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BIBEBOOK CHARLES BARBARA LES SOURDS

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  • BIBEBOOK

    CHARLES BARBARA

    LES SOURDS

  • CHARLES BARBARA

    LES SOURDS1860

    Un texte du domaine public.Une dition libre.

    ISBN978-2-8247-1190-4

    BIBEBOOKwww.bibebook.com

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    Sources : B.N.F. fl

    Ont contribu cette dition : Association de Promotion de lEcriture et de la

    Lecture

    Fontes : Philipp H. Poll Christian Spremberg Manfred Klein

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  • A village o il avait sa masure, sur les bords de lagrande route, dans un endroit solitaire, born droite et gauche par des bois de haute futaie, un brave homme gardaitune centaine de moutons lui appartenant.

    Ce brave homme tait sourd.A son apptit, il sentait que lheure de la soupe avait sonn depuis

    longtemps, et, dinstant en instant, il jurait avec plus dnergie contre safemme qui ne lui apportait pas manger.

    Ses moutons seuls lempchaient de courir jusquau village.Voici enn quoi il se dcida.Du mme ct de la route, cinquante ou soixante pas en aval, une

    vieille femme coupait de lherbe pour sa vache. Cette vieille courbait lafois sous lge et sous le poids dune rputation dtestable. On la redoutaitnon moins comme sorcire que comme voleuse. Nonobstant ces dtailsbien connus, notre homme, press par la faim, nhsita pas. Il joignit cettefemme.

    Ne voudriez-vous pas, lui dit-il, avoir lil sur mes moutons, tandisque jirai djeuner? A mon retour, nous verrons. Je vous donnerai unercompense dont vous aurez lieu, jespre, dtre satisfaite.

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  • Les sourds

    La vieille femme tait galement sourde.Elle repartit avec aigreur.Quest-ce que tu me veux? Lherbe de ce foss mappartient comme

    tout le monde, de quel droit mempcherais-tu de la couper? Voyez-vous a! Je devrais apparemment laisser mourir ma vache pour que tesmoutons en eussent quelques bouches de plus! En quel temps vivons-nous? Laisse-moi tranquille! Va-ten au diable!

    Le berger prit le geste dont la vieille accompagna cette apostrophepour une marque de consentement. Sans un mot de plus, il se dtournadelle et marcha rapidement vers son domicile. Loubli de sa femme luiparaissait inexcusable et limpatience de la chtier acclrait son pas.

    A la scne qui lattendait, sa colre tourna en piti. Sa femme taitmalade. Pour avoir mang des champignons vnneux, elle se tordait parterre au milieu datroces douleurs.

    Notre homme la releva et, force de soins intelligents, russit neu-traliser les eets du poison. Il dpcha ensuite son djeuner et sempressade retourner vers lendroit o il avait laiss ses lves.

    Si prestement quil et agi, son absence avait encore dur plus duneheure. Ses inquitudes ne laissaient pas que dtre vives cause du mau-vais renom de la sorcire sous la sauvegarde de qui tait rest le troupeau.A peine de retour, il jeta un regard souponneux du ct de la vieille etvria si. par aventure il ne manquait pas quelquun des moutons. Lecompte y tait bien. Il fut ravi.

    Ce que cest que les prventions, pensa-t-il. Voil une pauvre vieille qui lon impute les vols de chaque jour et qui probablement est une trs-honnte femme. Dfendons-nous de prjugs si iniques et rcompensons-la en raison mme du tort que lui fait la mdisance. Aprs cela, si ellea rellement commerce avec le diable, eh bien, ma gnrosit loignerapeut-tre jamais de son esprit lide de me jeter un sort.

    Son il avise alors une brebis grosse et grasse qui navait quun d-faut, celui dtre boiteuse. Cette inrmit ne la dprisait que mdiocre-ment. Il la prend dans ses bras, se rend prs de la vieille femme, met lani-mal aux pieds de celle-ci et dit, en le lui dsignant des deux mains:

    Voil pour reconnatre le service que vous mavez rendu, ma bravefemme. Daignez accepter cette brebis, je vous la donne en prsent.

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  • Les sourds

    La vieille se redressa comme un coq en colre. Jetant les yeux sur labrebis et sapercevant quelle boitait, elle rpliqua avec vivacit:

    Saintes douleurs, voil du nouveau! Quest-ce que a signie? QueDieu mabandonne si jai boug de cette place en ton absence! Commentdonc oses-tu maccuser de mtre jete sur cette bte et davoir pris plaisir lui casser une patte? Il faut que tu sois possd! Je ne mattendais pas celle-l; les bras men tombent!

    La laine en est ne et soyeuse, ajouta le brave homme; la chair enest excellente. Si vous naimez mieux vous en rgaler, vous pourrez lavendre un bon prix.

    Et moi je te rpte, scria la mgre en fureur, que je nai pas faitseulement un mouvement du ct de tes moutons! Tu es un fourbe, unimposteur, un impie! Va-ten! Retire-toi! ou sinon de mes vieux onglesje tarracherai les yeux!

    Elle tait menaante. Lune de ses mains serrait convulsivement uneserpe, lautre allongeait des ongles redoutables.

    Stupfait dabord, puis eray, lhomme se rejeta en arrire et levainstinctivement son bton. Ce geste purement dfensif acheva dexas-prer la vieille femme. Elle se dchana en injures contre lui et t minede vouloir lui sauter aux yeux. Il tombait lui-mme aux prises avec unesourde irritation; la patience lui chappait. Le bton et la serpe allaientsentre-heurter.

    Dans lemme quart dheure, un cavalier, activant son cheval des piedset du poing, savanait bride abattue dans la direction des deux adver-saires. Ceux-ci laperurent. Oubliant aussitt de se battre, ils barrrentla route eux deux et forcrent le cavalier darrter. Tandis que la vieilleempoignait la bride droite, le berger la saisissait gauche et, sadressantau cavalier, disait fort poliment:

    Je vous prie, monsieur le cavalier, veuillez tre juge entre cettefemme et moi. Elle ma rendu un petit service. Je me suis empress dele reconnatre en lui orant une brebis. Eh bien, non contente de mago-nir, elle menace encore de me donner des coups de serpe.

    La vieille criait de son ct:Ne lcoutez pas! il ment! a nest pas ma faute si lun de ses mou-

    tons est estropi. Le butor navait qu y prendre garde. Je nai pas cess,

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  • Les sourds

    en son absence, de couper de lherbe, et cela cent cinquante pas aumoinsdu troupeau.

    On ne pouvait tomber plus mal. Le cavalier navait pas loreille moinsdure que celle des gens qui lui parlaient. Sa ple physionomie dailleursrespirait linquitude et la crainte.

    Oui, je lavoue, dit-il dune voix altre, ce cheval ne mappartientpas. Gardez-vous pourtant de voir en moi un voleur. Je suis extrmementpress; un cheval sest trouv sous ma main, il tait sans matre, je suismont dessus pour aller plus vite. Voil toute la vrit. Est-il vous?prenez-le et laissez-moi passer, car, ma parole dhonneur, je nai pas uninstant perdre.

    Faute dentendre, la vieille femme simagina que le cavalier prenait leparti du berger, et celui-ci que ce mme cavalier donnait raison la vieillefemme. Ils partirent de l pour sinjurier de nouveau, pour se menaceravec vhmence, pour reprocher celui quils avaient pris pour arbitresa partialit et son injustice. Le cavalier, de son ct, supposa que cesfurieux le disputaient et lui montraient le poing cause du cheval quilavait drob. Il mla sa voix ce concert de rcriminations et dinjures.

    Tous trois alors remarqurent un vieillard qui, le front pench, lon-geait la route et passait prs deux sans mme dtourner la tte. Unhomme de cet ge et de cette gravit leur parut runir toutes les condi-tions dun excellent juge. Ils coururent lui et le prirent de leur accorderun instant daudience. Cependant chacun deux, tous trois faisant cho-rus, exposa ses griefs, et linvita dcider lequel dentre eux avait raisoncontre les deux autres.

    Chose peine croyable! le vieillard tait encore plus sourd queux. Ilrpondit:

    Oui, oui, je vous entends. Cest ma femme qui vous envoie, nest-ce pas? Elle vous a induits contrarier mon dpart; vous voulez meconvaincre que je dois retourner vers elle. Ny songez pas. Ma rsolu-tion est inbranlable. Dans le temps, je me suis soustrait aux austritsdu clotre pour goter les prtendues douceurs du mariage. Le ciel macruellement chti. La connaissez-vous bien, ma femme, mes amis? Cestun vritable dmon; Xantippe et paru un ange ct delle. Il ne mestpas possible de vivre un jour de plus avec une si mchante crature. Elle

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  • Les sourds

    ma fait commettre plus de pchs que nen pourraient eacer deux centsans de dure pnitence. Je vais en plerinage jusqu Rome. Mon intentionest de me cacher dans quelque couvent, et de tcher, par des jenes etdes prires, dobtenir la rmission de mes fautes. Aprs cela, jy suis d-termin, je parcourrai le monde une besace sur le dos et mendierai monpain. Tous les maux me semblent prfrables la vue seule de la femmeque je fuis.

    Ce que disait le vieillard nempchait nullement les autres de parler.Il leur semblait que le vieux tergiversait et manquait du courage de direson opinion. Lun le pressait den nir, lautre laccusait de faiblesse; lavieille femme lappelait rabcheur, et le vieillard suppliait quon le laissttranquille. Un sicle de pareilles explications net pas su les mettredaccord.

    Tandis quils criaient tous les quatre lenvi sans parvenir sen-tendre, le cavalier vit au loin des gens qui savanaient grands pas. Souslinuence dune conscience trouble, simaginant cette fois avoir aaire des gendarmes, il descendit lestement de cheval et se sauva toutesjambes.

    Dautres motifs dcidrent le berger quitter la partie. Son troupeauavait gagn du terrain et stait considrablement loign. Il sempressade le rejoindre. Les accidents et les contradictions de cette journe le com-blaient dune sombre tristesse. A part soi, il maudissait les arbitres, etdplorait amrement que la justice et disparu de ce monde.

    Bien que toujours exaspre, la vieille femme retourna vers son tasdherbe. Non loin de l broutait tranquillement le mouton boiteux. Ellesen saisit, lui passa une corde autour du cou, et, pour se venger du matreet de son injuste accusation, lemmena chez elle.

    Quant au vieillard, il continua sa route jusquau village voisin, et syarrta pour passer la nuit. Le repos et le sommeil temprrent beaucoup samauvaise humeur contre sa femme. Des parents et des amis, apprenant safuite, se mirent sur ses traces et latteignirent bientt. Ils achevrent de lecalmer et le dcidrent revenir sur ses pas, en lui promettant demployertoute leur inuence rduire sa femme la douceur et la soumission.

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  • Une dition

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    Achev dimprimer en France le 11 juin 2015.