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agrégation de sciences économiques et sociales préparations ENS 2003-2004 Expliquer et comprendre Les ficelles du métier (Becker, 2002) Fiche de lecture réalisée par Emmanuelle Zolésio (ENS-LSH Lyon) BECKER Howard S. (2002), Les ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en sciences sociales , La Découverte, coll. « Guides Repères » Becker a tiré ce livre de son expérience d’enseignant confronté aux problèmes de ses étudiants : à force d’écouter les problèmes individuels et apparemment idiosyncrasiques, on apprend à identifier l’idiosyncrasie comme variante de tel ou tel problème général. Mais chaque nouveau problème est suffisamment différent pour contribuer à l’enrichissement de notre compréhension. 1/ Ficelles : Filiation : G. Simmel Robert E. Park (‘fondateur’ de ‘EdC’) Everett C. Hughes (son prof puis collègue). Hughes avait peu de goût pour la théorie abstraite, il voulait dire qu’il n’y a que des théories des phénomènes particuliers. Les étudiants se demandaient comment définir le concept de ‘groupe ethnique’ (quels sont les traits le différenciant d’autres groupes). Hughes leur montre une ficelle pour sortir de ce dilemme tout définitionnel : il suffit de renverser la séquence explicative et de considérer les différences comme étant le résultat des définitions produites par des gens appartenant à un même réseau de relations de groupes (un groupe n’est pas un groupes ethnique du fait de son taux de différences mesurables avec un autre groupe, mais parce tous, qu’ils en soient ou n’en soient pas, agissent et ressentent les choses comme si ce groupe était un groupe distinct). Ainsi les Canadiens francophones sont un groupe ethnique non parce qu’ils parlent français ou sont en général catholiques et que les anglophones sont en général protestants, mais parce que chaque groupe se considère comme différent. L’idée de cette ficelle applicable à tout problème définitionnel consiste à reconnaître que l’on ne peut étudier un groupe ethnique de manière isolée et qu’il faut au contraire en replacer « l’ethnicité » dans le réseau de relations aux autres groupes au sein duquel il se constitue. Voilà une ficelle : un truc simple qui vous aide à résoudre un problème (ici, le truc consiste à chercher le réseau de relations au sein duquel toutes les relations sont créées et employées). Certains de ces ficelles sont des simples règles de bon sens tirées de l’expérience. D’autres découlent d’une analyse sociale scientifique de la situation au sein de laquelle le problème surgit. Les sociologue ont tendance à parler de « théorie » de manière digne et raffinée mais sans la mettre en rapport avec la façon dont on mène concrètement sa recherche. Les étudiants de Hughes espéraient qu’i écrirait cet ouvrage de théorie dont il parlait parce qu’en l’écoutant et le lisant ils savaient qu’il enseignait une théorie, même s’ils étaient incapables de la définir précisément. Mais il ne l’a pas écrit. Hughes avait plutôt une « méthode de travail informée par la théorie » (p.25). Sa théorie n’était pas un ensemble de petits tiroirs dans lesquels le monde devait rentrer, elle consistait en un ensemble de ficelles de

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agrégation de sciences économiques et socialespréparations ENS 2003-2004

Expliquer et comprendre

Les ficelles du métier (Becker, 2002)Fiche de lecture réalisée par Emmanuelle Zolésio (ENS-LSH Lyon)

BECKER Howard S. (2002), Les ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en sciences sociales, La Découverte, coll. « Guides Repères »

Becker a tiré ce livre de son expérience d’enseignant confronté aux problèmes de ses étudiants : à force d’écouter les problèmes individuels et apparemment idiosyncrasiques, on apprend à identifier l’idiosyncrasie comme variante de tel ou tel problème général. Mais chaque nouveau problème est suffisamment différent pour contribuer à l’enrichissement de notre compréhension.

1/ Ficelles :

Filiation : G. Simmel Robert E. Park (‘fondateur’ de ‘EdC’) Everett C. Hughes (son prof puis collègue).

Hughes avait peu de goût pour la théorie abstraite, il voulait dire qu’il n’y a que des théories des phénomènes particuliers. Les étudiants se demandaient comment définir le concept de ‘groupe ethnique’ (quels sont les traits le différenciant d’autres groupes). Hughes leur montre une ficelle pour sortir de ce dilemme tout définitionnel : il suffit de renverser la séquence explicative et de considérer les différences comme étant le résultat des définitions produites par des gens appartenant à un même réseau de relations de groupes (un groupe n’est pas un groupes ethnique du fait de son taux de différences mesurables avec un autre groupe, mais parce tous, qu’ils en soient ou n’en soient pas, agissent et ressentent les choses comme si ce groupe était un groupe distinct). Ainsi les Canadiens francophones sont un groupe ethnique non parce qu’ils parlent français ou sont en général catholiques et que les anglophones sont en général protestants, mais parce que chaque groupe se considère comme différent.

L’idée de cette ficelle applicable à tout problème définitionnel consiste à reconnaître que l’on ne peut étudier un groupe ethnique de manière isolée et qu’il faut au contraire en replacer « l’ethnicité » dans le réseau de relations aux autres groupes au sein duquel il se constitue.

Voilà une ficelle : un truc simple qui vous aide à résoudre un problème (ici, le truc consiste à chercher le réseau de relations au sein duquel toutes les relations sont créées et employées). Certains de ces ficelles sont des simples règles de bon sens tirées de l’expérience. D’autres découlent d’une analyse sociale scientifique de la situation au sein de laquelle le problème surgit.

Les sociologue ont tendance à parler de « théorie » de manière digne et raffinée mais sans la mettre en rapport avec la façon dont on mène concrètement sa recherche. Les étudiants de Hughes espéraient qu’i écrirait cet ouvrage de théorie dont il parlait parce qu’en l’écoutant et le lisant ils savaient qu’il enseignait une théorie, même s’ils étaient incapables de la définir précisément. Mais il ne l’a pas écrit. Hughes avait plutôt une « méthode de travail informée par la théorie » (p.25). Sa théorie n’était pas un ensemble de petits tiroirs dans lesquels le monde devait rentrer, elle consistait en un ensemble de ficelles de

généralisations qui l’aidaient à interpréter ses données et lui permettait de leur donner du sens. « Et comme sa théorie tenait davantage d’une série de ficelles analytiques que d’une Grande Théorie, les étudiants s’en imprégnaient en le côtoyant, en parlant avec lui après les cours et en apprenant à utiliser ses ficelles, comme un apprenti se forme à son métier en observant ses aînés utiliser leurs propres ficelles pour résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés dans la vraie vie » (p.25).

Becker comme Hughes se méfie des théorisations abstraites. Goût pour les exemples (≠ définitions générales).

Les sociologues des sciences ont montré que les chercheurs en sciences naturelles travaillent selon des modes opératoires qui ne sont jamais explicitement formulés dans leur méthodologie officielle, et qu’ils cachent leur « cuisine interne » (leurs pratiques réelles) quand ils explicitent leur manière de faire formelle. Les sociologues agissent exactement de même : ils ne mentionnent pas leurs ficelles théoriques.

Pour des raisons mnémotechniques il donne des noms à ses ficelles. Ce livre ne se limite pas à la sociologie « qualitative », si Becker a surtout travaillé dans ce domaine c’est que ça lui a toujours plu, alors il a continué. Mais il dit avoir été toujours ouvert aux possibilités offertes par les autres méthodes (Qaire, modèles mathé.)

Chaque chapitre du livre reprend le thème des conventions, une des plus grands ennemis de la pensée socio.

- « Représentations » = manière dont nous pensons ce que nous nous apprêtons à étudier avant de commencer notre recherche. Manière dont se forment les images que nous faisons. Comment rester maître de ses représentations pour ne pas nous faire ‘les pourvoyeurs inconscients de la pensée conventionnelle’

- « Echantillons » = nos représentations générales sont toujours le reflet d’un sélection limitée de cas. Comment nous choisissons ce que nous étudions réellement. Nécessité de définir nos échantillons de manière à maximiser les chances d’apparition d’au moins quelques cas capables de perturber notre système et de nous pousser à remettre en question ce que nous croyons savoir.

- « Concepts » = genèse de nos idées. Comment formuler ce que nos échantillons nous apprennent sous la forme d’idées plus générales ?

- « Logique » = manière de manier les idées grâce à des méthodes de logique +- formelle. Idée centrale : pertinence de la méthode qui consiste à se concentrer sur une diversité de cas plutôt que sur la variance des variables (> Ragin).

Ce livre est bien plus un réseau, une toile qu’une ligne droite (p.32). Aucune des ficelles n’a de « place correcte » dans le schéma de construction de la recherche, on peut les utiliser quand on pense qu’elles peuvent faire avancer notre travail : au début, au milieu ou vers la fin de la recherche.

2/ Représentations :

A Chicago il avait aussi Herbert Blumer comme professeur. Il leur enseignait à percevoir les représentations sous-jacentes avec lesquelles les sociologues abordent les phénomènes qu’ils étudient. Quels objets croient-ils être en train de considérer ? Quel est son caractère ? Etant donné l’idée qu’ils se font du caractère de son objet, l’étudient-ils et abordent-ils leurs découvertes d’une manière adaptée à ce caractère ?

Ex : l’erreur consiste à appliquer la théorie stimuli-réactions au fait de se lever le matin et de déjeuner. Aucune théorie ne peut rendre avec justice et justesse la multitude des choses que voyons et ressentons dans vie quoti.

Blumer insistait sur le « caractère obstiné de la vie sociale comme processus interpersonnel ».

Mais que faire une fois que l’on a accepté que nos représentations sociologiques usuelles sont imparfaites ? Pourquoi sont-elles si mauvaises ? Comment les améliorer ? Blumer ne poussa jamais la réflexion au point de trouver des remèdes spécifiques, Becker s’y emploie. Il montre les représentations utilisées par les sociologues, leur genèse et des ficelles pour les améliorer.

Représentations substantives :

• stock de stéréotypes appliqués à des données partielles imagination

Souvent nous apprenons quelques petites choses sur un sujet qui nous intéresse. A partir de ces petites choses nous construisons une histoire assez complète du phénomène. Ex : sur un quartier urbain, on peut se faire une ‘image mentale complète’ (quoique provisoire) – une représentation – de ce quartier en décidant, sur la base des statistiques d’éducation et du revenu, que c’est un quartier populaire. Blumer :

« Malgré ce défaut de connaissance directe, le chercheur se formera inconsciemment une sorte d’image mentale de la sphère de vie qu’il se propose d’étudier. Il fera intervenir les croyances et les images u’il a déjà en tête pour élaborer une vision plus ou moins intelligente de cette sphère. (…) Nous tous, chercheurs, avons un lot de stéréotypes communs que nous utilisons pour observer une sphère de la vie sociale empirique que nous ne connaissons pas ». (1969)

Après la récolte de données préliminaires statistiques sur le quartier, « je sais » par exemple quels types de maisons ces gens habitent : on peut imaginer les pièces, stéréotypes qu’on a sur ce genre de populations. Il n’y a là rien qui se fonde sur une véritable connaissance du quartier. Ce sont des représentations que j’ai élaborées avec mon imagination, sur la base de quelques données et stock de stéréotypes créés par ma propre expérience de la société. Si je suis assez imaginatif je peux inclure l’allure des rues et l’odeur des cuisines…

Un sociologue imaginatif et cultivé peut aller très loin à partir d’un simple fait. Toutefois, pour être des chercheurs en sciences sociales, il faut ne pas se satisfaire de notre imagination et de nos extrapolations (comme le ferait le romancier ou le cinéaste). Parce que les stéréotypes ne sont justement que des stéréotypes et ils ont autant de chances d’être vrais que d’être faux.

• nos représentations déterminent l’orientation de la recherche

Les représentations déterminent nos idées de départ, les questions que nous nous posons pour les vérifier, les réponses que nous trouvons plausibles. Elles le font sans que nous y prenions garde, car ces représentations sont des « savoirs » dont nous avons à peine conscience.

Il est faux de croire en tant que chercheur qu’on ne parle jamais de choses sur lesquelles on n’a aucune donnée. Ex : imputation de sens et de motifs aux acteurs sociaux : nous attribuons toujours, implicitement ou explicitement un point de vue, une perspective, des motifs aux personnes dont nous analysons les actes. Plus on se rapproche des conditions dans lesquelles ils donnent effectivement et réellement du sens aux objets et aux évènements, plus notre description de ce sens sera juste et précise. Et que se passe-t-il si on ne parvient pas à découvrir le sens que les acteurs donnent réellement à leurs activités ? Dans un beau sursaut d’ascétisme, allons-nous ne rien dire de leurs buts et intentions ? C’est peu probable. Nous parlerons quand même de tout ça, mais ignorance oblige, nous serons forcés de nous imaginer en nous fondant sur notre propre expérience quotidienne.

C’est un risque auquel nous sommes constamment exposés. Ex : les études sur la consommation de drogues regorgent d’erreurs de ce type : perçue comme volonté du toxicomane d’échapper à une réalité qu’il trouve oppressante ou insupportable. Ce type de représentations a une longue histoire littéraire derrière lui (Confessions d’un opiomane anglais, De Quincey 1974…). Mais ces descriptions de la toxicomanie sont de pures fictions inventées avec l’aide de la littérature par les chercheurs qui les publient. Ces fictions ne correspondent pas au vécu, elles sont concoctées à partir d’une sorte d’ignorance bienveillante. Ces ‘fausses interprétations du vécu et du sens que les acteurs donnent à leur expérience’ sont monnaie courante dans les études sur : délinquance, criminalité, pratiques sexuelles tous les types de comportements qui sortent de manière générale de la sphère du style de vie conventionnel des chercheurs universitaires.

• Comment avoir de meilleures représentations ?

Etant donné l’immense influence que nos représentations profanes ont sur notre travail, nous devrions au moins faire en sorte qu’elles soient justes (p.44). comment s’y prend-on ? Ces représentations entrent dans nos crânes comme des résidus de notre vie quotidienne, pour avoir de meilleures représentations il faut changer quelque chose à la nature de notre vie quotidienne.

Harvey Molotch (1994, « Going Out ») : si l’on veut parler de la société, il faut d’abord en avoir une connaissance de première main, et notamment connaître les lieux que les gens respectables ne pratiquent pas, ou peu (boîtes, logements sociaux, gangs, manifs… ‘connus seulement sous la forme de vagues idées obsédantes du possible’). Sans une immersion plus profonde dans la société, nous n’accèderons jamais aux choses toutes simples qui peuvent nous empêcher de faire des erreurs idiotes.

Faute de connaissance de première main tirée d’une expérience vécue pour corriger nos représentations, non seulement nous ne savons pas où regarder pour trouver des choses intéressantes, mais nous sommes également incapables de discerner celles qui ne nécessitent aucune investigation à la découverte de preuves tangibles (ex : le sociologue qui dépense 100.000$ pour découvrir sur la prostitution ce que le 1er

chauffeur de taxi lui aurait dit)

Représentations scientifiques

Comme nous avons prétentions à faire des sciences sociales nous ne pouvons nous contenter d’en rester aux représentations de la vie quotidienne, quelles que soient leur richesse de détail et les qualités

d’imagination dont elles font preuve. Il faut procéder à des vérifications pour vérifier qu’elles sont correctes : recherches, collecte de données, hypothèses et théories.

Autre type de représentations, des représentations « scientifiques » ou « professionnelles ». Il ne s’agit plus des représentations exemplifiées par les stéréotypes communs (quartier italien ? qui sent l’ail) mais de représentations que partagent les membres d’un groupe professionnel qui gagnent tous leur vie en étudiant ce genre de problèmes pour l’édification et le jugement de leurs pairs. Ces représentations sont de nature abstraite.

• Elaborer des histoires scientifiques

Créer une théorie ou une explication scientifique fait peser 2 contraintes sur l’histoire qu’on racontera :

- cette histoire doit « fonctionner », être cohérente. Dire tout ce que nous pensons qu’elle doit inclure et la mettre sous une forme qui « fasse sens ». ex : Park, cycle des relations interraciales. (‘cycle’).

- cette histoire doit être conforme aux faits que nous avons découverts. Thomas Kuhn : nos observations ne sont jamais ‘pures’ mais toujours informées par nos concepts, il n’existe pas de ‘faits’ indépendamment des idées que nous utilisons pour les décrire. S’il est vrai que nos concepts informent notre perception des choses, il est également vrai que tout ce que nos concepts pourraient théoriquement nous permettre de voir ne se concrétise pas effectivement dans les faits que nous observons. (ex : le recensement ne permet de voir qu des homme et des femmes, pas de place pour les ‘transsexuels’).

Ne « pas accepter » une histoire signifie considérer que les représentations qu’elle offre de la manière dont telle chose fonctionne effectivement sont fausses sur au moins un point important : soit nous ne comprenons pas l’histoire, soit nous savons qu’elle est fausse parce que certains faits refusent obstinément de s’y conformer. Lorsque cela se produit, nous devons essayer de changer d’histoire.

Une tension apparaît ici entre changer l’histoire pour la rendre plus logique et changer d’histoire pour la rendre conforme aux faits. Nous devrions faire les deux. Il faut se demander quand nous devrions faire l’un ou l’autre.

- en observant avec suffisamment d’attention on peut découvrir des faits qui ne correspondent pas avec l’image : étendre la sphère de nos idées et de nos images pour mieux prendre en compte la complexité du ‘monde réel’

- parfois nous racontons des histoires qui ne sont qu’un nouveau spécimen d’une de ces histoires-déjà-connues (tout le monde sera content et rassuré). Il suffit de citer quelques faits pour que tout le monde croie en sa véracité, nous y croyons nous-mêmes et sommes rassurés.

Dans les solutions à apporter à ces problèmes nous avons à notre disposition un vaste choix de types de représentations différentes. Nos représentations professionnelles ont à voir avec le type de causalité que nous pensons être à l’œuvre (phénomène gouverné par le hasard, aléatoire ; par une part de hasard et une part de déterminisme ; récit narratif). Nous élaborons un certain nombre d’idées sur le type de conclusions que nous en tirerons, sur le type de pensée paradigmatique auquel nous l’assimilerons. Ces paradigmes nous viennent de notre participation à un monde de sociologues professionnels (> Kuhn).

Ce monde professionnel spécialisé nous fournit de nombreuses images de la manière dont fonctionne le monde social en général. Ex : Blumer, conception de la société comme ensemble de relations intersubjectives. Mais autres conceptions : le monde social vu comme coïncidence, comme machine, théâtre, organisme… Chacune de ces images nous aide à découvrir certaines choses et nous empêche d’en découvrir d’autres (p.50).

• La ficelle de l’hypothèse zéro :

Contrairement à ce que disait Blumer, nos représentations n’ont pas besoin d’être exactes. Du moment qu’on finit par les vérifier par rapport à la vérité, certaines représentations inexactes des choses peuvent se révéler très utiles, en nous montrant comment les choses pourraient être si elles allaient d’une manière dont on est à peu près sûr qu’elles ne vont pas.

H0 : Hypothèse qu’on pose parce qu’on pense qu’elle sera fausse, et u’en cherchant ce qui les réfute on pourra trouver ce qui est vrai. (p.57)

Tirages aléatoires :

Version classique de cette ficelle : poser une hypothèse zéro (H0), ie une hypothèse dont on soupçonne fortement qu’elle ne correspond pas à la réalité. En prouvant qu’elle est fausse on prouvera qu’autre chose est vrai.

Ex : si les statisticiens ou physiciens font l’hypothèse du ‘hasard’ c’est justement parce qu’ils voudraient montrer que cette hypothèse est erronée et qu’ils espèrent trouver un faisceau de présomptions en faveur de la théorie qu’ils veulent avancer. A aucun moment ils n’ont cru qu’il n’y avait aucune relation ; ils

l’ont simplement dit pour concentrer leurs recherches. L’hypothèse selon laquelle le monde serait gouverné par des phénomènes aléatoires leur sert de manière analytique en montrant comment le monde serait si cette hypothèse était juste.

La ficelle de l’H0 est une version qualitative, théorique, du procédé d’analyse statistique. On commence par observer que tout évènement social est le fait de l’activité commune de beaucoup de gens. Puis on essaie de comprendre les activités des gens qui ont été choisis par cet événement et qui viennent d’un ensemble beaucoup plus vastes de gens qui étaient ‘éligibles’, ‘disponibles’, ‘candidats probables’ à la participation de cet événement. C'est-à-dire que parmi le vaste réservoir de gens qui auraient pu choisir de participer, ou être choisis pour participer, seulement certains d’entre eux le firent ou le furent. La ficelle de l’ H0 consiste ici à poser que la sélection des participants est effectivement aléatoire que chaque membre de l’ensemble plus vaste des participants potentiels avait la même probabilité d’être choisi.

Bien sûr, dans la réalité tout le monde n’est pas également ‘éligible’ pour participer à un événement donné. Exactement comme dans sa version statistique, cette ficelle permet de faire comme si la sélection était aléatoire uniquement pour voir en quoi la population sélectionnée pour participer diffère par rapport à la population qu’une sélection aléatoire aurait fournie. On suppose qu’il y aura une différence, et on veut savoir ce qu’est cette différence afin de chercher ensuite quelles sont les pratiques et structures sociales qui ont produit cette variation par rapport au tirage aléatoire.

Ex : Lori Morris, Michal McCall et Becker, sur le théâtre : pour les besoins de la démonstration, on pose H0 : les metteurs en scène font leurs castings en piochant dans une liste d’acteurs disponibles (femme noire de 70 ans pourrait jouer Roméo). Ces « règles un peu moins contraignantes » sont bien le début d’une véritable analyse : les metteurs en scène sont contraints dans leurs choix par leur acceptation +- consciente des règles qui déterminent quels types socialement défini de personne peut jouer tel personnage théâtralement défini. Nous avons très souvent tendance dans le cas d’un « problème bien défini » à négliger l’existence de ce genre de sélection initiale parc qu’elle est évidente, parce que nous ne la voyons même pas. Un « problème bien défini » est en fait un problème pour lequel nous avons déjà exclu d’envisager toute une possibilité de processus potentiellement très intéressants. Lori Morris a cherché en quoi la sélection différait de celle qu’aurait produite un tirage au sort, cela l’a menée vers les types de processus d’organisation spécifiques d’une communauté professionnelle.

Cette hypothèse n’est pas faite par stupidité, c’est un ‘exercice naïf’. La ficelle peut être utilisée à n’importe quel stade de la recherche, même si on a déjà une petite idée de ce qui se passe réellement : non parce qu’elle produirait un résultat auquel on n’aurait pas pensé sans elle, mais parce qu’elle aide à formaliser sa pensée.

Il n’y a aucune raison à limiter l’usage de cette ficelle à la sélection des gens. On peut l’étendre aux choix faits par les individus, qui eux aussi prennent place parmi le domaine des possibles. (choix pensés de façon fugace…)

En mettant ainsi au jour les écarts par rapports à un résultat aléatoire, cette ficelle fait mettre le doigt sur les contraintes en présence et, par là, sur l’organisation sociale étudiée.

Pour une analyse scientifiquement valable : exposer ’l’éventail complet des contraintes en présence’.

Qu’est-ce qu’une fille comme vous fait dans un endroit comme ça ?

Le modèle du tirage aléatoire n’est pas le seul modèle d’hypothèse zéro utile.

Ex : les gens expliquent souvent les phénomènes qu’ils ne comprennent pas par « Ils sont fous ». Le signe qu’un comportement est fou est qu’il ne sert aucun but auquel l’observateur pourrait penser. Ex : prostitution ‘qu’est-ce qu’une fille bien comme vous fait ici ?’, sous-entend que filles bien se prostituent pas. Ou fumer de la marijuana : H0 : nos actions n’ont aucun sens réfutation : chercher les raisons qui font que fumer est quelque chose de très sensé pour le fumeur (procure du plaisir à faible coût, sans grande sanction sociale).

Supposer que le comportement que l’on étudie est parfaitement sensé mais que ce sens nous échappe pour le moment est en général une bonne alternative sociologique à l’hypothèse zéro de la folie. Travail d’analyse consiste à retrouver les circonstances qui ont poussé l’agent à penser que c’était une bonne idée. Ex : c’est qu’après coup que maison qu’on pensait que la valeur allait augmenter qu’on voit que ça n’était pas bonne idée.

Les choses nous paraissent souvent incompréhensibles parce que nous sommes trop éloignés de la situation pour connaître les contingences réelles qui ont pesé sur le choix de l’action. Ex : opérations chirurgicales de changement de sexe (James Driscoll, 1971, Harold Garfinkel, 1967) : les hommes ne décident pas, comme ça, un beau jour, de se faire opérer sur un coup de tête (pp.56-61. Cette décision ultime est la dernière d’une longue série de décisions antérieures, dont aucune prise isolément – et c’est là

le point central – n’a jamais paru étrange en lui-même. (à chaque étape il y a un « peut-être », point de contingence où une partie de la pp° bifurque). Aucune de ces étapes n’est extrêmement radicale. A chaque moment il peut décider de quitter le chemin parmi les nombreuses trajectoires possibles. Et chacun de ces pas est intellectuellement et émotionnellement compréhensible pour des gens qui ne sont eux-mêmes en rien semblables pourvu qu’on leur en rende les circonstances intelligibles. Décision qui ne se fait pas sur un coup de tête, sinon on aurait du mal à comprendre. Les choses ne se passent pas ainsi. Ce jeune homme est passé par des dizaines d’étapes relativement petites, chacune l’étant suffisamment pour ne pas nécessiter un quelconque type d’explication complexe ou inhabituelle.

Chaque fois que nous découvrons quelque chose d’étrange ou si incompréhensible que la seule explication que nous puissions en donner est une version du « Ils sont fous », nous devrions suspecter systématiquement que nous manquons grandement de connaissances sur le comportement étudié. Il vaut mieux supposer que cela a un sens et en rechercher la signification.

Coïncidence

Becker explicite comment lui est apparu ce problème (anecdote de sa vie : voyages à Rio…).

La notion de « coïncidence » est fertile, représentations sans doute plus réalistes que celles de l’ H0.

Coïncidence = les choses ne sont ni parfaitement aléatoires ni absolument déterminées. Elles « coïncident ». ce que l’on a peine à expliquer, ce sont leurs intersections.

A Rio, où il est car il a été invité par Gilberto, il lit l’article de Candido et s’intéressant à lui, l’article de Peirano. Peirano est surprise que les auteurs qu’elle étudient fondent intégralement leur travail sur l’application ou la mise en lumière de modèles de causalité sociale extrêmement déterministes. Ce n’est que lorsqu’ils parlaient de leur propre vie que ces théories déterministes cessaient d’apparaître comme des explications valables. En revanche, le discours sociologique conventionnel leur semblait parfaitement adéquat lorsqu’ils parlaient d’autres personnes. ex de la manière dont la vie de ces universitaires avait pu être déterminée par le hasard.

Venant de se marier, Becker est sensible à l’idée d’une part de « chance » dans la vie sociale. Il en est venu à s’intéresser au rôle du hasard et des coïncidences dans la vie sociale.

Problème de fond : alors que tout le monde reconnaît que ce genre d’histoires correspond « à la manière dont les choses se passent vraiment », il n’existe cependant aucun langage conceptuel pour parler de ces choses que tout le monde connaît. Lorsque nous parlons en sociologue, nous parlons de ‘causes’. Mais les choses ne surgissent jamais comme ça, elles se produisent en une succession d’étapes qui sont ‘processus’ ou une ‘histoire’. On pourrait décrire les conditions nécessaires à l’occurrence d’un événement (Ça) comme l’histoire des différentes choses qui se sont succédé jusqu’à ce qu’il soit quasiment certain que Ça se produirait.

Ex : ‘tomber amoureux’. Les gens ne tombent en général pas amoureux des gens qu’ils rencontrent (voir plans des amis, échecs). Réunir toutes les conditions nécessaires ne garantira pas que Ça arrivera.

Quand un événement A se produit, on se trouve dans une situation où de nombreuses choses peuvent se produire (bac aller en prison, voter, s’engager dans l’armée…). Le trajet pour lequel on opte à ce genre de carrefour dépend de nombreux facteurs. On peut appeler « contingences » les choses dont dépend l’étape suivante et dire que le fait que l »événement A soit suivi de l’évènement B plutôt que C ou D est contingent d’une chose X.

Le trajet qui mène à un événement donné peut donc être vu comme une succession d’évènements aussi contingents les uns que les autres. Arborescence qui au lieu de se rétrécir se dédoublerait.

La chaîne d’évènements qui mène à ce qui m’intéresse implique de nombreuses personnes. (ex : drame de Max Frisch, Biographie : un jeu Hnnes Kürmann a la possibilité de revenir sur sa vie, de choisir de ne pas entrer en relation avec Antoinette Stein qu’il va épouser et tuer : lui ne peut changer, elle décide de partir). Ce qui s’est produit dans la vie de Kürmannne dépendait pas uniquement de ses propres actes et choix, mais également de ceux des autres personnes qu’il côtoyait. Si Antoinette modifie sa vie, la sienne sera également nécessairement modifiée. Il ne peut épouser puis assassiner quelqu'un qui a définitivement disparu de sa vie. Le fait que ses actes à lui dépendent des actes à elle = intercontingence.

Explication qui conçoit les évènements comme n’étant ni aléatoires, ni déterminés.

• Ficelle de la Société comme Machine

Il n’y a fondamentalement rien de mauvais dans les schémas de base de la pensée socio ; le problème est que les sociologues les utilisent lorsqu’ils ne devraient pas. Ils font les plus grosses erreurs quand ils oublient comment ils devraient faire les choses : oubli de l’étendue des possibles (car engagement politique ou inclinaison de tempérament.

Difficultés que la ficelle de la Société comme Machine est censée résoudre :

- quand nous voulons améliorer les choses nous risquons d’oublier (par commodité) bon nombre de groupes, personne,s choses qui contribuent au résultat que nous voulons modifier (l’idée de désinstitutionnalisation, faire sortir les malades mentaux des hôpitaux ne prenaient pas compte qu’ils étaient incapables de faire les choses comme les autres et tenus à l’écart depuis trop longtemps, pas possible de retourner dans les communautés initiales devenus ‘citoyens normaux’ les patients libérés ne peuvent vivre la vie normale que la théorie avait prévue, forment catégorie des « sans domicile » Personne n’avait prévu ça. Problème : on n’a pas pris en compte dès le départ toutes les personnes impliquées, c'est-à-dire les patients mais aussi leurs familles donc évaluation erronée de réalité).

- Théories de la déviance : la soi-disant révolution de la théorie de l’étiquetage n’aurait jamais dû être nécessaire. Aucun paradigme de la socio n’a été renversé. Si les criminologues et autres professionnels qui l’ont étudié avaient pris en compte le concept de W.I.Thomas de « définition de la situation », ils se seraient enquis du point de vue des criminels au lieu de supposer troubles de personnalité. La pensée de l’étiquetage n’a pas été une révolution mais une contre-révolution, un retour conservateur à un courant de la pensée socio de base qui s’était perdu dans la pratique de cette discipline. Ces idées sociologiques de base ne se sont pas perdues par accident mais parce que les sociologues avaient acquis des obligations qui les poussaient à définir les problèmes en laissant de côté certains des acteurs les plus importants du drame de la déviance. Les sociologues conventionnels considéraient que ces « actions mauvaises » étaient évidentes et n’en firent pas un objet d’investigation.

- Etudes sur l’éducation : pourquoi les élèves n’apprennent pas ce qu’ils devraient apprendre à l’école ? Les sociologues cherchent la réponse du côté des élèves (personnalité, capacité…) pas du côté des profs

Les sociologues oublient leurs propres théories dès que quelque chose d’important est en jeu. Ils oublient de suivre les instructions claires que ces théories impliquent et oublient de s’intéresser à toutes les personnes et toutes les organisations qui contribuent à créer un résultat donné. Solution : Ficelle de la Machine qui nous aide à ne pas laisser d’éléments cruciaux de côté. Il faut se penser comme un ingénieur qui veut que la machine qu’il conçoit accomplisse effectivement la tâche qu’elle doit accomplir.

Mettre la ficelle en pratique : on s’intéresse à un phénomène qui nous déplaît (ex : médecins + intéressés par l’argent et le golf que soigner), il faut faire de « l’ingénierie à rebours », démonter cette Machine, comprendre comment elle fonctionne, ses composants, leurs connexions, toute ce qui se passe dans cette boîte noire afin de pouvoir nous aussi générer le résultat que cette machine produit. On pourrait produire par exemple une machine à produire une répartition ethniquement biaisée de la main d’œuvre à partir des travaux de Hughes (1943).

Le fait de concevoir ce genre de machines nous donne une bonne raison d’inclure ce que nous aurions pu risquer de laisser de côté, ce que nos sentiments, nos engagements et nos intérêts auraient pu nous pousser à oublier ou à négliger. Notre machine ne fonctionnera pas si elle n’a pas toutes les pièces qu’il faut pour accomplir sa tâche.

Pas facile d’établir cette machine (consensus avec collègues = dur), remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier.

• La société comme organisme

L’image de la machine n’est pas toujours fertile. Elle fonctionne bien dans les cas où le monde social agit de manière très répétitive et produit chaque fois des résultats globalement identiques en suivant une procédure systématique (ex : école). Ou elle fonctionne bien quand nous choisissons de nous pencher sur l’aspect répétitif de ce que nous étudions idéal pour l’étude des organisations sociales. On aura les réponses de ce qui change ou de ce qui ne changera pas avec une grande révolution que si elle a lieu. Beaucoup de choses continueraient sans doute à se produire comme avant : alors modèle de la machine.

Mais nous voulons parfois penser le monde différemment, en mettant l’accent plus sur les connexions que sur la répétition : nous pensons que les choses ne resteront pas toujours identiques à elles-mêmes mais que jour après jour elles resteront connectées entre elles d’une manière similaire (le cœur est affecté et affecte les vaisseaux sanguins). Image de l’organisme alors est plus adaptée.

Terme vague employé de « connexion » (car pas forcément « causalité »). Au 19°s. les penseurs utilisaient la métaphore de la société comme un organisme. C’est une bonne ficelle de considérer tel ensemble d’activités sociales comme étant doté de ce caractère organique et de chercher toutes les connexions qui contribuent au résultat qui nous intéresse, en essayant de voir quelles influences elles exercent les unes sur les autres, chacune créant les conditions de fonctionnement de toutes les autres. Ex : Arthur McEvoy (1986), pêche en Californie : espèces aquatiques connectées entre elles de manière complexe. Les diverses sociétés ont des habitudes alimentaires différentes qui entraînent de grandes variations dans le nombre de plantes et animaux de chaque type existant à un moment donné. Quand les

pêcheurs chinois ont réduit la population des ormeaux, les prises de poissions comestibles comme la bonite et le bar très appréciés par d’autres pp° ont augmenté spectaculairement.

Voir la société comme un organisme, c’est une invitation constante à s’intéresser à toutes les choses connectées au sujet qui nous intéresse. (relations entre animaux/hommes/climat culture illustrent ce méli-mélo de systèmes)

Série de ficelles spécifiques découlant de ce type d’approche :

- cesser de penser les types de gens comme des catégories analytiques pour s’intéresser au contraire aux types d’activités auxquels les gens se livrent de temps en temps

- considérer les gens comme le résidu concret des activités des gens

Ici ça résulte de la métaphore de la société comme organisme : le fait de considérer les gens et les objets comme des entités fixes dotées d’un caractère propre les rend analytiquement insensibles au contexte. Partir des activités permet de centrer l’analyse sur la situation dans laquelle l’activité a lieu et sur les connexions qu’elle entretien avec son contexte. Les activités ne peuvent avoir un sens que quand on sait à quoi elles répondent.

Voir les gens comme des activités

Cette ficelle est un substitut à l’habitude qu’on a de dresser des typologies de gens (ex : déviants / non-déviants). Quand on dresse des typologies de personnes, on fait comme si la personne n’était rien d’autre que le type. Or on constate que personne n’agit complètement comme l’exigerait le rôle que lui assigne son type. Les activités de chacun sont plus variées et inattendues que cela.

Il faut remplacer les types de personnes par des types d’activité. Les gens font ce qu’ils font à un moment donné et étant donné que les situations changent il n’y a aucune raison de considérer qu’ils agissent toujours de la même façon. (ex : Dietrich Reitzes, 1954, Qaire racisme : gens déclarent tolérants au travail, racistes chez eux). Il faut prendre acte du fait que chaque activité s’opère en réaction à une situation donnée et que les relations entre les situations et les activités présentent une forme de cohérence et de constance qui permet la généralisation

Remarque : dans Outsiders Becker dit avoir considérer des types d’activités et non de personnes. la désignation d’usagers de marijuana est une expression qui n’est rien d’autre qu’un raccourci. Ce qui est important c’est l’activité X qui peut entraîner des conséquences physiques, déclencher une série de processus…

Placer les gens sou un type est une façon de rendre compte de la régularité de leurs actes. Au contraire, quand on se concentre sur les activités plutôt que sur les gens on se force à s’intéresser au changement plutôt qu’à la stabilité, à la notion de processus plutôt qu’à celle de structure. On perçoit le changement comme une condition naturelle de la vie sociale (l’exception c’est quand les choses demeurent comme elles sont depuis longtemps).

Les chose ne sont que des gens qui agissent ensemble

Les objets physiques n’ont aucune propriété ‘objective’. Ex : une drogue a certes des effets quantifiables sur le système nerveux mais ne vous fera pas planer si vous n’avez pas appris à ‘planer’. Un instrument de musique n’est que l’incarnation physique de toutes les expériences acoustiques qui ont rendu son expérience possible.

Bruno Latour (1995) : caractéristiques de la terre brésilienne peuvent changer quand un scientifique la manipule

Les objets physiques tirent bien leur caractère des activités collectives des hommes. Ainsi, la motte de terre brésilienne se voit scientifiquement « abstraite » pour créer un nouvel objet réel (échantillon de terre dans un appareil pour faire des comparaisons) qui sera à son tour abstrait pour faire un objet réel (chiffre et graphique dans un article scientifique). Un objet aussi physique et concret qu’une motte de terre es en fait ce que nous en faisons. Pour nous : morceau de terre sale // Pour Boulet : une donnée scientifique.

La plupart des objets ne changent pas aussi radicalement. Mais en plus, les objets continuent d’avoir les mêmes propriétés quand les gens continuent à les penser de la même manière. Le fait de s’accorder sur ce qu’ils sont facilitent grandement les activités communes. Les objets sont des « accords sociaux figés », des moments figés de l’histoire des interactions humaines.

Ficelle analytique : voir dans l’objet matériel que nous avons sou les yeux toutes les traces de la manière dont il en est venu à être ce qu’il est ; à voir qui a fait quoi pour que cette chose existe telle qu’elle existe .

Ex : clavier QWERTY, malcommode > ralentir frappe des typographes car anciennes machines se bloquaient quand on tapait trop vite. Trop de gens s’étaient habitués au clavier ancien pour s’adapter au Dvorak.

Tout se produit nécessairement en un lieu donné

En préservant la ‘confidentialité’, on décrit quand même les lieux (+- anonyme BIW, université de médecin du Kansas et ville de Lawrence). Chaque terrain de recherche est un cas au sein d’une catégorie générale, tout ce que nous apprenons sur lui nous en apprend sur le phénomène général (mais n’est pas absolument semblable).

On peut parler : de la météo, des caractéristiques de pp° (niveau d’éducation, CSP, races…)

Ex : Etude de l’organisation d’un cabinet médical :

- des populations qui diffèrent en termes de race et classe diffèrent dans les habitudes alimentaires

- à ces habitudes alimentaires correspondent des problèmes de santé spécifiques (gras cardio-vascu.)

- la situe de travail d’un docteur dépend de la distribution des problèmes de santé dans son secteur

- et caractéristiques géographiques du secteur : ex : si valloné, les gens font de l’exercice…

- de nombreux médecins du même secteur risquent de voir des gens avec les mêmes syndromes

- des professionnels confrontés aux mêmes types de difficultés dans leur travail en développent une vision commune et des modes de coopération

les schémas de culture professionnelle varient en fonction du lieu où les professionnels en question opèrent.

Donner ce types « d’informations contextuelles » est pertinent (≠ couleur locale pour vraisemblance). Ces détails constituent les conditions contextuelles dans lesquels ce déroulent les phénomènes étudiés. Expliciter ces conditions aide à produire une analyse plus riche et à fournir de meilleures explications.

Reconnaître en quoi une organisation sociale dépend de son environnement. Quels choix faire dans la description du lieu ? Il faut inclure tout élément qui montre qu’on en peut le laisser de côté. Plutôt que d’essayer de négliger ou ‘contrôler’ les variations locales, il faut les mettre au jour et les inclure dans les résultats.

2 ficelles : (Remarque : idem pour « Toute chose se situe dans un temps donné » pas anodin)

- Toute chose se déroule quelque part : lieu spécifique qui affectera nécessairement l’objet étudié. Etre très attentif à ses caractéristiques physiques et sociales.

- Inclure tout ce qu’on ne peut laisser de côté : repérer les caractéristiques du milieu pertinentes pour expliquer les caractéristiques sociales spécifiques qui nous intéressent. Ex : météo doit faire partie de la description introductive si le climat est mobilisé dans l’analyse.

• Histoires

Les adeptes de l’analyse causale se méfient des corrélations parfaites que produit l’analyse narrative. Pour les probabilistes, les corrélations sont imparfaites car leurs données contiennent des erreurs (mais pas à jeter).

Les analystes narratifs, à l’inverse, ne sont contente que lorsqu’ils aboutissent à un résultat intégralement déterministe. Chaque cas négatif est alors vu comme une façon d’affiner ce résultat, de retravailler l’explication de manière à inclure ce cas apparemment anormal. Autre solution pour gérer ces cas anormaux : les laisser de côté en considérant qu’en fait ils ne relèvent pas du type de choses qu’on veut étudier.

Ne demandez pas « pourquoi ? », demandez « comment ? »

Le « Pourquoi ? » déclenche une réaction de défense, les gens croient qu’ils ont à fournir une « bonne raison », à se justifier, ils sont sur la défensive, donnent des réponses lapidaires, résument en peu de mots.

Avec le « Comment ? », les gens répondent de façon détaillée en donnant plein de détails, cela donne des réponses moins contraintes et plus ouvertes, cela permet de connaître l’enchaînement des choses, d’apprendre des choses qui enrichissent l’analyse, de les placer en situation de dire un maximum de choses.

Néanmoins la question « pourquoi ? » peut être bien dans le cas où on veut le type de raisons qu’ils veulent donner pour justifier des choix : une spécialité médicale plutôt qu’une autre…

Processus conduit vers une façon de penser qui est une bonne ficelle théorique

Ficelle théorique : considérer que le phénomène étudié n’est pas le résultat de causes mais le résultat d’une histoire : montré les étapes du processus qui l’ont engendré plutôt que montrer les conditions qui en ont rendu l’apparition nécessaire.

On cherche à avoir des histoires typiques. Ex : Pourquoi les couples se séparent ? (Dianne Vaughan, 1986) : il faut s’intéresser à l’histoire de la rupture, les étapes et leurs liaisons, les conditions propices ou nécessaires à la suivante. L’explication de la rupture réside en ce que le couple est passé par toutes ces étapes, non en ce que les deux membres étaient tel ou tel type de personnes.

Les histoires de processus n’ont pas de but prédéterminé, elles peuvent avoir plusieurs fins possibles (facteur contextuel rend probable mais l’issue n’est jamais certain).

Georg von Wright (1971): 2 types d’explication:

- pourquoi quelque chose était ou est devenu nécessaire

- comment quelque chose est devenu possible pas prédiction, mais on peut juste faire ‘rétrodiction’.

Causes

Les sociologues se sont mis d’accord sur les paradigmes permettant d‘établir la causalité et les définissent souvent en termes de variables. L’analyste identifie une « variable indépendante » (un phénomène qui varie d’une façon quelconque) et cherche à identifier les « variables indépendantes » dont la variation propre « cause » la variation de la variable dépendante. Ce qui définit la causalité, c’est la covariation. Mais la corrélation n’est pas la causalité. Mais les sociologues ont souvent recours à ce type d’explication. 2 procédures standards :

- évaluation quasi expérimentale de l’influence relative de chacune des causes dont on peut penser qu’elles expliquent le résultat. Pour Lieberson, cette idée qui consiste à essayer d’estimer l’influence d’une variable isolée en maintenant tous les autres facteurs à un niveau constant est intenable (car caractère non aléatoire de la distribution des variables). Comparaison des cellules d’un tableau que pour grand nombre de cas. La logique de cette approche exige que nous fassions comme si toutes les causes impliquées dans la production d’un effet opéraient de manière +- simultanée et continue. Même si nous savons pertinemment que A précède B, les procédures analytiques exigent que nous traitions A et B comme si ça n’était pas le cas. Ces procédures exigent aussi que nous fassions comme si les variables proposées comme causes opéraient indépendamment les unes des autres. Comme si chacune apportait sa propre contribution à la variation de la variable indépendante. Enfin, ce genre de procédures traite les causes comme si elles s’additionnaient. On considère que n’importe quelle combinaison de ‘contributions’ au résultat produit ce résultat dès lors que ces contributions opèrent en nombre suffisant.

- Approche décrite par Ragin (1987) comme multiple et conjoncturelle : elle prend acte de ce que les causes ne sont pas réellement indépendantes et qu’elles n’apportent pas réellement chacune leur contribution indépendante au vecteur qui produit le résultat final sur la variable dépendante. Elle suggère au contraire que les causes ne produisent un effet que lorsqu’elles opèrent ensemble. La variable X1 produit bien un effet mais ne le fait que si les variables X2, X3 et X4 sont également présentes. En leur absence, X1 n’a aucun effet. C’est l’aspect ‘conjoncturel’. Cette approche est multiexplicative. Si un seul facteur manque, le résultat sera toujours zéro. L’aspect ‘multiple’ de cette approche pose que plusieurs combinaisons de causes peuvent produire le résultat qui nous intéresse. Ce type de représentations de la causalité considère qu’il y a diverses manières d’arriver au même but. La combinaison qui fonctionnera dans un cas donné dépend du contexte, des conditions historiques et sociales qui varient d’un cas à l’autre. Pour études accumulant bcp d’info sur petit nombre de cas. Ex : études transnationales détaillées : voir la complexité des cas historiques réels (pas seulement les variations entre des variables dans un univers de cas hypothétiques).

3/ Echantillons

Q’inclure ?

• Echantillons et synecdoque 1

1 On utilise une partie du tout pour renvoyer le lecteur au tout auquel cette chose appartient. Ex : Maison Blanche présidence américaine

On ne peut tout étudier et nous n’avons aucune raison de chercher à le faire. Toute entreprise scientifique s’efforce de découvrir quelque chose d’applicable à toutes les choses d’un type en étudiants quelques exemples, le résultat de cette étude étant ‘généralisable’.

Synecdoque = forme d’échantillonnage dont le but est la persuasion. L’échantillonnage est une forme de synecdoque. Problème de synecdoque : la partie risque de ne pas représenter correctement le tout.

• L’échantillonnage aléatoire : al solution parfaite (à certains problèmes)

Procédure de l’échantillonnage : interroger quelques personnes de la ville et extrapoler les votes. Les procédures d’échantillonnage enseignent comment faire : choisir des gens avec un tableau de nombres aléatoires.

Erreur de Hatch et Hatch (1947) : pas de mariage juif dans ceux étudiés en juin dans le New York Times. Car pas de mariage juif dans les 6 semaines entre la Pâque et la fête des semaines.

• Quelques autres problèmes d’échantillonnage

On peut chercher à savoir quel type d’organisation pourrait constituer le tout dont l’objet que nous étudions est une partie. (similitude avec archéologue).

On peut aussi chercher à connaître la gamme complète des variantes d’un phénomène donné. Car on ne veut pas que notre synecdoque possède des traits qui soient spécifiques à quelque sous-groupe de l’ensemble.

• Où s’arrêter ? Le cas de l’ethnomusicologie

Le rêve de tout sociologue est de « tout recueillir ». Il se manifeste particulièrement dans le courant de l’ethnométhodologie qui cherche à décrire toutes les musiques qui existent en tous lieux et les décrire avec leurs propres critères. Problème : impossibilité pratique de répondre à cette exhaustivité. Pose série de questions : où s’arrêter ? prendre en compte les comptines pour enfants ? que les musiques de professionnels ou rituel ‘Joyeux anniversaire’… La collecte risque de prendre le dessus sur tout le reste. Et une liste n’est pas une définition.

Harold Garfinkel : la recherche est une « activité pratique » un jour ou l’autre il faut achever son travail.

Ici on a abandonné l’idée d’une description complète de toute chose (impossible) mais utilisée dans la suite comme ‘borne repère’ à l’aune de laquelle on va étudier les synecdoques de l’échantillonnage (montre choix).

• Quelle dose de détails ? Quelle dose d’analyse ?

Il enseigne à ses étudiants commençant le terrain d’essayer de « tout » noter dans leur carnet. On a vu que c’est infaisable à grande échelle, ça l’est autant à petite échelle. Il leur enseigne que ce que les étudiants croient être des descriptions brutes ne sont en général rien de tel mais des résumés analytiques de ce qu’ils ont vue, résumé élaboré pour échapper à l’exigence de tout noter (ex : il est impatient mais on ne dit pas qu’il fait des va-et-vient, regarde la montre…). Difficile d’énumérer sans commenter (voir Pérec).

La question de la juste proportion entre description et interprétation est difficile. Chacun sait qu’il n’y a pas description « pure » mais un acte de sélection et point de vue (Kuhn : toute description est ‘chargée de théorie’). Mais il existe différents degrés d’interprétation. Les sociologues attendent généralement ces interprétations. Mais une description massivement détaillée peut être d’un intérêt considérable en amenant le lecteur à formuler lui-même les conclusions (James Agee, Louons maintenant les grands hommes, 1941, maison métayer, misère).

Au-delà des catégories : trouver ce qui ne cadre pas

• La description et les « catégories »

Un des grands obstacles à la production et d’analyses correcte est que nous pensons connaître par avance la plupart des réponses. Nous avons un « sens commun ». On ne remet pas en cause ce que tout le monde sait. Les sociologues considèrent rarement le problème des catégories comme un problème pratique de recherche à résoudre. Ils font souvent le contraire : ils concentrent leurs efforts sur quelques cas considérés comme archétypaux. Ex : études des professions = prédilection pour médecine et droit. On attire plus l’attention sur les violation de la loi par des déviants que sur des hommes d’affaire.

Une des manières d’éviter le piège que nous tend ce genre de catégories professionnalisées est d’avoir recours à un type de description massivement détaillée (Perec, Agee). Une description méticuleuse qui ne passe pas par le filtre de nos idées et de nos théories produit des observations qui ne cadrent pas avec ces

théories et nous obligent à élaborer de nouvelles idées. Se confronter avec les choses qui sont le plus susceptibles de nous faire dépasser les catégories conventionnelles, les énoncés et solutions conventionnelles.

Comment faire pour trouver des cas qui ne cadrent pas ? En nous intéressant à toutes les données dont nous disposons au lieu de laisser de côté ce qui risque de nous gêner ou de ne pas attirer notre attention. Il faut identifier ce qui nous empêche de découvrir ce genre de cas et inventer des ficelles pour y remédier.

• Tout est possible

Chercher les choses les plus improbables pour intégrer la possibilité de leur existence. Obstacles qui nous empêchent de voir la gamme complète des cas sont d’ordre conceptuel : ils surgissent parce que nous croyons que quelque chose est vrai et que, de ce fait, nous n’examinons pas la situation à laquelle cette chose renvoie.

- l’échantillonnage aléatoire est conçu pour égaliser les chances de chaque cas a d’être choisi

- la méthode d’échantillonnage générale permettant d’éviter les pièges de la pensée conventionnelle consiste au contraire à maximiser la probabilité de l’apparition d’un cas étrange (voir Glaser et Strauss, 1967, « échantillonnage théorique »).

Cette ficelle consiste à identifier le cas qui risque de chambouler notre vision des choses, et à le rechercher. Hughes enseignait à penser : « Après tout, les choses auraient pu être différentes ». Imaginer les possibilités les plus folles et les raisons pour lesquelles elles ne se produisent pas. Si on ouvre les yeux on trouve toujours des cas à étudier, même s‘ils ne sont pas là où on les attendait.

• Les idées des autres Ce monde de possibilités infinies est déroutant. Pour éliminer certaines possibilités, on peut accepter – partir des idées des autres (mais les raisons qui font que les autres en arrivent à ces jugements ne sont pas nos raisons).

Tout le monde sait ça !

Les scientifiques veulent en général trouver quelque chose de « neuf » plutôt que de s’intéresser toujours aux mêmes vieilleries. Alors que c’est justement quand on dit que ça n’est pas la peine de retravailler un sujet qui a déjà été fait que c’est le moment de travailler dessus (« révolution » Kuhn sur même sujet).

La hiérarchie de la crédibilité

Si très souvent les sociologues n’étudient pas la gamme complète des phénomènes c’est parce que les gens qui gèrent l’organisation que nous étudions définissent des choses que nous devons inclure et les sujets ne requérant pas l’analyse. « Hiérarchie de la crédibilité » : PDG, directeur d’hôpitaux croient en savoir plus que leurs subordonnés. Problème = quand nous acceptions les idées produites par la hiérarchie de la crédibilité.

Ficelle = Douter de tout ce qu’une personne de pouvoir peut nous dire. Recueillir d’autres opinions. Et traquer les conflits et mécontentements niés pour ‘bonne image’ ( ‘Les choses sont mieux ou moins bien qu’avant ?’).

C’est trivial, ce n’est pas un « vrai problème »

Des personnes méprisent les sujets ‘pas sérieux’. Sujets peu sérieux (ex : musiciens de jazz) permettent d’élargir le champ de la connaissance et scientifiquement valables : Hughes peut ainsi formuler une nouvelle hypothèse selon laquelle les membres des professions de services haïssent les gens qu’ils servent, mais les membres des professions à haut prestige (médecins, juristes) ne le reconnaissent pas. Négliger avis des gens.

Pourquoi eux ?

Le corollaire de cette hiérarchie de la crédibilité c’est que certaines personnes / organisations ne valent pas du tout la peine qu’on les étudie. Pourquoi étudier cette fac, qui n’est pas parmi les meilleures quand écrivent BIW ?

« Il ne se passe rien »

un des obstacles les plus communs qui nous empêche de voir un cas qui ne cadre pas, c’est la croyance où nous pouvons être qu’une situation donnée ‘n’est pas intéressante’. Ex : il photographie et reprend à son compte et intègre le sentiment des bénévoles du poste de secours qui, eux, savent ce qui est intéressant (une urgence). Un jour il se dit que c’est faux, se met en devoir de photographier même quand il se passe rien et trouve des choses. Le sens commun et les préjugés des gens qui nous entourent ne sont pas les obstacles qui nous empêchent de voir ce qu’il y a à voir. Nous faisons aussi le choix de ce que nous

prenons en compte et de ce que nous laissons de côté sur la base d’une représentation et de la théorie associée (d’où reproche féministe : théo. socio = sexiste).

• D’un autre côté…

Becker a dit plus haut qu’il fallait remettre en question ce que les gens nous disaient. Ici il propose une ficelle apparemment contradictoire : s’intéresser justement à ce que les gens nous disent car ils en savent beaucoup sur le monde. Nous devrions tirer parti de ce qu’ils savent. Pas considérer que ce qu’ils disent est meilleur, pas forcément utiliser ce qu’ils disent tel quel pour la recherche (car ils restent dans une ‘situation d’entretien’). Les sociologues ont le point de vue de plusieurs personnes ex : BIW, chacun se répartit un groupe et informe les autres, si bien qu’en tant qu’épique et individuellement, chaque chercheur en savait plus que n’importe lequel des participants du campus. C’est pas dire qu’ils sont pas capables de comprendre ou stupides, pas mépris mais respect envers cette réalité qu’est la distribution différentielle du savoir (Simmel). Ecouter avec attention (≠ naïf)

• Utiliser les informations des autres

Nous avons souvent recours aux informations que les autres ont collectées (INSEE...) et de ce fait, nous laissons de côté ce qu’ils laissent de côté. Bittner et Garfinkel (1967) : les organisations recueillent des info en fonction de leurs buts propres et selon leur propre grille d’évaluation et la faisabilité de leur collecte.

Ficelle : se demander d’où viennent les données qu’on utilise, qui les a collectées, sur la base de quelles contraintes organisationnelles et conceptuelles et comment cela affecte le tableau à partir duquel on travaille.

• Institutions bâtardes

Article de Hughes sur les « institutions bâtardes ». (ex : célibat au nom de la religion, alternative à l’institution du mariage). Etudier la gamme complète des phénomènes signifie inclure aussi ce que l’on pourrait laisser de côté parce qu’on trouverait ça trop bizarre, pouilleux ou trop beau, trop angélique pour être vrai.

Hughes : comparaison prostituées, prêtres, psychiatres : garder secret, « savoir coupable ».

4/ Concepts

penser vraiment après travail sur représentations et échantillon de gamme complète

Adhère peu aux démarches déductives. Préfère élaborer les concepts en lien constant avec les données.

Les concepts sont définis

On travaille tous nécessairement avec des concepts. Nous sommes gênés si quelqu'un parvient à montrer qu’une chose dont nous ne pensions pas qu’elle appartenait à notre collection correspond en fait aux termes de la définition. Tout critique pugnace peut trouver un métier qui ne satisfait pas aux exigences de la définition ex : plombier répond aux critères de définition de ‘profession libérale’ ! (car oubli du critère de prestige social).

Ficelle théorique : ce qui entre dans la collection d’exemples que la définition doit couvrir détermine le type de définition que l’on obtient. Le problème des définitions vient en général de ce que nous avons négligé d’inclure dans notre échantillon la plus grande variété possible de cas.

• Savoir-faire

On s’appuie implicitement sur la notion de « savoir-faire » : sa rareté expliquerait sa forte rémunération. Soit rareté car ‘dons’, ‘talents naturels’, soit car duré du travail à fournir ou somme d’argent à payer. Mais tous les savoir-faire ne sont pas également récompensés. Il faut avoir un savoir-faire dont quelqu'un a besoin et pour lequel il est prêt à payer. Si on a un savoir-faire que de nombreuses personnes ont, on sera payé au tarif légal minimum. Et un savoir-faire très rare peut ne rien rapporter si on ne trouve pas des gens qui en ont suffisamment besoin ou qui sont suffisamment riches. Et la demande de savoir-faire varie avec l’histoire (conjonctions de circonstances temporaires) : Hobsbawm (1994), improbable victoire de la grève des travailleurs ‘non qualifiés’ (grève de gaz Londres, 1896) : servir les fournaises est un travail non qualifié, tout le monde peut le faire, nécessite aucun savoir-faire. Mais ils gagnent la grève car récente concurrence de l’électricité. Par ailleurs on n’aurait pas pu les remplacer si facilement même si machines pas complexes, mais elles sont vieilles et capricieuses, « il fallait savoir leur parler ». Ca n’était pas là un savoir-faire conventionnel. ==> Une même aptitude peut être considérée ou non comme un

savoir-faire selon les circonstances. Le sens du concept de savoir-faire dépend des cas que vous avez en tête quand vous le définissez.N.B. : inégalités hommes/femmes sur marché du travail. Même si on interdit la discrimination à travail égale, les femmes seront toujours moins payées car sont infirmières plutôt que footballeur : les échelles se salaires sont établies en référence à des savoir-faire requis. Or le savoir-faire technique (homme) = plus valorisé que relation.

• La criminalité

Edwin Sutherland, sur la criminalité des cols blancs montre à ses collègues l’erreur conceptuelle provoquée par l’utilisation d’un échantillon inadéquat élaboré sur la base de préjugés conventionnels et socialement approuvés. La criminalité était définie comme des activités qui violaient le droit pénal, les recherches montraient du coup qu’elle était hautement corrélée à la pauvreté. Sutherland attire l’attention sur des crimes commis par des gens très aisés : mais ceux-ci passent plus souvent en droit civil (jugements des procureurs, et plus dur à prouver).

Si on décide de ne pas inclure les crimes que commettent les gens riches quand on calcule les corrélations, on se met en position d’obtenir immanquablement le résultat selon lequel la criminalité est hautement corrélée avec la pauvreté. Non pas que ce soit le cas réellement, mais on utilise un concept défectueux, qui prétendrait englober tous les membres d’une classe donnée mais qui laisserait en fait de côté un grand nombre d’entre eux. Artifice lié à la définition.

Ficelle de Sutherland = chercher des faits que les entreprises risquaient de ne pas faire figurer dans les rapports annuels (procès civils…). Quand on trouve des éléments non expliqués par les histoires conventionnelles qui se racontent sur un type d’organisation, on a en général découvert un nouvel élément, une ‘variable’.

Concepts qui ne couvrent pas la gamme totale des cas auxquels ils sont censés s’appliquer = défectueux. Les généralisations qui incluent des concepts défectueux n’expliquent pas tout ce qu’elles prétendent expliquer. Le fait d’inclure la gamme complète des cas nous force à revoir nos généralisations, à les rendre plus complexes et plus intéressantes.

Ficelle = bien voir que la définition des concepts repose sur ce que les exemples sur lesquels elle s’appuie ont en commun. Si nos représentations sont fondées sur un échantillon biaisé, nous aurons des problèmes.

Définir les concepts : quelques ficelles

Récapitulation : nous définissons les concepts (par opposition avec l’idée qui voudrait que nous en découvriions la vraie nature), et nos définitions sont formées par la collection de cas que nous avons à notre disposition et à partir desquels nous pensons le problème en question. Si on a une bonne collection de cas, de l’imagination, consulté d’autres études, comment s‘y prend-on pour définir un concept ?

Les étudiants ont souvent une pile de données mais incapables de comprendre de quoi il s’agit sociologiquement. C’est parce qu’ils ne savent pas leur problème, ce qu’ils étudient. La question à leur poser : en partant de ce qu’ils ont noté, trouvé, que cherchaient-ils ? Souvent ils sont déçue mais du coup reformulent mieux leurs questions. Reformulées, leurs questions constituent la base de l’élaboration conceptuelle.

• Laisser le cas définir le concept

Soucieux de vouloir généraliser, les sociologues veulent établir que ce qu’ils ont étudié n’est pas unique en son genre (sciences idiographiques / sciences nomothétiques). Les étudiants ont tendance à vouloir faire entrer leur cas dans une catégorie conceptuelle. Mais il n’est pas certain qu’on puisse dire quoi que ce soit d’utile si on se concentre sur ce que notre cas a de commun avec d’autres cas de las classe à laquelle il appartient. Parce que plus on l’étudie dans sa totalité moins il peut être considéré comme ‘tout à fait semblable’. ==> Choix entre :

- laisser la catégorie définir le cas : quand on dit que ce qu’on a étudié est un cas de x (ex : bureaucratie). Procéder ainsi nous pousse à penser que tout ce que notre cas a d’importance est contenu dans la catégorie. On n’a plus qu’à examiner le cas pour voir qu’il possède bien tous les attributs de la catégorie. Mais le monde est rarement fait comme on l’imagine, une similarité aussi rare se produit que dans des circonstances particulières : par exemple quand on a créé notre concept pour qu’il s’adapte à un cas particulier. Le monde et notre concept se ressemblent également quand nous avons assez de maîtrise sur le monde pour le forcer à convenir parfaitement à nos catégories. Cette stratégie nous empêche de voir et d’étudier les aspects de notre cas qui n’étaient pas présents au départ dans la description de la catégorie. Mais les choses que nous laissons de côté ne cessent de venir nous enquiquiner. Il est raisonnable de les inclure dans notre analyse même si notre concept ne leur laisser aucune place argument qui plaide en faveur de l’autre stratégie.

- laisser le cas définir la catégorie : pourra-t-on jamais élaborer la moindre généralisation ? Cela permet de définir les dimensions que nous pourrions voir varier dans d’autres cas. Cela ne donne pas des réponses mais au contraire fait naître davantage de questions.

• Généraliser : la ficelle de Bernie Beck

Souvent il n’y a aucune étape intermédiaire entre les données brutes des cas étudiés et les catégories générales de l’analyse sociologique. Ce qui peut nous faire avancer, c’est la description de quelque chose de plus général que les faits spécifiques que nous avons découverts, mais de moins général que les notions d’identité… Merton : « théories à moyenne portée ». Bernard Beck incitait à atteindre ce niveau de pensée intermédiaire. Dire en quelques mots ce qu’on a trouvé mais sans utiliser les caractéristiques qui identifient le cas réel.

Aussi bien la similitude que la différence offrent des catégories générales sur lesquelles nous pouvons réfléchir :

- la similitude nous dit, par voie de généralisation : « Tout ensemble de règles est clair jusqu’à un certain point et ambigu jusqu’à un autre »

- le différence nous dit, par voie de généralisation différente : « Au sein des organisation (comme le foot ou la finance) dans lesquelles les règles sont édictées et appliquées, il se passe certaines autres choses qui font que ces règles varient dans une gamme qui va de la clarté à l’ambiguïté ». Ces comparaisons révèlent de nouvelles complexités.

Les concepts sont des généralisations

Les concepts ne sont pas simplement des idées, des spéculations ou des problèmes de définition. Les concepts sont des généralisations empiriques qui doivent être mises à l’épreuve et raffinées sur la base des résultats de la recherche empirique. On a souvent du mal à appliquer les concepts aux phénomènes sociaux réels : ils s’appliquent à peu près mais pas tout à fait. Car on définit rarement les concepts à partir d’un seul critère univoque. Mais on utilise des critères multiples (ex : bureaucratie, culture). les phénomènes ont cependant rarement tous les attributs qui permettent sans ambiguïté de rentrer dans la catégorie. Si on s’attache autant à ces critères c’est qu’ils sont rarement neutres (connotations : on cherchera à en être ou pas). Presque aucun des objets étudiés ne possèdent toutes les critères, ils en possèdent plutôt une combinaison variable : « ressemblances familiales » (Wittgenstein). Les concepts sont en fait des généralisations qui disent : « Ces x critères vont bel et bien ensemble, +- tout le temps, et suffisamment pour faire comme s’ils étaient tous présents dans chaque objet 0, même si presque tous les 0 possèdent seulement la plupart d’entre eux mais pas tous ».

Ex : concept de « vivre quelque part » (recensement 1960, des jeunes noirs américains pas comptés) : endroit où on dort ? où on reçoit le courrier ? où on range ses habits ? joignable tout le temps ? Pour la plupart des gens, tous ces lieux sont communs. En fait, la généralisation empirique que le concept incarne est fausse : tous ces critères ne vont pas toujours ensemble.

Ficelle = considérer les concepts comme des généralisations empiriques. Cela aide à résoudre les problèmes engendrés par la croyance non questionnée selon laquelle les propriétés d’un concept sont toujours toutes réunies dans un même cas. En les désolidarisant et en les traitant comme des éléments susceptibles de varier indépendamment les uns des autres, on transforme problème technique en possibilité d’enrichissement théorique.

Les concepts sont relationnelsLes termes décrivant les gens sont relationnels : ils n’ont un sens que quand on les considère comme appartenant à un système de termes (ex : « classe moyenne » se réfère à l’existence de « classes supérieures »… pays sous-développé par rapport à des pays développés… taille…).

Ficelle = replacer tout terme qui semble décrire un trait d’une personne ou d’un groupe dans le contexte du système de relations auquel il appartient. Pousser l’analyse + loin en voyant à quoi ce système est relié.

Des handicaps tels que ceux de ne pas savoir dessiner ou chanter ne sont pas importants car ils n’ont pas de grave implication dans l’organisation de notre monde social. Notre monde, en revanche, est organisé de telle sorte qu’il exige des gens qu’ils soient capables de faire des choses que les « arriérés mentaux » n’arrivent pas à faire. Il y a une grande différence entre un trait physique et son importance sociale. Nous possédons toutes sortes de traits, dont seulement quelques-uns sont socialement marqués comme importants du fait de la manière dont ils s’intègrent dans un système de relations. Ils deviennent

importants quand l’organisation des dispositions physiques et sociales les rend ‘nécessaires’ (ex : taille : écart à la norme peut être gênant).

Tout cela a également une dimension historique : il y a plusieurs siècles la taille moyenne des gens était plus petite qu’actuellement. Les aptitudes et traits peuvent historiquement gagner de l’influence mais aussi en perdre (ex : savoir dessiner aujourd’hui est moins important / ou bien écrire car ordinateur). A qui revient la faculté de dire quels traits sont suffisamment importants pour qu’on en fasse la base de distinctions sérieuses et déterminantes pour la vie ? Des associés ou des professionnels spécialisés. La politique et le pouvoir influent aussi sur la manière dont les systèmes de relations font que certains traits sont importants.

2 types de systèmes de relations :

- position réputée désirable se trouve au milieu, sur la moyenne de ce qu’on mesure (ex : taille / organisation sexuelle, les 2 extrêmes sont le pire : « salope » ou le meilleur : « coincée »)

- les réputations sur la vie des gens « s’améliorent » à mesure que l’on avance dans une direction, se détériorent quand on s’en éloigne (ex : intelligence / aptitudes dans le domaine artistique)

Cette ensemble de ficelles peut se résumer ainsi :

- replacer les termes dans l’ensemble complet des relations qu’ils impliquent (doué implique ‘non-doué’)

- examiner la manière dont cet ensemble de relations s’organise, ici, ailleurs, à d’autres époques

- comment les choses en sont venues à être organisées comme elles le sont et quelles connexions avec d’autres arrangements sociaux sous-tendent et entretiennent cet ensemble de relations.

La ficelle de Wittgenstein

Que reste-t-il si j’enlève d’un événement ou d’un objet X la qualité Y ? Cette ficelle nous aide à débarrasser une idée de ce qui lui est contingent et accidentel pour ne garder que ce qui lui est essentiel ; elle nous aide à séparer ce qui est central à notre vision d’un phénomène de l’exemple particulier dans lequel cet exemple est enchâssé. Ex : que reste-t-il de l’idée de collection si on retranche le fait que le collectionneur a beaucoup de tableaux chez lui ? Collection pas défini par le nombre d’objets mais par la ‘direction’ de sa collection. Pas défini par lieu car prêts à des musées. L’individu qui a du capital culturel peut choisir des objets qui incarnent une tendance de l’art

→ Ficelle qui permet d’isoler les traits génériques d’une série de cas dont nous pensons qu’ils ont quelque chose en commun, d’isoler des traits à partir desquels nous pouvons élaborer la généralisation qui constitue un concept.

Elargir le champ d’un conceptAprès ficelle de Wittgenstein, découvrir si le phénomène ne se produit pas ailleurs que là où on l’a découvert.

Ex : étude des cultures de l’univers carcéral. En milieu masculin : marché parallèle… Conclusion tirée : les prisonniers développent collectivement une culture qui résout les problèmes engendrés par des privations. Mais pas du tout la même chose en milieu féminin, du coup la question est : ces différences invalident-elles la généralisation selon laquelle les privations de la vie carcérale engendrent une culture propre à la prison ? Non, car ces généralisations ne portent pas sur le fait que toutes les prisons sont identiques, mais sur un processus (conditions différentes entraînant résultats différents). La prison ne prive pas les hommes et les femmes des mêmes choses. Les femmes ne sont pas privées en prison de l’autonomie (avant, soumises au mari) et elles achètent facilement ce dont elles ont besoin, donc inutile de créer un marché clandestin. Les femmes ne sont pas privées des mêmes choses que les hommes car leur vie à l’extérieur est différente et les prisons sont gérées différemment. Leur culture est une réponse à cette différence.

Ficelle = il ne faut pas confondre un cas spécifique avec toute la classe de phénomènes à laquelle il appartient. La privation entraîne probablement dans toutes sortes d contextes le développement collectif de pratiques culturelles visant à la soulager, mais la nature de cette privation peut varier considérablement.

Ex : éducation : pas que défini dans l’école. L’apprentissage a lieu aussi pour fumer la marijuana, il se fait par les pairs pour les gars, en général par le petit ami pour les filles. Gagnon et Simon : les jeunes femmes apprennent à leur petit ami à s’impliquer dans une histoire sentimentale (ce à quoi elles s’entraînent seules depuis longtemps) et inversement, eux leur apprennent à s’adonner au sexe (ce à quoi, eux, s’entraînent depuis longtemps). Ces processus d’enseignement par les pairs et d’apprentissage mutuel ont peut-être à leur tour des équivalents à l’école et dans les institutions ‘éducatives’. Ex : utilisateurs

d’ordinateurs s’aident mutuellement pour utiliser les machines, en dépit de l’instruction standardisée +- conventionnelle. Ou apprentissage : volontariat (tennis).

Un moyen excellent pour accroître la portée du concept est d’oublier totalement le nom pour se concentrer sur le type d’activité collective qui a lieu. Ex : « institutions totales » Goffman ou « stigmate » : le fait de remplacer le contenu conventionnel d’un concept par le sens de ce concept en tant que forme d’action collective en accroît le champ d’application et enrichit notre savoir.

5/ Logique = manières formelles d’utiliser les concepts.

Utiliser des ficelles de la pensée logique pour découvrir les autres choses qui pourraient être vraies si ce que vous savez déjà est vrai. Que pouvons-nous extraire de ce que nous savons déjà pour trouver des idées que nous n’aurions pas eu autrement ? Allers-retours incessants : du monde réel à la pensée retour monde réel.

Chercher la majeure

L’argumentation logique classique fonctionne par syllogisme (Tous hommes mortels, or Socrate est homme…) : il y a une majeure, vérité générale admise a priori ; une mineure : pose un fait particulier admis aussi a priori et une conclusion, découlant de ce que la mineure est un cas particulier de la majeure.

A propos des études sur les relations interraciales, Hughes montre que la majeure est occultée dans les syllogismes : l’individu qui pose cet argument ne pose pas le syllogisme complet pour justifier son propos, injuste (raciste) : les majeures sont sous-jacentes. Ex : l’arrivée d’un nouveau groupe social ‘inférieur’ dans un quartier donné fait baisser le prix des logements, donc cette intrusion doit être évitée. La majeure ici = bien des gens doivent agir de manière agressive pour leur propre intérêt aux USA s’ils veulent ‘progresser’.

Hughes a vu que certaines remarques racistes faisaient partie d’une argumentation logique incomplète. On pose une conclusion et on l’étaye d’une affirmation factuelle qui tient lieu de mineure. Il nous apprend ensuite à nous interroger sur ce qui rendait cette argumentation convaincante et si difficile à réfuter lorsqu’elle était formulée de manière incomplète. Souvent la majeure est si profondément ancrée dans l’expérience quotidienne des gens qu’elle ne nécessite aucune démonstration ni argumentation. Ainsi, la seconde partie de l’analyse est plus sociologique que logique : il s’agit de découvrir les schémas récurrents de la vie quotidienne qui produisent ce genre de certitude de bon sens chez les gens qui ont les mêmes problèmes, mêmes contraintes…

De façon générale, chercher à éclairer ce qui est resté dans l’ombre et analyser pourquoi.

• Comprendre les discours étranges

Les gens emploient souvent un type de langue qui trace une ligne de démarcation et sépare les choses en catégories (« eux » et « nous » ; « ceci » et « cela »). Qui pose la démarcation ? Que fait cette distinction ?

Une ligne de démarcation : les rosses (« crock »)

« Il y a ce genre-ci et il y a ce genre-là » : découvrir sur le terrain les supposés tacites des gens et ainsi trouver les questions à étudier pour résoudre le problème trivial de la recherche qui consiste à se demander ce que l’on va faire aujourd’hui, à qui on devrait parler, qui on devrait observer, et pour trouver quoi.

Exemple tiré de BIW : médecine interne = les intellectuels de la médecine / chirurgiens = brutes cupides / psychiatres = fous. (p.241). N’ayant aucun problème précis à étudier, il concentre tous ses efforts à comprendre ce qui se passe autour de lui. Il ne laisse pas la situation se définir comme « Le sociologue n’a pas à observer pendant que nous examinons les patients » mais la définit lui-même (‘culot’), p.242. Un jour lors de la visite, une femme ne cesse de se plaindre : on la traite de « rosse » (personne ne la prend au sérieux, stéréotype médical : les rosses sont très majoritairement des femmes). Sa découverte du sens de ‘rosse’ ne fut pas immédiate, éclair de génie, mais ce fut l’application d’une version de la ficelle qui consiste à extraire la ou les prémisses non formulées. En faisant cette distinction ils raisonnaient à partir d’une prémisse qu’ils ne jugeaient même pas nécessaire de formuler explicitement (évident pour eux). C’est quoi une rosse ? Embarras : sait ce qu’il a voulu dire pas là mais pas sûr de savoir l’exprimer clairement. Réponse : quelqu'un qui souffre de maux psychosomatiques. Puis cas d’un homme, ulcère à l’estomac, le médecin en profite pour faire un topo sur les maladies psychosomatiques, il vérifie : ‘encore une rosse’ ! Mais cette fois, non. Définition rosse = patient qui se plaint de maux sans avoir de pathologie physique discernable. Son problème n’est qu’à moitié résolu : il a la définition d’une rosse mais ne sait

pas encore pourquoi ce sont de mauvais patients. Quel était le non-dit qui rendait leur attitude raisonnable ?

- Les étudiants répondent qu’ils ne peuvent rien apprendre d’une rosse qui puissent leur être d’une quelconque utilité dans leur future pratique médicale. Au cours de leurs études ils veulent maximiser des choses qui leur seront utiles dans le métier ensuite. Or paradoxe : les rosses sont une catégorie de patients très nombreuse. Donc ils auraient dû considérer chaque rosse comme une excellente occasion d’apprentissage. Mais ils n’ont rien à en apprendre ici, à la fac. Dès la première fois ils ont compris que parler faisait du bien au rosses, les suivantes n’apportent rien de plus à leur connaissance. Ce qu’ils veulent acquérir, c’est un type de savoir qu’on ne trouve pas dans les bouquins, veulent acquérir à l’hôpital « l’expérience clinique » (aspect visuel, sons, odeur). Tout ce savoir, on ne peut l’acquérir qu’en examinant des patients souffrant de pathologies physiques réelles. Les rosses décevaient les étudiants car elles n’avaient aucune pathologie observable sur le vif Préférence accordée à l’expérience personnelle sur la connaissance acquise dans les publications scientifiques.

- Les étudiants étaient toujours surmenés, or examiner une rosse prenait une éternité. Les rosses prenaient beaucoup plus de temps que les autres patients et en retour vous donnez beaucoup moins de ce que vous recherchiez. Le temps est le bien le plus rare pour les étudiants (s’échangent des cas).

- Les étudiants veulent être ‘récompensés’, et sinon faire des miracles, au moins soigner des patients. ‘faire quelque chose’. Or les rosses ne sont pas malades, donc rien à en espérer. « Perspective de la responsabilité médicale » : on n’exerce totalement son métier de docteur que si on risque de tuer des gens (d’où dévalorisation de la dermatologie).

Comprendre ce qu’était une rosse consistait à démêler les multiples sens inclus dans ce simple mot, et notamment à mettre en lumière la logique qui sous-tendait ce que l’on nous disait, et trouver les majeures selon lesquelles les étudiants se fondaient. Ficelle = élucider et explorer les sens et usages de termes étranges. Demander aux gens d’expliquer ce qu’on ne comprend pas. Souvent ces expressions triviales, terre à terre, nous n’y prêtons guère attention, or nous passons à côté d’un point d’accroche analytique potentiel.

« Ce n’est pas (telle ou telle chose) »

« Ce n’est pas de la photo / de la science »… Bon signe diagnostique du fait que quelqu'un est en train de chercher à préserver un privilège, quelque chose qu’il possède et qu’il veut garder sans le partager avec quiconque. Il faut se demander : Quelle est la situation dans laquelle cette formule est exprimée ? A quels problèmes le groupe qui l’exprime est confronté ? Qu’est-ce qu’ils cherchent à empêcher autrui d’obtenir ? Mais il ne faut pas chercher à déterminer la nature réelle de « ce » en question. Notre affaire consiste à observer les autres essayer d’interdir l’accès de quelque chose à cette catégorie (≠ déterminer si cette interdiction est justifiée)

Ex : si les gens du monde de la photographie d’art conventionnelle acceptent un style nouveau, alors ce que les photographes font se verra renversé de son piédestal ou devra au moins partager ce qu’il y a à partager avec le nouveau venu. ‘Ce n’est pas de la photo’ met en jeu aussi une vision du monde : les gens qui disent cela ont organisé leur vie autour de l’idée que certaines manières de faire les choses sont ‘bonnes’. Quand quelqu'un commence à faire les choses différemment, il met non seulement en péril leur mode de travail et leurs sources de revenu, mais remet aussi en question leur emprise sur le réel.

Idem monde scientifique quand ‘révolution kuhnienne’ (changement de paradigme) : ‘ce n’est pas de la science’.

Ficelle = chercher la prémisse non formulée qui sous-tend ce raisonnement. Quand on entend une distinction étrange, se dire que c’est l’indice de prémisses non formulées. Se demander ce qui, dans la vie des gens en question, fait qu’ils estiment nécessaire de produire le raisonnement qu’ils produisent et d’en taire la prémisse.

Sinon quoi ?

Cas particulier de cette ficelle quand c’est un sociologue qui ne formule pas son raisonnement dans son intégralité ex : les fonctionnalistes : cherche à mettre en lumière la manière dont la société satisfait certains besoins invariants et inévitables. Hughes critique l’usage de l’impératif (« doit », « devrait ») : idée qu’il n’y a rien à discuter, point final. A ces tournures impératives révélatrices « Sinon quoi ? », « Et alors ? »… Parce que la source de la nécessité n’est jamais si évidente ni si imperméable à toute remise en question que ne le supposent ces propositions. « Sinon quoi » révèle les conditions sur lesquelles reposent la nécessité. Rien n’est jamais totalement nécessaire. Telle chose n’est nécessaire que si certaines autres choses se produisent également.

Quand affirmation comme ça d’une nécessité, on veut que tout le monde considère cette chose comme problème. Mais les problèmes sociaux n’existent pas indépendamment d’un processus de définition. Rien dans la sociologie empirique n’exige de nous que nous considérions l’effondrement des normes comme une chose qu’il faudrait éviter à tout prix, il s’agit là d’un engagement moral ou politique.

Tables de vérité, combinaisons et typesBecker a insisté avant sur le fait de faire varier les cas et intégrer des choses auxquelles on n’aurait pas pensées.

Variation ≠ diversité. Bons usages qu’on peut faire de la variété.

Les méthodes présentées complexifient et systématisent la procédure qui consiste à définir des types (donner un nom unique à un tas de choses). Variantes d’une procédure fondamentale conçue pour gérer ce genre de diversité empirique et en tirer meilleur profit. Les 3 versions de la procédure s’appuient sur la combinaison d’un petit nombre d’attributs pertinents pour définir un type :

- version mathématique : Analyse combinatoire

- version logique : Tables de vérité

- version sociologique : Traitement croisé des variables qualitatives

Idée de base = soumettre les éléments connus à une combinaison logique permettant de découvrir des choses qu’on ignorait auparavant. Tables de vérité : met en lumière toutes combinaisons possibles d’un ensemble de données pour constituer des types.

• Œuvres d’art et tables de vérité

Arthur Danto (1964) : « prédicats » (vrai ou faux) sur les œuvres d’art. Les opposés ne sont pas des contraires ; si l’objet est du genre adéquat, les opposés se comportent comme des contraires. Par exemple, 2 prédicats : « être figuratif » et « être expressionniste », on peut en faire une table de vérité = combinaisons logiques possibles des deux caractères (--, -+, +-, ++), cette table épuise toutes les manières possibles de combiner les deux. Ces combinaisons correspondent à des styles artistiques reconnaissables, nombre de styles disponibles = 2n. Les habitants du monde de l’art définissent les termes critiques qui peuvent être ajoutés : la logique dit que si on ajoute un nouveau prédicat, on double le nombre de types d’œuvres d’art concevables.

Lorsque des œuvres d’art innovantes viennent ajouter de nouveaux prédicats, les œuvres précédentes acquièrent des propriétés qu’elles n’avaient jamais eues auparavant. L’absence d’une propriété donnée n’est pas rien ; c’est une propriété réelle de l’objet par son manque même. A chaque fois que les gardiens des institutions du monde de l’art font pression pour restreindre la définition de l’art en ne reconnaissant que l’un de ces ensembles d’alternatives, le nombre des possibles que ces institutions peuvent accueillir se voit divisé par deux. Ex : Marcel Duchamp fait de sa pelle à neige une œuvre d’art en la signant : au sens pratique ces œuvres étaient de l’art. le monde de l’art avait tranché (acheteurs). Pour l’esthétique, la crise consista donc à rendre compte du fait que ces objets étaient de l’art alors qu’ils ne possédaient aucun des attributs qui jusque là définissaient une œuvre d’art : ni F, ni G. Ce que ces nouvelles œuvres possédaient, c’était H, un aspect conceptuel qu’il fallait dorénavant considérer comme un caractère (prédicat) essentiel de toute œuvre, qu’il soit présent ou absent.

Méthode : nous identifions un objet comme ayant telle caractéristique. Cela nous conduit à voir que tous les objets possèdent une valeur de cette caractéristique, même si cette valeur est zéro. Nous ne connaissons jamais toutes les caractéristiques qu’un objet peut avoir, on prend conscience de celles-ci quand nous découvrons un objet qui possède telle caractéristique. Une fois que nous savons que cette caractéristique existe, nous pouvons alors voir que d’autres objets la possèdent, dans des versions et à des degrés divers.

Les méthodes exposées s’appuient sur cette conception des objets comme appartenant à une classe commune. Dans chaque cas, une table de vérité permet de générer toutes les possibilités, que l’on peut ensuite combiner pour construire les types sur lesquels l’analyse s’appuiera. Chacune de ces méthodes constitue une famille de ficelles permettant de gérer la complexité que produit l’exigence de faire apparaître autant de variété que possible et de chercher à découvrir systématiquement des phénomènes atypiques.

• L’analyse des espaces de propriétés (AEP) Paul Lazarsfeld, Allen BartonLazarsfeld + équipe, questionnaires : famille de méthodes et concepts connexes avec lesquels il est possible de construire des catégories, dimensions et types. Il adapta les procédures systématiques d’élaboration de tables de vérité à la solution du problème qui consiste à combiner des attributs discrets pour en faire des types. Il définit :

- une méthode pour les faire s’aligner de manière raisonnable sur des réalités empiriques (= réduction)

- à l’inverse, une méthode pour extraire de typologies ad hoc les attributs à partir desquels les types ont été construits (= substruction)

Pour cela il utilise le concept d’espace de propriétés (ou ‘espace d’attributs’).

Espace de propriétés

Par exemple, chaque cas est représenté dans un espace de propriétés à 3 dimensions :

- axe x : taille variable continue (valeur chiffrée)

- axe y : beauté variable ordinale (dur de donner un chiffre)

- axe z : diplôme variable dichotomique (oui/non)

Certains programmes informatiques génèrent des représentations graphiques de distributions de cas.

L’espace des propriétés peut facilement être représenté sous forme d’un tableau construit par tri croisé.

Robert Merton : ficelle du tableau à quatre entrées. En générant toutes sortes de types par tri croisé de caractéristiques divisées en quelques catégories peu nombreuses. Ex : typologie de déviance (Outsiders)

- perçu / non perçu comme déviant)

- comportement respectueux / en infraction aux règles

La ficelle consiste à identifier les caractéristiques pour décrire les cas ; à les diviser en ce qui semble approprié ; à construire un tableau dans lequel les caractéristiques d’une catégorie forment les titres des lignes du tableau et les catégories d’une autre forment les titres des colonnes. Chaque cellule contient un type logiquement distinct.

D’un point de vue logique, construire un tableau revient à élaborer une table de vérité (+-).

Avantages du tableau : on peut faire apparaître 3 variables dans un espace prévu pour deux (valeur dans case). La logique garantit qu’il ne peut pas y avoir d’autres types que ceux qu’elle définit. On peut se tromper d’un point de vue empirique dans ce qu’il faut inclure (alors typologie correspond à rien dans le monde réel) mais si ce qu’on a défini est pertinent, alors la table de vérité fait apparaître tous les possibles de façon exhaustive.

Inconvénients du tableau : présentation visuelle pour variables continues est malcommode. Au-delà de quatre variables, ce genre de tableaux devient illisible. Les tableaux géants (multiples variables) inutilisables.

Réduction

Ce problème de génération d’un grand nombre de types par tri croisé des variables se résout par une opération de réduction = faire fusionner les différentes combinaisons de ce genre de tableaux en une seule et même classe.

Ex : si en colonnes race et lieu d’origine et en ligne, diplôme. Etant donné que dans tous les cas, le fait d’être Noir est un handicap social, on peut regrouper toutes les cases ‘Noir’ sans perte d’information pour ce qui est de la question de l’avantage social. Cela permet de passer de 8 catégories à 4 classes.

3 méthodes pour réduire le nombre de types, réduire la complexité (chacune a ses faiblesses).

De quelque type qu’elles soient, les ficelles de réduction transforment des catégories nombreuses en des catégories moins nombreuses, elles le font en rangeant dans la même classe des combinaisons distinctes d’un point de vue logique, et en leur donnant un même nom pour les besoins de l’analyse. (p.282)

Réduction fonctionnelle

S’il existe une relation réelle entre 2 des attributs, cela en réduit le nombre.

On élimine 2 types de combinaisons : celles qui sont impossibles (logiquement, sociologiquement), celles dont la fréquence d’apparition est si faible qu’elles ne sont pas pertinentes. La réduction fonctionnelle est ainsi une question empirique : on fusionne les cellules en examinant la fréquence des combinaisons (pas de raison de prévoir la place pour des choses qui n’existent pas).

Attention : cela suppose qu’on ait vérifier ces occurrences / fréquences réelles (pas se baser sur ‘tout le monde le sait’) car des combinaisons peuvent exister réellement mais n’être pas acceptées ou reconnues socialement.

Réduction arbitraire

Consiste à assigner différents chiffres d’indexation à différentes combinaisons d’attributs, pour traiter comme équivalents une variété de conditions empiriques différentes (ex : conditions de logement avoir chauffage central, posséder un frigo…). On n’a pas de mesure concrète, donc on attribue un score : 1pt si possède frigo ou chauffage… On laisse ce score définir nos types. Cela réduit le nombre de combinaisons possibles en traitant des éléments d’aménagement domestique différents comme s’ils étaient identiques.

Réduction pragmatique

Réduction effectuée en fonction de l’objet de recherche (voir préc. : ‘Noir’, étude de l’avantage social). Il y a des tas de raison pour ne pas regrouper ensemble tous les Noirs mais du point de vue de l’avantage social on peut le faire sans risque. Cette caractéristique majeure primera sur toute autre situation.

Ex : réussite éco du mari / attitude de la femme 9 cellules, 6 situations favorables, 3 défavorables. En grisant les cellules du tableau, les 9 catégories logiquement possibles ont été pragmatiquement réduites à 2.

Substruction

C’est l’inverse logique de la réduction qui regroupe les combinaisons pour les besoins de la simplicité.

La substruction = séparer certaines combinaisons pour les besoins de la découverte.

Les sociologues adorent faire des typologies mais n’exploitent pas toujours la richesse de ce qu’ils ont produit. Cette méthode permet de découvrir les dimensions qui sous-tendent toute typologie ad hoc. La plupart des typologies sont probablement incomplètes pour Lazarsfeld. Il faut se défaire de cette réduction et retrouver l’intégralité de l’espace de propriétés avec toutes les dimensions qui l’ont engendrées.

Ex : 4 types de relations d’autorité dans la famille, Erich Fromm. Il néglige des cas, par exemple le fait que les enfants voudraient plus de châtiment corporel et d’autorité qu’ils n’en ont.

Lazarsfeld crée des typologies et les complexifie en utilisant les ficelles de la présentation tabulaire, de la réduction et de la substruction pour découvrir les relations entre les variables mesurées par une enquête.

• Analyse qualitative comparative (AQC) Algorithme booléen (Charles Ragin)

Comme alternative aux méthodes d’enquête traditionnelle et traiter des problèmes inextricables que sont :

- la gestion de vastes corpus de données contenant relativement peu de faits sur un grand nombre de cas. Estimer la « contribution » d’une ou plusieurs variables à la variation d’une variable dépendante par un chiffre compris entre 0 et 1. Ragin : la race ‘contribue’ à hauteur de x% aux chances de promotion d’un individu dans la bureaucratie fédérale et son niveau d’éducation ‘explique’ y% et l’ancienneté z%. L’expression « explique » est purement statistique. Souvent, ce que nous recherchons, c’est des contributions de phénomènes plutôt que leur contribution individuelle au résultat.

- l’analyse d’un petit nombre de cas historiques (histoire spécifiques de certains pays). Les méthodes conçues pour le traitement des grands nombres ne marchent pas. Les analyses historiques : souvent trop peu de pays et en plus, servent à comprendre les spécificités. Les méthodes d’AQC incarnent une manière de penser le travail du sociologue qui diffère de ce que Ragin appelle « Méthodes orientées sur les variables » (= considèrent les théories comme des affirmations sur l’importance relative des variables en tant qu’explications des résultats dont on veut rendre compte. Ces explications sont censées être des lois sociologiques universelles et générales, les variables expliquant leur influence indépendamment du contexte historique ou social). Ragin ne veut pas mettre au rebut l’analyse statistique à variables multiples conventionnelle, mais proposer des alternatives mieux adaptées à certains problèmes que se posent les sociologues. Algèbre des ensembles et de la logique. c’est de cette algèbre booléenne que sont nées les tables de vérité.

Cette méthode préserve la complexité des situations qui sous-tendent les phénomènes auxquels on s’intéresse tout en les simplifiant au maximum. Elle y parvient en trouvant le plus petit nombre de combinaisons de variables qui produisent le résultat dont il s’agit de rendre compte.

Procédures : étapes d’une analyse booléenne

1. Choisir les résultats auxquels on veut s’intéresser et les « variables » à utiliser pour les « expliquer ».

2. Définir chaque variable ou résultat comme une variable catégorique : dichotomie ou présence/absence.

3. Construire une matrice de données = tableau qui retrace toutes les combinaisons possibles.

4. Reformater la matrice de données sous forme de table de vérité.

5. Quand les différences entre 2 situations n’affectent pas le résultat qu’il s’agit d’expliquer, ces différences ne peuvent être la raison pour laquelle les situations diffèrent et nous n’avons pas besoin de nous en soucier.

6. Utiliser un algorithme pour trouver les « implicants premiers » = le plus petit nombre de combinaisons de variable nécessaires pour élaborer une explication adéquate du résultat, en éliminant celles qui ne sont pas logiquement nécessaires.

7. Interpréter l’équation finale : X se produit quand A et B présente et soit C soit D aussi. cette équation rend facile l’identification et la distinction des causes nécessaires et suffisantes.

Exemple Ragin : 3 causes de réussites d’une grève (A, B, C). Code les grèves selon succès (S) ou non (s). Huit combinaisons possibles (Abc, aBc, abC, Abc, aBC, AbC, abc, ABC), seules 4 = réussite de grève. L’algèbre permet de simplifier la situation : l’équation peut se réduire à 3 situations (AC, AB, Bc), se réduit algébriquement : S = AC + Bc (+ = ‘ou’).

Penser différemment

L’ACQ a de nombreux points avec l’AEP mais ces méthodes cherchent à atteindre des résultats différents et impliquent des images différentes des buts de la socio et du type de réponses qu’on recherche. 2 paradigmes !

ACQ et AEP diffèrent dans leur conception de la causalité et dans la façon de traiter les cas déviants.

Causes

Recherche quantitative conventionnelle : on recherche l’effet d’une variable sur une autre variable dans un grand nombre de situations différentes. Equation qui explique à quel degré le résultat positif d’une grève est dû aux 3 variables. Les chercheurs ne s’attendent pas à ce que cette équation change d’une grève à l’autre.

Chercheurs booléens : ils ne s’attendent pas à ce que les causes opèrent indépendamment les unes des autres ; au contraire ils s’attendent à ce que leurs effets varient en fonction de la présence ou de l’absence d’autres facteurs et en fonction du contexte dans lequel ils opèrent. Explications toujours multiples et conjoncturelles : conjoncturelles car les causes sont vues comme des combinaisons de facteurs, multiples car de nombreuses combinaisons de facteurs peuvent produire le même résultat. Ils espèrent découvrir plus qu’une seule et unique voie de causalité. Des facteurs peuvent se combiner de façon différente voire contradictoire pour même résultat. Ex : dépendance à la drogue : 20° = jeunes hommes noirs ou hispaniques urbains /// fin 19° la dépendance était corrélée à un ensemble de caractéristiques démographiques très différentes (femmes blanches, petites villes ou fermes, âge mûr). Savoir quel type de gens a facilement accès aux drogues. Historiquement, des « causes » de dépendance telles que l’âge, le sexe, la race… se révèlent très variables dans leurs effets et leur effet causal n’existe que si elles sont intégrées à une conjonction de facteurs. C’est cette conjonction / combinaison qui est causale, et non les facteurs individuels. Ces conjonctures très différentes produisent le même résultat : la dépendance. Des conditions différentes peuvent satisfaire aux mêmes exigences causales.

Cas déviants

Cas déviant ici = cas qui ne se comporte pas comme l’analyste pensait et avait prédit qu’il le ferait, et qui remet ainsi en question les conclusions qu’il pensait tirer de son étude. Quelques cas ne ‘collent’ et jettent un doute.

Enquête typique (AEP) : lorsqu’une théorie relie 2 variables en termes de cause/effet, les cellules du tableau qui contiennent les combinaisons de valeurs spécifiés par la théorie devraient contenir tous les cas, les cellules contenant les autres combinaisons demeurant quant à elles vides. Les cas déviants sont acceptés comme une conséquences prévisible de la variation aléatoire qui caractérise le monde réel, ou des imperfections inévitables de la mesure des variables, ou de l’action de variables qui n’ont pas été incluses car personne savait les mesurer. Dans les dernières phases du travail, les chercheurs se livrent à la recherche des variables manquantes. Mais ils ne s’attendent jamais à voir tous les cas déviants disparaître et savent parfaitement se contenter d’affirmations statistiques ‘globale’ (les quelques cas négatifs n’infirment pas la proposition, statistiquement vraie).

Analystes booléens : travaillent en revanche à découvrir les relations au sein desquelles la même conjonction de facteurs produit systématiquement le même résultat, les relations qui ne souffrent aucune exception ni cas déviant. Ils espèrent au final ‘un jour’ pourvoir rendre compte et donner une explication à chaque cas du phénomène étudié. Ils se concentrent sur les cas non prévus par la théorie et pensent que ces cas pourront leur permettre de découvrir une structure cause-conséquence inédite et jusqu’alors non prévue. Le genre de résultat qu’ils cherchent à obtenir est une « diversité structuré » : un complexe de types reliés entre eux émanant d’u réseau de causes opérant de manières différentes dans des situations différentes. Ils cherchent davantage de conditions à ajouter à la formule explicative, et davantage de

genres de résultats à ajouter à la liste des choses à expliquer. Donc ils décident que le cas déviant qu’ils ont découvert n’est pas une exception à leur théorie, mais un phénomène dont jusque là on ne soupçonnait pas l’existence et qui mérite et obtiendra sa propre catégorie. Aiguillonnés par l’apparition d’un terme imprévu dans leur équation booléenne, ils décident que toutes les grèves réussies ne sont peut-être pas identiques. ≠ chercheurs conventionnels : c’est dommage mais on ne peut recatégoriser les cas déviants ni reformuler l’hypothèse de manière qu’elle fonctionne : il faudrait collecter de nouvelles données sur la base d’un nouvel échantillon pour tirer parti de la découverte ! (recherche historique : impossible de réunir un nouvel échantillon !). Les chercheurs conventionnels considèrent comme péché une vertu scientifique majeure : être prêt à réviser sa pensée à la lumière de l’expérience.

Les analystes booléens se préoccupent peu du nombre de cas présents dans les différentes cellules des tableaux : un seul cas est aussi efficace pour démontrer que la théorie n’a pas pris en compte des possibilités importantes.

• L’induction analytique (IA) Alfred Lindesmith, Donald Cressey

De nombreux chercheurs ne se donnent pas pour but d’analyser un aussi grand nombre de cas potentiels. Ils ne s’intéressent pas à toutes les bifurcations et possibilités, mais à un résultat particulier qu’ils considèrent comme le seul réellement intéressant (car ‘problème important aux yeux société et/ou importance théorique) ; ils ne s’intéressent qu’à quelques rangées de la table de vérité. L’IA est souvent considérée comme antithétique des démarches précédentes, mais a des points communs avec l’AEP et l’AQC (cf. logique en termes tables vérité).

Point central = importance du cas négatif. Découvrir que nos idées sont fausses est la meilleure manière d’apprendre quelque chose de neuf.

Alfred Lindesmith (1947, addiction drogues opiacées), - Donald Cressey (1953, violation criminelle des lois financières) – Becker (1963, consommation marijuana) : chacun explique le cas spécifique auquel il s’intéresse en décrivant les étapes d’un processus qui aboutit au résultat.

Démarche de l’IA : on élabore et teste la théorie cas après cas. On collecte premier cas et donne une explication qui s’y applique. Puis on applique notre théorie au deuxième cas. Quand on tombe sur un ‘cas négatif’, soit on modifie notre explication en incorporant tous les éléments nouveaux que ce cas embarrassant suggère, soit on modifie la définition de ce qu’on veut expliquer. (proche de démarche booléenne). Rendu possible par interview : collecte au fur et à mesure (≠ Qaire, on collecte toutes les données d’un coup…).

Point fort de l’AEP : permet de créer et manipuler des types en manipulant des possibilités logiques.

Point fort de l’AQC : met l’accent sur des explications conjoncturelles, recherche de combinaisons d’éléments produisant des résultats uniques et invariants.

Point fort d’IA : permet de découvrir ce qu’il faut ajouter/enlever à explication pour qu’elle fonctionne.

L’induction analytique rigoureuse

La dépendance à l’égard des drogues opiacées

Lindesmith, thèse publiée : Opiate Addiction (1947) : 60-70 toxicomanes + littérature. Il élabore sa théorie en réponse à (en dialogue avec) ce qu’il apprend des gens qu’il interviewe, et la révise à chaque fois qu’un cas lui montre qu’elle est inexacte ou incomplète.

Processus en 3 étapes : 1/ accoutumance physique, 2/ effets du manque, 3/ interprète ces symptômes de manque comme liés à l’absence de drogue, se définit comme toxicomane et en adopte le comportement. Quiconque passe par ces 3 étapes devient toxicomane, et personne ne le devient sans être passé par là (pas contredit !).

Quand cas négatif : soit modifie sa théorie / soit redéfini ce qu’il essaie d’expliquer. « dialogue intime et continu entre ce qu’il découvre et la manière dont il définit ce qu’il cherche à expliquer » (p.307).

Il met sa théorie à l’épreuve en vérifiant les implications qui en découleraient logiquement : rôle crucial de la conscience et de la capacité à faire un raisonnement causal (pour cette raison enfants et animaux pas toxico).

Manière dont on définit l’objet : Est-il acceptable de modifier à mi-parcours la définition de ce que vous voulez étudier ? La théorie conventionnelle répond Non. Lindesmith pense qu’on doit le faire.

L’IA implique toujours exactement ce genre de clarification croisée de la solution conceptuelle à un problème de recherche (ex : comment on devient toxicomane) et de la définition de ce que constitue le problème et son incarnation dans le monde réel (ex : comment on définit ce qu’est un toxico et ce qu’est la dépendance).

Travail de Lindesmith en termes de tables de vérité :

- Ajout d’un cas : si on change la théorie, une nouvelle colonne. On multiplie par 2 le nombre de combinaisons possibles. Tous les autres cas précédents doivent être vus désormais comme possédant une valeur de cette qualité.

- Elimination d’un cas, d’une hypothèse : on ajoute une nouvelle colonne, on la définit PUIS on se débarrasse des combinaisons marquées d’un signe +. On a ainsi défini notre cas négatif comme étant exclu de l’univers qu’on s’est mis en devoir d’expliquer.

La procédure de l’IA consiste ainsi à réduire la table de vérité à une seule rangée contenant tous les cas du résultat à expliquer, et dont toutes les combinaisons affichent des signes +. Autres combinaisons pas pertinentes. En réalité, on a besoin d’autres matériaux pour rendre cette seule rangée intelligible --> = problème d’IA.

Problème d’IA (cf. Lindesmith) : obliger de sa cantonner à 1 question sur dépendance drogue…

Détournements de fonds

Donald Cressey, Other People’s Money (1953). Contrairement au recrutement des toxicomanes (activités de gp: quand on en a trouvé un, on en a plusieurs), quand on a trouvé un détournement de fonds, il faut recommencer la traque à zéro : il les trouve ne prison. Mais problème car la catégorie légale n’est pas homogène : ‘faux et usage de faux’, ‘abus de confiance’… Il dut se débarrasser de la colonne ‘condamnée pour détournement de fondes’ et en insérer de nouvelles dans lesquelles inscrire la présence/absence d’un ou plusieurs autres critères permettant de faire ressortir les cas qui l’intéressaient. Peu probable qu’il existe une seule explication pour si grande variété de comportements. 2 cas : 1/ ceux qui détournent mais initialement ne le voulaient pas = celui qu’il choisit d’étudier ; 2/ ceux qui sont entrés en ayant pour but l’escroquerie = écartés de l’analyse (savoir-faire professionnel comme chirurgien). 3 stades.

La consommation de marijuana

Becker : variante de Lindesmith car marijuana provoque pas manque d’opium /dépendance.

3 stades : apprentissage technique / apprendre la perception des effets / apprendre goût pour les symptômes.

Cas négatif : quelqu'un qui fume mais n’a jamais plané, simplement pour une question de prestige. Ce cas est écarté de la table de vérité (+ dans colonne prestige, - dans capacité à planer).

S’est pas contenté de décrire un processus unique mais intègre aussi une théorie du contrôle social. On aurait pu intégrer celle-ci dans un unique modèle : processus en 6 étapes. Richesses de l’IA.

Ces 3 exemples = application rigoureuse de l’IA qui examinent une hypothèse majeure et excluent les cas étrangers (ex : gens qui continuent à fumer de la marijuana en dépit du fait qu’ils n’en retirent aucun plaisir, criminels professionnels qui se font embaucher sur des postes de confiance financière justement pour pouvoir en abuser). Mais variantes de l’IA pour étude simultanée de résultats différents.

L’induction analytique pas-trop-rigoureuse

Des cas étranges et des comparaisons

Becker fait partie de cette catégorie de sociologues qui ‘agacent’ en présentant toujours l’exception à la généralisation (ex : la rosse). Soulever ces exceptions permet d’explorer les notions. Le cas négatif s’utilise un peu comme dans l’IA, il permet de trouver de nouvelles variables. La généralisation doit englober un exemple contradictoire bien gênant. Pas nécessaire de voir concrètement un cas négatif, il suffit de le penser (lire romans).

La pratique ethnographique

Quand l’ethnographe élabore des généralisations, il emploie des méthodes semblables à celles de l’IA. Il formule des hypothèses provisoires su un phénomène donné, il cherche des cas contradictoires, repense sa généralisation de manière que ces cas cessent d’être contradictoires, poursuit sa recherche de cas contradictoires. Le but de la recherche de cas contradictoires est d’affiner l’image d’ensemble.

Mais l’ethnographe est ‘à la merci du moment’, doit attendre que les évènements se produisent. Pour arriver à construire l’image d’ensemble, ils doivent tester des tas de généralisations, ne peuvent de façon

réaliste se concentrer sur une seule (selon procédure classique de l’IA). Similitude avec l’IA : refus de balayer cas négatifs.

Ficelle = chercher les preuves contraires. Idem dans recherche de cas négatifs pour le tri des données.

• La logique sous-jacente des combinaisons

Ficelle de la pensée combinatoire : « Pensez combinaisons ! » (≠ alternative : « pensez variables ! »).

Les 3 méthodes (AEP, AQC, IA) ont des différences superficielles mais une logique et une méthode commune. ‘Volonté de presser un ensemble d’idées ou de catégories pour en extraire tout le suc qu’elles contiennent’. Conception similaire de l’extraction de toutes les possibilités.

La ficelle de l’AEP est simple : construire un tableau dont les rangées représentent les variations d’une variable, les lignes les variations d’une autre. Cette manière de présenter les données est moins bonne que les tables de vérités car multiplication des sous-titres rend vite les choses illisibles. Mais offre un espace physique dans lequel on peut inscrire les chiffres correspondant. 2 ficelles corollaires (Lazarsfeld) : réduction / substruction.

L’AQC ne se soucie guère des nombres et pourcentages de cas, ni de l’évaluation de l’influence des variables considérées indépendamment les unes des autres. Elle a été conçue pour un job différent : la découverte d’évènements historiques sur lesquels nous savons trop de choses pour pouvoir avaler des réponses simples. Ficelle des tables de vérité dans sa forme la plus pure. Elle compare des combinaisons plutôt que des nombres. Elle réduit toute la complexité à l’aide de l’opération de « minimisation » (= identifier les éléments qui ne jouent aucun rôle dans le phénomène à expliquer et donc, qui peuvent être laissés de côté).

L’IA se concentre obstinément sur un seul et unique résultat et sur un seul et unique ensemble de causes produisent ce résultat (ce sont là ses seules ficelles spécifiques). Parfaite pour réduire la complexité. Focalisation idéale pour l’étude des cas déviants : on ne se soucie pas de l’ensemble de l’arborescence logique des résultats possibles, mais seulement de tel nœud final correspondant à la chose qu’on veut expliquer. On laisse de côté toutes autres possibilités, considérées comme non pertinentes. Dans sa version moins rigoureuse, l’IA consiste à se concentrer sur des choses qui ne collent pas dans le tableau qu’on est en train d’esquisser : allez chercher les ennuis, les choses qui ne collent pas, et ne pleurez pas quand vous les découvrez, mais réjouissez-vous !

CodaCes ficelles ne sont pas très utiles si on se contente de les lire, il faut les faire siennes, apprendre à les utiliser et à se les approprier dans une routine quotidienne. Il compare avec son exercice mental constant de la musique qui lui donne un « savoir incarné » (type de savoir-faire doté d’une composante physique) : choses qu’on est capables de faire sans y penser tant on les maîtrise complètement. Appliquer ces ficelles de façon routinière dans la vie de tous les jours comme ça, comme les champions de natation, on aura pas besoin de faire un effort particulier dans notre recherche puisqu’on se sera appliqués avec sérieux, de façon continue, à travailler ces ficelles dans la vie quotidienne (tant que notre entourage le supporte !).

Beaucoup d’entraînement, jusqu’à en faire une habitude de pensée, alors la pensée sociologique sera aussi naturelle que la respiration. Prendre au sérieux la socio dans le cours de notre vie (au risque d’irriter les autres).