amour et non l’aimé. Mais l’amour d’amitié est l’amour de l’autre pour l’autre.

D’un côté, notre cœur veut croire à l’amour. Et l’amour est une valeur humaine fondamentale qui peut remplir une vie. Mais d’un autre côté, nous constatons les déchirures, les échecs de l’amour. Alors, légitimement, on peut se mettre à douter. L’amour est-il possible ? N’est-il pas une illusion ? N’est-il qu’un sentiment ? Pourquoi se marier ? Peut-on surmonter les épreuves dans le rapport à l’autre ? Quelle est alors la place accordée à Dieu ?Autant de questions que nous évoquerons dans ce numéro et que nous continuerons à développer dans le Cœur à Cœur du mois d’avril.

AIMER, EST-CE VRAIMENT POSSIBLE – I

L’amour n’est-il qu’un sentiment ?E

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35AIMER, EST-CE VRAIMENT POSSIBLEIl suppose une forme de désintéressement, de gratuité de don de soi et d’ouverture à l’autre.

Cinquièmement, comment répondre face aux offenses? L’amour d’amitié peut aller jusqu’au pardon, même s’il n’est pas identique à l’oubli. En revanche, l’amour sentiment, s’il n’est qu’amour de soi, peut se transformer en haine de l’autre. La rancune, l’indifférence, le ressentiment, la fuite minent le rapport à autrui pour le détruire en profondeur.

Sixièmement, la temporalité est différente. L’amour sentiment peut être éphémère. L’amour d’amitié, lui, suppose la stabilité, la durée, la croissance par-delà les crises.

Septièmement, le nombre n’est pas le même. L’amour sentiment peut se porter sur plusieurs. Don Juan passe d’une conquête à une autre. Il n’y a aucune relation en profondeur. L’amour d’amitié s’adresse en revanche à un seul. Seule l’élection d’une personne permet l’approfondissement du lien. Une distinction entre amour sentiment et amour d’amitié est donc nécessaire. Certes toute séparation est caricaturale. Ce tableau en sept points l’est à plus d’un titre. D’une part, dans la réalité, l’amour est souvent mêlé de sentiment et d’amitié. Vouloir séparer les deux serait d’ailleurs comme vouloir séparer le corps et l’esprit. Un amour vivant et humain est sentiment et amitié, passion et volonté. L’amour est un sentiment

volontaire. Les échecs de l’amour montrent bien que réduire l’amour à une volonté, à l’amour « platonique » sans affectivité serait désincarner l’amour.

B. De l’eros à l’agapê : la dimension divine du désir Pour dépasser ce qu’aurait d’outrancier cette nécessaire distinction entre l’amour sentiment et l’amour d’amitié, intégrons la dimension divine de l’amour. Reconnaissons en effet la dimension positive du désir, de l’amour sentiment. L’opposition avec l’amour d’amitié n’en a révélé que les limites et les aspects négatifs. Tout d’abord, ce désir qui est en nous appartient à notre humanité. Si l’animal a des besoins biologiques et sensibles, seul l’homme à une affectivité qui veut dépasser les limites. Par ailleurs, la passion c’est la vie. Seul le dépressif n’a plus de désir. « Rien de grand ne s’est fait sans passion », disait Hegel.

Le désir est dynamique de vie. Enfin, si le désir infini est en tout homme c’est tout simplement que le désir du bonheur habite le cœur de chaque homme. Tout le monde veut être heureux, pleinement soi et satisfait. Bref, le désir appartient à toute vie humaine en quête de bonheur. Dès lors, supprimer tout désir serait anéantir mon humanité. Le bonheur ne sera pas la disparition des désirs et du moi, comme le pense le bouddhisme. Éliminer tout désir par une dissolution de soi serait inhumain. Certes les excès peuvent détruire l’homme, mais inversement réduire la

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36 MÉDITATION IIvie à la simplicité d’une vie biologique, c’est comme anéantir l’infinité de la vie de l’esprit. Le problème est que ce désir infini, positivement humain, peut se tromper d’objet. Cette infinité du désir est le signe que notre esprit ne peut avoir été donné que par un Dieu infini. Or, seule une réalité proprement infinie peut combler notre désir. «Dieu seul rassasie », dit saint Thomas d’Aquin. Au lieu de ce véritable infinie, je répète indéfiniment une réalité finie croyant atteindre un infini. Don Juan multiplie les conquêtes sans approfondir aucune relation et est finalement déçu. Le collectionneur multiplie la

Si l’amour n’est qu’un sentiment éphémère, subjectif, physique, se portant sur différents objets du désir au gré des aléas de la vie, le mariage n’a pas de sens. Mais, si l’amour est aussi amitié, relation réciproque, accueil de l’autre, décision bienveillante, durée avec l’élu, alors le mariage peut signifier cet amour. Si nous considérons la grandeur de l’amour d’amitié comme réalisation et dépassement du simple sentiment, alors nous voyons aussi la difficulté à accomplir cet amour fait d’écoute, de générosité, de pardon, de durée. S’il est formidable d’aimer, c’est aussi difficile. L’amour est à la fois notre désir le plus profond et ce que nous avons du mal à accomplir.L’amour n’est pas seulement instinctif et pulsionnel. Sinon, il réussirait à tous les coups. « Se marier, c’est ne pas compter que sur ses propres forces » dit Xavier Lacroix. Alors, qu’est-ce qui peut m’aider à vivre vraiment cet amour ? Sur quoi puis-je m’appuyer ? En quoi le mariage est-il une force pour l’amour ?Tout d’abord, la parole solennelle de la cérémonie du mariage a une efficacité. « Je te reçois comme épouse et je me donne à toi ». Le mariage, c’est le poids des mots et pas seulement le choc des photos. L’échange des consentements réalise l’intention de réciprocité et de bienveillance mutuelle.

possession d’objets finis, mais il lui manque toujours une pièce dans sa soif inachevée de complétude. La matière est toujours limitée. Le gouffre infini du désir ne peut se combler que par l’infinité de Dieu. L’achèvement du désir ne peut se réaliser que dans la source de tout désir, Dieu qui est Amour. L’eros ne s’actualise pleinement que dans l’agapê. S’il faut reconnaître à l’amour physique et sensible une dynamique positive, ce désir ne doit pas se fermer à ce qui est la source profonde de son dynamisme. Et les mystiques et les saints vivent au contraire de ce désir et de cet amour divin.

Cette force de la parole est à l’image de la nécessaire communication dans la vie d’un couple. Aimer, c’est se parler, apprendre à écouter. La crise n’est pas forcément l’échec, mais l’opportunité pour dialoguer. Cette parole s’inscrit dans le temps. L’échange solennel n’est pas isolé. Il appartient à une histoire, conséquence d’une préparation et gros d’une promesse pour l’avenir. Les préparations au mariage sont souvent rapides. Et, on ne se prépare pas mieux en cohabitant dans un mariage l’essai. Au contraire, l’attente des êtres met en avant la préparation des esprits avant l’union des corps. La décision mûrie de l’intérieur n’est pas dictée par les circonstances d’un vécu où on se sent déjà lié. Si aimer c’est choisir l’autre, donner, dialoguer, pardonner, alors l’amour s’apprend chaque jour. Vivre à deux, ce n’est pas seulement, être

sous le même toit par un contrat économique avantageux ou pour fuir sa solitude. La promesse de fidélité est un acte de confiance et d’amour, un engagement inconditionnel, source de paix et de sécurité. Le mariage est donc un amour dans le temps.

Le mariage, c’est aussi l’amour et la liberté. D’une part, l’amour n’est pas un réservoir auquel l’on viendrait boire chaque jour et qui s’épuiserait forcement avec le temps, mais c’est une source qui se renouvelle chaque jour avec les actes en vérité que l’on pose.

C’est en posant des actes d’amour, que l’amour grandit. D’autre part, ces actes quotidiens de liberté s’appuient sur un acte concret et manifeste de choix. Oui, je le veux. Et je signe les registres. Aidé par la parole, le mariage est une décision, un acte de liberté. Je réalise ce que je décide, en le disant et en l’écrivant. Enfin, le mariage est un engagement responsable. On confond souvent liberté et indépendance. Se déterminer, c’est grandir en intensité et se limiter en extension. Et l’amitié suppose de recevoir de l’autre.

tiré de « 42 questions sur Dieu »

Pourquoi se marier ?

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37AIMER, EST-CE VRAIMENT POSSIBLE

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38 LES CLÉS DE LA PRIÈRE

aire sienne cette tradition nécessite de dépasser les limites de ce que tout un chacun est capable de comprendre de ces

affirmations. Ainsi, il n’est pas évident de savoir à quoi l’on s’engage exactement en affirmant que le Fils est «conçu du Saint-Esprit », ou que l’on affirme croire « à la résurrection de la chair ». Cela demande de s’en remettre à l’Église elle-même comme sujet premier de la profession de foi. Il ne s’agit pourtant pas de renoncer à sa liberté de jugement, bien au contraire. Pour le comprendre, il faut se redire quelle est la nature de la foi qui se manifeste dans cette affirmation : « Je crois. »

La foi comme dialogueLe Credo est la reprise du dialogue baptismal composé de trois questions crois-tu en Dieu le Père tout-puissant? Crois-tu en Jésus-Christ? Crois-tu en l’Esprit saint? En ce sens, la profession de foi est toujours située dans un dialogue initial qui non seulement empêche chaque «Je crois » d’être isolé mais qui, bien plus, est toujours enchâssé dans un « Nous croyons » plus large. C’est la

nature dialogique de la foi.Mais cette foi, toujours située dans un dialogue, n’est pas seulement une adhésion à des énoncés de foi. Car le dialogue de foi est toujours un dialogue de conversion. En effet, dans la dynamique baptismale, la triple réponse « Je crois » suit une triple renonciation : à Satan, à ses œuvres et à ses séductions. Ce que manifeste cette articulation entre renonciation et profession de foi, c’est que la foi n’est pas la récitation d’une leçon incompréhensible, elle est l’expression d’une vie humaine convertie, renouvelée par la grâce.

La foi comme incorporation Ce lien entre foi et conversion, dans le dialogue baptismal comme dans toute : proclamation de foi, conjoint ainsi une dimension personnelle et communautaire. Dimension personnelle car c’est bien la vie de celui qui dit « Je crois » qui est transformée par la grâce. Dimension communautaire car cette foi est toujours déjà portée et vécue par la communion ecclésiale. Toute profession de foi incorpore ainsi à une communauté de foi.

de la prière:Les clés LE VISAGE ECCLÉSIAL DE LA FOI

Professer sa foi, c’est dire publiquement « Je crois », et s’engager dans une appropriation des formules de foi que l’Église transmet et propose dans le Credo et dans l’ensemble de la tradition vivante.

F

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39LE VISAGE ECCLÉSIAL DE LA FOILa foi est une réponse. Elle implique une interpellation par un corps capable de dire « Crois-tu? », et dont la réponse « Je crois » incorpore à cette communauté qui interpelle.

La foi comme vie évangéliqueCroire, ce n’est donc pas être d’accord avec des énoncés ou partager avec d’autres des valeurs. Si croire, c’est vivre en intimité avec Dieu en se laissant conduire par l’Esprit saint, alors cela implique une conversion du rapport à Dieu, à soi, aux autres et au monde. Et cette conversion entraîne un renouvellement de nos actions concrètes envers Dieu, soi-même, les autres et le monde. Ces actes de la vie nouvelle sont toujours dictés par l’Évangile et nourris de la tradition de l’Église. Ce que permet de découvrir la vie chrétienne engagée dans

le « je crois » baptismal, c’est que les énoncés de foi sont toujours comme irrigués par la foi vive de l’Église. C’est ainsi que les affirmations du Credo inscrivent la vie des croyants dans l’expérience ecclésiale, et réciproquement. On peut alors dire que ces affirmations s’accomplissent sous la forme d’une exposition vivante et vivifiante de la foi. En réponse à celle-ci, nous pouvons consentir à l’amour de Dieu qui relève nos vies et restaure notre pleine liberté.

Tiré de l’ « Ecclesia No17 »

Francois Moog Directeur de l’ISPCInstitut catholique de Paris

L’identité croyante passe par l’alliance, au plus intime de chacun, du « je » et du « nous ». Ce « nous est évidemment celui de la communauté de foi. Il est aussi, et dans le même moment, le nous de tous ces frères humains, parfois très proches, qui interrogent notre foi sans avoir la possibilité de s’y reconnaître. Ceux-là ne sont pas une menace pour notre propre identité. C’est la rencontre avec la différence qui révèle et confirme ce qui nous constitue en tant que croyants en Christ. L’identité est toujours une histoire de rencontre. Et c’est en même temps une histoire en train de s’écrire. « On ne naît pas chrétien, on le devient», écrivait Tertullien au IIIe siècle. Le devenir dans le cas de la foi tient à la manière de se situer dans ce monde qui bouge et qui nous est commun. Porter avec les autres, qu’ils soient croyants ou qu’ils soient étiquetés incroyants, les interrogations que suscitent les changements de société tel est le lieu possible, parce que c’est le seul terrain qui garantisse l’authenticité des démarches, la crédibilité du témoignage; le désintéressement des interlocuteurs.

Gaston Pietri, prêtre à Ajaccio. La Croix. 7. octobre 2012

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Par Christian TAOUTELet Pierre WITTOUCK s.j.Déportés en GrèceDans les jours qui suivirent, les prêtres des congrégations religieuses européennes sont obligés de quitter le pays. Ils sont rassemblés sur des bateaux et embarquent, sans rien emporter, pour la Grèce.« Nous sommes sur un petit bateau construit pour une cinquantaine de personnes, presque 500 religieux et religieuses de toutes les congrégations, jésuites, maristes, lazaristes, dominicains, capucins, franciscains... Le voyage sera horrible, le prix aussi (...). Mais à peine le bateau eut-il levé l’ancre du port de Beyrouth qu’un joyeux Ave Maria s’échappa de toutes les bouches et tous les cœurs. Marie avait sauvé ses enfants de la main des barbares turco-allemands. »« Les Ottomans réquisitionnent donc les hôpitaux et les institutions d’enseignement gérés par les missionnaires étrangers. Ce sont ainsi plus de 400 religieux et religieuses français qui quittent le Mont-Liban et Beyrouth. »Le 22 février 1916, le provincial des jésuites, le père Claude Chanteur s.j., remet une copie de l’inventaire des possessions de la Compagnie de Jésus au Liban à l’abbé Séraphin Lagier (qui se charge de faire parvenir le document au ministère des Affaires étrangères en France). Un document manuscrit détaille la liste des biens, qui sont confiés aux Tabet et aux Sfeir, des familles résidant près de la maison de la Compagnie de Jésus à Beyrouth. Valises des prêtres, lampes, calices, livres et tapis, soutanes, uniformes et draps... autant d’objets du « patrimoine » de la mission jésuite, qui vont être dissimulés dans des maisons, risquaient moins d’être l’objet des perquisitions ottomanes.

Chapelles transformées en mosquéesEn août 1916, la situation des jésuites est des plus mauvaises. L’USJ est occupée par le Croissant-Rouge ottoman et par la « Défense nationale ». Literie et mobilier ont été emportés. L’église Saint-Joseph de la Compagnie de Jésus a été fermée et l’une des chapelles aurait été transformée en mosquée. Une grande partie des manuscrits de la Bibliothèque orientale est envoyée à Istanbul. Le bâtiment de la faculté de médecine est occupé par la faculté de médecine ottomane de Damas. La chapelle y a été transformée en mosquée. Les machines et instruments de l’imprimerie catholique ont été volés (le père Maalouf s.j. estime les pertes à 500 000 FF). Toutes les provisions cachées à Beyrouth ont été confisquées. Les lettres nous apprennent aussi qu’un agronome allemand, allié des Ottomans, a vendu aux enchères, à moitié prix, tout ce qui se trouvait à Bickfaya, Taanaïl et Ksara. Il faut rappeler que les pères jésuites (français) menacés avaient abandonné le domaine de Taanaïl pour rejoindre la résidence de Ksara (qui appartenait administrativement au Mont-Liban).

Dans la Montagne, on meurt de faimEn dehors de Beyrouth aussi, la guerre de 1914-1918 causera d’énormes dégâts aux jésuites.Abandonnée, la maison de Taanaïl est pillée, saccagée et incendiée. Les Turcs profitent de la situation et coupent tous les frênes du domaine déserté, ce bois étant recherché pour fabriquer les roues des porte-canons de l’armée ottomane.Au collège Saint-Joseph de Antoura, chez les pères lazaristes, même son de cloche : « L’église, notre jolie

40 LIBAN

Les jésuites au Libanet la Grande Guerre de1914-1918 - II ...Suite

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église, est devenue cuisine. On fait les feux à la mode arabe sur les autels, et c’est pure barbarie gratuite, puisqu’il y a au collège une superbe cuisine pour alimenter 600 personnes. Mes confrères sont cachés dans la montagne où ils meurent de faim. »À Ksara, la maison, les caves et l’observatoire sont entièrement saccagés et la bibliothèque dispersée. À Ghazir et à Bickfaya, les maisons sont très endommagées, les portes et les fenêtres démontées et emportées. À Homs et Alep, en Syrie, « il n’y a plus que les quatre murs des maisons ».

Les pendaisonsLes archives des pères jésuites dévoilent aussi que plusieurs notables ont été pendus à cause de leurs sentiments francophiles. À Beyrouth, Joseph Béchara Hani et Philippe et Farid Khazen sont pendus sur la place publique. Ils

meurent « courageusement et chrétiennement après avoir reçu les sacrements d’un prêtre maronite ». Ahmad Tabbara, propriétaire d’un journal, subit le même sort.À Damas, Abdel Wahab el-Inglizi et Michel Pacha Moutran, condamnés comme traîtres à la patrie ottomane, sont promenés publiquement dans une charrette, fouettés et couverts de crachats et d’ordures. Tous les drogmans des consulats d’Alep, de Damas et de Tripoli, comme Espère Choukaire, du consulat anglais à Beyrouth, et Aziz Fiani du consulat russe de Beyrouth, sont déportés.« Les patriarches maronites résidant à Dimane, ainsi que le patriarche syrien, ont été interrogés plusieurs fois par la cour martiale et ont été humiliés. Le Monseigneur Chebli, évêque maronite, a été déporté, condamné à mort par la cour martiale de Aley. L’évêque syrien de Gezireh ainsi que 34 prêtres catholiques ont été massacrés en 1915... »

À suivre.

41MÉMOIRE - BIENTÔT UN CENTENAIRE...

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42 NOUVELLE ÉVANGÉLISATION-V

ien que le terme « nouvelle évangélisation » soit certainement répandu et suffisamment assimilé, il reste une expression apparue récemment dans l’univers de la réflexion ecclésiale et pastorale, de sorte que sa

signification n’est pas toujours claire et établie. C’est le pape Jean-Paul II qui a introduit le terme « nouvelle évangélisation » dans un premier temps sans aucune emphase, et presque sans laisser présager le rôle qu’il aurait assumé par la suite – lors de son voyage apostolique en Pologne.

S’il a recours à ce terme, c’est pour en faire un instrument de lancement ; il l’introduit comme un moyen pour communiquer des énergies en vue d’une nouvelle ferveur

missionnaire et évangélisatrice.Nouvelle dans son ardeur, dans ses méthodes, dans ses expressions. Il ne s’agit pas de refaire quelque chose qui a été mal fait ou qui ne fonctionne pas, de sorte que la nouvelle évangélisation serait un jugement implicite sur l’échec de la première. La nouvelle évangélisation n’est pas une nouvelle version de la première, une simple répétition mais elle est le courage d’oser de nouvelles voies, face aux nouvelles conditions au sein desquelles l’Église est appelée à vivre aujourd’hui l’annonce de l’Évangile. La nouvelle évangélisation est l’action qui suit le processus de discernement selon lequel l’Église est appelée à lire, et à évaluer la situation dans laquelle elle se trouve.

R

Le temps d’une« nouvelle évangelisation »

« Comment l’invoquer sans d’abord croire en Lui ?Et comment croire sans d’abord l’entendre ?

Et comment entendre sans prédicateur ? » (Rm 10, 14)

La nouvelle évangélisation, c’est quoi?-V ...suite

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43LE TEMPS D’UNE « NOUVELLE ÉVANGELISATION »C’est dans ce sens que le terme est repris et relancé dans le magistère du pape Jean-Paul II à l’intention de l’Église universelle. « L’Église doit affronter aujourd’hui d’autres défis, en avançant vers de nouvelles frontières tant pour la première mission ad gentes que pour la nouvelle évangélisation de peuples qui ont déjà reçu l’annonce du Christ. Il est aujourd’hui demandé à tous les chrétiens, aux particulières et à l’Église universelle le même courage que celui qui animait les missionnaires du passé, la même disponibilité à écouter la voix de l’Esprit. » La nouvelle évangélisation est une action spirituelle avant tout, la capacité de faire nôtres dans le présent le courage et la force des premiers chrétiens, des premiers missionnaires. Elle est donc une action qui exige en premier lieu un processus de discernement quant à la santé du christianisme, au chemin parcouru et aux difficultés rencontrées. Le pape Jean-Paul II précisera encore par la suite : « L’Église doit faire aujourd’hui un grand pas en avant dans l’évangélisation, elle doit entrer dans une nouvelle étape historique de son dynamisme missionnaire. En un monde où ont été éliminées les distances et qui se fait plus petit, les communautés ecclésiales doivent s’unir entre elles, échanger leurs énergies et leurs moyens, s’engager ensemble dans l’unique et commune mission d’annoncer et de vivre l’Évangile. « Les Églises qu’on appelle jeunes Églises ont besoin de la force des Églises anciennes, et en même temps celles-ci ont besoin du témoignage et de la poussée des jeunes Églises, de sorte que chacune de ces Églises puise aux richesses des autres. »Nous sommes désormais capables de saisir le fonctionnement dynamique ressortant du concept de «nouvelle évangélisation»: on y a recours pour indiquer l’effort de renouvellement que l’Église est appelée à faire pour être à la hauteur des défis que le contexte social et culturel contemporain pose à la foi chrétienne, à son annonce et à son témoignage, suite aux profonds changements en tours. À ces défis, l’Église répond non pas en se résignant ou en se refermant sur elle-même, mais en lançant une opération de revitalisation de son corps avec, en son centre, la figure de Jésus-Christ, sa rencontre avec Lui, qui donne l’Esprit et les énergies pour annoncer et proclamer l’Évangile suivant des voies nouvelles pouvant parler aux cultures d’aujourd’hui.

Ainsi formulé, le concept de « nouvelle évangélisation» est adopté et relancé dans les Assemblées synodales continentales, célébrées en préparation du Jubilé de l’An 2000, se confirmant désormais en tant que synonyme de relance spirituelle de la vie de foi dans les Églises locales, point de départ sur le parcours de différentes sphères culturelles et sociales, relecture de la mémoire de foi, prise en charge de nouvelles responsabilités et de nouvelles énergies en vue d’une proclamation joyeuse et contagieuse de l’Évangile de Jésus-Christ.Mais le terme ne parvient pas à se faire accueillir pleinement dans le débat ni dans l’Église ni dans la culture. Il reste encore des réserves à son égard, comme si, avec lui, l’intention était d’élaborer un jugement de désaveu et la suppression de plusieurs pages du passé

récent de la vie des Églises locales. Certains pensent que la « nouvelle évangélisation » couvre ou cache l’intention de nouvelles actions de prosélytisme de la part de l’Église, en particulier à l’égard des autres fois chrétiennes.

Nous, chrétiens, nous devons avoir à cœur les personnes qui se considèrent comme agnostiques ou athées. Elles sont sans doute effrayées lorsqu’on parle de nouvelle évangélisation, comme si elles devaient devenir des objets de mission. Toutefois, la question concernant Dieu reste présente pour elles aussi. La recherche de Dieu a été la raison principale de la naissance du monachisme occidental et, avec lui, de la culture occidentale. Le premier pas de l’évangélisation consiste à s’efforcer de

maintenir en vie cette recherche. Il est nécessaire de continuer à dialoguer non seulement avec les religions, mais aussi avec

les personnes qui considèrent la religion comme quelque chose d’étranger.La « nouvelle évangélisation » indique l’audace des chrétiens à ne jamais renoncer, à rechercher positivement toutes les voies pour ériger des formes de dialogue susceptibles de saisir les attentes les plus profondes des hommes et leur soif de Dieu.Une telle capacité, une telle attitude exigent d’effectuer en premier lieu une vérification et une purification de soi afin de reconnaître les traces de peur, de fatigue, d’étourdissement, de repli sur soi qui ont pu être engendrés en nous par la culture dans laquelle nous vivons. Dans un second temps, l’urgence sera celle de l’élan, de la mise en marche, grâce au soutien de l’Esprit saint, vers cette expérience de Dieu en tant que Père, que la rencontre

vécue avec le Christ nous permet d’annoncer à tous les hommes. Ces moments ne constituent pas des étapes temporelles successives, mais plutôt des modes spirituels qui se succèdent, sans solution de continuité à l’intérieur de la vie chrétienne. L’apôtre Paul

les rapporte lorsqu’il décrit l’expérience de la foi comme une libération de « l’empire des ténèbres » et une entrée «dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés » (Col 1, 13-14 ; cf. aussi Rm 12, 12). De même, cette audace n’est pas quelque chose d’absolument nouveau ou de totalement inédit pour le christianisme, puisqu’il existe déjà des traces de cette attitude dans la littérature patristique.

Tiré de “Cedrus Libani No 83”

C’est le pape Jean-Paul II qui a introduit le terme « nouvelle évangélisation »

Il est aujourd’hui demandé à tous les chrétiens, aux Églises particulières et à

l’Église universelle le même courage que celui qui animait les missionnaires du

passé, la même disponibilité à écouter la voix de l’esprit.

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44 vrai ? L’Évangile est-il

III

Avec ce dernier chapitre prend fin notre « enquête» sur les Évangiles. Qu’en est-il en effet de la révélation chrétienne face aux autres religions ? Si nous pensons que la révélation chrétienne et l’Évangile sont la vérité même de Dieu, que faut-il penser des religions non chrétiennes? Pourquoi croire la Bible et non le Coran ? Qu’est-ce au juste que l’ésotérisme, cette tendance non chrétienne actuelle?

a Révélation chrétienne face aux autres religions Vatican II déclare dans « Nostra Aetate » :

l’Église catholique nous rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu’elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue d’annoncer sans cesse le Christ qui est la voie, la vérité et la vie dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s’est réconcilié toutes choses. Elle exhorte donc ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et la collaboration avec ceux qui suivent d’autres religions, et tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socioculturelles qui se trouvent en eux.

A. L’islamPlus particulièrement, que faut-il penser de l’islam par rapport à la Révélation chrétienne? On peut trouver des «semences du Verbe » et regarder les musulmans avec respect. « L’Église regarde avec estime les musulmans qui adorent le Dieu un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme aux secrets de Dieu, même s’ils sont cachés, comme s’est soumis à Dieu Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Ils ont en estime la vie morale et ils rendent un culte à Dieu, surtout par la prière, l’aumône et le jeune » (Nostra Aetate, 3).Il faut noter aussi des différences. Tout d’abord, si le christianisme c’est l’absolu dans l’histoire, l’islam semble être l’absolu sans histoire. L’islam semble s’être figé au Xe siècle. Après sa conquête militaire plus rien n’évolue vraiment. Nous avons vu aussi que l’interprétation chrétienne des Écritures suppose la pluralité analogique du sens, le respect du contexte historique et de l’intention

L

ENQUÊTE

Suite et fin

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45L’ÉVANGILE EST-IL VRAI?indépendance, ne veut pas recevoir d’un autre son bien.L’homme d’aujourd’hui est en quête de sens dans une époque déboussolée. L’aspect positif de la démarche gnostique peut se trouver dans cette quête de vérité que l’on recherche. L’homme a justement soif de vérité. Cependant, refusant le Christ sauveur, il espère trouver dans des connaissances ésotériques la spiritualité dont il a besoin. Chassez le religieux, il reviendra au galop ! Pour un chrétien, la Révélation vient de Dieu lui-même qui parle à travers les Écritures, Ancien testament et Nouveau testament. Il s’agit de se mettre à l’écoute de Dieu. Dieu parle, sans rien cacher. C’est au grand jour que j’ai parlé au monde, j’ai toujours enseigné à la synagogue et dans le temple ou tous les juifs s’assemblent, et je n’ai rien dit en secret » (Jn 18, 19). L’Église n’a rien à cacher. Elle n’a pas le goût du secret, comme la franc-maçonnerie. Tout est dans l’Évangile. Il suffit d’ouvrir le livre et de le lire. Mais qui prend vraiment le temps de lire les Évangiles et le Nouveau Testament ? La vérité et la Révélation sont à la portée de tous. Certes, la révélation chrétienne suppose un mystère. Cependant, ce mystère n’est pas un savoir occulte, mais un trop-plein de lumière, que Dieu me donne et qui dépasse ma mesure.Par la vie de Jésus, Dieu me dit tout, mais j’ai du mal à comprendre la simplicité de l’Évangile. La vie de Jésus est à la fois le lieu de la révélation divine et ce qui demeure caché. Le Très haut se dévoile et se voile dans le tout-petit. La vérité passe par les réalités les plus simples.La difficulté est de regarder le Christ et de l’adorer comme notre maître et sauveur. Alors on peut détourner le regard et croire que la vérité est ailleurs. La gnose a le goût du secret, du savoir réservé à des initiés, de la science occulte, du complot.Ces différences essentielles dans l’attitude religieuse se retrouvent dans le contenu même de la croyance. Pour un chrétien, Dieu, créateur du monde, est au-delà du monde. La gnose ésotérique est une tendance panthéistique de fusion de la nature et du divin.Pour un chrétien, l’esprit se distingue de la matière, alors que pour ces gnoses, tout est vie et la matière est esprit. Pour un chrétien, la grâce est au-delà de la nature. Le surnaturel est donné gratuitement par Dieu. La réussite n’est pas que le fruit de nos propres forces. Pour un chrétien, Dieu est innocent du mal. Ce dernier provient de la liberté humaine ou angélique, alors que pour d’autres, c’est la matière qui est mauvaise, l’univers qui est imparfait et dégradé ou la malice d’un démiurge qui fait surgir le monde dans un scénario de chute. Pour un chrétien, Dieu est un être personnel et non une divinité sans nom et sans visage. Le chrétien croit en la résurrection de la chair et non dans la réincarnation. Le retour du religieux peut donc être très éloigné du christianisme. La légitime quête personnelle de la vérité peut s’égarer si elle ne découvre pas que Jésus est le Chemin, la Vérité et la Vie.Affirmer la spécificité de la révélation chrétienne par rapport aux religions non chrétiennes, ce n’est évidemment pas interdire à un musulman ou un bon chrétien la possibilité d’être sauvé, mais leur attitude religieuse reste différente de celle du chrétien. La charité dans le dialogue n’exclut pas la vérité et la clarté sur ces différences.

Tiré de « 42 questions sur Dieu »

de l’auteur, la reconnaissance de la diversité des genres littéraires. Le Coran, ce n’est pas la parole de Dieu qui passe par les contingences historiques permettant des interprétations, c’est l’absolu auquel on ne peut pas toucher. Le Coran de la terre est la copie du Coran incréé dans le Ciel. On ne discute pas avec Dieu. On apprend le Coran par cœur. Les spécialistes du Coran se rendent compte qu’un travail ; d’interprétation est nécessaire, et plusieurs se lancent dans ce travail.Seul l’islam est une religion du livre. Le christianisme n’est pas une religion du livre. Nous sommes une religion de la Parole faite chair en Jésus et se révélant dans l’histoire. Certes, la source de notre foi c’est l’Écriture, mais nous ne suivons pas un livre, un code mais quelqu’un, une personne, Jésus. Cet Absolu dans l’histoire passe par l’Incarnation et la foi dans la Trinité.Du point de vue de l’agir, nous avons aussi des différences. Islam ou musulman sont deux mots ayant pour même origine un terme qui signifie soumis. L’homme est écrasé par le destin divin auquel il ne peut rien. La conception chrétienne de la providence suppose l’affirmation de la pleine liberté humaine. En islam, la distinction entre le politique et le religieux n’est pas possible. La charia doit s’appliquer et s’impose à tous. Les femmes sont des êtres inférieurs à l’homme. Alors que Jésus est un célibataire, Mahomet est un polygame. Le premier prêche l’amour et l’humilité, accepte la souffrance sur la croix. Le second prêche la guerre sainte (djihad), la force, affirme la loi et le pouvoir. L’Islam aura-t-il la capacité de se reformer en posant l’égalité des hommes et des femmes, en faisant une étude critique et exégétique du Coran, en distinguant le politique du religieux, en affirmant la liberté de l’homme, en acceptant l’évolution historique, en refusant la conquête par la violence et la soumission des minorités non musulmanes quand l’islam est majoritaire (dhimmitude), sans sortir du Coran ?

B. Esotérisme et gnoseUne autre tendance religieuse non chrétienne actuelle se rencontre dans l’ésotérisme au sens large qui va du « Nouvel Âge » en passant par la franc-maçonnerie, la philosophie de Hegel jusqu’au regard occidental sur l’hindouisme ou le bouddhisme. Cette tendance ésotérique et gnostique a été exploitée par Dan Brown dans ses livres, Da Vinci Code, Anges et Démons.Les Occidentaux, refusant leur histoire chrétienne, recherchent des formes nouvelles de religion en réactualisant des formes anciennes de gnoses c’est-à-dire des connaissances réservées à des initiés. Ces « nouvelles » religiosités sont variées, mais elles ont comme point commun, le refus que le Christ soit homme et Dieu, unique sauveur de l’humanité. Ce n’est plus Dieu qui se fait homme dans l’incarnation pour sauver le genre humain, c’est l’homme qui se fait Dieu en se sauvant par lui-même. L’homme ne reçoit pas son salut, en le demandant humblement à Dieu, par le Sang du Christ offert sur la croix, mais il doit par ses propres forces et son savoir atteindre la divinité qui est en lui. Jésus n’est plus qu’un homme parmi d’autres, tout au plus un grand initié. L’individu postmoderne, jaloux de son

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D ébauche et Libations : près du temple, les adeptes étaient soumis à la tentation.Automne 49, Paul se rendit à Corinthe, en Grèce. Dans cette colonie romaine, il y croisa un couple d’artisans : Aquilas et sa

femme Priscille. Ensemble, ils fondèrent la première communauté chrétienne de la ville. Grâce à ses deux ports, cette cité avait alors la haute main sur l’ensemble du trafic commercial entre Rome et l’Orient. Cette situation lui offrait une opulence insolente. À l’instar de toute sa population, très cosmopolite, le groupe chrétien qui venait de naître se mélangea très vite. Plusieurs figures de la synagogue locale, tel Crispus, l’un de ses chefs, se convertirent semble-t-il à ce moment-là. Cependant, comme à Antioche, la situation se tendit bientôt entre les juifs traditionalistes et ceux qui étaient tentés par la nouvelle foi. Vers 51, la communauté juive se souleva pour protester contre Paul, accusé de répandre la doctrine chrétienne. Le proconsul romain Gallion refusa

d’intervenir, jugeant que ce conflit religieux entre juifs ne le concernait pas.

Ces frictions ne constituaient pas le seul danger menaçant les chrétiens. Dans ce carrefour international aux mœurs dissolues, la licence s’affichait partout, en premier lieu aux abords du sanctuaire honorant Aphrodite. Le temple était entouré d’un millier de prostituées ! Depuis Ephèse, où il continuait à répandre la bonne parole, Paul adressa plusieurs lettres, ses fameuses épîtres aux Corinthiens (écrites en 55-56), aux fidèles de cette ville. Il les exhortait à surveiller leur conduite. Les repas qu’ils prenaient en commun, écrivait-il, ne devaient pas tourner à la beuverie et à la débauche. Les femmes qui participaient aux célébrations eucharistiques étaient invitées à veiller à leur tenue. Malgré ces remontrances, la remuante communauté corinthienne continua à lui donner des soucis. Au point qu’il revint dans la ville pour la reprendre en main, mais il fut très mal accueilli et préféra rebrousser chemin.

PRÈS DU TEMPLE,LES ADEPTES ÉTAIENT SOUMIS À LA TENTATION

HISTOIRE DU CHRISTIANISME

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47HISTOIRE DU CHRISTIANISME

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48 À LA DÉCOUVERTE DES SITES...

construisit une route pour le transport du bois de cèdre. » Deux autres inscriptions en référence à Nabuchodonosor se trouvent dans la vallée du Lion (Wadi el-Sabaa), à l’ouest de Akroum.• Les montagnes du Akkar sont réputées pour leurs forêts épaisses dont de longues descriptions furent données par des géologues, des historiens et des explorateurs qui énumérèrent les différentes espèces d’arbres, particulièrement les cèdres et les sapins convoités par les anciens souverains d’Orient. • Le Akkar se distingue également par ses plaines fertiles, qu’irriguent abondamment les fleuves alimentés par la fonte des neiges de ses montagnes.

Les vestigesAu nombre des ruines importantes de la région figurent les tombes mégalithiques que l’on trouve en grand nombre dans le bassin du Nahr el-Kabir, sur la région s’étalant entre la source et l’embouchure du fleuve, ainsi que dans le mont Akroum qui surplombe la dite source.Un grand nombre de tombes collectives ou de sarcophages individuels, la plupart remontant aux époques grecque et romaine, se trouvent dans plusieurs villes et villages de la région côtière, centrale et montagneuse du Akkar.Parmi les vestiges de temples les plus importants, on peut

LA CHRÉTIENTÉ DANS LA RÉGION DU AKKAR

L a géographieLe district du Akkar s’étend du « Nahr el-Bared » au nord de Tripoli, au « Nahr el

-Kabir » qui s’écoule dans la vallée séparant le Mont- Liban de la montagne alaouite, et formant la frontière nord entre le Liban et la Syrie. Le Akkar se distingue d’une part par sa grande plaine côtière et, d’autre part, à l’est, par ses collines qui s’élèvent graduellement, ainsi que par ses hautes montagnes de 2.200 mètres environ.De par sa situation naturelle, ses montagnes et ses fleuves, le Akkar a acquis une importance stratégique :• Ses montagnes, dominant d’un côté la route vers Hamah qui longe la Békaa, Baalbeck et la vallée de l’Oronte, surplombent de l’autre côté le passage de Homs reliant, par le Nahr el-Kabir, l’intérieur à la région côtière et à Tripoli. Historiquement, ces voies de passage naturelles servaient à l’immigration, et au commerce, mais ouvraient la porte à l’invasion.Au nombre des envahisseurs, on compte le roi Nabuchodonosor II de Babylone (605-562 av. J.-C.). Des traces de son passage au Liban subsistent par la phrase suivante, qu’il fit graver dans un rocher de la vallée de Brissa, au cœur de la région sauvage et stérile du Hermel, à une altitude de près de 1.300m : « Il traversa les routes arides de la montagne, y établit des voies de passage et

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49...ET ÉGLISES DU LIBAN signaler :• Un temple de pierres de basalte noir, connu sous le nom de Maqam el-Rab (Sanctuaire de Dieu), situé dans la ville de Menjez, près de la source du Jaalouk.• Le temple de Hilsban à kobayyate, dont certaines des grandes pierres blanches furent utilisées dans la construction de l’église de St Challita.• Deux temples dans la région du Akroum, construits au haut de Jabal el-Hussayn qui domine le lac de Homs.• Les vestiges d’un temple érigé primitivement sur la colline entre Kobayyat et Akkar al-Attika (le vieux Akkar)et dont les pierres furent utilisées pour la construction de l’église des Sts Serge et Bakhos durant la période byzantine.• Les vestiges d’un temple construit sur le haut d’une colline dominant Howeish, au sud-est de Rahbé.Pendant le Moyen Âge, le Akkar fut le théâtre de conflits armés entre les factions rivales byzantine, arabe, croisée et mamlouke pour sa prise de contrôle. Le grand nombre de citadelles et de forteresses découvertes dans la région est une preuve évidente de son importance stratégique. Cette instabilité politique, sociale et économique y amena des changements culturels et démographiques, d’où s’ensuivirent de grands brassages, superpositions et diversités au niveau des ruines de la région. Ce fait est clairement perceptible dans la ville deArqa, capitale de l’ancien Akkar, laquelle fut l’objet d’une grande attention de la part des chercheurs et des archéologues au XXe siècle, depuis le début des années 70.

Arqa, capitale de l’ancien AkkarArqa située à 5 km de la mer, et dont le nom fut mentionné dans les annales de l’ancienne Égypte, est considérée comme étant l’une des plus anciennes villes côtières du Liban. Les Arkites, nom donné à ses habitants, furent également mentionnés dans l’Ancien Testament comme descendants de Ham, fils de Noé. Ils furent les premiers habitants au Liban et dans la Méditerranée après le Déluge. Depuis 1972, les fouilles menées par une expédition de chercheurs français dans le site archéologique de Tel Arqa surplombant la plaine du Akkar révèlent des vestiges de demeures, de temples, de puits, d’urnes funéraires, de poteries, de bijoux et de mosaïques remontant à diverses périodes. Ces vestiges témoignent des différentes civilisations successives dans la cité phénico-cananéenne de Arqa.Il ne fait aucun doute que la situation géographique de Arqa, à mi-chemin sur la route côtière entre Iskanderoun au nord et Gaza au sud, ainsi que son emplacement dominant les passages stratégiques qui la reliaient à la côte incitèrent les chefs militaires à occuper la ville et à contrôler sa citadelle située sur les hauteurs. Le plus célèbre de ses conquérants fut Alexandre de Macédoine.Après la conquête de l’Orient par les Romains, Arqa devint une colonie romaine appelée Caesare du Liban et devint la cité favorite de la dynastie des empereurs Sévère (193-235) qui étaient d’origine phénicienne. Alexandre, le dernier de ces empereurs (208-235), naquit dans le temple de Arqa. Sa mère, Julia Mammea, fut sa tutrice jusqu’à son accession au trône en 222. Elle se lia aux chrétiens, invita à Antioche le fameux théologien chrétien Origène pour assister à ses conférences. Influencé par sa

mère, l’empereur Alexandre interdit le culte de sa propre personne et fit ériger les bustes de Zoroastre, d’Abraham et du Christ dans son oratoire.Il est vraisemblable que le christianisme ait été introduit à Arqa au premier siècle et que l’apôtre Pierre, sur sa route le conduisant à Antioche, et comme il l’avait fait dans d’autres villes côtières libanaises, s’y soit arrêté pour y prêcher.Arqa faisait partie du métropolite de Tyr, au sein du patriarcat d’Antioche. Ses évêques participèrent aux conciles locaux et œcuméniques. Parmi eux, citons :• Lucianus (Nohra) : il participa au concile d’Antioche en 363, l’année où Arqa devint un diocèse. Il fit partie des signataires de la lettre adressée à l’empereur Jovianus dans laquelle les évêques adhéraient au Credo de Nicée.• Alexandre : il approuva et contresigna les procès-verbaux du premier concile de Constantinople en 381, durant lequel l’évêque de Constantinople se fit octroyer les privilèges de primauté et d’honneur, en second après l’évêque de Rome. • Reverentius : vers la fin du IVe siècle, il fut transféré au siège de Tyr pour succéder à l’évêque Zino II.• Marcellinus : il participa au IIIe concile œcuménique d’Éphèse en 431 en tant que membre de la délégation d’Antioche. Ce concile avalisait l’expression : « Mère de Dieu » en référence à la Vierge Marie, expression qui avait été rejetée par le patriarche Nestorien de Constantinople.• Epiphanus : il participa au concile d’Antioche en 442 et déclara son opposition à Eutyches le Monophysite.• Heraclitus : il participa au IVe concile œcuménique de Calcédoine en 451 durant lequel les principes de base de l’Église dans le domaine de la Christologie, toujours en vigueur aujourd’hui, furent établis.• Leonthius : il participa au Ve concile œcuménique de Constantinople en 553, qui approuva les procès-verbaux des conciles précédents.

Le présent article est extrait de « The roots of Christianity in Lebanon »,

éditions de la « Lebanese Heritage Foundation »,Beyrouth, septembre 2008.

Texte traduit de l’anglais par Nawal Arcache.

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50 ANNIVERSAIRE DES SAINTS

a vie et la missionIssu d’une famille bretonne romanisée et christianisée, Patrick serait né vers

385-390 près de Dumbarton, au nord de l’Angleterre actuelle. Son père, Calpurnius, était diacre et employé de l’administration, mais n’était pas considéré comme un homme très religieux, sa situation aisée provenant de la collecte de taxes. Son grand-père était prêtre (à l’époque, le clergé occidental n’était pas encore soumis à l’obligation de célibat), et sa grand-mère originaire de Touraine, en France.Il aurait été enlevé à seize ans par des pirates et emmené en Ulster, dans le comté d’Antrim, devenant pendant six ans l’esclave d’un druide. Peu religieux avant sa capture, il rencontre Dieu et devient un chrétien dévot.Il gagne alors les îles de Lérins, près de Cannes en Gaule, et s’installe au monastère de Saint-Honorat où il se consacre à des études théologiques pendant deux années. Il est possible qu’il se soit fixé à Auxerre, comme l’affirme La vie de saint Patrick de Muirchu, où il devient diacre. Il aurait été ensuite consacré évêque des mains de saint Germain et prend le nom de Patricius en latin (qui désignait à l’époque un membre de l’aristocratie : « patricien », « patrice » ou « noble »), avant d’être envoyé en Irlande par le pape Célestin.La légende raconte qu’il chasse tous les serpents du pays, action qui symbolise la conversion du peuple irlandais: les serpents représentent l’« antique ennemi », c’est-à-dire Satan, rendu responsable de l’ignorance du Dieu véritable.

Au Rock de Cashel, lors d’un sermon, il montre une feuille de trèfle en disant : « Voilà la figure de la Trinité sainte. » Les figures de triades étant familières à la religion celtique, le trèfle deviendra ainsi, grâce à lui, le symbole de l’Irlande. Il sillonne toute l’Irlande prêchant, enseignant, construisant églises, monastères et écoles. Réputé pour son courage héroïque, son humilité et sa bonté, il s’adresse de préférence aux rois et à leur famille pour convertir ensuite plus facilement le reste de la population. Il aurait été pendant une trentaine d’années, avec quelques disciples, l’infatigable propagateur de l’Évangile en Irlande, baptisant des milliers de personnes, fondant de nombreuses églises et l’évêché d’Armagh.

Après de longues années d’évangélisation, durant lesquelles il fonde notamment le diocèse d’Armagh en 445 (ce qui en fait le plus ancien des diocèses constitués dans les îles britanniques), il se

retire à Downpatrick où il meurt le 17 mars 461. Si des incertitudes planent sur la date exacte de son décès, il n’en demeure pas moins qu’à la fin du Ve siècle, l’Irlande païenne était bien entièrement christianisée, sans avoir compté un seul martyr.

PatronagePour les catholiques, saint Patrick est le saint patron de l’Irlande et des ingénieurs.Ce patronage fut confirmé par un décret de la Congrégation pontificale pour les Sacrements du 3 décembre 1962. Il fut

SAINT PATRICK(ou PATRICE en français)

L

Saint Patrick (ou Saint-Patrice) est un saint chrétien fêté le 17 mars. Vénéré par l’Église catholique, l’Église orthodoxe, l’Église luthérienne et la Communion anglicane, il est considéré par une très ancienne tradition irlandaise comme l’évangélisateur de l’Irlande dans le second tiers du Ve siècle et le fondateur du christianisme irlandais.

Amplifiées avec le temps, de nombreuses légendes courent autour de ce saint patron mais, faute de repères historiques précis, il est difficile à son sujet d’extraire la réalité du merveilleux.

(390 – 461) Fêté le 17 mars

Obéissant à une vision divine, il se serait évadé, réussissant à rejoindre sa famille en Grande-

Bretagne. Là, il aurait eu une autre vision dans laquelle les Irlandais l’imploraient pour qu’il

revienne parmi eux.

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51ANNIVERSAIRE DES SAINTSégalement désigné deuxième patron du Nigeria le 11 avril 1961, le jour même où la Vierge Marie en était proclamée première patronne au titre de « Reine du Nigeria ».Son patronage pour le diocèse de Boston fut confirmé par Jean-Paul II par lettre apostolique en date du 15 octobre.

VénérationAussi saint Patrick est-il l’objet d’une véritable vénération de la part des Irlandais. Sa fête, le 17 mars, est célébrée par toutes les communautés irlandaises du monde entier et c’est cette date qui a été choisie par le gouvernement irlandais comme jour de fête nationale. Tous les ans, le dernier dimanche de juillet, des milliers de pèlerins gravissent, parfois pieds nus et même à genoux, les 763 mètres de Croagh Patrick, la « montagne sacrée de

PRIERE DE SAINT PATRICKLa prière de saint Patrick est une hymne chrétienne d’origine irlandaise que chantent les catholiques comme les anglicans. On l’appelle aussi la « lorica» de saint Patrick, ce mot latin signifiant « cuirasse ». Son titre anglais, «saint Patrick’s Breastplate », signifie d’ailleurs « cuirasse de Saint Patrick». Le texte d’origine, en vieil irlandais, a longtemps été traditionnellement attribué à Patrick d’Irlande. Celui-ci aurait composé cette œuvre durant son ministère en Irlande, au Ve siècle. Toutefois, cette prière est probablement plus tardive : elle semble dater du VIIIe siècle et être l’œuvre d’un moine.Son style est celui d’une incantation druidique destinée à protéger le fidèle lors d’un voyage. La Prière de saint Patrick fait partie des hymnes de l’Église d’Irlande et de l’Église épiscopale des États-Unis. Elle est souvent chantée pendant la fête de la Saint-Patrick, le 17 mars, ou lors de la fête de la Sainte Trinité, à la fin du mois de mai. Je me lève aujourd’hui par une force puissante, l’invocation de la Trinité, la croyance en la Trinité, la confession de l’unité du Créateur du monde. Je me lève aujourd’hui par la force de la naissance du Christ et de Son Baptême, la

force de Sa Crucifixion et de Sa mise au tombeau, la force de Sa Résurrection et de Son Ascension, la force de Sa Venue au jour du Jugement.Je me lève aujourd’hui par la force des ordres des chérubins, dans l’obéissance des anges, dans le service des archanges, dans l’espoir de la Résurrection, dans les prières des patriarches, dans les prédications des prophètes, dans les prédications des apôtres, dans les fidélités des confesseurs, dans l’innocence des vierges saintes, dans les actions des hommes justes.Je me lève aujourd’hui par la force du Ciel, lumière du Ciel, lumière du Soleil, éclat de la Lune, splendeur du Feu, vitesse de l’éclair, rapidité du vent, profondeur de la mer, stabilité de la terre, solidité de la pierre.Je me lève aujourd’hui par la force de Dieu pour me guider, la puissance de Dieu pour me soutenir, l’intelligence de Dieu pour me conduire, l’œil de Dieu pour regarder devant moi, l’oreille de Dieu pour m’entendre, la parole de Dieu pour parler pour moi, la main de Dieu pour me garder, le chemin de Dieu pour me précéder, le bouclier de Dieu pour me protéger, l’armée de Dieu pour me sauver des filets des démons, des séductions des vices, des inclinations de la nature, de tous les hommes qui me désirent du mal, de loin et de près, dans la solitude et dans une multitude.J’appelle aujourd’hui toutes ces forces entre moi et le mal, contre toute force cruelle impitoyable qui attaque mon corps et mon âme, contre les incantations des faux prophètes, contre les lois noires du paganisme, contre les lois fausses des hérétiques, contre la puissance de l’idolâtrie, contre les charmes des sorciers, contre toute science qui souille le corps et l’âme de l’homme.Que le Christ me protège aujourd’hui contre le poison, contre le feu, contre la noyade, contre la blessure, pour qu’il me vienne une foule de récompenses, le Christ avec moi, le Christ devant moi, le Christ derrière moi, le Christ en moi, le Christ au-dessus de moi, le Christ au-dessous de moi, le Christ à ma droite, le Christ à ma gauche, le Christ en largeur, le Christ en longueur, le Christ en hauteur, le Christ dans le cœur de tout homme qui pense à moi, le Christ dans tout œil qui me voit, le Christ dans toute oreille qui m’écoute.Je me lève aujourd’hui par une force puissante, l’invocation à la Trinité, la croyance en la Trinité, la confession de l’unité du Créateur du monde.Au Seigneur est le salut, au Christ est le salut. Que Ton salut, Seigneur, soit toujours avec nous.Amen.

l’Irlande » dans le comté de Mayo : saint Patrick s’y serait imposé en 441 quarante jours de retraite et de pénitence, précipitant dans une fissure profonde toutes les vermines monstrueuses et venimeuses de l’île, ce qui, selon la tradition, explique l’absence aujourd’hui encore de serpents en Irlande. Plus terrible encore que l’ascension de Croagh Patrick est le pèlerinage du « Purgatoire de saint Patrick » sur l’îlot de Station Island dans le lough Derg

(comté du Donegal) où, entre le 1er juin et le 15 août, les pèlerins passent trois jours en prière sans pratiquement dormir et en se soumettant à un jeûne strict. Malgré plusieurs mises en garde des autorités

religieuses en raison du caractère excessif de ces rites séculaires, ce pèlerinage attire toujours beaucoup de pénitents.

D’après les Annales d’Ulster, Patrick serait arrivé dans l’île en 432, débarquant à Saul, près de Downpatrick. Selon la tradition, c’est lui qui aurait converti l’île païenne au christianisme en

défiant les druides dans des joutes singulières comme l’épreuve du feu.

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52 PROGRAMME DES ACTIVITÉS ET CARNET

La paroisse n’est pas uniquement un territoire géographique regroupé autour d’une église paroissiale, la paroisse est le lieu où la communauté se réunit pour célébrer et annoncer le Christ, et c’est le lieu où chaque personne trouve sa place pour croître spirituellement et humainement.Le calendrier des activités de l’hiver sera mis au point le mois prochain.Demeurent cependant comme à l’accoutumée :Réunion du Groupe de prière « Apôtre d’amour » : mercredi à 20hChorales arabe et française : samedi à 19hRéunion du Tiers Ordre séculier : le troisième dimanche du mois à 10h30Réunion des membres de la Fraternité « Notre Dame du Rosaire » : mardi à 10h. Récitation du chapelet suivie de la messe à 10h30.

Mer 5 : Mercredi des CendresVen 7 : Stes Perpétue et FélicitéDim 9 : 1er dimanche de CarêmeSam 8 : Saint Jean de DieuDim 16 : 2ème dimanche de CarêmeLun 17 : Saint Patrice

Ma 18 : Saint Cyrille de JérusalemDim 23 : 3ème dimanche de CarêmeMa 25 : Annonciation du SeigneurDim 30 : 4ème dimanche de Carême

Ces soirées seront chaque fois clôturées par un moment convivial autour du « verre de l’amitié ». Vous y êtes tous les bienvenus.

ÉPHÉMÉRIDE DU MOIS DE MARS 2014

ACTIVITÉS DE LA PAROISSE EN LANGUE FRANÇAISEPOUR LE MOIS DE MARS 2014

HORAIRE DES MESSES

ACTIVITÉS DE LA PAROISSE ST-ANTOINE-DE-PADOUE BAADATH

N’oubliez pas de nous rejoindre nombreux à la rencontre paroissiale mensuelleaprès la messe de 11h chaque dernier dimanche du mois

Le comité de rédaction, Nawal Arcache et Jean-Louis Mainguy, remercie tous les bénévoles qui contribuent à cette parution.

La saisie du texte est assuréepar Michella Al-Aya et Judy Abou Haidar

La mise en page et le graphisme sont assuréspar Elie Abou Mrad et Jean-Louis Mainguy.

Le dimanche :9h30 : messe en langue arabe11h : messe en langue françaiseDu lundi au samedi :6h45: Tous les jours messe en français suivie de l’office des Laudes en langue française18h : messe en langue arabe.Père Majed Moussa, curé de la paroisse,ainsi que les pèresJacques AbbouaGabriel Makkarise tiennent à la disposition des fidèles sur rendez-vous auprès du secrétariatde la paroisse, de 8h30 à 16h (Mme Nadine Khalil). Tél. : 04- 820431 et 04-820318.

Jeudi 20 mars à 19h•Projection privée du film « CREDO » 1ère partieRéalisé par Michel Carrieret Jean-Claude Salou( Durée environ 80 minutes)

Jeudi 27 mars à 19h•Projection privée du film « CREDO» 2ème partieRéalisé par Michel Carrieret Jean-Claude Salou( Durée environ 80 minutes)