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ÉDITORIAL Un Cœur-à-Cœur avec Dieu Un bulletin paroissial mensuel BAABDATH sommaire 20 NOVEMBRE 2013 « « ÉDITORIAL THÈME LITURGIQUE DU MOIS POUR UNE VIE DÉJÀ ÉTERNELLE MÉDITATION DE LA TOUSSAINT MÉDITATION DOMINICALE L’ABÉCÉDAIRE DE LA FOI LUMEN FIDEI - III MÉDITATIONS I: LA VIE DANS LE CHRIST MÉDITATIONS II: PEUT ÊTRE SÛR DE SA FOI ? LES CLÉS DE LA PRIERE COMMENT DIEU ME PARLE-T-IL ? CHERCHER ET TROUVER DIEU, AVEC LE PAPE FRANÇOIS NOUVELLE ÉVANGELISATION LA NOUVELLE EVANGELISATION, C’EST QUOI? - II ENQUÊTE ABRAHAM PÈRE DES MONOTHEISMES? HISTOIRE DU CHRISTIANISME ST. JÉRÔME DE STRIDON (347-420) ENTRETIEN AUTOUR DU CHRISTIANISME LE CHRISTIANISME DANS LE MONDE À LA DÉCOUVERTE DES SITES ET ÉGLISES DU LIBAN ANNIVERSAIRE DES SAINTS SAINTE CECILE PROGRAMME DES ACTIVITÉS ET CARNET 1 2 4 6 10 12 18 20 38 40 44 48 24 22 28 32 30 O ù rencontrer le Seigneur? Quelle est sa volonté dans ma vie ? Nous nous posons tant de questions pareilles dans notre vie quotidienne dans une recherche continue de Dieu. Dans l’évangile du premier dimanche de ce mois, nous voyons Jésus lever les yeux vers Zachée qui voulait le voir en lui disant : Zachée, descends vite: «Aujourd’hui il faut que demeurer dans ta maison » (Lc 19, 5). Jésus entre dans le hic et nunc (l’ici et le maintenant) de Zachée, aujourd’hui, dans sa maison. En effet, la parole du Seigneur n’a jamais été en dehors de l’espace et du temps, ni en dehors de notre vie. Dieu entre dans notre histoire, dans notre temps pour nous appeler à sa rencontre. Ainsi la Parole de Dieu devient très -près de nous, dans nos bouches et dans nos cœurs (cf. Dt 30,14). Les paroles adressées à Zachée nous sont adressées à nous aussi : «Aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison » ! Sommes-nous prêts à accueillir le Seigneur dans nos vies et dans notre quotidien ? Sommes-nous prêts à laisser sa présence changer notre vie comme elle a changé celle de Zachée ? Le dernier dimanche de ce mois nous fêtons le « Christ Roi de l’univers », accueillons donc le Seigneur comme le Roi de notre ici et notre présent. Père Maged « Hic et Nunc »

BAABDATH NOVEMBRE 2013 - notreparoisse.org · La mort, sur laquelle nous méditons ... reconnaisse ta puissance et te glorifie sans fin. » La marche des ... alors nous serons manifestés

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ÉDITORIAL

Un Cœur-à-Cœur avec DieuUn bulletin paroissial mensuel

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« «

ÉDITORIAL THÈME LITURGIQUE DU MOISPOUR UNE VIE DÉJÀ ÉTERNELLE

MÉDITATION DE LA TOUSSAINTMÉDITATION DOMINICALEL’ABÉCÉDAIRE DE LA FOILUMEN FIDEI - IIIMÉDITATIONS I:• LA VIE DANS LE CHRIST

MÉDITATIONS II:• PEUT ÊTRE SÛR DE SA FOI ?

LES CLÉS DE LA PRIERECOMMENT DIEU ME PARLE-T-IL ?

CHERCHER ET TROUVER DIEU,AVEC LE PAPE FRANÇOISNOUVELLE ÉVANGELISATIONLA NOUVELLE EVANGELISATION, C’EST QUOI? - II

ENQUÊTE• ABRAHAM PÈRE DES MONOTHEISMES?

HISTOIRE DU CHRISTIANISME • ST. JÉRÔME DE STRIDON (347-420)

ENTRETIEN AUTOUR DU CHRISTIANISME• LE CHRISTIANISME DANS LE MONDE

À LA DÉCOUVERTE DES SITESET ÉGLISES DU LIBANANNIVERSAIRE DES SAINTSSAINTE CECILE

PROGRAMME DES ACTIVITÉS ET CARNET

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O ù rencontrer le Seigneur? Quelle est sa volonté dans ma vie ? Nous nous posons tant de questions

pareilles dans notre vie quotidienne dans une recherche continue de Dieu. Dans l’évangile du premier dimanche de ce mois, nous voyons Jésus lever les yeux vers Zachée qui voulait le voir en lui disant : Zachée, descends vite: «Aujourd’hui il faut que demeurer dans ta maison » (Lc 19, 5). Jésus entre dans le hic et nunc (l’ici et le maintenant) de Zachée, aujourd’hui, dans sa maison. En effet, la parole du Seigneur n’a jamais été en dehors de l’espace et du temps, ni en dehors de notre vie. Dieu entre dans notre histoire, dans notre temps pour nous appeler à sa rencontre. Ainsi la Parole de Dieu devient très -près de nous, dans nos bouches et dans nos cœurs (cf. Dt 30,14).Les paroles adressées à Zachée nous sont adressées à nous aussi : «Aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison » ! Sommes-nous prêts à accueillir le Seigneur dans nos vies et dans notre quotidien ? Sommes-nous prêts à laisser sa présence changer notre vie comme elle a changé celle de Zachée ?Le dernier dimanche de ce mois nous fêtons le « Christ Roi de l’univers », accueillons donc le Seigneur comme le Roi de notre ici et notre présent. Père Maged

« Hic et Nunc »

Pour une vie déjà éternelle2 THÈMES LITURGIQUES DU MOIS

u mois de novembre, deux fêtes viennent orienter de manière toute particulière le regard des croyants vers l’horizon de la

fin du temps: la dédicace de la basilique du Latran (9 novembre) et la solennité du Christ, Roi de l’univers (dernier dimanche de l’année liturgique, 24 novembre).

Une prière tendue vers la fin des tempsLe Missel romain, dans les deux oraisons d’ouverture qu’il propose pour la fête de la dédicace du Latran, insiste sur l’accomplissement des temps dans le royaume de Dieu, dont les églises de ce monde sont déjà le signe ici-bas.« Dieu qui choisis des pierres vivantes pour bâtir la demeure éternelle de ta gloire, fais abonder dans ton Église les fruits de l’Esprit que tu lui as donné: que le

Père Michel Steinmetz curé de la communauté de paroisses Sainte-Edith-Stein,diocèse de Strasbourg.

peuple qui t’appartient ne cesse pas de progresser pour l’édification de la Jérusalem céleste. »« Seigneur, tu as voulu que ton peuple soit appelé Église, c’est-à-dire Assemblée: donne à ceux qui s’assemblent en ton nom de savoir t’adorer, t’aimer et te servir, afin de parvenir, sous ta conduite, aux biens du ciel que tu as promis. »Alors que les croyants arrivent au terme de l’année liturgique, et donc au terme de leur marche annuelle à la suite du Christ après s’être laissés transformer par les mystères du salut, l’Église les convie à contempler le Christ, Roi de l’univers. Ils se placent, dès lors, face au Christ glorieux remettant au Père tous ses pouvoirs, Christ tout à la fois « Prêtre éternel et Roi de l’univers», tirant sa seigneurie des souffrances de sa Passion, « victime pure

Le livre de la Sagesse, que nous entendrons le 3 novembre, dit que Dieu ferme les yeux sur les péchés des hommes pour qu’ils aient le temps de se convertir. Étrangement, ce verset est celui choisi comme antienne d’ouverture le mercredi des Cendres, porche d’entrée dans ce grand temps de conversion qu’est le carême.Il semble donc qu’en ce mois de novembre nous soyons appelés à nous convertir. Le regard jeté sur le ciel où les saints rendent gloire à Dieu, qui leur fait partager la plénitude de son amour, nous dit que c’est possible. D’autres, avant nous, y sont arrivés! La mort, sur laquelle nous méditons le lendemain, nous rappelle qu’elle est le passage obligé vers la vie éternelle. Mort et vie sont étroitement liées. La mort n’est pas une sanction, elle est un passage vers la plénitude de la vie que nous avons vécue. Ainsi la vie heureuse et éternelle déploie-t-elle ce que nous avons vécu au quotidien. Comme le disait la petite Thérèse, si nous avons accueilli l’amour dans un dé à coudre, notre éternité de joie tiendra dans un heureux dé à coudre, mais, si notre cœur n’a eu de cesse d’élargir son espace d’accueil de l’amour, l’éternité sera à cette mesure, débordante!Préparons, dès aujourd’hui, la joie qui nous attend demain en remettant sur le métier notre travail d’enfant de Dieu : prier, aimer et servir. Prier pour vivre uni à Dieu. Aimer d’un amour sans restriction. Servir tout homme comme le Christ lui-même. Ayons confiance, Dieu ferme les yeux sur nos lenteurs.

A

La liturgie terrestre, AVANT-GOÛT du Royaume

3POUR UNE VIE DÉJÀ ÉTERNELLEet pacifique ».À nouveau, l’oraison d’ouverture évoque la récapitulation des temps dans le Christ. « Dieu éternel, tu as voulu fonder toutes choses en ton Fils bien-aimé, le Roi de l’univers; fais que toute la création, libérée de la servitude, reconnaisse ta puissance et te glorifie sans fin. »

La marche des croyants vers le Royaume promisL’appartenance des chrétiens à l’Église ne dépend pas d’une source ethnique, comme pour le peuple de la première Alliance, ni d’un héritage culturel ; elle réside dans l’appartenance au peuple de Dieu en route vers le Royaume. Car nous sommes en exil loin du Seigneur (2 Co 5, 6) et nous attendons la cité future (He 13, 14). C’est d’ailleurs pour mieux exprimer cet aspect de l’Église que Vatican II, dans sa constitution sur l’Église, Lumen gentium, a repris l’appellation augustinienne d’« Église en pèlerinage », à la place de l’appellation d’« Église militante » adoptée au XIIe siècle.L’œuvre de la liturgie est de nous faire parvenir au Royaume en nous donnant à vivre la tension eschatologique entre un salut déjà donné en Christ, celui que nous célébrons et rendons présent au plus haut point dans la célébration de l’eucharistie, et celui que nous attendons encore à la consommation des temps. Jean Tauler disait, comme Thomas d’Aquin, que « celui qui n’a pas quelque avant-goût du banquet du ciel n’en jouira jamais ».

Rencontre avec le Christ qui récapitule toutes chosesQue faisons-nous lorsque nous célébrons la liturgie de l’Église ? Les oraisons de la fête de la dédicace du Latran et de la solennité du Christ, Roi de l’univers, nous en donnent une idée assez précise. La liturgie n’en reste pas au niveau du souvenir, où nous nous remémorerions des événements particulièrement fondamentaux et fondateurs de l’histoire du salut. Par exemple, la mort historique de Jésus, le vendredi saint. Plus que cela, la liturgie est un mémorial, c’est-à-dire qu’elle actualise, rend présent aujourd’hui un événement passé qui demeure promesse d’un avenir. Quand les chrétiens célèbrent l’eucharistie, ils font plus que faire mémoire des gestes de Jésus à la Cène ou Emmaüs ; dans le sacrement, le mystère pascal est rendu présent avec la même force et la même réalité qu’au jour où il fut accompli. Mais la liturgie nous propulse aussi dans l’avenir. Elle indique aux fidèles que tout cela leur est déjà donné, est mis à portée de main, mais encore seulement comme un avant-goût de ce qui adviendra quand Dieu sera tout en tous (1 Co 15, 28). La liturgie chrétienne dépasse le cadre du temps humain. Déjà, elle s’inscrit dans le temps éternel de Dieu. Celui qui célèbre aujourd’hui entre dans cette éternité. Sous nos yeux, de manière encore voilée, le Royaume apparaît dans toute sa beauté et sa gloire.Jésus ressuscité, glorifié par le Père, récapitule toutes choses en lui. Ce Jésus, dont nous faisons mémoire, est l’accomplissement de tout ce qui a eu lieu avant lui ; il « contient » en lui la suite des âges. Le mystère pascal englobe toute l’humanité, pas seulement ceux qui ont été les témoins historiques, ni même ceux qui témoignent aujourd’hui, mais encore ceux qui ont précédé le Christ et ceux qui viendront après nous.

Le Christ irradie l’histoire de sa présenceQuand nous lisons la Bible, nous voyons combien les hommes cherchent à donner un sens à leur existence,

combien ce qu’ils vivent est l’occasion pour eux d’une expérience de foi. À la lumière de cette foi, tant dans la première Alliance que dans la seconde, tant dans les hauts faits de Dieu pour le peuple d’Israël que dans les miracles que Jésus accomplit, le croyant discerne et lit l’intervention de Dieu dans son histoire. Ses promesses sont bien réelles, il tient parole et ne se dédit pas elles, demeurent pour tous les âges. Ce que le Seigneur fait pour son humble servante, dans le Magnificat, vaut pour tous et pour toujours ; chacun peut, et l’Église s’y tient depuis deux mille ans, reprendre à son compte ce cantique d’action de grâce. Le temps des hommes est transfiguré par l’intervention de Dieu, et au plus haut point par le mystère pascal, par lequel Dieu, en son Fils, opère « le » retournement de l’histoire. Le Christ y donne sens aussi bien à ce qui le précède qu’à ce qui le suit ; il irradie l’histoire de sa présence. Il se fait le centre de l’histoire et lui impulse un dynamisme.Finalement, nous croyons tendre vers le futur du Royaume, celui du ciel nouveau et de la terre nouvelle (2 P 3, 13), vers la Jérusalem céleste (He 12, 22), mais c’est ce futur qui vient à nous ; Dieu est à l’œuvre, il vient à notre rencontre. C’est ainsi que le culte chrétien n’est pas un moyen de chercher le contact avec Dieu, mais une célébration de la manière dont Dieu nous touche, nous unit à lui, nous est toujours présent et demeure au milieu de nous. Ce n’est pas une tentative d’atteindre une réalité éloignée, mais la célébration, dans la joie, d’un salut qui est exactement aussi réel et actif, ici et maintenant, qu’il l’a été dans l’événement historique et qu’il sera à la fin des temps, au temps du Royaume.« Dans la liturgie terrestre, nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem à laquelle nous tendons comme des voyageurs, où le Christ siège à la droite de Dieu, comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle ; avec toute l’armée de la milice céleste, nous chantons au Seigneur l’hymne de gloire ; en vénérant la mémoire des saints, nous espérons partager leur communauté ; nous attendons comme Sauveur notre Seigneur Jésus-Christ, jusqu’à ce que lui-même se manifeste, lui qui est notre vie, et alors nous serons manifestés avec lui dans la gloire » (Sacrosanctum concilium, constitution sur la sainte liturgie, n° 8).

La liturgie terrestre, AVANT-GOÛT du Royaume

4 MÉDITATION DE LA TOUSSAINT

5MÉDITATION DE LA TOUSSAINT

La ToussaintDans cette fête de la Toussaint, nous fêtons en une seule fois tous les saints du ciel. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus nous rappelle que « rien ne nous assure que les saints canonisés soient les plus grands». Aujourd’hui, c’est tout particulièrement la foule des anonymes que nous honorons, cette « foule immense que nul ne pouvait dénombrer». C’est donc la fête des saints que nous avons connus, qui nous précèdent dans la maison du Père. C’est la fête des saints de nos familles, tous nos ancêtres qui sont maintenant dans la gloire, dont nous avons reçu la foi en Jésus-Christ.

Tous ces saints nous donnent de l’espérance. Leur variété nous montre qu’« il y a de nombreuses demeures dans la maison du Père ». Ils nous attirent, surtout, très réellement, par le mystère de la communion des saints. Frères et sœurs aînés, qui sans cesse intercèdent pour nous auprès du Père, ils nous viennent en aide car ils connaissent intimement la faiblesse de notre condition humaine, nos combats et nos souffrances. Les saints ne sont pas des retraites de notre humanité, voulant profiter égoïstement de leur vie éternelle chèrement acquise. En eux ne demeure plus que la charité, qui les rend attentifs aux besoins de ceux qui sont encore sur la terre. Sainte Thérèse affirmait encore avant de mourir « Je passerai mon ciel à faire du bien sur la terre. »

N’hésitons donc pas à nous faire des amis au ciel. Parmi les saints connus, d’abord. Nous avons sûrement des affinités avec certains, par notre désir de leur ressembler, par les points communs entre leur vie et la nôtre. Une amitié mystérieuse, mais réelle, peut naître entre nous : ne dit-on pas que ce sont eux qui nous choisissent? Mais aussi parmi les saints « non officiels » tel ami décédé après une vie exemplaire, telle grand-mère, égrenant sans cesse son chapelet, qui nous a transmis la foi. Si nous n’avons pas la certitude qu’ils sont auprès de Dieu, comme les saints canonisés, nous pouvons à bon droit demander leur aide, d’autant plus qu’ils nous sont proches. Les saints ne sont pas des personnages de fiction, plus ou moins légendaires, encore moins des hommes du passé. Ils sont vivants aujourd’hui auprès de Dieu, et d’une manière mystérieuse, auprès de nous. Nous confier à leur intercession ne forme pas comme un écran entre Dieu et nous. Au contraire, leur fréquentation nous rapproche du Christ, dont seul découle la grâce qui nous fait vivre. Ils sont comme les amis du roi du ciel, pouvant nous introduire auprès de lui.

En ce jour, rendons grâce à Dieu pour la beauté de l’Église, qui resplendit dans les saints, au premier rang desquels se tient la Vierge Marie. Ils nous montrent le chemin, demandons à Dieu de savoir les suivre par une vie de plus en plus fidèle.

Don Claude-Noel Desjoyaux

Les béatitudes ne sont pas une injonction à être malheureux. Elles sont d’abord un portrait intérieur du Christ en lien avec son Père, et par suite un portrait du chrétien se considérant en vérité dans les tribulations qu’il peut traverser. Elles signifient que pour chaque chrétien, revivant dans sa chair la Passion du Christ, la résurrection est déjà à l’œuvre et le rejoint d’une certaine manière dans son existence. C’est l’expérience de saint Paul qui dans ses épreuves fait l’expérience de cette joie infinie (2 Co 6,8-10; 2 Co 4, 8-10): « lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. Dans ma faiblesse concrète peut se déployer la force de Dieu. »

LA TOUSSAINT

LA TOUSSAINT1er novembre 2013MÉDITATION DE L’ÉVANGILE DE JESUS-CHRIST SELON SAINT MATHIEU 5, 1-12A

6 MÉDITATION DOMINICALE - I

JESUS VEUT DEMEURER DANS LE CŒUR DES HOMMESNous entrons dans le dernier mois de l’Année de la foi. Notre pape François ne cesse de nous envoyer porter l’Évangile aux périphéries. Avons-nous répondu à ses appels? Jésus, par l’évangile de ce dimanche, veut nous encourager à témoigner sans peur. Il voudrait dire à beaucoup d’incroyants et de mal croyants comme à Zachée : « Descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer chez toi. » Jésus veut se révéler aux hommes comme Dieu miséricorde, venu chercher et sauver ce qui était perdu.

Vivons ces dernières semaines de l’Année de la foi avec le désir ardent de révéler au monde le vrai visage de Dieu. Notre pape François a dit que Dieu ne se fatiguait jamais de pardonner mais l’homme se fatigue de lui demander pardon. Jean-Paul II, dans son livre Mémoire et identité avait réfléchi sur le mystère du mal, qui s’était développé d’une façon effrayante au cours du vingtième siècle. Il avait posé cette question : existe-t-il une limite au pouvoir du mal? Sa réponse avait été : la limite du

pouvoir du mal est la miséricorde de Dieu! La conversion et la transformation de Zachée confirment la conviction de Jean-Paul II. En cette Année de la foi, témoignons sans peur de notre Dieu miséricorde. La miséricorde n’est pas une qualité de Dieu, c’est son Être : Dieu est miséricorde.

La première lecture de ce dimanche nous donne le même enseignement : Dieu a pitié de tous les hommes et il veut les sauver! Les pères du concile Vatican II partageaient les tristesses et les angoisses des hommes de leur temps mais pourtant ils ont voulu privilégier la joie et l’espérance.L’Église, en ces temps de grave crise spirituelle, morale et économique, se doit d’annoncer la joie et l’espérance dont le fondement est le mystère pascal. Ne soyons pas des chrétiens tristes, mais rayonnons la joie de Dieu et faisons goûter la joie de croire. En ces dernières semaines de l’Année de la foi, témoignons auprès de nos contemporains de l’espérance chrétienne : la vie de l’homme ne se conclut pas au jour de sa mort. La mort chrétienne est une Pâque, un passage de cette terre à la vie éternelle. Les premiers chrétiens croyaient fermement cela en se fondant sur la résurrection de Jésus. Ils attendaient avec joie la venue du Seigneur. Cette venue, ils ne la redoutaient pas, mais ils la désiraient ardemment: Marana tha, viens Seigneur Jésus ! Jean-Paul II nous a demandé d’être les sentinelles de l’invisible et les témoins de l’amour. Vivons cette double mission et hâtons le retour de Dieu dans le cœur des hommes. Benoît XVI, en quittant le sol français, nous avait dit que les temps étaient propices à un tel retour !

Abbé Éric Iborra

La rencontre avec Jésus peut faire d’un pécheur un saint! La conversion de Zachée doit donner confiance à l’Église et aux hommes de bonne volonté. Dieu aime notre monde. Il peut, par sa grâce, transformer aujourd’hui de nouveaux Zachée.

31e dimanche du temps ordinaire - 3 novembre 2013MÉDITATION DE L’ÉVANGILE DE JESUS-CHRIST SELON SAINT LUC 19, 1-10

7MÉDITATION DOMINICALE - II

JOYEUSE ÉSPERANCEEn ce jour, l’Église nous invite à cette « joyeuse espérance » dont parle saint Paul : le Christ est ressuscité, et nous sommes appelés a ressusciter ! La foi en la résurrection est le centre de notre foi, sa vérité la plus haute, sa clé de voute. Sans elle, tout s’écroule. Voici deux vérités relatives à la résurrection.Primo: nous sommes appelés à ressusciter. Le Christ nous entraîne à sa suite. Il nous donne la vie éternelle. Nous sommes appelés à recevoir toute cette vie qui vient de Dieu, qui jaillit de son être. C’est la source d’une espérance extraordinaire! S’il n’y a pas la résurrection, notre vie ressemble un long tunnel, au bout duquel il n’y a pas de sortie, mais un mur : c’est une impasse. L’homme butte sur la mort.Or, ce que l’Écriture nous dit, c’est que Dieu possède en lui une puissance de vie infiniment plus forte que la mort. Le Seigneur est le Dieu des vivants ! Il pulvérise le mur qui bouche le tunnel par son Fils Jésus ressuscité. Comme un bateau brise-glace qui fend la banquise, le Seigneur brise les eaux glacées de la mort, et rien ne peut l’arrêter, pas même les ténèbres de la persécution. Voyez les sept frères de la première lecture. C’est au cœur de la persécution, malgré les souffrances qu’on leur inflige, qu’ils clament d’autant plus fortement leur foi en la résurrection: le roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle. C’est aussi ce que dit le Christ aux Saducéens : le Seigneur n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. En Jésus, la vie de Dieu s’est manifestée en plénitude.Secundo: nous croyons en la résurrection de la chair. Pas seulement la résurrection de l’âme. Mais la résurrection de la chair, de mes mains, de mes pieds, de mon visage... C’est ce que nous proclamons chaque dimanche dans le Credo. C’est ce que proclame déjà l’un des sept frères : j’espère retrouver mes membres au ciel ! La résurrection n’est pas une désincarnation,

une survie de l’âme privée du corps. Au contraire, nous croyons à la résurrection de la chair, au fait que l’âme sera à nouveau unie au corps, dans l’intégrité de la personne humaine, avec un corps glorifié.L’erreur des Saducéens, c’est qu’ils cherchent à se représenter la résurrection à partir de leurs catégories humaines. Or, entre la vie présente et la vie éternelle, il y a un seuil radicalement nouveau à franchir. La vie éternelle n’est pas le simple prolongement de la vie présente, même avec certaines améliorations. Il ne faut pas simplement s’imaginer la vie future comme une vie meilleure, mais c’est une autre vie ! La vie éternelle n’est pas un retour à la vie, c’est le don d’une vie nouvelle.

Abbé Cyril Gordien

En évoquant la réalité des persécutions actuelles à l’encontre des chrétiens, on peut méditer sur la force que le Seigneur donne au cœur de la persécution. Notre Seigneur n’abandonne jamais ceux qui se confient en lui et doivent donner le témoignage suprême du martyre. II est véritablement leur force, leur courage et leur soutien jusqu’au bout.

32e dimanche du temps ordinaire - 10 novembre 2013 MÉDITATION DE L’ÉVANGILE DE JESUS-CHRIST SELON SAINT LUC 20, 27-38

8 MÉDITATION DOMINICALE - III

ESPERANCE DU CIELPar tout son être le chrétien est tendu vers la venue du royaume de Dieu. Il la désire et l’appelle. Combien de faux prophètes sont présents dans notre monde et nous annoncent la fin du monde par des signes en tout genre. Et combien d’incrédules tombent dans le panneau? D’ailleurs ne sommes-nous pas de ceux-là? Vivons-nous dans la confiance au Christ par qui la fin du monde est déjà venue. Car pour nous, la vie éternelle est là, présente en nous, le Royaume lève et grandit. Notre espérance est la certitude de posséder ce que nous attendons. Alors comment nous y préparer?Par la crainte de Dieu! Fuir avec horreur le péché qui nous défigure et nous blesse. Notre vie de prière nous fait découvrir, accueillir et expérimenter la bonté, la tendresse et la miséricorde de Dieu. Devant ce cœur de Dieu qui nous aime nous craignons d’en être séparés par nos actes égoïstes sans cesse tournés vers nous-mêmes. Pour qui vivons-nous ? Pour nous ou pour Dieu? Ouvrons dès maintenant et sans attendre notre vie au feu dévorant et purifiant de l’Esprit Saint. Laissons-le détruire tout ce qui en nous ne vient pas de Dieu, ce vieil

homme qui nous fait vivre tel l’impie et non comme un saint.Par le travail! Du pain et des jeux disait-on dans la Rome antique pour occuper le peuple. Rien n’a changé aujourd’hui. L’oisiveté est bien souvent synonyme de l’endormissement de notre conscience et de notre faculté à discerner le bien du mal. Notre esprit est englué dans les plaisirs terrestres et nous sautons de l’un à l’autre en cherchant ce qui nous comblera. Seul l’amour du Christ nous rassasiera et cet amour nous l’expérimentons par notre travail, celui d’annoncer l’Évangile ici et maintenant, à temps et à contretemps. C’est par le travail que l’apôtre se nourrit et expérimente la présence du Christ en lui et chez ceux vers qui nous sommes envoyés. Encore plus, l’annonce de l’Évangile nous montre que le Christ nous précède sur notre chemin et qu’il est là présent auprès de nous, tout simplement. Il est vrai que le travail peut être aride et difficile. La peur du rejet ou d’être différent est source de paralysie pour le chrétien. Parfois nous ne savons pas faire alors nous sombrons dans le « à quoi bon » et nous stoppons, nous nous laissons happer par le monde et ses séductions.Par la foi ! Devant les difficultés et pour trouver la joie, la foi est nécessaire. Si elle est un don de Dieu, elle est aussi une réponse que nous offrons. Sans la foi notre cœur est sec, tel une éponge restée trop longtemps sur le bord de l’évier. La foi est relation vivante avec une personne ; c’est le principal enseignement que nous devons garder de cette belle année que nous clôturerons la semaine prochaine. Si Dieu est pour nous qui sera contre nous ? La foi nous permet de traverser tous les cataclysmes avec un cœur confiant et cela jusqu’au martyre comme notre Maître que nous voulons apprendre à aimer chaque jour d’avantage.

Abbé Éric Pichard

En cette fin d’Année de la foi, et devant l’appel de l’Évangile à rendre témoignage, il nous faut refléchir au thème de La nouvelle évangélisation lancée par Jean-Paul II la première fois à Nowa Huta, ville voulue sans Dieu. Nouvelle Ardeur, nouveaux Moyens, nouvelle Expression.

33e dimanche du temps ordinaire - 17 novembre 2013MÉDITATION DE L’ÉVANGILE DE JESUS-CHRIST SELON SAINT LUC 21, 5-19

9MÉDITATION DOMINICALE - IV

CHRIST, ROI DE L’UNIVERSI.N.R.I. : Jésus de Nazareth, roi des JuifsRédigé en latin, en grec et en hébreu, cet écriteau (le titulus de sa condamnation), que ce soit par hasard ou par sincérité, déclare que Jésus est roi et atteste son règne de la façon la plus universelle dans les langues de l’Empire Romain et d’Israël. Il nous faut reconnaître ce règne pour le contempler.1. Reconnaître et confesser la royauté du ChristS’agissant d’Israël, les chefs des prêtres ricanent, s’agissant des païens, les soldats se moquent et chacun de nous, comme l’un des larrons, pourrait lui contester tout pouvoir. Pourtant, pour Israël, David préfigurait ce messie qui serait roi; pour les païens, il est ce principe de toute chose tant attendu des philosophes ; pour tous il est l’image de Dieu; enfin pour moi, chrétien, il est le chef de l’Église qui inaugure le règne du Christ sur cette terre. N’hésitons pas à prendre pour maître le bon larron que le Seigneur introduisit dans son Paradis et imitons sa confession de foi empreinte de charité pour le Christ. C’est le sens de cette fête liturgique. « Si les hommes venaient à reconnaître l’autorité royale du Christ dans leur vie privée et dans leur vie publique, des bienfaits à peine croyables se répandraient infailliblement sur la société tout entière. » (Pie XI, Quas Primas, 14)2. Contempler un roi qui règne sur la croixNous qui confessons le Christ,

nous plaçons sa croix au sommet de toutes nos activités humaines : sur l’autel, dans notre maison, sur les chemins du monde et dans nos cœurs. Ce faisant, nous affirmons la royauté du Christ mort sur la croix alors « qu’il n’a rien fait de mal » mais justifie les pécheurs en les rachetant du péché. Il en a payé le prix. La croix est le signe de notre propre mal que le Seigneur prend sur lui et crucifie dans sa gloire. De son trône, le Seigneur Jésus juge et sauve. Il juge ses bourreaux, c’est-à-dire tous les pécheurs, en leur pardonnant. Il sauve les pécheurs repentants qui, à l’image du bon larron, confessent que Jésus est Seigneur et croient que Dieu l’a ressuscité des morts (Romains X, 9). Cette fête est un raccourci saisissant de l’histoire de notre salut. Le Christ Roi de l’Univers vient fonder toute chose dans un royaume nouveau, une création libérée du mal qui peut reconnaître la puissance de Dieu et glorifier son Fils. Pour contempler au mieux ce roi de gloire, il nous faut nous tenir au plus près de Jésus. Comment pourrions-nous encore hésiter à monter sur la croix avec notre sauveur? Avoir part avec lui pour régner en contemplant sa gloire?

Abbé Thierry Laurent

Un règne historique: le Seigneur a régné par les rois d’Israël (David, Salomon) qui apportèrent la paix et la justice; il veut maintenant régner par l’Église qui annonce à tous la paix du Christ et sa justice. Un règne eschatologique: le Christ premier-né de toute créature, modèle de l’humanité: le Christ, tête de son corps, l’Église, qui nous donne de subsister en Dieu; le Christ récapitulation et accomplissement de toute chose.

34e dimanche du temps ordinaire - 24 novembre 2013 MÉDITATION DE L’ÉVANGILE DE JESUS-CHRIST SELON SAINT LUC 23, 35-43

Les Nuages

L’ABÉCÉDAIRE DE LA FOI

des symboleschrétiensDICO

Le

Mots du même registre : se retourner, se détourner. « Revenez, détournez-vous de vos idoles » (Ezéchiel 14,6).La foi chrétienne est retournement, conversion, abandon des idoles et orientation vers Jésus en qui est mise la confiance. La Catéchèse Baptismale de Cyrille de Jérusalem* s’appuie sur les mouvements du corps qui accompagnent la célébration d’initiation chrétienne. Le croyant se détourne du lieu des ténèbres (l’Ouest), on le retourne vers le lieu du Matin (l’Est).• Ancien Testament : les prophètes Amos, Isaïe, Jérémie et Ézéchiel dénoncent les conversions superficielles qui ne sont pas inspirées par l’amour ; elles ne s’orientent ni vers le Dieu vivant ni vers le droit et la justice. Il faut que la conversion se traduise par des actes, des choix, pour avancer dans la nouvelle direction. Malheureusement, l’ancien Israël (de la première Alliance) s’est souvent détourné du Seigneur, le vrai Dieu, pour retourner à l’adoration des idoles (argent, pouvoir, domination…). C’est pour cette raison, pensons-nous, qu’il subsiste dans l’état du péché. Faut-il prier pour le retournement à la foi du premier Israël, avant la fin des temps? • Nouveau Testament et liturgie :le Nouveau Testament emploie deux verbes pour désigner ce qui est en cause dans la conversion chrétienne: « se retourner, revenir ». À ces deux verbes correspondent deux mots : « conversion, pénitence ». Il n’y a pas de conversion réelle sans pénitence ; mais il ne peut y avoir pénitence sans conversion : dans ce cas, on ne perçoit plus dans la (les) pénitence(s) que l’aspect négatif… Par les rites, Dieu miséricordieux motive les hommes au « retour »; les rebelles se tournent à nouveau vers le Seigneur. La parabole du fils prodigue et du fils aîné, dans l’Évangile de Luc, rassemble les divers aspects de la conversion, dans une des plus belles pages de l’Évangile.Lors de la célébration eucharistique, le célébrant est tourné vers l’assemblée. C’était, précisément, la réforme liturgique la plus spectaculaire du concile Vatican II. Cette attitude du célébrant renoue avec une antique tradition qui met en relief la primauté de l’assemblée dans le dialogue avec celui qui la préside. À son tour, vers qui se tourne l’assemblée ? Vers la croix, vers l’autel, vers l’évangéliaire… ou tout simplement vers l’Orient, puisque les églises sont traditionnellement construites selon un axe Ouest-Est, de telle manière que l’assemblée soit orientée vers le lieu du soleil (levant). Si le lieu de la célébration est circulaire, les membres de l’assemblée se font face. C’est une autre manière de se tourner vers le Christ. « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18,19-20).Le salut (la paix du Seigneur) est un moment privilégié où les membres de l’assemblée se tournent les uns vers les autres et réalisent symboliquement le retournement du cœur qui est la paix du Christ.Ainsi l’assemblée exprime sa réponse à l’appel : « Tournez-vous vers Celui qui vient. » Notons enfin que le prêtre ne se détourne jamais de l’assemblée ; il ne change pas de ton quand il lui parle, ou quand il prie en son nom; alors que l’animateur et les lecteurs qui ne cessent de faire face à l’assemblée se retournent vers l’autel au moment de la prière de conclusion.

Hicham Ajour* Cyrille de Jérusalem (313-387), un des pères de l’Église du IVe siècle, a composé les « catéchèses mystagogiques (instructions aux nouveaux baptisés)». Pour en savoir davantage, Hicham Ajour , les Pères de l’Église X- Cyrille de Jérusalem, pages 22-25 du bulletin paroissial numéro 14 , mai 2013. Saint-Antoine-de-Padoue, Baabdath.

Que de cumulonimbus dans l’art chrétien à certaines époques ! Mais ce n’est pas pour inviter les gens à se perdre dans les nuages...Qui dit nuages dit ciel; qui dit ciel dit au-dessus et au-delà de la terre, infini... Les nuages sont une façon d’exprimer la distance qui sépare Dieu des humains, et sa grandeur. Mais justement, pour les chrétiens, Dieu s’est fait humain, en Jésus-Christ le ciel et la terre se rejoignent. Ainsi, les nuages apparaissent ouverts, comme un lieu d’échanges intenses : ils sont traversés par de la musique ou des rayons de lumière ; des saints y regardent vers ceux de la terre, des hommes s’y élèvent vers la sainteté.Jésus lui-même a appris à ses amis à dire «Notre Père qui es aux cieux ». Mais à l’Ascension, lorsqu’il eut rejoint son Père, ses apôtres furent invités à ne pas rester le nez en l’air à scruter le ciel (Ac 1,11) !

Studio Bayard éditions Jeunesse, 2009

COMME......TOURNER (SE)

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12 LUMEN FIDEI - III

L’Église, mère de notre foi37. Celui qui s’est ouvert à l’amour de Dieu, qui a écouté sa voix et reçu sa lumière, ne peut garder ce don pour lui. Puisque la foi est écoute et vision, elle se transmet aussi comme

parole et comme lumière. S’adressant aux Corinthiens, l’apôtre Paul utilise justement ces deux images. D’une part il dit : « Possédant ce même esprit de foi, selon ce qui est écrit : J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé, nous aussi nous croyons, et c’est pourquoi nous parlons » (2 Co 4, 13). La parole reçue se fait réponse, confession, et de cette manière résonne pour les autres, les invitant à croire.

Lettre encyclique du pape François - Lumen Fidei« Écrite à quatre mains », Lumen Fidei - La lumière de la foi - est la première encyclique du pape François qui assume le texte commencé par Benoît XVI et le complète.Ainsi se clôt la trilogie sur les trois vertus théologales initiée par Deus caritas est et Spe Salvi.« En raison de son lien avec l’amour, la lumière de la foi se met au service concret de la justice, du droit et de la paix. La foi naît de la rencontre avec l’amour originaire de Dieu en qui apparaissent le sens et la bonté de notre vie ; celle-ci est illuminée dans la mesure même où elle entre dans le dynamisme ouvert par cet amour, devenant chemin et pratique vers la plénitude de l’amour.Celui qui croit, voit ; il voit avec une lumière qui illumine tout le parcours de la route, parce qu’elle nous vient du Christ ressuscité, étoile du matin qui ne se couche pas. »

D’autre part saint Paul se réfère aussi à la lumière : «Nous qui, le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image » (2 Co 3, 18). Il s’agit d’une lumière qui se reflète de visage en visage, de même que Moïse portait sur lui le reflet de la gloire de Dieu après lui avoir parlé : « [Dieu] a resplendi dans nos cœurs pour faire briller la connaissance de la gloire de Dieu, qui est sur la face du Christ » (2 Co 4, 6). La lumière de Jésus brille, comme dans un miroir, sur le visage des chrétiens, et ainsi elle se répand et arrive jusqu’à nous, pour que nous puissions, nous aussi, participer à cette vision et réfléchir

Voici l’avant-dernier chapitre de la première lettre encyclique du pape François dont nous vous avions fait partager les premiers dans nos Cœur à Cœur des mois de septembre et d’octobre.

F

LETTRE ENCYCLIQUE

LUMEN FIDEIDU SOUVERAIN PONTIFE

FRANÇOISAUX ÉVÊQUES

AUX PRÊTRES ET AUX DIACRESAUX PERSONNES CONSACRÉESET À TOUS LES FIDÈLES LAÏCS

SUR LA FOI

LUMEN FIDEI -III

JE VOUS TRANSMETSCE QUE J’AI REÇU (cf. 1 Co 15, 3)

CHAPITRE -III

...Suite

Nous avons partagé ensemble, dans nos « Cœur à Cœur » de septembre et d’octobre, l’introduction les premier et second chapitres, de la première lettre encyclique du pape François, lettre dont la rédaction avait été entamée par Benoît XVI. Nous poursuivons aujourd’hui avec le troisième des quatre chapitres qui la composent.

13JE VOUS TRANSMETS CE QUE J’AI REÇU sur les autres cette lumière, comme dans la liturgie de Pâques la lumière du cierge allume beaucoup d’autres cierges. La foi se transmet, pour ainsi dire, par contact, de personne à personne, comme une flamme s’allume à une autre flamme. Les chrétiens, dans leur pauvreté, sèment une graine si féconde qu’elle devient un grand arbre et est capable de remplir le monde de fruits.

38. La transmission de la foi, qui brille pour tous les hommes et en tout lieu, traverse aussi l’axe du temps, de génération en génération. Puisque la foi naît d’une rencontre qui se produit dans l’histoire et éclaire notre cheminement dans le temps, elle doit se transmettre au long des siècles. C’est à travers une chaîne ininterrompue de témoignages que le visage de Jésus parvient jusqu’à nous. Comment cela est-il possible ? Comment être sûr d’atteindre le « vrai Jésus » par-delà les siècles ? Si l’homme était un être isolé, si nous voulions partir seulement du « moi » individuel qui veut trouver en lui-même la certitude de sa connaissance, une telle certitude serait alors impossible. Je ne peux pas voir par moi-même ce qui s’est passé à une époque si distante de moi. Mais tel n’est pas toutefois le seul moyen dont dispose l’homme pour connaître. La personne vit toujours en relation. Elle provient d’autres personnes, appartient à d’autres, sa vie est enrichie par la rencontre avec les autres. De même, la connaissance que nous avons de nous-mêmes - la conscience de soi - est également de type relationnel, et elle est liée aux autres qui nous ont précédés : en premier lieu nos parents, qui nous ont donné la vie et le nom. Même le langage - les mots avec lesquels nous interprétons notre vie et notre réalité - nous parvient à travers d’autres, il est conservé dans la mémoire vivante d’autres. La connaissance de nous-mêmes n’est possible que lorsque nous participons à une mémoire plus vaste. Il en est ainsi aussi de la foi, qui porte à sa perfection la manière humaine de comprendre. Le passé de la foi, cet acte d’amour de Jésus qui a donné au monde une vie nouvelle, nous parvient par la mémoire d’autres, des témoins, et il est de la sorte conservé vivant dans ce sujet unique de mémoire qu’est l’Église. L’Église est une Mère qui nous enseigne à parler le langage de la foi. Saint Jean a insisté sur cet aspect dans son Évangile,

en reliant foi et mémoire, et en les associant toutes deux à l’action du Saint-Esprit qui, comme dit Jésus, « vous rappellera tout» (Jn 14, 26). L’amour, qui est l’Esprit, et qui demeure dans l’Église, maintient réunies toutes les époques entre elles et nous rend contemporains de Jésus, devenant ainsi le guide de notre cheminement dans la foi.

39. Il est impossible de croire seul. La foi n’est pas seulement une option individuelle que le croyant prendrait dans son intériorité, elle n’est pas une relation isolée entre le « moi » du fidèle et le « Toi » divin, entre le sujet autonome et Dieu. Par nature, elle s’ouvre au « nous », elle advient toujours dans la communion de l’Église. La forme dialoguée du Credo, utilisée dans la liturgie baptismale, nous le rappelle. L’acte de croire s’exprime comme une réponse à une invitation, à une parole qui doit être écoutée. Il ne procède pas de moi, mais il s’inscrit dans un dialogue, il ne peut être une pure confession qui proviendrait d’un individu. Il est possible de répondre à la première personne, « je crois », seulement dans la mesure où l’on appartient à une large communion, seulement parce que l’on dit aussi « nous croyons ». Cette ouverture au « nous » ecclésial se produit selon l’ouverture même de l’amour de Dieu, qui n’est pas seulement relation entre Père et Fils, entre « moi » et « toi », mais qui est aussi dans l’Esprit un « nous », une communion de personnes. Voilà pourquoi celui qui croit n’est jamais seul, et pourquoi la foi tend à se diffuser, à inviter les autres à sa joie. Celui qui reçoit la foi découvre que les espaces de son « moi » s’élargissent, et que de nouvelles relations qui enrichissent sa vie sont générées en lui. Tertullien l’a exprimé de manière convaincante en parlant du catéchumène qui, « après le bain de la nouvelle naissance », est accueilli dans la maison de la Mère pour élever les mains et prier, avec ses frères, le Notre Père : il est accueilli dans une nouvelle famille [34].

Les sacrements et la transmission de la foi

40. Comme toute famille, l’Église transmet à ses enfants le contenu de sa mémoire. Comment faire pour que rien ne soit perdu et qu’au contraire l’héritage de la

14 LUMEN FIDEI - IIIfoi s’approfondisse toujours davantage ? C’est par la Tradition apostolique, conservée dans l’Église avec l’aide de l’Esprit saint, que nous avons un contact vivant avec la mémoire fondatrice. Et ce qui a été transmis par les apôtres comme l’affirme le concile œcuménique Vatican II « embrasse tout ce qui contribue à une sainte conduite de la vie du peuple de Dieu et à l’accroissement de la foi, et ainsi l’Église, dans sa doctrine, sa vie et son culte, perpétue et transmet à toutes les générations tout ce qu’elle est elle-même, tout ce qu’elle croit » [35].La foi a besoin, en effet, d’un milieu dans lequel on puisse témoigner et communiquer, et qui corresponde et soit proportionné à ce qui est communiqué. Pour transmettre un contenu purement doctrinal, une idée, un livre suffirait sans doute, ou bien la répétition d’un message oral. Mais ce qui est communiqué dans l’Église, ce qui se transmet dans sa Tradition vivante, c’est la nouvelle lumière qui naît de la rencontre avec le Dieu vivant, une lumière qui touche la personne au plus profond, au cœur, impliquant son esprit, sa volonté et son affectivité, et l’ouvrant à des

relations vivantes de communion avec Dieu et avec les autres. Pour transmettre cette plénitude, il y a un moyen spécial qui met en jeu toute la personne, corps et esprit, intériorité et relations. Ce sont les sacrements, célébrés dans la liturgie de l’Église. Par eux, une mémoire incarnée est communiquée, liée aux lieux et aux temps de la vie, et qui prend en compte tous les sens. Par eux, la personne est engagée, en tant que membre d’un sujet vivant, dans un tissu de relations communautaires. En conséquence, s’il est vrai de dire que les sacrements sont les sacrements de la foi [36], il faut dire aussi que la foi a une structure sacramentelle. Le réveil de la foi passe par le réveil d’un nouveau sens sacramentel de la vie de l’homme et de l’existence chrétienne, qui montre comment le visible et le matériel s’ouvrent sur le mystère de l’éternité.

41. La foi se transmet, en premier lieu, par le baptême. Il pourrait sembler que le baptême soit seulement une manière de symboliser la confession de foi, un acte pédagogique destiné à celui qui a besoin d’images et de gestes, mais dont on pourrait, dans le fond, se passer. Une parole de saint Paul sur le baptême nous rappelle qu’il n’en est rien. Il affirme que « nous avons été ensevelis avec le Christ par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle » (Rm 6, 4). Dans le baptême nous devenons une nouvelle créature et fils adoptifs de Dieu. L’apôtre affirme ensuite que le chrétien a été confié à une « forme d’enseignement» (typos didachés), auquel il obéit de tout son cœur (Cf. Rm 6, 17). Dans le baptême, l’homme reçoit aussi une doctrine à professer et une forme concrète de vie qui exige l’engagement de toute sa personne et l’achemine vers le bien. Il est transféré dans un univers nouveau, confié à un nouveau milieu, à un nouveau mode d’agir commun, dans l’Église. Le baptême nous rappelle ainsi que la foi n’est pas l’œuvre d’un individu isolé, elle n’est pas un acte que l’homme pourrait accomplir par ses propres forces; mais elle doit être reçue, en entrant dans la communion de l’Église qui transmet le don de Dieu : on ne se baptise pas soi-même, pas plus qu’on ne naît soi-même à l’existence. Nous avons été baptisés.

42. Quels sont les éléments du baptême qui nous introduisent dans cette nouvelle « forme d’enseignement»? En premier lieu le Nom de la Trinité : Père, Fils et Saint- Esprit, est invoqué sur le catéchumène. Une synthèse du chemin de la foi est ainsi faite dès le départ. Le Dieu qui a appelé Abraham et qui a voulu être appelé son Dieu ; le Dieu qui a révélé son Nom à Moïse, le Dieu qui en livrant son Fils nous a révélé pleinement le mystère de son Nom, donne au baptisé une nouvelle identité filiale. La signification de l’action - l’immersion dans l’eau - accomplie lors du baptême apparaît alors : l’eau est en même temps symbole de mort, qui nous invite à passer par la conversion du « moi », à un « Moi » plus large; et en même temps symbole de vie, vie à laquelle nous renaissons en suivant le Christ dans son existence nouvelle. De cette façon, par l’immersion dans l’eau, le baptême évoque la structure incarnée de la foi. L’action du Christ nous touche dans notre réalité personnelle, elle nous transforme radicalement, nous rend fils adoptifs de Dieu, participants de la nature divine; elle modifie ainsi toutes nos relations, notre situation concrète dans le monde et dans le cosmos, les ouvrant à sa propre vie de communion. Ce dynamisme de transformation, propre au baptême, nous aide à comprendre l’importance du

15JE VOUS TRANSMETS CE QUE J’AI REÇU

catéchuménat qui aujourd’hui, même dans les sociétés d’ancienne tradition chrétienne dans lesquelles un nombre croissant d’adultes s’approche du sacrement de baptême, revêt une importance singulière pour la nouvelle évangélisation. Il est le chemin de préparation au baptême, à la transformation de l’existence tout entière dans le Christ.Pour comprendre le lien entre baptême et foi, nous pouvons nous rappeler un texte du prophète Isaïe qui était associé au baptême dans l’ancienne littérature chrétienne: « Les roches escarpées seront son refuge (…) l’eau ne lui manquera pas » (Is 33, 16) [37]. Le baptisé, délivré des eaux de la mort, pouvait se dresser debout sur la « roche escarpée » parce qu’il avait trouvé un appui sûr. Ainsi, l’eau de la mort est transformée en eau de la vie. Le texte grec la désignait comme eau pistòs, eau « fidèle ». L’eau du baptême est fidèle parce qu’on peut se fier à elle, parce que son courant introduit dans la dynamique d’amour de Jésus, source assurée sur notre chemin dans la vie.

43. La structure du baptême, sa configuration de renaissance, dans laquelle nous recevons un nom nouveau et une vie nouvelle, nous aide à comprendre le sens et l’importance du baptême des enfants. L’enfant n’est pas capable d’un acte libre d’accueil de la foi, il ne peut pas encore la confesser de lui-même ; pour cette raison, ses parents, son parrain ou sa marraine confessent la foi en son nom. La foi est vécue à l’intérieur de la communauté de l’Église, elle s’inscrit dans un « nous » commun. Ainsi, l’enfant peut être soutenu par d’autres, ses parents, son parrain ou sa marraine, il peut être accueilli dans leur foi, qui est la foi de l’Église, symbolisée par la lumière que

le père allume au cierge dans la liturgie baptismale. Cette structure du baptême met en évidence l’importance de la synergie entre l’Église et la famille dans la transmission de la foi. Les parents sont appelés, selon une parole de saint Augustin, non seulement à engendrer les enfants à la vie, mais aussi à les conduire à Dieu, afin que, par le baptême, ils soient régénérés comme enfants de Dieu et reçoivent le don de la foi. Ainsi, avec la vie, leur sont données l’orientation fondamentale de leur existence et l’assurance d’un avenir conforme au bien [38], orientation qui sera corroborée ultérieurement dans le sacrement de la confirmation par le sceau de l’Esprit saint.44. La nature sacramentelle de la foi trouve sa plus grande expression dans l’eucharistie. Elle est la précieuse nourriture de la foi, rencontre avec le Christ réellement présent dans l’acte suprême de son amour, le don de lui-même qui produit la vie. Dans l’eucharistie, nous avons le croisement de deux axes sur lesquels la foi fait son chemin. D’un côté, l’axe de l’histoire : l’eucharistie est un acte de mémoire, une actualisation du mystère, dans lequel le passé, comme événement de mort et de résurrection, montre sa capacité d’ouvrir à l’avenir, d’anticiper la plénitude finale. La liturgie nous le rappelle avec son hodie, l’«aujourd’hui » des mystères du salut. D’un autre côté, il y a l’axe qui conduit du monde visible vers l’invisible. Dans l’eucharistie, nous apprenons à saisir la profondeur du réel. Le pain et le vin se transforment en corps et sang du Christ qui se rend présent dans son chemin pascal vers le Père : ce mouvement nous introduit, corps et âme, dans le mouvement de tout le créé vers sa plénitude en Dieu.

16 LUMEN FIDEI - III

45. Dans la célébration des sacrements, l’Église transmet sa mémoire, en particulier avec la profession de foi. Celle-ci ne consiste pas tant à donner son assentiment à un ensemble de vérités abstraites. Dans la confession de foi, au contraire, toute la vie s’achemine vers la pleine communion avec le Dieu vivant. On peut dire que, dans le Credo, le croyant est invité à entrer dans le mystère qu’il professe et à se laisser transformer par ce qu’il professe. Pour comprendre le sens de cette affirmation, nous pensons surtout au contenu du Credo qui a une structure trinitaire : le Père et le Fils s’unissent dans l’Esprit d’amour. Ainsi, le croyant affirme que le centre de l’être, le secret le plus profond de toute chose, c’est la communion divine. Par ailleurs, le Credo contient aussi une confession christologique : les mystères de la vie de Jésus sont de nouveau parcourus jusqu’à sa mort, sa résurrection et son Ascension au ciel, dans l’attente de sa venue finale dans la gloire. On affirme donc que ce Dieu communion, échange d’amour entre Père et Fils dans l’Esprit, est capable d’embrasser l’histoire de l’homme, de l’introduire dans son dynamisme de communion, qui a son origine et sa fin ultime dans le Père. Celui qui confesse la foi se trouve engagé dans la vérité qu’il confesse. Il ne peut pas prononcer en vérité les paroles du Credo sans être par cela même transformé, sans être introduit dans une histoire d’amour qui le saisit, qui dilate son être en le rendant membre d’une grande communion, du sujet ultime qui prononce le Credo et qui est l’Église. Toutes les vérités à croire disent le mystère de la vie nouvelle de la foi comme chemin de communion avec le Dieu vivant.

Foi, prière et Décalogue

46. Deux autres éléments sont essentiels pour la transmission fidèle de la mémoire de l’Église. Il y a, en premier lieu, la prière du Seigneur, le Notre Père. Dans

cette prière, le chrétien apprend à partager l’expérience spirituelle elle-même du Christ et commence à voir avec les yeux du Christ. À partir de Celui qui est Lumière née de la Lumière, le Fils unique du Père, nous connaissons Dieu nous aussi et nous pouvons enflammer en d’autres le désir de s’approcher de Lui.Le lien entre foi et Décalogue est également important. La foi, nous l’avons dit, apparaît comme un chemin, une route à parcourir, ouverte à la rencontre avec le Dieu vivant. C’est pourquoi à la lumière de la foi et de la confiance totale dans le Dieu qui sauve, le Décalogue acquiert sa vérité la plus profonde, contenue dans les paroles qui introduisent les dix commandements : « Je suis ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte » (Ex 20, 2). Le Décalogue n’est pas un ensemble de préceptes négatifs, mais des indications concrètes afin de sortir du désert du «moi » autoréférentiel, renfermé sur lui-même, et d’entrer en dialogue avec Dieu, en se laissant embrasser par sa miséricorde et pouvoir en témoigner. La foi confesse ainsi l’amour de Dieu, origine et soutien de tout, elle se laisse porter par cet amour pour marcher vers la plénitude de la communion avec Dieu. Le Décalogue apparaît comme le chemin de la reconnaissance, de la réponse d’amour, réponse possible parce que, dans la foi, nous sommes ouverts à l’expérience de l’amour transformant de Dieu pour nous. Et ce chemin reçoit une lumière nouvelle de ce que Jésus enseigne dans le discours sur la montagne (Cf. Mt 5-7).J’ai évoqué ainsi les quatre éléments qui résument le trésor de mémoire que l’Église transmet : la confession de foi, la célébration des sacrements, le chemin du Décalogue, la prière. La catéchèse de l’Église s’est structurée autour de ces éléments, y compris le catéchisme de l’Église catholique, instrument fondamental par lequel, de manière unifiée, l’Église communique le contenu complet de la foi, « tout ce qu’elle est, tout ce qu’elle croit » [39].

L’unité et l’intégrité de la foi

47. L’unité de l’Église, dans le temps et dans l’espace, est liée à l’unité de la foi : « Il n’y a qu’un Corps et qu’un Esprit (…) comme il n’y a qu’une seule foi » (Ep 4, 4-5). Il peut sembler aujourd’hui réalisable que les hommes s’unissent dans un engagement commun, le désir du bien, le partage d’une même destinée, un but commun. Mais il est très difficile de concevoir une unité dans la même vérité. Il semble qu’une unité de ce genre s’oppose à la liberté de pensée et à l’autonomie du sujet. L’expérience de l’amour nous dit au contraire que c’est justement dans l’amour qu’il est possible d’avoir une vision commune; qu’en lui nous apprenons à voir la réalité avec les yeux de l’autre, et que cela n’appauvrit pas mais enrichit notre regard. Le véritable amour, à la mesure de l’amour divin, exige la vérité et, dans le regard commun de la vérité qui est Jésus-Christ, devient solide et profond. L’unité de vision en un seul corps et en un seul esprit est aussi joie de la foi. En ce sens, saint Léon le Grand pouvait affirmer: « Si la foi n’est pas une, elle n’est pas la foi » [40].Quel est le secret de cette unité ? La foi est une, en premier lieu, en raison de l’unité du Dieu connu et confessé. Tous les articles de foi se réfèrent à Lui, ils sont les chemins pour connaître son être et son agir. En conséquence, ils ont une unité supérieure à toute autre unité que nous pourrions construire par notre pensée; ils possèdent l’unité qui nous enrichit parce qu’elle se communique à nous et nous rend « un ».En outre, la foi est une parce qu’elle se réfère à l’unique

17JE VOUS TRANSMETS CE QUE J’AI REÇU Seigneur, à la vie de Jésus, à son histoire concrète qu’il partage avec nous. Saint Irénée de Lyon l’a clairement affirmé contre les hérétiques gnostiques. Ceux-ci soutenaient l’existence de deux types de foi : une foi grossière, imparfaite, celle des simples, qui restait au niveau de la chair du Christ et de la contemplation de ses mystères ; et un autre type de foi plus profond et plus parfait, la vraie foi, réservée à un petit cercle d’initiés qui s’élevait par l’intelligence au-delà de la chair de Jésus jusqu’aux mystères de la divinité inconnue. Devant cette prétention, qui continue à séduire et qui a ses adeptes encore de nos jours, saint Irénée affirme qu’il n’y a qu’une seule foi, parce que celle-ci passe toujours par le concret de l’Incarnation, sans jamais faire abstraction de la chair ni de l’histoire du Christ, puisque Dieu a voulu s’y révéler pleinement. C’est pour cela qu’il n’y a pas de différence entre la foi de « celui qui est capable d’en parler longuement » et la foi de « celui qui en parle peu», de celui qui a des capacités et de celui qui en a moins: ni le premier ne peut augmenter la foi ni le second la diminuer [41].Enfin, la foi est une parce qu’elle est partagée par toute l’Église, qui est un seul corps et un seul Esprit. Dans la communion de cet unique sujet qu’est l’Église, nous recevons un regard commun. En confessant la même foi, nous nous appuyons sur le même roc, nous sommes transformés dans le même Esprit d’amour, nous rayonnons d’une lumière unique, et nous pénétrons la réalité d’un seul regard.

48. Étant donné qu’il n’y a qu’une seule foi, celle-ci doit être confessée dans toute sa pureté et son intégrité. C’est bien parce que tous les articles de foi sont reliés entre eux et ne font qu’un, qu’en nier un seul, même celui qui semblerait de moindre importance, revient à porter atteinte à tout l’ensemble. Chaque époque peut rencontrer plus ou moins de difficultés à admettre certains points de la foi: il est donc important de veiller, afin que le dépôt de la foi soit transmis dans sa totalité (cf. 1 Tm 6, 20), et pour que l’on insiste opportunément sur tous les aspects de la confession de foi. Et puisque l’unité de la foi est l’unité de l’Église, retirer quoi que ce soit à la foi revient à retirer quelque chose à la vérité de la communion. Les Pères ont décrit la foi comme un corps, le corps de la vérité, avec plusieurs membres, par analogie avec le corps du Christ et son prolongement dans l’Église [42]. L’intégrité de la foi a été aussi liée à l’image de l’Église vierge, à sa fidélité dans l’amour sponsal pour le Christ : porter atteinte à la foi revient à porter atteinte à la communion avec le Seigneur [43]. L’unité de la foi est donc celle d’un organisme vivant, comme l’a bien remarqué le bienheureux John Henry Newman lorsqu’il comptait, parmi les notes caractérisant la continuité de la doctrine dans le temps, sa capacité d’assimiler tout ce qu’elle trouve dans les divers milieux où elle est présente et les différentes cultures qu’elle rencontre [44], purifiant toute chose et la portant à sa parfaite expression. Ainsi la foi se montre universelle, catholique, parce que sa lumière grandit pour illuminer tout le cosmos et toute l’histoire.

49. Au service de l’unité de la foi et de sa transmission complète, le Seigneur a fait à l’Église le don de la succession apostolique. Par elle, la continuité de la mémoire de l’Église est assurée, et il est possible d’atteindre avec certitude la source pure d’où surgit la foi. Le lien avec l’origine est donc garanti par des personnes vivantes, ce qui correspond à la foi vivante que l’Église

transmet. Elle s’appuie sur la fidélité des témoins qui ont été choisis par le Seigneur à cette fin. C’est pour cela que le Magistère s’exprime toujours dans l’obéissance à la Parole originelle sur laquelle est fondée la foi. Il est digne de confiance parce qu’il se fie à cette Parole qu’il écoute, garde et explique [45]. Dans le discours d’adieu aux anciens d’Éphèse, à Milet, que saint Luc raconte dans les Actes des Apôtres, saint Paul témoigne d’avoir accompli la charge que le Seigneur lui a confiée d’«annoncer toute la volonté de Dieu » (Ac 20, 27).C’est par le Magistère de l’Église que peut nous parvenir intacte cette volonté, et avec elle la joie de pouvoir pleinement l’accomplir.

Lire la suite dans notre numéro de Décembre

[34] Cf. De Baptismo, 20,5 : CCL I, 295.[35] Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 8.[36] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. sur la sainte liturgie Sacrosanctum Concilium, n. 59.[37] Cf. Epistula Barnabae, 11,5 : SC 172, p. 162.[38] Cf. De nuptiis et concupiscentia, I, 4, 5 : PL 44, 413 : « Habent quippe intentionem generandi regenerandos, ut qui ex eis saeculi filii nascuntur in Dei filios renascantur ».[39] Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 8.[40] In nativitate Domini sermo 4, 6 : SC 22, p. 110.[41] Cf. Irénée de Lyon, Adversus haereses, I, 10, 2 : SC 264, p. 160.[42] Cf. ibid., II, 27, 1 SC 294, p. 264.[43] Cf. Augustin, De sancta virginitate, 48, 48 : PL 40,424-425 : «Servatur et in fide inviolata quaedam castitas virginalis, qua Ecclesia uni viro virgo casta cooptatur ».[44] Cf. An Essay on the Development of Christian Doctrine, Uniform Edition : Longmans, Green and Company, London 1868-1881, pp. 185-189.[45] Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 10.

18 MÉDITATION I

es Dix commandements sont-ils toujours d’actualité?Jésus l’affirme dans l’Évangile : il n’est pas

venu abolir la Loi proposée par Dieu à Moïse sur le Sinaï (Ex 20 et Dt 6), mais accomplir cette Alliance. Plus d’une fois, il se réfère aux Dix commandements, qu’il vaudrait peut-être mieux appeler les «Dix paroles ».Les trois premières paroles décrivent la manière dont le croyant est en lien avec Dieu, les sept autres règlent les rapports entre les hommes. Jésus dit bien que cette Loi est toujours d’actualité, mais il la rassemble, la condense en deux règles : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit », et la seconde, tout aussi importante : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 37-40). L’Église reprend la démarche du Christ et invite les fidèles à entendre et mettre en pratique ces commandements, cadre essentiel à la mise en œuvre de la foi, à une vie selon l’Alliance.En dépit de leur formulation plusieurs fois négative comme « Tu ne tueras pas », l’Église invite à lire ces injonctions

«Je suis le Seigneur ton Dieu. Tu n’auras pas d’autre dieu que moi. Tu ne prononceras pas le nom de Dieu à faux. Tu sanctifieras le Jour du Seigneur. Honore ton père et ta mère. Tu ne tueras pas. Tu ne commettras pas d’adultère. Tu ne voleras pas. Tu ne feras pas de faux témoignage. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain. Tu ne convoiteras pas le bien du prochain.»

L

La viedans leChrist

Comment, dans le monde d’aujourd’hui, continuer de se plier aux injonctions des Dix commandements en y trouvant, plus que des interdits, des chemins d’épanouissement en alliance avec Dieu ? Sont-ils simplement des lois morales, ou des règles transcendées par l’Église et ordonnées au projet de Dieu pour l’humanité ? De même, l’attitude de l’Église au sujet de la contraception est-elle véritablement comprise comme la défense d’un idéal chrétien et non comme une entrave à l’amour ?

19LES CLÉS DE LA FOIcomme un chemin de vie, de libération. En se bornant à interdire des comportements nuisibles à l’homme, elles évitent de lui dicter ce qu’il faut faire et l’invitent au contraire à bien comprendre que ces interdictions (le meurtre, le vol, la convoitise...) rendent libre d’aimer : les Dix commandements de la Bible sont des balises pour ouvrir un chemin d’épanouissement humain en alliance avec Dieu.Jésus prend cette voie pour inviter le fidèle à le suivre, comme le raconte sa rencontre avec l’homme riche (Mc 10,17-22). À celui qui demande ce qu’il faut faire pour hériter de la vie éternelle, Jésus répond qu’il doit observer les commandements. Juif pieux, l’homme respecte déjà ces préceptes. Jésus l’invite alors à vendre tous ses biens et à l’accompagner. Mais cette étape supplémentaire est trop exigeante pour l’homme riche. Ainsi, si les Dix paroles sont une première et indispensable étape pour se libérer de tout esclavage, Jésus vient achever accomplir cette loi de vie par le « commandement unique » de l’amour de Dieu et du prochain, jusqu’au don de sa propre vie.

L’Église doit-elle s’occuper de morale ?La morale est l’ensemble des règles qui dirigent l’activité libre de l’homme. En développant une « morale chrétienne », l’Église affirme qu’il y aurait un risque à user de la liberté n’importe comment. Pour elle, il y a des comportements, des choix, des attitudes qui ne respectent pas la dignité de l’homme, ou l’alliance que Dieu a établie avec lui. Ce discours moral, dans une société où tout semble permis, peut paraître exigeant, surtout dans le domaine de la sexualité. Mais l’Église développe aussi une morale sociale et même politique, qui passe parfois plus inaperçue. Elle relève pourtant du même mouvement profond : au risque de déranger, l’Église continue à dire, non seulement aux fidèles mais aussi à l’ensemble de la société, ce qu’elle considère comme une manière humaine d’exercer la liberté. Alors que tout devient possible, la morale souligne que tout n’est pas forcement souhaitable. « La loi morale prescrit à l’homme les voies et les règles de conduite qui mènent à la béatitude promise et qui proscrivent les chemins qui éloignent de Dieu », précise le Catéchisme de l’Église catholique (Abrégé, n° 415, p. 164). Ainsi, l’Église donne une dimension transcendante à cette morale en la définissant par rapport à Dieu. On parle même de « théologie morale » pour décrire les règles humaines qui sont ordonnées » au projet de Dieu pour l’homme.

Cette morale est essentiellement pétrie d’Évangile : c’est à la manière de Jésus-Christ que l’Église veut définir les règles pour une morale du bonheur tout entière résumée dans le texte des Béatitudes (Mt 5). La morale chrétienne annonce que la pauvreté, l’injustice, la violence n’auront pas le dernier mot. Ces repères ne conduisent pas le fidèle à vivre « hors du monde » : ils l’invitent au contraire à vivre les valeurs évangéliques au cœur du monde. « Experte en humanité » comme le proclamait Paul VI, l’Église s’intéresse à tous les domaines de la vie pour formuler un avis selon sa longue expérience du discernement et du souci de l’homme. Ces règles de conduite concernent en effet de nombreux aspects de l’existence, dans la vie personnelle et privée comme dans la vie en société: la théologie morale de l’Église catholique donne des balises aussi bien pour la vie familiale, la sexualité, que pour le rapport à l’argent, la bioéthique et la recherche scientifique, l’économie et la politique... Elle ne fixe pas un itinéraire incontournable, un passage obligé, mais propose ces repères pour éclairer

la conscience. Enfin, si l’Église se préoccupe de morale, elle distingue toujours l’acte de la personne. À l’image de Dieu, elle ne désespère jamais de l’homme. Ainsi, la morale catholique est opposée à l’avortement mais ne condamne pas définitivement la femme qui avorte ; elle condamne le meurtre mais est prête à offrir le pardon de Dieu à ceux et celles qui ont commis une faute grave. Ce sont les actes qui peuvent conduire à plus d’humanité ou au contraire abîmer l’homme. L’être humain, libre d’agir, peut trouver dans la morale chrétienne un guide pour discerner ce qui mène au bonheur de vivre et lui parle de Dieu, proche.

L’Église est-elle contre la contraception ?Voici sans doute l’une des questions qui soulève le plus d’incompréhensions entre l’Église et la société... Regardons de plus près le chemin d’humanité que propose l’Église et qui sous-tend cette position. Car le discours de Rome est trop souvent résumé de façon lapidaire : « non à la pilule, non au préservatif ».La morale qu’elle défend vise à proposer aux époux un idéal de respect, de don de soi, de rencontre véritable entre l’homme et la femme dans toutes les dimensions de l’acte sexuel. En effet, « l’acte conjugal a une double signification : l’union des époux et l’ouverture à la transmission de la vie», souligne le Catéchisme de l’Église catholique (Abrégé, n° 496, p. 191). L’Église redit clairement qu’homme et femme sont unis dans le mariage et la rencontre sexuelle pour donner la vie. L’encyclique de Paul VI Humanae vitae (1968) parle de «paternité (maternité) responsable ». Certes, pour défendre cette dimension ambitieuse, elle dénonce comme «intrinsèquement immorale toute action qui se propose d’empêcher la procréation » (n° 498, Abrégé, p. 192). Un langage fort, qui invite le couple à garder présent dans sa réflexion la double réalité d’union et de fécondité dans l’acte conjugal.

Tenir ces deux aspects d’un même amour est l’idéal chrétien et l’Église invite à pratiquer une régulation des naissances qui les respecte, en s’appuyant sur des méthodes dites «naturelles ». Fondées sur l’observation physiologique du cycle féminin, celles-ci permettent de déterminer les périodes fécondes et d’éviter tout acte sexuel durant ces temps-là si le couple ne souhaite pas procréer. La beauté de ces « méthodes naturelles » réside justement dans le respect et la prise en compte de la «nature humaine » dans ce qu’elle a de plus intime. Des couples trouvent dans cette pratique maîtrisée de la sexualité et de la fécondité un chemin de tendresse et d’épanouissement.Mais la majorité des catholiques ne se sent pas la force de tenir cette exigence et a recours à d’autres moyens de contraception, envisagés dans un souci d’épanouissement conjugal. L’Église, en prenant part au débat, ne dénonce certainement pas la sexualité mais en souligne l’intensité, la grandeur et les bienfaits. Une exigence qui invite les époux à vivre pleinement leur amour : chacun reste libre de choisir en conscience le « meilleur » pour sa vie conjugale et amoureuse. En dépit des caricatures médiatiques, c’est en effet plus un appel à la conscience qu’une condamnation : l’Église n’est pas « contre » la contraception, mais « pour » un amour responsable.

Tiré de « Pèlerin Hors-Série »

20 MÉDITATION II

Poursuivons notre réflexion sur la foi entamée depuis notre « Cœur à Cœur » de septembre. La foi est-elle l’adhésion au

contenu du credo ou à la personne de Jésus ? Que lui manquerait-il si elle n’était accompagnée de l’espérance et de la charité ?

Qui est Jésus pour nous ? Quels sont nos doutes ?À ces diverses interrogations, tentons d’apporter quelques éclaircissements.

PEUT-ON ÊTRE SÛR DE SA FOI ?-II ...Suite et fin

21PEUT-ON ÊTRE SÛR DE SA FOI ?

a foi chrétienne est une confiance légitime. La certitude de la foi repose sur la vérité du témoignage du Christ, sur ma décision exigeante de le suivre et de lui faire confiance, sur le fait surprenant que Dieu s’est fait

homme, a assumé la croix et offert sa résurrection. La foi est un acte de connaissance, de la raison, portant sur un objet non évident (a) mais avec une ferme adhésion (b), sous l’influence de la grâce de Dieu (c).Il y a trois dimensions dans la foi : a- Le contenu (le credo)b- La relation de personne à personnec- Le don de Dieu, une vertu théologale. C’est parce que Dieu me donne la foi (c) que je réponds à quelqu’un (b) et donc que j’adhère à un contenu (a). Vouloir adhérer au contenu du credo sans relation vivante et mendiante avec Dieu, c’est inverser les rapports et risquer la « crise de foi ».« La foi est la garantie des biens que l’on espère, la preuve des réalités qu’on ne voit pas. »C’est elle qui a valu aux anciens un bon témoignage. Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par une parole de Dieu, de sorte que ce que l’on voit provient de ce qui n’est pas apparent. Par la foi, Abraham obéit à l’appel de partir vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait » (He 11, 1-3 ; 8).

Pas de foi sans espérance ni charitéLa foi, l’espérance et la charité ont en commun d’être des vertus théologales, c’est-à-dire dont l’origine, l’objet et la fin est Dieu. Avoir la foi, espérer et aimer se font grâce à Dieu et en vue de Dieu.Ces trois vertus théologales se distinguent cependant. D’une part, elles ont une différence temporelle. La foi est un acte qui porte sur le présent et le passé. Elle repose sur les Évangiles d’hier pour un acte aujourd’hui. L’espérance

est un acte du présent sur un objet futur. La charité ou l’amour est un acte pleinement du présent.D’autre part, elles ne font pas appel aux mêmes facultés humaines. La foi est un acte d’intelligence, de raison et de volonté. L’espérance et la charité sont des vertus qui fortifient ma volonté. Enfin, leur réalité n’est pas la même ici-bas et au ciel. En face de Dieu, il n’y aura plus ni foi ni espérance. Il ne restera que la charité. Elle nous met directement avec Dieu.Cette distinction ne doit pas être une séparation. Le chrétien doit vivre en même temps de la foi, de l’espérance et de la charité. Si j’espère sans la foi et la charité, mon espérance n’est pas centrée sur Dieu. Ce ne sera plus qu’un espoir humain, une croyance dans le progrès humain, avec l’idée

qu’il est possible de se sauver par soi-même. Inversement, si j’ai la foi sans espérance, j’ai la tentation protestante de la sola fide. Cette foi s’accompagne souvent d’une vision tragique de la vie. Je crois, mais, face à

un Dieu tout-puissant, je me sens écrasé, sans espérance. Luther réagissait contre l’idée que les œuvres seules permettent de gagner le salut. Seule l’union de la foi et de l’espérance fait la véritable confiance.Plus grave, cette foi peut être déconnectée de la charité. Les démons ont une foi informe. Ils croient, mais ils n’aiment pas. Ils savent qui est Jésus, qu’il vient du sein du Père, mais ils le rejettent et ils en ont peur. Il est possible de connaître Dieu, tout en refusant de le servir. On pressent la vérité de la foi catholique, mais dans une rage démoniaque, on refuse de se mettre à genoux devant Dieu. Il vaut peut-être mieux une incrédulité des disciples, qui ne sont pas toujours certains face à la non-évidence du mystère, mais reconnaissent leurs faiblesses et implorent la grâce de Dieu, qu’une connaissance froide du credo avec un refus orgueilleux d’implorer la miséricorde de Jésus et de l’aimer.

Tiré de « 42 questions sur Dieu »

« La foi est la garantie des biens que l’on espère, la preuve des

réalités qu’on ne voit pas »

La foi : don de Dieu, relation à quelqu’un et adhésion à un contenu

L

T

22 LES CLÉS DE LA PRIERE

out au long de la Bible, Dieu parle aux hommes et aux femmes : il les réveille (Samuel), les convoque (Abraham), les enseigne (Salomon). La Parole les mène au-dehors, hors de leur couche, de leur pays, de

leur ego. En plein midi comme au milieu de la nuit : pas d’heure ni de lieu qui échappe à la voix céleste. Cette voix a beau venir d’en haut, elle n’en est pas moins de chair : pour les Anciens, elle a un timbre, un volume sonore, elle n’est pas simple voix intérieure ou ruse de l’imagination. Dès le récit de la création, «Dieu dit » est un refrain du texte biblique.

Jamais on n’a autant parlé du silence de DieuMais c’était il y a si longtemps déjà... Auschwitz, les rizières khmères, le Rwanda et autres lieux obscurs : la voix se serait-elle donc tue ? Aujourd’hui, ce n’est plus une voix que l’on entend ; au pire, entend-on des voix signe de déséquilibre mental, d’hystérie, au mieux, des

Par PhilippeCHEVALLIER(Jésuite)

bruits, épars et confus, comme ceux de nos cités.Que nous reste-t-il alors ?Si Dieu parle partout, en tous sens et sur tous les tons, autant dire qu’il ne parle plus vraiment, que l’on ne croit plus en cette possibilité, et que l’on est simplement touché par plus vaste que nous. Jamais on n’a autant parlé du silence de Dieu. Et on a sans doute raison de dire que Dieu ne parle pas. Parler, c’est se livrer, perdre un peu de soi-même et, surtout, se recroqueviller dans l’étroitesse des mots humains. Comment Dieu se le permettrait-il ?

Dieu s’exprime, pas les idolesMais justement, le Dieu chrétien n’a jamais redouté l’étroitesse de nos lieux : ce sont les hommes, dans les Évangiles, qui cassent les plafonds ou grimpent aux arbres pour voir le Fils de Dieu ; mais c’est lui qui aime les foules compactes, les barques étroites, les intérieurs. Le langage humain, c’est un peu comme le salon de Marthe et Marie : on s’y installe, on l’habite, on s’y sert à boire et à manger. Pas de raison que Dieu

de la prière:Les clés COMMENT DIEU ME PARLE-T-IL ?

Les saints entendaient des voix, beaucoup de nos contemporains se disent confrontés au silence de Dieu. Entre la voix céleste d’hier et le silence

d’aujourd’hui, comment peut-on encore espérer entendre sa Parole ? Par quels moyens Dieu continue-t-il de se dire à l’homme ?

23COMMENT DIEU ME PARLE-T-IL ?ne s’y sente à l’aise. Pas de raison qu’il ne puisse nous parler.Non seulement il le peut, renchérit le psalmiste, mais il le doit, car la parole permet de distinguer le vrai Dieu des idoles, celles que nos mains ou nos imaginaires ont façonnées : « Elles ont une bouche mais ne parlent pas » (Psaume 115). Dieu parle donc, pour nous sortir de nos projections intellectuelles, de nos constructions idéales. Peu importe de savoir s’il le fait aujourd’hui d’une voix de chair ou de fin silence, à travers un beau paysage ou une belle idée, à travers la traduction de la Bible de Jérusalem ou celle de la TOB. La seule question est de pouvoir reconnaître si ce qui me vient l’oreille ou à l’esprit est bien une parole, c’est-à-dire un message qui m’est adressé à moi et à personne d’autre. Un sentiment, une émotion, une idée ne sont pas en eux-mêmes des paroles. Ils m’imprègnent, m’enroulent, m’inspirent, mais ne me disent rien de particulier à moi parce que je suis moi. Ils peuvent laisser une forte impression, ils ne sont pas pour autant une communi-cation de personne à personne.

La parole comme un glaiveEn revanche, la Parole divine ne parle pas d’abord de quelque chose, elle parle à quelqu’un. Ce n’est pas un discours général qui renseigne sur le monde ni même sur l’être divin. Telle n’est pas son urgence. La Parole divine, écrit le philosophe Kierkegaard, « oblige d’abord celui à qui elle s’adresse à la reconnaître ; elle fixe alors sur lui son regard pénétrant comme pour lui dire : c’est à toi que je parle ».Elle m’interpelle, au sens latin du terme elle m’interrompt (interpello); comme je peux me faire héler dans la rue, jamais au bon moment, toujours quand je suis pressé, que j’ai mieux à faire. Je peux passer mon chemin, me dérober, mais je ne peux nier que quelqu’un a dit des mots qui m’étaient destinés ; quelqu’un a parlé, et cela fait coupure. Ce n’est pas pour rien que la Bible compare la parole à un glaive.S’il n’y a pas cette interpellation, alors il n’y a qu’intuition ou impression, si riche et forte soit-elle. La théologie protestante a sans doute été plus attentive que nulle autre à la hauteur et à la liberté de la Parole de Dieu. Celle-ci vient quand elle veut et comme elle veut, pour dire à chacun ce qu’elle veut. Hors de cette venue, elle risque de devenir simple sujet de discussion, de dissertation savante, finalement lettre morte.Tout peut être message divinLe concile Vatican II, dans sa constitution Dei Verbum, reprendra cette primauté, corrigeant la division maladroite d’une révélation équitablement partagée entre Bible et Tradition. Tout peut donc être message divin, et ce ne sont pas les grands récits de conversion qui nous diront le contraire. Une Bible ouverte au hasard (saint Augustin), un Magnificat chanté (le poète Paul Claudel), une lumière (le journaliste André Frossard), ou même la parole d’un ami suffisent à héler une vie, à la sortir d’elle-même, jusqu’au déchirement. Car la musique ou la lumière dans ces récits n’inspirent pas seulement de grandes émotions; elles commandent, obligent, déroutent, altèrent celui qui les reçoit. Ainsi parle Paul Claudel de cet instant où, touché par une chorale d’enfants, il crut pour la première fois de sa vie, sans doute possible : «L’état d’un homme qu’on arracherait d’un seul coup de sa peau pour le planter dans un corps étranger au milieu d’un monde inconnu est la

seule comparaison que je puisse trouver pour exprimer cet état de désarroi complet. »Bien entendu, il y a des circonstances favorables pour entendre cette Parole. On recommande avec raison la retraite extérieure et le silence intérieur. Même dans la vie la plus et la mieux remplie, il est bon de trouver un lieu calme, d’interrompre l’incessant discours de soi avec soi, la cacophonie de ce monologue indéfini, fruit de toutes les craintes et de toutes les angoisses.

Un lieu et un temps favorables à l’écouteLes différentes traditions spirituelles fourmillent d’indications finalement très simples et convergentes pour déjouer les pièges de l’imagination et de la raison raisonnante : contempler avec les yeux intérieurs une scène évangélique, concentrer son attention sur un unique mot (le mot « Jésus » répété, dans la tradition orientale), lire un texte saint en le goûtant lentement. Il s’agit de court-circuiter ce qui risque de ne venir que de moi, et empêcher ainsi que je confonde mon soliloque avec la voix d’un Autre. Mais ce travail exigeant ne peut rien exiger de Dieu. Sa Parole ne se commande pas. Elle reste un évènement qui vient rompre le fil de notre histoire et

ses fausses nécessités.Comment alors aider au discernement ? Dans tous les récits précédemment évoqués, le livre ouvert, la musique ou la lumière ne sont pas seulement de l’ordre de

l’illumination, d’une extase qui laisserait sans voix et sans mouvement, pétrifié. Il y a une convocation, donc l’exigence d’une réponse. Parce qu’elle vient du dehors, la Parole ne colle pas à mon corps, à mes convictions. Elle laisse un espace vide, à remplir par ma liberté et, d’abord, par mes propres mots. Un bon critère est de pouvoir parler de cet évènement, non pas à la cantonade, mais à quelqu’un en particulier, comme il m’a été parlé. La Parole appelle toujours ma parole, même balbutiante, même difficile.

Tiré de «Croire aujourd’hui - la Foi en question »

Tout peut donc être message divin, et ce ne sont pas les

grands récits de conversion qui nous diront le contraire

« De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer pour fournir la semence au semeur et le pain à manger, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j’ai voulu, et réalisé l’objet de sa mission. » Isaïe 55,10-11

Le cheminde la Parole de Dieu

24 CHERCHER ET TROUVER DIEU, AVEC...

LE PAPE FRANÇOISSE RACONTE…

Les 19 et 23 aout derniers, le Pape François a accordé trois longs entretiens au Père Antonio Spadaro s.j., directeur de la revue jésuite

« La Civiltà Cattolica ». Le Père Spadaro représentait l’ensemble des revues culturelles jésuites européennes et américaines, dont les

responsables avaient préparé un certain nombre de questions.Le Pape François n’accorde pratiquement aucune interview. C’est dire

l’intérêt d’un tel document qui permet de mieux connaitre sa personnalité et les grandes lignes qui animent sa spiritualité et sa théologie.

25...LE PAPE FRANÇOIS

ome, Maison Saint Marthe, lundi 19 aout. Le Pape François m’a donné rendez-vous à dix heures…Les personnes qui m’accueillent m’installent dans une petite pièce. L’attente est de courte durée.(….)

Deux minutes plus tard, je suis invité à prendre l’ascenseur. A ma sortie, le pape est déjà là à m’attendre. J’ai l’agréable impression de n’avoir franchi aucun seuil. J’entre dans sa chambre et le pape m’installe sur un fauteuil. II s’assoit sur une chaise plus haute et plus rigide à cause de ses problèmes de dos. La pièce est simple, austère. L’espace de travail du bureau est petit. Je suis frappé par la simplicité du mobilier et des objets. II y a là des livres, quelques cartes et des bibelots. Parmi ceux-ci, une icône de saint François, une statue de Notre Dame de Lujan, Patronne de l’Argentine, un crucifix et une statue de saint Joseph dormant (le Songe de Saint Joseph), très semblable à celle que j’avais vue dans sa chambre de recteur et de supérieur provincial au Colegio Maximo de San Miguel. La spiritualité de Bergoglio n’est pas faite d’« énergies harmonisées », selon son expression, mais de visages humains: le Christ, saint François, saint Joseph, Marie.

Le pape m’accueille avec ce sourire qui a fait désormais plusieurs fois le tour du monde et qui ouvre les cœurs. Nous commençons à parler de choses et d’autres, mais surtout de son voyage au Brésil. Le pape le considère comme une vraie grâce. Je lui demande s’il s’est reposé. Il me répond que oui, qu’il va bien mais surtout que les Journées Mondiales de la Jeunesse ont été pour lui un « mystère». II n’est pas habitué à s’adresser à autant de monde. « J’arrive à regarder les personnes individuellement, me dit-il, à entrer en contact de manière personnelle avec celles qui me font face. Je ne suis pas coutumier des masses. » Je lui dis qu’effectivement cela se voit et que cela frappe tout le monde. Lorsqu’il est au milieu des foules, ses yeux se posent sur les personnes. Projetant ces images, les caméras de télévision nous permettent tous de le constater, lui se sentant libre de rester en contact direct, au moins oculaire, avec les personnes. Il est

heureux de mes paroles, de pouvoir être tel qu’il est, de ne pas avoir à altérer sa manière habituelle de communiquer avec les autres, même lorsqu’il a devant lui des millions de personnes, comme cela s’est produit sur la plage de Copacabana.

Nous abordons d’autres sujets. Commentant une de mes publications, il me dit que les deux penseurs français contemporains qu’il préfère sont Henri de Lubac et Michel de Certeau. Je m’exprime ensuite de manière plus personnelle et lui aussi me parle de lui, en particulier de son élection au pontificat. Lorsqu’il a pris conscience qu’il risquait d’être élu, le mercredi 13 mars, au moment du déjeuner, il a senti descendre en lui une profonde et inexplicable paix, une consolation intérieure en même temps qu’un brouillard opaque. Ces sentiments l’ont accompagne jusqu’a la fin de l’élection. (…)Peu avant l’audience qu’il avait accordée aux jésuites de la Civilta Cattolica, le pape m’avait parlé de sa grande difficulté à donner des interviews. Il préfère prendre le temps de réfléchir avant de répondre, les réponses justes lui venant dans un deuxième temps. Le fait est que durant notre interview le pape se sentira libre d’interrompre à plusieurs reprises ce qu’il est en train de dire, pour ajouter quelque chose a sa réponse précédente. La parole du pape François est une sorte de flux volcanique d’idées qui se lient entre elles. Prendre des notes me donne la désagréable sensation d’interrompre un dialogue qui coule tel une source. Il est clair que le pape François est plus habitué à la conversation qu’à l’enseignement.

R

À LA« CIVILTA CATTOLICA »

Qui est Jorge Mario Bergoglio ? Ma question est prête, mais je décide de ne pas suivre le schéma que je m’étais fixé et lui demande à brûle pourpoint: « Qui est Jorge Mario Bergoglio? » Le pape me fixe en silence. Je lui demande si c’est une question que je suis en droit de lui poser... Il acquiesce et me dit: « Je ne sais pas quelle est la définition la plus juste ... Je suis un pécheur. C’est la définition la plus juste ... Ce n’est pas une manière de parler, un genre littéraire. Je suis un pécheur. »

Le pape continue de réfléchir, absorbe, comme s’il ne s’attendait pas à cette question, comme s’il était contraint à une réflexion plus approfondie.(…) « Je suis un pécheur sur lequel Seigneur a posé son regard. » Il poursuit: « Je suis un homme qui est regardé par le Seigneur. Ma devise, Miserando atque eligendo, je l’ai toujours ressentie comme profondément vraie pour moi. »(…) Le pape François continue sa réflexion et me dit, faisant un saut dont je ne comprends pas le sens sur le moment (…): « A Rome, je visitais souvent l’Église de Saint Louis des Français, et j’allais contempler le tableau de la vocation de Saint Matthieu du Caravage ». Je commence à comprendre ce que le pape veut me dire. « Ce doigt de Jésus ... vers Matthieu. C’est comme cela que je suis, moi. C’est ainsi que je me sens, comme Matthieu ». Soudain, le pape semble avoir trouvé l’image de lui-même qu’il recherchait: « C’est le geste de Matthieu qui me frappe: il attrape son argent comme pour dire: “Non, pas moi! Non, ces sous m’appartiennent!” Voila, c’est cela que je suis: un pécheur sur lequel Seigneur a pos les yeux. C’est ce que j’ai dit quand on m’a demandé si j’acceptais mon élection au Pontificat. » Il murmure alors: « Peccator sum, sed super mise¬ricordia et infinita patientia Domini nostri

Jesu Christi confi¬sus et in spiritu penitentiae accepto (je suis pécheur, mais, par la miséricorde et l’infinie patience de Notre Seigneur Jésus Christ, je suis confiant et j’accepte en esprit de pénitence). »

Pourquoi est-il devenu jésuite ?Je comprends que cette formule d’acceptation est aussi pour le Pape François une carte d’identité. Il n’y avait plus rien à ajouter. Je poursuis avec la première question que j’avais notée : » Saint Père, qu’est-ce qui vous a poussé à rentrer dans la Compagnie de Jésus ? Qu’est-ce qui vous a frappé dans l’ordre des jésuites ? »« Je voulais quelque chose de plus. Mais je ne savais pas quoi. J’étais entré au séminaire. Les dominicains me plaisaient, j’avais des amis dominicains. Mais ensuite j’ai choisi la Compagnie que j’ai bien connue parce que le séminaire était confié aux jésuites. Trois choses m’ont frappé dans la Compagnie : le caractère missionnaire, la communauté et la discipline. C’est curieux parce que je suis vraiment indiscipliné de naissance. Mais leur discipline, la manière d’ordonner le temps, m’ont tellement frappé !Et puis la communauté est pour moi vraiment fondamentale. J’ai toujours cherché une vie communautaire (…) Moi, sans la présence des autres, je ne peux pas vivre. J’ai besoin de vivre ma vie avec les autres » (….).

Que signifie être pape pour un jésuite ? Je veux poursuivre dans cette voie et lui pose une question sur le fait qu’il est le premier jésuite à être élu évêque de Rome: « A la lumière de la spiritualité ignacienne, comment voyez-vous le service de l’Église universelle auquel vous avez été appelé? Que signifie pour un jésuite d’être élu pape ? Que point de la spiritualité ignacienne vous aide le mieux à vivre votre ministère? » « Le discernement », me répond le pape François. « C’est l’une des choses qui a le plus travaille intérieurement Saint Ignace. Pour lui c’est une arme pour mieux connaitre le Seigneur et le suivre de plus près. J’ai toujours été frappé par la maxime décrivant la vision d’Ignace: Non coerceri a maximo, sed contineri a minimo divinum est (ne pas être enfermé par le plus grand, mais être contenu par le plus petit, c’est cela qui est divin). J’ai beau¬coup réfléchi sur cette phrase pour l’exercice du gouvernement en tant que supérieur : ne pas être limité par l’espace le plus grand, mais être en mesure de demeurer dans l’espace le plus limité. Cette vertu du grand et du petit, c’est ce que j’appelle la magnanimité. A partir de l’espace où nous sommes, elle nous fait toujours regarder l’horizon. C’est faire les petites choses de tous les jours avec un cœur grand ouvert à Dieu et aux autres. C’est valoriser les petites choses à l’intérieur de grands horizons, ceux du Royaume de Dieu. » (…) On peut avoir de grands projets et les réaliser en agissant sur des choses minimes. Ou on peut utiliser de faibles moyens qui s’avèrent plus efficaces que des plus forts, comme le dit aussi Saint Paul dans la Première Lettre aux Corinthiens.

Ce discernement requiert du temps. Nombreux sont ceux qui pensent que les changements et les réformes peuvent advenir dans un temps bref. Je crois au contraire qu’il y a tou¬jours besoin de temps pour poser les bases d’un changement vrai et efficace. Ce temps est celui du discernement. Le discernement se réalise toujours en présence du Seigneur, en regardant les signes, en étant attentif à ce qui arrive, au ressenti des personnes,

26 CHERCHER ET TROUVER DIEU, AVEC...

spécialement des pauvres. Le discernement dans le Seigneur me guide dans ma manière de gouverner. Je me méfie en revanche des décisions prises de manière improvisée. Je me méfie toujours de la première décision, c’est-a-dire de la première chose qui me vient à l’esprit lorsque je dois prendre une décision. En général elle est erronée. Je dois attendre, évaluer intérieurement, en prenant le temps nécessaire. La sagesse du discernement compense la nécessaire ambigüité de la vie et fait trouver les moyens les plus opportuns, qui ne s’identifient pas toujours avec ce qui semble grand ou fort. »

Le modèle: Pierre Favre, « prêtre réformé » A ce moment de l’interview je me demande si, parmi les jésuites, des origines de la Compagnie à aujourd’hui, certains l’ont particulièrement marqué. J’interroge donc le Saint Père et lui demande qui ils sont et en quoi ils l’ont marqué. Le pape commence par me citer Ignace et François-Xavier puis insiste sur une figure connue surtout des jésuites, le bienheureux Pierre Favre (1506-1546), un Savoyard. C’est l’un des premiers compagnons de Saint Ignace, à dire vrai le premier, avec lequel il partagea la même chambre alors qu’ils étaient été déclaré bienheureux le 5 septembre 1872 par Pie IX et son procès de canonisation est actuellement en cours. (…)Je lui demande alors pourquoi il est marqué par Favre et quels traits de sa figure l’impressionnent.« Le dialogue avec tous, même avec les plus lointains et les adversaires de la Compagnie; la piété simple, une certaine ingénuité peut-être, la disponibilité immédiate, son discernement intérieur attentif, le fait d’être un homme de grandes et fortes décisions, capable en même temps d’être si doux ... »Pendant que le pape François énumère cette liste de caractéristiques personnelles de son jésuite préféré, je

comprends combien cette figure a été pour lui un modèle de vie.

L’expérience de gouvernement Quelle a été l’expérience de gouvernement du père Bergoglio qui a été supérieur puis provincial dans la Compagnie de Jésus? Le style de gouvernement de la Compagnie implique la décision de la part du supérieur, mais aussi la confrontation avec ses « consulteurs ». Je demande donc au pape: « Pensez-vous que votre expérience de gouvernement dans le passe puisse servir votre action actuelle de gouvernement de l’Église universelle? » Le pape François, après un court moment de réflexion se fait plus sérieux, tout en restant serein. (…)« Avec le temps, j’ai appris beaucoup de choses. (…) C’est ainsi que, comme archevêque de Buenos Aires, je réunissais tous les quinze jours les six évêques auxiliaires et, plusieurs fois par an, le Conseil presbytéral. Les questions étaient posées, un espace de discussion était ouvert. Cela m’a beaucoup aidé à prendre les meilleures décisions. Maintenant j’entends quelques personnes me dire “Ne consultez pas trop, décidez”. Au contraire, je crois que la consultation est essentielle. Les Consistoires, les Synodes sont, par exemple, des lieux importants pour rendre vraie et active cette consultation. Il est cependant nécessaire de les rendre moins rigides dans leur forme. Je veux des consultations réelles, pas formelles. La consulte des huit cardinaux, ce groupe consultatif outsider, n’est pas seulement une décision personnelle, mais le fruit de la volonté des cardinaux, ainsi qu’ils l’ont exprimée dans les Congrégations Générales avant le Conclave. Et je veux que ce soit une consultation réelle, et non pas formelle. »

à suivre...Lire deuxième et troisième parties dans les revues de Décembre 2013 et de Janvier 2014

27...LE PAPE FRANÇOIS

28 NOUVELLE ÉVANGÉLISATION-II

es pères synodaux se sont d’abord penchés sur la nature de la nouvelle évangélisation, puis ils ont rappelé le contexte dans lequel s’exerce l’action de l’Église aujourd’hui. Ils ont ensuite proposé quelques réponses

pastorales à ces défis, et ont énuméré ceux qui sont les acteurs de l’évangélisation.

La mission est permanente, du nord au sudSur le fond, le synode invite l’Église à redécouvrir sa dimension missionnaire permanente, voit dans le concile Vatican II un « instrument vital » pour transmettre la foi aujourd’hui, et appelle à la rencontre personnelle de tout baptisé avec le Christ ressuscité. Cette rencontre doit se faire selon une « inculturation de la foi c’est-à-dire de façon adaptée à chaque culture. L’évangélisation doit se faire d’abord à destination de ceux qui ne connaissent pas Jésus-Christ. Elle inclut ensuite la croissance continuelle dans la foi, qui est la vie ordinaire de l’Église. Et la « nouvelle » évangélisation est spécialement orientée vers ceux qui ont pris leurs distances vis-à-vis de l’Église. Ce point a été confirmé par Benoît XVI dans son homélie de clôture du synode. Au total, au milieu de la mondialisation et de la

sécularisation, mais aussi des persécutions religieuses, de l’indifférence, voire des restrictions ou du harcèlement, «l’Évangile offre une vision de la vie et du monde qui ne peut pas être imposée mais seulement proposée, comme une Bonne Nouvelle d’amour gratuit de Dieu et de paix ».

Dans les villesLes villes sont, par excellence, en raison de la culture urbaine qu’elles expriment, autant que des transformations qu’on y observe, le « lieu privilégié » de la nouvelle évangélisation : l’Église veut identifier et comprendre

ces expériences, ces langages et ces modes de vie propres.

Le rôle des laïcs, hommes et femmes

Durant les débats, de très nombreux participants ont souligné la grande importance du rôle joué par les laïcs, hommes et femmes dans l’Église aujourd’hui. Qu’il s’agisse de membres de conseils presbytéraux ou épiscopaux, de responsables de catéchèses, de théologiens ou théologiennes, voire de véritables responsables de communautés, comme c’est souvent le cas dans les pays du Sud. Beaucoup ont souhaité que ce rôle soit officiellement reconnu par les lois de l’Église, avec un « ministère institué ». Le synode s’est situé en-deçà de

L

LES 58 PROPOSITIONSDES PÈRES SYNODAUX

À l’issue du synode pour la nouvelle évangélisation qui s’était déroulé à Rome du 7 au 28 octobre 2010, les 262 évêques et experts présents avaient remis 58 propositions à Benoît XVI. Celles-ci avaient servi de base à l’Exhortation apostolique post-synodale signée du pape qui a marqué la conclusion des travaux. En voici les thèmes principaux.

Une des propositions « reconnaît que les femmes, ensemble avec les hommes, contribuent à la réflexion théologique »

La nouvelle évangélisation, c’est quoi?-II ...suite

29LES 58 PROPOSITIONS DES PÈRES SYNODAUXcette demande, se contentant de rappeler l’importance des catéchistes et la possibilité pour les évêques de demander à Rome, lorsque c’est nécessaire, l’institution d’un ministère de catéchiste, a priori seulement pour les hommes.

Les femmes, reconnues par l’ÉgliseLes femmes ont été peu présentes à ce synode : 23 sur 262 participants. L’une des propositions finales « reconnaît qu’aujourd’hui, les femmes (laïques et religieuses) ensemble avec les hommes, contribuent à la réflexion théologique à tous les niveaux, et partagent leurs responsabilités pastorales à tous les niveaux, faisant ainsi progresser la nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi ».

Des petites communautés de baseDurant les débats, le rôle des petites communautés ecclésiales de base a été souligné à de nombreuses reprises, qu’elles soient ou non territoriales. Le rôle central de la paroisse a été réaffirmé par le synode, comme « le premier de l’Église, le lieu et l’instrument de la vie chrétienne, capable d’offrir la possibilité d’un dialogue entre les hommes, adapté à l’écoute et à l’annonce de la Parole de Dieu, par la catéchèse, l’exercice de la charité, la prière, l’adoration et de joyeuses célébrations eucharistiques ». Les paroisses doivent être des « cellules vivantes ». Elles doivent également, selon le message final du synode, être ouvertes à tous, sans exclusion.

L’évêque est au centre de l’évangélisationLe foisonnement des initiatives d’évangélisation a parfois donné lieu à des contestations du rôle premier de l’évêque, pasteur de son diocèse. Le synode a tenu à réaffirmer ce rôle. Celui-ci doit s’articuler avec les caractéristiques propres des nouveaux mouvements charismatiques, tout comme avec l’autonomie des ordres et congrégations religieuses.

La familleLe rôle central de la famille a été évoqué tout au long des travaux. La famille chrétienne « est une Église domestique, fondée sur le sacrement du mariage », et «toute l’Église doit se consacrer au soutien des familles dans la catéchèse des enfants et des jeunes ». Parce que les pères synodaux ont évoqué à de nombreuses reprises les nouvelles familles» et les divorcés remariés, une proposition explique : « La nouvelle évangélisation doit s’efforcer de répondre à des problèmes pastoraux concernant le mariage, le cas des personnes divorcées et remariées, la situation de leurs enfants, le sort des époux abandonnés, les couples qui vivent ensemble sans mariage, et la tendance de la société à redéfinir le mariage.»

Il faut dialoguer avec les musulmansLes relations avec les musulmans ne figuraient pas, a priori, parmi les thèmes du synode. Pourtant, puisqu’il a été forcément question d’évangélisation, de nombreux évêques arabes et africains ont souligné les difficultés auxquelles se heurte, sur le terrain, ce dialogue. Ils ont fait part de leurs craintes face à la montée des fondamentalismes

musulmans et se sont inquiétés des atteintes à la liberté religieuse. Pourtant, a répété le synode, « l’Église invite les chrétiens à persévérer et à intensifier leurs relations avec les musulmans. En dépit des difficultés, ce dialogue doit se poursuivre ». Parce que, « fidèle à l’enseignement de Vatican II, l’Église respecte les autres religions et leurs croyants et est heureuse de collaborer avec elle dans la défense et la promotion de la dignité inviolable de la personne ».

L’évangélisation est inséparable de la lutte pour la justiceDans la lignée de la doctrine sociale de l’Église, l’engagement pour la vie et pour la justice et la nécessité de lutter contre les pauvretés (victimes de la famine, sans-abri, malades, abandonnés, drogués, migrants, marginaux, réfugiés politiques et environnementaux, populations autochtones) et les exclusions ont été également réaffirmés. L’option préférentielle pour les pauvres, acteurs et destinataires de la nouvelle évangélisation, est proclamée.

L’éducation doit être catholiqueDe même, l’éducation a été affirmée comme une dimension « constitutive de l’évangélisation». Les écoles et les universités catholiques doivent «préserver leur identité comme institutions ecclésiales ». Les

professeurs et enseignants doivent être des éducateurs chrétiens.

Le rôle central du sacrement de pénitenceLes pères synodaux ont demandé que le sacrement de pénitence soit « à nouveau mis au centre de l’activité pastorale de l’Église », avec « un lieu permanent de réconciliation dans chaque diocèse, avec une présence permanente des prêtres ».

Dialoguer avec la scienceLe dialogue entre la foi et la science reconnu comme un « domaine vital » pour la nouvelle évangélisation. Il suppose une « ouverture de la raison au mystère » et une «conscience des limites fondamentales de la connaissance scientifique ». Il demande aussi « une foi ouverte à la raison et aux résultats de la recherche scientifique ».

FRÉDÉRIC MOUNIERTiré de « La Croix » hors-série

« L’Évangile offre une vision de la vie et du monde qui ne peut pas être imposée mais seulement proposée, comme une

Bonne Nouvelle, d’amour gratuitde Dieu, et de paix ».

30 Abraham?

PÈRE DESMONOTHÉISMES

La Bible offre un inépuisable réservoir de questionnements et tous les outils de recherche sont bons à prendre pour entrer dans l’intelligence du texte. Même si l’Occident sécularisé se défie de la religion, l’homme ne cesse de revenir vers le Livre des Livres.Nous abordons aujourd’hui l’étude d’un des personnages-clés de la Bible, Abraham.

ABRAHAM SÉGALCinéaste et essayiste, il a consacré une grande partie de son existence à Abraham. Une nouvelle édition de son ouvrage « Abraham ». Enquête sur un patriarche est parue en 2003.

ère de tous les croyants, Abraham est aussi celui par qui s’instaure la division entre

les trois religions monothéistes. Juifs, chrétiens et musulmans se disputent l’héritage de cet être mythique.

LA VIE. Comment est né le premier conflit autour des descendants d’Abraham ?Abraham Ségal. Il intervient avec l’apparition du christianisme. L’apôtre Paul aurait bien aimé offrir aux païens convertis au Christ une continuité spirituelle avec cet illustre ancêtre. Mais il se trouve confronté à une difficulté théologique. Comment associer ces

P

ENQUÊTE

31ABRAHAM PÈRE DES MONOTHÉISMES ?Plusieurs chercheurs soutiennent qu’Abraham n’a pas existé, qu’en pensez-vous ?A.S. Je crois, comme l’historien des religions Jean Bottéro, que cela n’a pas d’importance. Lui pense qu’il a existé, moi je pense plutôt que non. Mais ce qui compte, c’est la force symbolique de son histoire. Le fait qu’il ait mis le pied ici ou là importe moins que sa reconnaissance par des milliards de personnes comme père spirituel. Sa primauté est indiscutable.

Abraham peut-il être aujourd’hui source de rapprochement entre les trois grands monothéismes ?A.S. Effectivement, nombreux sont ceux qui essaient d’établir des ponts en considérant Abraham comme un dénominateur commun. Les chrétiens et les juifs se rencontrent au sein de la Fraternité d’Abraham. Les chrétiens et les musulmans se retrouvent aussi autour de la spiritualité de l’orientaliste Louis Massignon. Jusqu’à présent, le dialogue judéo-musulman sur ce sujet était faible pour des raisons politiques. Mais les mentalités évoluent. À l’initiative de l’association Hommes de parole, 150 personnalités des deux religions ont organisé la première rencontre des imams et des rabbins pour la paix, à Bruxelles, en janvier 2005, à laquelle j’ai eu la chance de participer.

Qu’est-ce qui les réunit ?A.S. Le fait qu’ils reconnaissent Abraham comme père commun et la volonté de dépasser cette séparation mortelle. Les opinions publiques au Moyen-Orient sont fatiguées des conflits violents. Abraham ne représente pas simplement un sacrifice, mais aussi l’hospitalité offerte à l’étranger et une volonté de vivre avec les autres. Et la Genèse raconte qu’Ismaël et Isaac étaient côte à côte à Hébron pour enterrer leur père. Le texte biblique reflète les deux tendances antagonistes auxquelles est confronté l’être humain : d’un côté la mort, le martyre, de l’autre, la vie, la paix. À chacun de choisir, s’il le peut...

Propos recueillis par Étienne SéguierTiré de « Les Énigmes de la Bible » La Vie.

nouveaux croyants, alors qu’ils ne portent pas dans leur chair le signe de l’alliance, la circoncision ? Le premier théologien chrétien décide alors de rompre avec le concept traditionnel de filiation et proclame qu’Abraham est le père de tous ceux qui ont foi en Dieu. Au passage, il passe sous silence plusieurs épisodes de la vie du patriarche afin d’en construire une image presque parfaite. Par exemple, Paul ne mentionne pas les aventures de Sara avec Pharaon et Abimelek. Il n’évoque pas non plus l’épreuve majeure du « sacrifice » sur lequel de nombreux théologiens chrétiens se pencheront plus tard. Pour sa démonstration, il préfère s’appuyer sur le récit de la vocation d’Abraham en Genèse 12. « En toi seront bénies toutes les familles de la terre. » Cette promesse a été faite avant la circoncision (Genèse 17), elle ne dépend dont pas d’elle. La foi prime la loi. Abraham n’appartient pas uniquement au peuple d’Israël, mais à tous ceux qui croient en Dieu et en Jésus. L’apôtre pousse sa démonstration jusqu’à affirmer que « Dieu peut des pierres que voici faire surgir des enfants d’Abraham ».

Les musulmans revendiquent une filiation directe à travers Ismaël. Quelle est leur argumentation ?A.S. Tout le débat porte sur le fait de savoir qui était le fils destiné au sacrifice, et donc qui est le fils élu. Est-ce Isaac, enfanté par l’épouse légitime Sara ? Ou bien Ismaël, conçu avec la servante, Agar ? Pour les juifs comme pour les chrétiens, c’est le premier. Pour les musulmans, c’est moins évident, car il n’est pas nommé dans le Coran. Mais, dès la deuxième génération après Mahomet, des fidèles ont pris parti en faveur d’Ismaël. Ils s’inscrivent là dans une tradition qui voit en lui l’ancêtre des Arabes. Les tribus dans la péninsule Arabique s’appelaient d’ailleurs les Ismaélites. Mahomet lui-même n’a découvert la filiation d’Ismaël que progressivement. Ce n’est que lors de son séjour à Médine, en contact avec des juifs et des chrétiens, qu’il se rend compte de cette proximité. Le fils d’Agar monte alors en grade. Mais jusqu’au Xe siècle, certains interprètes éminents de l’islam, comme al-Tabari, ne tranchent pas la question. De nos jours, une majorité de fidèles sont persuadés qu’il s’agit d’Ismaël. Même si certains interprètes qui lisent vraiment le Coran dans le texte admettent que la question demeure encore ouverte.

N’est-ce pourtant pas moins « valorisant » de descendre d’une servante ?A.S. C’est un problème pour beaucoup de musulmans. D’ailleurs, l’islam ne s’attarde guère sur la figure d’Agar. Les interprétations précisent seulement qu’elle n’a pas été rejetée, mais installée par Abraham, avec Ismaël, dans le pays de La Mecque. Le patriarche serait même venu les visiter chaque année. Cette approche peut surprendre, mais finalement cette mise en valeur d’Agar n’est pas si éloignée de la conception judéo-chrétienne. Dans la Bible, Dieu la sauve à deux reprises et il lui promet aussi une nombreuse descendance. C’est ce qu’ont perçu des peintres comme Rembrandt ou Daumier. Dans leurs œuvres, la mère d’Ismaël est représentée comme un personnage digne et tragique à la fois.

32

L ’époque de Saint Jérôme : les dernières années du IVe siècle et la première moitié du Ve siècle vont offrir un merveilleux spectacle sur la grandeur dans la chaire chrétienne

comme sur le trône impérial. Si Théodose n’apporte pas dans son gouvernement le strict équilibre de Constantin, il possède un esprit chrétien plus dégagé des influences païennes. Arrivés à la pleine maturité de leur talent, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Jean Chrysostome et saint Augustin vont donner au monde leurs trésors de science, d’éloquence et de sainteté, que l’Église ne verra plus avec une telle abondance au cours des siècles. La mort, en 395, de l’empereur Théodose arrêta malheureusement la marche de son œuvre de propagande catholique et de

Le plus grand traducteur des Écritures.

Le père de la Vulgate

ST Jérôme(347-420)

de Stridon

HISTOIRE DU CHRISTIANISME

civilisation. Mais les principaux résultats de son action politique et religieuse ne périront pas, et, quoique les actes de Théodose le Grand restent discutables et ne mériteront pas, parfois, l’approbation d’une conscience chrétienne, il n’est pas d’empereur romain à qui l’Église doive une plus profonde reconnaissance, après Constantin le Grand.

• Sommaire sur la vie de saint Jérôme : pendant qu’un ancien membre de la haute magistrature romaine (Ambroise de Milan) employait au service de l’Église les ressources d’un esprit formé au service de l’État, un autre latin, d’une riche culture et d’une noble condition, brisait avec le monde et se retirait au désert pour y mener une vie de pénitence. Il s’appelait Jérôme, et la postérité ne devait

Les pères de l’Église (XVI)

33LES PÈRES DE L’ÉGLISE (XVI) pas entourer son nom de moins de vénération que celui d’Ambroise.« Sophronius Eusebius Hieronymus » (le saint nom, ou Jérôme) naquit d’une famille riche et chrétienne, vers 347 à Stridon, sur les confins de la Dalmatie et de la Pannonie romaines (entre la Vénétie et la Hongrie actuelles), au milieu d’un pays à demi barbare. Plus d’une fois, il imputera à cette origine les mouvements impétueux de son caractère, les excès de ses comportements. À l’âge de 18 ans, le jeune Dalmate fut envoyé par son père à Rome pour y achever ses études. Sous la direction du fameux grammairien Donat et du célèbre rhéteur Victorin1, il s’adonna avec ardeur à l’étude des œuvres d’Aristote, de Platon et de Porphyre. Jérôme se passionna pour Virgile et pour Cicéron, dont la phrase harmonieuse devait laisser une empreinte sur le langage du futur docteur de l’Église.Il deviendra moine à Bethléem pendant la deuxième moitié de son existence. Jérôme demeure le seul père qui ait bien connu l’hébreu, ce qui lui a permis non seulement de commenter les nombreux livres prophétiques de l’Ancien Testament, mais encore de les traduire. Cette traduction ou Vulgate n’a cessé d’exercer une influence dans l’Église jusqu’à nos jours. Le grand bibliste qu’était Jérôme subordonnait la culture profane à la culture biblique. Il avait voulu être : l’Homme de la Bible. La sagesse séculière de Jérôme avait été convertie au service du Christ. Il noua des amitiés qui devaient occuper une grande place dans sa vie. Jérôme parcourut un grand nombre de provinces ; il passa par la Thrace, le Pont et la Bithynie et traversa toute la Galatie et la Cappadoce ; enfin il trouva dans la Syrie le repos qu’il cherchait. Après un séjour à Antioche, Jérôme s’enfonça dans le désert de Chalcis (ancien nom de « Anjar » ? ville de la Békaa Llibanaise). Par une épreuve qui semble avoir été épargnée à Augustin après sa conversion, Jérôme, au milieu de ses mortifications, était hanté par les souvenirs obsédants de la Rome païenne. De ses obsessions angoissantes, il nous a laissé le tableau en une page éloquente, dont nul peut- être, pas même l’immortel auteur des Confessions, n’a égalé la vibrante et chaste émotion. Les querelles de l’arianisme et les démêlés suscités par le schisme d’Antioche vinrent troubler la paix que Jérôme était venu chercher au désert. Il s’attacha de plus en plus à l’étude des Livres sacrés. Il n’abandonna pas les souvenirs de son éducation classique ; son style est plein de réminiscences de Virgile, de Cicéron, de Térence et de Lucrèce ; et l’on a pu reconnaître en lui le plus lettré des pères de l’Église ; toutefois, sa culture littéraire ne lui servit qu’à orner la vérité. « De la beauté profane, disait-il, je veux faire une fille d’Israël… J’accrois ainsi la famille du Christ. »

• Œuvre de saint Jérôme : les vaillants champions de l’Église qui avaient combattu le « bon combat de la foi » ne devaient déployer leur activité que sous le règne de Théodose. De son côté, saint Jérôme, solitaire au désert de Chalcis depuis 374, y avait donné les prémices de son vigoureux talent par la publication, en 376, de sa «Vie de Paul de Thèbes ». Contre les idées de Lucifer de Cagliari, Jérôme publia, en 382, le « Contra luciferianos». Helvidius, qui contestait la perpétuelle virginité de la Vierge Marie, fut combattu par Jérôme, qui répliqua à l’hérétique dans son traité « liber de perpetua virginitate

Beatae Mariae » (vers 383) ; sa réponse fut à la fois débordante d’érudition et pétillante de verve. L’auteur termine en disant : « Je sais bien maintenant, Ô Helvidius, ce qui m’attend de ta part. je te connais ; tu es de ceux qui attendent les gens au coin des rues pour les salir. Mais je t’en préviens, tes injures seront ma gloire. Viens, insulte-moi de cette bouche qui a blasphémé la Vierge Marie ; c’est un honneur pour l’humble serviteur d’être traité comme la Mère de son Maître. » En 383, Jérôme entreprend une révision des versions latines de la Bible. Le pape Damase la lui demande. Le docteur dalmate traduit d’abord les Évangiles. Les critiques y ont reconnu « une œuvre pleine de tact, marquant un grand pas dans l’histoire de la critique textuelle de la Bible, et fournissant au monde latin un texte des Évangiles fondé sur une critique solide ». le traducteur s’écarta le moins possible du texte de l’ancienne « Italique », ne la modifiant d’après le texte grec que lorsque le sens lui parut mal rendu, et même dans ce cas ne traduisit pas toujours directement du grec, mais choisit, parmi les divers textes latins qu’il avait à sa disposition, ceux les plus rapprochés du grec. Après les quatre Évangiles, Jérôme traduisit (successivement trois fois) les Psaumes. D’une première traduction, faite sur le grec des Septante, devait sortir le Psautier romain, qui fut en usage à Rome jusqu’au temps du pape Pie V. D’une seconde traduction, faite d’une manière plus attentive sur les Hexaples d’Origène, naquit le Psautier gallican, ainsi appelé parce qu’il fut d’abord adopté dans les Gaules2. Vers 392, Jérôme fit une troisième traduction des Psaumes sur le texte hébreu. Les travaux scripturaires de Jérôme lui valurent des amitiés précieuses. « Je ne connais rien de meilleur, lui écrivait le pape Damas, que nos entretiens sur l’Écriture. Il n’y a rien qui nourrisse mon âme d’un mets plus savoureux3 .» Dans sa retraite de Bethléem, où il s’était retiré en 386, saint Jérôme n’était pas inactif et avait donné au public plusieurs commentaires des Livres saints, avec un grand souci de l’interprétation littérale. Il commenta les Épîtres : Philémon, aux Galates, aux Éphésiens, à Tite de l’apôtre Paul. Vers 390, il composa en s’aidant d’un écrit de Philon, son « Liber interpretationis hebraicorum nominum », et son ouvrage sur la géographie de la Terre sainte, « De sita et nominibus locorum hebraicorum ». À la même époque, il entreprit de traduire à nouveau sur l’original, suivant « la vérité hébraïque », comme il disait, tout l’Ancien Testament. Il commença par les livres des Rois, s’attaqua ensuite au livre de Job, puis à la fois aux prophètes et aux Psaumes. En 392, il rédige « De viris illustribus », tableau succinct, dit-il, de tous ceux qui, depuis la Passion du Christ jusqu’à l’an XIV de Théodose, ont publié quelques travaux remarquables sur l’Écriture sainte. Malgré ses lacunes, ce travail du solitaire de Bethléem « garde l’honneur d’avoir frayé une route, et reste, pour l’histoire de la littérature chrétienne, une source précieuse qu’à maints égards, on ne saurait remplacer ».Dans le catalogue que Jérôme nous a laissé de ses propres ouvrages, il place immédiatement après son De Viris ses deux livres « Adversus jovinianum » contre l’hérétique Jovinien : œuvre tumultueuse, bouillonnante de verve; «Le portrait des femmes que fait Jérôme à la fin de son premier livre est trop poussé au noir. » Ce premier livre montre, par de bons arguments tirés de la Sainte Écriture,

compte de la « vérité hébraïque » (veritas hebraica)6, offrir et léguer à l’Église une traduction que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Vulgate7. Il suivait une norme d’interprétation ecclésiale : une traduction faite pour l’Église doit viser le bien commun, disait-il. Ce but de l’entreprise si nouvelle et si difficile fut largement atteint. On peut dire : non seulement l’Église catholique, mais encore le genre humain ont reconnu la valeur de la Vulgate. La Vulgate est restée jusqu’à ce jour la Bible latine classique. Comment Jérôme a pu arriver à son but? Son procédé était moins technique que littéraire. Il a su transformer « la phrase hébraïque, semblable à une frise », en une vigoureuse « architecture romaine, avec sa principale nettement détachée et ses subordonnées en retrait ». « Par fidélité à l’hébreu, Jérôme a usé d’un latin poétique, hébraïsé jusque dans sa grammaire et son rythme, qu’il a puisé en grande partie dans la langue populaire de la vieille version latine… »Ce latin de la Vulgate, mère des langues romanes, ce latin que « Rémy de Gourmont » a appelé le « latin mystique », est l’ancien latin rendu plus littéraire. Comme on le voit donc, Jérôme a influencé décisivement et pour toujours l’Église par sa traduction de la Bible. Sans lui, nous écririons et parlerions de manière différente. Peu d’hommes, peu d’auteurs ont eu un pareil rayonnement ! Jérôme récapitule en précisant : « La traduction des Septante, à cause de son antiquité, doit être chantée dans les Églises, mais l’autre texte [Vulgate], fidèle à l’hébreu, doit être connu des érudits dans l’intérêt de la science scripturaire. »Traduire ne fut cependant, pour Jérôme, qu’une condition préalable d’une activité postérieure : lire et commenter l’Écriture à l’aide d’une méthode que nous exposons

la prééminence de la virginité sur le mariage, et le second livre réfute par de sérieuses ripostes les thèses de Jovinien sur l’inutilité du jeûne, l’impeccabilité du baptisé et l’égalité de la récompense céleste pour tous les vrais chrétiens…Enfin, le solitaire de Bethléem conseillait : « …Étudiez les Livres saints. La sainteté dans l’ignorance n’est utile qu’à elle-même. Elle peut nuire aussi, puisqu’elle ne sait pas défendre l’Église quand on l’attaque. L’étude de l’Écriture est ardue. Un voile couvre la face de Dieu. On ne peut contempler cette face qu’après avoir déchiré le voile. » Jérôme, qui avait une connaissance approfondie des langues orientales, procédait méthodiquement dans les commentaires des livres des Prophètes : il s’attachait avant tout à exposer le sens historique, mais en plus d’un endroit on le voit s’élever tout à coup à une interprétation morale, qu’il expose avec chaleur, parfois avec une grande éloquence. Le prêtre de Bethléem traduisit intégralement en latin « Peri Archon » (des principes) d’Origène, puis « l’histoire d’Eusèbe », les « Récognitions clémentines », l’histoire des moines d’Égypte, et nombre d’homélies des pères grecs…

• De la Septante à la Vulgate : en utilisant la Septante, c’est-à-dire la vieille Bible judéo-grecque, que plusieurs jugeaient et jugent4 encore inspirée de l’original hébreu, Jérôme remarqua que cette traduction contenait des erreurs et n’était pas la meilleure. Il se remit donc à l’hébreu, dont il avait pourtant acquis déjà une solide connaissance, avec l’aide nocturne5 d’un rabbin qui, par crainte de ses coreligionnaires, ne se risquait pas à lui donner des leçons de jour. C’est ainsi qu’il put, en tenant

34 HISTOIRE DU CHRISTIANISME

35LES PÈRES DE L’ÉGLISE (XVI) brièvement. • Comment lire et commenter la Bible ? Jérôme affirme : « …À qui demande, on donne. À qui frappe, on ouvre. Qui cherche, trouve. Étudions donc sur la terre ce dont la science préservera pour notre bonheur dans le ciel. » Moins fasciné qu’Augustin pour les grandes idées, Jérôme est l’homme des analyses de détail, d’une érudition minutieuse puisée aux sources les plus diverses : juives, antiochiennes, alexandrines. Théoriquement, Jérôme hérita d’Origène la notion du triple sens de l’Écriture ; en pratique, il se contente le plus souvent de distinguer le sens littéral et le sens spirituel.Dans son explication du sens littéral, il dépend largement de ses sources antiochiennes et juives, alors que dans sa présentation du sens spirituel, il est surtout tributaire de l’école alexandrine, notamment d’Origène.Le maître de la Vulgate précise : « Une triple manière nous est chère pour exposer les Écritures. La première est de les comprendre selon le sens historique [Juxta historium], la seconde selon la tropologie [Juxta tropologiam] , la troisième selon l’intelligence spirituelle [juxta intelligentiam spiritualem] .»Il explicite encore : « En histoire, on garde l’ordre de ce qui est écrit. En tropologie, nous nous élevons de la terre vers des considérations plus hautes ; tout ce qui, chez l’ancien peuple [le peuple juif], s’est passé sur le plan charnel, nous l’interprétons sur le plan moral et nous le tournons au profit de notre âme. Dans la contemplation spirituelle, nous émigrons vers des régions plus sublimes encore. Quittant les horizons terrestres, nous dissertons de la béatitude future et des choses du Royaume. La méditation de la vie présente devient ainsi la figure du bonheur futur. » Jérôme reprend, avec des variantes, ce schéma ternaire. Le plus souvent, il n’oppose au sens littéral qu’un autre sens, qualifié différemment selon le cas, de « spirituel, allégorique, moral, tropologique, anagogique, mystique». Faut-il se garder toutefois d’attacher à ces mots la signification postérieure des théologiens et des exégètes?L’Écriture, aux yeux de Jérôme, est une mer profonde, pleine d’abîmes mystérieux, même dans les parties qui semblent les plus faciles, pour que la richesse de son fond soit épuisée, par une interprétation superficielle. Parole divine en termes humains, l’Écriture participe de l’insondable opulence de la sagesse et de la science divines. D’où, en partie, la splendeur poétique des commentaires de notre saint sur les Psaumes, qui communiquent à son lecteur le sens du Mystère divin.D’autre part, pour établir qu’une doctrine est contenue dans l’Écriture, Jérôme exigeait toujours des preuves fondées sur le sens littéral. Ce qui ne l’empêchait pas de souligner le caractère révélé de certaines explications typologiques8.

- L’exégète du Nouveau Testament : l’abbé de Bethléem commenta la scène de « la Transfiguration » dans la description matthéenne, sous le cachet historique. Plusieurs points de son commentaire semblent originaux9 dans les détails, alors qu’il dépend d’Origène quant à l’intuition fondamentale. Pour l’abbé, le signe céleste refusé aux Pharisiens, signe d’ailleurs où se rejoignent le ciel (dont descend Élie), la terre (où ils sont), l’enfer, ou

zone inférieure du Shéol dont remonte Moïse ; le signe à la fois d’en haut et d’en bas que Yahweh suggérait à Achaz de lui demander. La conversation de Moïse et d’Élie avec Jésus porte sur la Passion. Comme on le voit, le sens historique, tel que Jérôme le comprend, est déjà plein d’enseignements spirituels.Dans le prolongement d’une intuition origénienne, nous voyons que pour Jérôme, les vêtements blancs signifient spirituellement non seulement les Évangiles, mais encore toutes les Écritures saintes, devenues splendides en Jésus. Moïse et Élie sont vus également en vêtements blancs. Si nous lisons Moïse et Élie, c’est-à-dire la loi et les prophètes en dehors de la lumière du Christ, si nous voyons Moïse et Élie sans Jésus, ils n’annoncent pas sa Passion ; ils ne montent pas sur la montagne ; leurs vêtements demeurent sordides.

• La théologie de saint Jérôme dans l’exégèse chrétienne : l’histoire postérieure de cette exégèse et de l’Église catholique nous permet aujourd’hui de mieux admirer, et aussi de mieux assimiler saint Jérôme ; non seulement comme homme et comme saint, mais encore comme exégète et théologien des Écritures. L’immense influence, déjà chez ses contemporains (comme saint Cyrille d’Alexandrie), se manifeste brillamment à travers ses lettres et sa Vulgate.Pour Jérôme, l’Israël selon la chair est une préfiguration de l’Église ; Israël de Dieu et même de la Jérusalem

36 HISTOIRE DU CHRISTIANISME

bibliographiques sélective :

Notes:

• Éditions du Cerf : Sources chrétiennes (SC).1- S. Jérôme, Commentaire sur Jonas. SC 323.2- S. Jérôme, Commentaire sur saint Matthieu. SC 242 et SC 259.3- S. Jérôme, Contre Rufin. SC 303.4- Dom Dumas, Saint Jérôme. Textes et commentaires, (extraits des lettres). Éditions du Soleil Levant, Paris 1969. 5- J.Steinmann, Saint Jérôme. Le Cerf, Paris 1958.

1- C’est le Victorin dont saint Augustin a raconté la courageuse conversion. S. Augustin, Confessions I, VIII, chap II.2- Le Psautier gallican est celui que l’Église a consacré dans le bréviaire, mais les passages des psaumes cités dans le missel sont empruntés au Psautier romain.3- A. Condamin, les caractères de la traduction de la Bible par saint Jérôme, dans les Recherches de sciences religieuses, 1911, pages 425-440.4- Rappelons que la Septante est la version grecque du Pentateuque qu’une tradition ancienne attribue à 72 traducteurs, pendant le troisième siècle avant J.-C., à Alexandrie.5- Cf. Jn3, 2 (cas de Nicodème).6- Cette expression « veritas hebraica » symbolise aux yeux de Jérôme « la supériorité du texte original ». Selon lui, les Septante ont beaucoup ajouté ou omis par rapport à l’original ; « pourtant, c’est à bon droit que l’édition des Septante a prévalu dans les Églises, soit parce qu’elle est la première et qu’il en est question avant la venue du Christ, soit parce que les apôtres en ont fait usage ». 7- Faut-il noter, cependant, que Jérôme n’est pas l’auteur de toute la traduction connue aujourd’hui sous le nom de Vulgate, mais seulement d’une partie ; tel est du moins le fruit des travaux contemporains ; il semble que la traduction des Épîtres de l’Apocalypse des Actes ne doive pas lui être attribuée, à la différence de celle des Évangiles. Jérôme sans doute n’aurait pas été trop surpris, lui qui avait dénoncé les erreurs diverses contenues dans l’ancienne version des Septante, de voir le concile de Trente souhaiter une édition corrigée de sa Vulgate, tout en reconnaissant son « authenticité » (c’est-à-dire le fait qu’elle ne contenait pas d’erreur doctrinale et peut être citée en public) non pas critique, mais juridique : cela signifie que la Vulgate peut contenir des erreurs non doctrinales.8- Jérôme rappelle l’usage typologique que l’apôtre faisait d’Agar et de Sara ; du mont Sinaï et de Sion.9- Jérôme avait traduit en latin les homélies d’Origène sur l’Évangile de Luc et n’a jamais cessé d’utiliser les commentaires de celui-ci pour rédiger les siens, même après la condamnation de l’origénisme à la fin du Ve siècle. De nombreux auteurs ont souligné l’influence d’Origène exégète sur Jérôme, alors même que ce dernier dénonçait la théologie du premier.10- Lumen Gentium, 48 : « Déjà sur terre l’Église est parée d’une sainteté imparfaite mais véritable. » Le concile ne mentionne nulle part que l’Église universelle soit pécheresse, puisqu’il enseigne qu’Elle est indéfectiblement sainte : GS 43,6 et surtout Lumen Gentium, 39 : « indefectibiliter sancta ».

céleste, eschatologique. Depuis l’apôtre (Paul) « puisque Jérusalem est notre mère et que l’Église aussi est notre mère ; donc Jérusalem est l’Église ». L’horizon de cette règle valable et reconnue par les exégètes de notre temps,sera adoptée, en partie, par Vatican II10. Le « mysticisme biblique » de Jérôme est annonciateur et un exemple résonnant pour notre époque : « Fais-toi de ta cellule comme un paradis, cueille les fruits variés des Écritures, fais tes délices de ces saints Livres et jouis de leur intimité… Aie toujours la Bible en main et sous les yeux… »Fortifié par une vigoureuse doctrine, ce mysticisme biblique atteint un sommet christocentrique et immortel dans l’aphorisme célèbre : « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ. »Selon l’expression du pape Benoît XV, ce Christ est «l’arbre planté sur chaque bord des deux rives du fleuve des Écritures ».« Traduire la Bible, c’est la revivre, la ressusciter. » L’influence de Jérôme sur l’Église de notre époque apparaît dans la néo-Vulgate, promulguée en 1979 par le bienheureux Jean-Paul II et dont le principe avait été décrit par Paul VI le 23 décembre 1966 : « Un texte dans lequel celui de la Vulgate de saint Jérôme sera respecté à la lettre là où il reproduit fidèlement le texte original, tel qu’il résulte des éditions scientifiques actuelles … » La néo-Vulgate conserve bien une relation avec la traduction de saint Jérôme. « Jérôme, le plus grand traducteur de tous les temps, a mis son génie propre au service du plus grand des Livres. Il est le plus glorieux des pères de la latinité. »

Hicham Ajour

37LES PÈRES DE L’ÉGLISE (XVI)

38

vec plus de 2,2 milliards de fidèles répartis sur la planète, le christianisme s’affirme comme la première religion du monde.

Il est vrai qu’en Europe, de magnifiques chapelles et églises se vident, délaissées par leurs fidèles et par leurs prêtres ; il est vrai aussi que les villes s’étalant de plus en plus, les habitants se retrouvent éloignés du centre et de ses clochers ; la communauté paroissiale semble ainsi bien passée de mode. Ces images, aussi fortes soient-elles, ont toutefois tendance à masquer une autre réalité : selon les Nations unies, la planète comptera 3 milliards de chrétiens en 2050 alors qu’il y en aurait aujourd’hui plus de 2,2 milliards. Le christianisme restera ainsi à l’horizon 2050 la première religion de la planète. Même si le spectre de l’islam radical en Europe alimente aujourd’hui la thèse d’une possible « marée musulmane », avec 800 millions de fidèles de moins que le christianisme en 2050, l’islam ne dépassera pas ce dernier.Plus d’un tiers des chrétiens vit aujourd’hui sur le continent

américain (ce qui représente 800 millions d’individus). Lors de son investiture, Barack Obama, membre de l’Église unie du Christ, prêtait serment sur la Bible, dans la droite ligne de Georges Washington. Coutume signifiante dans un pays où descendants des luthériens et calvinistes persécutés en Europe de l’Ouest au XVIe siècle côtoient aujourd’hui les fervents fidèles de mouvements protestants plus récents : baptistes, méthodistes, épiscopaliens, presbytériens... Un éclatement du protestantisme qui explique que le catholicisme représente la plus grande Église des États-Unis ; les fidèles, issus de l’immigration italienne et irlandaise, sont d’ailleurs aujourd’hui rejoints en nombre par les immigrés latino-américains.

Protestantisme évangéliqueDe l’Argentine au Venezuela, l’évangélisation de l’Amérique latine au XVIe siècle a implanté durablement un catholicisme souvent mêlé de croyances et de rites africains, hérités des anciens esclaves : il est aujourd’hui concurrencé par un protestantisme évangélique ou

A

LE CHRISTIANISME DANS LE MONDE

L’étude de Mikael Corre, qui suit, est intéressante en ce qu’elle décrit la grande diversité et la complexité des différents mouvements de la plus grande communauté religieuse du monde.Avec plus de 2,2 milliards de fidèles répartis sur la planète, le christianisme s’affirme comme la première religion du monde. Voilà de quoi rassurer ceux qui craignent une montée en flèche de l’islam radical.

ENTRETIEN...

39pentecôtiste, prosélyte et émotionnel, qui se développe dans les favelas et les zones éloignées des villes du littoral. Au Brésil, premier pays catholique du monde, ces nouveaux protestants devraient représenter plus de la moitié de la population en 2025. Tenant compte de la part croissante des Latino-Américains se déclarant « sans religion » qui a doublé en 30 ans au Mexique et représente 15 % de la population de Rio de Janeiro, le catholicisme a quelques inquiétudes à se faire, dans ce sous-continent où vivent 48 % de ses fidèles.Parler de « christianisme du Sud » est presque devenu un lieu commun. Mais malgré l’explosion du nombre de vocations et de baptêmes en Asie et en Afrique, ces continents sont encore loin de rassembler l’ensemble des chrétiens. Certaines communautés y sont pourtant bien implantées. En Corée du Sud, où 20 % de la population est protestante, on trouve la plus grande assemblée évangélique du monde : la Yoido Full Gospel Church du pasteur pentecôtiste David Yonggi Cho, qui rassemble quelque 800 000 adhérents. Au Vietnam ou en Chine, malgré un contexte politique hostile, le nombre de chrétiens augmente. Adhérer à ce qui est là-bas un mouvement marginal crée, selon Emmanuel Lincot, sinologue à l’Institut catholique de Paris, « une posture sur le plan social voire politique ».En outre, la majorité des missionnaires évangéliques ne viennent plus d’Europe ou des États-Unis (ce qui était encore le cas dans les années 1970), mais du Brésil, du Congo, du Nigeria ou de Corée du Sud. On dénombre aujourd’hui une douzaine d’Églises évangéliques coréennes en banlieue parisienne, et l’une d’elle envoie des missionnaires francophones jusqu’au Burkina Faso. Il en va de même pour les missions catholiques : tandis que des prêtres africains officient dans les paroisses françaises ou terminent leur thèse sur les bancs de l’Institut catholique de Paris, des congrégations philippines s’implantent dans

toute l’Asie du Sud-Est. Premier pays catholique d’Asie, les Philippines restent à 83 % fidèles à Rome, malgré la guérilla islamique menée par le groupe Abu Sayyaf qui revendique la mise en place d’un état musulman dans le Sud du pays.

Si l’Italie et la France concentrent encore près de 100 millions de chrétiens, l’Europe ne réunit aujourd’hui plus qu’un quart des chrétiens du monde (550 millions), alors qu’elle en totalisait les deux tiers au début du XXe siècle. Pourtant, au Vatican, les 125 cardinaux électeurs restent pour la moitié européens, seuls 37 d’entre eux viennent du continent américain et 11 d’Afrique.

Communauté protéiformeComment interpréter ce nouveau christianisme du Sud ? Comme l’imposition d’une culture occidentale, héritière de la colonisation ? Peut-être sera-t-il autre chose que «l’opium du peuple » que Karl Marx critiquait alors qu’il observait le protestantisme d’État de l’empire Allemand. En Corée, le protestantisme fut un instrument de lutte contre la colonisation japonaise et les Églises « éthiopiennes » ou « zionistes » en Afrique du Sud s’engagèrent dans la lutte contre l’apartheid. Et que penser de la réinterprétation nationaliste du christianisme au Congo ou au Bénin, préfigure-t-elle le christianisme africain du futur, levier identitaire et politique?Esquisser une planète des chrétiens, c’est réfléchir à ce qui les rassemble. Mais c’est aussi faire attention à ne pas les confondre. Au-delà des cartes et des chiffres, la plus grande communauté religieuse du monde apparaît pour le moins complexe et protéiforme, rendant impossibles analyses trop globales et classifications rapides.

Mikael CorreTiré de « La planète des chrétiens – Hors-série nº19 »

Cérémonie de purification dans une Église d’Ethiopie

...AUTOUR DU CHRISTIANISME

40 À LA DÉCOUVERTE DES SITES...

la période romaine sur des sites de temples antérieurs, font partie des plus grands vestiges de la montagne libanaise. Un mur rectangulaire d’énormes pierres, certaines mesurant près de six mètres de long, entoure leur cour centrale. Un imposant portique d’entrée est flanqué de marches latérales supportant les deux murs de la façade. Ce qui subsiste d’une partie des colonnes qui formaient la colonnade d’entrée (propylaeum), ainsi que des chapiteaux de style corinthien et des meules à grains, furent trouvés, disséminés dans les deux cours. Parmi les ruines du temple se trouvant au nord-ouest, une grosse pierre qui décorait le fronton du temple est gravée de la tête rayonnante du dieu Baal.Sur la colline rocheuse située à l’est du temple, les anciens avaient creusé des tombes à trois absides qui

LE CHRISTIANISME DANS LA RÉGION DU KOURA –I

E n regardant vers le nord à partir du couvent de Saydet el-Nourieh et de Shaq’a, nous pouvons apercevoir la côte de la région du

Koura et la plaine qui s’étend entre les deux rivières d’ al Jaouz et Abou Ali (Qadisha). Le terme Koura vient du mot syrien « cora » et du grec « chora » voulant dire « district ».Des ruines archéologiques, remontant à plusieurs périodes historiques, sont disséminées dans tous les villages du Koura. Elles indiquent que ce secteur fut habité depuis des temps anciens. Parmi les plus importants vestiges attestant cela, deux temples dans la ville de Ayn’Ikreen, dominant la ville de Amyoun et la plaine du Koura. L’un d’eux est appelé Qasr Naos (Palais de Naos) par les habitants de la région. Ces deux temples, bâtis pendant

41...ET ÉGLISES DU LIBAN furent toujours utilisées pendant la période chrétienne byzantine, lorsque furent ajoutées des croix au-dessus de certaines de leurs entrées. Pendant la période des Croisades, une église dédiée à la Vierge Marie, dont les vestiges demeurent visibles, fut construite face au temple situé au sud.

Dans la ville de Bziza, le portique d’un ancien temple se dresse encore, surmonté d’un linteau gravé. Face à lui, une façade à quatre colonnes aux chapiteaux ioniques. Pendant la période byzantine, ce petit temple fut transformé en une église à deux absides, appelée Notre- Dame des colonnes. Des croix sont gravées sur ses murs, ainsi que sur l’une de ses colonnes. À proximité de ce temple, une ancienne église dédiée à St Élie fut construite au Moyen Âge, à l’aide de pierres provenant d’un vieux temple. On peut encore, près de l’autel, distinguer les fresques qui décoraient ses murs.

Les noms de ses villages sont une autre preuve des racines historiques profondes de la région du Koura. Ces noms proviennent des langues sémites, c’est-à-dire cananéenne, phénicienne, araméenne et syriaque. À titre d’exemple : Anfeh, Bishmizzine, Dar Bi’shtar, Bziza, Batroumine, ‘Afsiddeeq, Tirram, Kfar’aqqa, Kfarhazeer, Kfarkahel, Amyoun, Zakroun, Arghoun, Kaftoun, Kfarsaroun, Bdihoun, etc., certains villages portant aussi les noms d’anciens dieux.

Le christianisme se répandit plutôt aisément dans la région du Koura, à partir de la côte et jusqu’à une hauteur de 300 m environ. Durant la période byzantine, les habitants de la région transformèrent les anciens temples en églises qui furent, pour la plupart d’entre elles, restaurées pendant la période des Croisades. De nouvelles églises et des monastères furent alors construits, à l’aide de vieilles pierres. Cette région faisait partie du diocèse de Tripoli, dirigé par le métropolite de Tyr.

Anfeh « Anf el Hajar »

La ville de Anfeh est située au centre de la côte du Koura, entre Shaq’a et Tripoli. Elle est mentionnée dans les textes de Tel el-Amarna (XIVe siècle av. J.-C.) sous le nom Am-bi ou l’inscription assyrienne Am-pa. Les Grecs et les Romains l’appelaient Triares (i.e le triangle), en raison de sa configuration. Cependant, et selon d’autres sources, le nom d’Anfeh aurait sa racine dans le mot cananéen «App », le nez (Anf en arabe). Il est important de noter que Shaq’a, extansion de Anfeh au sud, est appelée Theoprosopon (i.e. Wajh Allah ou «Visage de Dieu »), et connue aujourd’hui sous le nom de Wajh el-Hajar (i.e. Visage de pierre). Il ne fait pas de doute que ce nom devenu classique est une traduction du mot phénicien Penay-Ay, qui signifie Wajh Allah. Anfeh, semblable à un « nez de pierre », s’avance en saillie dans la mer, ce qui explique pourquoi l’historien arabe al-Idrissi (1100-1165) l’appelait « Anf el Hajar » (i.e. le nez de la pierre).Plus encore que par sa forme et sa localisation, Anfeh se distingue par un riche et unique patrimoine archéologique.

Les masses rocheuses de sa côte furent creusées par les anciens habitants en caves, tunnels, escaliers, magasins, tombes, tranchées, murs, passerelles, puits, pressoirs à huile ou à raisins, salines etc., tout cela témoignant du rôle joué par la ville à différentes périodes et dans différents secteurs économique, religieux, ou militaire.

Le christianisme fut introduit à Anfeh par les disciples du Christ, alors qu’ils prêchaient le long de la côte libanaise. Durant la période byzantine, plusieurs églises

42 À LA DÉCOUVERTE DES SITES...

43...ET ÉGLISES DU LIBAN

furent construites dans la ville, parmi lesquelles l’Église de Notre-Dame du Vent. Dans son livre Aja’eb el-Bar wal Bahr (les merveilles de la terre et de la mer), l’historien arabe Shamseddine al-Dimechqi présume que cette église serait le plus ancien lieu de culte en Orient dédié à la Vierge Marie.

Les vestiges de cette église comportent des restes de fresques murales, dont l’une représente la Vierge Marie calmant la tempête. À l’arrière de l’église, on accède par des escaliers taillés dans le roc à une caverne rocheuse appelée Beer el-Saydeh (Le Puits de Notre Dame) dont la base laisse suinter de l’eau de mer.

Sur le rivage de Anfeh , l’église Sainte-Catherine, datant de la période des Croisades, est construite sur les ruines d’une ancienne église Byzantine. Non loin de là, dans une ancienne église double, dédiée aux saints Simon et Michel, on peut voir des restes de fresques murales.

Les autres vestiges chrétiens à Anfeh sont les suivants :

Le monastère de saint Jean construit sur les ruines d’une église byzantine. Il est entouré de tombes remontant aux premiers siècles du christianisme.

L’église de sainte Edna qui se trouve dans la région de Hraysheh et qui remonte sans doute à la période byzantine. Elle est entourée de vestiges de pressoirs, bassins, grandes pierres gravées et réservoirs de pierre.Le monastère de Notre-Dame de la Garde, construit vers l’an 1115 sur un promontoire appelé Ras el-Natour (Promontoire de la Garde) par des moines cisterciens sur les ruines d’un monastère byzantin. Beaucoup de légendes ont été créées au sujet d’une cave dans son sous-sol, appelée Kahf el-Natour (Cave de la Garde).Plusieurs sanctuaires dédiés à St Qozma, St Demianos, et aux « Quarante Martyrs », dont le plus important est le «Sanctuaire des Martyrs » où des enfants sous-développés physiquement sont plongés dans l’eau de mer d’un bassin, dans l’espoir de recouvrer une taille normale. Quelques collines rocheuses surmontent la région de Anfeh, comme celles de Saints Antonios, Georges et ‘Abda. Là se trouvent des tombes qui remontent aux premiers siècles de l’ère chrétienne.

Le présent article est extrait de « The roots of Christianity in Lebanon »,

éditions de la « Lebanese Heritage Foundation »,Beyrouth, septembre 2008.

Texte traduit de l’anglais par Nawal Arcache.

44 ANNIVERSAIRE DES SAINTS

a légende de sainte CécileL’histoire de sainte Cécile, qui n’est pas dénuée de beauté et de mérite, est construite en partie de légendes. La romance de Cécile

et Valérien est connue depuis la légendaire « Passion de Cécile » écrite en 535. Toutefois, le fait qu’elle fonda une église et qu’elle fut enterrée dans une crypte des catacombes de saint Callixte, l’existence d’un Valérien et d’un Tiburcius, tous ces faits sont historiquement vérifiables à son sujet, et font qu’il est certain que cette vie de sainte est basée sur quelques faits réels. Fille d’un illustre patricien de la famille des Caecilii, dont sont issus beaucoup de sénateurs, seule chrétienne de sa famille, alors qu’elle eut voulu consacrer sa virginité à Jésus-Christ, elle doit se résigner à sortir de la maison paternelle, où elle vivait dans la prière, lecture des livres saints et le chant des cantiques, pour épouser le jeune Valérien, homme que ses parents lui choisirent, noble

et bon, connu pour être de grande compréhension, mais païen. Après plusieurs jours de prière et de jeûne, arrive la nuit de noces : elle révèle alors son secret à Valérien, et lui demande de respecter sa virginité, ainsi que de se convertir.La Légende dorée de Jacques de Voragine rapporte ainsi les paroles de sainte Cécile : « J’ai pour amant un ange qui veille sur mon corps avec une extrême sollicitude. S’il s’aperçoit le moins du monde que tu me touches, étant poussé par un amour qui me souille, aussitôt il te frappera, et tu perdrais la fleur de ta charmante jeunesse; mais s’il voit que tu m’aimes d’un amour sincère, il t’aimera comme il m’aime, et il te montrera sa gloire. »

Valérien, maîtrisé par la grâce de Dieu, lui répond : « Si tu veux que je te croie, fais-moi voir cet ange, et si je m’assure que c’est vraiment un ange de Dieu, je ferai ce à quoi tu m’exhortes ; mais si tu aimes un autre homme,

SAINTE CÉCILE

L

Cécile de Rome aurait vécu en Sicile aux premiers temps du christianisme, et serait morte à Rome à une époque incertaine, entre 176 et 220 sous Marc Aurèle, ou en 223 sous Alexandre Sévère. On la fête le 22 novembre. Patronne des musiciens depuis le XVe siècle, l’emblème de sainte Cécile est devenu l’orgue. On la représente aussi avec une couronne de fleurs, symbole de virginité, un plant de lys un et une épée. Elle est souvent enturbannée et richement habillée, signes d’une origine patricienne. C’est l’un des martyrs des débuts de l’Église les plus vénérés, mentionné dans le canon de la messe depuis 496.

45ANNIVERSAIRE DES SAINTSje vous frapperai l’un et l’autre de mon glaive. » - « Si tu crois au vrai Dieu et si tu reçois le baptême des chrétiens, tu pourras voir l’ange qui veille sur moi », lui rétorque Cécile. Valérien accepte la condition, se rend auprès de l’évêque Urbain à trois milles de Rome, lit l’Évangile selon Luc, est instruit de la religion chrétienne, reçoit le baptême et revient près de Cécile. Près d’elle, il aperçoit un ange au visage lumineux, aux ailes éclatantes, qui tient dans ses mains deux couronnes de roses et de lis, et qui, posant l’une de ces couronnes sur la tête de Cécile et l’autre sur la tête de Valérien, leur dit : « Je vous apporte ces fleurs des jardins du Ciel. » C’est le signe que Valérien attendait. Au récit de ces merveilles, Tiburce, le frère de Valérien, abjure les idoles et se convertit à son tour. Tous deux s’emploient alors à donner des sépultures aux corps des martyrs que l’on faisait tuer et brûler comme criminels. Ils sont alors dénoncés. Il faut savoir qu’à l’époque, les chrétiens n’étaient pas recherchés, mais s’ils étaient dénoncés, on les forçait à renier leur foi et à adorer les dieux des Romains. À Tiburce qui exprime ses craintes de mourir, Cécile répond : « Si cette vie était la seule, ce serait avec raison que nous craindrions de la perdre : mais il y en a une autre qui n’est jamais perdue, et que le Fils de Dieu nous a fait connaître. C’est ce Fils de Dieu qui, en venant dans le monde, nous a démontré par ses paroles et par ses miracles qu’il y a une autre vie. »Les deux frères comparaissent alors devant le préfet. Au terme de ce procès, ils sont condamnés à être décapités.

Maximus, l’officier chargé de rendre la sentence, se convertit soudainement à la religion chrétienne et subit le même sort. Les trois hommes sont exécutés aux alentours de Rome. Cécile parvient à racheter les corps et obtient l’autorisation, au lieu d’être obligée de les brûler, de les enterrer dans un tombeau de la Via Appia et non dans les cimetières souterrains qu’étaient les Catacombes. Cécile se sent alors constamment menacée, mais sa foi est plus forte que sa peur, et elle continue d’évangéliser chez elle et dans les jardins du mont Palatin.

Condamnation et mort de sainte CécileUn jour cependant, elle ne tarde pas à être arrêtée et comparaît devant le tribunal du préfet de Rome qui la condamne à être décapitée en public. Son interrogatoire, que Dom Guéranger tenait pour authentique, a des accents d’une hauteur telle qu’il mérite d’être cité. -« Jeune femme, quel est ton nom ? lui dit-il. - Caecilia. - Ta condition ? - Libre, patricienne, clarissime. - Je te parlais de ta religion. - Ta question manquait donc de clarté puisqu’elle donnait lieu à double interprétation. - D’où peut te venir une pareille assurance ? - D’une conscience pure et d’une foi qui ne se cache pas. - Ignores-tu de quels pouvoirs je dispose ? - Le pouvoir de l’homme ressemble à une outre pleine de vent. Perce l’outre; elle se dégonfle. Tout ce qui ressemblait à de la consistance s’est envolé! - Tu as commencé par l’insolence et tu continues sur le même ton! - Il n’y a d’insolence que pour ceux qui affirment des choses erronées. Démontre-moi que j’ai dit une sottise; je conviendrai de mon insolence. Sans quoi, tes reproches sont une pure calomnie. - Ne sais-tu pas que j’ai sur toi pouvoir de vie et de mort ! - Non tu te trompes. Tu n’as que le pouvoir de me tuer. Tu ne peux rendre la vie aux morts. Et si tu soutiens le contraire, tu mens ! »Comme elle est belle et noble, les bourreaux lui demandent de changer d’avis. Elle répond : « Ceci n’est point perdre sa jeunesse, mais la changer ; c’est donner de la boue pour recevoir de l’or ; échanger une vile habitation et en prendre une précieuse : donner un petit coin pour recevoir une place brillamment ornée. Si quelqu’un voulait donner de l’or pour du cuivre, n’y couriez-vous pas en toute hâte? Or, Dieu rend cent pour un qu’on lui a donné. Croyez-vous ce que je viens de vous dire ? Nous croyons, répondirent-ils, que le Christ qui possède une telle servante est le vrai Dieu. » Auparavant, sans illusion sur le sort qui l’attend, la jeune veuve confie tous ses biens au pape Urbain et lui recommande ceux qu’elle avait convertis, ainsi que sa maison pour en faire une église : elle subsiste aujourd’hui, c’est Sainte-Cécile du Trastevere, à Rome. Le préfet la fait reconduire chez elle et ordonne de la laisser mourir dans la salle de bains embrasée de vapeurs. Mais elle reste vivante. Le bourreau vient alors pour lui trancher la tête; mais il le fait si maladroitement qu’elle ne meurt que trois jours après. Touchés par son exemple, ses parents et sa famille embrassent la foi pour laquelle elle avait choisi de mourir (c’est probablement à cette conversion familiale qu’il faut rapporter les quatre cents convertis de sainte Cécile dont parle « La passion de Cécile ». Si l’on

46 ANNIVERSAIRE DES SAINTS

47ANNIVERSAIRE DES SAINTScompte les affranchis et les esclaves, le nombre n’a rien d’incroyable).

Exhumation du corps de sainte CécileSa dépouille mortelle est retrouvée en 821 dans les catacombes de Saint-Calixte et transférée au quartier de Trastevere, à l’emplacement de sa maison, où une basilique avait été construite pour l’accueillir. Un évènement assez rare sinon exceptionnel conforte la dévotion autour de sainte Cécile, en apportant à sa sainteté un cachet de parfaite authenticité, et contribue à renforcer l’intérêt pour l’Église primitive, qui imprègne certains milieux ecclésiastiques et intellectuels de l’époque : lors des fouilles de 1599, le corps fut exhumé et l’on s’émerveilla de le trouver intact et dans sa position d’origine. Près d’elle, son époux, Valérien, son beau-frère Tiburce, et le sous-officier Maxime qu’ils avaient converti. Son corps préservé de toute trace de corruption, on eut cru qu’elle dormait, et non qu’elle était morte. Elle portait encore une robe blanche brochée d’or, un vêtement de patricienne, couvert de taches sanglantes, tout comme les linges posés à ses pieds. À sa gorge, trois blessures portées par la main d’un bourreau si tremblant qu’il fut incapable d’achever sa besogne et laissa Cécile mourante étendue sur le sol. La tête était presque détachée du tronc, et ce détail explique pourquoi le corps avait pris cette position étrange dans laquelle la mort l’avait trouvée, couché sur le côté mais le visage tourné vers le fond. L’index gauche était demeuré dressé, ainsi que trois doigts à la main droite. Cécile, égorgée, incapable de parler, agonisante, avait eu encore la force d’esquisser ce geste, ultime confession du mystère de la Sainte Trinité. Dieu en trois personnes. Pour contempler le visage de la sainte, il eut fallu le retourner. Et la toucher. Confondus de respect, aucun de ces hommes n’osa porter une main qu’ils eurent estimée sacrilège sur la vierge martyr. Aucun de ceux qui viendront la vénérer ne l’osera, pas même le pape Clément VIII. Cécile sera recouchée dans sa tombe, après

qu’un sculpteur en renom, Maderno, sera venu prendre des esquisses de son corps, qui serviront à l’admirable statue témoin du miracle. Lors de nouvelles fouilles archéologiques, réalisées en 1902, le sarcophage ne fut pas rouvert, ce qui ne permit pas d’opérer des vérifications plus scientifiques. Cela n’ôte rien à la sincérité et à la probité des témoignages recueillis au IXe et au XVIe siècle.

Sainte Cécile, patronne des musiciensSa légende raconte que, tandis que les instruments de musique retentissaient pour ses noces, Cécile chantait pour Dieu dans son cœur. Un autre passage de sa légende affirme aussi qu’en allant au martyre elle entendit une musique céleste. Il faut ajouter qu’à la fin du Moyen Âge, on attribuait à sainte Cécile la composition de plusieurs hymnes. Cela en fera au XVe siècle la patronne des musiciens, des luthiers et des autres fabricants d’instruments de musique. Comme vierge martyre et comme patronne des musiciens, sainte Cécile a beaucoup inspiré les peintres, les dessinateurs et les graveurs, dès le XVe siècle et jusqu’au XIXe siècle. Raphaël, Le Dominiquin ou encore Carlo Dolci lui ont consacré de nombreux tableaux. Et en tant que patronne des musiciens, c’est naturellement sous ses auspices que se placent, de l’Ancien Régime à nos jours, beaucoup de confréries musicales ou d’académies. Du XVIe au XVIIIe siècle, de nombreux musiciens ont composé des motets pour l’office de sa fête ou des œuvres plus développées. Dryden a composé en son honneur une ode célèbre ainsi qu’Henry Purcell en 1692 avec l’ode à sainte Cécile « Hail! Bright Cecilia ». Le compositeur hongrois Franz Liszt a composé une œuvre chorale nommée « La légende de sainte Cécile » en 1874. Plus récemment, en 2000, l’Estonien Arvo Pärt a composé «Cecilia, Vergine Romana » pour l’Académie nationale de Sainte-Cécile de Rome.

48 PROGRAMME DES ACTIVITÉS ET CARNET

La paroisse n’est pas uniquement un territoire géographique regroupé autour d’une église paroissiale, la paroisse est le lieu où la communauté se réunit pour célébrer et annoncer le Christ, et c’est le lieu où chaque personne trouve sa place pour croître spirituellement et humainement.

Réunion du Groupe de prière « Apôtre d’amour » : mercredi à 20hChorales arabe et française : samedi à 19hRéunion du Tiers Ordre séculier : le troisième dimanche du mois à 10h30Réunion des membres de la Fraternité « Notre Dame du Rosaire » : mardi à 10h. Récitation du chapelet suivie de la messe à 10h30.

Ven 1 : Fête de tous les SaintsSam 2 : Commémoration des défuntsLun 4 : Saint Charles BorroméeVen 15 : Saint Albert le Grand

Ven 22 : Sainte CécileSam 23 : Saint ClémentDim 24 : Christ Roi de l’universLun 25 : Sainte Catherine

Ces soirées seront chaque fois clôturées par un moment convivial autour du « verre de l’amitié ». Vous y êtes tous les bienvenus.

ÉPHÉMÉRIDE DU MOIS DE NOVEMBRE 2013

ACTIVITÉS DE LA PAROISSE EN LANGUE FRANÇAISEPOUR LE MOIS DE NOVEMBRE 2013

HORAIRE DES MESSES

ACTIVITÉS DE LA PAROISSE ST-ANTOINE DE PADOUE BAABDATH

N’oubliez pas de nous rejoindre nombreux à la rencontre paroissiale mensuelleaprès la messe de 11h chaque dernier dimanche du mois

Le comité de rédaction, Nawal Arcache et Jean-Louis Mainguy, remercie tous les bénévoles qui contribuent à cette parution.

La saisie du texte est assuréepar Michella Al-Aya et Judy Abou Haidar

La mise en page et le graphisme sont assuréspar Elie Abou Mrad et Jean-Louis Mainguy.

Le dimanche :9h30 : messe en langue arabe11h : messe en langue françaiseDu lundi au samedi :6h45: Tous les jours messe en français suivie de l’office des Laudes en langue française18h : messe en langue arabe.

le curé de la Paroisse Père Maged Moussa, ainsi que les pèresJacques AbbouaGabriel Mekkarise tiennent à la disposition des fidèles sur rendez-vous auprès du secrétariat de la paroisse, de 8h30 à 16h (Mme Nadine Khalil). Tél. : 04- 820431 et 04-820318.

Jeudi 14 novembre à 19h•Projection privée du film « QUI A ENVIE D’ÊTRE AIMÉ? » un film de Anne Giafferi d’après le roman« Catholique Anonyme » de Thierry Bizot ( Durée 1h30 )

Jeudi 28 novembre à 19•Veillée spirituelle autour du thème « UN PAS EN AVENT... » Une méditation sur le Temps de l’Avent et la Nativité de notre Seigneur.