58
LA SCIENCE ET LE VIVANT Philosophie des sciences et modernité critique Bernard Feltz

Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

  • Upload
    others

  • View
    5

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

LA S

CIE

NC

E ET

LE

VIV

AN

T

La « modernité critique », une nouvelle manière de penser la place de la science et de la technique dans le développement de nos sociétés.

L’homme moderne fait confi ance à la science, à la rationalité, aux droits de l’homme. Le vingtième siècle, avec les guerres mondiales, les guerres de décolonisation, avec la crise écologique, conduit à une remise en cause du concept de progrès qui sous-tend le projet moderne, à tel point que d’aucuns parlent de « crise de civilisation ».

Cet ouvrage porte un regard neuf sur la place de la science dans l’évolution de nos sociétés. Il s’appuie sur la philosophie des sciences pour penser les impacts des découvertes scientifi ques sur nos systèmes de signifi cation religieux ou athées, sur les développements technologiques, sur les problèmes écologiques. Il aborde les questions éthiques en lien avec les évolutions scientifi ques. Il analyse l’apport des neurosciences dans notre conception de l’humain comme être libre.

La démarche débouche sur le concept de « modernité critique » qui propose une réponse « moderne » à la crise. L’attitude « critique » vise une attention à la pertinence et aux limites de la démarche scientifi que. Elle permet un développement technologique au service de l’humain, une appréhension globale des problèmes écologiques, une prise en compte des dimensions éthiques de l’existence. Elle permet enfi n une évolution internationale ouverte à une authentique diversité culturelle.

Un essai original qui éclaire les défi s majeurs de notre époque.

Bernard FeltzBiologiste et philosophe de formation, professeur de philosophie des sciences à l’Université catholique de Louvain, Bernard Feltz y assure des cours à la Faculté de philosophie, arts et lettres de même qu’à la Faculté de médecine, à la Faculté des sciences et à la Faculté des bioingénieurs. Ancien président de l’Institut supérieur de philosophie, ses nombreuses publications portent à la fois sur la dynamique interne de la science et sur les impacts des développements scientifi ques dans l’évolution de la société.

Bern

ard

Felt

z

LA SCIENCE ET LE VIVANTPhilosophie des sciences et modernité critique

Bernard Feltz

SCIVIVISBN 978-2-8041-7144-5

www.deboeck.com

Page 2: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT
Page 3: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

La science et le vivant

Philosophie des sciences et modernité critique

Page 4: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT
Page 5: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

La science et le vivant

Philosophie des sciences et modernité critique

Bernard Feltz

2e édition revue et augmentée

Page 6: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Les droits d’auteur de ce livre seront reversés intégralement pour 50 % à Amnesty International et pour 50 % à Médecins sans frontières.

Pour toute information sur notre fonds et les nouveautésdans votre domaine de spécialisation, consultez notre site web :

www.deboeck.com

Tous droits réservés pour tout pays.Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Maquette intérieure : Softwin

© De Boeck supérieur s.a., 2014Fond Jean Pâques, 4, 1348 Louvain-la-Neuve

Imprimé en Belgique 2e éditionDépôt légal :Bibliothèque nationale, Paris : septembre 2014Bibliothèque royale de Belgique : 2014/0074/205ISBN : 978-2-8041-7144-5

Page 7: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

à Marie-Bernadette

à Nicolas, Julien, Clément, Adelin et Simon

Page 8: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT
Page 9: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

VII

Sommaire

Introduction ................................................................................ IX

Chapitre 1. Science et vérité une introduction à la philosophie des sciences .... 1

Chapitre 2. Science et société technique, technologie et idéologie ..................... 61

Chapitre 3. Science, éthique et modernité Les relations entre culture et éthique : approche historique et enjeux contemporains .. 107

Chapitre 4. Nature, santé, environnement le respect de la nature et de la norme ................ 159

Chapitre 5. Qu’est-ce que l’être humain ? Neurosciences, conscience, liberté .................... 191

Conclusion ................................................................................ 243

Index .......................................................................................... 249

Table des mati ères .................................................................... 257

Page 10: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT
Page 11: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

IX

Introduction

La science et la technologie occupent une place décisive dans l’évolu-tion de nos sociétés. Que ce soit dans les domaines de l’énergie, des transports, de l’alimentation, de la santé, les innovations constantes modifient profondément nos modes de vie. Ce processus, engagé dès la révolution industrielle aux XVIIIe et XIXe siècles, a connu, à la fin du XXe siècle, une accélération considérable qui est marquée par une mon-tée en puissance de la technologie dans tous les secteurs de la vie sociale. Bien plus, ce phénomène va largement au-delà de la simple maîtrise technologique. Sur le plan conceptuel, ce sont les rapports au cosmos, à la nature, au corps, qui se voient profondément modifiés. Les théo-ries scientifiques induisent des modifications profondes des systèmes de significations qui caractérisent les diverses cultures de notre monde. Enfin, ce phénomène connaît une dimension planétaire. Avec la globa-lisation économique, les technologies nouvelles et les systèmes de signi-fications qui les accompagnent tendent à se répandre dans l’ensemble de la planète de telle sorte que l’on peut dire que c’est l’avenir de l’hu-manité dans sa globalité qui est concerné par la dynamique scientifique.

Dès ses origines, dans sa forme moderne, la science a eu un impact sociétal considérable. En effet, historiquement, l’émergence de la science avec Galilée est un des éléments décisifs dans la transforma-tion de la société médiévale en société moderne. Un nouveau rapport à la vérité est inauguré grâce à la science ; il va transformer profondément la société, jusqu’à son organisation politique. La révolution industrielle va prendre le relais dans ce processus de transformation. Le concept de « progrès » vise à rendre compte de la globalité de cette mutation cultu-relle à la fois conceptuelle, institutionnelle, sociale et technologique. La science est perçue comme un facteur d’amélioration de la condition humaine et inscrit l’évolution des sociétés dans une perspective de pro-grès continu.

Sur ce plan, il faut souligner le paradoxe qui marque la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle. Jamais la science n’a connu une telle expansion et un tel succès. Et, en même temps, le concept de pro-grès lui-même se voit de plus en plus questionné. C’est qu’en effet cette explosion technologique n’a pas que des aspects positifs. Depuis la fin des années 1970, on peut dire qu’un nouveau rapport à l’innovation technologique s’est instauré, et ce, dans tous les secteurs. Que ce soit

Page 12: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Introduction

X

dans le domaine des technologies énergétiques, des moyens de trans-ports, des techniques agricoles, de même que dans tout le domaine médical, les nouvelles technologies sont interrogées sur leur pertinence, leur efficacité, les effets secondaires induits, de telle sorte que le lien automatique posé entre innovation technologique et bien-être de l’hu-manité est remis en cause. On assiste à un rapport critique au progrès lui-même. Mais c’est la crise écologique qui va s’avérer la plus mar-quante dans le questionnement au mode d’intégration actuel de la tech-nologie au fonctionnement sociétal. La prise de conscience des relations entre  les espèces par le concept d’écosystème, et, plus précisément, la prise de conscience du caractère fini des stocks d’énergie et matières premières au niveau mondial, pose question à tout le modèle de pro-duction proposé par la société moderne. Le problème climatique prend valeur symbolique de l’ampleur du problème, à tel point que d’aucuns parlent d’une crise du projet moderne.

L’objectif de cet ouvrage est d’introduire aux problématiques phi-losophiques qui visent à clarifier les enjeux fondamentaux des innova-tions liées à la science dans toute la complexité des multiples dimen-sions que nous venons d’évoquer. Cette complexité elle-même conduit à préciser plusieurs points de vue dans notre approche, qui déterminent l’organisation de cet ouvrage en cinq chapitres.

En un premier chapitre, Science et vérité, la philosophie des sciences sera interrogée. Il s’agira d’analyser comment la philosophie des sciences a rendu compte de la spécificité de la démarche scienti-fique comme démarche de connaissance parmi les autres démarches présentes dans la culture. Dans notre société, le concept de science ren-voie à un rapport privilégié à la réalité qui fait autorité. Le point de vue scientifique est respecté en tant qu’il est perçu comme ayant un rapport privilégié à l’objectivité, et plus fondamentalement à la vérité. Diverses traditions seront évoquées concernant cette question générale. Elles permettront de penser les rapports entre approches scientifiques et autres approches de la réalité, notamment religieuses ; elles permet-tront également de mettre en évidence les présuppositions scientifiques de la démarche médicale contemporaine.

L’impact de la science sur le fonctionnement social, Science et société, est analysé à partir de deux approches distinctes  : la tech-nique et l’idéologie. Que les technologies modifient nos modes de vie est une évidence. La philosophie de la technique ouvre une réflexion générale sur les rapports entre technique et société et est traversée par

Page 13: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Introduction

XI

des interprétations très divergentes sur le plan d’une contribution de la technique à la culture. Par ailleurs, la sociologie des sciences a connu des développements récents qui ouvrent à une analyse évaluative de l’innovation technologique où la figure de l’expert prend une place décisive. Une référence à ces travaux nous permettra d’envisager de manière plus informée une analyse critique de l’innovation technolo-gique. D’autre part, historiquement, les sciences ont un impact idéolo-gique redoutable : que l’on songe aux implications du darwinisme et des premières théories eugéniques au début du XXe siècle, que l’on songe, d’un point de vue plus général, à l’association de la démarche scien-tifique et des forces économiques dans la recherche-développement à la fin du XXe siècle. Il s’agit, par conséquent, d’être attentif également aux dimensions idéologiques des sciences. Le concept d’idéologie est un concept philosophique complexe qui mérite d’être abordé avec la plus grande rigueur. Les perspectives théoriques nous permettront de souligner certaines dimensions idéologiques présentes à la fois dans le darwinisme historique et dans diverses pratiques contemporaines.

Le chapitre trois, Science, éthique et modernité, pose la question des relations entre les justifications de l’éthique et les autres caractéris-tiques d’une culture donnée. Avant d’entrer dans une dynamique de réflexion spécifiquement liée à la technologie ou à la médecine, il nous paraît important d’envisager un questionnement plus fondamental sur les justifications de l’éthique et sur les liens de ces modes de justifica-tion avec les autres caractéristiques de la culture. C’est la raison pour laquelle, en une première partie, ce chapitre portera sur un historique des modes de justification de l’éthique, en lien avec les diverses moda-lités de rapport au vrai et avec les diverses modalités de justification du pouvoir politique. À partir notamment de la réflexion kantienne puis de la problématique des Droits de l’Homme, il ressort que le respect de la personne humaine se dégage comme valeur centrale du moment moderne. La deuxième partie de ce chapitre trois reprend cette même question en la situant en contexte contemporain. La crise de la moder-nité dans ses dimensions à la fois théoriques et organisationnelles sera analysée. La place de la science dans la société, ainsi que le poids de la rationalité, seront étudiés. Le concept de « modernité critique » va rece-voir une caractérisation rigoureuse.

Un nouveau rapport à la nature est une dimension importante de cette «  modernité critique  ». Il fera l’objet du chapitre quatre  : Nature, santé et environnement. La notion de « respect de la nature »

Page 14: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Introduction

XII

est omniprésente dans notre culture depuis environ trois décennies. Il paraît important de percevoir que cette notion est très problématique. La science dans toutes ses disciplines, et la pratique médicale en parti-culier, est mieux décrite en termes de maîtrise de la nature au service de l’humain que de respect de la nature : que ce soit dans les domaines de l’énergie, de l’alimentation, de la santé, loin de respecter la nature, la visée de la science est d’utiliser la nature pour le plus grand bonheur de l’être humain. Nous verrons que le concept d’écosystème introduit une modification profonde dans le rapport à la nature qui caractérise notre culture. Bien plus, une prise en compte d’autres dimensions de la réalité «  nature  » est essentielle pour comprendre les nouvelles orientations d’une politique qui conduise à un développement durable. Si la pra-tique écologique s’articule à une nature qu’il s’agit de respecter, toute pratique thérapeutique s’articule à un concept de santé et de norme qu’il s’agit également de respecter. Le caractère problématique de ces notions est également à étudier. Le concept de santé proposé par l’Organisation Mondiale de la Santé frappe par son ampleur de vue  : divers enjeux seront soulignés. Les difficultés d’une approche de la normalité et les enjeux thérapeutiques qu’elle soulève nous conduiront à un recentrage de la thérapie sur la spécificité de chaque individu.

Le dernier chapitre – Qu’est-ce que l’être humain  ? ou Peut-on parler de nature humaine ? – reprend la question de la nature, sur le plan anthropologique cette fois. Si l’on considère les travaux récents dans le domaine des sciences de la vie, quelle peut être la spécificité de l’humain par rapport à l’animal ? Trois notions sont traditionnellement évoquées : l’âme, la liberté, la conscience. Nous aborderons la question à partir de ces trois notions. Un historique du concept d’âme montrera que ce dernier ne conduit pas automatiquement au dualisme ; au contraire, la tradition aristotélicienne, articulée dès l’origine aux sciences de la vie, peut conduire à une anthropologie profondément unitaire. Par ailleurs, l’approche épistémologique du concept d’émergence, telle que la pro-pose la tradition de la philosophie des sciences anglo-saxonne, appli-quée à la problématique des neurosciences, ouvre à une pluralité d’in-terprétations ; certains scientifiques se placent explicitement dans une perspective non réductionniste ouverte aux notions de libre arbitre et de conscience. Ils peuvent ainsi être rapprochés des travaux de certains phénoménologues qui, dès les années 1950, ont tenté une interpréta-tion des données des sciences biologiques et comportementales de leur

Page 15: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Introduction

XIII

temps autour de la problématique de la donation de sens et conduisent à une approche critique de la question de la « nature humaine ».

Une grande unité ressort de l’ensemble de la démarche. Elle tient à deux points. D’une part, la place de la science dans la société est fort tributaire de la conception des rapports science-vérité analysés au cha-pitre un. Dans ce sens, le concept de « connaissance critique » ouvre la voie à une conception à la fois rigoureuse et modeste de la science, qui permet de penser de manière nuancée l’impact de la science et de la technologie sur le fonctionnement sociétal. D’autre part, notre convic-tion est que des liens étroits peuvent s’établir entre cette conception de la science, une conception de l’être humain, les systèmes de justifica-tion de l’éthique et la conception du fonctionnement politique. Dans ce contexte, la question est de savoir si l’intuition moderne – qui fait reposer sur le concept de sujet libre rationnel le fondement du rapport au vrai, au bien et à l’organisation politique – est encore défendable actuellement, moyennant les modifications qui s’imposent en fonction des données de l’histoire et des résultats récents des sciences.

Le concept de «  modernité critique  » proposé au chapitre trois ouvre une perspective où la science garde une place importante dans une dynamique sociétale et où l’être humain continue à faire confiance en la raison, tout en prenant en compte les limites de l’approche ration-nelle. Une telle perspective vise à une prise en compte de la crise de la modernité dans ses multiples dimensions. Sont en jeu à la fois une conception de l’être humain comme être libre, le respect de la personne humaine comme critère éthique, un fonctionnement sociétal qui donne place au débat démocratique.

Page 16: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Introduction

XIV

Mes remerciements vont tout d’abord aux étudiantes et étudiants, mes interlocuteurs privilégiés dans les différentes Facultés où des cours m’ont été confiés. Leurs appartenances disciplinaires variées, leur écoute souvent attentive, leur regard toujours exigeant, leurs préoccu-pations pour les questions contemporaines marquent profondément la dynamique de cet ouvrage.

Pour la première édition, je tiens également à remercier les col-lègues et les amis qui ont accepté de relire le manuscrit en cours de rédaction : Philippe Baret, Marc Crommelinck, Felice Dassetto, Thierry Hance, Walter Lesch, André Louis. Leurs remarques et leurs sugges-tions m’ont été précieuses. Je leur en suis très reconnaissant.

Anne-Marie Coipel, André Louis, Marie-Bernadette Mars et Claudine Warzée ont assuré la relecture stylistique et typographique du document final. Je les remercie vivement pour leur disponibilité, pour la rigueur et la précision de leur travail.

Pour la deuxième édition, je tiens à remercier Charlotte Luyckx pour ses suggestions critiques éclairantes. Anne-Marie Coipel et Marie-Bernadette Mars ont de nouveau été sollicitées pour une relecture sty-listique. Je les remercie pour leur détermination et leur compétence.

Page 17: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

1

Chapitre 1. Science et vérité

une introduction à la philosophie des sciences

Introduction

Les rapports entre science et vérité constituent une question fonda-mentale de la philosophie des sciences. Cette question essentielle est au cœur de débats qui traversent tout le XXe siècle. Elle renvoie au rapport entre le discours scientifique et la réalité qui fonde la légitimité du statut privilégié de la science dans notre société. Plusieurs traditions se sont confrontées en philosophie des sciences. Nous voudrions, en un pre-mier temps, procéder à une présentation historique de cette confron-tation. Jusqu’aux dernières décennies du XXe siècle, la philosophie des sciences s’articulait essentiellement à la physique, branche dominante de la science à l’époque. L’historique proposé rejoint donc les questions liées à la philosophie de la physique. Il nous paraît également opportun, en un deuxième temps, de proposer une approche qui concerne plus spécifiquement les sciences de la vie : il s’agira d’analyser les caractéris-tiques principales du paradigme de la biologie contemporaine. En une partie conclusive, les enjeux philosophiques et les conséquences pour une pratique scientifique seront explicités.

1. La conception inductiviste de la science

Le XIXe siècle et les premières décennies du XXe siècle ont été marqués par une conception qui tendait à faire de la science la seule véritable connaissance. La science était en quelque sorte le lieu d’une objecti-vité absolue qui était, pensait-on, liée à la méthodologie spécifique de la science, qualifiée d’inductive, d’où le terme de « conception inductiviste de la science ». Dans le monde francophone, cette conception corres-pond à ce qu’on appelle la « conception positiviste », liée à la « philoso-phie positive » d’Auguste Comte. Dans le monde anglo-saxon, elle a été

Page 18: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

2

La science et le vivant

défendue d’une manière distincte par ce que l’on appelle le positivisme logique de l’École de Vienne.

Dans le monde philosophique, cette conception a fait l’objet d’un nombre considérable de travaux au début du XXe siècle jusqu’aux années 1960, où elle a été remise en cause par des analyses venant à la fois de la logique et de l’histoire des sciences. Notons que cette concep-tion est encore très répandue actuellement, en particulier dans bon nombre de milieux scientifiques.

En un premier temps, nous allons procéder à une présentation des thèses centrales de la conception inductiviste de la science. En un second temps, nous développerons les limites de cette conception mises en évidence par la philosophie des sciences.

1.1. La conception inductiviste de la science

Avant de présenter cette conception de la science, introduisons deux couples de notions terminologiques préliminaires.

a. Notions préliminaires

Énoncé singulier et énoncé universel

La plupart des énoncés de la vie courante sont des énoncés singuliers.

Cet après-midi, le soleil brillait sur Bruxelles.Les oiseaux que je vois sur ce fil sont tous bruns.Cette solution aqueuse est très acide.

La particularité de ces énoncés est qu’ils se réfèrent chacun à des situations précises, situées ponctuellement dans l’espace et dans le temps. Chacun de ces énoncés, aussi appelés énoncés d’observation, peut faire l’objet d’une vérification, immédiate ou différée, par l’interlocuteur.

À côté de ces énoncés, d’autres présentent des caractéristiques tout à fait différentes.

Tout corps matériel à la surface du globe est attiré par la terre en fonction de la gravitation universelle.Dans les organismes supérieurs, les cellules somatiques se divisent par mitose.Si on met un acide en présence d’une base, on obtient un sel plus de l’eau.Il fait clair tous les soirs à dix heures.

Page 19: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

3

Science et vérité

Ces énoncés sont de type général et portent sur de très larges ensembles de phénomènes. Ils ne sont pas liés, comme les énoncés d’ob-servation, à un moment particulier ou à un lieu particulier. Ils portent sur des phénomènes globaux et intègrent la totalité des événements d’un type particulier. Les lois et théories scientifiques sont des énoncés de ce type que l’on qualifie d’« énoncés universels ».

Précisons bien que le caractère général ou particulier d’un énoncé concerne uniquement ce statut logique et n’a rien à voir avec la valeur de vérité de l’énoncé. Par exemple, l’énoncé « il fait clair tous les jours de l’année à minuit en Belgique » est bien un énoncé général, qui com-porte un quantificateur universel, « tous les jours », alors même qu’il est complètement faux.

Induction et déduction

À cette distinction entre deux types d’énoncés est liée une autre dis-tinction : celle entre deux types de raisonnements. Dans le premier, une accumulation d’énoncés singuliers conduit à un énoncé de type géné-ral : c’est l’inférence inductive. Par exemple, l’observation, de multiples fois répétées, que l’eau gèle à 0˚C dans des conditions normales de pres-sion conduit à l’affirmation générale : « l’eau gèle toujours à 0˚C dans les conditions normales de pression ». Dans l’inférence inductive, on a donc passage d’énoncés particuliers à un énoncé général.

Inversement, dans le second, le raisonnement déductif relie des énoncés généraux à des énoncés particuliers, un des objectifs de la logique étant de préciser les conditions de validité de tels raisonnements.

Par exemple :

Tous les corbeaux sont noirs.Cet oiseau est un corbeau.Donc il est noir.

On a bien ici passage d’un énoncé général à un énoncé particulier par un raisonnement déductif.

Précisons encore que la validité d’un raisonnement n’a rien à voir avec la valeur de vérité des divers énoncés.

Par exemple :

Il pleut tous les lundis.On est lundi.Donc il pleut.

Page 20: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

4

La science et le vivant

Ce raisonnement est exactement le même que dans l’exemple pré-cédent et est tout à fait valide, alors même que l’énoncé de départ est faux.

b. La conception inductiviste de la science

La conception inductiviste de la science fait reposer la valeur de vérité des lois scientifiques sur les observations, considérées comme relations neutres et objectives à la réalité. En effet, sur la base de la certitude de l’observation, par simple généralisation inductive, on établit les lois de fonctionnement de la matière inerte ou vivante.

Par exemple, dans cette perspective, les expériences de Galilée, qui analysent le mouvement des corps sur des plans inclinés, fondent la valeur de vérité des premières lois de la dynamique. De même, ce sont les observations de nombreuses divisions cellulaires qui fondent la valeur de vérité d’une « loi » des diverses phases de la division mitotique.

Dans ce contexte donc, la loi est le lieu d’une vérité certaine ; en quelque sorte, on « tire la loi de l’expérience » et la science est donc le lieu d’une objectivité absolue puisque le scientifique est une sorte de pur réceptacle de la réalité qui se donne dans l’expérience.

Précisons cependant que, même dans la conception inductiviste de la science, il y a une place importante pour la démarche déductive. En effet, le caractère inductif de la démarche scientifique porte sur la «  découverte  » de la loi, sur la démarche d’élaboration de la théorie scientifique comme ensemble de lois ; par contre, une fois la loi « décou-verte », l’explication scientifique se développe selon une logique déduc-tive. En effet, la loi générale permet d’expliquer ce qui se passe dans des situations particulières selon un schéma qui implique le passage du général au particulier. Par exemple, la loi de la gravitation universelle permet de prédire et d’expliquer la vitesse d’un corps en chute libre du haut d’un building.

En ce qui concerne l’explication en science, on a donc le schéma suivant :

C1, C2, …, Ck Énoncés des conditions initiales

L1, L2, …, Lr Lois générales

E Description du phénomène empirique à expliquer

Déd

uctio

n lo

giqu

e

explanans

explanandum

}}

}

Figure 1. L’explication en sciences selon Hempel.1

1 Hempel, C.G. (1965), « Studies in the Logic of Explanation », in Hempel C.G., Ed. Aspects of Scientific Explanation, The Free Press, New York, London, p. 249.

Page 21: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

5

Science et vérité

C’est en inscrivant les conditions initiales, c’est-à-dire les carac-téristiques de la situation particulière étudiée, dans la loi que l’on peut prédire l’évolution du phénomène étudié. Ce schéma, classique en phi-losophie des sciences, est connu comme schéma de Hempel, du nom du philosophe qui l’a développé.

Par exemple, les lois de la dynamique classique, associées aux conditions initiales caractérisant une fusée – poids, poussée des réac-teurs, direction, conditions météo...– permettent le calcul de la trajec-toire de la fusée après la mise à feu des réacteurs. Dans ce contexte, « expliquer » revient donc à « prédire » un événement, si cet événement est futur, ou à le « rétrodire » si cet événement est passé. Il est en effet possible d’effectuer la démarche de calcul de la trajectoire, que la fusée soit partie ou qu’elle soit sur le départ.

Pour décrire le fonctionnement de la science, on a donc une conception inductiviste du processus de constitution du savoir scienti-fique et une conception déductiviste de l’explication scientifique, consi-dérées comme application de lois générales à des situations particu-lières. Ces conceptions sont résumées dans le schéma :

Prédictions et explications

Lois et �éories

Induction Déduction

Faits établispar l’observation

Figure 2. Les rapports entre induction et déduction dans la conception inductiviste de la science. D’après A.F. Chalmers1.

Il faut souligner l’enjeu fondamental d’une telle conception  : la science est le lieu d’une certitude absolue, puisque les lois sont tirées de l’expérience et que l’explication ne fait qu’appliquer les lois de manière déductive. Dans ce contexte, tout le processus scientifique d’établisse-ment de la loi et d’application de la loi relève donc d’une dynamique marquée par une objectivité absolue.

1 Chalmers, A.F. (1987), Qu’est-ce que la science ? La Découverte, Paris, p. 24.

Page 22: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

6

La science et le vivant

1.2. Les limites de la conception inductiviste de la science

Cette conception inductiviste de la science va faire l’objet d’une analyse attentive. Les limites d’une telle conception vont être soulignées à deux niveaux  : d’un point de vue logique et à propos de la conception de l’observation scientifique.

a. Le point de vue logique

Les premières objections posées à la conception inductiviste de la science se réfèrent à la logique.

Dans le raisonnement déductif, si les prémisses sont vraies, les conclusions sont vraies  : il y a une nécessité logique qui relie les pré-misses aux conclusions. Dans l’exemple proposé ci-dessus, si l’énoncé « tous les corbeaux sont noirs « est vrai, et s’il y a un corbeau devant moi, je suis sûr que ce corbeau est noir. Il y a un lien logique de nécessité entre l’énoncé général de départ et l’énoncé particulier conclusif.

Par contre, dans le raisonnement inductif, il n’y a aucune nécessité logique entre les prémisses particulières et la conclusion générale. Par exemple, l’énoncé « Tous les corbeaux que j’ai vus jusqu’à maintenant sont noirs » n’implique pas que « tous les corbeaux sont noirs » : aucune nécessité logique ne relie ces deux énoncés. Tout au plus peut-on dire que l’on a de bonnes raisons de penser que «  tous les corbeaux sont noirs » mais cela n’enlève rien à l’incertitude qui persiste sur l’énoncé conclusif.

Dans le raisonnement inductif, le passage du particulier au général ne repose pas sur une nécessité logique, mais bien sur une décision du sujet scientifique qui, sur la base de l’ensemble des observations effec-tuées, juge que l’on peut considérer que l’énoncé a valeur universelle. Et, dans ce cas, la valeur de vérité de la loi perd sa valeur de certitude. En effet, à strictement parler, on ne « tire » pas la loi de l’expérience ; sur la base de l’expérience, le sujet scientifique pose la loi. On n’est donc pas dans le registre de l’objectivité absolue, mais dans le registre de l’activité d’un sujet connaissant. Autrement dit, il y a rupture de continuité entre les observations et la loi, rupture de continuité marquée par le « coup de force » du sujet connaissant qui décide de considérer comme universel un énoncé particulier qui renvoie à un nombre important d’observations.

On cite souvent l’anecdote humoristique – anglaise  !  – de Bertrand Russell. Après plusieurs centaines d’expériences, dans toutes

Page 23: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

7

Science et vérité

les conditions d’humidité, pression atmosphérique, force du vent, lumi-nosité..., une dinde avait conclu à l’affirmation universelle qu’on lui apportait la pâtée à 19 heures sonnantes tous les jours. Il n’en reste pas moins qu’elle « passa à la casserole » le 24 décembre de la même année.

Avec cette nécessité logique, c’est le statut de certitude de la loi et son objectivité absolue qui sont remis en cause. La science n’est donc pas le lieu d’une certitude absolue, mais relève du travail d’un sujet connaissant.

b. Le concept d’observation

La conception inductiviste

La conception inductiviste de la science repose sur la présupposition d’une observation objective, neutre, de la part du scientifique. L’obser-vation est donc considérée comme pure réceptivité à la réalité qui se donne immédiatement. On trouve là une conception passive de l’obser-vation, où tous les humains en situation analogue auront des visions identiques du phénomène observé.

Le point de vue psychophysiologique

Voici quelques années déjà, M. Merleau-Ponty développait une phéno-ménologie de la perception où il insistait sur la distinction entre sensa-tion et perception. La sensation renvoie à l’image rétinienne, tandis que la perception implique l’intégration d’un nombre important d’infor-mations, en provenance de divers systèmes – visuel, équilibre, proprio-ceptif... La perception implique par conséquent un travail intégrateur d’informations au niveau du système nerveux central lui-même. Dès l’analyse du point de vue neurophysiologique, on est donc loin d’une observation comme pur phénomène passif.

Les travaux neurophysiologiques récents sur la vision vont plus loin encore. Que l’on se réfère aux positions de J.P. Changeux ou de F. Varela, par exemple, de nombreux auteurs insistent sur le caractère actif du système nerveux. La vision ne doit pas être appréhendée sur le modèle de l’appareil photographique où le cerveau serait l’analogue de la plaque photographique. Le cerveau n’est pas pure réceptivité. Au contraire, les influx nerveux associés à l’image rétinienne entrent en résonnance avec certains influx liés à l’activité permanente du système nerveux central. C’est dans ces termes qu’il faudrait comprendre, par exemple, les phénomènes de reconnaissance de formes.

Page 24: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

8

La science et le vivant

Ces travaux rejoignent les approches psychocognitives qui montrent l’importance de l’activité du sujet dans l’interprétation des formes. Certains artistes travaillent d’ailleurs sur cette activité pour concevoir des tableaux qui se prêtent à plusieurs interprétations ou induisent des illusions liées précisément aux mécanismes de construc-tion de l’image par l’observateur. L’œuvre de l’artiste néerlandais Escher est très marquée par cette approche.

Il ressort dès lors qu’une conception de l’observation en termes de pure réceptivité passive est difficilement défendable au vu des dévelop-pements récents des travaux neurophysiologiques et psychocognitifs.

L’impossibilité d’une observation exhaustive

De manière plus intuitive, il apparaît qu’une situation donnée ne peut jamais faire l’objet d’une description exhaustive et qu’une série de choix, explicites ou implicites, préside toujours à une démarche de description d’une situation donnée.

Ce phénomène est particulièrement ressenti lorsque l’on déve-loppe un travail d’analyse anthropologique d’un laboratoire scienti-fique. Pourquoi ne pas s’intéresser aux marques de pantalons des cher-cheurs ou à la couleur des murs des laboratoires ? Une telle attention est tout à fait défendable si la recherche anthropologique s’intègre dans un projet financé par une marque de pantalons qui souhaite utiliser cette information à titre publicitaire. D’autre part, pourquoi ne pas recourir au microscope pour décrire les toiles d’araignées qui se forment dans les recoins des laboratoires comme partout ailleurs ?

On le comprend, une description est toujours associée à un certain projet plus ou moins bien défini ou explicité. Plus généralement encore, ces propos contribuent à la prise de conscience de l’impossibilité d’une description exhaustive d’une situation donnée. Si la description n’est pas exhaustive, cela signifie que des choix sont posés qui distinguent les informations jugées pertinentes de celles qui ne le sont pas.

Ici également, le rôle actif de l’observateur apparaît manifeste. Si le travail du scientifique vous intéresse d’un point de vue épistémo-logique, vous serez attentif à la manière dont le scientifique construit son expérience. Si vous vous intéressez plus à la sociologie des cher-cheurs, vous serez plus attentif, entre autres choses, aux milieux d’ori-gine des chercheurs et à leurs réseaux relationnels actuels... Sans doute, dans l’observation de chacun de ces domaines aurez-vous à être le plus «  neutre  » possible. Mais cette attitude prend sens sur le fond d’une

Page 25: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

9

Science et vérité

attitude fondamentalement sélective sur la base du projet fondamental qui vous guide dans vos observations.

La conception d’une observation exhaustive, neutre et objective, ne résiste pas à l’analyse, même dans le cas d’une activité comme l’an-thropologie qui, pourtant, ne se réfère pas toujours à des cadres théo-riques très élaborés.

Le point de vue logique

L’approche logique de l’observation adopte un point de vue très diffé-rent. Il s’agit de s’intéresser au statut logique de l’énoncé d’observation. La question est de savoir comment il est possible de démontrer qu’un tel énoncé est vrai.

En fait, il apparaît qu’un énoncé d’observation n’est pas démon-trable logiquement. Il repose uniquement sur la conviction des sens. Un raisonnement logique et, par conséquent, une démonstration logique, pose des relations entre divers énoncés. C’est la nécessité logique de la relation entre divers énoncés qui constitue la démonstration logique elle-même. Mais la valeur de vérité de l’énoncé d’observation ne pro-vient pas de la relation à d’autres énoncés. Elle provient tout sim-plement de la conviction des sens et de la confiance en la bonne foi des autres observateurs. Il n’y a donc aucune certitude logique liée à l’énoncé d’observation.

Les relations entre observation et langage

Dans l’approche logique, nous avons évoqué le passage obligé par les « énoncés d’observation ». Une observation n’est pas un fait brut, elle se transmet par une série d’énoncés. Qui dit « énoncé » dit « langage ». Indépendamment du point de vue logique évoqué plus haut, le rapport au langage pose la question de la signification du langage, la question sémantique, laquelle s’inscrit dans une culture et un mode de vie donné. P. Ricoeur montre combien le rapport à un langage implique un rap-port interprétatif au phénomène étudié. Toute expression est interpré-tation. Ricoeur parle à ce propos de l’herméneutique toujours à l’oeuvre dans le langage.

Un exemple bien connu est celui du rapport à la neige chez les Esquimaux qui disposent d’un nombre considérable de termes distincts pour désigner la neige, en fonction des propriétés spécifiques liées aux différentes contraintes de leur mode de vie : poudreuse, glissante, col-lante... Il est important de souligner le fait que les termes ne sont pas

Page 26: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

10

La science et le vivant

simplement des outils pour exprimer une observation  ; en réalité, la connaissance des termes détermine la capacité d’observation elle-même et des observations de ce type sont difficilement réalisables par des per-sonnes ne maîtrisant pas ce langage et ne participant pas à ce mode de vie.

D’un point de vue général, il importe de prendre en compte le rapport entre langage et perception. Une approche naïve donne à croire que le langage est un outil qui permet de rendre compte de l’observa-tion, celle-ci se déroulant de manière complètement indépendante du langage. Il s’agit de prendre conscience de la circularité en jeu entre langage et observation. En fait, dans une culture donnée, on est capable d’observer ce que le langage permet d’exprimer. Et l’apprentissage du langage accompagne l’apprentissage de l’observation.

La charge théorique de l’observation

Ce qui vient d’être évoqué du point de vue général des rapports entre langage et observation dans une culture donnée éclaire précisément les rapports entre théorie et observation en science et rejoint les considé-rations de la philosophie des sciences contemporaine sur la «  charge théorique » de l’observation scientifique.

Prenons l’exemple d’un cliché au microscope électronique. Une conception naïve de l’observation neutre et objective devrait conduire à penser que, moins on en connaît en biologie, plus on sera « objectif ». L’expérience montre qu’il n’en est rien et qu’au contraire l’interpréta-tion d’un tel cliché demande tout un apprentissage qui porte à la fois sur divers concepts de base de la cytologie – mitochondrie, ribosome, membrane, réticulum...– et sur un travail simultané sur des clichés pour identifier et reconnaître les diverses structures visées. À proprement parler, sans les concepts théoriques, on ne voit rien qu’un ensemble de points gris sur fond noir où on s’étonne que les scientifiques sachent voir des formes significatives.

Et cela peut être dit à propos de toute observation en science. Que ce soit l’identification d’une plante en systématique ou l’interprétation d’une courbe de thermolabilité enzymatique en biologie cellulaire, le travail d’observation s’articule à tout un langage qui n’est pas simple outil pour exprimer ce que l’on voit, mais contexte théorique qui per-met de voir. C’est ce que vise la philosophie des sciences quand elle parle de « charge théorique de l’observation ».

Page 27: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

11

Science et vérité

Les limites de la position inductiviste apparaissent maintenant plus clairement. Tant l’approche logique qu’une analyse attentive du concept d’observation manifestent la faiblesse de cette conception qui, il faut bien le dire, trouve peu de défenseurs actuellement dans le monde des philosophes des sciences.

Karl Popper est un grand pourfendeur de la conception induc-tiviste de la science. Sa conception falsificationiste intègre un bon nombre des objections posées à la conception inductiviste et constitue un moment historique important de la réflexion sur les sciences. Il a eu un impact considérable tant en philosophie des sciences que dans cer-tains milieux scientifiques. Jacques Monod, prix Nobel de Médecine, a rédigé une préface à l’édition française de l’ouvrage le plus important de Popper : La logique de la découverte scientifique1. Nous allons mainte-nant envisager cette conception.

2. K. Popper et le falsificationisme

Karl Popper (1902-1994) s’oppose à une logique inductiviste dans l’évo-lution des théories scientifiques. Pour Popper, le scientifique ne tire pas la loi de l’expérience. Sur la base d’une série d’observations, le scienti-fique construit la loi qu’il confronte à l’expérience selon une procédure très rigoureuse. Une analyse logique de cette confrontation va s’avé-rer importante pour bien en préciser la signification épistémologique. Cette analyse va montrer l’importance de la relation d’implication. C’est pourquoi il nous faut tout d’abord présenter cette notion.

2.1. La notion d’implication

L’implication est une relation logique entre deux énoncés. Une analyse des rapports entre les diverses valeurs de vérité possibles des énoncés aboutit au tableau suivant :

p q1. V V V2. V F F3. F V V4. F V F

1 Popper, K. (1973), La logique de la découverte scientifique, Payot, Paris (1ère édition allemande 1935, 1ère édition anglaise 1959).

Page 28: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

12

La science et le vivant

Dans ce tableau, p et q représentent deux énoncés distincts et représente la relation d’implication qui relie les deux énoncés.

Voici quelques exemples des diverses situations envisagées.

1. En Belgique, il fait toujours nuit à 1 heure du matinimplique il fera nuit ce soir à 1 heure du matin.

La prémisse vraie implique un énoncé vrai selon une implication correcte.

2. En Belgique, il fait toujours nuit à 1 heure du matinimplique il fera jour ce soir à 1 heure du matin.

Cette implication n’est pas correcte, la conclusion n’est pas une conséquence logique de la prémisse.

3. En Belgique, il pleut tous les lundisimplique il pleut au moins une fois sur l’année.

Un énoncé faux implique un énoncé vrai selon une implication correcte.

4. En Belgique, il fait toujours jour à 1 heure du matinimplique il fera jour ce soir à 1 heure du matin.

Un énoncé faux implique un énoncé faux selon une implication correcte.

Cette approche logique de l’implication met en évidence une série de caractéristiques importantes sur lesquelles K. Popper va construire sa conception de la science. Tout d’abord, on constate qu’une conclusion vraie peut dépendre, selon la relation d’implication, aussi bien d’une prémisse vraie que d’une prémisse fausse (situations 1 et 3). Par contre, une conclusion fausse ne peut dépendre, selon la relation d’implication, que d’une prémisse fausse (situation 4) puisque la situation 2 met en oeuvre une implication incorrecte.

Autrement dit, le fait que la conclusion soit vraie ne fournit aucun renseignement sur la valeur de vérité de la prémisse, alors que le fait que la conclusion soit fausse nous donne la certitude logique de la fausseté de la prémisse.

C’est sur cette propriété particulière de l’implication que K. Pop-per va construire sa conception de la scientificité.

Page 29: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

13

Science et vérité

2.2. Le falsificationisme poppérien

Popper se place dans une perspective de rejet de la conception inducti-viste de la science et développe lui-même une série d’arguments repris plus haut dans l’analyse des limites de cette conception.

Pour Popper, la loi scientifique n’est pas tirée de l’expérience mais est construite par le scientifique et confrontée à l’expérience. Popper parle de « conjecture et réfutation »1. L’hypothèse est construite par le scientifique et mise en relation avec la réalité par l’expérimentation.

Cette confrontation de la théorie à la réalité met en œuvre la rela-tion d’implication. L’analyse logique de l’implication effectuée à l’ins-tant prend ici tout son sens. En effet, la confrontation de la théorie à l’expérience se développe selon la démarche logique évoquée lors de l’analyse de l’explication dans la conception inductiviste de la science.

Nous avons vu que la conception inductiviste porte sur le mode d’élaboration de la loi scientifique mais que, même dans cette concep-tion, l’explication scientifique est déductive selon le schéma de Hempel. C’est la loi associée à une série de conditions initiales qui permet de prédire l’évolution du système particulier étudié précisément au moyen d’une relation d’implication (cf. 1.1.b.).

Les lois de la dynamique classique associées aux conditions ini-tiales caractérisant une fusée permettent de prédire, par recours à l’im-plication, la trajectoire de la fusée après mise à feu des réacteurs. Et l’observation de la trajectoire effective nous permet de confronter les prédictions de la théorie avec l’expérience.

On a donc le schéma :théorie + conditions initiales impliquent prédictionsoù prédictions = énoncés d’observation qui peuvent être confrontés à l’expérience.

Si on se réfère au tableau de vérité de l’implication, en ne retenant que les relations d’implication correctes, on obtient :Théorie + conditions initiales impliquent Prédictions

1. V V V2. F V V3. F V F

1 Popper, K. 1985. Conjectures et réfutations. La croissance du savoir scientifique, Payot, Paris (première édition anglaise : Conjectures and Refutations, London, 1969).

Page 30: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

14

La science et le vivant

Dans les situations 1 et 2, on a une vérification de la théorie puisque les prédictions s’avèrent vérifiées par l’expérience. Mais cette vérification ne nous apporte aucune certitude sur la valeur de vérité de la théorie puisque une théorie fausse peut impliquer des prédictions vraies (situation 2). Par contre, si la prédiction s’avère fausse, on arrive à une certitude sur la valeur de vérité de la théorie ; on est de fait certain qu’elle est fausse (situation 3).

Popper tire plusieurs conclusions d’une telle analyse. La première porte sur le statut de vérité des théories. En fait, l’analyse logique de la confrontation à l’expérience revient à dire que l’on n’est jamais certain du caractère vrai d’une théorie. Une théorie vérifiée doit être considérée comme vraie à titre provisoire, jusqu’aux prochaines confrontations à l’expérience. C’est l’antidogmatisme poppérien en ce qui concerne le rapport à la théorie.

Pour comprendre un tel antidogmatisme, il faut savoir que Pop-per avait une formation de physicien et que le monde de la physique a été profondément remué par l’évolution de la physique au début du XXe siècle. Le XIXe siècle voyait dans la physique newtonienne une théorie certaine : aucune remise en question ne paraissait possible. Le début du XXe siècle, avec le développement de la physique quantique et l’émergence de la théorie de la relativité, mettait la physique new-tonienne en difficulté dans deux domaines essentiels  : le monde des particules élémentaires et le monde de la cosmologie. La conception poppérienne de la théorie scientifique comme « définitivement provi-soire », en constante évolution, en situation d’être remise en question à tout moment, permet de penser à la fois la pertinence des théories admises à une époque donnée et leur potentielle remise en cause par la falsification.

D’autre part, Popper tire une deuxième conséquence de ses ana-lyses, que l’on pourrait qualifier de méthodologique. En effet, plutôt que de tester les théories en tentant de les vérifier, Popper suggère de les tester par une falsification. Autrement dit, dans l’expérimentation, ce qu’il s’agirait de faire, ce n’est pas simplement une vérification des prédictions de la théorie, il faudrait développer des stratégies de falsifi-cation, non pas confronter la théorie sur ses points forts mais plutôt sur ses points faibles.

Enfin, troisième conséquence et d’importance  : pour Popper la possibilité pour une proposition d’être falsifiée constitue ce qu’il appelle un « critère de démarcation » entre proposition scientifique et

Page 31: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

15

Science et vérité

proposition métaphysique. Les propositions scientifiques sont falsi-fiables alors que les propositions métaphysiques sont non falsifiables et par conséquent non porteuses de « connaissance objective »1. C’est ainsi que Popper rejette le marxisme, le darwinisme, la psychanalyse comme non scientifiques, comme non porteurs de connaissance objective en fonction de son critère de falsifiabilité.

On trouve donc une position paradoxale de Popper qui présente un antidogmatisme radical en ce qui concerne le statut de vérité de toute théorie scientifique et qui présente une sorte de néodogmatisme tout aussi radical en ce qui concerne la connaissance scientifique comme seule connaissance objective, c’est-à-dire comme seule digne d’intérêt en fonction de son critère de démarcation.

2.3. Les difficultés du falsificationisme poppérien

Le falsificationisme poppérien va se voir contesté sur deux lieux. Les analyses logiques approfondies des situations expérimentales vont amener à nuancer la position poppérienne quant à la certitude apportée par la falsification. D’autre part, les historiens des sciences vont mon-trer l’importance d’une prise en compte de la dynamique effective de la science dans son émergence historique pour rendre compte de la logique à l’œuvre dans la démarche scientifique.

a. Le point de vue logique

L’analyse de la relation d’implication par Popper pose peu de difficul-tés. Par contre le lien que pose Popper entre la relation d’implication et la démarche scientifique rencontre certaines objections. En effet, il est clair qu’une proposition générale du type « tous les corbeaux sont noirs » peut être falsifiée par une simple observation. Cependant, dans le fonctionnement de la démarche scientifique, un test d’hypothèse porte généralement non sur une proposition générale isolée, mais sur une proposition qui s’intègre dans un ensemble théorique plus complexe, comme nous l’avons vu en référence au schéma hempélien. Il ressort que, en cas de falsification de la proposition observationnelle testée, la question se pose de savoir d’où vient l’erreur. Celle-ci peut sans doute provenir de l’hypothèse particulière testée par l’expérience, mais cette hypothèse ne prend corps qu’intégrée à un ensemble théorique plus

1 Popper, K. (1978), La connaissance objective, Éd. Complexe, Bruxelles (première édition anglaise : Objective Knowledge, Oxford, 1972).

Page 32: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

16

La science et le vivant

général, repris dans ce qu’une analyse logique des tests d’hypothèses appelle des « propositions auxiliaires ». Un constat de falsification porte un doute aussi bien sur les propositions auxiliaires que sur l’hypothèse à tester. Dans ce contexte, pas plus que la vérification, la falsification n’apporte la certitude sur la valeur de vérité d’une proposition. En cas de falsification, on apprend qu’il y a un problème au niveau de l’hypo-thèse à tester ou au niveau de la théorie où elle s’intègre, mais le soup-çon porte logiquement sur les deux ensembles de propositions.

Pour reprendre l’exemple ci-dessus, le calcul de la trajectoire d’une fusée peut prendre place dans une expérience où l’hypothèse testée porte sur la force de poussée de divers carburants. L’échec de la prédiction de la trajectoire dans une expérience porte le soupçon sur plusieurs ensembles de propositions : d’une part, sur les lois générales de la dynamique newtonienne, considérées ici comme propositions auxiliaires dans la mesure où ce ne sont pas ces lois qui sont essentiel-lement visées par l’expérience, d’autre part, sur les hypothèses testées concernant la poussée résultant des diverses réactions dans le réacteur. On voit que, si le soupçon se porte spontanément sur les hypothèses particulières testées, il n’y a là aucune certitude logique, car l’expérience repose tout autant sur l’ensemble des propositions auxiliaires non soup-çonnées. Pas plus que la vérification, dans la pratique expérimentale, la falsification ne conduit à la certitude quant à la valeur de vérité de l’hypothèse testée.

b. Le point de vue de l’histoire des sciences

Les objections les plus importantes à la position poppérienne sont venues du monde des historiens des sciences. T.  Kuhn, I.  Lakatos, P. Feyerabend (...) prennent distance par rapport à Popper sur la base de leurs analyses de l’histoire des sciences. En fait, une observance stricte de la position de Popper conduit au rejet d’une hypothèse fal-sifiée. L’histoire des sciences montre que toute théorie, en sa première ébauche, comporte des imprécisions, voire des incohérences. Cette prise de conscience ne conduit pas au rejet de la théorie mais à un tra-vail d’affinement des concepts.

Dans le cas du darwinisme, par exemple, le concept de « sélec-tion naturelle » constitue certainement un apport décisif mais qui, chez Darwin lui-même, s’accompagne de toute une série d’hypothèses sur l’origine de la variabilité génétique parmi lesquelles l’hérédité des carac-tères acquis. Il est bien clair que l’histoire n’a pas pris prétexte de ces

Page 33: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

17

Science et vérité

positions qui se sont avérées très vite falsifiées pour rejeter l’ensemble du système darwinien. Au contraire, les néodarwiniens se sont efforcés d’intégrer les apports de la génétique mendélienne, puis morganienne, à l’intuition darwinienne de « sélection naturelle », ce qui a donné lieu à ce que l’on appelle la « théorie synthétique de l’évolution »1.

C’est le point de vue propre d’auteurs tels que Th. Kuhn et I. Laka-tos d’avoir envisagé l’activité scientifique d’emblée dans sa dimension historique et d’avoir par conséquent rencontré dès l’abord cette objec-tion à la position poppérienne. Nous allons maintenant évoquer leurs perspectives.

3. La confrontation à l’histoire des sciences

Aussi bien la position inductiviste que la conception poppérienne de la science reposent essentiellement sur une approche logique de l’activité scientifique. L’analyse épistémologique va se développer à partir des années 1960 en dialogue plus direct avec l’histoire des sciences. Tho-mas Kuhn et Imre Lakatos sont deux représentants importants de cette orientation qui vont avoir une influence importante sur les conceptions contemporaines de la scientificité.

3.1. Th. Kuhn et la structure des révolutions scientifiques

Th. Kuhn (1922-1996) est un des premiers philosophes à avoir élaboré une philosophie des sciences en dialogue plus étroit avec une approche historique de la démarche scientifique. Dans son ouvrage La structure des révolutions scientifiques2, il distingue trois stades dans l’évolution des sciences : science normale, crise, révolution, puis retour à la science normale.

La « science normale » est cet état de la science où diverses théo-ries font l’objet d’un consensus de la part de la communauté scienti-fique. Les théories acceptées sont considérées comme satisfaisantes et permettent de rendre compte des phénomènes connus à une époque

1 Nous reviendrons plus loin sur l’historique des théories de l’évolution. La théorie synthé-tique date des années 1930-1940. Elle constitue une étape importante de la théorie néodarwi-nienne, qui intégrera ultérieurement les apports de la biologie moléculaire, notamment avec les travaux de J. Monod.2 Kuhn, Th. (1983), La structure des révolutions scientifiques, Paris, Flammarion (The Univer-sity of Chicago Press, 1962, 1970).

Page 34: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

18

La science et le vivant

donnée d’une manière jugée acceptable. Au fur et à mesure de l’évo-lution de la connaissance, parmi les nouvelles données expérimen-tales, un certain nombre apparaissent comme des « anomalies » dans la mesure où les théories en place parviennent difficilement à en rendre compte. L’accumulation des anomalies peut conduire à une « crise » qui se caractérise par une perte de confiance dans les capacités explicatives des théories admises jusqu’alors. La crise se résout lorsque de nouvelles théories sont élaborées qui parviennent à intégrer ces anomalies. Ces nouvelles théories sont alors progressivement adoptées comme théories admises par tous : on retrouve une situation de « science normale ».

À titre d’exemple, Kuhn montre comment la cosmologie de Pto-lémée a été progressivement remise en cause par diverses anomalies, notamment par les imprécisions dans les prédictions des positions des planètes. Ptolémée a tenté d’en rendre compte par la théorie des épicycles, mais ce système compliqué s’est avéré insuffisamment effi-cace. Copernic, en proposant une cosmologie héliocentrique, a permis une meilleure intégration de ces diverses anomalies dans son système théorique1.

Par le concept de paradigme, Kuhn tente de rendre compte de la complexité de ce processus de révolution scientifique. Originairement, le concept de paradigme est repris de la linguistique où il désigne un « exemple standard » d’une déclinaison par exemple. – Dans la célèbre chanson de J. Brel, le mot latin « rosa » est repris comme paradigme de la première déclinaison… comme le verbe « aimer » est classique-ment considéré comme paradigme de la première conjugaison en fran-çais –. Kuhn est parti de ce concept d’« exemple standard » pour mon-trer que la science se construit historiquement à partir de théories et d’expériences qui prennent valeur de références, d’exemples types, de ce qui fait l’originalité et la spécificité de l’approche scientifique dans le domaine considéré. Les travaux de Galilée, Kepler, Newton en phy-sique, les travaux de Darwin ou Mendel en biologie, constituent de tels événements fondateurs qui posent à la fois de nouveaux concepts et de nouvelles méthodologies et deviennent exemples standards.

À partir de cette signification originaire, Kuhn utilise le concept de paradigme dans un sens beaucoup plus large mais la signification essentielle qui en ressort est le concept de «  matrice disciplinaire  ».

1 Kuhn développe également deux autres exemples pour introduire le concept de crise : l’ap-parition de la théorie de Lavoisier sur la combustion de l’oxygène et l’apparition de la théorie de la relativité (1983, p. 102-111).

Page 35: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

19

Science et vérité

Par le concept de paradigme, Kuhn désigne l’ensemble des caractéris-tiques d’une discipline à un moment donné de son histoire, caracté-ristiques pensées au triple niveau conceptuel, matériel et institution-nel. Le niveau conceptuel renvoie à l’ensemble des théories qui font l’objet d’un consensus dans une discipline à un moment donné de son évolution. En physique, par exemple, le XIXe siècle est marqué par un consensus général en ce qui concerne la physique newtonienne. Celle-ci est liée à une conception de l’espace-temps infini et absolu ainsi qu’à une conception d’un monde déterministe. D’où le choc important lié à l’émergence, au début du XXe siècle, de la physique quantique et de la physique relativiste. La première remet en cause la présupposition d’un monde déterministe au niveau des particules élémentaires, la deuxième propose un espace-temps qui ne soit plus absolu mais relatif au système de référence.

Une originalité du concept de paradigme est qu’il conduit à envisager la science non seulement comme système de théories et de concepts, mais également comme activité qui requiert une structure matérielle. Une discipline se caractérise donc aussi par le matériel, les techniques et les procédures expérimentales qui, à un moment donné, sont à la base de tout le travail scientifique. Historiquement, on connaît l’importance du microscope photonique dans les développements de la biologie aux XVIIIe et XIXe siècles. Les divers affinements de cette technique – améliorations des techniques optiques, des techniques de coloration – conduisent à une meilleure observation de la structure cel-lulaire vers la fin du XIXe siècle. Par ailleurs, les développements de la biochimie au XXe siècle ont permis le développement de la biologie moléculaire.

Parler de révolution scientifique en termes de changement de paradigme signifie donc, pour Kuhn, l’adoption d’un cadre de référence théorique complètement nouveau, qui s’articule à des procédures expé-rimentales elles-mêmes différentes. C’est précisément la radicalité de ce changement que vise le concept de «  révolution scientifique  ». La science ne progresse pas par ajustement progressif d’une théorie, elle procède par remplacement d’un paradigme par un autre paradigme. De plus, dans ce processus de changement de paradigme, la confronta-tion des deux paradigmes en présence s’avère très complexe puisque les deux paradigmes se réfèrent à des procédures expérimentales distinctes. C’est la raison pour laquelle Kuhn parle de l’incommensurabilité1 des

1 Ibid. p. 148.

Page 36: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

20

La science et le vivant

théories. Si, au moment de la révolution scientifique, les deux para-digmes ne peuvent être confrontés de manière strictement rationnelle, cela signifie qu’il y a une composante «  irrationnelle  » dans le chan-gement de paradigme. Le choix des scientifiques pour l’une ou l’autre théorie repose certes sur toute une argumentation mais la conclusion ne s’impose pas de manière strictement logique. Il y a une composante de décision personnelle de la part du scientifique.

Enfin, les dimensions institutionnelles soulignées par le concept de paradigme conduisent à prendre en compte le contexte sociétal général où la crise de la science surgit. Pour Kuhn, en effet, pour qu’une crise surgisse, il faut non seulement que des anomalies soient présentes au niveau théorique, il faut également que l’attention soit attirée sur ces anomalies en fonction du contexte général. À titre d’exemple, il montre que la cosmologie de Ptolémée correspondait parfaitement aux attentes sociales dans l’Antiquité et le Moyen Âge mais il parle d’une pression sociale pour une réforme du calendrier qui a conduit à la reprise des travaux en cosmologie à la fin du Moyen Âge1.

Ces dernières caractéristiques ont conduit un certain nombre de commentateurs à considérer la conception kuhnienne de la science comme non rationaliste. Non seulement l’évolution de la science est pensée comme un processus discontinu, mais les moments de disconti-nuité sont marqués par des processus décisionnels qui échappent à une analyse strictement logique et la science elle-même est pensée comme une activité qui s’inscrit dans un contexte sociétal particulier.

Cette conception conduit I. Lakatos à reprendre les intuitions de Th. Kuhn en tentant de les intégrer dans une conception de l’histoire des sciences comme processus qui puisse être reconstruit rationnellement.

3.2. I. Lakatos et la reconstruction rationnelle de l’histoire des sciences

Tout comme Th. Kuhn, I. Lakatos (1922-1974) prend distance par rap-port à la conception poppérienne qui associe l’évolution de la science aux expériences cruciales de remise en cause d’une hypothèse. Aussi bien pour Lakatos que pour Kuhn, l’évolution de la science met en jeu un processus de confrontations de théories selon des modalités beau-coup plus complexes que l’expérience cruciale. Pour rendre compte de cette complexité, Lakatos introduit le concept de « programme de

1 Ibid. p. 104.

Page 37: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

21

Science et vérité

recherche »1. Un « programme de recherche » est un ensemble d’hypo-thèses et de théories scientifiques adoptées par le scientifique de manière conventionnelle comme cadre de référence pour son travail. Dans cet ensemble, Lakatos distingue « noyau dur » et « ceinture de protection ». Le noyau dur renvoie aux hypothèses centrales de la théorie qui consti-tuent le cœur du système explicatif proposé. À côté du noyau dur, la ceinture de protection regroupe diverses hypothèses secondaires, qui tendent à étendre la portée explicative du noyau dur. Toute remise en cause du noyau dur correspond à un changement de programme de recherche. Par contre, les hypothèses participant à la ceinture de pro-tection peuvent se voir modifiées de manière régulière, étant donné leur place secondaire dans le système explicatif.

À titre d’exemple, Lakatos cite la théorie gravitationnelle de New-ton : les trois lois de la dynamique et la loi de la gravitation constituent le noyau dur irréfutable, par décision méthodologique, tandis que les hypothèses moins centrales, la loi des carrés inverses par exemple, font l’objet de modifications en vue de leur cohérence avec le noyau dur. Dans le domaine de la biologie, on pourrait évoquer le darwinisme : les principes de variation aléatoire et de sélection du plus apte peuvent être interprétés comme le noyau dur et les lois de la dynamique des popula-tions ainsi que les théories sur les mutations génétiques font partie de la ceinture de protection réfutable et évolutive.

L’originalité de la position de Lakatos, c’est que l’adoption d’un noyau dur pour un scientifique constitue une sorte de choix conven-tionnel. Il est bien conscient des falsifications dont cette théorie fait l’objet, mais il décide néanmoins d’adopter cette position à titre hypo-thétique dans l’espoir de la voir se renforcer progressivement. La falsi-fication ne conduit donc pas au rejet d’une hypothèse ou d’une théorie. L’adoption d’un cadre théorique repose plus sur l’intuition par le cher-cheur d’une force explicative potentielle du noyau dur. Une stratégie falsificationiste qui consisterait à attaquer une théorie par ses points faibles conduirait vite à l’abandon de toute théorie en ébauche. L’his-toire montre au contraire que les scientifiques adoptent des hypothèses centrales de manière conventionnelle pour pousser le plus loin possible toutes leurs potentialités explicatives.

1 Lakatos, I. (1974a), «  Falsification and the Methodology of Scientific Research Pro-grammes », in Lakatos and Musgrave (1974), Criticism and the Growth of Knowledge, Cam-bridge University Press, Cambridge, 91-195. Lakatos, I. (1974b), « History of Science and its Rational Reconstruction », in Elkana (1974), The Interaction between Science and Philosophy, Atlantics Highlands, Humanities Press, 195-241.

Page 38: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

22

La science et le vivant

Tout comme Th. Kuhn, I.  Lakatos reconnaît donc le caractère complexe du processus d’évolution des théories. Bien plus, pour lui également, une théorie s’élabore sur la base d’un contexte théorique général, système de représentations du monde ou de conceptions méta-physiques qui participent de manière positive à l’histoire des sciences.

Le rapport à la rationalité différencie Lakatos de Kuhn. Pour I. Lakatos, le remplacement d’un programme de recherche par un autre programme de recherche peut faire l’objet d’une analyse logique rigou-reuse. Sans doute cette analyse n’est-elle pas nécessairement menée par les scientifiques en situation, mais elle peut être effectuée a posteriori, à distance, par l’historien.

Pour Lakatos, une théorie T sera remplacée par une théorie T′, si T′ présente les caractéristiques suivantes :

1. «  T′ a un contenu empirique supérieur à T, c’est-à-dire qu’elle prédit des faits nouveaux, improbables ou même impossibles sui-vant T ;

2. T′ explique le succès de T, c’est-à-dire que le contenu non réfuté de T est compris dans le contenu de T′ ;

3. certains surplus de T′ sont corroborés. »1

On pourrait procéder à un tel test en comparant le système de Ptolémée au système de Copernic, ou encore en comparant la cosmolo-gie de Newton et les conceptions des théories de la relativité. Il ne s’agit pas nécessairement de retrouver le raisonnement des scientifiques au moment de leur décision. Il s’agit au contraire de considérer la ques-tion a posteriori et de montrer que, si historiquement une théorie a été retenue par la communauté scientifique, on peut procéder à une analyse logique qui permette de justifier logiquement ce choix a posteriori.

Nous reviendrons ultérieurement sur les enjeux philosophiques de ces diverses conceptions de la science et de son évolution historique. À la suite de Kuhn et Lakatos, qui tous deux insistent sur les présup-positions générales qui président à l’élaboration des théories scienti-fiques, nous voudrions maintenant nous centrer sur les sciences de la vie et tenter de préciser les caractéristiques du paradigme de la biologie contemporaine.

1 Lakatos, I. (1974a), p. 116.

Page 39: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

23

Science et vérité

4. Le paradigme de la biologie contemporaine

La biologie contemporaine se subdivise en un nombre important de disciplines qui ont chacune leur méthodologie et leurs procédures expé-rimentales spécifiques. Il n’en demeure pas moins qu’un consensus de l’ensemble de la communauté des biologistes contemporains peut être relevé concernant un certain nombre de concepts généraux qui peuvent être considérés comme des caractéristiques du paradigme de la biologie.

4.1. La vie, propriété de la matière

Une première caractéristique du paradigme de la biologie contempo-raine est liée au débat entre mécanistes et vitalistes, qui traverse toute l’histoire de la biologie1.

a. Le courant vitaliste

Pour le vitaliste, le vivant doit être appréhendé selon une méthodologie toute différente de la matière inerte. Un des derniers vitalistes, qui a poussé les intuitions à un niveau de précision inégalé, est H. Driesch (1867-1941). Ses conceptions reposent sur ses expériences sur la larve Pluteus de l’Oursin.

Aux tout premiers stades de développement de l’embryon, Driesch dissocie les deux premières cellules et observe que chaque demi-germe produit une larve, de taille réduite, mais normale et com-plète. L’expérience contraire ainsi que d’autres combinaisons sont éga-lement possibles. Sous certaines conditions, de la fusion de deux germes éclôt une seule larve géante. Par ailleurs, si l’on écrase un embryon entre deux plaquettes de verre, il évoluera en une larve normale, en dépit de la grave désorganisation que l’opération apporte à sa structure cellulaire.

Devant de telles expériences, Driesch conclut à une violation des lois de la physique. Pour lui, une science biologique doit se construire sur de tout autres présuppositions que la science physique. L’organisme vivant est constitué d’une matière qui ne respecte pas les lois de la phy-sique et comporte une propriété spécifique  : l’entéléchie, un facteur portant en lui-même son but, c’est-à-dire un principe qui conduit la

1 Pour un exposé détaillé, cf. Bertalanffy, L. von (1961), « Conceptions fondamentales du problème de la vie », in Bertalanffy, Les problèmes de la vie, Gallimard, Paris (Problems of Life, New York, 1952), p. 15-41. Pour une analyse historique du vitalisme et de son impact sur l’his-toire des sciences de la vie, cf. Canguilhem, G. (1970), Études d’histoire et de philosophie des sciences, Vrin, Paris.

Page 40: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

24

La science et le vivant

matière à s’organiser en un organisme complexe. Aucune machine n’est capable d’autoréparation, aucune machine divisée ne se reconstitue en deux machines complètes. Il s’agit par conséquent d’aborder le vivant sur d’autres présuppositions que « machiniques » et de développer une méthodologie et des concepts spécifiques au vivant, à la distinction de la matière inerte.

Notons que ce concept d’«  entéléchie  » revient à donner une place importante à la cause finale dans la science biologique. On oppose classiquement la cause finale à la cause initiale ou mécanique. Dans la référence à la cause finale, on explique un événement au temps t1 en fonction de ce qu’il deviendra au temps t2 ultérieur. L’archétype de la cause finale est le comportement humain intentionnel. Un ami vous explique sa présence en un endroit de la ville en fonction de sa destina-tion. « Qu’est-ce que tu fais là ? Je vais au cinéma. » Une telle affirmation est une explication suffisante à la question dans la mesure où on perçoit bien que l’individu prend la direction de la salle de cinéma, organise donc son comportement en fonction du futur : aller voir un film. Il est pourtant des causes finales non intentionnelles. H. Driesch ne postule pas une sorte d’intentionnalité consciente dans la matière vivante mais une sorte de « principe organisateur » qui structure la matière vivante en un organisme complet. Tout se passe comme si ce que la matière vivante doit devenir, l’individu adulte, déterminait le comportement de la matière embryonnaire.

b. Le courant mécaniste

À l’inverse de H. Driesch, les mécanistes posent qu’il n’y a pas de dif-férence fondamentale entre la matière vivante et la matière inerte. La science biologique qu’il s’agit de construire reposera sur les mêmes présuppositions que la physique et la chimie. C’est en appliquant à la matière vivante les méthodologies et les concepts qui ont fait leur preuve dans les sciences physico-chimiques que l’on pourra aboutir à une science du vivant.

R. Descartes (1596-1650) thématise une telle perspective en déve-loppant le concept d’«  animal machine  ». L’animal doit être abordé comme s’il était une machine, comme s’il respectait intégralement les lois de la physique. Il en va de même pour le corps humain. Chez Des-cartes, l’homme est composé d’un corps analogue à l’animal et d’une âme qui est le spécifique de l’homme  : c’est le dualisme cartésien qui oppose corps et âme en deux principes distincts et irréductibles.

Page 41: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT
Page 42: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

249

Index

A

acte/puissance : 197 adaptation : 187, 222 adéquation : 38, 63, 144, 170 ADN : 25, 162, 217, 220 agriculture intensive : 162-163 alèthèia (voir dévoilement) Althusser L. : 49, 81, 92, 132, 136 âme : 24, 160-161, 191-208, 228 Andler D. : 211, 239 animal : 24, 52, 78, 161, 165, 173 animal-machine : 24, 52, 161 Anouilh J. : 138 Ansermet F. : 224, 239anthropologie : 137, 139, 191,

194-195, 199-201, 203, 205, 227-230, 246-247

anthropologie unitaire : 204, 206, 208, 212, 219, 224-225, 237-238

antinomie : 208-209 appel de Heidelberg : 172 Arendt H. : 50, 56, 135, 157 argument de Saint Anselme : 120 Aristote : 114, 117-118, 191-192,

196-199, 203-206, 236-238arraisonnement : 63-64 art : 38-39, 89-91, 64, 114 arts libéraux : 114-115 Atlan H. : 56, 210, 239 Augustin : 199-204 autonomie : 64, 68, 82-84, 117,

122-127, 134, 140, 144-148, 229, 244

B

Bacon F., 128, 157Badinter É. : 235, 239 Barthe Y. : 83, 103 Bauchau H. : 138, 157 Bechtel W. : 25, 56 Beck U. : 83, 103 Bernard C. : 26, 180, 183, 187, 224 Bertalanffy L. von : 23, 57 bien : 108-109, 113, 115-117, 125,

135, 200-201, 209 biologie moléculaire : 19, 25-26,

47-48 biotechnologie : 75, 89 Block N. : 211, 239 Bloor D. : 70-71, 83, 103 Bourg D. : 167, 188 brevet : 78 Burgat T. : 188Burnet M.F. : 220

C

Callicot J.B. : 169, 188 Callon M. : 83, 153 Canguilhem G. : 23, 57, 104, 160,

177, 178-188, 230 Castoriadis C. : 50, 132, 157 causalité circulaire : 183 cause finale : 24 cellule : 2, 23, 25-26, 38-39, 213-214,

218, 225 cercle herméneutique : 54 cercle méthodologique : 33, 40, 42,

44, 54 Chalmers A.F. : 5, 57 Changeux J.P. : 7, 216, 221

Page 43: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Index

250

Churchland P.M. : 215, 239 Churchland P.S. : 215-216, 239 climax : 30 clinique : 78, 90-91 Comte A. : 1, 129, 133 Condorcet N. : 128, 157connaissance critique : 43-45, 56,

103, 187, 243, 246-247 conscience : 129-130, 137, 139-141,

144, 155, 210-212, 217-218, 222, 228

conscience d’ordre supérieur : 223-224

conscience primaire : 222-223 conviction critique : 44-46, 56,

156, 243, 247Copernic N. : 18, 22, 118 corps : 161, 179, 194-195, 197-208,

228-232, 236-237 cosmologie : 14, 18, 20, 22, 117-118 Couloubaritsis L. : 193, 239 Courrège P. : 221, 239 Craver C. : 240création : 47, 129, 161, 203 créationniste : 46-48Crick F. : 25, 219, 241 critère de démarcation : 14-15 Cullmann O. : 200, 240 culture : 51-52, 55, 65-70, 96-98,

107-113, 134-137, 151-154, 161, 201-202, 235-236

cybernétique : 65

D

Damasio A. : 218-219, 240 Danchin A. : 221, 239 Darwin C. : 16, 18, 28-30, 99-102 darwinisme neuronal : 220, 223-224 darwinisme social : 101

Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : 135, 144-148, 151, 191

déductivisme : 15, 16, 17 Deep Ecology : 165-167, 169-170,

173 Deléage J.-P. : 30, 57, 163, 188 Delvaux A. : 49 démocratie : 85, 115, 144-145, 155 Dennet D., 57, 240Descartes R. : 117, 119-123, 126,

144, 160-162, 191-193, 205, 207, 228, 244

détermination : 55, 81, 92-93, 108, 123, 132, 139, 148, 207-208, 231-234

déterminisme : 208-211, 221, 232 développement durable : 165,

168, 172-173 dévoilement : 38-39, 63-64, 131,

170 diagnostic : 90, 155, 182 dialectique : 130, 132 Dieu : 69, 109, 113, 115-116,

120-121, 123, 126-130 différend : 153-154 Dobzhansky Th. : 29, 57 dominance : 92-93, 205 donation de sens : 144, 230-231,

233, 236 Driesch H. : 23-24 Droits de l’Homme : 97, 128,

144-152, 156, 167, 186 dualisation : 111, 153 dualisme : 24, 161, 191-192, 195,

200-201, 204-207, 212, 228, 231 Dupuy J.P. : 77 Durand G. : 157

Page 44: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Index

251

E

écologie : 30, 163, 167-168, 171, 187 écologie scientifique : 160-165,

168-170, 173 écosystème : 30 Edelman B. : 169, 188 Edelman G. : 217-220, 222-229 égalité homme-femme : 151-152,

186, 235-237Ellul J. : 64-66, 72, 109 émergence : 212-214, 228-230, 232 Engelhardt H.T. : 104 entéléchie : 23-24, 196 environnement : 28, 30, 32, 88,

159-160, 163, 180-188, 246 épicycle : 18, 118 espèce en voie de disparition :

167-168, 173 éthique : 97, 107-113, 115-116,

122-128, 134, 147-150, 165-171, 174, 185-187, 200-202, 210-211, 230, 294-297

éthique anthropocentrique : 169éthique anthropogénique : 169,

173, 187 éthique de la responsabilité : 148 éthique des affaires : 110éthique du devoir : 148éthique environnementale :

168-170éthique individuelle : 110-111éthique structurelle : 110-111ethnocentrisme : 131, 135, 152eugénisme : 101, 244euthanasie : 107, 112 évaluation technologique : 142évolution : 17, 27-30, 46-47, 196,

220existentialisme : 100, 102, 171, 182,

235

expérimentation : 13-14, 42, 52, 77, 118-119

expérimentation humaine : 107, 124

expertise : 62, 73, 75, 80-81, 86-87

F

Fagot-Largeault A. : 157 falsificationisme : 11, 13, 15, 41,

243 Feltz B. : 57, 99, 104, 157, 188-189,

204, 211, 214, 229-230, 237, 240-241

féminisme (voir égalité homme-femme)

Ferry L. : 168, 189, 210-211, 216, 240

Feyerabend P. : 16, 57 finitude : 44, 131-132, 134-135, 139,

144, 155-156, 174, 245Flanagan O. : 211, 239 forme : 196-199, 203-206 Foucault M. : 186, 189 Freud S. : 93, 136-139, 148, 208,

227

G

Gaia : 167, 189Galilée : 4, 18, 34, 117-119 Galton F. : 101-102 Gauchet M. : 116, 125-126, 145, 157 Génicot L. : 113, 157 George S. : 75-76, 104 Gestell : 63 Gille B. : 65, 104 Godard O. : 188Goffi J.-Y. : 62, 104 Goldstein K. : 182, 230 Grimal P. : 137, 157 guerre mondiale : 50, 98, 134-135

Page 45: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Index

252

Gusdorf G. : 165, 188Güzeldere G. : 211, 239

H

Habermas J. : 44-45, 47, 82, 85, 94-95, 97, 99, 150-151

Haeckel E. : 30 Hameroff St.R. : 211, 240 handicap mental : 185 Hegel G.W. : 129-132, 134, 136Heidegger M. : 37-40, 62-66, 131,

144, 170, 232 Hempel C.G. : 4-5, 13, 15 Hermitte M.A. : 169, 188 hétéronomie : 113, 116, 122,

125-127 homme/animal : 52, 198 homme/nature : 161-163, 166, 186,

245 Hösle V. : 188Hottois G. : 62, 65, 68 Husserl E. : 230-231, 238 hylémorphisme : 196, 237Hume : 86

I

idéaliste : 231, 233-236 idéologie : 61, 81-82, 91-103, 131,

136, 148, 153, 187, 243-244idiosyncrasie : 71, 180, 183-184,

187, 224, 226 immortalité : 198-200, 204, 238 impératif catégorique : 123, 149,

175 implication : 11-13, 15 incommensurabilité : 19, 154 inconscient : 137, 224, 227 individualisme : 147 individualité : 181, 224

inductivion : 3, 5 infrastructure : 74, 82, 92 innovation technologique : 68-69,

75, 80-87, 164-165, 244, 246-247 Inquisition : 49, 119 instinct maternel : 235 intellect : 199, 204, 237 intelligent design : 46intentionnalité : 24, 225 interdiscipline : 86, 143 intolérance : 49, 50, 154

J

Jaisson P. : 104 Jansen C. : 201 jansénisme : 201-202Joly P. : 104Jonas H. : 170, 174-176, 189

K

Kandel E. : 216-218, 225, 241Kant E. : 33-37, 86, 108-109, 116,

122-126, 134, 142, 148-149, 192, 208-210, 230, 238

Karsenty S. : 77, 104 Kaszniak A.W. : 211, 240Kemp P. : 73, 104-105 Kepler J. : 18Knorr-Cetina K. : 71, 105Kourilsky Ph. : 82, 86, 105, 176, 189Kuhn T. : 16-22, 117, 158

L

Ladrière J. : 33, 36, 40-41, 43-45, 54, 68-70, 93, 96, 136, 204

Lakatos I. : 16-17, 20-22, 101 Lamarck J.-B. de : 27-29Lambert D. : 204, 211, 240-241langage : 9-10, 44, 64, 150Larrère C. : 189

Page 46: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Index

253

Lascoumes P. : 83, 103 Latour B. : 71, 83-84, 105, 153Ledoux J. : 224, 241Leopold A. : 166, 170, 189Leriche R. : 182 liberté : 108, 139, 147, 154, 191-192,

205-213, 216, 225, 227-228, 230-238, 246

logos : 191, 193 loi morale : 125Lovelock J. : 167, 189Lumières : 127-128, 142, 153, 162,

199 Luther M. : 202 Lycan W. : 212, 241 Lyotard J.-F. : 54, 70, 105, 135,

153-158

M

maîtres du soupçon : 93, 134-136, 142

Malthus T.R. : 29, 99-101 Mani : 200 manichéisme : 200 Marx K. : 92-93, 129, 131-132, 134,

136 marxisme : 81, 92-93, 132, 136 mathématique : 31, 34, 36, 118-121,

143, 205 matière/forme : 193-195, 197-198 Mayr E. : 27, 29, 196 mécanisme : 26-28 médecines parallèles : 54 médicament : 52, 77-79, 85, 88, 91,

124, 224 médicaments génériques : 79 Mendel G. : 18, 26 Merleau-Ponty M. : 7, 144, 192,

212, 230-231, 233-238, 246 Merton R.K. : 70, 97, 99, 105

métaphysique : 31-32, 35, 114, 121, 123, 129, 142, 144, 197

Meyer F. : 229, 241 Meyer Ph. : 189, 210 Milet J.-Ph. : 62, 105 Missa J.-N. : 82, 106, 157, 176, 190 modernisation réflexive : 103 modernité : 65, 107-108, 112-113,

116, 127-128, 134-135, 152, 154-157, 160, 162, 165, 167, 171, 174, 205

modernité critique : 56, 86, 103, 152, 154, 156, 172, 174, 176, 187-188, 243-247

modernité réflexive : 83 Moltmann J. : 200, 241 Monod J. : 11, 17, 48, 58 mort : 52

N

Naess A. : 166, 169-170, 189 Nagel E. : 41, 58, 212-215 Nagel T. : 212 naissance : 52 national socialisme : 145 nature : 40, 63-64, 128, 153, 155,

159-177, 187, 226-229, 245 nature humaine : 159, 188, 191,

233, 235, 246 naturphilosophie : 165, 174néodarwinisme : 29 néoplatonisme : 114, 193, 200-202 neuroscience : 38, 191-192, 211-212,

215-216, 227, 230, 237, 246 Newton I. : 18, 21-22, 28, 34, 47,

122 Nietzsche F. : 93, 136, 140 normalité : 160, 177, 179-187 norme : 97, 159-160, 184-188, 246 noumène : 34

Page 47: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Index

254

nouveauté : 67-68, 79, 181-182, 213

O

objectivité : 1, 4-7, 33, 41, 97-98, 185, 193

observation : 7-11, 13 Odum E.P. : 31, 58 Œdipe : 137-139 OGM : 83 Organisation Mondiale de la Santé

(O.M.S.) : 177 Ost F. : 171, 189

P

Papin D. : 89 paradigme : 18-20, 22-23, 25, 27,

30-33, 40-44, 46, 51, 54-55, 89-91, 237

Pascal B. : 202, 241 pathologie : 137, 177-180, 182-185 pathologie mentale : 137 patrimoine : 171, 173, 220 Paul V : 118 paysage : 170-171 Pélage : 200-201 perception : 7, 10, 34-35, 220-221 Pères de l’Église : 114 personne : 124-125, 145-147,

149-151, 154, 169 phénomène : 33-34, 36, 230 phénoménologie : 7, 129, 144, 229,

231-232, 238 physique quantique : 14, 19 physique relativiste : 19 physis : 63, 67 Piaget J. : 229, 241 Pichot A. : 58, 102, 105 Pignarre P. : 77, 105 Pinkas D. : 211, 241

Platon : 191, 193-196 platonisme : 202 poièsis : 63 politique : 80-85, 244-245 Popper K. : 11-15 positivisme scientifique : 97 postmodernité : 70, 72, 152-154,

156, 245 pouvoir politique : 115, 117, 126 pratique médicale : 55, 57, 89-91,

111-112, 177, 179-182, 237 précaution : 82-83 prévention : 82 primat de la subjectivité : 127, 144,

167-168, 170-171, 174, 187, 244-245

principe d’émergence : 212-214, 228, 230, 232, 238

principe de complémentarité : 43 progrès : 98-99, 103128, 141-142,

153, 162, 164-165, 187, 246-247 propositions auxiliaires : 16 psychanalyse : 15 psychologie populaire : 215 Ptolémée C. : 18, 20, 22, 115,

117-118

Q

qualité de vie : 178

R

Racine J. : 202 raison pratique : 108, 123, 126, 156,

210, 230 raison pure : 34-37, 108, 123, 156,

209, 236 rationalisme : 120, 145 rationalité : 22, 39-40, 44-45, 47-48,

56, 64, 70-73, 126-129, 131-132,

Page 48: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Index

255

136, 140-144, 148, 152-156, 205, 228, 237, 245-247

Rawls J. : 44-45, 47, 147, 151-152réaliste : 233, 235-236 réalité : 13, 33, 38, 40, 47, 56, 153,

167, 170, 194, 196, 209-210 réduction : 41, 212-216, 227, 238 réductionnisme : 31-32, 40, 51-52,

54, 212, 215, 228, 238 réentrées : 221-222 relativisme : 50, 157 réminiscence : 195 respect de la nature : 159-161,

166-167, 172-173, 177 respect de la personne : 125, 146,

149, 169 responsabilité : 148, 174-175résurrection : 200, 204, 206 révisionnisme : 50 révolution copernicienne : 117,

123 révolution scientifique : 18-20 Ricœur P. : 9, 93, 136, 216 Rosch E. : 219, 241 Rosenberg A. : 59, 214, 241 Ruse M. : 48, 57, 59Russell B. : 6

S

Sahlins M. : 102, 105 santé : 112, 159-160, 177-179, 183 santé publique : 176, 178 Sartre J.-P. : 192, 235 Savery T. : 89 savoir : 113, 127, 131, 140 savoir global : 142 Schleiden M.J. : 25 Schwann T. : 25-26 science appliquée : 87-91 science et idéologie : 91, 99-103

science et vérité : 31, 33 science fondamentale : 87-88 science normale : 17-18 sciences cognitives : 211 sciences humaines : 54, 212, 227 Scott A.C. : 211, 240 Searle J. : 219, 241 sélection artificielle : 100, 102 sélection naturelle : 16-17, 28-29,

100-102, 233-234 sélection somatique : 220-221 Sélyé H. : 182-183 sensation : 7, 120, 195 sensibilité : 119-123 Séris J.-P. : 62, 105 Serres M. : 105, 153, 168, 188 Shoa : 135 Simondon G. : 62, 65-70, 72, 96 Simpson G.G. : 29, 59 Singer P. : 167, 189 Sinngebung : 144, 231, 233-238,

246 Smith A. : 100-101 Sober E. : 59, 99, 105 sociologie des sciences : 70, 72, 85 Socrate : 63 soins palliatifs : 53 solidarité : 147, 155, 164-165 soupçon : 93, 134-136, 140, 142,

148-149 spécéisme : 169 Spencer H. : 101-102 Spinoza B. : 166, 192, 210 stabilisation sélective : 221-222,

224, 226 Stefan A. : 241Stengers I. : 153, 158 stress : 182 subjectivité : 35, 127, 144, 167-168,

170-171, 244-245

Page 49: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Index

256

subjectivité transcendantale : 34-35 substance : 194, 196-198 sujet humain : 110, 121-122 superstructure : 92, 136 symbolique : 67-69, 77, 79, 115,

141, 168 système : 41-43, 61, 64-65, 67,

68-69, 72, 244

T

Tansley A. : 30 Taylor C. : 151, 158, 189technè : 63 technique : 72-77, 80-91, 94-97,

141-142, 243-244 technocratie : 80 technologie : 61, 73, 75, 80, 82-87,

107, 141-142, 175 test d’hypothèse : 15 tests en double aveugle : 77 théocentrisme : 114-116 théorie de la sélection des groupes

neuronaux : 219-220, 223-227, 229

thérapie : 90-91, 185 thérapie génique : 107 Thomas d’Aquin : 203-204, 206,

238Thompson E. : 219, 241 Thuillier P. : 81, 102, 105 tiers-monde : 110, 141 Tononi G. : 219, 240 Tort P. : 102, 105 totalitaire : 50, 65, 134, 142, 146,

152, 154 totalité : 33, 45, 56, 64-65

U

universel : 68, 72-73, 95, 97, 123, 193, 199, 245, 247

V

valeur : 69, 80-82, 86-87, 97, 107, 110, 151-152, 156

valeur intrinsèque : 166, 168 Vander Gucht D. : 171, 189Van Parijs Ph. : 147, 158, 188 Varela F. : 7, 218-219, 241 variation : 28-29 variétés à haut rendement

(VHR) : 75-76 vérification : 14, 133 vérité : 14-16, 33-40, 42-45, 48-51,

55-56, 61-63, 70-71, 93, 120-122, 126, 131, 136, 142, 153, 170, 193, 198, 210

Vignaux G. : 211, 241 Vincent J.-D. : 210-211, 216,

240-241 Viney G. : 82, 86, 105, 176, 189 Virchow R. : 26 vitalisme : 23 Von Foerster H. : 65

W

Wallace A.R. : 100-101 Watson J.D. : 25 Watt J. : 89 Weber M. : 81-82, 95, 202 Wegner D.M. : 210, 241Wiener N. : 65 Wilson E.O. : 102, 167 Woolgar S. : 71, 105

Y

Yourcenaer M. : 49

Z

Zaccai E. : 82, 176 Zweig St. : 135, 158

Page 50: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

257

Table des matières

Introduction ................................................................................ IX

Chapitre 1. Science et vérité une introduction à la philosophie des sciences .... 1

Introduction ................................................................................................11. La conception inductiviste de la science ...................................1

1.1. La conception inductiviste de la science ............................2a. Notions préliminaires ....................................................2

Énoncé singulier et énoncé universel ............................2Induction et déduction ..................................................3

b. La conception inductiviste de la science .......................41.2. Les limites de la conception inductiviste de la science ......6

a. Le point de vue logique..................................................6b. Le concept d’observation ...............................................7

La conception inductiviste ............................................7Le point de vue psychophysiologique ............................7L’impossibilité d’une observation exhaustive ..............8Le point de vue logique..................................................9Les relations entre observation et langage ...................9La charge théorique de l’observation..........................10

2. K. Popper et le falsificationisme ...............................................112.1. La notion d’implication ....................................................112.2. Le falsificationisme poppérien ..........................................132.3. Les difficultés du falsificationisme poppérien ..................15

a. Le point de vue logique................................................15b. Le point de vue de l’histoire des sciences ....................16

3. La confrontation à l’histoire des sciences ...............................173.1. Th. Kuhn et la structure des révolutions scientifiques ....173.2. I. Lakatos et la reconstruction rationnelle de l’histoire

des sciences ........................................................................20

Page 51: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Table des matières

258

4. Le paradigme de la biologie contemporaine ..........................234.1. La vie, propriété de la matière .........................................23

a. Le courant vitaliste ......................................................23b. Le courant mécaniste ..................................................24

4.2. La théorie cellulaire du vivant .........................................254.3. Le vivant et l’évolution .....................................................274.4. Le concept d’écosystème ....................................................30

5. Enjeux philosophiques ..............................................................315.1. Réductionnisme méthodologique et réductionnisme

métaphysique ....................................................................315.2. Science et vérité .................................................................33

a. E. Kant et la science des phénomènes .........................33Kant et les structures de la subjectivité transcendantale ...........................................................34Enjeux pour les rapports science-vérité ......................35Enjeux pour les apports de la raison ..........................37

b. Le concept de vérité chez M. Heidegger ......................37c. J. Ladrière et le cercle méthodologique des sciences

de la nature ..................................................................40Le cercle méthodologique dans les sciences de la nature ...........................................................................40Les limites de l’explication scientifique ......................41Une conception de la science à la fois forte et modeste ....................................................................42

d. Explication et signification : les relations entre sciences et discours religieux .......................................44Habermas et Rawls : signification et conviction critique .........................................................................44Théorie de l’évolution et discours théologiques ..........46

e. Rapports à la vérité et organisations sociales ............486. Enjeux pour une pratique scientifique, quelques pistes .......51

6.1. Science et pratique médicale ............................................516.2. Sciences de la nature et autres approches ........................54

7. Moment conclusif ......................................................................56

Page 52: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Table des matières

259

Chapitre 2. Science et société technique, technologie et idéologie ..................... 61

Introduction ..............................................................................................611. Sciences, techniques, technologies ..........................................61

1.1. Diverses tendances de la philosophie de la technique .....62a. Philosophes technophobes ...........................................62b. Modernité et technophilie critique .............................65c. Postmodernité et technique ........................................70d. Conclusion ...................................................................72

1.2. Expertise et complexité socio-technique ..........................73a. Technique et technologie .............................................73b. Le domaine de l’expertise ............................................75

Analyse de cas 1 : les variétés à haut rendement (VHR)...........................................................................75Analyse de cas 2 : le médicament : entre activité chimique et fonction symbolique ................................77

c. L’expert : approche théorique .....................................80Modèle technocratique ................................................80Modèle wébérien ..........................................................81Modèle pragmatico-politique et principe de précaution ...............................................................82Modèle postmoderne et rhétorique généralisée..........83

d. Conclusions ..................................................................841.3. Science, technique et pratique médicale ..........................87

a. Science fondamentale, science appliquée, technique ......................................................................87

b. Sciences biomédicales et/ou art de guérir ...................892. Sciences et idéologies .................................................................91

2.1. Le concept d’idéologie dans le marxisme .........................92a. Infrastructure et superstructure .................................92b. Dominance et détermination......................................92

2.2. Le concept d’idéologie chez P. Ricoeur .............................932.3. Idéologies et sciences .........................................................94

Page 53: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Table des matières

260

a. « La technique et la science comme idéologie » dans la société ..............................................................94

b. Idéologies et milieux scientifiques...............................97c. Idéologies et théories scientifiques ..............................99

2.4. Conclusions .................................................................... 103

Chapitre 3. Science, éthique et modernité Les relations entre culture et éthique : approche historique et enjeux contemporains .. 107

Introduction ..................................................................................1070. Préambule : la question éthique ..............................................108

a. Le lien à l’action ....................................................... 108b. Éthique individuelle et éthique structurelle ............ 110c. Les justifications de l’éthique ................................... 112

I. Première partie : éthique et modernité ...................................1131. Le Moyen Âge : une triple hétéronomie .............................. 113

1.1. Le rapport au savoir ...................................................... 1131.2. Le rapport à l’éthique .................................................... 1151.3. Le rapport au pouvoir politique .................................... 1151.4. Conclusion : une triple hétéronomie ............................. 116

2. Du XVIe au XVIIIe siècle : émergence de la modernité ..... 1162.1. Autonomie et connaissance ........................................... 117

a. L’évolution de la cosmologie : quelques repères ...... 117b. Les enjeux philosophiques : R. Descartes ................ 119

2.2. Autonomie et éthique .................................................... 1222.3. Autonomie et politique .................................................. 1262.4. Modernité et primat de la subjectivité .......................... 127

3. Le XIXe siècle : les grandes synthèses historiques............... 1293.1. G.W. Hegel ..................................................................... 1293.2. K. Marx .......................................................................... 1313.3. A. Comte ......................................................................... 1333.4. Autonomie et fin de l’histoire ........................................ 134

II. Deuxième partie : enjeux contemporains : éthique et modernité critique ........................................134

4. Les maîtres du soupçon .......................................................... 136

Page 54: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Table des matières

261

4.1. K. Marx .......................................................................... 1364.2. S. Freud ........................................................................... 1374.3. F. Nietzsche .................................................................... 140

5. Autonomie et savoir ............................................................... 1405.1. Sciences et connaissances ............................................... 1405.2. Sciences et techniques .................................................... 1415.3. Savoir global ................................................................... 142

6. Autonomie et politique .......................................................... 1446.1. Les Droits de l’homme ................................................... 1446.2. Perspectives critiques ..................................................... 146

7. Autonomie et éthique ............................................................. 1477.1. Le rapport au droit ........................................................ 1477.2. Éthique de la responsabilité .......................................... 1487.3. Le concept de « personne » ............................................ 149

a. J. Habermas et l’éthique de la discussion ................ 150b. J. Rawls : société juste et vie bonne .......................... 151

8. L’interprétation postmoderne ............................................... 1529. Pour une « modernité critique » ........................................... 154

Chapitre 4. Nature, santé, environnement le respect de la nature et de la norme ................ 159

Introduction : les enjeux de la question .....................................1591. Respect de la nature et modernité ........................................ 160

1.1. La science moderne et le rapport cartésien à la nature ...................................................................... 161

1.2. L’écologie scientifique et les contraintes environnementales ......................................................... 162

1.3. Le refus de l’anthropocentrisme : l’écologie profonde ou Deep Ecology ............................................................165

1.4. Au-delà d’un rapport strictement fonctionnel à la nature : les dimensions symboliques de l’écologie .. 168a. Heidegger et le rapport esthétique à la nature ........ 170b. Écologie et théories de l’évolution ............................ 171

1.5. Enjeux sociétaux ............................................................ 172

Page 55: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Table des matières

262

a. Respect de la nature et modernité critique ............. 172b. Du principe responsabilité au principe

de précaution ............................................................ 1742. Santé et normalité ................................................................... 177

2.1. Le concept de santé de l’O.M.S. .................................... 1772.2. Le normal et le pathologique ......................................... 179

a. L’ambiguïté du concept de normalité ...................... 179b. Normalité du vivant ................................................. 180

La vie comme système de lois ................................... 180La vie comme ordre de propriétés ............................ 181

c. Pathologie ................................................................. 182d. Enjeux sociétaux ....................................................... 183

Niveau physiologique ............................................... 183Niveau psychologique ............................................... 184Niveau sociologique .................................................. 185

2.3. Conclusion ...................................................................... 186

Chapitre 5. Qu’est-ce que l’être humain ? Neurosciences, conscience, liberté .................... 191

Introduction ........................................................................................... 1911. Le concept d’âme : approche historique .............................. 192

1.1. Platon ............................................................................. 193a. La philosophie platonicienne ................................... 193b. L’anthropologie platonicienne ................................. 194

1.2. Aristote ........................................................................... 196a. L’hylémorphisme ...................................................... 196b. La puissance et l’acte ................................................ 197c. Âme et vie ................................................................. 197d. Âme et immortalité .................................................. 198

1.3. Saint Augustin ............................................................... 199a. Contexte intellectuel ................................................. 199b. L’âme chez Saint Augustin ...................................... 200c. Enjeux culturels ........................................................ 201

Page 56: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

Table des matières

263

1.4. Thomas d’Aquin ............................................................. 203a. Contexte culturel ...................................................... 203b. Le concept d’âme ...................................................... 203

1.5. R. Descartes .................................................................... 2051.6. Conclusion ...................................................................... 205

2. Le concept de liberté. Approches contemporaines ............ 2062.1. Le dualisme en question ................................................ 2072.2. Déterminisme et liberté : la troisième antinomie

kantienne ........................................................................ 2082.3. Neurosciences et anthropologie philosophique............. 211

a. Le principe d’émergence : E. Nagel et la réduction interthéorique ........................................................... 212

b. P.S. Churchland et l’éliminativisme ........................ 215c. Des tentatives de dialogue ........................................ 216d. E. Kandel : apprentissage et plasticité neuronale ... 216e. G. Edelman : une « biologie de la conscience »

non réductionniste .................................................... 218Instruction et sélection ............................................. 219Trois niveaux de sélection ........................................ 220Deux niveaux de conscience .................................... 222Une anthropologie unitaire ..................................... 224Enjeux philosophiques ............................................. 225

f. Conclusion : une position non dualiste et non réductionniste ................................................ 227

2.4. Une contribution de la phénoménologie : déterminations corporelles et Sinngebung chez Merleau-Ponty ........... 231a. Liberté et déterminations ......................................... 231b. Déterminations et donation de sens ........................ 233c. Peut-on parler de « nature humaine » ? ................. 235

2.5. Conclusion ...................................................................... 237

Conclusion ................................................................................ 243

Index .......................................................................................... 249

Page 57: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT
Page 58: Bernard Feltz LA SCIENCE ET LE VIVANT

LA S

CIE

NC

E ET

LE

VIV

AN

T

La « modernité critique », une nouvelle manière de penser la place de la science et de la technique dans le développement de nos sociétés.

L’homme moderne fait confi ance à la science, à la rationalité, aux droits de l’homme. Le vingtième siècle, avec les guerres mondiales, les guerres de décolonisation, avec la crise écologique, conduit à une remise en cause du concept de progrès qui sous-tend le projet moderne, à tel point que d’aucuns parlent de « crise de civilisation ».

Cet ouvrage porte un regard neuf sur la place de la science dans l’évolution de nos sociétés. Il s’appuie sur la philosophie des sciences pour penser les impacts des découvertes scientifi ques sur nos systèmes de signifi cation religieux ou athées, sur les développements technologiques, sur les problèmes écologiques. Il aborde les questions éthiques en lien avec les évolutions scientifi ques. Il analyse l’apport des neurosciences dans notre conception de l’humain comme être libre.

La démarche débouche sur le concept de « modernité critique » qui propose une réponse « moderne » à la crise. L’attitude « critique » vise une attention à la pertinence et aux limites de la démarche scientifi que. Elle permet un développement technologique au service de l’humain, une appréhension globale des problèmes écologiques, une prise en compte des dimensions éthiques de l’existence. Elle permet enfi n une évolution internationale ouverte à une authentique diversité culturelle.

Un essai original qui éclaire les défi s majeurs de notre époque.

Bernard FeltzBiologiste et philosophe de formation, professeur de philosophie des sciences à l’Université catholique de Louvain, Bernard Feltz y assure des cours à la Faculté de philosophie, arts et lettres de même qu’à la Faculté de médecine, à la Faculté des sciences et à la Faculté des bioingénieurs. Ancien président de l’Institut supérieur de philosophie, ses nombreuses publications portent à la fois sur la dynamique interne de la science et sur les impacts des développements scientifi ques dans l’évolution de la société.

Bern

ard

Felt

z

LA SCIENCE ET LE VIVANTPhilosophie des sciences et modernité critique

Bernard Feltz

SCIVIVISBN 978-2-8041-7144-5

www.deboeck.com