Boudon - L'idéologie ou l'origine des idées reçues · PDF filedes causes sociales et économiques), l’idéologie admet un aveuglement, qui lui-même admet un inconscient capable

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  • Camille Azire HK3

    Raymond Boudon

    Lidologie ou lorigine des ides reues Coll. Points, Essais Ed. Fayard, 1986

    Pourquoi croit-on si facilement aux ides douteuses ou fausses ? Quelle crdibilit ?

    Prologue : Chapitre 1 : une question (parmi d'autres) sur l'idologie.

    Ds le dbut, R. Boudon pose la question de savoir s'il est possible d'appliquer la dmarche sociologique wberienne (les comportements rationnels des individus sont la cause d'un phnomne social) aux phnomnes idologiques. Avec l'exemple de l'exprience du contrle de la population indienne par des mthodes contraceptives, dont la mise en application vient de chercheurs anglais, il valide bien la vision sociologique wbrienne, c'est--dire selon laquelle l'action individuelle agit sur la socit. Cependant, il insiste sur le fait que ces actions ne sont pas forcment rationnelles (dans le sens o lindividu, pouss par des bonnes raisons, adopte un certain comportement tout en ayant conscience que ces raisons peuvent tre autres quutilitariste ou tlologique) : il faut prendre en compte une vision irrationnelle du comportement. Les chercheurs ou les analyss peuvent tous deux tre considrs comme victimes d'une certaine superstition ; or cette dernire est bannir chez les uns comme chez les autres. En effet, ce qui semble irrationnel pour les chercheurs, comme dans ce cas d'avoir un nombre lev denfants qui reprsenteront un trs grand cot la famille ; va sembler rationnel aux paysans indiens, pour qui avoir un grand nombre d'enfants va permettre d'aider augmenter la productivit de la terre.

    La question se trouve plus loin encore : pourquoi le gouvernement indien et les chercheurs se sont-ils accords sur cet objectif politique ? Parce qu'objectivement, la forte natalit tait un mal dans le sens o elle tait une cause de la pauvret et de la stagnation conomique. Elle entravait ainsi la modernisation de la socit indienne. Il a donc une contradiction entre rationalit collective (gouvernement, chercheurs) et individuelle (paysans), toutes deux ayant une conception diffrente de la rduction de la pauvret. Ceci peut d'ailleurs expliquer l'chec des chercheurs. Il faut donc suivre la ligne de Weber dans lanalyse des superstitions et des idologies, car lhomo ideologicus nest peut-tre pas [] aussi irrationnel quon a tendance le croire. (p.16). Il est donc ncessaire de sintresser au niveau microscopique des types de comportements individuels, que lon considre en dernier recours comme irrationnels, afin de retrouver au niveau macroscopique les phnomnes globaux (il est donc question dindividualisme mthodologique). Ainsi, R. Boudon cherche analyser ladhsion aux ides reues comme tout autre type de comportement qui puisse tre comprhensible mais aussi irrationnel.

    Mais en sciences sociales, linterprtation ou lexplication sont pour la plupart distantes de la ralit. Or, les idologies reposent souvent sur une interprtation raliste dinterprtations ou dexplications elles-mmes distantes du rel . (p.19). Lacteur social banalis (homo sociologicus) doit alors consentir accepter des ides qui peuvent tre douteuses ou fausses, sans cela, lidologie

  • ne peut stablir. Les idologies sont un lment naturel de la vie sociale, qui surgissent donc parce que lhomme est rationnel : ainsi, les ides reues qui composent les idologies ont intrt tre analyses comme des ides comprhensibles. De plus, les idologies se soumettent la dmarche scientifique et peuvent donc tre considres comme un sous-produit des sciences sociales (p.22).

    R. Boudon prcise dailleurs quil cherche faire preuve de neutralit axiologique dans son ouvrage, et lon conoit la difficult de la tche tant donn lobjet dtude : lidologie.

    Partie 1 Chapitre 2 : Quest-ce que lidologie ? R. Boudon insiste sur le fait que la dfinition de lidologie peut varier selon son auteur, notamment entre marxistes et non marxistes (puisque la dfinition de lidologie a t particulirement dveloppe par Marx, et R. Boudon souligne bien limportance du courant marxiste dans la dfinition et lexplication de lidologie). De plus, lidologie est en sciences sociales dune grande prsence et dune grande importance. A lorigine, le mot idologie dsigne la ralit du rle social croissant que joue largumentation scientifique dans la rflexion sur le politique et le social. Lidologie se dfinirait donc selon un critre de vrit et derreur (du fait quil y ait des jugements de faits, soit scientifiques ; mais R. Boudon admet aussi quil existe des jugements de valeurs qui puissent entrer en compte) Le terme didologie a t invent par Destutt de Tracy (fin XVIIIe) pour dsigner une science qui aurait pour objet les ides ; mais le sens moderne a t confr par Napolon qui, qualifiant Destutt de Tracy didologue, a laiss entendre que celui-ci visait substituer des considrations abstraites la politique relle : la notion didologie dfinit ds lors les thories abstraites qui se prtendent fondes sur la science ou la raison et qui visent dessiner lordre social ou orienter laction politique. Si le mot sest diffus, cest parce que lon cherchait bien tablir les lois du monde social, tel on avait recherch les lois du monde de la nature Mais cette ambition est quelque part illusoire. Lacceptation traditionnelle de lidologie correspondant donc une ralit, on peut parler de type-idal (monarchie absolue, capitalisme par exemple) ayant une singularit historique. Finalement, R. Boudon, aprs avoir pris en compte les principales caractristiques des idologies, les dfinit comme des doctrines reposant sur des thories scientifiques, mais sur des thories fausses ou douteuses ou sur de thories indment interprtes, auxquelles on accorde une crdibilit quelle ne mritent pas. (p.44). Mais alors, quest-ce qui rend possible de telles msinterprtations ? Largumentation scientifique sur laquelle est cense reposer lidologie dans sa dfinition traditionnelle peut tre carte, au profit dune argumentation rhtorique, sans critre de vrit et derreur, lorsquon parle didologie moderne (Pareto parlera justement de drivation), ou encore dargumentation exgtique (cest--dire relative aux textes sacrs).

    Chapitre 3 : Lhomo sociologicus est-il (toujours irrationnel) ? R. Boudon souligne une confusion dans les discussions autour du terme didologie, fonde sur les dfinitions variables du concept mme. Ainsi, cela le mne se poser la question de savoir sil existe une corrlation entre les dfinitions et les explications du phnomne idologique. Il convient alors danalyser les types dexplication du phnomne idologique : R. Boudon procde alors par classement. Pour Bacon (suite des causes naturelles), comme pour Marx et Engels (suite

  • des causes sociales et conomiques), lidologie admet un aveuglement, qui lui-mme admet un inconscient capable denvahir la conscience son insu. Le sujet porte sans en avoir conscience des lunettes dformantes , et il na pas davantage conscience de limage qui se projette sur sa rtine. Selon Marx et Engels, cette dformation est donc cause par la vie sociale : comment ? Par les intrts de classes, rpondra Marx : chaque classe cherche convaincre lautre dune thorie qui lui convient ; car la vrit dune thorie est une chose, son utilit en est une autre (p.60). Pourtant, utilit et vrit sont souvent confondues, notamment en ce qui concerne la classe dominante. Puis, dun point de vue historique, on peut dire que lidologie (le mot comme la chose) sest dveloppe une poque o la tradition entrait en rupture avec la modernit, car les opinions sont remises en question. R. Boudon dfinit alors la catgorie des thories rationnelles de lidologie (o lidologie peut tre considre comme adhsion consciente des croyances utiles, ou comme croyance des normes adaptes une situation historique, qui permettrait de sorienter dans un monde complexe) en opposition la catgorie des thories irrationnelles (o lidologie est image renverse de la ralit sous linfluence des intrts de classe, ou comme produit des passions, du fanatisme), toutes deux pouvant ainsi expliquer lidologie.

    Chapitre 4 : Promenade autour dun tableau R. Boudon distingue donc idologie traditionnelle (critre du vrai et du faux) et idologie moderne (notion du sens) ; ainsi quun type dexplication rationnel et irrationnel de lidologie. Cette double distinction se recoupe, de telle faon que R. Boudon en dresse un tableau de quatre cases, mettant en vidence les combinaisons possibles entre les dfinitions et les types dexplications : dans la premire case, lidologie se rapportant au critre du vrai et du faux sexplique de faon rationnelle ; dans la seconde, cette mme dfinition de lidologie peut sexpliquer de manire rationnelle ; dans la troisime, la dfinition moderne de lidologie sans rapport au critre du vrai et du faux sexplique de faon rationnelle ; et enfin dans la dernire case, cette idologie au sens moderne admet des causes rationnelles. Ces cases du tableau sont censes correspondre une ralit dfinissant les aspects importants des processus idologiques. Dans la premire case, Boudon situe ainsi les intrts de classe de Marx ; ou encore le fanatisme, le besoin dabsolu dAron et de Shils, qui expliquent ladhsion aux ides fausses. Dans la seconde, il classe lidologie mercantiliste de Mar. Ou encore, la magie pour Weber : les croyances magiques dun primitif sont fausses mais pas irrationnelles. Lacteur social peut avoir les meilleures raisons dadhrer des ides fausses. Dans la troisime, il dveloppe limage du respect du drapeau (sentiment irrationnel) de Durkheim, et ladmiration pour le chef charismatique de Weber. Toutefois, quelle que soit la dfinition des idologies, celles-ci combinent des propositions descriptives ou prescriptives : on ne peut donc y voir la simple manifestation de sentiments, cest--dire que laspect affectif nest quun moment dans la diffusion des idologies et on ne saurait seulement sy limiter. Pareto est voir comme une except