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Beau temps pour les femmes ? Les politiques temporelles au prisme de l’égalité femmes / hommes 17-18 novembre 2016

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Beau temps pour les femmes ?

Les politiques temporelles

au prisme de l’égalité

femmes / hommes

17-18 novembre 2016

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Tempo TerritorialLes temps et les rythmes des individus et des territoires sediversifient, éclatent ou se désynchronisent sous l’effet del’évolution des modes de vies.

Les politiques temporelles des collectivités territoriales ontpour objectif de diagnostiquer ces phénomènes temporels,d’ouvrir des concertations sur ces « questions de temps », demettre en place des services innovants ou des horaires adap-tés afin de privilégier une meilleure articulation des temps devies (personnelle, familiale, professionnelle, sociale,...).

Depuis sa création en 2004, Tempo Territorial, réseau natio-nal des acteurs des démarches temporelles, réunit des col-lectivités, des associations, des organisations scientifiques,des entreprises, etc. Association à but non lucratif, elle apour objet de favoriser l’échange, le partage, l’apprentissage,la mutualisation, la coopération, entre acteurs des démarchestemporelles territoriales, de manière à :• accompagner les acteurs des territoires dans leurs dé-

marches temporelles, dans le contexte de transforma-tions et d’évolutions des rythmes, des temps de la viemoderne;

• intégrer la dimension temporelle à des échelles perti-nentes, dans les domaines de l’aménagement et de l’envi-ronnement, du développement économique, destransports, de l’action sociale, culturelle, sportive et deloisirs, des services... et sensibiliser les acteurs de ces po-litiques territoriales publiques et privées;

• construire un lieu de capitalisation, un centre de res-sources et d’innovations sur les enjeux temporels et fa-voriser l’échange de bonnes pratiques, en termes desensibilisation, d’analyse méthodologique, d’organisationde la concertation, de mise en œuvre d’actions concrètes,de représentations cartographiques, de communication...

• permettre le débat public à l’échelle locale, nationale eteuropéenne sur les pratiques temporelles entre pouvoirspublics, entreprises, habitants, salariés, usagers et leurs re-présentants.

Tempo Territorial organise plusieurs fois par an des sémi-naires et journées d’échanges, à partir des expériences lo-cales et des travaux de groupes thématiques.

Association Tempo TerritorialHôtel de Rennes Métropole Direction des coopérations métropolitainesBureau des temps4, avenue Henri Fréville CS 93 11135031 Rennes cedexhttp://tempoterritorial.fr/

Synergie WallonieSynergie Wallonie pour l’égalité entre les femmes et leshommes est une association féministe dont le but est de fé-dérer et relayer les initiatives et demandes des acteurs etactrices actifs et actives dans le domaine de la lutte pourl’égalité des femmes et des hommes et la prise en comptedes différentes dimensions de la question de genre dans lespolitiques publiques wallonnes. Notre féminisme inclutcelles et ceux qui veulent lutter pour construire une sociétésolidaire où femmes et hommes pourront s’épanouir sansdiscrimination et mener leurs vies selon leur choix et sansentraves liées à leur sexe.

L’asbl est non gouvernementale philosophiquement et po-litiquement pluraliste, ouverte à toute association ou per-sonne physique poursuivant des objectifs d’égalité entre lesfemmes et les hommes.

Son but est de promouvoir la cause des femmes par des ac-tions ou activités valorisant l’empowerment des femmes etl’égalité femmes-hommes, en particulier dans les domainesde compétences de la Région Wallonne. Cela en collabora-tion avec toutes les parties prenantes (société civile, associa-tions, administrations, centres de recherche, entreprises etinstitutions).Son but est aussi de fédérer et relayer les initia-tives et demandes des acteurs et actrices œuvrant dans ledomaine de la lutte pour l’égalité des femmes et des hommeset la prise en compte des différentes dimensions de la ques-tion de genre dans les politiques publiques wallonnes.

Synergie Wallonie pour l’égalité entre les femmes et leshommes travaille actuellement à se positionner en tant quepromoteur des politiques temporelles, centre de ressourceset d’expertise et/ou instigatrice d’un réseau d’organismesdont les activités et/ou préoccupations entretiennent despoints communs avec ces thématiques (Ligue des Familles,Université des Femmes, IWEPS, Femmes Prévoyantes So-cialistes, Vie Féminine, chercheur-e-s universitaires, ACRFFemmes en Milieu Rural, réseau des entreprises de cowor-king en Région Wallonne, Forum Belge pour la Préventionet la Sécurité Urbaine…).

Tout cela est entrepris afin de favoriser, dans le futur, leséchanges d’informations, d’expériences et de bonnes pra-tiques entre les différents acteurs politiques, économiqueset de la société civile, tous concernés de près ou de loinpar les questions temporelles et de genre.

Synergie Wallonie pour l’Egalité entre les Femmes et les Hommes asbl 500/23, rue de Gembloux - 5002 NAMUR Tél.: 0489.58.21.34 - 081 43 44 67 www.synergie-wallonie.org

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Beau temps pour les femmes ?

Les politiques temporelles au prisme

de l’égalité femmes/hommes

Une publication de Synergie Wallonie

pour l’égalité entre les femmes

et les hommes asbl,

rédigée par Baptiste Dethier,

chargé de projet à Synergie Wallonie,

sous la direction de Reine Marcelis.

Un colloque organisé

avec le soutien de la Wallonie et

de la Fédération Wallonie Bruxelles

4 TEMPO TERR I TOR I A L

Editrice responsable : Reine Marcelis, 500/23 rue de Gembloux, 5002 Namur

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JOURNEE DU 17 NOVEMBRE 2016 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Introduction : Reine Marcelis, Dominique Royoux, Dorothée Klein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

Panel n°1 : « Action publique »

Table ronde : Politiques publiques – Articulation des rythmes de vie

– Temps contraints et temps choisis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

Introduction : Rennes : un Bureau des temps qui s’attarde sur le genre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

Panel n°2 : « Cohésion sociale et participation locale »

Table ronde : Vivre ensemble – Espaces publics – Citoyenneté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

JOURNEE DU 18 NOVEMBRE 2016 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

Introduction : Catherine Coutelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

Panel n°3 : « Sphère professionnelle »

Table ronde : Temps de travail et qualité de vie – Rôle des entreprises

– Dispositifs de conciliation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

SOMMAIRE

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Journée du 17 novembre

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INTRODUCTION (le travail) ou reproductives (le privé et la famille). Il s’agitaussi de sortir d’une conception du temps axée surl’impératif de rentabilité, où le temps non productif estconsidéré comme du temps mort. Au contraire, le tempsvivant pourrait être redéfini comme des momentsindividuels ou collectifs, débarrassés des rapports depouvoir, qui ouvrent sur la créativité, l’échange, le débat,et surtout sur de nouvelles pratiques sociales.

Les dernières temporelles, organisées à Lyon, ontrécemment débattu de ces questions.

Selon André Görtz, à travers le pouvoir du temps,c’est le pouvoir tout court qui est en jeu. En outre, sadistribution au sein de la société est le devenir de celle-ci. Dans ce sens, libérer du temps est aussi une conditionnécessaire à tout changement vers une société égalitaire,solidaire et juste.

Pour notre association, ce colloque s’intègre aussidans un cadre plus large, dans la continuité d’unerecherche-action, soutenue par la Ministre des Droitsdes femmes (Fédération Wallonie-Bruxelles) IsabelleSIMONIS  : les politiques temporelles, un outil deconciliation entre vie privée et vie professionnelle.

Forte de nos recherches, Synergie Wallonie ambitionnede voir ce colloque se conclure par l’émergence d’unorgane d’accompagnement et de mise en place desditespolitiques, dans un souci d’une plus grande égalité entreles femmes et les hommes, comme ce fut le cas à la findes années 80, lorsque les féministes italiennes posèrentcette demande politique.

Une construction est encore nécessaire pourtravailler à un niveau communal, voire régional, inclureles différents partenaires (citoyens, domaines associatifs,pouvoirs publics, entreprises) tant au niveau dudiagnostic que de la mise en œuvre, fournir des outils, ets’intégrer dans un réseau de bonnes pratiques sur lesquestions liées au territoire, aux rythmes et aux usages.

Toutefois, les politiques temporelles se sont déjàdiffusées dans plusieurs pays européens  : la France,l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne, la Finlande… Auniveau local, elles sont aussi appelées politiques destemps des villes. Elles s’envisagent comme un axe detravail transversal qui fait du cadre de vie et des servicesaux habitants un des moyens d’action d’une politiquepublique à part entière. Des bureaux, des agences, des

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Reine MARCELIS

Présidente de Synergie Wallonie pour l’égalitéentre les femmes et les hommes asbl

Bonjour Madame la représentante de MonsieurMaxime Prévot, Vice-Président, Ministre des Travaux Publics, de la Santé, de l’Action sociale, du Patrimoine etde l’Egalité entre les femmes et les hommes.

Bonjour Mesdames et Messieurs.

Je tiens tout d’abord à vous remercier pour votreprésence et pour l’intérêt que vous portez aux politiquestemporelles.

Notre association a pour but général de lutter contretoutes les discriminations et les inégalités vécues par lesfemmes, de promouvoir la cause des femmes par des activités propres, en valorisant notamment lescompétences de la Région wallonne, et de fédérer lesassociations wallonnes œuvrant pour l’égalité entre lesfemmes et les hommes.

La question des politiques temporelles est étroite -ment liée à l’égalité, que ce soit entre les citoyens ouentre les sexes. En effet, comment concilier sa vieprofessionnelle avec un enfant en bas âge ? Commentconcilier sa vie professionnelle lorsqu’on aide un procheen difficulté, car, dans la grande majorité des cas, ce sontencore les femmes qui se posent toutes ces questions ?

Les politiques temporelles constituent donc un outilessentiel pour trouver l’égalité entre les femmes et leshommes, notamment pour permettre la conciliationentre la vie privée et la vie professionnelle, maintenir lesfemmes dans l’emploi, et ce avec moins de contraintesou de difficultés dans l’organisation personnelle.

Dans certaines villes européennes, notamment enItalie, sous l’impulsion de mouvements féministes, lespolitiques temporelles ont vu le jour. Elles mêlentl’échange de services gratuits, mesurés en heures, et laréorganisation de rythmes collectifs (les rythmes del’école, des administrations, du commerce…).

Il ne s’agit pas seulement de questions de choixpersonnels ou de gagner du temps pour soi, un tempslibéré des contraintes sociales, qu’elles soient productives

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espaces ou des maisons du temps ont été mis sur pied àpartir d’initiatives innovantes dans des domaines trèsdiversifiés, tous liés à la qualité de vie : accueil de la petiteenfance, mobilité et utilisation des transports, équi -pements publics, amélioration des conditions de vie etde travail des salariés.

Les politiques temporelles ont ainsi ouvert un champd’action nouveau, fondé sur une organisation différentedes temps, qui dépasse le simple ajustement fonctionnelde l’offre et de la demande, en mettant en jeu des moyensd’organisation et d’articulation des temps privés etcollectifs. Cela suppose une prise en compte desévolutions sociales et culturelles et la participationdurable de l’ensemble des acteurs ayant un intérêt en jeu.

Dans ce contexte de crise économique et d’inégalitéssociales, le rendement et la flexibilité sont les maîtresmots. Alors que les femmes sont encore responsablesde 80 % des tâches liées à la famille et au domicile, lespolitiques temporelles se révèlent comme une solutiongagnant-gagnant.

Ces deux journées seront consacrées aux expé -riences déjà en place, à leurs effets, et surtout à lapossibilité de mettre sur pied de tels réseaux chez nous,en Belgique.

Avant de passer la parole à Dominique ROYOUX,Président de Tempo Territorial, je profite de l’occasionpour remercier vivement l’équipe de Synergie Wallonie,et tout particulièrement Baptiste Dethier, qui a été lacheville ouvrière de cet événement, ainsi que Marie, Princyet Auriane, pour leur collaboration et leur disponibilité.

Je remercie aussi le CPAS de Namur, qui nousaccueille, et les membres de son équipe, qui ont été trèscollaboratifs et disponibles.

Je vous remercie de votre attention et vous souhaited’enrichissantes discussions.

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Dominique ROYOUX

Président de Tempo Territorial

Bonjour à toutes et à tous, Madame la Représentantedu Vice-Président de la Wallonie, chère Reine, Présidentede Synergie Wallonie, cher Baptiste, cheville ouvrière dece beau colloque, chers amis de Tempo Territorial, etchers amis.

Je suis ravi d’être ici. Depuis 2002, Tempo Territorialorganise un colloque chaque année, et c’est la premièrefois que nous sortons de nos frontières. Cette démarcheillustre notre volonté de diffuser nos travaux à l’échelleeuropéenne. D’ailleurs, Synergie Wallonie et TempoTerritorial ont répondu ensemble à un appel à projets dela Commission Européenne sur la thématique suivante :« Comment le temps contribue à la progression de lacitoyenneté européenne ? ».

À travers la question de l’égalité entre les hommeset les femmes, les politiques temporelles retrouvent leleitmotiv qui les a fondées. Au cours de ce colloque, nousaborderons trois thèmes.

Le premier thème porte sur l’action publique. Leréflexe temporel doit intégrer le réflexe de l’égalité, dansla mesure où le rapport au temps est un marqueurfondamental des inégalités qui touchent d’abord lesfemmes. Les politiques publiques doivent prendre encompte la dimension de l’égalité. Elles doivent en outreêtre coordonnées avec les politiques publiques locales.

Le deuxième thème porte sur la cohésion sociale et laparticipation locale. Les politiques temporelles construisentla cohésion sociale à partir des usages repérés. Le repéragedes usages est une condition au dépassement de larépartition des rôles et des pratiques suivant le sexe.

Le troisième thème, qui porte sur la sphèreprofessionnelle, permettra d’analyser non seulement lesinégalités visibles (les salaires, les promotions…), maisaussi les inégalités moins visibles, telles que la qualité devie au travail et en dehors du travail. La prise en comptede l’ensemble des inégalités est indispensable pourobtenir l’égalité réelle.

Les politiques temporelles ont été inventées en Italie.Début des années 1990, compte tenu de la crise, lesfemmes ont dû revenir sur le marché du travail. Leurrevendication a porté sur les facteurs d’accès au travail.

Le rapport au temps est conditionné par des facteursqui sont éparpillés au sein des politiques publiqueslocales et qu’il convient de refonder à travers lespolitiques temporelles publiques.

Les progrès sont lents. En France, en 2015, 30 % desfemmes actives travaillent à temps partiel, contre 8 % deshommes actifs. Les femmes représentent 82 % despersonnes à temps partiel ; les hommes, 18 %.

L’écart salarial ne se réduit que très lentement : il estpassé de 21,5  % à 19  % entre 2003 et 2013. Àcompétences et temps de travail égaux, les femmesperçoivent une rémunération de 10 % inférieure à celledes hommes. En outre, la rémunération des heuressupplémentaires et des primes versées aux femmes estmoindre que celle versée aux hommes.

Les femmes réalisent un peu moins de tâchesdomestiques qu’auparavant, mais les hommes n’enréalisent pas davantage. Le différentiel de temps parentalest toujours du simple au double entre les hommes etles femmes.

La question de l’égalité comprend une dimensiongéopolitique. Nous constatons un raidissement généraldes sociétés, à travers la montée des populismes et lerecul des libertés. En Pologne et dans le monde arabe,c’est d’abord le statut des femmes qui est attaqué, àtravers la remise en cause du droit à l’avortement et lerenforcement de la surveillance des femmes.

Au-delà de la montée du populisme, un mouvementculturel profond est à l’œuvre. Ce mouvement tire untrait sur les valeurs portées depuis les années 1990. Cesvaleurs, telles que le multiculturalisme, les droits del’homme, l’environnement et l’égalité des sexes, étaientliées et constitutives d’un mouvement général,mouvement remis en cause.

Le combat pour l’égalité entre les sexes est actuel etmoderne.

Tempo Territorial est ravi de s’être associé àl’organisation de ce colloque, et j’espère que les politiquestemporelles pourront davantage s’implanter en Belgique.

Je vous remercie et vous souhaite un bon colloque.

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Dorothée KLEIN

Représentante de M. Maxime Prévot, Vice-Président de la Région Wallonne, Ministre des Travaux publics, de la Santé, de l’Action sociale, du Patrimoine et en charge des Droits des femmes.

A. INTRODUCTION

Bonjour à toutes et à tous.

Merci de votre mobilisation. Merci à Reine pour sondynamisme. Merci à Monsieur Royoux. Merci également ànos amis français qui nous feront part de leur expérience.

Je vous présente les excuses du Ministre M. Prévot. Ilest déçu de ne pouvoir être parmi nous. En mars dernier,il a apprécié son rôle de chef de la délégation belge lorsde la 160e Commission de la condition des femmes auxNations Unies. Il est devenu un fervent défenseur desdroits des femmes. Il a compris qu’il était important dedonner l’exemple et que la question de l’égalité dessexes ne concerne pas que les femmes.

J’assiste à de nombreuses réunions de femmes, aucours desquelles un consensus apparaît souvent. Ceciétant, les femmes seront plus fortes si elles sontappuyées par des hommes pour relayer au sein de lasociété et des assemblées politiques les constats établis.

Le thème de ce colloque traduit une certaineévolution du combat des femmes. Le premier combatdes femmes, au 19e siècle, concernait le droit à l’accès àl’instruction. Depuis quelque temps déjà, les femmes sontdésormais majoritaires au sein des universités et desgrandes écoles. En outre, elles réussissent mieux que leshommes. Ceci étant, nous ne parvenons pas à exercernos compétences au niveau adapté.

En Belgique, l’écart salarial entre les femmes et leshommes est de 8 à 20 %. Les métiers exercés par lesfemmes sont moins rémunérateurs que ceux exercés parles hommes. En outre, il existe toujours un plafond deverre.

Les femmes ne bénéficient du droit de vote quedepuis 1948. Par ailleurs, il ne suffit pas que les femmessoient éligibles pour qu’elles soient élues.

En raison de la force des stéréotypes, des inégalitéssubsistent, même si les droits des femmes et les droits

des hommes sont désormais égaux. Le combat versl’égalité est particulièrement difficile en raison duphénomène de gender blind. Par ailleurs, le sexismenourrit les inégalités et les discriminations.

L’emploi du temps des femmes et l’emploi du tempsdes hommes sont particulièrement stéréotypés. Parsemaine, le temps consacré aux tâches ménagères par les mères de jeunes enfants est de 1 heure 22supérieur à celui consacré par les hommes ; le tempsconsacré aux soins des enfants y est de 1 heure 15supérieur. Les pères de jeunes enfants consacrent autravail rémunéré 2 heures 37 de plus que les femmes.

Nous devons être créatifs  ! Dans ce cadre, cecolloque prend tout son intérêt.

B. LE PLAN GENDERMAINSTREAMING

1) Elaboration du plan

La mise en œuvre de ce plan a été dictée par ladernière Conférence internationale des femmes, qui s’estdéroulée à Pékin en 1995. Lors de cette assemblée, nousavons discuté de l’intégration de la dimension du genredans les politiques. À New York, il y a quelques mois decela, le Ministre a rappelé que la Belgique est le premierpays à s’être doté d’une loi (fédérale) de gender -mainstreaming, parue en 2007.

En Wallonie, les principes de Pékin ont été déclinésdans un décret voté le 11 avril 2014. Ce décret imposeaux Ministres de définir leurs objectifs six mois aprèsl’installation du Parlement. Le 26  février 2015, lesMinistres se sont engagés à intégrer la dimension dugenre. Le plan a ensuite été présenté au Parlementwallon le 6 mars 2015.

Au niveau fédéral, le premier plan a été mis en placeen 2012. Les expériences pilotes ont toutefois montréla difficulté d’intégrer la dimension du genre dans toutesles politiques. Il a alors été demandé à chaque ministrede choisir deux politiques dans lesquelles intégrer cettedimension.

Seize politiques ont été retenues par le gouvernementwallon, après un travail collaboratif avec des associationsde femmes, et constituent des objectifs stratégiques. Pourévaluer ces politiques, nous devons disposer destatistiques suivant le genre. En outre, nous devonsidentifier les écarts entre les hommes et les femmes, et

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nous concentrer sur les différences susceptibles de créerdes inégalités, en vue d’imaginer des correctifs.

L’ancienne législature, dans le cadre du «  plangender », a mis en place des quotas dans la top hiérarchiede la fonction publique fédérale. Des mesures avaientdéjà été prises pour motiver les femmes à passer lesexamens et les soutenir. A compétences égales, lapréférence était donnée aux femmes. Par ailleurs, le planprévoyait aussi la possibilité pour les enfants de porterle nom de leur mère et celui de leur père.

Pour le plan Wallon, nous avons travaillé avecplusieurs partenaires, notamment avec l’Institut pourl’Égalité des Femmes et des Hommes (IEFH), l’InstitutWallon de l’Evaluation, de la Prospective et de laStatistique (IWEPS), et le Conseil Wallon de l’Égalitéentre Hommes et Femmes (CWEHF).

2) Les objectifs stratégiques

Les seize objectifs stratégiques sont les suivants : * Développer des statistiques sexuées ;* Lutter contre la pauvreté, en intégrant la dimension

du genre ;* Lutter contre la précarité des familles monoparentales ;* Favoriser le maintien à domicile  des personnes

handicapées, malades ou âgées ;* Promouvoir l’entrepreneuriat féminin ; * Mener une sensibilisation dans le cadre du plan numé-

rique (peu de femmes appartiennent aux filières qui fa-çonnent le monde, notamment aux filières digitales) ;

* Créer davantage de logements de qualité et menerune politique sociale du logement ;

* Encourager la prise en compte de la dimension dugenre au niveau local ;

* Améliorer la mobilité dans son ensemble ; * Accroître l’accessibilité aux différents métiers du

transport en commun et du transport scolaire ; * Soutenir la formation des travailleurs et des travail -

leuses des titres-services ;* Encourager la participation des femmes ou des

hommes au sein des secteurs d’activité professionnelleoù elles ou ils sont sous-représentés ;

* Intégrer la dimension du genre dans le cycle budgétaire ; * Développer les crèches et les structures d’accueil des

enfants ; * Améliorer le statut des agricultrices.

Pour mettre en place ce plan, nous avons créé un

Groupe Interdépartemental de Coordination (GIC),composé de représentants des cabinets ministériels, del’administration, de l’IEFH et de l’IWEPS. Nous avonsadopté le plan, préparé le rapport intermédiaire etorganisé des formations pour les membres des cabinetset des administrations.

La première étape a consisté à développer desstatistiques sexuées afin d’identifier les problématiqueset d’évaluer les politiques mises en place.

3) Un exemple : la lutte contre la précarité

des familles monoparentales

Un état des lieux des politiques menées a été réaliséafin de déterminer dans quelle mesure elles sontdiscriminatoires envers les familles monoparentales,sachant que les politiques familiales ont été conçuespour les familles nucléaires. Le but était également queles familles monoparentales fassent l’objet d’uneattention particulière en ce qui concerne les allocationsfamiliales. Nous souhaitons aussi faciliter l’accès auxinformations, pour que ces familles fassent davantagevaloir leurs droits.

En Wallonie, entre 1991 et 2013, la proportion defamilles monoparentales a fortement augmenté  : elleatteint quasiment 12 %. Dans 8 cas sur 10, c’est unefemme qui est à la tête de la famille monoparentale. Desétudes qualitatives montrent que la monoparentalitéentrave les femmes dans la recherche d’un emploi. Cesfamilles cumulent les difficultés (difficultés financières,difficultés dans la conciliation entre vie professionnelleet vie personnelle, difficultés liées à l’accueil de la petiteenfance et difficultés d’accès à l’instruction).

Ce sont surtout les femmes en couple ayant plusieursenfants qui travaillent à temps partiel. En ce qui concerneles parents seuls avec au moins deux enfants, les chancesde trouver un emploi sont plus grandes pour les hommesque pour les femmes. Le taux d’emploi est en effet de69 % pour les hommes, contre 40 % pour les femmes.

La participation des femmes sur le marché du travailest liée non seulement au nombre d’enfants, mais aussi àl’âge des enfants. Le taux d’emploi des mères en coupleest plus élevé que le taux d’emploi des mères seules.

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Les femmes à la tête d’une famille monoparentaleéprouvent des difficultés relatives au logement. Elles sontpeu nombreuses à être prioritaires. Elles occupent enoutre des logements de faible qualité.

Deux études sur la monoparentalité sont en cours,une étude sur les allocations familiales et une sur lescreening juridique. La situation de monoparentalitémenace les droits fondamentaux : le droit à l’emploi etle droit à la formation.

4) Le « test genre »

Le décret relatif à la loi de 2014 impose la réalisationd’un « test genre » pour toute nouvelle politique ouréglementation. En cas de nouvelle réglementation, leMinistre doit se demander si la politique menée présenteun risque d’inégalité. Le cas échéant, des mesures pourlimiter ce risque doivent être définies.

La première question du test, à laquelle chaqueMinistre doit répondre, est la suivante : « Le projet deréglementation affecte-t-il, directement et/ou indirectement,l’égalité entre les hommes et les femmes ? ».

Par exemple, le parcours d’intégration des migrants,qui comprend pour l’instant des cours de français et quidevrait également comprendre des cours de civisme,touche les hommes et les femmes migrants. Il pourraitindirectement concerner l’égalité entre les sexes.

La deuxième question du test est la suivante : « Y a-t-il des différences entre la situation respective des hommeset des femmes dans la matière relative au projet deréglementation ? Si oui, ces différences sont-elles sourced’inégalités ? ».

S’agissant du parcours d’intégration, nous ne disposonsque de données fragmentaires. Selon les données desConseils régionaux d’intégration, en 2016, parmi lespersonnes qui sont obligées de suivre le parcours, leshommes sont plus nombreux que les femmes. Néanmoins,parmi les personnes qui ne sont pas obligées de le suivre,les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Parailleurs, l’année dernière, lors de la crise migratoire, cesont surtout des hommes qui ont rejoint la Belgique. Lesfemmes sont en train de la rejoindre.

La troisième question du test est la suivante  :«  Comment comptez-vous prévenir et/ou compenser leséventuels effets négatifs du projet de réglementation  surl’égalité entre les hommes et les femmes ? ».

Pour le parcours obligatoire, aucune inégalité ne peutêtre constatée. En outre, au cours du parcours civique,les droits et les devoirs en Belgique pourront êtreprésentés. Les personnes pourront être sensibilisées envue de lutter contre les violences sexistes.

Ce type d’exemple nous montre les possibilités quenous possédons pour promouvoir les valeurs de laFédération Wallonie-Bruxelles, notamment celle d’égalitéentre les hommes et les femmes.

Je vous remercie vivement pour votre attention.

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Panel n°1 : « Action publique »

Par ailleurs, au regard du travail rémunéré et de l’en-semble des tâches domestiques, les femmes apparaissentplus « productives » que les hommes. En outre, le tempsde loisir des hommes est de 20 % supérieur à celui desfemmes. Le surinvestissement des hommes dans la sphèreprofessionnelle ne compense donc pas leur sous-inves-tissement dans la sphère familiale.

En outre, l’écart entre le temps de travail rémunérédes femmes et celui des hommes se creuse dès l’entréesur le marché du travail des femmes. Il est particulière-ment marqué quand les personnes ont entre 25 et54 ans, tout comme la disparité du temps consacré auxsoins et à l’éducation des enfants. Ces statistiques dé-montrent la persistance du modèle traditionnel, patriar-cal et sexué. Le foyer reste la sphère des femmes, tandisque le travail rémunéré reste la sphère des hommes.

Si le temps est a priori perçu comme un outil demesure quantitatif, il doit aussi être pensé de manièrequalitative. Si nous souhaitons améliorer la qualité de viedes individus, nous devons prendre autant en compte lasubjectivité des citoyens et le bien collectif.

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Baptiste DETHIER

Chargé d’études – Synergie Wallonie pourl’égalité entre les femmes et les hommes asbl

Synergie Wallonie a réalisé une étude sur lespolitiques temporelles en Belgique, avec le soutien deMadame la Ministre Isabelle SIMONIS. Cette étude estdésormais disponible en ligne, sur notre site1.

Les enquêtes sur les emplois du temps confirmentque ceux des Belges sont profondément inégalitairessuivant le genre. Pour notre pays, la dernière enquête aété publiée en 20152. On y apprend que, en tenantcompte de tou-te-s les répondant-e-s à partir de 12 ans :les hommes travaillent (de façon rémunérée) chaquesemaine en moyenne 5 heures 45 de plus que lesfemmes ; les femmes consacrent 25 heures par semaineà la gestion des tâches domestiques, contre 15 heurespour les hommes.

INTRODUCTION

1 – http://synergie-wallonie.org/publications/ • 2 – http://www.time-use.be/fr

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Notre premier panel portera sur le rôle despolitiques publiques au regard de ces thématiques. Lesinterventions alterneront entre prises de position,déclarations d’intention et argumentaires de politiquesdéjà en place. Comment prendre en compte lestemporalités dans l’action publique ? Comment intégrerle réflexe temporel au sein des villes et des communes,au même titre que le réflexe égalitaire, dans uneperspective transversale ? Comment permettre auxcitoyens de mieux gérer leurs temps sociaux ? Commentrapprocher les temps contraints des femmes et ceux deshommes afin que les femmes et les hommes disposentensuite d’un accès égal au temps choisi ?

Nous souhaitons construire non seulement unréseau de villes et de communes mettant en œuvre despolitiques temporelles, mais aussi un réseau de la sociétécivile, afin de veiller à ce que la prise en compte destemporalités dans l’action publique soit une réelle plus-value, et non une manière de creuser les inégalités.

L’objectif de ce colloque est de lancer pleinement lespolitiques temporelles en Belgique, ainsi que de fédérerdes intervenants autour d’intérêts communs. Noussouhaitons créer des fondations solides en termes devaleurs et de projets de société.

La publication de notre rapport de recherche seraprochainement suivie par les actes de ce colloque. Nousserons également très actifs dans le futur pour mettreen lumière les expériences positives et les risquespotentiels des politiques temporelles.

COMPOSITION DE LA TABLE RONDE :

* Katja KRÜGER : adjointe à la petite enfance etaux temps de la ville à Rennes, ville dont leBureau des temps, l’un des premiers en France, aété créé en 2002.

* Françoise TYRANT : en charge de l’égalitéentre les hommes et les femmes au sein de laDirection des Ressources Humaines à Rennes.

* Sophie LAMBERT : échevine du Logement, del’Emploi et de l’Égalité des chances à la ville deVerviers. Elle est depuis peu porteuse du premiervéritable projet de mise en œuvre des politiquestemporelles en Belgique, en collaboration avecSynergie Wallonie.

* Delphine CHABBERT : secrétaire politique àla Ligue des Familles, association de soutien à laparentalité portant des revendications àdestination des pouvoirs publics, formant etinformant les parents

* Valérie LOOTVOET  : directrice del’Université des Femmes, organisme d’éducationpermanente spécialisé dans l’enseignement et larecherche, ayant pour objectif de déconstruire lessavoirs dominants basés sur un modèle patriarcallégitimant des rapports inégalitaires en termes declasses sociales et de sexes.

* Cécile DE WANDELER  : responsable ducentre d’études de Vie Féminine, mouvementféministe d’éducation permanente travaillant àl’émancipation individuelle et collective desfemmes, et à la promotion d’une société solidaireet égalitaire.

* Bernard FUSULIER : sociologue à l’UniversitéCatholique de Louvain et maître de recherche auFNRS, spécialisé dans la conciliation des rôles etdes temps sociaux, co-directeur d’un rapport derecherche national sur l’enquête «  Emploi dutemps » en Belgique.

* Françoise BARÉ  : journaliste, animatrice dupanel.

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Table ronde : Politiques publiques – Articulation des rythmes de vie – Temps contraints et temps choisis

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En outre, le métier d’agent d’entretien s’estmasculinisé, notamment parce qu’il est désormaisdavantage reconnu. Nous souhaitons développer lamixité dans l’ensemble des métiers. Par ailleurs, peud’hommes travaillent dans les crèches. Les enfants nesont ainsi entourés que de femmes, lesquelles sont à leurservice. Comment dans de telles conditions pourrions-nous changer les mentalités ? Nous devrons mener untravail afin d’améliorer l’attractivité de certains postesauprès des hommes.

À chaque fois que les élus décident de mettre enœuvre une nouvelle politique publique, la question dutemps du travail des agents se pose. Par exemple, depuisquelque temps, la nouvelle Maire de Rennes développel’offre culturelle le dimanche, ce qui suppose que lepersonnel travaille le dimanche. Les femmesreprésentent 70 % de l’effectif de la Ville de Rennes. Desprimes sont versées en cas de travail le dimanche, maiselles ne permettent pas de compenser les frais de garde.

Les ressources humaines examinent ainsi la manièrede gérer les horaires atypiques. L’année dernière, en lienavec le Bureau des Temps, nous avons réalisé uneenquête auprès des agents : il apparaît que les horairesde 30 à 40 % des agents sont atypiques. Nous essayonsainsi de développer le télétravail et de compenser lescoûts liés au travail le dimanche.

Notre collectivité compte 4 500 employés. Elle sedoit d’être exemplaire dans la gestion des temps. Parailleurs, le Bureau des Temps, qui était rattaché à la Villede Rennes, a été mutualisé au niveau de RennesMétropole, qui compte 43 villes et 450 000 habitants.

Au début, le Bureau des Temps travaillait surtout surla question du temps dans les villes. Son champ d’actions’est ensuite élargi, dans la mesure où la question dutemps est transversale. En décembre, par exemple, unévénement sera organisé autour des questions du tempset de l’aménagement de l’espace urbain, en vued’améliorer l’égalité entre les hommes et les femmes.Notre ancien Maire, Edmond HERVÉ, considère que « letemps est un révélateur d’inégalités » : de ce fait, le tempsest aussi un levier de lutte contre les inégalités.

Nous avons également mené un travail afin que desconcerts soient proposés à l’heure du déjeuner. En outre,l’Orchestre Symphonique de Bretagne et l’Opéra

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RENNES : UN BUREAU DES TEMPS QUI S’ATTARDE SUR LE GENRE

par Katja KRÜGER et Françoise TYRANT

La question de l’égalité a toujours existé dans lapolitique de la Ville de Rennes. Les 35 heures ont été misesen place en 1983 dans notre ville, alors qu’elles ont étéseulement mises en œuvre en 2000 dans le reste de laFrance.

Edmond HERVÉ, Maire de Rennes pendant 35 ans, atrès tôt porté la question des politiques temporelles et aproduit un rapport parlementaire sur les temps des villes.A la suite des élections municipales de 2001, le premierbureau des temps a été créé à Rennes, en lien avec ladélégation sur les temps de la ville. La première actionconcernait le temps de travail des agents d’entretien dela ville, sachant que les femmes représentent environ 90 %de ces agents.

Quand des femmes sont devenues cadres à la ville deRennes, la question des temps s’est posée. Comment lesfemmes pouvaient-elles suivre un parcours professionnelascendant tout en gérant leurs contraintes familiales ?Nous nous sommes ensuite intéressés aux femmes noncadres, notamment aux agents d’entretien. A l’époque,près de 100 % des agents d’entretien étaient des femmes.En outre, ces agents travaillent tôt le matin, avantl’ouverture des bureaux, et tard le soir. Elles éprouvaientainsi des difficultés en termes de garde de leurs enfantset de déplacements.

Le Maire de Rennes a proposé d’examiner lapossibilité de modifier les horaires des agents d’entretien.Désormais, ceux-ci travaillent soit de 8 à 15 heures, soitde 10 à 18 heures. Tous les services précisent à quelsmoments le ménage peut être effectué dans les bureaux,pour favoriser la cohabitation.

La modification des horaires des personnelsd’entretien est satisfaisante, tant pour nous que pour lesagents. Nombre d’entre eux travaillent désormais àtemps plein, et plus à temps partiel. Par ailleurs, afin defavoriser la carrière des agents, six  postes ont étéouverts au concours d’agent technique. Des formationsont ainsi été proposées.

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proposent désormais des concerts à 18 heures, avec destarifs préférentiels. Les femmes ont dès lors plus defacilités à participer à ces concerts, durant lesquels desgarderies sont proposées.

Nous avons en outre mené un travail avec uneassociation, Parent bouge. Cette association proposeplusieurs crèches ouvertes en horaires décalés, ainsiqu’un dispositif de garde d’enfants à domicile pour lespersonnes qui travaillent à des horaires atypiques. Deplus, la Ville s’est dotée d’un guichet unique pourl’inscription des enfants dans les crèches, afin de faciliterl’accès aux services publics.

Au service des ressources humaines, nous avonsrédigé un guide afin que les femmes qui ont des enfantspuissent déterminer si elles doivent réduire, interrompreou modifier leur activité professionnelle. Notre objectifest de permettre aux personnes de mieux concilier lesdifférents temps.

Lors de la mise en place du Bureau des Temps, nousavons dû nous battre pour que ce Bureau existe. CeBureau est désormais bien identifié.

LES POLITIQUESTEMPORELLES À VERVIERS : UNE PREMIÈRE APPROCHE BELGE

– Françoise BARÉ : Sophie LAMBERT, après avoirentendu les deux premières intervenantes rennaisesayant exposé une série d’actions menées dans le cadrede politiques temporelles, pour quelle raison souhaitez-vous mettre en place ces politiques, voire un Bureau desTemps à Verviers ?

– Sophie LAMBERT : La première raison, c’est avanttout parce que ça me semble nécessaire. Il est évidentque les temps ont une influence transversale sur plusieursproblématiques (emploi, mobilité, accueil de l’enfance…). Nous sommes ainsi attentifs aux pistes d’améliorationde l’égalité temporelle dans notre ville, et les exemplesfrançais sont évidemment inspirants pour nous.

Notre première action devrait être la mise en placed’un guichet unique pour l’accueil de la petite enfance,accessible au départ du site internet de la ville, ce qui

permettra de limiter les déplacements. On y trouveraittoutes les informations nécessaires, la possibilitéd’inscrire son enfant, voir si des places sont disponiblesau moment désiré, etc.

Notre seconde action devrait concerner la gestiondu personnel. Je suis favorable au développement dutélétravail, ce que nous devrons réaliser en collaborationavec les organisations syndicales, pour toutes lesfonctions qui s’y prêtent – car toutes ne s’y prêtentmalheureusement pas.

Nous devrions aussi mener une campagne desensibilisation sur l’égalité entre les hommes et lesfemmes, avec des messages clairs pour lutter contre lesstéréotypes. En effet, les hommes doivent davantagesoutenir cette égalité, aux côtés des femmes.

En outre, en lien avec le monde associatif, nousexaminerons la possibilité de proposer des activitésculturelles, artistiques et sportives à des horaires décalés.Cela pourrait permettre aux femmes d’accéder ets’impliquer davantage dans une vie de loisirs. Il y a lapause méridienne mais d’autres moments peuvent êtreinvestigués dans cette optique.

Enfin, pour terminer dans ces premières pistesenvisagées, nous souhaitons également mener uneréflexion afin que des réunions de travail ne soient plusorganisées le soir. En tant que responsables politiques,nous devons aussi montrer l’exemple et mener lesdémarches vers nos collègues pour aller dans ce sens, ettravailler pour éviter aux femmes cette culpabilisationd’avoir à choisir entre assister à une réunion et rentrerpréparer le repas pour sa famille.

Les politiques temporelles, j’y crois et je pense quenous allons construire une bonne base de travail,notamment avec l’équipe de Synergie Wallonie.

– Françoise BARÉ : Vous vous rendez certainementcompte que cela ne va pas être simple. C’est une bonneidée de faire les concerts le midi, mais les femmes quitravaillent en profitent plus souvent pour faire lescourses, plutôt que de penser à une activité culturelle.D’autre part, la politique est-elle en mesure d’influencerles comportements, afin que les femmes ne soient plusconsidérées comme les responsables de la gestion dufoyer ? Les politiques temporelles ne risquent-elles pasde devenir un gadget politique, peu soutenu ?

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– Sophie LAMBERT: Ce n’est et ne sera pas simple mais,selon moi, les politiques temporelles doivent devenir unepriorité à notre niveau. C’est un choix politique auquelnous voulons réfléchir très sérieusement  : nous n’ysommes pas encore car cette façon de penser estrelativement nouvelle pour nous mais je suis motivée àce que la gestion des temps soient mieux pris en compteque par le passé.

Les femmes et les hommes doivent pouvoirdavantage contrôler leurs temps. D’un côté, on peutréfléchir à son organisation personnelle, à sa manière degérer les temps pour pouvoir l’optimaliser, le rendremeilleur par rapport à ses objectifs de qualité de vie.D’un autre côté, des actions de sensibilisation doiventêtre menées pour combattre les comportements tropgenrés. C’est difficile, mais le cas des pays nordiques oùla conception du rôle de la femme a très positivementévolué nous montre que des résultats peuvent êtreobtenus, et cela passe notamment par le politique.

Verviers est dirigé par une femme bourgmestre(Maire), sensible à la question de l’égalité entre lesfemmes et les hommes. J’ai déjà pu obtenir l’autorisationde prendre part à un projet européen, déposénotamment en collaboration avec Tempo Territorial.Toutefois, mener des actions nécessite des budgets, et jevais m’atteler à défendre mes projets lors des prochainesnégociations budgétaires, afin de les mener à bien.

LES INDIVIDUS, SURTOUTLES PARENTS, MANQUENTCRUELLEMENT DE TEMPS

– Françoise BARÉ : Delphine CHABBERT, quelle estvotre réaction quant aux propositions formulées par laville de Verviers, mais aussi aux actions menées à Renneset ailleurs ?

– Delphine CHABBERT : Comme j’appartiens à la Liguedes Familles, je précise que mon approche est parentale.Toutes les femmes ne sont pas des mères, et les mèressont aussi des femmes. Je représente un organisme desoutien à la parentalité, qui concerne autant les femmesque les hommes.

Je félicite Synergie Wallonie et son équipe pourcontinuer à insister sur cette problématique car les enjeuxsont importants. Néanmoins, j’assiste depuis quinze ans àdes colloques ayant pour thématique la conciliation entrela vie professionnelle et la vie personnelle. De plus, de trèsnombreuses études sociologiques de grande qualité ontété réalisées sur la conciliation des temps. Et maintenant ?Désormais, des mesures doivent être prises car lasituation ne fait que s’aggraver.

La Ligue des Familles a réalisé un baromètre l’annéedernière sur la situation des parents3. La question dumanque du temps est une problématique parentale etsociale. Six parents sur dix souhaiteraient être davantageprésents auprès de leurs enfants ; huit sur dix éprouventdes difficultés d’organisation quotidiennes ; huit sur dixindiquent être fatigués ; un parent sur deux déclare êtrestressé ; enfin, un parent sur trois pense présenter unrisque du burnout parental.

La question du temps constitue un enjeu de santépublique. La société engendre des risques de burnoutprofessionnel et de burnout parental. Elle engendreégalement des risques pour les enfants. Le budget dédiéaux problèmes de santé mentale a explosé, et cettehausse est en partie liée à la question du temps.

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3 – La version 2016 du « Baromètre des parents » de la Ligue

des Familles est disponible sur : https://www.laligue.be/Files/media/

488000/488559/fre/barometre-2016-vdef.pdf.

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Des politiques articulées doivent être mises en place :la question du temps est parentale et transversale. Elleest de plus en plus prégnante en raison de l’augmen -tation des familles monoparentales et de l’accroissementde la mobilité dans les parcours de vie.

Une bonne politique de conciliation supposel’accessibilité des services collectifs. Le nombre de crèchesdoit être augmenté : on le dit depuis très longtemps, il fautréinvestir dans la petite enfance. En outre, les démarchesdoivent être simplifiées. L’ONE s’est d’ailleurs engagé àcentraliser les inscriptions en crèche à compter de 2017.

Les temps sont en grande partie gérés par la SécuritéSociale. C’est en effet cette dernière qui fixe le temps dela vieillesse, le temps du repos, le temps de la retraite…En Belgique, la durée du congé maternité est de 15semaines. La durée du congé parental est de quatre mois,mais le montant de l’indemnisation n’est que de 700 eurospar mois.

Une politique familiale qui intègre un objectif d’égalitéentre les hommes et les femmes doit à la fois soutenir lesfemmes dans la vie professionnelle et impliquer davantageles hommes dans la vie familiale. Nous considérons que laprise du congé de paternité, qui dure 10 jours, devrait êtreobligatoire, afin que les mentalités. Par ailleurs, les jeunespères souhaitent prendre leur congé paternité. Selon uneenquête, 10 % des pères sont encore réfractaires. Ceciétant, si le congé paternité devient obligatoire, dans deuxgénérations, la prise du congé paternité sera considéréecomme tout à fait normale.

En Belgique, les écoles primaires ferment entre 15 heures 15 et 15 heures 30. Comment concilier ceshoraires quand on a une activité professionnelle à tempsplein ? C’est presque inconcevable. En outre, la politiqued’accueil extrascolaire est très peu développée. Lesrythmes scolaires doivent être réformés – et au vu desderniers débats sur le sujet, ça ne va pas être simple.

Bien entendu, le travail exerce également une pressiontemporelle. Certaines féministes s’opposent à la baisse dutemps de travail. Le travail à temps partiel est un piège àl’égalité. Il creuse les inégalités, dans la mesure où il implique des droits partiels. Par ailleurs, il ne permet pasnécessairement une baisse de la pression temporelle. Cependant, il est tout à fait possible d’envisager une politique de réduction du temps de travail qui intègre un

objectif d’égalité entre les hommes et les femmes. Unepolitique de GRH doit également être menée en faveurde la flexibilité des horaires, mais cette flexibilité doit êtrechoisie par les travailleurs et les travailleuses, et non imposée. Un projet annoncé en Belgique est la mise enœuvre d’une annualisation du temps de travail : cela auraitune incidence catastrophique sur la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Des actions politiques doivent être menées, de manière coordonnée,sur la sécurité sociale, l’organisation du temps de travailet l’accès aux services publics.

– Françoise BARÉ : Les politiques temporelles consti -tuent-elles un outil transversal ?

– Delphine CHABBERT : Oui, absolument. Lespolitiques temporelles doivent concilier l’offre deservices collectifs et la réduction du temps de travailindividuelle et collective. On a les moyens, aujourd’hui,de faire baisser cette pression temporelle mais c’est unchoix politique qui n’est pas encore opéré.

– Françoise BARÉ : Dans l’étude que vous citiez, voussignalez que le burnout parental concerne majori tai -rement les femmes diplômées à temps partiel. C’est aussiune preuve que le temps partiel peut être un piège.

– Delphine CHABBERT : En effet. Nous devonspoursuivre un objectif de justice sociale lors de la miseen œuvre des politiques temporelles. À défaut, lesinégalités, notamment les inégalités entre les femmes,seront renforcées. C’est une vigilance importante pourque les politiques temporelles soient mises en placecorrectement et ne se révèlent pas contre-productives.

– Françoise BARÉ : Pour revenir à la proposition deVerviers, la mise en place d’un guichet unique surinternet ne créerait-elle pas de nouvelles inégalités, sil’on pense à la fracture numérique ?

– Sophie LAMBERT : Nous y songeons, c’est certain.Le guichet unique serait un dispositif complémentaireaux dispositifs « physiques » actuels. Par ailleurs, c’estune action qui reste locale : des mesures législatives, auniveau wallon ou européen, doivent également êtreprises pour favoriser l’égalité temporelle.

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DES RÉALITÉS QUOTIDIENNES PRÉCAIRESOÙ LE TEMPS EST HORS CONTRÔLE

– Françoise BARÉ : Cécile DE WANDELER, quelle estla position de votre association, Vie Féminine ?

– Cécile De WANDELER : La Ville de Rennes acommencé ses actions sur les temps par les agentsd’entretien. Il est pertinent de prendre comme point dedépart les problématiques rencontrées par certainescatégories socioprofessionnelles, pour reconstruire unesociété plus égalitaire. Je suis heureuse que l’ons’intéresse à toutes les femmes, dont les femmes cadres,mais nous restons particulièrement vigilants aux femmesde milieux populaires, dans la mesure où elles cumulentles difficultés.

Les actions locales, surtout quand elles mettent enavant la participation des citoyen-ne-s, sont promet -teuses, et l’employeur public doit jouer un rôle exem-plaire. Ceci étant, des actions devraient aussi êtremenées par les entreprises privées, même si je crainsqu’elles soient peu représentées au sein de ce colloque.Très souvent, comme l’expliquait Delphine CHABBERT,des initiatives vont à l’encontre de perspectives socialeset égalitaires, comme la proposition d’annualisation dutemps de travail. Ce sont des problèmes structurels qui,malheureusement, masquent les bienfaits de certainespolitiques locales.

– Françoise BARÉ : Dans le secteur privé, lesconditions de travail sont souvent plus difficiles, ou dumoins les personnes qui y travaillent n’ont parfois pasd’espace de concertation. Si l’on prend par exemple descaissières de supermarché, des employé-e-s de magasinsfranchisés, etc. : c’est le privé qui doit changer ?

– Cécile De WANDELER : Je ne serai pas si radicale :les deux secteurs ont toute leur importance. Desdifférences structurelles existent mais l’exemple deRennes montre la nécessité de prendre les problèmes àbras-le-corps dans le secteur public. On a pu entendreque cette ville, avec l’adoption des 35 heures dès lesannées 1980, a été en avance sur un mouvement desociété plus global.

– Katja KRÜGER : En effet, la Ville de Rennes a servid’exemple pour le secteur privé, entre autres pourl’organisation du travail des agents d’entretien  : lafédération des entreprises de nettoyage a inscrit dansses contrats une clause sociale relative au temps detravail des agents, et plus d’une centaine d’entreprises sesont inspirées de cette clause.

– Cécile De WANDELER : Cela répond bien à laquestion : le secteur public est concerné également etpossède un devoir d’exemplarité.

Pour revenir aux politiques temporelles proprementdites, nous n’avons pas d’actions formellement identifiéescomme telles mais nous travaillons toutefois sur laquestion des temps. Nos revendications politiques sontd’ailleurs connues, et notamment partagées par la Liguedes Familles : l’amélioration des congés existants, uneréflexion sur la norme de travail à temps plein, laproblématique du temps partiel pour les femmes et sesimplications en termes de pension, en cas de divorce, etc.

La racine de ces problèmes est culturelle, et un travaildoit être réalisé afin de changer les mentalités deshommes, mais aussi celles des femmes. Les femmes doi-vent se réapproprier la question du temps personnel. Sou-vent, les femmes qui ne travaillent pas ne disposent quepeu de temps, car elles répondent à des attentes de la société. Il n’est pas étonnant que ce soient les femmes àtemps partiel qualifiées qui souffrent d’un burnout paren-tal, dans la mesure où elles doivent répondre à la fois auxinjonctions professionnelles et aux injonctions familiales.

Certains discours sont très culpabilisants pour lesfemmes. En effet, d’aucuns considèrent que les femmespeuvent tout à fait prendre du temps pour elles etdéléguer des tâches. La vision d’une gestion du temps entermes simplement « managériaux » est simpliste. Nousavons organisé un événement de trois jours sur cettethématique. Nous avons constaté l’existence d’unmalaise à ce sujet. Des changements structurels et deschangements de mentalité sont nécessaires. Chacun doitpouvoir disposer d’un temps pour soi, pour s’épanouir,pour rêver, pour dialoguer, pour créer…

Du temps pour s’engager, aussi : pendant longtemps,nous avons revendiqué la mise en place d’un congé« citoyenneté », d’une dizaine de jours par an. Mais lecontexte actuel se prête mal à ce qu’une telle demande

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soit entendue, et pourtant les gens s’engagent déjàbeaucoup dans la société, malgré tout cela.

– Françoise BARÉ : Les femmes évoquent souvent lanotion de sacrifice quand elles gèrent leur temps, ce queles hommes diront moins. Elles doivent en effet accepterdes sacrifices pour réaliser une activité donnée.

– Cécile De WANDELER : Les économistes consi -dèrent que le salaire est déterminé en fonction du pointd’équilibre entre le temps de travail et le temps de loisir.Néanmoins, ce principe ne s’applique pas pour lesfemmes. Il convient de prendre également en compte letemps consacré aux soins aux autres.

Les questions de l’égalité, des politiques temporelleset du soin sont transversales. Elles concernent en effetla sphère privée, la sphère publique et la sphèreprofessionnelle. Ces trois notions devraient se rejoindre,mais il me semble de plus en plus difficile d’organiser deréelles concertations avec l’ensemble des partiesprenantes.

Pour terminer, je souhaiterais faire part d’un constatque nous jugeons important également : le modèle decertaines femmes se rapproche de celui des hommes,mais les femmes concernées délèguent certaines tâchesà d’autres femmes, lesquelles sont précarisées. Parexemple, des femmes sans papier vendent leur force detravail, notamment dans les secteurs du soin. Il s’agit làd’une forme d’esclavage moderne, dont nous sommestous complices. En outre, des personnes vulnérables,notamment des personnes âgées ou des personnesmalades, sont prises en charge par des personneségalement vulnérables.

Je précise que notre mouvement propose desservices d’accueil de l’enfance à domicile, notamment desservices de garde d’enfants malades et des servicesd’accueil aux horaires atypiques. Cependant, si noussouhaitons répondre aux besoins bien réels des femmes,nous considérons qu’une limite doit être fixée à la flexi -bilité offerte par les services.

DE LA TRANSITION VERSUNE SOCIÉTÉ SALARIALEMULTIACTIVE

– Françoise BARÉ : Nous cédons à présent la parole àBernard FUSULIER, qui va nous proposer son regard desociologue sur ces débats.

– Bernard FUSULIER : Ce débat a montré l’importancede mener des actions locales. Néanmoins, les actions sociales s’inscrivent dans un cadre, qu’elles ne modifientpas, et un problème structurel ou sociétal se pose.

Certains des termes utilisés sont ambivalents. Leterme «  travail  » est associé à l’emploi. Toutefois, lestâches ménagères sont aussi du travail. Cette ambiguïtéest fondamentale. Nous restons attachés à la vision de lasociété salariale, laquelle a réduit le « travail » à une seuleactivité, à savoir l’activité professionnelle rémunérée.

La société salariale s’est structurée autour del’emploi. Pour les économistes, l’investissement dans lessoins ou dans la citoyenneté n’est pas considéré commedu travail. Pourtant, il est socialement utile, il produit dubien commun. Pour quelle raison notre société nereconnaît-elle pas ce type d’activités  ? Nous devonspasser d’une société salariale monoactive à une sociétésalariale multiactive.

Le terme de « congé » a également été utilisé. Toute-fois, à travers l’utilisation de ce terme, nous nous inscri-vons dans le paradigme du travail rémunéré. Nousconsidérons en effet que nous sommes en congé de laseule activité reconnue dans notre société. Nous devonsdonc modifier notre terminologie afin de changer la so-ciété.

La société salariale s’est articulée autour d’une seuleactivité pour l’intégration socio-économique. Elleconsidère en outre que la conciliation entre le travail etla famille repose sur le ménage, à travers une divisionsexuelle du travail productif et du travail reproductif.

Compte tenu de la féminisation du marché du travail,la conciliation est désormais pensée à un niveauindividuel. En outre, la nécessité d’une conciliationsuppose l’existence de tensions. Notre société ne s’estpas constituée autour de cette nécessaire conciliation.Des correctifs ont été mis en place pour que le système

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tienne, mais nous constatons des failles, lesquelles setraduisent par l’apparition de maladies de longue durée,de cas de burnout et de mal-être, et ce aussi bien chezles hommes que les femmes.

Les mesures telles que la mise en place d’un guichetunique de la petite enfance, comme proposée par SophieLAMBERT, sont importantes, dans la mesure où ellesaméliorent le bien-être. Néanmoins, ces mesures sontdes correctifs qui ne transforment pas la société.

Comment transformer la société actuelle en unesociété salariale multiactive permettant à chacun deconstruire son parcours de vie ? Dans cette perspective,le crédit-temps est un dispositif novateur : à travers cedispositif, la société octroie la prise d’un temps pour desconvenances personnelles. Ce dispositif est toutefoisactuellement attaqué, dans la mesure où il est considérécomme un coût.

Une valeur doit être donnée aux autres activités quel’emploi. Des dispositifs doivent être mis en place pourfluidifier les parcours de vie. Renforcer le crédit-tempspermettrait de mieux répartir l’emploi, de soulager laSécurité Sociale, à travers une baisse du nombre demaladies de longue durée, et d’améliorer l’égalité entreles femmes et les hommes.

– Françoise BARÉ : Le crédit-temps constitue un droit.Cependant, dans la fonction publique, les personnes quiprennent un crédit-temps ne sont pas remplacées. Sonutilisation est ainsi mal perçue. Or, la prise d’un crédit-temps permettrait aux femmes de s’engager davantagedans la société. Ceci étant, de nombreuses femmesrenoncent à prendre un tel crédit, alors que les hommesn’ont pas forcément besoin d’un crédit temps pours’engager dans la société.

– Bernard FUSULIER : Si le congé parental devenaitobligatoire, aucune négociation avec le milieuprofessionnel ne serait nécessaire. De nombreux pèresseraient ainsi soulagés. En outre, le congé parental seraitsans doute naturalisé.

Il ne s’agit pas de faire de la révolution. La transfor-mation de la société et le changement de mentalités pas-seront par la mise en œuvre d’actions incrémentales etprogressives. Les mentalités se changent très difficile-ment : on parlait des pays scandinaves, les évolutions sontintéressantes mais la division sexuée du travail y reste

importante. Nous ne devons pas nous regarder dans lerétroviseur mais de fixer un objectif et définir la manièrede l’atteindre. Nous devons définir des utopies réalistes.

QUESTIONS DU PUBLIC ET DÉBATS AVEC LA SALLE

– Intervention du public : Rébecca CARDELLI (IWEPS –

Institut Wallon pour l’Évaluation, la Prospective et la

Statistique) : Monsieur FUSULIER, dans quelle mesure lavalorisation du travail non salarié permettrait-elle deréduire les inégalités entre les hommes et les femmes ?La baisse des inégalités par ce biais suppose que lesfemmes souhaitent que les activités non rémunéréessoient reconnues et qu’elles souhaitent y consacrer dutemps. Or, actuellement, de nombreuses femmes sontobligées de travailler dans le domaine du care etcontraintes de prendre en charge les tâches domestiques.

– Bernard FUSULIER : Si nous menons des politiquespubliques en vue de reconnaître la pluriactivité, nousdevrons veiller à ce que les mesures prises ne soient pasun piège pour les femmes. La valeur famille est trèsimportante. En outre, les enquêtes montrent que lespères souhaitent être davantage présents dans le care, cequi est un bon signe.

Les statistiques sexuées ne posent pas la question dugenre. Les valeurs présentées comme féminines sont desvaleurs humanistes. Il en est ainsi des valeurs liées au care.Des actions culturelles et politiques doivent être menéesafin que les attributs ne soient ni hiérarchisés ni sexués.Comment ajuster au mieux les politiques ?

Si nous considérons qu’il n’est pas possible dedépasser la domination masculine sans faire la révolution,nous serons face à un dilemme. Nous pouvons toutefoisconsidérer que la condition de la femme et la manièredont l’homme se pense ont beaucoup évolué depuis lesannées 1930. Le temps de travail domestique deshommes augmente, tandis que celui des femmes diminue,même si l’écart entre les sexes reste trop important. Enoutre, le temps consacré aux soins des enfants par leshommes a augmenté.

Des transformations sont en cours. Nous devonsappréhender ces transformations, en vue de mettre encohérence les politiques actuelles et de développer de

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nouvelles politiques, tout en étant attentifs à la questionde l’égalité entre les hommes et les femmes et à laquestion de la multiactivité.

En outre, accorder une valeur aux activités horstravail permettrait aussi d’attirer les hommes. Il seraitdifficile d’indiquer que les activités hors travail n’ontaucune valeur et de demander aux hommes de s’investirdans ces activités.

– Françoise BARÉ : En outre, le féminisme estdévalorisé, « réduit » à une image négative d’oppositionaux hommes. N’est-ce pas plus difficile de changer lesmentalités ? Toutes les femmes pensent-elles encore quele combat féministe est nécessaire ?

– Cécile De WANDELER : Tout d’abord, il existeplusieurs féminismes. Par ailleurs, la critique du féminismeau singulier est révélatrice : s’il est critiqué, c’est que lecombat féministe reste subversif et dérange lespersonnes qui ne souhaitent pas que la société évolue.

Notre mouvement a beaucoup réfléchi sur le mythede l’égalité déjà présente (l’égalité des droits) et surl’adhésion au combat féministe. Ces questions sontcomplexes et différents types de clivages jouent un rôled’aimant ou de repoussoir au combat féministe.

Nous arrivons au bout d’un modèle de société. Lesfemmes se positionnent différemment. Certaines sontfavorables à l’allocation universelle ; d’autres, aux RTT,d’autres encore à la reconnaissance du travail d’aidantproche… La mise en place d’un autre modèle de sociétéest un combat – mais peut-être le terme n’est-il pas toutà fait approprié – féministe. Cependant, il ne concernepas que les femmes, contrairement à ce que l’on pensetrop souvent, mais l’ensemble de la société.

– Bernard FUSULIER : Deux petits commentaires.Premièrement, la question du genre est relationnelle. Elleconcerne toujours les hommes autant que les femmes.

Deuxièmement, en France, un débat important a eulieu sur l’introduction de cours sur le genre. Il est fonda-mental d’introduire ce type de cours dans l’enseigne-ment, afin que chacun puisse comprendre comment sesont construits les rôles sociaux. Des cours de citoyen-neté sont en train d’être mis en place au sein de la Fé-dération Wallonie-Bruxelles  : mais quelle place seraaccordée à la question du genre ?

– Delphine CHABBERT : Les deux parents devraientêtre pourvoyeurs d’argent et de soins. Nous devons ainsifavoriser les dispositifs qui permettent d’impliquer davan-tage les hommes dans la vie familiale et de soutenir lesfemmes dans leur implication dans le monde du travail.

Nous devons aussi nous interroger sur le modèle desociété que nous défendons. D’aucuns considèrent queles crèches devraient être ouvertes 24 heures sur 24, pourrépondre aux besoins des parents. Cependant, s’agit-il desbesoins des parents ou s’agit-il des besoins du marché ?

Mon organisme n’est pas favorable à l’ouverture decrèches 24 heures sur 24, même s’il existe déjà de tellescrèches, notamment pour les parents qui travaillent en mi-lieu hospitalier. Les repères temporels se brouillent. Jusqu’àquel point devons-nous répondre à la demande d’ouver-ture des services publics ? Quels marqueurs temporelsdevons-nous fixer pour donner un sens à la société ?

Nous avons davantage besoin de temps communs, depasser plus de temps ensemble. Les parents et les en-fants, les hommes et les femmes : c’est une question decohésion sociale, d’inclusion sociale, la question du tempsest essentielle pour le bien-être des individus commepour les questions de relations inter générationnelles,voire de radicalisme.

– Katja KRÜGER : Tant que je serai adjointe à la petiteenfance à la Ville de Rennes, aucune crèche n’ouvrira 24 heures sur 24.

En Allemagne, une Ville a travaillé avec les hôpitauxafin d’éviter que les parents de jeunes enfants travaillentle soir et la nuit. Par ailleurs, la Ville de Rennes a lancé la« saison des dimanches » : une offre culturelle gratuiteest proposée tous les dimanches). Se pose donc la ques-tion du travail le dimanche, d’autant plus qu’un mouve-ment de grève a eu lieu quand nous avons décidéd’ouvrir les bibliothèques le dimanche.

– Françoise TYRANT : La question de la compensationfinancière du travail le dimanche se pose toujours, c’estnormal. Il convient de réfléchir en amont sur le coûtd’une politique publique, notamment sur ce point.

– Katja KRÜGER : Si notre rémunération était suffi-sante, de nombreuses problématiques disparaîtraient. En France, si les femmes étaient aussi bien payées queles hommes, la Sécurité Sociale ne serait pas déficitaire.

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En outre, les mères travaillent plus souvent à temps par-tiel que les pères, dans la mesure où elles sont moinsbien rémunérées.

– Intervention du public : Benoît GUINAMARD (Conseil

Régional des Hauts de France) : En tant que membre deTempo Territorial, je souhaite partager une expériencemenée, depuis quelques années dans notre région, sur lacaractérisation du développement.

Des efforts sont encore nécessaires pour que chacunprenne conscience des inégalités, et la manière dont nousutilisons les données est déterminante. Nous avonstravaillé sur les indicateurs complémentaires au ProduitIntérieur Brut, en vue de pouvoir comparer les régionset de caractériser les disparités sociales et territorialesau sein d’une région ou au sein d’une commune.

Au cours des dernières années, nous avons puavancer à ce sujet, grâce à l’agenda régional 21,  àl’élaboration d’une stratégie régionale d’aménagementet à la définition d’un plan régional sur l’égalité entre leshommes et les femmes.

Un panel de citoyens, composé de 15 à 20 personnes,a fait état de ses perceptions relatives aux critères prisen compte dans les indicateurs alternatifs dedéveloppement, tels que les inégalités entre les femmeset les hommes, l’empreinte écologique, la participationdes femmes à la vie locale…Il a ensuite été envisagé deconstruire un forum hybride permanent, réunissantplusieurs dizaines voire centaines de personnes.

Le fait de travailler sur les temps intéresse les autresservices, et c’est comme cela que des collègues m’ontsollicité pour réfléchir à la manière de caractériser lesinégalités relatives au genre, aux transports, aux soins, àla culture… Il s’agit de développer progressivement unréflexe, à tous les échelons de pouvoir, et ainsidévelopper des outils plus pertinents.

– Sophie LAMBERT : Je voudrais également soulignerl’importance du terme de « réflexe », qui décrit bien mavision. À Verviers, dans notre Déclaration de PolitiqueCommunale (DPC) – texte d’orientation politique publiéen début de législature –, nous avons veillé à ce que laquestion de l’égalité entre les hommes et les femmesapparaisse de manière transversale. Ce doit être unréflexe car cela vaut pour la petite enfance comme pourles travaux publics, l’urbanisme ou l’accès à l’emploi. Cela

devrait se retrouver dans toutes les DPC. Chaqueéchevin doit ainsi prendre en compte cette question delui-même, et je dois dire que le réflexe commence à biens’ancrer.

– Intervention du public : Marie GILOW : Doctorante àl’Université Libre de Bruxelles, je travaille sur la mobilitédes mères qui travaillent et je recueille beaucoup detémoignages. Dans le secteur du nettoyage se pose laproblématique des horaires coupés et des horairesdécalés. Une mère, qui travaille de 6 à 13 heures 30, doitréveiller son enfant tous les jours à 4 heures 30. En outre,comme son logement est trop éloigné des transports encommun, elle doit loger chez sa mère en semaine. Sonchef refuse de modifier ses horaires.

Le système de transports en commun n’est pas assezdéveloppé, et les logements sont trop onéreux. Certes,il faut des utopies réalistes mais n’oublions pas qu’unegrande partie des décisions qui ont une incidence surnotre vie sont prises par des entreprises qui utilisent lamain d’œuvre dans un objectif de rentabilité. Lespersonnes les plus précaires ne sont pas en position denégocier les horaires et sont soumises à une logique derentabilité.

– Katja KRÜGER : De notre côté, le Bureau des Tempsde la Ville de Rennes participe aux réflexions surl’aménagement du territoire, l’urbanisation, la proximitéentre les lieux de travail et les lieux d’habitation, en vuede mener une politique volontariste en matière delogements sociaux.

De plus, nous devons faire en sorte que chacunpuisse bénéficier d’une certaine liberté dans l’usage destransports en commun. Néanmoins, devons-nous élargirles plages d’ouverture des services publics afin que lespersonnes soient davantage exploitées ? Nous devonsréfléchir à un autre modèle de société.

– Françoise TYRANT : A Rennes, la Maison de l’Emploia mobilisé la fédération des employeurs, qui a rédigé unecharte sur les horaires, signée par une centained’entreprises. Les villes d’Angers et de Nantes encouragentégalement les groupements d’employeurs à rédiger unetelle charte.

Par ailleurs, même au sein d’une collectivité publique,il n’est pas toujours possible d’identifier des solutionspour les personnes qui connaissent des problématiques

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de garde d’enfant et de déplacement. Parfois, noussuggérons aux personnes concernées de se retirer dumarché de l’emploi pendant quelque temps ou dechanger de poste.

– Intervention du public : Chantal TROUWBORST (Ville

de Dijon) : Je suis conseillère municipale déléguée auxtemps urbains de la ville de Dijon et conseillèrecommunautaire.

À Dijon, nous menons aussi une réflexion sur leshoraires des agents d’entretien (en journée et encontinu), en lien avec la Fédération des Entreprisesd’Entretien. C’est un travail de longue haleine. Ceci étant,il faut savoir que certains employés municipaux ne sontpas favorables à un changement d’horaires, dans lamesure où ils ont organisé leur vie, depuis longtemps, enfonction de leurs horaires actuels. On ne peut pas nonplus imposer des horaires continus à tout le monde maispouvoir individualiser.

Intervention du public : Magali TOLENDE (étudiante à

l’UCL) : En Belgique, des négociations sont-elles prévuesavec les sociétés de transport en commun ? Commentcela se passe-t-il ?

– Sophie LAMBERT : En tant qu’élue locale, négocieravec les sociétés de transport en commun est trèsdifficile. Par exemple, je me bats depuis plusieurs moispour obtenir l’installation d’un arrêt de bus devant unemaison de repos mais, pour des motifs économiques,cette demande est refusée car les lignes de bus sontpensées en termes économiques et non en termes debesoin de la population. Il faut se pencher sur les tempsen matière de mobilité, mais la tâche est vraiment ardue.

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Baptiste DETHIER

Chargé d’études – Synergie Wallonie pourl’égalité entre les femmes et les hommes asbl

En Wallonie, des politiques sont dédiées à la cohésionsociale, et de nombreuses villes et communes disposentd’un Plan de Cohésion Sociale. Elles ont pour objet lalutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, tout enfavorisant l’accès de tous les citoyens aux droitsfondamentaux.

La prise en compte des temporalités représente uneopportunité pour développer la participation etconstruire la vie collective, à partir des aspirationsindividuelles. Les enquêtes sur l’emploi du tempsmontrent que les femmes disposent de moins de tempsque les hommes pour la vie citoyenne. Il importe ainside veiller à inclure les femmes dans les instances dedécision et dans les consultations populaires.

Cette vigilance est nécessaire dans les réflexions surl’importance des comités de quartier, sur ladécentralisation des services administratifs, ainsi que surles relations entre l’urbain et le rural. Le vivre ensembleconcerne aussi bien l’espace que le temps. Les territoiresdoivent concevoir leurs espaces publics comme des lieuxde vie partagés, qui peuvent à la fois provoquer de lacohésion, mais aussi des conflits liés aux différents usagespossibles de ces espaces.

Comment penser le vivre ensemble en termes detemporalité ? Pour quelle raison les femmes n’ont-ellespas l’occasion de se faire suffisamment entendre  ?Comment y remédier ? Est-il possible de mettre en placeune réelle concertation égalitaire et quadripartite, quiréunit à la fois les responsables politiques, les citoyens,les entreprises et les travailleurs ?

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Panel n°2 : « Action publique »

INTRODUCTION COMPOSITION DE LA TABLE RONDE :

* Katja KRÜGER : adjointe à la petite enfance et auxtemps de la ville à Rennes, ville dont le Bureau destemps, l’un des premiers en France, a été créé en 2002.

* Françoise BEY : Adjointe au Maire de Stras bourg encharge des Droits des femmes et de l’Égalité de genre,elle est par ailleurs Vice-présidente de l’Eurométropolede Strasbourg. Strasbourg est membre du réseau TempoTerritorial.

* Stéphanie SCAILQUIN : Échevine de la Cohésion sociale, du Logement, de l’Urbanisme et de l’Égalité deschances pour la ville de Namur, elle participe activement,entre autres, à l’actuelle rénovation de plusieurs quar-tiers du centre urbain namurois. Au sein de ce projet degrande envergure, elle tient à prendre en compte, enamont, une démarche genrée d’une ampleur relative-ment inédite dans le paysage politique belge.

* Laetitia NOLET : program manager pour le ForumBelge pour la Prévention et la Sécurité Urbaine. CeForum rassemble 83 villes désireuses de participer àune réflexion sur les politiques locales de préventionde la criminalité et de lutte contre le sentiment d’insé-curité et réalise la promotion et la coordination desprogrammes mis en œuvre sur ces thématiques.

* Daisy HERMAN : secrétaire générale de l’ACRFFemmes en Milieu Rural, mouvement d’éducation per-manente dont les objectifs concernent l’épanouissementdes femmes ainsi que la promotion du milieu rural avecla défense des valeurs démocratiques pour plus de justicesociale et d’égalité entre les femmes et les hommes.

* Carine JANSEN, directrice de la Direction interdé-partementale de la Cohésion Sociale en Région Wal-lonne, qui a pour notamment pour mission decoordonner des plans d’action et développer une dyna-mique transversale et intégrée pour promouvoir la co-hésion sociale et l’accès de tous aux droitsfondamentaux.

* Claire GAVRAY : sociologue, cheffe de travaux etchargée de cours adjointe à l’Université de Liège, spé-cialiste des trajectoires personnelles et professionnellesqui intègre constamment la dimension du genre dansson analyse des phénomènes sociaux. Elle a notammenttravaillé sur les adolescents, les femmes et la mobilitéou encore la délinquance juvénile.

* Françoise BARÉ : journaliste, animatrice du panel.

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FBPSU : UNE ENTRÉE PAR LE TEMPS DE LA NUIT

Par Laetitia NOLET

Le Forum Belge est une association composée de 77 villes et communes, représentées par leurbourgmestre. Il a été créé en 1995 par les cinq grandesvilles belges (Charleroi, Liège, Gand, Anvers et Bruxelles).Ce forum a pour ambition d’améliorer la concertationentre les élus locaux et les professionnels de terrain, envue de mettre en avant le rôle des communes dans lespolitiques de sécurité, de prévention de la délinquanceet de prévention du sentiment d’insécurité.

Le Forum Belge travaille en étroite collaboration avecle Forum Européen pour la sécurité urbaine, qui compte350 villes européennes réparties dans dix pays.

Les objectifs du Forum Belge sont les suivants : * Rassembler et échanger ; * Réfléchir sur les pratiques ;* Promouvoir les expériences validées ;* Représenter le niveau local ; * Convaincre les coordinations régionales, supra-lo-

cales, fédérales et européennes ;* Professionnaliser les programmes de prévention et

de lutte contre l’insécurité urbaine ; * Échanger les pratiques.

Le Forum est actuellement présidé par lebourgmestre de Schaerbeek. Le réseau fédéral s’appuiesur les communes et les autorités locales pourdévelopper des partenariats, réaliser des diagnosticspartagés et mettre en œuvre des projets qui répondentaux besoins des citoyens.

Nous avons publié différents travaux relatifs àplusieurs thèmes : * Le travail social de rue ; * La représentation des femmes dans les médias ; * L’incidence de la médiation ouverte sur l’espace public ; * L’identification de projets intergénérationnels per-

mettant de diminuer les tensions dans les quartiers ; * L’identification des actions susceptibles d’améliorer

le sentiment de sécurité dans les locaux sociaux ; * L’amélioration de la qualité de vie des personnes

prostituées ; * La gestion de la fête ; 

* La réalisation de diagnostics locaux et sociaux sur la sécurité, en partenariat avec les acteurs et en croisant les données ;

* La prévention de la radicalisation violente ;* La collecte de bonnes pratiques innovantes de lutte

contre la discrimination, le racisme, la xénophobie etl’intolérance (nous travaillons avec huit partenaireseuropéens en vue de rédiger un guide qui sera diffusépar le Forum Européen).

Nous travaillons avec les services de prévention descommunes et je coordonne un réseau d’échanges debonnes pratiques.

En ce qui concerne la problématique de la nuit pourles femmes, nous travaillons avec les coordinateurs/gardiens de la paix, qui sont des agents de convivialité.Leurs horaires de travail sont en train d’être modifiésafin d’accroître leur présence la nuit.

Nous souhaitons que la ville soit un espace partagé,sécure et confortable pour tous, même la nuit. Il est trèsimportant pour les villes de développer une politique dela nuit transversale. Les besoins, les usages et les attenteschangent la nuit. La nuit, les repères disparaissent. Lesinquiétudes, les peurs et le sentiment d’insécurités’accentuent, mais la délinquance réelle n’en est que l’undes facteurs. La nuit est aussi un espace de convivialité,de cohésion sociale et de bien-vivre ensemble.

Le développement d’espaces festifs et de modes deconsommation excessive a des incidences sur la santé etsur la sécurité. De nombreuses villes européennes fontface à des enjeux majeurs de gestion de la vie nocturne :des services publics adaptés doivent être mis en place.

L’espace public est un lieu de rencontre, desocialisation et de vivre ensemble. Il existe un lien directentre la manière dont l’espace public est conçu et lesentiment de sécurité. Une théoricienne française adéveloppé le concept de surveillance spontanée. La paixde la ville n’est pas que l’affaire de la police, elle estrésultat d’une action spontanée des habitants. Noussommes tous acteurs de notre propre sécurité. Noussommes tous coresponsables.

Comment combattre l’exclusion et inspirer laconfiance et le respect  ? Comment combattre lesincivilités et prévenir le sentiment d’insécurité  ? Lestravailleurs de rue, les agents d’entretien, les agents de

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Table ronde : Vivre ensemble – Espaces publics

– Citoyenneté

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l’environnement, les policiers municipaux et les acteursdu vivre ensemble contribuent à asseoir ce sentiment desécurité. Quel est toutefois le mandat de la ville dans ladéfinition, la mise en œuvre et la gestion de la prévention,sachant qu’une réforme des métiers traditionnels de laville est parfois nécessaire, dans un contexte derésistance au changement de la part des professionnelset des habitants ?

L’espace public est le vecteur d’une possiblemédiation permettant de résoudre les conflits. Il est aussiun lieu de cristallisation des tensions de la maison, dudomicile et de l’école. La nuit est également un tempsde cristallisation des tensions de la journée.

À mon sens, la transversalité de la temporalité estpeu formalisée. Il existe un risque de diminution del’espace public, notamment pour les populations les plusvulnérables. Les élus locaux doivent conserver un espacepublic ouvert à tous. Ils doivent prendre des mesures quiincluent tous les habitants, plutôt que de prendre desmesures qui les excluent, telles que le retrait des bancspublics, qui permettent aux personnes sans-abri dedormir la nuit.

Il existe plusieurs outils pour réaliser un diagnostic.J’ai participé à des marches exploratoires à Liège et àMons, à la tombée de la nuit et en pleine nuit, avec desfemmes, un rapporteur et un gestionnaire du temps. Lesmarches exploratoires permettent d’identifier lesproblématiques qui génèrent un sentiment d’insécurité.En outre, ces problématiques peuvent être résoluesgrâce à des micro-interventions peu onéreuses.

Comment mobiliser les publics relativement difficilesà toucher ? Comment toucher les femmes victimes deviolences intraconjugales, qui ont un parcours demigration ? Les ateliers locaux récréatifs, qui constituentdes lieux d’expression sur le sentiment de sécurité et decohésion, devraient être développés. Le rassemblementde femmes autour de passions communes, d’activitéscollectives, permet à celles-ci d’échanger.

Il est nécessaire de concilier le besoin d’attractivitéd’une ville et le besoin de cohésion. Il est possibled’étendre les horaires des professionnels en soirée, maisune bonne coordination des fonctions est nécessaire. Enoutre, les fonctions d’intégration, et non les fonctions derépression, doivent être privilégiées. Malheureusement,

dans l’espace public, nous avons tendance à résoudre lesproblèmes à court terme.

Néanmoins, nous constatons un développement despolitiques transversales d’encadrement de la nuit.Prenons l’exemple du quartier du « Carré » à Liège :c’est un endroit festif, situé dans un quartier résidentiel,pour lequel une charte a été définie – « Pour un Carréqui tourne rond  ». Un partenariat public/privé a étéconclu, entre les acteurs de la nuit, les écoles et lesecteur spécialisé. Des mesures ont été prises en vue dedissuader les éventuels auteurs d’infractions. En outre,des actions de sensibilisation ont été menées auprès descitoyens. Les établissements ont proposé un accueil dequalité. Par ailleurs, des taxis intelligents, responsables etpartagés ont été mis en place pour les retours audomicile. Les vols ont ainsi diminué de 20 % ; les bagarres,de 28 %. La ville de Liège publiera bientôt un documentintitulé « la nuit dans tous ses états ».

En outre, plusieurs villes ont créé la fonction demanager de la tranquillité publique, en vue de favoriserla cohérence des actions relatives à la résolution desnuisances publiques.

Nous avons de nombreux rôles à jouer. Il est possiblede se combiner ces différents rôles tout en se sentantbien dans l’espace public. Nous devons favoriser unregard positif sur ces rôles et sensibiliser nos élus locaux,en promouvant la concertation, les interactions entre lesdifférents protagonistes.

NAMUR : UN REGARD GENRÉ SUR LA RÉNOVATIONURBAINE

– Françoise BARÉ : Au-delà de la nuit, c’est l’espacepublic au sens large qui se décline en différents temps.Un autre exemple est la rénovation actuelle de plusieursgrands quartiers de la ville de Namur, dont le quartiercentral de la gare. La capitale de la Wallonie est en outrela première ville à poser concrètement un regard genrésur ce type de transformations. Des marchesexploratoires y sont notamment organisées. StéphanieSCAILQUIN, comment ont-elles été menées et quelssont leurs apports ?

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– Stéphanie SCAILQUIN : La ville de Namur a souhaités’impliquer dans la question de l’égalité entre leshommes et les femmes et dans la question du genre. Dèsle début de la législature 2012-2018, nous avons signé lacharte sur l’égalité proposée par la Région. Nous avonsréuni les associations féminines et féministes, à traversla mise en place d’une plateforme Namur’Elles, afin deréfléchir ensemble sur les questions de genre et d’égalité.Notre volonté était de porter un regard féminin sur lesquestions traitées par l’administration communale.

Les politiques temporelles et les politiques relativesà l’égalité sont des politiques transversales. D’abord, ilconvient ainsi qu’une personne porte ces politiques. En-suite, il est nécessaire d’identifier au sein de l’administra-tion des agents qui pourront assurer le suivi desdécisions politiques. Enfin, il convient enfin de convaincrel’ensemble des services et des adjoints aux maires.

Nous avons mené une réflexion en vue de mettre enplace le premier « plan genre » en Wallonie et d’intégrerainsi le genre et l’égalité dans l’ensemble des politiquescommunales. Mes collègues ont accepté la fixation dedeux objectifs relatifs à l’égalité. Un de ces objectifs estde réaliser des marches exploratoires en amont de ladéfinition de chantiers d’urbanisme, afin d’identifier lesfacteurs qui favorisent la sécurité ou l’insécurité.

Les marches exploratoires ont été réalisées avecl’ASBL Garance, spécialisée en la matière. Nous avonsmobilisé des habitantes du quartier et des personnes quiy travaillent, également utilisatrices des espaces publics,ainsi que les associations partenaires de la plate-formeNamur Elles. Les marches ont eu lieu à différentsmoments de la journée et de l’année, par groupe d’unedizaine de femmes. Chaque personne a une sensibilitédifférente et met en évidence les facteurs quiempêcheraient de fréquenter le quartier, suivant l’heuredu moment où la saison dans l’année.

Un rapport sur ces marches exploratoires est encours de réalisation et servira à l’établissement descahiers des charges pour les grands travaux prévus.

– Françoise BARÉ : Comment cette cartographiesensorielle et pratique du quartier de la gare sera-t-elleutilisée concrètement ?

– Stéphanie SCAILQUIN : Par exemple, l’ancienneposte de Namur est actuellement délabrée. Il est prévu

de rénover ce bâtiment. Il s’y trouve une sorte de galerieun peu sombre. A la suite des marches exploratoires, laville a demandé au promoteur immobilier de veiller àaméliorer le sentiment de sécurité au sein de cettegalerie, grâce à une meilleure pénétration de la lumièrenaturelle. Nous avons également demandé la mise enplace de pavés accessibles à tous, y compris aux femmesqui portent des talons.

Le fait que seules les femmes participent aux marchesexploratoires ne correspondant pas pour autant à uneforme de participation citoyenne exclusive. D’une part,cela permet de libérer plus facilement leur parole, quiest parfois restreinte par les hommes, ou ne fût-ce quepar leur présence, et être plus sereines pour exprimerleurs ressentis. D’autre part, dans l’exemple des pavés, ilfaut bien se rendre compte que si les trottoirs sontdavantage accessibles aux femmes, ils le sont égalementpour les hommes puisque ces derniers ont généralementdes chaussures plus adaptées, moins contraignantes. Celapeut paraître anodin mais montre justement que desimples réflexions en amont peuvent avoir desconséquences très positives sur le bien-être del’ensemble des citoyens.

– Françoise BARÉ : Pour quelle raison privilégier lesmarches exploratoires, plutôt qu’une consultationcitoyenne ?

– Stéphanie SCAILQUIN : Ces deux dispositifs sontcomplémentaires. Les marches exploratoires permettentde disposer d’un éclairage supplémentaire. De plus, onfait quelque part des politiques temporelles sans le savoir,mais l’important est de pouvoir produire des actionsconcrètes et, par conséquent, de disposer d’élémentsconcrets qui permettront de faire évoluer et lesmentalités, et d’alerter davantage mes collèguesdécideurs politiques par rapport aux questions de genre,d’égalité et de temporalités. Il est plus facile deconvaincre avec des actions concrètes qu’avec degrandes idées.

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FAVORISER LACOMMUNICATION ENTRE LES ÉLU-E-S ET LES CITOYEN-NE-S

– Françoise BARÉ : Est-ce également la vision de la Villede Strasbourg de mener des actions très concrètes envue d’améliorer la cohésion sociale et la participationcitoyenne ?

– Françoise BEY : Oui, mais je dirais qu’un diagnosticdoit être établi avant de définir un plan d’action et depasser à du concret. Dans notre administration, desconstats avaient été établis sur l’égalité. Néanmoins, ilétait nécessaire de mener une analyse plus fine, afin decomprendre notamment pour quelle raison les femmesétaient cantonnées à certains métiers.

Nous avons ainsi produit des données. Les femmessont notamment majoritaires dans les secteurs sociauxqui offrent peu de possibilités d’évolution profession -nelle, contrairement aux secteurs techniques, majoritai-rement masculins. Nous avons ainsi mené une réflexionsur les carrières et les parcours proposés aux agents etaux agentes. Les femmes ne s’engagent pas dans certainsparcours à cause du poids des stéréotypes.

La collectivité doit déconstruire les schémas depensée et démontrer aux femmes qu’elles ont leur placeau sein de tous les secteurs, au même titre que leshommes. Nous avons mené des actions de sensibilisationauprès des femmes (ainsi que des hommes), entre autresà la Ville, afin qu’elles puissent choisir d’autres filières etprogresser au sein de l’administration.

L’administration se doit être exemplaire. À cet effet,nous avons voulu valorisé des exemples de parcours,mettre en avant les femmes qui ont réussi leur carrière.De plus, quand nous rédigeons des plaquettes decommunication sur les métiers d’ingénieur, par exemple,nous devons aussi montrer des femmes car elles sontprésentes, même minoritaires, et sont tout aussicompétentes.

Les femmes ont besoin de modèles et la communi-cation est importante à ce sujet. Nous devons être vigi-lants sur ce que l’on diffuse au public car nous portonsaussi une responsabilité. Dans une communication sur

l’insertion sociale, par exemple, nous avons montré desfemmes qui occupent des métiers masculins et deshommes qui occupent des métiers féminins.

En outre, pour aider les femmes, la Ville de Strasbourgpropose des formations et des conférences.

– Françoise BARÉ : Parvenez-vous à toucher despersonnes qui ne participent pas à la vie citoyenne ?

– Françoise BEY : Nous avons mis en place différentesinstances de démocratie et de participation/consultationcitoyenne  : un conseil de développement pourl’Eurométropole, un conseil des jeunes, un conseil desrésident-e-s étrangèr-e-s, des conseils de quartier et desconseils de citoyens. La Ville de Strasbourg impose uneparité au sein de certains de ces conseils. Par ailleurs,pour encourager la participation, nous essayons d’allervers le public en réalisation des actions de sensibilisationdevant les écoles, dans des rues commerçantes. Lorsqueles femmes se lancent dans une participation à la viecitoyenne, on constate qu’elles sont tout aussi activesque les hommes, mais qu’elles rencontrent davantage dedifficultés pour franchir le pas.

À l’occasion d’une initiative de consultation populaire,nous avons organisé une réunion à 19 heures, afin queles commerçants puissent y participer. Néanmoins,comme cet horaire ne convenaient pas aux autreshabitants, nous avons organisé d’autres réunionscomplémentaires le samedi matin. Il faut pouvoirs’adapter et aller à la rencontre de la population où etquand elle est disponible, sachant que cela signifie desespaces et des temps différents.

La Ville propose en outre des activités sportivespendant la pause méridienne, parfois le matin égalementpour des femmes éloignées de l’emploi. Grâce à cesactivités, les femmes reprennent confiance en elles et semettent en réseau.

– Françoise BARÉ : Quelle est la place occupée par lespolitiques temporelles dans les diagnostics réalisés surl’égalité entre les hommes et les femmes ?

– Françoise BEY : En ce qui concerne le droit desfemmes et l’égalité des genres, le premier diagnostic nedoit pas nécessairement être réalisé sur la base de latemporalité. Ceci étant, une fois ce premier diagnosticréalisé, la question de la temporalité doit être intégrée.

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– Françoise BARÉ : Pensez-vous que la situation seraitla même si un homme était élu à votre place ?

– Françoise BEY : J’ai l’impression que peu d’hommessont prêts à endosser ce poste, en raison de la force desstéréotypes sur le genre. Peu d’élus ont l’appétencenécessaire pour changer de point de vue et pourdiscerner les discriminations subies par les femmes. Demême, encore trop peu d’hommes sont présents dansles colloques et les formations proposés.

Je me souviens d’un élu homme qui a participé à uncolloque sur les violences faites aux femmes  : il étaitstupéfait, dans la mesure où il n’avait pas conscience dela situation  ; après, il estimait que tous les hommesdevraient participer à ce genre de sensibilisation. Lesfemmes connaissent la situation, mais il ne suffit pas deconnaître la situation pour la combattre correctement.Un regard objectif est nécessaire. En outre, il convientd’être proactif, de ne pas simplement discourir maisd’offrir des réponses.

Par ailleurs, nous avons signé la Charte européennepour l’égalité des femmes et des hommes dans la vielocale. Le Maire, qui est un homme ayant succédé à deuxfemmes à ce poste, a personnellement signé cetteCharte car il a conscience de toute l’importance de cetteproblématique. C’est un signe très positif à mes yeux.

URBAIN ET RURAL ? PAS SI DIFFÉRENTS, À L’EXCEPTION DEL’ISOLEMENT

– Françoise BARÉ : Nous avons beaucoup parlé desvilles et de l’urbanité, mais les politiques temporelles nese limitent pas qu’à cela. Daisy HERMAN, quel est leregard que vous portez en milieu rural ?

– Daisy HERMAN : Contrairement à ce que l’onpourrait penser, les difficultés temporelles rencontréespar les femmes en milieu rural sont identiques à cellesrencontrées par les femmes en milieu urbain. Elles ontle temps du travail, le temps de la maternité, le temps dela retraite, etc. Néanmoins, les femmes en milieu ruraldoivent parfois supporter le poids de l’isolement. Entermes de mobilité, le problème est particulièrementprégnant. Cela a automatiquement une incidence sur larecherche d’emploi, par exemple. Quand vous habitezdans la province du Luxembourg (au Sud du pays, trèspeu densément peuplée) et que vous avez un entretiend’embauche à Namur ou à Bruxelles 9h du matin, c’estle parcours du combattant pour s’y rendre. Si vous n’avezpas de véhicule personnel et que vous devez prendre lestransports en commun, c’est encore pire.

– Françoise BARÉ : La mobilisation citoyenne, lacohésion sociale est-elle aisée en milieu rural ? L’espritde communauté y existe-t-il spontanément ?

– Daisy HERMAN : Non, certainement pas. On penseà l’image d’un emménagement à la campagne, où l’onretrouve un certain art de vivre, avec un « esprit village »où la cohésion sociale est forte, mais le milieu rural abeaucoup évolué au cours des cinquante dernièresannées. De nombreux villages sont devenus des« villages-dortoirs » où les différents individus inter -agissent peu. Le vivre ensemble n’y est pas spontané.

Je rejoins Françoise BEY quant à la mobilisation descitoyen-ne-s : il faut « aller les chercher », les inciter àparticiper à la vie publique et collective. Et pour cela, ondoit pouvoir proposer des formes de participationséduisantes, attractives, avec par exemple une animationculturelle en parallèle, comme un ciné-forum. C’est unpeu ce que nous faisons dans notre association.

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Notre mouvement de femmes en milieu ruralconcerne 250 groupes locaux répartis dans toute la Wal-lonie. Son objectif est de promouvoir l’épanouissement desfemmes et le développement du milieu rural. Nous propo-sons des animations pour toucher le public rural, notam-ment les femmes, sans cependant écarter les hommes.

Le mouvement, qui a des origines chrétiennes, étaitauparavant structuré autour des paroisses, très présentesdans le milieu rural. De ce fait, la vie collective était d’unecertaine manière, plus facile car les gens se réunissaienttrès régulièrement par ce biais. En outre, à l’époque,l’offre culturelle et sportive était moins importante. Unedes rares possibilités pour les femmes de se réunir étaitainsi, plus particulièrement, la participation à l’ACRF.Aujourd’hui, cette participation est beaucoup moinsspontanée mais, d’un autre côté, l’offre culturelle etsportive est bel et bien existante. Cela a beaucoupévolué dans ce sens-là également.

Toutefois, il ne s’agit certainement pas de « concur-rence » : notre mouvement est issu de l’éducation per-manente et nous ne voyons pas du tout les choses souscet angle.

– Françoise BARÉ : Dans le milieu rural, on pense assezrapidement à la question des femmes aidantes agricoles.Est-ce effectivement une problématique majeure ?

– Daisy HERMAN : Elles disposent aujourd’hui d’unstatut, sont reconnues comme aidantes agricoles. C’estimportant mais cela relève davantage du stéréotype surle monde rural : le nombre d’aidantes agricoles est trèsfaible. C’est une revendication historique mais, commeje le précisais tout à l’heure, le milieu rural a grandementévolué et ne se caractérise plus du tout à l’heure actuellepar ces considérations.

– Françoise BARÉ : Que vous inspirent les politiquestemporelles, dans votre travail d’éducation permanenteet votre contexte lié à la ruralité ?

– Daisy HERMAN : Nous sommes très sensibles àcette question en tant que mouvement de femmes.Notre préoccupation permanente est de promouvoir lesdroits des femmes aux différents moments de leur vie.Cependant, une fois de plus, le combat mené en milieurural n’est pas très différent de celui mené à la ville. Lesdroits des femmes sont les mêmes partout, et le droitau temps (pour soi, pour les autres…) en fait partie.

POLITIQUES TEMPORELLESET COHÉSION SOCIALE : UN LIEN FONDAMENTAL

– Françoise BARÉ : Après avoir entendu ces différentsintervenants, Carine JANSEN, que pensez-vous de lacohésion sociale et de la participation citoyenne, en tantque directrice d’une administration pleinement ancréedans ces questions ?

– Carine JANSEN : La cohésion sociale et laparticipation citoyenne sont nettement des voiesd’entrée dans les politiques temporelles.

Le Conseil de l’Europe définit la cohésion socialecomme suit : la capacité d’une société à assurer le bien-être de tous ses membres. La cohésion sociale recouvreune dimension individuelle, à savoir l’amélioration de l’ac-cès aux droits fondamentaux, et une dimension collec-tive, à savoir l’amélioration du vivre ensemble. Un travaildoit ainsi être mené avec l’ensemble de la société.

Je vous propose de diffuser un clip sur la cohésionsociale4.

L’exclusion sociale désigne la marginalisation ou la miseà l’écart d’une personne en raison d’un éloignement tropgrand avec le mode de vie dominant dans la société. Desaides ont été mises en place pour les personnes exclues. Enoutre, un statut spécial leur a été accordé. Néanmoins, la dis-crimination positive s’accompagne d’une forme de stigmati-sation et de ségrégation. La ségrégation désigne le processuspar lequel une distance sociale est imposée à un groupe dufait de son origine, de son orientation sexuelle, de sa positionsociale, de ses caractéristiques sociales ou de sa religion.

Pour quelle raison des dispositifs particuliers sont-ils créés,alors qu’il suffirait de réinventer la société pour qu’elle per-mette aux personnes discriminées de devenir membres àpart entière de la société ?

Tout citoyen ne devrait-il pas disposer d’un revenu digne,d’un logement décent, d’une bonne santé, d’une alimentationéquilibrée, d’une éducation ou d’une formation lui permettantd’accéder à un travail ?

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4 – https://www.youtube.com/watch?v=jzUplaSdJEk.

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L’intégration permet à chacun d’accéder aux droits fon-damentaux. Elle suppose cependant une adaptation des per-sonnes à la société, alors que la société pourrait être modifiéeafin qu’elle soit adaptée à tous.

Grâce à l’inclusion, les citoyens ont accès aux droits fon-damentaux en fonction de leurs besoins. Les différences dechacun sont respectées.

La cohésion sociale renvoie au bien-être individuel, maisrecouvre également une dimension collective. Elle supposel’atteinte d’un équilibre entre les individus et la diminutiondes inégalités sans nier les besoins spécifiques de chacun. Lasociété est solidaire et coresponsable. Chacun partage un en-semble de valeurs et de règles de vie. La société ne compteque des gagnants.

Depuis 1992, la Région wallonne soutient les com-munes dans la mise en place de dispositifs locaux. Nousavons réalisé une évaluation, laquelle a montré la néces-sité de distinguer la prévention, la sécurité et l’émanci-pation. Nous avons ensuite lancé une première puis unedeuxième phase du Plan de Cohésion Sociale, mis enœuvre par 181 communes, pour un budget total de35 millions d’euros par an.

L’objectif de ce plan est de favoriser l’accès aux droitsfondamentaux. Ce plan n’est pas genré. Il est en effet gé-néraliste, mais il met l’accent sur les publics précarisés.Nous avons rédigé un guide de bonnes pratiques, expo-sant les quinze droits fondamentaux sur lesquels nouspouvons agir en Wallonie.

– Françoise BARÉ : Le rapport au temps est genré.Pour quelle raison ce plan ne l’est-il pas ?

– Carine JANSEN : Notre volonté est de mener unepolitique universelle. Néanmoins, différents regards peu-vent être portés sur le diagnostic, afin d’affiner l’évalua-tion. En outre, nous travaillons avec les citoyens et toutesles parties prenantes. La Région confie sa compétenceau niveau local, qui est le mieux à même d’identifier lesbesoins de la population. De plus, en portant un regardspécifique, nous pouvons identifier de nouveaux besoinset de nouvelles réponses.

– Françoise BARÉ : Des pistes relatives au temps ont-elles déjà été identifiées ?

– Carine JANSEN : Oui. Le réseau « Bébébus » a, parexemple, été mis en place : il propose un espace mobile

de garde d’enfants, à des prix très démocratiques. Lesenfants sont gardés dans des locaux communaux et lematériel est apporté par le bus. Ce réseau, qui fonctionnetrès bien dans la province de Namur, propose égalementun soutien à la parentalité.

– Françoise BARÉ : Vous êtes très attentive à l’impor-tance du diagnostic. Comment procédez-vous pour re-cueillir les avis de chacun ?

– Carine JANSEN : Je travaille depuis plusieurs annéesavec le Conseil de l’Europe, qui a mis en place la méthodeSPIRAL, dont l’objectif est d’associer toutes les partiesprenantes à la définition du bien-être et à l’identificationdes actions susceptibles d’améliorer le bien-être de tous.Nous avons appliqué cette méthode lors de l’évaluationdes plans de cohésion sociale en 2012. Nous avons ainsiassocié des citoyens qui ont été bénéficiaires d’actions.Cette méthode a également été appliquée de manière ex-périmentale (en collaboration avec l’IWEPS) dans unequinzaine de communes wallonnes pour élaborer des in-dicateurs de bien-être, avec les citoyens. Des groupes ho-mogènes ont été constitués, composés de personnesincarcérées, de prostituées ou encore de personnes sans-abri… L’objectif est vraiment inclusif.

Cette démarche est notamment promue par TOGE-THER, réseau international des territoires de corespon-sabilité, que les membres de Tempo Territorialconnaissent très certainement.

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LES INÉGALITÉS DE GENRE ÉCLAIRENT LES INÉGALITÉS SOCIALES

– Françoise BARÉ : La parole revient après à la discutantede ce panel, la sociologue Claire GAVRAY. Comment fairele lien entre les apports de nos intervenant-e-s ?

– Claire GAVRAY : Ces apports sont extrêmement in-téressants et variés, mais je fais le premier constat d’untémoignage commun : le temps et le niveau local sontdes révélateurs d’inégalités, non seulement d’inégalitéssexuées, mais aussi d’inégalités plus larges. Les réflexionsmenées sur les femmes permettent de révéler des mé-canismes de discrimination plus larges.

Vous avez en outre montré l’intérêt de travailler surle temps au niveau local. La question du partage des es-paces a été évoquée. Nous devons réfléchir non seule-ment à la question du partage horaire des espaces, maisaussi à la symbolique du partage des espaces entre leshommes et les femmes. Des travaux ethnologiques mon-trent que les hommes et les femmes se déplacent diffé-remment. Par exemple, les hommes qui partageraient unespace occupé par des mères et des enfants se déplace-raient rapidement pour montrer qu’ils sont actifs.

Les marches exploratoires apportent un éclairage in-téressant. Cependant, elles sous-entendent que lesfemmes sont faibles et qu’elles doivent être protégées. Ilconvient ainsi de veiller aux messages délivrés en paral-lèle à ces initiatives qui restent nécessaires.

Vous avez également insisté sur l’importance des in-dicateurs, notamment des indicateurs sexués. Néan-moins, nous constatons une certaine prudence quant auxindicateurs construits. Par exemple, le temps qui n’estconsacré ni au travail ni à la famille est considéré commedu loisir. Que signifie cependant la notion de loisir ? Ilest très important que les citoyens construisent eux-mêmes les indicateurs.

Par ailleurs, au-delà de la récolte et de l’analyse desdonnées, la communication est essentielle. Or, souvent,la communication est insuffisante. Des moyens adaptéssont nécessaires pour communiquer efficacement. Enoutre, il convient également de communiquer au bonmoment. Vous avez d’ailleurs montré l’importance d’aller

à la rencontre des personnes pour encourager leur par-ticipation à des réunions.

Si le temps et le niveau local sont des révélateursd’inégalités, ils sont aussi des leviers d’égalité, ainsi quedes outils de résistance, voire des outils de subversion.D’aucunes ont indiqué que le féminisme profite à toutela société, d’autres ont indiqué que le féminisme neconstitue pas un objectif en soi. Il existe un décalageentre le soutien obtenu au niveau local et le soutien qu’ilest possible d’obtenir au niveau belge et au niveau euro-péen, certaines politiques ne favorisant pas l’égalité. Dansquelle mesure pouvons-nous être subversifs, alors quenous dépendons tous de subventions ? Quels risquespouvons-nous prendre ?

D’autre part, ce sont surtout des femmes qui travail-lent dans le secteur social. Cette situation constituepeut-être un frein, mais elle offre également une oppor-tunité. Les femmes présentes sur le terrain comprennentsans doute mieux que les hommes la situation des diffé-rents groupes de population. Leur regard est sans douteun peu plus critique.

Les femmes ont en outre été enjointes à se rassem-bler et à être solidaires. Cependant, d’aucuns n’adhérentpas au projet de cohésion sociale. Certaines personnes,y compris des femmes, considèrent que la société doitcompter des gagnants et des perdants. Nous devons ac-cepter l’existence de disparités, non seulement entre lesgroupes sexués, mais aussi au sein des groupes sexués.

Les femmes ne vivent pas toutes la même situation.La situation des femmes diffère notamment suivant leurniveau d’éducation. Qui plus est, cette différence est ac-centuée par le phénomène de l’homogamie sociale. Unecompétition se crée ainsi entre les familles. Les femmesdiplômées peuvent toutefois participer à ce projet decohésion sociale.

Il est en outre important de mener des actions avecles femmes moins diplômées. En effet, quand elles sontinterrogées, elles se montrent très fières d’avoir un autrestatut que celui de mère. La question de la solidarité esttrès importante pour ces femmes. Néanmoins, ilconvient de veiller à ce que toutes les actions ne soientpas dédiées aux publics défavorisés. L’objectif du projetde cohésion sociale est que les personnes soient soli-daires au regard d’un objectif commun.

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Les rapports aux stéréotypes sont différents suivantles milieux sociaux. Les stéréotypes permettent de seprotéger dans des cas d’insécurité personnelle, identi-taire, collective… La question des stéréotypes doit êtretravaillée, avec les adultes et avec les enfants, mais pas demanière théorique.

Les femmes défavorisées ne sont pas fatalistes. Ellessont en revanche très courageuses. Nous devons essayerde faire participer ces femmes à la société. De plus, pourque les mentalités puissent évoluer, les hommes doiventse sentir légitimes pour porter des valeurs réputées fé-minines.

Dans le cadre d’un projet européen sur l’engagementpolitique et civique des jeunes de 18 à 25 ans, j’ai menéune enquête il y a un ou deux ans. Les jeunes constituentun potentiel important. Ils pourraient en effet être da-vantage mobilisés dans la réalisation d’initiatives locales.Les jeunes femmes, quelle que soit leur filière d’éduca-tion, partagent un projet de société solidaire. Laconfiance accordée au politique se situe au niveau local.Il est essentiel d’aller à la rencontre des jeunes femmesafin qu’elles participent à la vie sociale.

En ce qui concerne les jeunes hommes, le niveaud’éducation a une incidence sur leur degré d’adhésion àun projet de société solidaire et sur les stéréotypes vé-hiculés. Les valeurs relatives à l’égalité portées par leshommes les plus qualifiés sont proches de celles portéespar les femmes. Néanmoins, la situation devient problé-matique pour les hommes qui font carrière une fois qu’ilsont des enfants. Elle conduit souvent à des divorces.

Il y a huit ans, j’ai réalisé une recherche sur l’état dé-pressif. Les femmes les plus diplômées sont les plus dé-primées. Ces femmes sont parfois obligées de travaillerà temps partiel, parce que les hommes ne les aident pas,alors qu’elles pensaient que l’égalité était acquise etqu’elles sont aussi compétentes que les hommes.

Chez les hommes, ce sont les moins diplômés quisont les plus déprimés, dans la mesure où ils avaient in-tériorisé leur statut de breadwinner.

L’école joue un rôle central. La réalisation d’un pro-jet d’école autour de la cohésion sociale a une incidence,au moins à moyen terme. De jeunes hommes ne sontpas favorables à l’égalité : ceux qui ont rejoint une filièrede relégation se sentent peu respectés. Ils font alors

preuve d’une survirilité et écartent les valeurs réputéesféminines.

Dans les pays nordiques, un Ministre de l’Educationa indiqué que si les résultats des écoles sont aussi bons,c’est grâce à l’augmentation de la part artistique. Les pro-jets artistiques donnent des résultats. En effet, des pro-blèmes ne se posent plus dans les cours de récréation.Une coopération entre les grands et les petits estconstatée. Les enfants gagnent confiance en eux. Les en-fants qui étaient dissipés parviennent bien souvent àprendre une place spécifique au sein de l’école. Certainesinitiatives construisent des leaders, lesquels témoignentque le fait de vire de manière apaisée et non concurren-tielle profite à tous.

Les jeunes et les écoles sont représentent donc desacteurs clés.

QUESTIONS DU PUBLIC ET DÉBATS AVEC LA SALLE

– Intervention du public  : Donatienne BRASSEUR

(Brucelle Consulting) : J’ai eu vent d’un projet d’urbanismepour lequel deux urbanistes ont réalisé une observationde la place centrale d’une ville et conclu qu’il n’était pasnécessaire de rénover l’ensemble de la place pouraméliorer la cohésion de la ville. Ils ont recommandél’installation de bancs et d’un abribus. Quel est votre avissur cette approche ?

– Laetitia NOLET : Il est important de concevoirl’urbanisme avec de multiples acteurs, tout comme il estnécessaire de bien observer la situation avant deconcevoir un projet. Et, en effet, l’organisation de micros-trottoirs peut parfois être préférable à l’organisation degrandes réunions. Du côté du FBPSU, nous croyonsbeaucoup à la force de petits changements ciblés (quandcela s’y prête) plutôt que de grands bouleversements,parfois tape-à-l’œil et inutilement onéreux.

– Intervention du public : Chantal TROUWBORST (Ville

de Dijon) : À Dijon, il a été demandé que des bancs publicssoient installés. Or l’installation de bancs occasionne denombreuses nuisances. Nous avons ainsi réalisé des« ballades urbaines » – autre version de vos marchesexploratoires – à différents moments de la journée etde l’année, avec aussi bien des hommes que des femmes.

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Toutes les Commissions de quartier ont ensuite réalisédes ballades urbaines, afin d’examiner l’urbanisme,l’éclairage, le bruit, la sécurité…

– Intervention du public : Anne MIKOLAJCZAK (Ville de

Lille) : Je suis adjointe à la Maire de Lille, en charge dudroit des femmes et de la mise en place de politiques enfaveur de l’égalité, et je souhaiterais également revenirsur les marches exploratoires. J’ai souhaité travailler surla place des femmes dans l’espace public, dans la mesureoù j’ai constaté que les femmes ne sont pas présentesdans certains espaces. J’ai ainsi organisé des marchesexploratoires, avec seulement des femmes, d’abord dansdes quartiers défavorisés, avec l’aide des associations dequartier. Nous souhaitions que participent des femmesde différents âges. Néanmoins, aucune jeune femme n’aparticipé à ces marches.

La question de la sécurité, mais aussi la question dubien-être, ont été abordées. En outre, les femmes ontconvenu d’investir ensemble certains espaces. Parailleurs, les femmes qui ont participé à ces marches ontensuite décidé de participer à des marches mixtes. Grâceaux marches, les femmes se sont autorisées à prendrenon seulement leur place dans l’espace public, mais aussileur place dans l’espace citoyen. Les femmes se sontsenties valorisées.

En outre, une marche de restitution est systéma -tiquement organisée, avec les élus concernés, la Maire,les agents de la Ville et les bailleurs sociaux. La marche,c’est un outil pour explorer les solutions, c’est uneméthodologie que l’on peut décliner de différentesfaçons pour enrichir l’action publique.

– Claire GAVRAY : Je voudrais évoquer deux points encomplément. Premièrement, une étudiante a rédigé unmémoire sur le projet du quartier du Carré à Liège, queLaetitia NOLET a mentionné plus tôt. Elle y a constatéque les femmes ne ressentent aucun sentimentd’insécurité dans le Carré. En réalité, elles ressentent untel sentiment sur le chemin du retour, soit dans desquartiers qui ne sont pas réputés dangereux. Souvent, iln’existe pas de concordance entre le sentimentd’insécurité et l’insécurité elle-même.

Deuxièmement, à l’Université de Montréal, unequinzaine d’hommes a récemment pénétré dans unerésidence d’étudiantes. Ces hommes ont non seulement

été peu respectueux, mais trois viols auraient étécommis. Des étudiant-e-s ont ensuite été interrogés surcet événement. Les étudiants se demandent si la chambredes étudiantes constitue un espace privé, dans la mesureoù les étudiantes participent à des fêtes en présence desétudiants. En outre, la majorité des étudiantes s’estdéclarée indignée, mais certaines d’entre ellesconsidéraient cependant que les victimes auraient dûfermer leur porte. Vous voyez le chemin qu’il reste àfaire : au-delà des réalités concrètes, les obstacles liésaux normes ancrées dans nos cerveaux sont bien là.

– Intervention du public : Angèle DIONE (Stains / Plaine

Commune) : Je suis élue déléguée à l’égalité femmes-hommes et à la lutte contre les discriminations à la PlaineCommune. Nous portons l’observatoire départementaldes violences faites aux femmes. Je profite de ce momentpour partager auprès de vous les actions menées surnotre territoire

En interne, nous veillons à adapter nos pratiques RH,afin de féminiser les métiers et de permettre aux femmesd’accéder aux différents postes. Les femmes se placenttoujours en position d’infériorité. Nous menons ainsi àtravail à ce sujet.

Nous organisons aussi des formations et desjournées de débats afin de conscientiser les agents. Nousavons, par exemple, proposé une formation sur la placedes femmes dans l’espace public, au personnel desservices publics et des associations.

Des actions sont également destinées aux habitantset aux acteurs locaux. Des actions sont aussi menées enfaveur de l’insertion professionnelle des femmes. Nospolitiques publiques sont élaborées avec les habitants,grâce notamment à la réalisation de diagnostics enmarchant et de marches sensibles. Grâce aux marches,les femmes comprennent les actions publiques menéeset les choix urbanistiques.

En outre, depuis 2003, les médiathèques organisentchaque année le mois de la sensibilisation sur l’égalitédes femmes. Des actions sont également menées par lesécoles sur les questions de l’égalité et de l’inclusionsociétale des femmes.

Des conférences sont également organisées afind’intégrer la question de l’égalité dans les politiquespubliques. Une conférence a porté par exemple sur

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l’emploi des femmes. Dans les quartiers populaires,certaines femmes s’inscrivent dans l’économie parallèle,pour survivre. Quels moyens et quelles forces citoyennesutiliserons-nous pour permettre à ces femmes d’obtenirun emploi reconnu et de valoriser leurs savoir-faire ? Ilexiste des freins, notamment des freins à la mobilité. Uneréflexion commune doit être menée à ce sujet.

En ce qui concerne les violences faites aux femmes,se pose le problème de la réparation médicale. Lesfemmes ont difficilement accès aux soins. Elleschoisissent de nourrir leurs enfants, plutôt que de sesoigner.

– Intervention du public : Magali TOLENDE (étudiante à

l’UCL) : Comment les temporalités pourraient-elles êtreprises en compte pour valoriser le statut desagricultrices ? À quel moment des réunions pourraient-elles être organisées afin que les agricultrices puissentparticiper aux réunions ? Au Conseil communal de monvillage, les femmes sont peu nombreuses et lesagricultrices y sont absentes.

– Daisy HERMAN : La conciliation des temps estdifficile pour les agricultrices, comme pour les autresfemmes. Quoi qu’il en soit, pour que les femmesparticipent à la vie citoyenne, elles doivent prendreconscience de l’importance de s’impliquer dans la vie dela cité.

– Claire GAVRAY : Des jeunes ménages quittent laville. Ceci étant, avec la crise, ils ne conservent qu’un seulvéhicule. Les véhicules sont souvent utilisés par leshommes. Les femmes ne peuvent en outre pasforcément prendre les transports en commun, comptetenu de leurs coûts… On croit éviter la paupérisationet l’isolement, mais c’est l’inverse qui se produit.

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Journée du 18 novembre

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Journée du 18 novembre 2016

Baptiste DETHIER

Ce matin, après deux riches panels ayant rythmé lapremière journée du colloque, nous abordons unnouveau panel qui se penchera plus spécifiquement surl’aspect du travail rémunéré, de la sphère professionnelle.

Nous devions accueillir Isabelle Simonis, ministre desDroits des Femmes de la Fédération Wallonie-Bruxelles.Elle est la première ministre en Belgique à disposer desdroits des femmes dans ses compétences officielles. Ils’agit d’une avancée non négligeable.

Nous avons la chance d’accueillir Catherine Coutelle,députée à l’Assemblée nationale et présidente de ladélégation aux Droits des Femmes et à l’Egalité desChances entre les Femmes et les Hommes. Elle est unemembre très active de Tempo Territorial pour lapromotion des politiques temporelles à l’échellenationale et a participé à la création de l’Agence destemps de la ville de Poitiers, d’où elle est originaire.

CATHERINE COUTELLEDéputée et Présidente de la Délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Bonjour à tous. Lorsque j’étais élue locale à Poitiers,Dominique Royoux a proposé la mise en place d’uneagence des temps à titre expérimental dans cette mêmeville, ce que nous avons réalisé dans les années 2000.Lorsque j’ai été élue à l’Assemblée nationale en 2007, j’aifait partie de l’opposition, puis de la majorité, et j’ai prisla présidence de la délégation aux Droits des Femmes.

En 2000, en Poitou-Charentes, une enquête a étémenée auprès de 800 femmes en milieu urbain. Cetteenquête soulignait déjà la nécessité de la conciliationentre la vie personnelle et la vie professionnelle : 39 %des femmes interrogées avaient un temps très contraint.Le temps partiel a émergé dans les années  1990 enFrance, et des lois ont favorisé ce dispositif au momentdu chômage de masse. Il s’est ainsi installé durablementen France  : 17  % de la population française travailleaujourd’hui à temps partiel ; 30 % des femmes travaillentà temps partiel, et 7 % des hommes. Ce chiffre est difficileà faire varier.

Dans l’enquête, les femmes interrogées demandaientune organisation du temps avec plus de souplesse, unmeilleur accès aux services urbains, des services àdomicile, et avaient souligné qu’elles désiraient moinsattendre lors de leurs rendez-vous médicaux. De ce fait,comment peut-on agir à l’échelon national sur nospolitiques du temps ? Après avoir été sur le terrain auniveau local, je travaille en effet désormais sur le plannational.

La délégation aux Droits des Femmes, présente àl’Assemblée nationale et au Sénat, a été créée en 1999sous le gouvernement Jospin. Elle est constituée de36 députés, au prorata des groupes politiques. Cettedélégation se saisit de toutes les lois susceptibles d’avoirun impact sur les femmes. Elle apporte des amendementsà ces lois, et procède à leur évaluation.

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INTRODUCTION

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Nous avons écrit deux plaidoyers suite à nos travauxsur les thèmes suivants : * femmes et climat : les femmes sont non seulement

les premières victimes, mais aussi les premières ac-trices de la crise du climat ;

* les droits humains : je me bats pour que nous parlionsde droits humains plutôt que de droits de l’homme.

J’ai essayé de réfléchir aux décisions que nous avionspu prendre au regard du thème des femmes dans la sphèreprofessionnelle, que vous déclinez aujourd’hui. Nous par-tageons votre diagnostic, et nous connaissons les princi-paux freins. Dans chaque texte, nous essayons de lever cesfreins relatifs à l’évolution professionnelle des femmes.Néanmoins, la situation ne pourra pas changer sans uneévolution des mentalités, qui se fait lentement.

Au sujet de l’inégalité salariale, vous avez certaine-ment entendu parler du mouvement récent qui enjoi-gnait les femmes à stopper le travail le 7 novembre à16 h 34, pour symboliser le moment à partir duquel lesfemmes commencent à travailler bénévolement. Troisinégalités salariales existent avec des causes différentes.Lorsque nous parlons d’un écart de 25 % entre les sa-laires des hommes et des femmes, nous prenons encompte la totalité des salariés, et donc un grand nombrede femmes en temps partiel.

Dans une loi sur le temps partiel, nous avons réussià faire en sorte qu’un temps partiel ne puisse pas êtreinférieur à 24 heures, sauf dérogation des partenaires so-ciaux dans les branches, ce que je regrette. L’égalité entreles femmes et les hommes ne fait malheureusement pastoujours partie des priorités des syndicats.

La deuxième inégalité réside dans la comparaisonentre tous les salaires à taux plein, qui met en avant unécart de 19 % entre les femmes et les hommes. Au-jourd’hui, l’orientation est trop sexuée. Les femmess’orientent majoritairement vers les métiers de serviceet les métiers peu qualifiés. À leur entrée sur le marchédu travail, elles ne demandent pas une rémunération suf-fisante. Elles doivent cependant apprendre à se valoriser.Une étude montre que les femmes vont vers 18 typesde métiers, alors qu’il en existe 85. En outre, dans la clas-sification des métiers, les métiers vers lesquels se diri-gent les hommes ont de meilleures qualifications.

Enfin, 9 % d’écart sont également constatés à com-pétence égale. Cet écart est notamment noté dans lesprimes versées. Dans la fonction publique, cet écart estde 15 %, malgré les normes importantes dans ce secteur.

Les femmes doivent donc apprendre à négocier et àse mettre en valeur. De nombreux directeurs ne propo-sent pas des postes à des femmes lorsqu’elles ont desenfants. Les entretiens d’embauche au cours desquellesla question des enfants est posée sont encore nombreux,alors que cette question est illégale.

Depuis les années 1980, le rapport de situation com-parée a été mis en place dans les entreprises de plus de50 salariés. Un plan d’action et des plans de rattrapagedoivent être mis en place à partir de ce rapport. Enoutre, les trois négociations annuelles qui sont organi-sées dans toutes les entreprises doivent contenir unenégociation autour de l’égalité femmes/hommes. Les par-tenaires sociaux doivent s’emparer de ces sujets.

En 2012, le gouvernement a pris un arrêté pour pren-dre des sanctions à l’égard des entreprises qui contre-viennent à ces obligations. Depuis la mise en place de cetarrêté, 2 000 entreprises ont été rappelées à l’ordre, et100 ont été sanctionnées. La sanction peut aller jusqu’àdes amendes correspondant à 1 % de la masse salariale.

Les salaires moindres sont en général justifiés par lesrôles assignés aux femmes. À Poitiers, nous avons évoquéles nouveaux pères dans les années 1995/2000. J’avoueque je les attends encore. Bien sûr, il existe de nouveauxpères qui partagent les tâches et qui s’occupent des en-fants, mais les statistiques montrent que l’évolution esttrès lente.

Nous pensons que les femmes, lorsqu’elles ont desenfants, ne doivent pas s’éloigner trop longtemps dumarché du travail. Je trouve que le congé parental est ac-tuellement trop long. Cependant, étant donné la situationdifficile du monde du travail, nous n’avons pas pu le ré-former en profondeur. Nous avons réformé le congé pa-rental partagé. Les pères peuvent également prendre uncongé parental. Au premier enfant, le congé parental peutêtre d’un an, mais il doit être partagé entre le père et lamère équitablement. Pour les deuxième et troisième en-fants, le congé parental doit être partagé en deux anspour l’un et un an pour l’autre.

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Cependant, le père étant souvent le premierapporteur de salaire dans un couple, l’indemnitéproposée pendant le congé parental ne va pas l’inciter àle prendre. Pour qu’il soit efficace, le congé parental doitêtre court et bien rémunéré. Si les femmes s’arrêtent detravailler longtemps, lorsqu’elles reviennent, lespropositions de promotion se font rares, et leur carrièreva stagner. Elles arriveront donc à la retraite avec unsalaire assez bas.

Nous avons également augmenté les places d’accueildes moins de deux ans dans les zones prioritaires. Deplus, nous avons travaillé sur l’accompagnement desaidants. Un français sur six est aujourd’hui l’aidant d’unepersonne âgée, malade, ou d’un enfant handicapé. Cesaidants sont en majorité des femmes.

Nous avons eu des débats importants également surle travail du dimanche. À titre personnel, je suis opposéeau travail du dimanche. Cependant, je comprends lesnécessités de certaines zones ou de certaines branchesprofessionnelles. Dans les zones de commerceinternational, j’ai obtenu que, lors de l’aboutissementd’un accord, doit être discutée une compensation degarde d’enfants et un accompagnement pour le trajetretour le soir.

Nous devons en outre lutter contre la culture duprésentéisme. Selon moi, la culture du présentéisme estexcessive en France. Les cadres qui partent à 18 heuressont mal considérés. Ce présentéisme est discriminantpour les pères.

La loi Aubry II, sur les 35 heures, prévoyait qu’en casde passage à 35  heures, les syndicats et l’entreprisedevaient discuter de l’articulation des temps de vie. Lescollectivités devaient accompagner ce passage aux35 heures par une prise en compte dans l’accueil desservices publics. Or, ce volet a souvent été oublié. Je leregrette, car une certaine flexibilité est nécessaire pourles services publics. Bien sûr, la flexibilité demandée parles uns ne doit pas aggraver la situation des autres.Personnellement, j’ai toujours été opposée au principedes crèches ouvertes 24 heures sur 24. En revanche, leshoraires décalés sont intéressants.

Les violences sexistes sont également trèsdiscriminantes au travail. Une campagne est en cours surce thème. Une femme victime d’agissements sexistes

peut déprimer, s’isoler, et parfois quitter son travail. Nousessayons de lutter contre ces phénomènes d’ampleur.

Une nouvelle fracture apparaît dans nos sociétés : lafracture numérique. Elle est source de mutations trèsrapides et d’inégalités. La délégation a publié un rapportsuite à la loi pour une république numérique. Suite à cetravail, je voudrais vous faire partager quelquesremarques. Dans les années  1990, les filles se sontretirées des métiers numériques, alors qu’elles y étaientaussi nombreuses que les garçons dans les années 1970.La micro-informatique a chassé les femmes du secteur.Les filles doivent aller vers les métiers du numérique, oùl’avenir est prometteur.

Ensuite, les métiers de la médiation sont en train dedisparaître massivement, et ils sont occupés en majoritépar des femmes. Les États-Unis estiment que cettedisparition pourrait concerner de 600 à 800 000 emploisoccupés par les femmes. Les métiers de la médiationconcernent les postes d’accueil dans les banques, lesservices publics ou les collectivités locales. Nous neprenons pas assez compte de ces évolutions.

Le sujet du numérique est vraiment un sujet dontnous devons nous emparer, avec le droit à ladéconnexion. Il n’existe en effet aujourd’hui plus defrontières entre la vie professionnelle et la vieprofessionnelle. La loi Numérique intègre le droit à ladéconnexion et le droit à l’oubli pour les mineurs.

Au niveau national, comme vous le voyez, nouspouvons introduire un certain nombre de mesures pourfaciliter l’organisation des temps. Cependant chacun doits’emparer de ces mesures pour les faire vivre, lesappliquer et les exiger.

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Baptiste DETHIER

Les statistiques prouvent que, si les femmes se sontdurablement inscrites sur le marché du travail, elles n’ypossèdent pas les mêmes chances de plans de carrièreet d’épanouissement professionnel. La métaphore du«  plafond de verre  » est régulièrement utilisée pourillustrer ces inégalités mais ne doit pas se limiter auxpostes à hautes responsabilités  : les rôles sexuésreprésentent des freins beaucoup plus larges, englobantles plus simples promotions, la rémunération, lesformations ou même l’accès aux financements pourdémarrer une activité économique.

Le temps de travail rémunéré n’est qu’un desnombreux temps entre lesquels se partagent les femmeset les hommes mais il n’en reste pas moins l’un des pluscentraux. Outre l’interdépendance inévitable de cesdifférents temps, la qualité de vie ne doit pas seulementêtre l’affaire de la vie privée mais également de la sphèreprofessionnelle. D’une part, le secteur public doitmontrer l’exemple en œuvrant à la qualité de vie autravail et en promouvant l’égalité professionnelle. D’autrepart, le secteur privé est tout autant concerné et doitimpérativement prendre part à ces considérations.

Tant en France qu’en Belgique, l’actualité estrégulièrement marquée par les débats sur le temps detravail, entre propositions de réduction, flexibilité, heuressupplémentaires, temps partiel, annualisation enremplacement de la base hebdomadaire, semaine dequatre jours, etc. Quels seront les impacts de ceschangements sur l’organisation sociale des temps de vie ?La réduction du temps de travail va-t-elle réellementencourager les hommes à s’investir davantage dans lestâches domestiques et cela augmentera-t-il au contraireleur temps consacré aux loisirs ? Comment rééquilibrerle fait que les femmes optent pour les mécanismesexistants de réduction du temps de travail en milieu decarrière tandis que les hommes les utilisent davantage àl’approche de la retraite  ? Quel rôle les entreprisespeuvent-elles jouer – parfois dans des partenariatspublic/privé – dans l’amélioration de la qualité de vie, autravail comme en dehors ?

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Panel n°3 : « Sphère professionnelle »

INTRODUCTION COMPOSITION DE LA TABLE RONDE :

* Éric SCHULTZ : adjoint au maire de Strasbourg,en charge de la population, de l’Etat civil et de la Mis-sion des Temps, membre de Tempo Territorial etconseiller communautaire à l’Eurométropole deStrasbourg,

* Marie  JACQUIN-PAVARD : cheffe de projet de la Mission des Temps et des services innovantsde Strasbourg depuis 2009, date de création decette mission, rattachée à la Direction générale desservices.

* Fabiola FRIPPIAT : directrice de la Fédérationdes Initiatives Locales pour l’Enfance (FILE), qui ras-semble des pouvoirs organisateurs publics ou privéslaïcs d’accueil de l’enfance sur l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’association a pourbut de favoriser le développement d’un accueil de qualité, accessible à tous les enfants dans les milieux familial, extrafamilial, extrascolaire.

* Agnès MARLIER : conseillère sectorielle pourConstructiv, organisation prestataire de servicespour le secteur de la construction, très active dansla prévention, la formation, ainsi que dans la luttecontre les stéréotypes.

* Lisa LOMBARDI : coordinatrice de CoWallonia,réseau des espaces de coworking en Wallonie faisantpartie du programme Creative Wallonia dont le butest de favoriser la créativité et l’innovation en Région Wallonne, notamment via le développementdes TIC.

* Bénédicte PHILIPPART DE FOY : directrice deFemmes Actives en Réseau (FAR), réseau profession-nel de femmes actives (indépendantes ou salariées)qui favorise les échanges conviviaux d’expériences(extra)professionnelles. Elle dirige également la so-ciété CréaPME qui accompagne les individus dansleurs projets d’aventure entrepreneuriale.

* Esteban MARTINEZ : sociologue et chargé decours à l’Université Libre de Bruxelles (ULB), spé-cialisé dans les recherches sur l’emploi et la forma-tion, les conditions de travail, les temps de travail ouencore les conflictualités sociales, auteur d’une re-cherche post-doctorale consacrée à l’Étude pros-pective pour une politique des temps de la ville.

* Françoise BARÉ : journaliste, animatrice du panel.

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COWALLONIA ET LE COWORKING :ILLUSTRATION DES ÉVOLUTIONS DANS L’ORGANISATION DU TRAVAIL

Par Lisa LOMBARDI

Je souhaite remercier les organisateurs pour leur in-vitation. Je porte un projet au cœur de l’Agence du Nu-mérique, dans laquelle je travaille depuis plusieurs années.Nous avons décidé de lancer le projet du coworking en2012 pour répondre à une problématique fondamentaledes travailleurs indépendants : l’isolement et le manquede connexions. Nous avons ouvert plusieurs espaces pi-lotes, financés par des consortiums publics/privés, avecl’objectif d’en inspirer d’autres. Ces espaces permettentde travailler dans un environnement productif et dyna-mique. Des ateliers de formation et des événements denetworking peuvent également aider les adhérents à dé-velopper leur activité économique.

Le coworking, par nature, s’adresse à un public d’in-dépendants, mais nous avons également séduit, au fil dutemps, un public de télétravailleurs salariés. Le travail àdomicile ne convient en effet pas à tout le monde, et cer-tains d’entre eux ressentent parfois une certaine frus-tration.

Les adhérents peuvent réduire leur isolement et dé-velopper leur business dans les espaces de coworking,mais également se former aux usages numériques. Unefracture numérique existe en effet au sein de la popu-lation wallonne et nous savons que les femmes sontparticulièrement touchées. Ces espaces leur permet-tront d’acquérir un certain nombre de compétencesnumériques.

L’un des premiers piliers des espaces de coworkingest l’infrastructure de travail. Cette infrastructure estprofessionnelle et partagée entre plusieurs personnes.Lors de l’enquête menée auprès de nos coworkerschaque année, l’une de nos adhérentes nous a dit appré-cier le fait d’avoir une stabilité matérielle dans un travailqui demande parfois de nombreux déplacements.

Le deuxième pilier est le pilier de l’apprentissage.Nous proposons des formations, des ateliers et desconférences, ainsi qu’un programme d’accompagnementpour les starters en collaboration avec des partenairespublics et privés. Nous avons organisé plus de 400 acti-vités l’année dernière, soit environ une par semaine etpar espace.

Le troisième pilier est celui de la connexion. Il consti-tue l’ADN du coworking. Dans un monde qui se numé-rise de plus en plus, les besoins de relations physiques,dans la vie réelle, restent primordiaux. Ils sont même deplus en plus importants. Nous privilégions ainsi la miseen relation humaine et nous constatons que les discus-sions facilitent la collaboration.

L’objectif est donc de compenser les impacts négatifsdu télétravail, qui sont la démotivation, l’isolement, laperte de productivité, etc. L’espace permet aussi aux per-sonnes de constituer un carnet d’adresses, de bénéficierde conseils d’autres coworkers et d’avoir un retour ob-jectif sur leurs problématiques.

En préparant mon intervention, je me suis posé laquestion de la proportion de femmes parmi les travail-leurs indépendants en Wallonie. En 2012, les femmes re-présentaient 31,5 % des travailleurs indépendants enWallonie. En revanche, les chiffres sont alarmants au ni-veau de la répartition des revenus.

Nous avons donc souhaité exploiter les données del’enquête que nous menons chaque année auprès de noscoworkers. Nous avons différencié ces données sur labase du genre. En 2016, les hommes représentent 57 %des participants à l’étude. Le taux de femmes a augmentéde 8  % par rapport à l’année précédente. 58  % desfemmes ont le statut d’indépendantes, et 50 % d’hommessont indépendants. Nous n’avons pas de femmes chefsd’entreprise avec des salariés, alors que nous comptons10 % d’hommes chefs d’entreprise. Nous comptons éga-lement 11 % de femmes salariées du secteur public, etaucun homme.

La moyenne d’âge est de 38 ans pour les femmes, et39 ans pour les hommes, mais la variation est grande. Denombreuses femmes travaillent dans le secteur du nu-mérique. Cependant, nous avons également une coutu-rière, des journalistes, des communicants, des profilsjuridiques, etc. Nous n’avons pas de profil type, et nous

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Table ronde : Temps de travail et qualité de vie – Rôle des entreprises – Dispositifs de conciliation

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ne souhaitons pas en avoir. Nous avons des femmes salariées et indépendantes, et des femmes qui ont été salariées pendant très longtemps et qui ont décidé de semettre à leur compte.

Concernant le taux de fréquentation des espaces decoworking, aucune différence n’est à noter entre lesfemmes et les hommes. La majorité de nos coworkersviennent entre un et trois jours par semaine, ce qui leurpermet de combiner le coworking et des rendez-vouschez des clients, ou du travail à domicile.

Nous avons ensuite demandé à nos coworkers si lecoworking avait eu un impact négatif, neutre ou positifsur différents critères. Aucune différence n’est à noterentre les hommes et les femmes sur un grand nombrede critère. En revanche, le coworking semble avoir eu unimpact plus positif sur le réseau d’affaires pour lesfemmes que pour les hommes. Nous avons égalementquestionné les coworkers sur l’impact personnel du co-working. A nouveau, les chiffres sont assez similairesentre les femmes et les hommes.

Notre équipe est composée d’animateurs et anima-trices répartis dans les espaces – ce que l’on ne trouvepas dans un espace privé autogéré. Nos valeurs sont leprofessionnalisme, l’entraide et le respect, la collabora-tion, l’innovation, la transparence et l’agilité. La Walloniecompte aujourd’hui huit espaces. Cependant, nous avonsinscrit dans la stratégie numérique pour la Wallonienotre volonté de développer de nouveaux espaces dansle réseau.

– Françoise BARÉ : Existe-t-il des barrières pour lesfemmes, notamment des barrières mentales oufinancières ?

– Lisa LOMBARDI : Je pense que l’aspect financierpeut en effet être une barrière, car l’accès à l’espace estpayant. Plusieurs femmes nous font remonter qu’ellessouhaitent sortir de l’environnement de leur domicile,notamment pour pouvoir consacrer leur temps autravail, sans être perturbées par des corvées ménagèrespar exemple. Cependant, de nombreux hommes nousont également fait part de cette volonté.

SE METTRE EN RÉSEAU ET FAIRE ÉMERGER DESMODÈLES FÉMININS

– Françoise BARÉ : Vous avez insisté sur la créativitéet la création de réseau. Néanmoins, en moyenne, lespersonnes ne fréquentent l’espace qu’une fois parsemaine. Comment peut-on travailler son réseau enn’étant présent qu’un jour par semaine ?

– Lisa LOMBARDI : Les personnes ont des contraintespersonnelles, parfois financières, qui leur imposent de nevenir qu’une fois par semaine. Dans tous les cas, cettejournée est toujours mieux utilisée lorsqu’elle est passéedans un espace de coworking que chez soi. Nous faisonsces constats sur le terrain, dans l’enquête, etc.  : lafréquentation de ces espaces permet d’enrichir sonréseau, et en faire partie crée un sentiment de confiance,de communauté, qui est bénéfique. Nous savons tous quela recommandation professionnelle fonctionne très bien.

– Françoise BARÉ : Je vois que vous acquiescez,Bénédicte PHILIPPART DE FOY, êtes-vous d’accord avecle fait que le coworking puisse aider les femmes àdévelopper leur réseau ?

– Bénédicte PHILIPPART DE FOY : En effet, je penseque le coworking peut permettre autant aux femmesqu’aux hommes d’élargir leur réseau professionnel. Tousles réseaux sont complémentaires et leur multiplicitépermet de tenir compte de la variété des clichés quenous trouvons en face de nous. Les parcours etcontextes culturels sont nombreux, et nous devons entenir compte.

Personnellement, je ne vois pas en quoi être unefemme empêche d’avoir des crédits, ou d’avoir del’ambition.

– Catherine COUTELLE : Je ne suis pas d’accord : lesbanques sont généralement plus frileuses pour accorderdes crédits aux femmes.

– Bénédicte PHILIPPART DE FOY : Non, ce n’est pastout à fait mon analyse. Comme vous l’avez dit tout àl’heure, les femmes choisissent davantage certainesfilières, ce qui a des implications dans leur vieprofessionnelle. Les femmes auront davantage tendanceà créer des entreprises dans des secteurs moins

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rentables. Si vous avez une activité moins rentable, il vade soi que la défense du projet auprès d’une banque estplus difficile.

Ce constat n’est pas dû au fait qu’elles sont desfemmes, mais à leur parcours scolaire. Nous devons nousposer la question suivante : quel modèle pouvons-nousdonner à des femmes qui souhaitent créer leurentreprise, et comment pouvons-nous leur donner del’ambition pour leurs projets ? Pour y répondre, le milieuscolaire est très important, ainsi que les modèlesféminins qui sont donnés aux femmes.

– Françoise BARÉ : Madame COUTELLE, vous avez enréalité insisté, de la même manière, sur la difficulté depouvoir poser un choix, du fait de certaines barrières.

– Catherine COUTELLE : Oui, et nous avons eu undébat ridicule en France sur le genre. Je défends le faitque le genre n’est pas une théorie, mais une réalitéscientifique. Il s’agit de la construction sociale etéducative des filles. Nous avons une éducation faite destéréotypes.

Nous savons que les femmes ont des projets moinsambitieux, mais nous savons également que les banquesleur donnent moins. Dans la culture, les femmesmetteuses en scène ont des subventions deux foisinférieures à celles des hommes. Dans le milieu du sport,les femmes sont logées dans des hôtels bas de gammequand les hommes sont logés dans des cinq étoiles. Leursprimes sont également différentes. Ces inégalités existent.

Je ne suis pas favorable à la victimisation des femmes.Elles doivent se battre et demander leur place.Cependant, des freins existent bel et bien dans la société.Lorsqu’elle a un deuxième enfant et qu’elle se met àtravailler à temps partiel, la femme gagne moins. A cemême moment, son mari est généralement augmenté, dufait de l’augmentation de sa charge de famille.

– Françoise BARÉ : Que pensez-vous du temps partiel,qui pourrait également être un choix pour les femmes ?

– Bénédicte PHILIPPART DE FOY : Je pense que lesfemmes ne sont pas toujours informées des consé-quences de leurs choix. Lorsqu’elles travaillent à tempspartiel, elles réfléchissent uniquement par rapport à leursalaire, alors que cette réduction devrait être étudiée parle couple par rapport aux salaires des deux conjoints.

Le bon sens voudrait d’ailleurs que des choix de ce typeentraînent des modifications du contrat de mariage. Biensûr, il est difficile de réfléchir à l’éventualité d’une sépa-ration lorsque l’on vient d’avoir un enfant. Cependant,nous devons réfléchir à ces choix. Ils ont des implications,et je pense que le corps enseignant et la manière dontles cours sont donnés ont également leur importance.

L’entreprenariat féminin est souvent mis en avant,cependant il ne reçoit aucune subvention publique. Je leregrette, car nous changerons les mentalités en donnantdes modèles. Les gens recherchent des personnes à quiils peuvent s’identifier.

– Françoise BARÉ : Quelle est la nécessité d’avoir unréseau de femmes créatrices d’entreprise ?

– Bénédicte PHILIPPART DE FOY : De façon générale,nous constatons que les femmes sont moins présentesdans les réseaux mixtes. Cela peut notamments’expliquer par les types d’activités qui sont représentésdans les réseaux. Les réseaux permettent de partager lequotidien, et ils sont tous complémentaires.

Lorsqu’un entrepreneur crée son entreprise, il estintéressant pour lui de se retrouver entre pairs. Celapeut être une manière pour lui de faire ses premiers pasdans le réseautage.

– Françoise BARÉ : Quel est le profil des femmes quifont partie de votre réseau ?

– Bénédicte PHILIPPART DE FOY : Le réseau quej’anime est représentatif de la réalité entrepreneurialeau féminin. Nous avons donc une majorité de très petitesentreprises. Nous avons cependant des membres danstous les secteurs d’activités, et des parcours atypiques.C’est dans la mixité des parcours que le réseautagedevient intéressant.

Toutefois, nous avons peu de professions libérales etpeu de cheffes d’entreprise, mais cela s’expliquerationnellement  : les premières ressentent moins, dansleurs activités, le besoin d’intégrer un réseau professionnel ;et les secondes sont relativement peu nombreuses parrapport aux hommes, ce qui explique qu’elles sontautomatiquement peu représentées dans notre réseau.

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APPLICATIONS CONCRÈTESDE L’EXEMPLARITÉ DEL’EMPLOYEUR PUBLIC

– Françoise BARÉ : Nous allons désormais parler dela Ville de Strasbourg. Pouvez-vous nous présenter votredémarche « temporelle » ?

– Éric  SCHULTZ : Bonjour à tous. Les politiquestemporelles existent à Strasbourg depuis 2009, date àlaquelle la Mission des temps a été créée. Le projet a été confié à Marie-Françoise Buffet, que j’ai remplacéeen 2014.

La Ville de Strasbourg et l’Eurométropole comptent8 000 agents, répartis à parité dans l’effectif global. Lesfemmes représentent 54 % dans la catégorie B, 50,6 %dans la catégorie A et 45 % dans la catégorie C. À noterque les femmes représentent 79% des personnes àtemps partiel. Nous avons des disparités très fortes dansla partie haute de l’organigramme. L’équipe de ladirection générale compte une femme et quatrehommes.

Nous avons un vrai plafond de verre : les femmesoccupent peu les fonctions supérieures. Nous avonsamélioré la situation depuis 2014, notamment par unevolonté de recruter des directrices, mais nous sentonsbien que le plafond de verre est toujours présent pourles chefs de service. Un chef de service homme devientainsi plus facilement directeur qu’une femme.

– Françoise BARÉ : Avez-vous identifié les raisons deces freins ?

– Marie JACQUIN-PAVARD : Plusieurs phénomènespeuvent l’expliquer. Premièrement, les femmes s’auto -censurent et ne se présentent pas forcément à cespostes. Deuxièmement, il existe également unphénomène de cooptation entre les hommes.

La Mission a sensibilisé les chefs de service femmesà ce sujet. Nous leur avons par exemple montré desfiches de postes sans mention de l’intitulé du poste, etleur avons demandé si elles seraient prêtes à y postuler.Une grande majorité était prête à y postuler. Cependant,en découvrant l’intitulé du poste, elles ont estiméqu’elles n’auraient pas postulé.

Nous avons donc modifié l’intitulé du poste, qui étaitpeut-être trop « masculin ». Nous avons également faitun travail sur les termes du poste faisant état de ladisponibilité et les engagements des candidats. Le travaila été mené avec la DRH afin de revoir la formulation desdemandes de poste. Nous avons donc sensibilisé lesressources humaines sur ces questions, tant pour laforme du recrutement que sur la description du contenudu poste.

– Françoise BARÉ : Un changement radical a-t-il éténoté ?

– Marie JACQUIN-PAVARD : Non, le changement n’apas été radical. Aujourd’hui, nous avons beaucoup dechefs de service féminines, et nous essayons de lespousser vers des postes de direction. Cependant, cettedémarche prend du temps. Nous avons formé lesservices de la DRH et menons un certain nombred’actions pour lever ces freins, essentiellement culturels.

– Françoise BARÉ : Le travail sur les temps et ladisponibilité est-il un des points essentiels pour pousserles femmes à s’engager ?

– Marie JACQUIN-PAVARD : Nous avons travaillé surla question de l’articulation des temps privés etprofessionnels de manière plus large auprès de noscollaboratrices. Nous avons mis en place le télétravail en2014. Le pourcentage de femmes à profiter de cedispositif était de 75% à l’époque, et de 70% en 2016. La part des hommes a donc légèrement progressé, mais les femmes restent majoritaires car, visiblement,elles se sentent davantage concernées par l’articulationdes temps, et le télétravail leur permet de pouvoirorganiser cette articulation.

Nous avons mené deux expérimentations avec 63, puis 92 personnes. Les évaluations ont montré queles femmes en télétravail étaient moins stressées, moinsfatiguées, se sentaient plus efficaces d’un point de vueprofessionnel et plus confiantes. Le télétravail permetune meilleure articulation des temps, et ne semble pasrenforcer les stéréotypes.

– Françoise BARÉ : Le travail réalisé à domicile est-ildifférent de celui réalisé à leur bureau ?

– Marie JACQUIN-PAVARD : Non. Pour de nombreuxtélétravailleurs, le travail est le même à domicile et au

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bureau. Nous leur fournissons un ordinateur portableou un terminal allégé, ainsi qu’un téléphone portable.Pour certains, le télétravail permet de travailler sur desdossiers qui nécessitent plus de réflexion et deconcentration.

Nous n’avons pas mis en place de contrôle, commec’est parfois le cas dans certaines organisations, via laconnexion internet. Le télétravail est basé sur laconfiance et l’autonomie. Notre culture du managementa évolué, et nous favorisons le management par objectifspar rapport au management présentiel. Concrètement,nous nous sommes battus pour un forfait journalier. Ladifficulté est souvent de gérer l’excès de travail. Lestélétravailleurs ont tendance à oublier les heures.

Par ailleurs, nous avons ouvert la possibilité du télé-travail à domicile, mais aussi dans des tiers lieux voiredans d’autres collectivités. Mais sur notre effectif total,une seule personne en télétravail a opté pour le tierslieu. D’une manière générale, les personnes qui commen-cent le télétravail choisissent le travail à domicile. La per-sonne qui travaille dans un tiers lieu le fait pour desraisons personnelles, car le tiers lieu est proche du lieude garde de son enfant. Nous avons en outre proposédes conventionnements vers d’autres collectivités, et cegenre de partenariat devrait se développer.

– Françoise BARÉ : Le télétravail est-il, selon vous, unoutil qui permet une meilleure articulation des tempspour les femmes ?

– Marie JACQUIN-PAVARD : D’après l’évaluation quenous avons menée, oui. Certaines femmes ont pureprendre une activité sportive ou de loisirs. Le faitd’avoir un peu d’autonomie dans la gestion de sa journée,ainsi qu’un peu d’anticipation, permet de mieuxs’organiser.

– Lisa LOMBARDI : Je suis d’accord avec vous sur leprésentéisme, qui est discriminant, autant pour leshommes que pour les femmes. De mon côté, l’Agencedu numérique essaye de propager de nouvelles façonsde travailler, comme vous l’évoquiez. Les personnesdevraient avoir la possibilité de choisir où ellessouhaitent travailler et quand. Les salariés doivent êtreévalués sur les résultats de leur travail plutôt que sur letemps passé au travail. Je pense que la clé se situe dansces aspects.

Je pense que le fait de confier l’organisation du travailau salarié plutôt qu’à l’employeur est une meilleuresolution. Bien sûr, cela ne convient pas à tout le monde,mais chacun doit pouvoir choisir le mode defonctionnement qui lui convient le mieux. Je trouvesimplement ridicule de rester dans un bureau jusqu’à17 heures simplement « parce qu’il le faut ». Dans le casde temps partiels qui sont pris pour partir plus tôt, lespersonnes perdent de l’argent aussi bien dans leur salaireque dans leur retraite, et effectuent finalement le mêmetravail.

– Françoise BARÉ : Des études montrent en effet quel’obligation de la présence peut être l’une des causes duburnout. Cependant, d’autres études montrent quel’autonomisation accrue de l’employé peut générerd’autres formes de contraintes. La vigilance doit être demise pour ces deux aspects.

DES LIEUX DE GARDEADAPTÉS ET DE QUALITÉSONT INDISPENSABLES À LA CONCILIATION DES TEMPS

– Françoise BARÉ : Parlons à présent de la chargefamiliale. Le télétravail exercé dans des tiers lieux permetparfois de quitter le domicile pour s’éloigner des tâchesménagères. Cependant, dans ce cas comme dans d’autres,les enfants doivent être pris en charge. Quel est votreregard sur ce sujet, Fabiola FRIPPIAT ?

– Fabiola FRIPPIAT : Dans le cadre de la conciliationdes temps, si les parents n’ont pas un lieu de gardeadapté, il est difficile pour eux d’aller travailler.L’éducation des jeunes enfants au sein de la sphèrefamiliale est souvent portée par les femmes. Si aucunesolution n’existe, la femme se trouve donc éloignée dumonde du travail.

Il existe des milieux d’accueil subventionnés par l’Of-fice de la Naissance et de l’Enfance (ONE), dont les tarifsdiffèrent suivant les revenus des parents, et des milieuxd’accueil privés. Les tarifs de ces derniers sont parfoisinaccessibles pour des familles à revenus modestes.

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Un milieu d’accueil pour les jeunes enfants doit être dequalité. Ce choix ne doit pas répondre uniquement àdes contraintes économiques. Ma fédération comptesur l’ensemble une crèche 24 heures sur 24, mais cetteorganisation n’a pas été mise en place pour répondreaux exigences du travail. Elle accueille en effet des en-fants qui ont été retirés de la sphère familiale. Nous nesommes pas favorables à ce type de structure d’unemanière générale, mais celle-ci existe dans un contextetrès spécifique.

En revanche, les structures d’accueil qui s’adaptentaux contraintes du travail doivent s’interroger sur le typed’accueil qu’elles peuvent proposer aux jeunes enfantsqui vont être levés à 4 heures ou 5 heures du matin.Certains lieux d’accueil ouvrent très tôt le matin ou bientard le soir. Ces problématiques se posent notammentpour les familles monoparentales. Les solutions sontparfois difficiles à trouver.

Lorsque l’enfant est scolarisé, nous espérons que lesgarderies scolaires offrent également un accueil dequalité, mais tout n’est pas toujours satisfaisant. Nousnous sommes rendu compte que les enfants, qui sontscolarisés à 3 ans, passent de la crèche à l’école, et ontdes temps de garde longs avant l’école et après l’école.Les travailleurs qui confient leurs enfants aux garderiesscolaires sont souvent des femmes qui ont des statutsprécaires.

– Françoise BARÉ : Participez-vous à des négociationsdans les entreprises sur la politique du temps ?

– Fabiola  FRIPPIAT : La FILE est une fédérationpatronale qui regroupe les milieux d’accueil de l’enfancepublics ou privés laïcs. Nous sommes doncrégulièrement en négociation avec les syndicats, mais pasavec les entreprises. Nous discutons par exemple avecle SPF Emploi sur le temps de travail.

Sur le sujet de l’intervention des entreprises dans laprise en charge de l’enfance, je pense que créer un milieud’accueil est un métier à part entière. Intégrer desmilieux d’accueil dans le monde de l’entreprise n’est pasforcément satisfaisant. Ce choix peut entraîner plusieursécueils, comme des tensions entre la direction et lessalariés pour l’accès à cet accueil. Je préfère uneintervention de l’entreprise dans un système plussolidaire, à travers de mutualisations ou de cotisations.

De tels systèmes existent de moins en moins, toutcomme il existe de moins en moins de crèchesd’entreprises, qui ont un coût important. Je parle desmutualisations d’entreprises à un niveau local. Je trouveque la possibilité de créer des partenariats d’entreprisessur un territoire est plus pertinente, de manière à ce quele pouvoir organisateur du milieu d’accueil soit extérieur.

Par exemple, il me semble que la RTBF propose unecrèche aux membres de son personnel… ?

– Françoise BARÉ : En effet – je suis journaliste à laRTBF – mais cette crèche est uniquement destinée auxsalariés qui travaillent sur le site à Bruxelles. Aucunmoyen de garde ou d’aide n’est proposé aux salariés quitravaillent dans les centres régionaux. Ce systèmeintroduit donc une forme de discrimination.

– Fabiola FRIPPIAT : Tout à fait, c’est la raison pourlaquelle certains employeurs ne souhaitent pas se lancerdans une telle initiative. Si une entreprise affecte desmoyens financiers à la création d’une structure d’accueil,elle va forcément discriminer des travailleurs par rapportà d’autres. Les entreprises optent parfois pour desavantages offerts à tous : chèques repas, primes, etc.

– Catherine COUTELLE : En France, la structure de lacrèche peut être publique ou privée. À Poitiers, nousavons l’exemple d’une clinique privée qui a participé à lacréation d’une crèche avec une commune. La clinique aacheté un nombre de berceaux et les propose à sessalariés.

Dans la région parisienne, ce système peut égalementêtre un moyen de fidéliser les salariés. L’entreprise donneun service, et peut espérer en retirer une certainefidélisation.

Le gouvernement avait un vaste plan de création de270 000 places en crèches en 5 ans. L’objectif n’a pas étéatteint, car le coût des places est important, et lescommunes ne se sont pas lancées dans ces démarches.Nous devons donc trouver des formules souples.

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LA SPHÈREPROFESSIONNELLE,DÉTERMINANT DE LACONCILIATION DES TEMPS ?

– Françoise BARÉ : Avant de passer aux questions, jevous propose d’entendre les commentaires éclairésd’Esteban  MARTINEZ, sociologue à l’ULB, pour unediscussion sur ces différents échanges.

– Esteban MARTINEZ : Je vous remercie pour cettediscussion extrêmement riche et vais tenter de releverquelques points.

Premièrement, à force d’observer les inégalités de lasphère privée, qui existent bien sûr toujours, nous ou-blions que les déterminants d’une bonne articulationentre la vie privée et la vie professionnelle proviennentde la sphère professionnelle. Le temps de travail continueaujourd’hui à fortement déterminer la gestion de la viequotidienne.

Le temps partiel est un choix : il est toujours contraintpar la répartition des rôles dans la famille, mais aussi parle travail. De nombreux secteurs proposent uniquementdes temps partiels. Ceux-ci doivent être régulés pour évi-ter de nombreuses dérives qui font de nous, et particu-lièrement des femmes, des travailleurs pauvres. Dans lessecteurs sociaux, du commerce ou encore du nettoyage,c’est l’entreprise qui fixe ce type de régime.

La flexibilité du temps de travail s’est fortement dé-veloppée depuis les années 1980, soutenue par les syn-dicats patronaux. Dans certains cas, celle-ci peut êtrejustifiée, et des contreparties doivent être négociées. Par-fois, la nature de l’activité justifie des horaires atypiques.Cependant, de plus en plus souvent, le caractère atypiquedes horaires est parfois revendiqué pour obtenir desavantages concurrentiels. C’est le cas, par exemple, desouvertures dominicales des commerces.

À force d’observer la sphère privée, nous oublionsque les déterminants d’une bonne articulation provien-nent de la sphère professionnelle. La flexibilité est unnouvel élément qui, si elle est ajoutée aux horaires aty-piques, implique de nombreuses difficultés. De nombreuxtemps partiels procurent un revenu partiel, mais sontégalement organisés de manière à occuper toute une

journée. Ces choix découlent de négociations entre lesentreprises et les syndicats au cours desquelles ces der-niers sont souvent en position de faiblesse.

Dans les entreprises, l’individualisation des relationsde travail augmente également. Les collectifs de travailont été déstabilisés, à travers le temps partiel, le mana-gement, la gestion des salaires avec le système desprimes qui créent des inégalités, ou encore le télétravail.Nous voyons bien que lorsque le collectif n’existe pas,comme dans le cas des travailleurs indépendants, la ten-dance est de les reconstituer, montrant par là leur im-portance pour le bien-être des salariés. Le collectifpermet d’apprécier les difficultés acceptables, les ho-raires à pratiquer, et les manières de contester lorsquecela est nécessaire.

La disparition des collectifs de travail est une expli-cation à la croissance du mal-être au travail. Le télétravailest une solution dans un certain nombre de cas. Ilconfère une certaine autonomie dans la gestion dutemps. Il ne permet pas cependant de résoudre les iné-galités entre les hommes et les femmes. Le télétravailpermet de casser les routines. Il permet aussi parfois des’éloigner des espaces de travail, notamment des espacesde travail insupportables, tels que les open spaces.

Il convient néanmoins de veiller à maintenir des col-lectifs de travail, pour limiter le risque d’isolement et dedésolidarisation, qui est une réalité.

Nous devons plaider pour la mise en place d’une ré-gulation du télétravail mais définir la durée forfaitaired’une journée de travail, comme cela a été évoqué ducôté de Strasbourg, ne suffit pas. L’entreprise doit aussifixer des plages de travail à l’échelle de la journée ou dela semaine. Même s’ils ne peuvent pas être vérifiés, cescritères ont un effet normatif.

De la même façon, je pense que le télétravail à tempsplein doit être interdit. Nous devons aller vers des solu-tions alternantes pour maintenir ces collectifs et cettesolidarité. Les salariés ont une attente importante dansle télétravail, cependant, nous devrons faire son évalua-tion dans quelques années.

– Éric SCHULTZ : Nous ne devons pas confondre letélétravail, le travail à domicile, le travail nomade ou letravail mobile. À Strasbourg, le télétravail est limité àdeux jours par semaine, afin de maintenir le collectif de

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travail. Le temps et les taches sont cadrés. Des horairesde joignabilité ont été définis.

Nous savons que certaines entreprises ont tendanceà aller vers le travail mobile, cependant, nous nesouhaitons pas aller dans ce sens. Le télétravail permetaussi de s’extraire de la pression du collectif du travail.

– Esteban MARTINEZ : Nous ne souhaitons pas allerdans le sens d’une opposition entre le présentéisme etla gestion par l’objectif. Nous devons réfléchir à desrégulations du télétravail, afin de délimiter le temps detravail.

Le problème d’une gestion par objectifs est de savoirqui va déterminer ces objectifs. Le risque est de voir uneexplosion des objectifs, et une perte de repère destravailleurs par rapport à leur temps de travail.

Ma deuxième remarque est que nous devonsréintroduire la catégorie du temps dans la négociation, àl’échelle de l’entreprise, mais aussi des territoires.Aujourd’hui, le temps de travail est banalisé. Les excèsne sont plus sanctionnés. Le système était jusqu’àprésent basé sur les rythmes sociotemporels dominants.Ce système, qui est aujourd’hui mis en cause,sanctionnait les excès par des sursalaires. La flexibilité,tel qu’elle s’est développée depuis les années 80, exigede la disponibilité des travailleurs, sans payer ce servicesupplémentaire.

Il convient donc de réhabiliter le temps, qui a desimpacts sur la santé et sur la qualité de la vie. Je suisfavorable à toutes les initiatives prises à travers la miseen place de bureaux du temps, de missions du temps, quiréhabilitent le temps comme un élément fondamental dela vie quotidienne.

Je note que les pouvoirs publics ont un effetd’exemplarité. Lorsqu’ils modifient les horaires dans lesecteur du nettoyage, ils donnent un exemple. Rien nejustifie en effet les horaires actuels dans le secteur dunettoyage. Les pouvoirs publics jouent également un rôledans la gestion des externalités produites par lesentreprises. Les entreprises font des choix qui ont uneincidence sur les horaires de travail, et il appartientensuite aux collectivités de supporter ces incidences.

Parfois, les contraintes sont importantes, cependant,certains systèmes peuvent être remis en question. Nous

devons par exemple soutenir la négociation collectivedans les entreprises, pour la prise en charge de cesexternalités. Les pouvoirs publics ont un rôle régulateurdans ce domaine.

A l’échelle nationale, les pouvoirs publics ontdavantage œuvré pour la dérégulation. La tendance doitêtre inversée aujourd’hui.

QUESTIONS DU PUBLIC ET DÉBATS AVEC LA SALLE

– Intervention du public  : Donatienne BRASSEUR

(Brucelle Consulting) : Je mène un projet depuis quelquesannées sur la résilience professionnelle chez les femmes.J’ai développé une pédagogie pour agir préventivementsur les différents aspects qui causent cet abandonprofessionnel.

Vous avez abordé  l’aspect de la linguistique de laproblématique. Il existe une vraie différence de conceptde base entre les hommes et les femmes. Tenons-nouscompte de ces aspects dans les approches du travail ?

De par son éducation, une femme apprend às’exprimer de manière pessimiste, et se déresponsabilisede ses succès. En changeant son langage, une femme peutaussi changer son attitude.

– Intervention du public : Anne MIKOLAJCZAK (Ville de

Lille) : Je souhaitais également intervenir sur les choixsexués professionnels, qui sont une vraie problématique.Soigner par la résilience est une bonne chose, mais nousdevons anticiper, en commençant par former lesprofessionnels.

Nous voyons qu’à l’école, les interactions desinstituteurs sont beaucoup plus nombreuses avec lesgarçons qu’avec les filles. Un groupe d’enseignantsvolontaires a essayé de modifier sa posture. Tous ont eul’impression d’interagir beaucoup plus avec les filles, alorsqu’après vérification, les interactions avec les filles n’ontjamais dépassé les 50 %. Un travail doit être mené avectous les professionnels de l’éducation.

– Fabiola FRIPPIAT : Les professionnels de la petiteenfance ont souvent peu de qualification. En Belgique,nous pouvons accueillir des enfants avec 100 heures deformation. Les puéricultrices ont le niveau de

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qualification le plus bas, et cette filière est généralementune filière de relégation. Nous devons absolumentaméliorer la qualification des professionnels de l’enfanceet de l’enseignement, en travaillant sur les stéréotypes.Ces métiers sont essentiellement féminins, avec desniveaux de rémunération bas. Nous nous battons pourque ces salariés aient des statuts et des formationsadéquates.

– Marie JACQUIN-PAVARD : Ces professionnels sont-ils sensibilisés aux stéréotypes au cours de leurformation ? Chacun a un rôle de sensibilisation à tenir.

– Bénédicte PHILIPPART DE FOY : Nous sommesnous-mêmes des modèles pour les autres et pour nosenfants. Tout le monde doit s’interroger à ce sujet.

Comment, dans notre enseignement, pouvons-nouscompter une majorité de personnes qui n’ont jamais rienfait d’autre que d’enseigner  ? Elles n’ont en effet pastoujours les connaissances concrètes nécessaires.

– Intervention du public  : Philippe VANDEMEU LE -

BROUCKE (SPR Bruxelles) : Je souhaite revenir sur lanotion de télétravail. De nombreux salariés utilisent letélétravail pour échapper aux open spaces et au bruit.D’autre part, nous oublions également le coût desénergies si tout le monde est en télétravail. De plus, nousnous apercevons qu’aujourd’hui le télétravail poseégalement des problèmes de gestion des équipes.

– Intervention du public : Christiane LABARRE (Synergie

Wallonie) : Je souhaite que nous nous arrêtions sur lesstéréotypes, qui doivent être combattus dès la petiteenfance. Nous insistons sur le rôle des enseignants,cependant nous devons aussi prendre en compte lesmentalités des mamans.

Nous voyons aujourd’hui des mamans qui reviennentaux codes vestimentaires genrés – le bleu pour lesgarçons, le rose pour les filles –, alors que nous étionsparvenus à casser ces codes il y a 30 ans.

– Intervention du public : Perrine PIGEON (UCL) : Je suischercheure à l’Université Catholique de Louvain et jesuis présidente d’une association qui lutte contre lesinégalités hommes/femmes et toutes les formes deviolence de genre.

Je suis un peu interloquée par les propos entendusaujourd’hui. Je trouve que certains discours sont très

culpabilisants pour les femmes. Nous devons avoir unelecture systémique de notre société. Nous ne devonspas limiter les responsabilités aux femmes. Tant que nousvivrons dans une société patriarcale et nous ne pourronspas permettre aux femmes d’avancer et d’être les seulesresponsables de leur parcours professionnel et del’éducation de leurs enfants.

Le monde de l’enseignement n’est en outre pascomplètement imperméable à ces sujets. Plusieursprojets sont en cours sur ces questions.

– Françoise  BARÉ : Vous conviendrez que nous nedevons pas être dualistes. Mettre en évidence undiscours culpabilisant a occupé notre propos depuis hier.De nombreuses femmes sont encore animées par le sensdu combat. Le choix est toujours conditionné.

– Intervention du public  : Perrine PIGEON (UCL) : Eneffet, des choix sociétaux empêchent certains parcours.J’estime que les propos de ce matin sont très importants,mais nous devons absolument veiller à ne pas êtreréducteurs.

– Intervention du public  : Donatienne BRASSEUR

(Brucelle Consulting) : Je crois que nous devons égalementencourager les hommes à jouer aussi un rôle d’exemplepour leurs enfants. Les pères n’ont pas toujoursconscience du rôle précieux qu’ils peuvent jouer auprèsde leurs enfants.

– Intervention du public : Christiane LABARRE (Synergie

Wallonie) : Certains hommes comprennent, maiscomprendre n’est pas forcément travailler auchangement. D’autre part, sur le plan syndical, lesmentalités sont très patriarcales. Les femmes sont parfoistrop absentes de certains secteurs.

– Esteban  MARTINEZ : Je comprends la remarqueformulée sur la posture culpabilisante pour les femmes.Nous ne pouvons évidemment pas réduire l’analyse à desstéréotypes. Nous devons identifier les déterminants. Demon point de vue, j’ai souhaité insister sur les évolutionsqui ont lieu dans les entreprises.

Nous pourrions souligner, par exemple, que les fillessont aussi nombreuses que les garçons dans les milieuxsupérieurs de l’enseignement. Globalement, noustendons vers la parité sur le marché du travail. L’emploimasculin est stable, tandis que l’emploi féminin augmente.

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Nous savons bien, cependant, que la parité n’implique pasforcément l’égalité et la mixité. À l’université, les filles etles garçons ne suivent pas les mêmes filières. Parexemple, les garçons choisissent les filières en fonctiondes débouchés et de la rémunération.

Les inégalités se creusent en outre sur le marché dutravail. Plus on avance dans la hiérarchie salariale dans lesuniversités, moins les femmes sont présentes. Denombreuses femmes réalisent par exemple une thèse,cependant, elles sont moins nombreuses à êtrenommées définitivement. Des recteurs ont proposél’imposition d’une mobilité internationale de longuedurée pour prétendre un poste définitif. Or, cespropositions défavoriseront tous ceux qui sont engagésdans une vie familiale, et parmi eux les femmes.

Dans le milieu professionnel, nous trouvons unerhétorique de la conciliation et des modes demanagement qui écartent progressivement les femmes.

– Intervention du public : Agnès RAMAEKERS (FGTB) :

Je suis en charge de la commission des femmes et dugenre au syndicat  FGTB de Liège, et suis égalementanimatrice emploi-formation. Beaucoup d’éléments quej’ai retenus ont déjà été abordés, en particulier par M.MARTINEZ et Mme PIGEON, mais je souhaitais ajouterque l’évolution du statut des femmes, qui reste très lente(surtout dans le milieu de la métallurgie que je côtoie),ne s’est jamais faite en l’isolant. Nous devons être trèsprudents en permettant aux personnes de s’isoler dumonde professionnel en travaillent chez elles.

Comme l’a dit Mme COUTELLE, dont l’interventionm’a vraiment impressionnée, des mesures devraient êtremises en place en Belgique pour protéger les travailleurset les travailleuses sur la question du temps et lesdifférents enjeux soulevés lors de ces deux journées.

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CONCLUSION

Dominique ROYOUX, président de Tempo Territorial

Je vous remercie pour la richesse des échanges. Ilsmontrent que la catégorie des temps opère un circuitcourt avec la vision de notre société. L’objectif est derépéter les principales options que nous prenons pouraméliorer l’égalité. Nous devons continuer à militer.

Néanmoins, ce colloque a permis de mettre l’accentsur quelques points.

Le premier est la question de la qualité du temps, etcette tension fondamentale des contradictions entre lesbesoins de l’émancipation individuelle et les normescollectives multiples. Nous avons beaucoup parlé desdifficultés entre les temps choisis et les temps contraints.Les indicateurs doivent être fabriqués par les individuseux-mêmes pour juger des temps choisis et des tempscontraints.

Le deuxième point important est la nécessité del’articulation des politiques publiques locales sur letemps. Ces politiques du temps doivent varier suivantles âges de la vie. Nous avons également parlé de l’Etatet de la sécurité sociale, et de leurs injonctions sur letemps des autres.

Le troisième point à retenir concerne cette société

salariale multiactive et cette valorisation du temps detravail et du temps hors travail. Si nous partageons cettenon-différenciation entre le temps de travail et le tempshors travail, nous devrons modifier le vocabulaire quil’accompagne.

Le quatrième thème qui m’intéresse concerne leschoix de carrière des femmes au moment de la sortiede la formation. Nous devrons travailler sur ce thème.La manière de se projeter et de faire des choix à cemoment conditionne énormément la suite du parcourspersonnel et professionnel.

Ces Temporelles ont été un succès grâce à votreprésence, et j’espère que vous pourrez être des relais deces politiques temporelles. Vous êtes des interfacesintéressantes pour diffuser ces politiques temporelles enEurope.

Nous devons travailler sur de nombreux aspectsqualitatifs, mais nous devons aussi œuvrer à la diffusionde ces politiques dans les territoires.

Je souhaite enfin remercier Reine, Baptiste, Christianeet Synergie Wallonie. Je remercie également tous lesintervenants, les trois discutants, Françoise  Baré, etUbiqus, grâce à qui les actes du colloque seront bientôtdisponibles.

Au sein de Tempo Territorial, nous nous appliquons àmettre en œuvre l’égalité hommes/femmes. J’espère quecette continuité se fera avec Katja Krüger, qui s’apprêteà me succéder à la présidence de l’association.

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