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Chapitre

4 Modelisation d’ecoulements

parietaux turbulents

instationnaires

Aperçu1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

1.1 Un premier aperçu des grandes classes de modélisation . . . . . . . . . . . . . . 461.2 Contribution de la présente étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

2 Différentes approches dans la littérature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 482.1 Simulation numérique directe des équations de Navier-Stokes . . . . . . . . . . 492.2 Simulations aux grandes échelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 492.3 Approches statistiques fondées sur la moyenne de Reynolds . . . . . . . . . . . 512.4 Approches statistiques avancées - Organised Eddy Simulation . . . . . . . . . . 522.5 Approches hybrides - Detached Eddy Simulation . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

3 Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de laturbulence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

3.1 Modélisation au second ordre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 563.2 Modèles au premier ordre linéaires fondés sur une viscosité de turbulence . . . 593.3 Modèles non-linéaires et algébriques explicites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

4 Modèle OES à viscosité de turbulence tensorielle . . . . . . . . . . . . . . . 714.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 724.2 Physical analysis of turbulent stress-strain relation in the near-region . . . . . . 734.3 Anisotropic OES modelling . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 754.4 Numerical simulation of strongly detached flows around bodies . . . . . . . . . 774.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 814.6 Appendix A. Transport equations for the stress-strain projection coefficients . . 814.7 Appendix B. Summary of the OES anisotropic first-order model . . . . . . . . 824.8 Compléments à l’article . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

5 Prédiction d’écoulements turbulents compressibles . . . . . . . . . . . . . . 875.1 Quelle moyenne statistique dans le cas d’écoulements compressibles ? . . . . . . 875.2 Equations de Navier-Stokes compressibles en moyenne de Favre . . . . . . . . . 885.3 Modèles de fermeture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

6 Conclusion - modélisation “haute-fidélité” des écoulements turbulents . . 89

1 IntroductionMalgré de nombreuses avancées théoriques dans l’analyse physique des mécanismes fondamentaux de

la turbulence et le développement d’outils de calcul numérique de plus en plus performants, la prédictiond’écoulements pariétaux instationnaires à grands nombres de Reynolds reste un problème difficile. Eneffet, la résolution numérique directe des équations de Navier-Stokes tridimensionnelles et instationnaires

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Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

n’est généralement pas envisageable pour la prédiction d’écoulements réalistes et la mise en œuvre destratégies de modélisation de la turbulence est inévitable. De multiples méthodologies, notamment desméthodes de macrosimulation, ont été développées dans ce sens. Plusieurs approches théoriques différentespeuvent être considérées selon la configuration physique d’intérêt et la nature des résultats attendus, es-sentiellement la prédiction de quantités physiques moyennes ou filtrées, stochastiques ou déterministes.Dans le cadre de la présente étude, l’étape de modélisation de la turbulence par une méthode de macro-simulation peut être considérée comme une première phase de “réduction de la dimension” du problème.En effet, dans le contexte du développement d’une modélisation hiérarchique d’écoulements réalistes,les simulations mettant en jeu une modélisation de l’effet de la turbulence non résolue constituent uneapproximation du modèle physique “haute-fidélité” que représentent les équations de Navier-Stokes ins-tationnaires tridimensionnelles. A l’inverse, les approches de simulation décrites dans ce chapitre peuventégalement être considérées comme des modèles physiques détaillés dont la complexité numérique peutencore être réduite grâce à une méthode de modélisation d’ordre faible fondée sur la décomposition or-thogonale aux valeurs propres. Ce point sera abordé dans les chapitres suivants. Dans une optique demodélisation hiérarchique, l’étape de modélisation de la turbulence est donc cruciale pour le développe-ment de modèles d’ordre réduit pertinents, représentatifs de l’écoulement réel.

1.1 Un premier aperçu des grandes classes de modélisation

Dans le cadre de la prédiction d’écoulements instationnaires autour d’obstacles à grands nombres deReynolds, la simulation numérique directe ou Direct Numerical Simulation (DNS) nécessite des discréti-sations spatiale et temporelle extrêmement fines pour capturer toutes les échelles des quantités physiquesaléatoires mises en jeu. Les approches les plus couramment considérées pour contourner cette difficultésont brièvement présentées. La méthodologie la plus proche de la simulation directe sur le plan théo-rique est la simulation aux grandes échelles ou Large Eddy Simulation (LES). Cette approche, initiée parSmagorinsky (1963) dans le domaine météorologique, consiste à appliquer un filtre spatial aux différentesquantités physiques et à ne simuler que les grandes échelles, les échelles non résolues étant prises encompte par l’introduction d’un modèle de fermeture dans les équations de Navier-Stokes filtrées. Cetteapproche est, par nature, tridimensionnelle et comme cela sera explicité dans ce chapitre, elle donneaccès, comme la DNS, à des réalisations des variables aléatoires que constituent les quantités physiquesmises en jeu. La démarche proposée par la LES s’applique a priori à tous les types d’écoulements, qu’ilsprésentent ou non une cohérence spatio-temporelle marquée par la présence de structures organisées. Unedes difficultés liées à cette approche est le traitement des résultats de simulation. En effet, une réalisationde l’écoulement ne peut être considérée comme représentative de la moyenne d’ensemble que sous deshypothèses d’ergodicité et d’homogénéité délicates à démontrer dans la pratique. Dans le cas général, plu-sieurs résolutions successives doivent être envisagées avant d’accéder aux grandeurs statistiques. De plus,la modélisation des échelles non résolues ou échelles de sous-maille passe en général par l’introductiond’un concept de viscosité de turbulence qui est essentiellement adapté à la modélisation d’une partie duspectre d’énergie cinétique turbulente dans le cas d’une turbulence homogène isotrope. Etant donné quela taille du filtre spatial est dans la pratique liée à la finesse de la discrétisation spatiale, ce point impliqueque l’approche LES doive tendre vers une simulation numérique directe dans les régions de proche-paroi.Cela rend la LES difficilement applicable pour la modélisation d’écoulements pariétaux à grands nombresde Reynolds dans un contexte industriel (Davidson et al., 2003) et justifie le développement de méthodesde macrosimulation hybrides, couplant la simulation aux grandes échelles à des méthodes statistiquesplus adaptées à la simulation des écoulements en proche-paroi.

Les méthodes statistiques constituent une alternative très largement répandue aux simulations di-recte et aux grandes échelles. D’une manière générale, elles conduisent à décomposer l’ensemble desvariables physiques en termes moyen et fluctuant. L’approche la plus classique qui consiste à considérerune moyenne d’ensemble1 conduit aux équations de Navier-Stokes en moyenne de Reynolds ou Rey-nolds Averaged Navier-Stokes (RANS). Les variables considérées sont alors déterministes et non plusstochastiques comme dans le cas de la DNS ou de la LES, ce qui simplifie l’exploitation des résultats desimulation. Les méthodes dérivées de cette approche ne sont en théorie valables que pour des écoulementsen équilibre statistique autrement dit des écoulements dont les quantités physiques caractéristiques sont

1La moyenne d’ensemble peut être remplacée par une moyenne temporelle dans le cas de processus ergodiques.

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1. Introduction

des processus stochastiques stationnaires2 et en équilibre dans le sens de la théorie de Kolmogorov (1941)tels que la zone lointaine d’un sillage, d’un jet ou d’une zone de mélange par exemple. Le fait de considérerles équations de Navier-Stokes en moyenne fait apparaître un terme supplémentaire traduisant la “perted’information” par rapport aux équations originelles définies dans un cadre stochastique : les corrélationsdoubles des fluctuations de vitesse en un point, appelées tensions de Reynolds lorsque cette moyenneest mise en œuvre et plus généralement contraintes turbulentes. Ainsi les équations de Navier-Stokes enmoyenne constituent un système ouvert et leur résolution nécessite une représentation (simulation oumodélisation) des contraintes turbulentes. Deux types d’approches sont généralement distinguées : d’unepart l’approche dite “au second ordre” qui assure la prédiction des contraintes turbulentes au moyend’équations de transport supplémentaires associées à ces quantités où les termes inconnus tels que lescorrélations triples sont modélisés, d’autre part, les modèles “au premier ordre” qui relient algébrique-ment les tensions de Reynolds aux grandeurs physiques moyennes. Les modèles au premier ordre les plusrépandus sont les modèles linéaires qui utilisent une hypothèse de fermeture fondée sur une analogie avecla loi constitutive des fluides newtoniens : la loi de Boussinesq (1877). Le tenseur des contraintes estalors relié linéairement au taux de déformation moyen grâce à un concept de viscosité de turbulence.Comme cela sera détaillé dans ce chapitre, une relation constitutive linéaire peut conduire à une mo-délisation erronée de certaines propriétés structurales de la turbulence entraînant d’importantes erreursd’estimation des quantités globales d’intérêt telles que les coefficients aérodynamiques par exemple. Afinde pallier certaines limitations du modèle linéaire, des lois constitutives non-linéaires ont été développées.Elles consistent à inclure, dans la relation constitutive, des tenseurs d’ordre supérieurs issus de combi-naisons des tenseurs des taux de déformation et rotation moyens (Pope, 1975, par exemple). Plusieursapproches ont été envisagées par analogie aux lois constitutives considérées en rhéologie pour les fluidesvisco-élastiques ou à effet de mémoire donnant lieu aux Non Linear Eddy Viscosity Models (NLEVM)(Shih et al., 1993, par exemple) ou encore en dégénérant les équations aux dérivées partielles de modèlesau second ordre pour en dériver des expressions algébriques des tensions turbulentes, Explicit AlgebraicStress Modelling (EASM) (Pope, 1975; Gatski & Speziale, 1993; Wallin & Johansson, 2000). Ce typed’approche a notamment pour objectif une meilleure capture de l’anisotropie des contraintes turbulentesnormales en proche-paroi par rapport au modèle linéaire fondé sur l’hypothèse de Boussinesq (1877) quiprédit un comportement isotrope de ces tensions.

Dans le cas où les processus physiques étudiés ne sont pas statistiquement stationnaires, par exemplelorsque des structures organisées apparaissent dans l’écoulement, il semble que ces phénomènes puissentêtre considérés non plus comme des fluctuations aléatoires mais comme des évolutions déterministes despropriétés statistiques de ces processus. Cela conduit à l’approche RANS instationnaire ou UnsteadyRANS (URANS) qui est la méthodologie de modélisation des écoulements turbulents la plus largementmise en œuvre. Les équations simulant l’évolution des quantités physiques moyennes sont les mêmesque les équations RANS, au terme temporel près. Par ailleurs, les mêmes méthodes de fermeture quedans le cas stationnaire sont généralement utilisées dans ce contexte qui ne correspond pas, a priori,à leur domaine d’application. En particulier, les échelles caractéristiques de la turbulence évaluées parces approches ne sont plus nécessairement adaptées et peuvent conduire à des prédictions erronées. Unereconsidération des approches statistiques classiques dans le cas de processus instationnaires est donccruciale.

Afin d’étendre de manière rigoureuse les approches statistiques précédentes aux cas d’écoulements ins-tationnaires caractérisés par la présence de structures organisées, une méthodologie fondée sur la décom-position triple distinguant pour chaque processus, une composante moyenne, une composante fluctuanteorganisée et une composante aléatoire a été imaginée (Reynolds & Hussain, 1972). Cette approche s’estdéveloppée, à la fin des années 1970, alors que de nombreux travaux expérimentaux tentaient de quan-tifier la partie cohérente du mouvement turbulent par des mesures conditionnelles telles que la moyennede phase (Cantwell, 1981; Boisson et al., 1983, par exemple). Dans la pratique, une distinction est faiteentre la partie cohérente du processus (composantes moyenne et fluctuante organisée) qui est considéréecomme une variable déterministe et sa partie aléatoire selon la décomposition proposée par Cantwell &Coles (1983). Dans le cas où l’écoulement d’intérêt présente un fort caractère périodique, l’utilisation del’opérateur de moyenne de phase conduit à une dissociation efficace des quantités cohérentes et aléatoires

2La stationnarité d’un processus stochastique traduit l’indépendance de ses différents moments statistiques (moyenne,corrélations doubles...) par rapport à l’origine des temps.

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Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

dans ce sens. L’effet de cette distinction sur le plan spectral est détaillé dans ce chapitre au §2.4. Substi-tuer cette moyenne conditionnelle à la moyenne d’ensemble conduit aux mêmes équations que le systèmeURANS. Cette approche a été utilisée pour la mesure et la prédiction d’écoulements autour de profilsd’aile oscillants à grand nombre de Reynolds (McCroskey et al., 1982, notamment). Sur le plan théorique,une telle méthodologie implique le calcul des quantités organisées correspondant à la turbulence résolueet la modélisation des effets des processus aléatoires. Par rapport à l’approche RANS, la modélisation dutenseur des contraintes turbulentes apparaissant dans les équations en moyenne doit être reconsidérée, ycompris dans le cas où une loi constitutive linéaire est mise en œuvre. Pour cela, l’approche OrganisedEddy Simulation (OES) a été proposée par Dervieux et al. (1998), Braza (2000), Abalakin & Dervieux(2000), Hoarau (2002) et Braza et al. (2006). La modification des fermetures turbulentes dans le contexteOES est décrite au §2.4.

Le principal écueil rencontré quant à l’utilisation de la LES pour la simulation d’écoulements autourde corps est la finesse de discrétisation de la région de proche-paroi. Afin de limiter l’usage de la simu-lation aux grandes échelles à son domaine optimal d’application, des méthodes hybrides couplant LESet approches statistiques peuvent être considérées. En particulier, la méthode Detached Eddy Simulation(DES) (Spalart et al., 1997; Travin et al., 2000) combine les approches LES et RANS par une sélectionlocale de l’échelle de longueur de la turbulence.

Les approches de modélisation des écoulements turbulents présentées dans cette section introductivecorrespondent à un premier aperçu des méthodes détaillées dans ce chapitre. Il est important de noterque le tour d’horizon ici proposé n’est en aucun cas exhaustif.

1.2 Contribution de la présente étude

Les développements effectués dans le cadre de cette thèse s’inscrivent dans le contexte de l’approchede modélisation Organised Eddy Simulation. La contribution de la présente étude concerne l’améliora-tion de la capture des propriétés structurales de la turbulence grâce à l’introduction d’une nouvelle loiconstitutive des tensions turbulentes incluant une viscosité de turbulence tensorielle. Plus précisément, lesnon-linéarités apparaissant dans un écoulement instationnaire fortement détaché entre le tenseur d’ani-sotropie des contraintes turbulentes et le tenseur des taux de déformations moyens sont examinées surla base de résultats expérimentaux détaillés. Cette analyse illustre les limitations des approches linéairesfondées sur l’hypothèse de Boussinesq (1877). Afin de prendre en compte la non-colinéarité des tenseursd’anisotropie des contraintes turbulentes et de déformation ainsi mise en évidence, une alternative auxmodèles non-linéaires les plus répandus (NLEVM et EASM) est suggérée sous la forme d’une loi consti-tutive modifiée. De plus, un modèle de fermeture permettant la mise en œuvre pratique de cette loi decomportement des contraintes turbulentes est proposé. Ces développements sont détaillés au §4 de cechapitre et ont été rapportés dans deux articles publiés dans le cadre de cette thèse (Bourguet et al.,2007b, 2008).

Les différentes approches de modélisation précédemment évoquées sont plus précisément décrites au §2,notamment du point de vue de l’introduction des opérateurs de filtrage ou de moyenne dans les équationsde Navier-Stokes. Après avoir mis en évidence le problème pratique de la fermeture des équations deNavier-Stokes en moyenne, le choix de modèles de turbulence adaptés dans le contexte des approchesstatistiques est détaillé au §3. En particulier, les modifications induites par la reconsidération des échellescaractéristiques de la turbulence dans le cadre de l’approche OES sont présentées. La contribution dela présente étude à l’amélioration des capacités prédictives des modèles OES est décrite au §4. Pourplus de clarté, l’ensemble des approches de modélisation ainsi que les développements menés dans cettethèse sur ce thème sont en premier lieu présentés dans le contexte des écoulements incompressibles. Latransposition au cas d’écoulements compressibles est proposée au §5.

2 Différentes approches dans la littérature

Dans cette section les principales approches de modélisation d’écoulements turbulents à grands nombresde Reynolds sont présentées. Pour chacune d’elles, les équations de Navier-Stokes filtrées ou en moyenne

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2. Différentes approches dans la littérature

sont détaillées et, le cas échéant, la nécessité d’introduire des modèles de fermeture est mise en évidencedans l’optique d’une résolution numérique de ce système.

2.1 Simulation numérique directe des équations de Navier-Stokes

La simulation directe consiste à résoudre numériquement les équations de Navier-Stokes tridimen-sionnelles instationnaires qui correspondent, dans le cas d’écoulements incompressibles, à l’équation decontinuité et aux trois équations de conservation de la quantité de mouvement, pour i = 1, 2, 3 :

uα,α = 0ui,t + (uiuα),α = − 1

ρp,i + νui,αα,(4.1)

où ui désigne la ième composante de la vitesse, ρ la masse volumique du fluide supposée constante dansle cas incompressible, p la pression et ν la viscosité cinématique également supposée constante dans cecontexte. ,t et ,i représentent respectivement les dérivées temporelle et spatiale dans la direction i. Pourplus de clarté, les indices grecs sont utilisés pour indiquer les sommations implicites.

La résolution directe de ces équations, munies de conditions initiales et aux limites, conduit à lasimulation de toutes les échelles de structure dans l’écoulement et ne nécessite donc pas de modélisationsupplémentaire. En ce sens, ce type d’approche peut être considéré comme une véritable “expériencenumérique” (Chassaing, 2000) utile pour la compréhension des propriétés de la turbulence, notammentdans l’optique du développement d’approches de modélisation. Le principal obstacle à la mise en œuvrepratique d’une telle méthode pour des écoulements réalistes à grands nombres de Reynolds est la finessede discrétisation nécessaire à la capture de l’ensemble du spectre comme cela a déjà été évoqué. Parailleurs, l’accès aux propriétés statistiques d’écoulements simulés par DNS ne peut être envisagé qu’aposteriori, chaque simulation correspondant à une réalisation d’un processus aléatoire. Dans la pratique,la simulation directe reste encore un outil d’investigation scientifique dans le contexte de la prédiction desécoulements pariétaux à grands nombres de Reynolds ; des méthodes de modélisation de la turbulencedoivent nécessairement être mises en œuvre pour la simulation d’écoulements turbulents instationnairesautour de géométries complexes.

2.2 Simulations aux grandes échelles

En considérant que la principale limitation de la simulation directe est la finesse de discrétisationnécessaire à la capture de l’ensemble des structures de l’écoulement, la simulation aux grandes échellesconstitue une alternative où seuls les processus de grande taille sont simulés alors que l’effet des petitesstructures est modélisé par une loi de “sous-maille”. L’idée directrice de cette méthode est que la partie duspectre négligée correspond aux petites structures obéissant aux hypothèses d’équilibre de la turbulencehomogène isotrope dont l’effet peut, par conséquent, être modélisé simplement par l’introduction d’unterme assurant la dissipation de l’énergie provenant des structures résolues de plus grande taille. Unschéma comparatif de la simulation aux grandes échelles et de l’approche OES sera présenté par lasuite dans le plan spectral (figure 4.1). Les équations issues du filtrage spatial et un exemple de fermetureclassiquement appliquée en LES sont décrits dans cette section. La LES n’a pas été utilisée dans la présenteétude ; la présentation proposée est par conséquent succincte, l’objectif étant de situer l’approche miseen œuvre dans le cadre de cette thèse par rapport aux autres méthodes existantes. Pour plus de détailsconcernant la simulation aux grandes échelles, le lecteur pourra se référer aux articles et ouvrages deréférence de Rogallo & Moin (1984), Lesieur & Métais (1996) et Sagaut (2002).

Equations filtrées spatialement

La mise en œuvre de la simulation aux grandes échelles implique la définition d’un filtre spatialpermettant de distinguer les structures résolues de celles dont les effets devront être modélisés. Pour unequantité stochastique de dépendance spatio-temporelle v, la moyenne spatiale filtrée v est définie commesuit :

v (x, t) =∫

Ω

G (x,x′,∆) v (x′, t) dx′, (4.2)

où G(x,x′,∆) désigne l’opérateur de filtrage spatial au point x, ∆ représente la plus petite échelle destructure résolue ou plus généralement un paramètre caractéristique de la coupure spectrale de ce filtre.

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Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

L’opérateur de filtrage est supposé normé :∫Ω

G (x,x′,∆) dx′ = 1. (4.3)

L’ensemble des variables de l’écoulement peuvent alors être décomposées comme suit :

v (x, t) = v (x, t) + v′ (x, t) , (4.4)

où v′ désigne la fluctuation de v par rapport à la moyenne spatiale filtrée. v étant un processus stochas-tique, les termes v et v′ sont également des variables aléatoires. Comme le souligne Chassaing (2000),l’accès aux propriétés statistiques de v pose donc un problème méthodologique conséquent. Par ailleurs,afin de conduire à une forme simple des équations de Navier-Stokes filtrées, l’opérateur G doit commuteravec les opérations de dérivations spatiale et temporelle. Ainsi, un filtre gaussien normé dont l’écart-typeest proportionnel à la taille de la maille locale de discrétisation peut par exemple être considéré.

Il est important de noter les propriétés suivantes, liées à la définition de la moyenne spatiale filtrée :

v 6= v et par conséquent v′ = v − v 6= 0 dans le cas général. (4.5)

L’application du filtre spatial aux équations de Navier-Stokes (4.1) conduit au système filtré suivant :uα,α = 0ui,t + (uiuα),α = − 1

ρp,i + νui,αα.(4.6)

Afin d’exprimer la moyenne filtrée du produit des vitesses en fonction du produit des vitesses filtrées, ladécomposition suivante est généralement utilisée :

uiuj = uiuj + Lij +Rij , (4.7)

avecLij = uiuj − uiuj et Rij = uiu′j + u′iuj + u′iu

′j . (4.8)

Le terme Lij correspond aux tensions de Leonard qui peuvent être évaluées directement et le terme Rijreprésente la contribution des tensions de sous-maille. Le système (4.6) ainsi obtenu est ouvert du pointde vue des variables filtrées et une représentation de l’effet des échelles non résolues doit être introduitevia une modélisation du tenseur Rij .

Un exemple de fermeture - le modèle de Smagorinsky

Le premier modèle de fermeture ou modèle de sous-maille, proposé par Smagorinsky (1963), relie letenseur des contraintes non résolues Rij aux grandeurs filtrées simulées comme suit :

Rij − 13Rααδij = −2νtSij où νt = (Cs∆)2

√2SαβSαβ . (4.9)

où δij est le symbole de Kronecker, Cs est la constante de Smagorinsky. L’échelle de longueur caractéris-tique est celle du filtre ∆ et la vitesse caractéristique est estimée grâce au tenseur des taux de déformationmoyens :

Sij =12

(ui,j + uj,i) . (4.10)

Ce modèle est le plus largement utilisé mais présente le défaut de dissiper trop d’énergie sans assurersa redistribution dans le cas où les structures non résolues après la troncature spectrale ne sont passtrictement dissipatives3. Dans la littérature, de très nombreux modèles de sous-maille ont été développéspour pallier les limitations du modèle original de Smagorinsky. Pour ne citer que quelques exemples, lemodèle mixte de Bardina et al. (1983) autorise une redistribution de l’énergie vers les échelles résolues,le modèle de Schumann (1975) inclut une équation de transport de l’énergie cinétique de sous-mailleutilisée pour déterminer la viscosité de turbulence νt. Plus récemment, Germano et al. (1991) et Germano(1992) ont introduit le concept de modèle dynamique qui autorise une variation du coefficient Cs. Ce

3En particulier dans les régions pariétales, où les discrétisations spatiales théoriquement nécessaires ne peuvent pas êtremises en œuvre pour des raisons de coût numérique de résolution.

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2. Différentes approches dans la littérature

type d’approche se fonde théoriquement sur l’introduction d’une coupure spectrale “test” en amont de lacoupure induite par la discrétisation, où le transfert énergétique peut être évalué, puis transposé au niveaude la coupure effective. Malgré de nombreux développements, parmi les plus récents la Variational Multi-Scale (VMS) LES (Hughes, 2000), il semble que la simulation aux grandes échelles ne soit effectivementapplicable, pour la prédiction d’écoulements pariétaux autour de géométries réalistes, qu’à des nombres deReynolds relativement modérés, de l’ordre de 104 concernant les écoulements autour de surfaces portantespar exemple (Davidson et al., 2003). Néanmoins, l’utilisation de la LES pour la simulation de ce typed’écoulements, à grands nombres de Reynolds, est envisageable au sein de méthodologies hybrides tellesque la DES présentée au §2.5.

2.3 Approches statistiques fondées sur la moyenne de ReynoldsLes approches statistiques fondées sur l’utilisation de la moyenne de Reynolds ou moyenne d’ensemble

sont les plus largement utilisées y compris dans des contextes industriels. Initialement développées pourla simulation d’écoulements stationnaires (RANS), ces méthodes ont par la suite été étendues au casinstationnaire (URANS). D’un point de vue général, l’avantage de ce type d’approches par rapport auxDNS et LES réside dans le fait que les quantités résolues sont supposées déterministes et ne nécessitentpar conséquent pas une capture effective de fluctuations supposées aléatoires, notamment dans les régionsde proche-paroi. Une conséquence directe est que les discrétisations spatiales mises en jeu peuvent êtresignificativement plus “larges”. Dans cette section, les équations de Navier-Stokes en moyenne de Reynoldssont présentées dans le cas instationnaire et le problème lié à la fermeture de ce système est détaillé. Desanalyses théoriques approfondies d’écoulements turbulents libres et en présence de parois solides ainsique de leur modélisation statistique sont rapportées dans les ouvrages de référence de Chassaing (2000)et Durbin & Pettersson Reif (2001).

Equations de Navier-Stokes en moyenne de Reynolds

Pour un processus stochastique de dépendance spatio-temporelle v, la moyenne d’ensemble v est définiecomme suit, dans le cas discret et de dimension finie4 :

v (x, t) =1N

N∑i=1

vi (x, t) , (4.11)

où vi représente une famille de N réalisations du processus v. La variable aléatoire v peut ainsi êtredécomposée comme suit :

v (x, t) = v (x, t) + v′ (x, t) , (4.12)

où la moyenne statistique v est une quantité déterministe5 alors que la fluctuation v′ est un processusaléatoire . Par rapport à la moyenne filtrée mise en œuvre en LES, la moyenne d’ensemble présente lespropriétés suivantes :

v = v et par conséquent v′ = 0. (4.13)

De plus, l’opérateur de moyenne d’ensemble commute avec les dérivations temporelle et spatiale. v et wétant deux variables stochastiques :

vw = v w. (4.14)

L’application de l’opérateur de moyenne d’ensemble aux équations de Navier-Stokes dans lesquelles lesvariables sont décomposées selon (4.12) conduit aux équations de Navier-Stokes en moyenne de Reynolds :uα,α = 0

ui,t + (uiuα),α +(u′iu′α

),α

= − 1ρp,i + νui,αα.

(4.15)

La présence du terme temporel ui,t différencie les approches URANS et RANS. Dans le cas où la vitesseest un processus statistiquement stationnaire, ce terme s’annule. De même que dans le cas des équations deNavier-Stokes en moyenne filtrée (LES), un terme supplémentaire associé aux contributions des processus

4Ce cas correspond à la situation effectivement rencontrée, que les “expérimentations” soient menées en soufflerie ounumériquement.

5Contrairement à la moyenne filtrée en LES.

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Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

non résolus apparaît. Dans le cas où la moyenne de Reynolds est utilisée, ce terme correspond auxmoyennes d’ensemble des produits des fluctuations de vitesse u′iu′j , nommées tensions de Reynolds oucontraintes turbulentes.

Problème de fermeture

Le système d’équations (4.15) est ouvert et une estimation des tensions de Reynolds est nécessairepour envisager sa résolution. Dans ce contexte, les contraintes turbulentes sont des quantités déterministesqui peuvent être évaluées par différentes approches. D’un point de vue général, deux stratégies peuventêtre distinguées pour la représentation de ce terme :

– Une simulation des u′iu′j comme des variables supplémentaires du système physique via des équationsaux dérivées partielles spécifiques correspond à l’approche dite au second ordre,

– Une modélisation des contraintes turbulentes via une loi constitutive algébrique relative aux gran-deurs moyennes conduit à une approche au premier ordre. L’utilisation d’une loi constitutive pourreprésenter les tensions de Reynolds implique néanmoins dans la plupart des cas la résolutiond’équations aux dérivées partielles supplémentaires utilisées pour l’évaluation locale des échellescaractéristiques de la turbulence à modéliser.

Un grand nombre de modèles au premier et second ordres ont été rapportés dans la littérature et diversexemples sont détaillés au §3.

Remarque : Les variables physiques mises en jeu dans les équations de Navier-Stokes en moyenne deReynolds sont des quantités déterministes correspondant à des moyennes d’ensemble. Dans la pratique,l’introduction d’un terme temporel conduit dans la plupart des cas à des solutions instationnaires. Celasignifie que les processus simulés présentent des moyennes statistiques instationnaires, y compris dansdes configurations théoriquement stationnaires du point de vue de la moyenne d’ensemble comme, parexemple, l’écoulement en aval d’un obstacle dans un domaine muni des conditions aux limites station-naires. Dans ce cas, la dérivée temporelle présente dans les équations en moyenne de Reynolds devraits’annuler, ce qui n’est généralement pas le cas. Cette incertitude quant à la nature de l’opérateur sta-tistique effectivement mis en œuvre dans l’approche URANS a notamment été soulignée par Carpy &Manceau (2006) qui remarquent cependant que d’une manière générale, les résultats obtenus par moyennetemporelle de simulations URANS sont en meilleur accord avec l’expérience que ceux issus de l’approcheRANS. Ce point faible dans la définition de la méthodologie URANS justifie le développement d’ap-proches statistiques avancées fondées sur l’utilisation de moyennes conditionnelles comme l’approcheOES présentée dans la section suivante.

2.4 Approches statistiques avancées - Organised Eddy Simulation

Dans le contexte de la simulation d’écoulements présentant des structures spatio-temporelles organi-sées liées par exemple à un échappement tourbillonnaire, la méthodologie OES (Dervieux et al., 1998;Hoarau, 2002; Braza et al., 2006) repose sur une décomposition des processus physiques aléatoires enun terme moyen déterministe associé à la partie cohérente des processus, et un terme aléatoire associéaux fluctuations chaotiques autour de la partie moyenne. Du point de vue spectral, cette décompositionconduit à une séparation du spectre d’énergie cinétique turbulente en deux parties, de même que la simu-lation aux grandes échelles. Cependant, dans le cas de l’OES, ce dual spectrum splitting ne consiste pas àsimuler les processus de plus basses fréquences et modéliser la région dissipative. En effet, comme illustrésur la figure 4.1, le ou les pics associés à la présence de structures organisées dans l’écoulement corres-pondent à la partie résolue alors que le spectre résiduel s’entendant continûment des basses aux hautesfréquences est modélisé. Compte tenu de la nature du spectre associé aux processus non résolus (spectrecontinu sur l’ensemble des nombres d’ondes), l’utilisation des concepts de modélisation statistique sembleadaptée à la prise en compte de l’effet de ces quantités fluctuantes sur les processus organisés (Braza et al.,2006). Néanmoins, il apparaît que la présence de structures cohérentes dans l’écoulement conduit à unemodification importante de la forme du spectre d’énergie cinétique turbulente par rapport au spectre enéquilibre décrit par la théorie de Kolmogorov (1941). D’une part, les structures organisées se traduisentpar l’apparition d’un ou plusieurs pics dans le spectre pour des longueurs d’ondes ou fréquences carac-téristiques de ces structures. D’autre part, la présence de structures cohérentes induit une modificationde la pente du spectre dans la zone inertielle en principe décrite par la loi en κ−5/3 où κ représente lenombre d’onde. Ce phénomène a été quantifié expérimentalement comme en attestent les spectres obtenus

52

Page 10: Bourguet2

2. Différentes approches dans la littérature

Fig. 4.1 – Représentation schématique de la décomposition spectrale considérée dans le cadre de l’ap-proche OES : la distinction entre les parties résolue et modélisée se fonde sur le caractère organisé (marquépar la présence de pics dans le spectre) ou aléatoire des processus considérés. La partie (2) correspond auxprocessus à modéliser en mettant en œuvre des modèles de turbulence statistiques avancés pour prendreen compte la modification spectrale liée à la présence de structures cohérentes dans l’écoulement. Pourcomparaison, la décomposition considérée en LES est également présentée, d’après Braza et al. (2006).

à partir de mesures Laser Doppler Velocimetry (LDV) (Djeridi et al., 2003) et Particle Image Velocimetry(PIV) (Braza et al., 2006) dans le proche sillage d’un cylindre circulaire pour un nombre de Reynolds égalà 1.4 × 105 (figure 4.2). Par conséquent, une modélisation efficace des processus aléatoires en présencede structures organisées doit se fonder sur une reconsidération des échelles de la turbulence par rapportaux fermetures statistiques classiques (RANS), adaptées aux écoulements présentant une turbulence enéquilibre. Ce point sera abordé au §3.2 où les modifications de certains modèles de turbulence classiquesdans le contexte de l’OES seront présentées.

Capturer les structures cohérentes - la moyenne de phase

Un point important de la définition de l’approche OES est le choix de la moyenne conditionnelleconsidérée pour “extraire” les processus cohérents. Dans le cas d’écoulements présentant un fort caractère(quasi-)périodique, qu’il s’agisse de configurations où la périodicité est forcée par exemple par le tan-gage d’une aile, ou d’une périodicité apparaissant en raison de l’amplification d’instabilités naturelles, lamoyenne de phase peut être adoptée. Dans ce contexte, un processus stochastique v peut être décomposéselon l’approche suggérée par Reynolds & Hussain (1972) comme suit :

v (x, t) = v (x) + v (x, t) + v′ (x, t) , (4.16)

où v représente la moyenne temporelle stationnaire, v est une quantité déterministe représentant l’évolu-tion périodique de v et v′ désigne la partie fluctuante aléatoire. Un regroupement des termes déterministesconduit à la décomposition en moyenne de phase (Cantwell & Coles, 1983) telle que :

v (x, t) = 〈v〉 (x, t) + v′ (x, t) , (4.17)

53

Page 11: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

Fig. 4.2 – (a) Comparaison des spectres d’énergie cinétique turbulente obtenus à partir de donnéesLDV et PIV. (b) Spectres d’énergie cinétique turbulente obtenus à partir de données PIV avant et aprèsl’opération de moyenne de phase. Mesures dans le sillage proche d’un cylindre circulaire à Re = 1.4×105,d’après Braza et al. (2006).

où 〈·〉 désigne l’opérateur de moyenne de phase définie par :

〈v〉 (x, t) =1N

N∑i=1

vi (x, t) , (4.18)

où vi représente une famille de N réalisations en phase6 du processus v.

Equations de Navier-Stokes en moyenne de phase

L’opérateur de moyenne de phase (4.18) possède les mêmes propriétés que la moyenne de Reynolds,en particulier :

〈〈v〉〉 = 〈v〉, 〈v′〉 = 0 et 〈〈v〉w〉 = 〈v〉〈w〉, (4.19)

pour deux processus aléatoires v et w.

Remarque : Si · désigne la moyenne temporelle : 〈v〉 = v et 〈v〉v′ = 0. Ainsi, si les quantités résoluescorrespondent aux moyennes de phase des processus aléatoires, la moyenne temporelle peut être simple-ment calculée a posteriori pour comparaison avec des résultats expérimentaux par exemple.

Comme l’opérateur de moyenne d’ensemble, l’opérateur de moyenne de phase commute avec les déri-vations temporelle et spatiale. Les équations de Navier-Stokes en moyenne de phase s’écrivent donc :

〈uα〉,α = 0〈ui〉,t + (〈ui〉〈uα〉),α + (〈u′iu′α〉),α = − 1

ρ 〈p〉,i + ν〈ui〉,αα.(4.20)

Ce système d’équations est le même que celui obtenu par l’approche URANS. Néanmoins, en tenantcompte des remarques précédentes concernant la modification du spectre d’énergie cinétique turbulentesous l’effet des structures organisées, les fermetures classiquement utilisées pour estimer les tensionsturbulentes devront être reconsidérées pour la modélisation des corrélations doubles des fluctuations devitesse en moyenne de phase (cf. § 3.2).

Généralisation de la moyenne de phase

La moyenne conditionnelle actuellement utilisée pour définir l’OES est la moyenne de phase. Cettemoyenne présente l’avantage de conduire à une formulation des équations de Navier-Stokes identique à

6Selon les cas (instationnarité naturelle ou forcée), la détermination d’une procédure de mise en phase peut être délicate.

54

Page 12: Bourguet2

2. Différentes approches dans la littérature

celle issue de l’approche statistique classique. Néanmoins, dans l’optique d’une généralisation de cetteméthodologie pour la prédiction d’écoulements présentant des structures organisées d’échelles de tempscaractéristiques incommensurables et donc moins périodiques, une extension de l’opérateur de moyennede phase peut être recherchée. L’idée directrice étant la capture d’évènements présentant une certainecohérence spatio-temporelle, la décomposition orthogonale aux valeurs propres ou Proper Orthogonal De-composition (POD) pourrait par exemple être utilisée. Comme cela sera présenté au chapitre 5, cetteapproche peut être considérée comme une extension de l’analyse de Fourier et permet notamment d’ex-traire les dynamiques prédominantes de l’écoulement, sans que celles-ci soient strictement périodiques.

2.5 Approches hybrides - Detached Eddy Simulation

Afin de pouvoir envisager une mise en œuvre de la simulation aux grandes échelles pour la prédictiond’écoulements pariétaux à grands nombres de Reynolds, des approches hybrides couplant les méthodesstatistiques en proche-paroi et la LES dans les régions plus éloignées ont été développées. La DES (Spalartet al., 1997; Travin et al., 2000) est une approche fréquemment utilisée dans ce contexte. D’un point devue général, cette méthode peut être définie comme une simulation hybride tridimensionnelle et insta-tionnaire utilisant un seul modèle de turbulence fonctionnant comme un modèle de sous-maille dans lesrégions suffisamment finement discrétisées pour être traitées par LES et comme un modèle statistiqueailleurs. Une des particularités de cette approche est que le passage d’une méthode de modélisation àl’autre est déterminé localement et théoriquement de manière dynamique grâce à une évaluation deséchelles de longueur caractéristiques des deux méthodes. Ainsi, le modèle est sensible à la finesse dumaillage conduisant, dans la pratique, à une diminution de la dissipation du modèle RANS au-delà desrégions de proche-paroi, où l’approche statistique standard est utilisée.

La première version de la DES, proposée par Spalart et al. (1997), se fonde sur le modèle de turbulenceà une équation de Spalart & Allmaras (1992) présenté dans la section suivante. Dans ce modèle, l’échellede longueur caractéristique est estimée comme la distance à la paroi la plus proche d. La DES vientmodifier cette échelle de longueur (d→ dDES) en introduisant le test suivant :

dDES = min (d,CDES∆) , (4.21)

où ∆ représente la plus grande dimension du volume de discrétisation local et CDES une constantecalibrée grâce à une simulation de turbulence homogène isotrope. La modification de l’échelle de longueurcaractéristique a essentiellement un effet sur le terme de destruction dans le modèle de Spalart & Allmaras(1992). Par rapport à une simulation statistique pure, cette diminution de d a généralement pour effetde limiter la viscosité de turbulence hors des régions RANS.

Bien que la DES ne nécessite pas, a priori, la prescription d’une interface entre les régions de l’écoule-ment simulées par LES ou approche statistique, un défaut majeur de l’approche fondée sur le modèle deSpalart & Allmaras (1992) est que cette transition est essentiellement gouvernée par des considérationsgéométriques (dépendance en d, la distance à la paroi). L’utilisation d’un modèle de fermeture à deuxéquations permet par contre d’exploiter cette propriété de la DES. Dans ce cas également, une diminutionde l’échelle de longueur dans le modèle statistique a pour effet une augmentation du terme de dissipationdans l’équation de transport de l’énergie cinétique turbulente et de fait une diminution de la viscositéde turbulence par rapport à une approche classique. L’implantation pratique de la DES pour ce type demodèles sera détaillée dans la section suivante. En tenant compte des limitations des modèles RANS/U-RANS classiques, il apparaît intéressant de modifier l’approche de modélisation statistique utilisée enDES dans le sens de l’OES. Ce point sera également abordé par la suite. Par ailleurs, un certain nombrede variations ont été proposées dans la littérature sur la base de l’approche hybride DES. En particulierla méthode Delayed Detached Eddy Simualtion (DDES) proposée par Spalart et al. (2006) permet d’évi-ter une transition de l’approche statistique vers la LES dans les couches limites, ce phénomène étant àl’origine de décollements artificiels induits par la méthode.

D’un point de vue pratique, une des difficultés essentielles liées à l’utilisation de ce type d’approcheshybrides est le traitement des résultats pour parvenir à une comparaison consistante avec les bases dedonnées expérimentales de référence. Les approches URANS et LES conduisent indépendamment l’une del’autre à des incertitudes quant au choix des opérateurs de moyenne à appliquer a posteriori et il sembleencore plus délicat de traiter l’ensemble de l’écoulement, simulé localement par une de ces deux approches,

55

Page 13: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

d’une manière unique. Néanmoins, la stratégie couramment adoptée qui consiste en une moyenne tem-porelle des données issues de la simulation peut conduire à des résultats très encourageants, y comprisdans le cas d’écoulements autour de géométries complexes et à grands nombres de Reynolds comme enattestent les conclusions du programme Detached Eddy Simulation for Industrial Aerodynamics (DESI-DER, Peng & Haase (2008)).

Dans le cadre de cette thèse, aucun développement spécifique n’a été mené dans le contexte de cesapproches hybrides. Néanmoins, la contribution proposée concernant l’amélioration de la prédiction despropriétés de la turbulence hors-équilibre dans le cadre de l’approche OES pourrait participer à accroîtrela pertinence de la DES grâce à une meilleure modélisation des contraintes turbulentes dans les régionsde proche-paroi.

3 Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statis-tique de la turbulence

Dans le contexte de la modélisation statistique des écoulements turbulents, les équations de Navier-Stokes en moyenne constituent un système ouvert. Par rapport aux équations originales, de nouvellesinconnues, associées à la moyenne des corrélations doubles des fluctuations de vitesse apparaissent. Cescontraintes turbulentes traduisent l’effet des processus non résolus sur les grandeurs moyennes simulées.Afin d’envisager une résolution numérique des équations exprimées en termes de quantités moyennes, uneestimation des contraintes turbulentes est nécessaire. Les différentes stratégies généralement adoptéessont décrites dans cette section. Cette présentation inclut les approches de modélisations statistiquesURANS et OES7. D’une manière générale, l’opérateur de moyenne est noté · qu’il s’agisse de la moyenned’ensemble ou de la moyenne de phase et la décomposition suivante est adoptée :

v (x, t) = v (x, t) + v′ (x, t) . (4.22)

Les modifications induites par la reconsidération des échelles caractéristiques de la turbulence modéliséedans le contexte de l’OES sont spécifiées au § 3.2.

3.1 Modélisation au second ordreLa modélisation au second ordre consiste à introduire de nouvelles équations relatives aux six com-

posantes du tenseur des contraintes turbulentes8. Dans un premier temps, ces équations sont décrites.Il apparaît que ces nouvelles équations constituent encore un système ouvert et que des hypothèses demodélisation supplémentaires sont nécessaires.

Equations de transport des contraintes turbulentes

A partir des équations de Navier-Stokes et des équations moyennées où est mise en jeu la décomposition(4.22), les équations de transport suivantes sont dérivées, pour i, j = 1, 2, 3 :(

u′iu′j

),t

+ uα

(u′iu′j

),α

= Pij + Πij +Dtij +Dν

ij − εij , (4.23)

où :– Pij est le terme de production qui peut être évalué exactement à partir des variables du systèmephysique sans modélisation supplémentaire :

Pij = −(u′iu′αuj,α + u′ju

′αui,α

). (4.24)

– Πij désigne le terme de corrélation pression/déformation :

Πij =1ρp′(u′i,j + u′j,i

). (4.25)

7Il a été montré précédemment que l’approche OES fondée sur l’utilisation de la moyenne de phase conduisait aux mêmeséquations que la moyenne de Reynolds.

8En effet, ce tenseur est symétrique.

56

Page 14: Bourguet2

3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence

Cette quantité qui fait intervenir les fluctuations de vitesse et de pression qui ne sont pas desvariables du système, doit être modélisée.

– Dtij inclut la diffusion turbulente mettant en jeu les corrélations triples des fluctuations de vitesse

ainsi que les corrélations doubles vitesse/pression et doit être modélisé :

Dtij = −

(u′iu′ju′α +

p′u′iρδjα +

p′u′jρδiα

),α

. (4.26)

Comme l’indique Chassaing (2000), la contribution du terme de corrélation vitesse/pression estsouvent considérée comme étant insignifiante et sera donc négligée dans la suite.

– Le terme de diffusion visqueuse ou diffusion moléculaire Dνij s’exprime exactement comme suit :

Dνij = ν

(u′iu′j

),αα

. (4.27)

– εij est le tenseur de pseudo-dissipation visqueuse9 à modéliser :

εij = 2νu′i,αu′j,α. (4.28)

Dans le cadre d’une approche au second ordre, la modélisation ne porte donc pas directement sur lescontraintes turbulentes mais sur certains termes présents au second membre de leurs équations de trans-port. Ce point justifie le caractère plus “universel” généralement attribué aux modèles au second ordre. Au§ suivant, les approximations de ces différents termes sont présentées dans le cas du modèle de Spezialeet al. (1991), qui sera utilisé par la suite dans le développement d’un modèle à viscosité de turbulencetensorielle (§ 4).

Modèle de fermeture au second ordre

Pour des nombres de Reynolds élevés, la pseudo-dissipation visqueuse εij est généralement supposéeisotrope (Durbin & Pettersson Reif, 2001) de telle sorte que :

εij =23εδij . (4.29)

ε représente ainsi une variable supplémentaire du système qui doit être simulée. Un grand nombre demodèles ont été proposés pour définir une équation de transport de la pseudo-dissipation. Dans la pratique,le modèle de Hanjalić & Launder (1972) est utilisé par Speziale et al. (1991) pour la mise en œuvre deleur modèle au second ordre :

ε,t + uαε,α = −cε1εu′αu

′β

kuα,β − cε2 ε

2

k+ cε

(k

εu′αu

′βε,β

),α

, (4.30)

où k = 1/2u′αu′α désigne l’énergie cinétique turbulente. Les constantes communément utilisées sontcε1 = 1.44, cε2 = 1.92 et cε = 0.15 (Chassaing, 2000).

Le terme de diffusion Dtij peut être modélisé par le schéma “de gradient généralisé” de Daly & Harlow

(1970) :

Dtij = CD

(k

εu′αu

′β

(u′iu′j

),β

),α

où CD = 0.22. (4.31)

La modélisation du terme de corrélation pression/déformation Πij est un point délicat. Dans la suitede la présente étude, l’approche proposée par Speziale et al. (1991) est adoptée. Ce modèle a été largementmis en œuvre dans la littérature et conduit à des résultats en très bon accord avec l’expérience pour lasimulation d’écoulements-types tels que l’écoulement turbulent homogène cisaillé, de zone de mélangebidimensionnelle plane, ainsi qu’en présence de parois solides comme le rapporte Chassaing (2000). De

9Le tenseur de dissipation est défini par εij = 2ν(sjαu′i,α + siαu′j,α

)avec sij = 1/2

(u′i,j + u′j,i

).

57

Page 15: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

plus, ce modèle présente l’avantage d’autoriser des projections relativement simples sur le sous-espaceconstitué des matrices principales de déformation moyenne comme cela sera détaillé par la suite.

La démarche de modélisation du terme de corrélation pression/déformation dans le modèle de Spezialeet al. (1991) peut être résumée comme suit. Une première étape consiste à déterminer une forme généralede Πij dépendante des tenseurs des taux de déformation et rotation moyens ainsi que des grandeursturbulentes k, ε et du tenseur d’anisotropie des contraintes turbulentes défini par :

aij =u′iu′j

k− 2

3δij . (4.32)

Cette expression des corrélations pression/déformation doit satisfaire au principe d’invariance par chan-gement de repère. La représentation obtenue est ensuite grandement simplifiée par l’étude de sa formeadmissible dans les configurations d’équilibres des invariants du tenseur d’anisotropie pour des écoule-ments turbulents homogènes plans arbitraires. Les coefficients constants mis en jeu dans ce modèle deΠij sont ensuite évalués sur la base d’analyses asymptotiques et de résultats théoriques et expérimentauxnotamment dans le cas d’écoulements turbulents cisaillés plan et en rotation, ainsi que dans le cas d’uneturbulence homogène anisotrope retournant à l’isotropie. L’objectif n’étant pas ici une réévaluation de cesdifférents paramètres, seules les grandes lignes du développement de ce modèle sont présentées et pourplus de détails concernant sa calibration, le lecteur pourra se référer à l’article original de Speziale et al.(1991).

Le modèle obtenu pour les corrélations pression/déformation s’exprime comme suit :

Πij = − (c1ε+ c?1Pk) aij + c2ε

(aiαaαj − 1

3δijIIa

)+(c3 − c?3II

12a

)kSij

+c4k(aiαSjα + aαjSiα − 2

3aβγSβγδij

)+ c5k (aiαΩjα + ajαΩiα) , (4.33)

oùSij =

12

(ui,j + uj,i) et Ωij =12

(ui,j − uj,i) (4.34)

représentent respectivement les tenseurs des taux de déformation et de rotation moyens. De plus, IIa =aαβaαβ est le second invariant du tenseur d’anisotropie et la production d’énergie cinétique turbulente,Pk s’écrit :

Pk = −u′αu′βuα,β = −kaαβSα,β . (4.35)Les constantes du modèle, évaluées par Speziale et al. (1991), sont c1 = 1.7, c∗1 = 0.90, c2 = 1.05, c3 = 0.8,c∗3 = 0.65, c4 = 0.625 et c5 = 0.2.

Remarque : Comme le soulignent Speziale et al. (1991), ce modèle du terme de corrélation pres-sion/déformation ne peut satisfaire le principe d’invariance par changement de repère que si le tenseurde rotation présenté ci-dessus est remplacé par le tenseur de rotation absolue qui inclut une éventuellerotation du repère d’observation sous la forme :

Ωabsij = Ωij + eαjiΩrep

α , (4.36)

où eijm est le tenseur des permutations circulaires et Ωrepi le taux de rotation du repère d’observation

dans la ième direction. Cette remarque est également vraie pour les équations de transport de contraintesturbulentes auxquelles doivent être ajoutés les termes liés à la force de Coriolis. Le cas des repères enrotation n’est pas été abordé dans la présente étude.

L’ensemble des termes dépendants des quantités fluctuantes (autres que les contraintes turbulentes)étant modélisés, une résolution numérique du système des équations de Navier-Stokes en moyenne coupléesaux sept équations du modèle de turbulence au second ordre peut être envisagée. Comme le rapportentChassaing (2000) et Durbin & Pettersson Reif (2001), l’utilisation d’une fermeture au second ordre conduitgénéralement à une meilleure prédiction des propriétés physiques de la turbulence, et en particulier à unecapture plus réaliste de l’anisotropie des contraintes turbulentes normales. Néanmoins, un point importantest que la plupart de ces modèles ont été calibrés dans des configurations d’écoulement homogènes souventstationnaires et que leur validité doit être examinée en détail pour des écoulements massivement décolléset fortement instationnaires.

Dans la section suivante, une alternative à la modélisation au second ordre fondée sur l’introductiond’une loi constitutive des contraintes turbulentes est présentée.

58

Page 16: Bourguet2

3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence

3.2 Modèles au premier ordre linéaires fondés sur une viscosité de turbulence

Afin d’estimer les corrélations doubles des fluctuations de vitesse apparaissant dans les équations deNavier-Stokes en moyenne, les approches “au premier ordre” se fondent sur l’introduction d’une loi consti-tutive reliant les contraintes turbulentes aux grandeurs physiques moyennes. La relation linéaire proposéepar Boussinesq (1877) par analogie avec la loi de Newton pour les contraintes d’agitation moléculaire,s’exprime comme suit :

− u′iu′j +23kδij = νt (ui,j + uj,i) , (4.37)

où le coefficient scalaire νt est appelé “viscosité de turbulence” ou “viscosité turbulente”. Cette loi consti-tutive relie ainsi linéairement les contraintes turbulentes au tenseur des taux de déformation moyens. Lasimplicité de cette relation ne va pas sans un certain nombre de limitations propres à cette approche etqui justifient le développement de relations constitutives étendues qui seront présentées aux § 3.3 et 4.

Afin de pouvoir utiliser la relation de Boussinesq (1877) pour la fermeture des équations de Navier-Stokes en moyenne, une estimation de la viscosité de turbulence est indispensable. Une analyse dimen-sionnelle de la viscosité de turbulence montre que cette quantité peut s’écrire :

νt = Cµul, (4.38)

où u et l représentent respectivement les échelles de vitesse et de longueur de “l’agitation turbulen-te” (Chassaing, 2000) alors que Cµ est une constante sans dimension appelée coefficient de diffusivitéturbulente. De nombreuses approches ont été imaginées pour estimer ces échelles caractéristiques de laturbulence à modéliser. Outre les fermetures algébriques initialement développées dans les années 1920-1930, la plupart des méthodes actuellement utilisées se fondent sur le transport, via des équations auxdérivées partielles supplémentaires, de nouvelles quantités physiques. Dans cette section, certaines ap-proches généralement mises en œuvre dans ce contexte sont présentées. Par ailleurs, dans l’optique de laprédiction d’écoulements turbulents pariétaux, des modèles spécifiques incluant des lois d’amortissementde la turbulence dans les régions de proche-paroi sont également détaillés. Enfin, les modifications ap-portées aux modèles à deux équations dans le cadre de l’approche OES, ainsi que les implications de cesmodifications sur la DES, sont décrites.

Modèles à une équation de transport

Les modèles incluant une nouvelle variable physique évaluée grâce à une équation de transport spéci-fique conduisent à la simulation d’une des deux échelles de la turbulence à modéliser et à la modélisationde la seconde. Ainsi par exemple, le modèle de Glushko (1965), consiste en une équation de transport del’énergie cinétique turbulente et une estimation empirique de l’échelle de longueur caractéristique de laturbulence l de telle sorte que la viscosité de turbulence puisse être évaluée comme suit :

νt = Cµ√kl avec Cµ = 1. (4.39)

Le modèle de Spalart & Allmaras (1992) est la fermeture à une équation de transport la plus largementutilisée en raison de sa simplicité d’implantation et de sa robustesse. L’équation additionnelle portedirectement sur la viscosité de turbulence qui est donc la nouvelle variable du système. L’équation detransport établie par Spalart & Allmaras (1992) grâce à l’analyse dimensionnelle est la suivante :

ν,t + uαν,α = cb1Sν +1ρ

(((ν + ν) ν,α),α + cb2ν,αν,α

)− cω1fω

ν2

d2. (4.40)

La viscosité de turbulence est calculée ainsi :

νt = νfv1 avec fv1 =χ3

χ3 + c3v1

et χ =ν

ν. (4.41)

De plus,

S =√

2ΩαβΩαβ +ν

κ2d2fv2 avec fv2 = 1− χ

χ+ fv1. (4.42)

59

Page 17: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

Spalart & Allmaras (1992) introduisent la fonction d’amortissement fω qui doit annuler le terme dedestruction en dehors de la couche limite :

fω = g

(1 + c6ω3

g6 + c6ω3

) 16

, (4.43)

où g limite la valeur de fω :

g = r + cω2

(r6 − r) avec r =

ν

Sκ2d2. (4.44)

Ainsi, r et fω sont égaux à 1 dans la région logarithmique de la couche limite et décroissent à l’extérieur.Les constantes préconisées par les auteurs sont cb1 = 0.1355, cb2 = 0.622, κ = 0.41, σ = 2/3, cω1 =cb1/κ

2 + (1 + cb2)/σ et cω2 = 0.3.Malgré un nombre important de constantes et de fonctions d’amortissement empiriques, le modèle

de Spalart & Allmaras (1992) est généralement considéré comme un compromis convenable entre lesapproches algébriques et les modèles à deux équations présentés dans la section suivante. Par ailleurs,cette fermeture turbulente est également le modèle sous-jacent des approches DES et DDES dans leurversion originale.

Modèles à deux équations de transport

Les modèles de fermeture à deux équations de transport conduisent à la simulation de deux variablesphysiques “turbulentes” complémentaires permettant ainsi une évaluation des deux échelles caractéris-tiques de la turbulence à modéliser. D’une manière générale, la première variable turbulente considé-rée est l’énergie cinétique turbulente k. Cela se justifie par le fait qu’une contraction de l’équation detransport des contraintes turbulentes conduit à une équation de transport pour k ; équations dont cer-tains termes doivent néanmoins être modélisés. Concernant la seconde variable turbulente, le choix de lapseudo-dissipation conduit aux modèles k − ε alors que le choix de l’échelle caractéristique de fréquencetemporelle conduit aux modèles k − ω. D’autres approches sont rapportées dans la littérature, notam-ment les modèles k−ω2, k−l où l est l’échelle de longueur de la turbulence à modéliser ou encore k−k×l...

Quel que soit le modèle considéré, une première étape consiste à définir une équation de transportpour l’énergie cinétique turbulente. L’équation exacte issue de l’équation de transport des corrélationsdoubles des fluctuations de vitesse s’écrit :

k,t + uαk,α = −u′αu′βuα,β −((

p′

ρ+ k

)u′α

),α

+ νk,αα − νu′α,βu′α,β . (4.45)

En considérant la loi de Boussinesq (4.37), le terme de production est modélisé de la manière suivante :

− u′αu′βuα,β = νt (uα,β + uβ,α)uα,β . (4.46)

Le terme de diffusion turbulente est modélisé par une forme en gradient généralisé de telle sorte que :

−(p′

ρ+ k

)u′i =

νtσkk,i, (4.47)

où σk est le nombre de Prandtl d’énergie cinétique turbulente supposé constant et dont les valeurs diffèrentd’un modèle à l’autre.

Enfin, le terme de dissipation peut être évalué grâce à la seconde variable turbulente :

− νu′α,βu′α,β = ε = Cdk3/2

l, (4.48)

où Cd est une constante sans dimension et l une longueur représentative de l’échelle caractéristique desstructures énergétiques à modéliser.

Dans le cas où la pseudo-dissipation est considérée comme seconde variable turbulente, la viscosité deturbulence s’exprime ainsi :

νt = Cµk2

ε, (4.49)

60

Page 18: Bourguet2

3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence

où Cµ est une constante du modèle. Une équation de transport doit être dérivée pour ε. Ce point a déjàété abordé dans le contexte de la modélisation au second ordre mais dans le cas présent une étape demodélisation supplémentaire est introduite étant donné que les contraintes turbulentes sont approchéespar la loi de Boussinseq. D’une manière générale, l’équation de transport de ε est de la même forme quecelle de k (Chassaing, 2000) :

ε,t + uαε,α = Production + Diffusion−Destruction. (4.50)

Ainsi, le terme de production est inspiré de celui de l’équation de k :

Production = Cε1Cµk (uα,β + uβ,α)uα,β . (4.51)

Un schéma de type gradient est adopté pour le terme de diffusion visqueuse :

Diffusion =((

ν +Cµk

2

εσε

)ε,α

),α

. (4.52)

Le terme de dissipation est généralement modélisé comme suit :

Destruction = −Cε2 ε2

k. (4.53)

Cε1, Cε2 et σε sont des constantes du modèle.

Le modèle obtenu par ces différentes modélisations est le modèle à deux équations de Jones & Launder(1972) qui peut être résumé comme suit :

k,t + uαk,α =Cµk

2

ε(uα,β + uβ,α)uα,β +

((ν +

Cµk2

εσk

)k,α

),α

− ε, (4.54)

ε,t + uαε,α = Cε1Cµk (uα,β + uβ,α)uα,β +((

ν +Cµk

2

εσε

)ε,α

),α

− Cε2 ε2

k, (4.55)

νt = Cµk2

ε, (4.56)

avecCµ = 0.09, Cε1 = 1.44, Cε2 = 1.92, σk = 1.0 et σε = 1.3. (4.57)

Cette fermeture semble représenter le modèle à deux équations “standard” pour la modélisation d’écou-lements à grands nombres de Reynolds. Pour la prédiction d’écoulements pariétaux autour de surfacesportantes à des nombres de Reynolds de l’ordre de 105 − 106, de multiples versions de ce modèle ontété proposées, notamment via l’adjonction de lois d’amortissement de la turbulence près des parois. Unexemple de ces fermetures “bas-Reynolds” est le modèle k − ε de Chien (1982) :

k,t + uαk,α = νt (uα,β + uβ,α)uα,β +((

ν +νtσk

)k,α

),α

− ε− 2νky2n

, (4.58)

ε,t + uαε,α = Cε1f1νtε

k(uα,β + uβ,α)uα,β +

((ν +

νtσε

)ε,α

),α

− Cε2f2ε2

k− 2νε

y2n

exp(−y

+

2

), (4.59)

νt = Cµfµk2

ε, (4.60)

avecCµ = 0.09, Cε1 = 1.44, Cε2 = 1.92, σk = 1.0 et σε = 1.3 (4.61)

et

f1 = 1, f2 = 1− 0.22exp

(−k

2/ (εν)2

36

)et fµ = 1− exp

(−0.0002 y+ − 0.000065 y+2), (4.62)

61

Page 19: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

où y+ = ynUτ/ν est une distance non-dimensionnelle à la paroi. yn est la distance normale à la paroi etUτ la vitesse de friction à la paroi.

Dans ce modèle, de nouveaux termes de destruction apparaissent dans les équations de k et ε. Ces dis-sipations supplémentaires sont issues de développements limités des différentes quantités turbulentes à laparoi et ont pour objectif un meilleur comportement asymptotique notamment pour la pseudo-dissipation.Des fonctions d’amortissement issues de calibrations sont également introduites. En particulier, une fonc-tion d’amortissement de la viscosité de turbulence à la paroi est considérée. Comme cela a été soulignépar Jin & Braza (1994) dans le cas de l’écoulement autour d’un profil d’aile à forte incidence, ce type delois est nécessaire pour une prédiction rigoureuse en proche-paroi par un modèle à deux équations.

Lorsque la fréquence caractéristique des processus turbulents à modéliser ω = ε/(Cµk) est considéréecomme seconde variable physique turbulente, la viscosité de turbulence s’exprime comme suit :

νt =k

ω. (4.63)

Comme l’indique Chassaing (2000), l’obtention d’une équation de transport pour la fréquence ω est toutaussi délicate que pour la pseudo-dissipation et par conséquent une stratégie analogue est mise en œuvre enconsidérant une forme d’équation prototype inspirée de l’équation de k. La fermeture “haut-Reynolds”10généralement considérée comme référence est le modèle de Wilcox (1988) :

k,t + uαk,α =k

ω(uα,β + uβ,α)uα,β +

((ν +

kσ?

ω

)k,α

),α

− Cµkω, (4.64)

ω,t + uαω,α = α (uα,β + uβ,α)uα,β +((

ν +kσ

ω

)ω,α

),α

− βω2, (4.65)

avecσ? = 0.5, σ = 0.5 , Cµ = 0.09, α = 5/9 et β = 3/40. (4.66)

Contrairement aux modèles k − ε pour lesquels des conditions de Dirichlet homogènes peuvent êtreprescrites sur les parois solides (k = 0 et ε = 0), la condition de paroi théorique pour la fréquencecaractéristique est ω → ∞ (Wilcox, 1988). Dans la pratique, plusieurs stratégies peuvent être adoptéespour prescrire une valeur finie à cette quantité sur la paroi et le choix d’une approche particulière s’avèreavoir des effets similaires à l’introduction d’une fonction d’amortissement de la viscosité de turbulenceprès de la paroi dans les modèles k − ε. Ainsi, les modèles k − ω ne nécessitent généralement pas deloi d’amortissement supplémentaire et semblent donc présenter, dans la région proche, un comportementplus universel que les modèles k − ε “bas-Reynolds”. En tenant compte de cette remarque et du fait queles modèles k − ω s’avèrent, contrairement aux modèles k − ε, sensibles à la définition des conditions del’écoulement lointain (Menter, 1992), Menter (1993, 1994) suggère de définir un modèle mixte à deuxéquations, possédant les caractéristiques d’une fermeture k − ω près des obstacles et celles d’un modèlek − ε dans le champ lointain. Ce modèle nommé k − ω Baseline (BSL) s’exprime comme suit :

k,t + uαk,α =k

ω(uα,β + uβ,α)uα,β +

((ν +

kσ?

ω

)k,α

),α

− Cµkω, (4.67)

ω,t + uαω,α = α (uα,β + uβ,α)uα,β +((

ν +kσ

ω

)ω,α

),α

− βω2 + 2 (1− F1)σω1ωk,αω,α. (4.68)

Outre l’ajout d’un terme de couplage entre k et ω, la spécificité de ce modèle réside dans l’évaluation desconstantes empiriques mises en jeu qui sont telles que, pour chaque constante c :

c = F1c1 + (1− F1) c2, (4.69)

où c1 et c2 représentent respectivement les constantes des modèles de Wilcox (1988) précédemmentdétaillées et celles du modèle k− ε transformé en k−ω selon Menter (1993). Les constantes de ce secondmodèle sont celles du modèle k − ε de Launder & Sharma (1974) :

σ? = 1, σ = 0.856, σω = 0.856, Cµ = 0.09, α = 0.44 et β = 0.0828. (4.70)10“Haut-Reynolds” signifiant ici sans loi d’amortissement à la paroi, par opposition aux modèles “bas-Reynolds”.

62

Page 20: Bourguet2

3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence

De plus, la fonction de mélange des deux modèles est définie comme suit :

F1 = tanh

(min

(max

( √k

Cµωy,

500νωy2

),

4σωkCkωy2

))4 , (4.71)

où y est la distance normale à la paroi et

Ckω = max(

2ρσω1ωk,αω,α, 10−10

). (4.72)

Ayant constaté une surestimation de la viscosité de turbulence en proche-paroi, Menter (1994) proposeune version modifiée du modèle BSL sous la forme du modèle k − ω Shear-Stress Transport (SST) quiredéfinit la viscosité turbulente de la manière suivante :

νt =a1k

max (a1ω,ΩF2), (4.73)

où Ω désigne la norme de Frobenius du tenseur des taux de rotation moyens, a1 = 0.31 et

F2 = tanh

(max

(2√k

Cµωy,

500νωy2

))2 . (4.74)

La constante associée au terme de diffusion de l’équation de l’énergie cinétique turbulente dans le premiermodèle (Wilcox, 1988) est modifiée σ? = 0.85. Le modèle ainsi obtenu s’avère relativement polyvalentet robuste quelle que soit la configuration considérée sans nécessiter d’adaptation particulière comme enattestent les études comparatives menées dans le cadre des programmes européens FLOMANIA (Haaseet al., 2006) et DESIDER (Peng & Haase, 2008).

Les modèles à deux équations de transport fondés sur la relation constitutive linéaire de Boussinesq(1877) sont les fermetures turbulentes les plus largement utilisées. Ces modèles sont généralement pré-férés en raison d’une certaine facilité d’implantation, d’un surcoût numérique raisonnable par rapportaux modèles au second ordre et surtout d’une grande robustesse, permettant d’envisager la simulationd’écoulements complexes sans modification ou calibration de constantes empiriques. Néanmoins, commele souligne Chassaing (2000) et malgré de nombreux développements récents, ces approches souffrentd’un grand nombre de limitations. Si l’équation de l’énergie cinétique turbulente dérive directement deséquations des contraintes turbulentes, la schématisation de l’équation de transport associée à la secondevariable turbulente (pseudo-dissipation, fréquence caractéristique..) est une difficulté et l’empirisme del’expression retenue une faiblesse de la méthode. Cette remarque est également valable pour les modèlesau second ordre. Par ailleurs, dans le cas de la modélisation au premier ordre, la relation constitutivelinéaire ne permet pas une restitution fiable de certaines propriétés locales de la turbulence telles que l’ani-sotropie des contraintes ou l’apparition de régions de productions d’énergie cinétique turbulente négative.Pour pallier ces dernières limitations, des approches fondées sur des lois constitutives étendues peuventêtre considérées (§ 3.3 et 4). Dans la section suivante est abordée la reconsidération des fermetures aupremier ordre dans le contexte de l’approche de modélisation statistique avancée OES.

Reconsidération des échelles caractéristiques dans le contexte OES

L’approche Organised Eddy Simulation présentée au § 2.4 se fonde sur une décomposition des quan-tités physiques via une moyenne statistique conditionnelle et non une moyenne d’ensemble comme lesméthodes RANS/URANS. L’objectif est ainsi la simulation des processus cohérents ou organisés et lamodélisation des effets des processus chaotiques sur les structures résolues par des fermetures turbulentesadaptées. Lorsque l’opérateur de séparation des processus aléatoires est la moyenne de phase, il a étémontré précédemment que les équations de Navier-Stokes en moyenne sont les mêmes que dans le cas del’approche URANS. Par ailleurs, comme illustré sur la figure 4.2, la présence d’évènements cohérents d’unpoint de vue spatio-temporel dans l’écoulement conduit à une modification significative de la pente duspectre d’énergie cinétique turbulente par rapport au cas de la turbulence en équilibre. Afin de prendreen compte ce phénomène traduisant le caractère hors-équilibre de la turbulence et parvenir à une modéli-sation efficace de l’ensemble du spectre d’énergie cinétique turbulente associée aux processus chaotiques,

63

Page 21: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

une reconsidération des modèles de fermeture URANS est indispensable (Braza et al., 2006). Plus pré-cisément, en conservant la même approche de fermeture des équations moyennes que précédemment parl’introduction d’une relation constitutive des contraintes turbulentes, ce sont les échelles caractéristiquesde la turbulence à modéliser qui doivent être réévaluées. Les développements rapportés dans cette sec-tion notamment ceux concernant la modification de la relation constitutive se fondent sur l’hypothèse delinéarité Boussinesq. Une modification de cette relation est proposée dans le cadre de cette thèse commecela est présenté au § 4.

Une première modification concerne la réévaluation de la constante de diffusivité turbulente Cµ mise enjeu dans la relation constitutive (4.37). Dans le contexte de l’approche RANS, ce coefficient a initialementété évalué expérimentalement comme suit. Dans le cas où la viscosité de turbulence s’exprime commeνt = Cµk

2/ε (fermeture à deux équations k − ε), l’expression du cisaillement turbulent en couche limiteturbulente bidimensionnelle plane conduit à l’expression suivante :

Cµ =ε

k2

−u′1u′2u1,2

. (4.75)

Dans une région d’équilibre où production et dissipation d’énergie cinétique turbulente sont égales, ilapparaît que :

− u′1u′2u1,2 = ε et par conséquent Cµ =

(u′1u′2

)2

k2. (4.76)

Les résultats expérimentaux de Bradshaw et al. (1967) montrent que dans une couche limite turbulenteà incidence nulle le rapport u′1u′2/k est sensiblement constant et égal à ≈ 0.3, ce qui conduit à la valeurusuelle du coefficient de diffusivité turbulente Cµ = 0.09. Dans le cas d’un écoulement hors-équilibre, enparticulier en présence d’un gradient de pression adverse, cette estimation conduit à une surévaluationde la viscosité de turbulence. En effet, Rodes (1999) et Hoarau (2002), proposent une détermination dela valeur de la constante de diffusivité turbulente grâce à la modélisation au second ordre en utilisant lemodèle de Launder et al. (1975) dans l’écoulement autour d’un profil d’aile de type NACA0012 à 20o

d’incidence pour un nombre de Reynolds égal à 105. La prédiction du tenseur des contraintes turbulentespermet d’accéder à l’énergie cinétique turbulente sans invoquer l’hypothèse de Boussinesq (1877) et lapseudo-dissipation est prédite via une équation auxiliaire comme cela a été présenté précédemment. Ensupposant une relation linéaire entre les contraintes turbulentes et le tenseur des taux de déformationmoyens (relation de type Boussinesq), une “viscosité de turbulence équivalente” νt peut alors être obtenueet conduire à une estimation du coefficient de diffusivité turbulente : Cµ = νtε/k

2. Les valeurs obtenuespour ce coefficient dans le proche sillage apparaissent relativement constantes et de l’ordre de 0.02. Cetype d’analyse a été mené par différents auteurs (Cazalbou & Bradshaw, 1993, notamment) et conduitsystématiquement à une diminution de la valeur standard de la constante Cµ. Dans la pratique la valeuradoptée dans le cadre des approches OES fondées sur une relation constitutive linéaire est :

CµOES = 0.02. (4.77)

Cette réévaluation a conduit à une amélioration significative des capacités prédictives des modèles de tur-bulence à deux équations de transport, notamment pour la simulation d’écoulements fortement détachésautour de surfaces portantes à forte incidence comme rapporté dans la thèse de Hoarau (2002).

L’introduction de nouvelles fonctions d’amortissement de la turbulence en proche-paroi fait égalementpartie de la reconsidération des modèles initialement calibrés dans le contexte de la turbulence en équilibre.Ainsi, des lois d’amortissement adaptées à l’approche OES ont été développées par Jin (1994), Rodes(1999) et Hoarau (2002) notamment sur la base de simulations numériques directes. Dans le cadre decette étude, la loi d’amortissement proposée par Jin & Braza (1994) pour l’écoulement autour d’un profild’aile à forte incidence est utilisée. Cette fonction d’amortissement s’exprime comme suit :

fµ(y+)

= 1− exp(−0.0002 y+ − 0.000065 y+2

), (4.78)

où, comme précédemment, y+ = ynUτ/ν est une forme adimensionnelle de la distance normale à la paroiyn, Uτ étant la vitesse de friction.

64

Page 22: Bourguet2

3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence

Les développements menés, dans le cadre de cette thèse, quant à l’élaboration d’une loi constitutivemodifiée dans le contexte de l’approche OES, sont détaillés au § 4.

En ce qui concerne l’approche de modélisation hybride DES, la méthodologie OES peut égalementconduire à une modification des échelles caractéristiques de la turbulence. Ainsi, lorsqu’un modèle k − ωest mis en œuvre dans le cadre de cette approche (DES k − ω), l’échelle de longueur de la turbulence àmodéliser peut être reconsidérée de la manière suivante, en remplaçant l’échelle RANS par l’échelle OES :

lDES = min

( √k

CµOESω,CDES∆

)(4.79)

où ∆ représente la plus grande dimension du volume de discrétisation local et CDES est une constante dumodèle. Des résultats de simulation DES OES sont présentés au § 4.

Afin de pallier certaines limitations de l’hypothèse linéaire de Boussinesq (1877), des modèles incluantdes relations constitutives enrichies peuvent être considérés. Les approches généralement mises en œuvrepour établir ces nouvelles lois de comportement de la turbulence sont présentées dans la section suivante.

3.3 Modèles non-linéaires et algébriques explicitesLes approches au premier ordre décrites dans la section précédente se fondent sur l’hypothèse de Bous-

sinesq (1877) qui introduit une relation de colinéarité entre les tensions turbulentes et le tenseur des tauxde déformation moyens via une viscosité de turbulence scalaire. Cette approche, très largement utilisée,peut conduire à des prédictions convenables dans des configurations d’écoulement simples. Néanmoinscette loi constitutive présente un certain nombre de limitations. La dépendance linéaire des contraintesturbulentes vis-à-vis du tenseur de déformation ne permet pas de capturer efficacement l’anisotropie destensions normales, y compris dans des configurations de référence telles que l’écoulement de couche limiteturbulente (Bradshaw, 1973). Cette relation linéaire peut conduire à une prédiction erronée des quantitésturbulentes, en particulier dans les régions de brusques modifications du tenseur de déformation. Parexemple, une surproduction d’énergie cinétique turbulente non physique peut être observée au niveau dupoint d’arrêt dans l’écoulement autour d’une aile, cette région correspondant à un lieu de déformationintense (Jin & Braza, 1994). L’hypothèse de Boussinesq (1877) conduit à imposer la colinéarité des di-rections principales du tenseur d’anisotropie des contraintes et du tenseur de déformation, ainsi qu’unerelation de proportionnalité entre leurs valeurs propres. Cette hypothèse forte concernant les relationsgéométriques entre contrainte et déformation s’avère fausse dans nombre d’écoulements non-homogènescomme cela sera présenté dans la section suivante sur la base de résultats expérimentaux. Enfin, commele soulignent Gatski & Jongen (2000), la prise en compte du seul terme de déformation dans cette rela-tion constitutive est également une faiblesse quant à la capture d’effets liés à une rotation imposée del’écoulement par exemple.

Dans ce contexte, des lois constitutives enrichies fondées sur l’introduction de termes d’ordres su-périeurs ont été proposées. Ces extensions non-linéaires de la relation de Boussinesq (1877) conduisentessentiellement à une représentation explicite des contraintes turbulentes à partir des tenseurs de rotationet de déformation et de termes dits de “mémoire” tels que la dérivée d’Oldroyd. Dans la pratique, unedécomposition générique sur une base unique de tenseurs peut être définie et les approches proposéesdiffèrent par la méthode de détermination du poids relatif de chaque terme mis en jeu dans la loi consti-tutive. D’un point de vue général, l’approche Non-Linear Eddy Viscosity Model (NLEVM) se fonde surdes considérations d’invariance par changement de repère, de réalisabilité des contraintes modélisées, ainsique sur des calibrations à partir de résultats théoriques ou expérimentaux connus. L’approche ExplicitAlgebraic Stress Model (EASM) se fonde en priorité sur une dégénération de modèles au second ordrepour l’estimation de ces poids. Une représentation schématique de la complexité relative des approchesau premier ordre non-linéaires par rapport aux autres méthodologies est proposée sur la figure 4.3. SelonGatski & Jongen (2000), les NLEVM constituent une généralisation de la loi linéaire alors que les EASMsont déduits de la modélisation au second ordre dont ils constituent un cas particulier.

Dans cette section, la forme générale des lois constitutives non-linéaires est détaillée. En particulier, lescontraintes à satisfaire par un modèle des tensions turbulentes sont exposées, ainsi que leurs conséquencessur la relation constitutive. Enfin, quelques exemples de modèles non-linéaires fréquemment mis en œuvresont présentés.

65

Page 23: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

Fig. 4.3 – Représentation schématique des différentes approches de fermeture fondées sur les corrélationsen un point selon leur complexité et leur réalisme physique, d’après Gatski & Jongen (2000).

Méthodologie générale - base tensorielle

Une représentation du tenseur des contraintes turbulentes est recherchée sous la forme d’une combi-naison linéaire de tenseurs indépendants construits à partir des tenseurs de rotation et de déformation.La forme générale de cette approximation s’écrit de la manière suivante11 :

a =∞∑i=1

ciTi avec aij =

u′iu′j

k− 2

3δij , (4.80)

où a désigne le tenseur d’anisotropie des contraintes turbulentes12. En adoptant le même cheminementque Pope (1975), les tenseurs T i sont formés par combinaison des tenseurs S et Ω qui représententrespectivement les tenseurs des taux de déformation et de rotation moyens normalisés définis commesuit :

Sij =τ

2(ui,j + uj,i) et Ωij =

τ

2(ui,j − uj,i) . (4.81)

τ est une échelle de temps caractéristique de la turbulence égale à τ = k/ε dans le cas où un modèle àdeux équations de transport de type k− ε est utilisé conjointement à la loi constitutive non-linéaire. Lescoefficients ci dépendent des invariants formés à partir des tenseurs S et Ω.

En utilisant le théorème de Cayley-Hamilton, Pope (1975) montre que la base tensorielle recherchée

11Pour plus de clarté dans l’écriture de la décomposition, la notation matricielle est ici adoptée12Il s’agit de la forme adimensionnelle et de trace nulle du tenseur des contraintes.

66

Page 24: Bourguet2

3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence

comprend dix éléments indépendants dans le cas tridimensionnel :

T 1 = S T 6 = Ω2S + SΩ

2 − 23

tr(SΩ

2)I

T 2 = S2 − 1

3tr(S

2)I T 7 = ΩSΩ

2 − Ω2SΩ

T 3 = SΩ− ΩS T 8 = SΩS2 − S2

ΩS

T 4 = Ω2 − 1

3tr(Ω

2)I T 9 = Ω

2S

2+ S

2 − 23

tr(S

2)I

T 5 = ΩS2 − S2

Ω T 10 = ΩS2Ω

2 − Ω2S

2Ω. (4.82)

De plus, cinq invariants indépendants peuvent être construits à partir des tenseurs de rotation et défor-mation normalisés :

tr(S

2), tr

2), tr

(S

3), tr

2S), et tr

2S

2). (4.83)

La représentation tensorielle du tenseur d’anisotropie des contraintes (4.80) peut donc s’écrire :

a =10∑i=1

ciTi, (4.84)

où les ci sont des coefficients dépendants éventuellement des invariants détaillés ci-dessus et qui doiventêtre déterminés. Dans le cas bidimensionnel, la base comprend trois tenseurs indépendants et deux inva-riants indépendants peuvent être définis.

En se limitant aux relations constitutives quadratiques, les modèles rencontrés dans la littératures’écrivent généralement sous la forme suivante :

a =4∑i=1

ciTi + b

(DS − 1

3tr(DS

)I

), (4.85)

où b est un coefficient à déterminer et D désigne la dérivée d’Oldroyd définie pour tout tenseur A par :

DAij = Aij,t − uαAij,α − ui,αAαj − uj,αAαi. (4.86)

Le dernier terme de la décomposition (4.85) est introduit par Speziale (1987) par analogie aux termespermettant de prendre en compte les effets de mémoire en rhéologie. Les modèles non-linéaires quadra-tiques proposés dans la littérature diffèrent ainsi les uns des autres par la définition des coefficients deprojection des contraintes turbulentes sur la base tensorielle. Lorsque c1 = −2Cµ, ci = 0 pour i > 1 etb = 0, l’expression (4.85) conduit au modèle linéaire de Boussinesq (1877).

Contraintes à satisfaire par une relation constitutive des tensions turbulentes

Les représentations algébriques des tensions turbulentes doivent a priori satisfaire trois contraintesfondamentales (Durbin & Pettersson Reif, 2001) :

– Consistance dimensionnelle et homogénéité : la relation considérée doit pouvoir s’écrire sous formetensorielle et adimensionnelle. Ce point doit être nécessairement vérifié pour que le modèle puisseêtre considéré comme général et applicable à diverses configurations d’écoulement. La notion d’ho-mogénéité (ou homogénéité formelle) traduit le fait que le modèle doit posséder les mêmes propriétéstensorielles (symétrie, trace nulle, ...) que la quantité qu’il représente.

– Réalisabilité : la condition de réalisabilité ou “vraisemblance” assure que le modèle ne génère pas derésultats non physiques. Elle contraint essentiellement les tensions normales à des valeurs positivesou nulles quel que soit le système de coordonnées dans lequel le tenseur des contraintes est exprimé.Pour cela, Schumann (1977) montre que les conditions suivantes doivent être satisfaites :

u′iu′j ≥ 0, u′iu

′i u′ju′j ≥ u′iu′j

2et det (R) ≥ 0 avec Rij = u′iu

′j . (4.87)

Ces contraintes reviennent à imposer que le tenseur modélisé soit semi-défini positif (Schumann,1977) et donc que ses valeurs propres soient positives ou nulles. Dans la pratique, peu de modèles

67

Page 25: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

assurent la réalisabilité des contraintes turbulentes au sens strict. Cependant, pour des conditionsd’écoulement “classiques” (notamment des taux de déformation modérés), la plupart des modèles,y compris le modèle linéaire, sont réalisables. La réalisabilité du modèle des tensions turbulentesdans n’importe quelle situation physique peut être utilisée pour déterminer des relations entre lescoefficients de la décomposition (4.85) comme dans le cas du modèle non-linéaire de Shih et al.(1993) qui sera présenté par la suite. Enfin, la notion de réalisabilité au sens faible revient à assurerla positivité de l’énergie cinétique turbulente k = 1/2u′αu′α sans que les contraintes normales soientnécessairement toutes positives.

– Objectivité : l’objectivité ou indépendance du modèle par rapport au repère d’observation se traduitpar la consistance de la relation constitutive par rapport à un changement de repère, même sice nouveau repère est non-galiléen. Plus précisément, un repère non-galiléen étant défini par lescoordonnées x? relativement au repère fixe x comme suit :

x? (t) = Q (t)x+ b (t) , (4.88)

où Q est un tenseur orthogonal traduisant la rotation13 du repère et b sa translation, un tenseurd’ordre 2, A, est dit objectif par définition, si :

A? (x?) = QA (x) tQ, (4.89)

où A? désigne l’expression du tenseur A dans le repère mobile. De même, un scalaire s et un vecteurv sont dit objectifs si :

s? (x?) = s (x) et v? (x?) = Qv (x) . (4.90)

Comme l’a démontré Speziale (1979), les contraintes turbulentes issues de la moyenne d’ensemble (etdonc de la moyenne de phase) des équations de Navier-Stokes sont objectives et par conséquent, lamodélisation de ce tenseur doit également vérifier cette propriété. La non-objectivité du gradient devitesse se démontre simplement ainsi que l’objectivité du tenseur de déformation et des fluctuationsde vitesse. L’échelle de temps τ = k/ε est objective en tant que quotient de deux quantités scalairesobjectives14. Dans la pratique, la représentation des tensions turbulentes doit être objective. Enconsidérant le tenseur de rotation absolue incluant la rotation du repère :

Ωabsij = Ωij + τeαjiΩrep

α , (4.93)

où eijm est le tenseur des permutations circulaires et Ωrepi le taux de rotation du repère d’obser-

vation, la décomposition (4.85) incluant la dérivée de Oldroyd qui est indépendante du repère estobjective. Il faut néanmoins que les différents coefficients s’expriment comme des combinaisons desinvariants des tenseurs de déformation et rotation ou d’autres quantités objectives, ce qui consitueune contrainte supplémentaire. L’invariance galiléenne est un cas particulier de la transformationnon-inertielle considérée qui sera vérifiée de fait.

Une dernière contrainte éventuelle est la satisfaction par la relation constitutive du principe d’in-différence matérielle ou Principle of Material Frame Indifference (PMFI). C’est un point délicat. Lesdifférents modèles fondés sur la décomposition (4.85) ne satisfont pas en général ce principe qui exprimel’invariance de la forme de la relation constitutive lorsque le repère d’observation est modifié. En effet,le tenseur de rotation absolue étant considéré, ces lois non-linéaires dépendent du repère d’observationet seul le modèle linéaire et le modèle de Speziale (1987) qui ne font pas apparaître le tenseur de ro-tation respectent le PMFI. La nécessité de vérifier ou non ce principe dans le cadre de la modélisationdes contraintes turbulentes a fait l’objet de nombreuses controverses dans la littérature. Brièvement, leséquations des contraintes turbulentes issues des équations de Navier-Stokes en moyenne sont dépendantesdes termes inertiels de Coriolis et donc du repère d’observation comme le souligne Speziale (1979, 1981)

13Ainsi, tQQ = QtQ = I et det (Q) = 1.14L’énergie cinétique turbulente exprimée dans le repère mobile s’écrit :

k? =1

2tr (R?) =

1

2tr(QRtQ

)=

1

2tr (R) = k donc k est objective. (4.91)

En ce qui concerne la pseudo-dissipation :

ε? = νtr ((∇u′)? t (∇u′)?) = νtr (Q∇u′tQQt∇u′tQ) = νtr ((∇u′) t (∇u′)) = ε et ε est également objective. (4.92)

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Page 26: Bourguet2

3. Modèles de fermeture dans le cadre d’une modélisation statistique de la turbulence

et par conséquent ne peuvent satisfaire le PMFI. Néanmoins, cette constatation ne semble pas permettrede conclure quant à l’applicabilité du PMFI à la modélisation des contraintes turbulentes car selon Wang(1997), les notions d’objectivité et d’indifférence matérielles ne sont pas pertinentes pour des équationsissues d’un bilan de forces et n’ont de sens que du point de vue de la description des propriétés phy-siques des matériaux (ou de la turbulence). Ainsi, Wang (1997) considère que la relation constitutive descontraintes turbulentes doit satisfaire le PMFI et propose un modèle indépendant du tenseur de rotation.A l’inverse, Spalart & Speziale (1999) concluent de ces travaux que le PMFI ne peut pas s’appliquer auxmodèles de turbulence. En effet, il semble que dans nombre d’écoulements pariétaux, le taux de turbu-lence soit plus lié au tenseur de rotation qu’au tenseur de déformation. De plus, le fait que les directionsprincipales des tenseurs de déformation et des contraintes turbulentes soient les mêmes dans le modèleproposé par Wang (1997) est en désaccord avec l’expérience comme cela sera illustré par la suite. Spalart& Speziale (1999) montrent ainsi que l’application du PMFI à la modélisation de la turbulence conduità des effets non physiques.

La prise en compte des trois règles fondamentales énoncées dans cette section donne lieu à un grandnombre de modèles non-linéaires et algébriques explicites dans la littérature, quelques exemples sontproposés dans la section suivante.

Exemples de modèles de fermeture non-linéaires

Shih et al. (1993) puis Shih et al. (1995) proposent un modèle non-linéaire quadratique fondé sur la basetensorielle (4.85). En considérant la condition de réalisabilité au sens strict dans le cas d’écoulements enexpansion et contraction axisymétriques, une série de relations sont établies entre les différents coefficientsde la décomposition tensorielle en s’appuyant sur l’évolution asymptotique de la première tension normaleen fonction de l’intensité de la déformation

√SαβSαβ . De plus, un argument15 issu de la théorie de la

distorsion rapide ou Rapid Distortion Theory (RDT) en turbulence homogène soumise à une rotationrapide sans cisaillement conduit à négliger le tenseur T 4. En effet, la RDT montre que dans ces conditions,la turbulence isotrope ne subit pas d’effet lié à la rotation moyenne (Mansour et al., 1991). Les constantesindéterminées du modèle sont ensuite calibrées sur la base de deux configurations d’écoulement simuléesnumériquement : un écoulement en rotation soumis à un cisaillement homogène et un écoulement en canal(Shih et al., 1995). En adoptant la notation de la décomposition (4.85), les coefficients du modèle de Shihet al. (1995) s’expriment comme suit :

c1 = −2Cµ, c2 = c4 = 0, c3 = −2C2 et b = 0. (4.94)

Le coefficient de diffusivité de turbulence utilisé pour définir la viscosité de turbulence νt = Cµk2/ε est

variable :

Cµ =1

A0 +AsUkε

et C2 =

√1− 9C2

µ

(Skε

)C0 + 6Skε

Ωkε

, (4.95)

oùA0 = 6.5, As =

√6cos (Φ) , Φ = arcos

(√6Ω), C0 = 1, (4.96)

etS =

√SαβSαβ , Ω =

√ΩαβΩαβ , U =

√S2 + Ω2. (4.97)

Dans la pratique, cette relation constitutive est couplée au modèle k − ε standard de Jones & Launder(1972). L’expression non-linéaire des contraintes turbulentes proposée par Shih et al. (1995) présentel’avantage de satisfaire strictement la condition de réalisabilité y compris pour des écoulements fortementdéformés.

Afin d’introduire un effet de mémoire qui fait défaut aux relations linéaires et non-linéaires classiquesfondées sur des combinaisons des tenseurs de déformation et rotation instantanées, par rapport auxmodèles au second ordre, Speziale (1987) avait proposé, antérieurement au modèle de Shih et al. (1993), unNLEVM quadratique incluant la dérivée d’Oldroyd du tenseur de déformation. Ce modèle “visco-élastique”s’exprime comme suit dans la base (4.85), les constantes additionnelles étant calibrées expérimentalement :

c1 = −2Cµ, c2 = −4CDC2µ c3 = c4 = 0, b = −4CEC2

µ avec cµ = 0.09 et CD = CE = 1.68. (4.98)

15Cet argument n’est pas pris en compte dans Shih et al. (1993) ce qui conduit à un modèle légèrement différent.

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Page 27: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

Cette approche, couplée à un modèle à deux équations k − l (Mellor & Herring, 1973) améliore signi-ficativement la prédiction d’écoulements en canal turbulent et de marche descendante (Speziale, 1987)par rapport à la loi constitutive linéaire. Néanmoins, comme le remarque Chassaing (2000), ce modèle nerend pas mieux compte de l’expérience de retour à l’isotropie d’une turbulence initialement anisotropepuisqu’aucune anisotropie n’est prédite par le modèle en l’absence de vitesse de déformation moyenne.De plus ce modèle n’est pas réalisable dans des conditions de fortes déformations.

Le principal défaut des deux modèles présentés précédemment est le nombre de constantes et fonctionsarbitraires introduites et calibrées dans des configurations d’écoulement types. D’une manière générale,ce point constitue la limitation majeure de l’approche NLEVM.

Afin de limiter le nombre de constantes empiriques à déterminer par calibration, la méthodologieEASM consiste à déduire des expressions algébriques explicites des contraintes turbulentes à partir deséquations de transport de modèles au second ordre. Une première étape dans le développement de cestechniques fut le passage du système d’équations de transport à une formulation algébrique implicite selonla forme proposée par Rodi (1972, 1976). Pour cela une hypothèse d’“équilibre faible” ou weak equilibrium(Gatski & Jongen, 2000, par exemple) est invoquée sous la forme :

aij + uαaij,α = 0, (4.99)

ainsi qu’une hypothèse concernant le comportement anisotrope du terme diffusif dans les équations detransport des contraintes turbulentes :

Dij =u′iu′j

kDk, (4.100)

où Dij et Dk représentent respectivement les termes de diffusions visqueuse et turbulente associés à u′iu′jet k. Ces deux hypothèses conduisent à une expression algébrique mais implicite du tenseur d’anisotropiedes contraintes turbulentes. Selon Gatski & Jongen (2000), la résolution directe de ces relations implicitesest délicate et peut s’avérer coûteuse numériquement dans le cas de configurations physiques complexes.Pour cette raison, différentes versions explicites de ces expressions ont été proposées. Pope (1975) sembleêtre le premier à avoir dérivé une forme explicite de ces expressions algébriques dans le cas bidimensionnelsur une base composée de trois tenseurs indépendants. Le modèle au second ordre dégénéré est celui deLaunder et al. (1975). Les coefficients du modèle de Pope (1975) s’expriment comme suit :

c1 = c3 = −12c2 = − 3 (C2 − 2/3) (1− C3)

D (C3 − 2) (C1 − 1 + P/ε)et c4 = b = 0, (4.101)

avec

D = 3− 2η2 − 6ζ2, η =(1− C3) k/ε

√SαβSαβ

2 (C1 − 1 + P/ε)et ζ =

(1− C4) k/ε√

ΩαβΩαβ2 (C1 − 1 + P/ε)

. (4.102)

P désigne le terme de production d’énergie cinétique turbulente et les constantes mises en jeu sont cellesdu modèle de Launder et al. (1975) :

P = −u′αu′βuα,β , C1 = 1.5, C2 = 0.4, C3 = 0.875 et C4 = 0.655. (4.103)

En suivant le même cheminement, Gatski & Speziale (1993) proposent une généralisation de ce modèle aucas tridimensionnel pouvant inclure comme modélisation du terme de corrélation pression/déformationles approches de Launder et al. (1975) et Speziale et al. (1991) où les termes quadratiques sont négligés.

La loi constitutive fondée sur ce dernier modèle conduit à une prédiction efficace des écoulements decanal dans des repères en rotation comparativement à des résultats de LES et expérimentaux. La mé-thodologie mise en œuvre pour expliciter l’expression algébrique du tenseur d’anisotropie des contraintesturbulentes est formalisée par Jongen & Gatski (1998) sous forme d’une projection de Galerkin de cetterelation implicite sur la base tensorielle.

Les différentes approches proposées dans le contexte de la modélisation au premier ordre via des loisconstitutives non-linéaires peuvent améliorer de manière notable la capture des propriétés physiques descontraintes turbulentes notamment la prédiction de l’anisotropie des tensions normales. Les approchesEASM semblent présenter un caractère plus universel que les NLEVM car elles sont directement issues

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Page 28: Bourguet2

4. Modèle OES à viscosité de turbulence tensorielle

de la modélisation au second ordre16. Il est cependant important de noter que les hypothèses considéréespour définir une expression algébrique de l’équation des tensions turbulentes sont contraignantes, en par-ticulier l’hypothèse d’équilibre local (4.99) qui ne correspond pas nécessairement au domaine applicatifdes modèles considérés, comme le souligne Gatski & Jongen (2000).

Dans la section suivante, une alternative aux modèles non-linéaires ne nécessitant pas de telles hypo-thèses de travail est proposée pour améliorer la capture des propriétés structurales de la turbulence tellesque les non-linéarités entre les tenseurs des contraintes turbulentes et de déformation.

4 Modèle OES à viscosité de turbulence tensorielleEn tenant compte des limitations des modèles fondés sur l’hypothèse de Boussinesq (1877) et de celles

des modèles non-linéaires, une méthode de fermeture des équations de Navier-Stokes en moyenne fondéesur une loi constitutive modifiée est proposée. Les développements effectués dans ce sens dans le contextede la modélisation OES ont fait l’objet d’une analyse préliminaire publiée dans le cadre de cette thèse(Bourguet et al., 2007b). L’étude rapportée dans cette section a été consignée dans un article publiérédigé en langue anglaise (Bourguet et al., 2008). Il est ici retranscrit dans sa version originale17 et descompléments sont présentés au § 4.8.

16D’une manière générale, le modèle de corrélation pression/déformation du modèle au second ordre est linéarisé pourobtenir une expression algébrique linéaire, ce qui représente néanmoins une hypothèse supplémentaire.

17Les notations qui diffèrent par rapport à ce qui précède sont systématiquement définies dans le corps du texte.

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Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

Anisotropic Organised Eddy Simulation

for the prediction of non-equilibrium turbulent flows

around bodies

R. Bourguet1, M. Braza1, G. Harran1 and R. El Akoury1

1Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse, Allée du Pr. C. Soula, 31400 Toulouse, France

The unsteady turbulent flow around bodies at high Reynolds number is predicted by an anisotropiceddy-viscosity model in the context of the Organised Eddy Simulation (OES). A tensorial eddy-viscosityconcept is developed to reinforce turbulent stress anisotropy, that is a crucial characteristic of non-equilibrium turbulence in the near-region. The theoretical aspects of the modelling are investigated bymeans of a phase-averaged PIV in the flow around a circular cylinder at Reynolds number 1.4 × 105. Apronounced stress-strain misalignment is quantified in the near-wake region of the detached flow, that iswell captured by a tensorial eddy-viscosity concept. This is achieved by modelling the turbulence stressanisotropy tensor by its projection onto the principal matrices of the strain-rate tensor. Additional trans-port equations for the projection coefficients are derived from a second-order moment closure scheme.The modification of the turbulence length scale yielded by OES is used in the Detached Eddy Simu-lation hybrid approach. The detached turbulent flows around a NACA0012 airfoil (2-D) and a circularcylinder (3-D) are studied at Reynolds numbers 105 and 1.4× 105 respectively. The results compared toexperimental ones emphasise the predictive capabilities of the OES approach concerning the flow physicscapture for turbulent unsteady flows around bodies at high Reynolds numbers.

4.1 IntroductionThe accurate prediction of the unsteady loads induced by the interaction of turbulent flows with solid

walls at high Reynolds number is a crucial issue in fluid-structure simulation. Since Direct NumericalSimulations of Navier-Stokes equations are still limited to low Reynolds numbers, the most popularapproaches consist in splitting the physical variables into resolved and modelled parts and in simulatingonly mean quantities issued from an averaging or filtering procedure. The Large Eddy Simulation (LES)approach is based on a spatial filtering and leads to a distinction between resolved and modelled flowstructures according to their size. Concerning wall flows, LES is still limited in the moderate Reynoldsnumber range (Davidson et al., 2003). As a consequence, statistical approaches, as Unsteady ReynoldsAveraged Navier-Stokes (URANS), are widespread and robust methodologies for the prediction of complexwall flows. However, classical URANS approaches use the same length and time scales of turbulence asin equilibrium flows in the sense of Kolmogorov’s statistical theory and are characterised by excessiveturbulence production rates that often attenuate and damp unsteady instability modes (Jin & Braza, 1994;Durbin & Pettersson Reif, 2001). The benefits of URANS in near-regions and of LES in farther detachedones are associated in hybrid approaches. Especially, the Detached Eddy Simulation (DES, Travin et al.(2000)) does not need specified interfaces that create major defects in other hybrid approaches. DESattempts, as other approaches, to minimise excessive turbulence production rates in non-equilibriumturbulence regions and therefore avoiding damping of vortex structures that usually occurs by usingclassic URANS (Haase et al., 2006). However, standard DES often produces spurious separation regionsbecause of equilibrium assumptions for the turbulence scales in the URANS regions. This creates highphysical incoherences in matching the turbulence length scale with the LES regions (Haase et al., 2006;Peng & Haase, 2008).

To improve these aspects concerning the statistical and hybrid approaches, the Organised Eddy Simu-lation (OES) methodology can be considered (Bouhadji et al., 2002; Braza et al., 2006). OES distinguishesthe structures to be resolved from those to be modelled on the basis of their organised (resolved part) orchaotic character (modelled part). The modelling of this part can be achieved by reconsidered URANSapproach in respect of modified turbulence scales, by means of an appropriate physical modelling ofthe turbulent stresses. This has been achieved by using Differential Reynolds Stress transport Modelling(DRSM) to evaluate the eddy-diffusivity coefficient used in OES two-equation modelling (Bourdet et al.,

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Page 30: Bourguet2

4. Modèle OES à viscosité de turbulence tensorielle

2007). Therefore, this approach takes the benefits from DRSM and avoids its difficulties, mainly relatedto a numerically unstable character of the second-order closures and on their high computational cost.

This paper presents an improved modelling of the turbulent stresses in OES. Previous developmentsin OES had adopted Boussinesq behaviour law (Boussinesq, 1877). In the present study, a tensorial eddy-viscosity concept is developed, by taking into account physical characteristics of a directional stress-strainmisalignment. This approach is complementary to the attempts of modifying turbulence constitutive lawsby means of scalar eddy-viscosity and by the use of higher-order tensors combining strain and vorticitytensors (Non-Linear Eddy-Viscosity Models, NLEVM, or Explicit Algebraic Stress Models, EASM, (Pope,1975; Shih et al., 1993; Gatski & Speziale, 1993; Speziale & Xu, 1996), for instance). By the presentapproach, the lack of universality due to evaluation of new constants for the higher-order tensors inrespect of the flow studied is avoided. The present paper is composed as follows. In section 4.2, a physicalanalysis of stress-strain relations is performed on the basis of a detailed high Reynolds PIV experimentconcerning the incompressible flow past a circular cylinder at Reynolds number 1.4× 105 (Perrin et al.,2007b). In section 4.3, a methodology based on a directional eddy-viscosity concept is presented tocapture stress-strain non-linearities yielding a new turbulent stress constitutive law. Transport equationsfor the new state variables involved in this constitutive law are derived. The predictive capabilities of thisapproach are examined in section 4.4 by means of numerical simulation around a NACA0012 airfoil at20o of incidence and Reynolds number 105. The ability of OES approach to improve DES is assessed bya numerical simulation of the incompressible three-dimensional flow past a circular cylinder compared toprevious experimental results.

4.2 Physical analysis of turbulent stress-strain relation in the near-regionThe relation between turbulent stress and mean strain-rate tensors are investigated on the basis of a

detailed PIV experiment in the incompressible flow past a circular cylinder at high Reynolds number. Theexperiment has been carried out in the wind tunnel S1 of IMFT in the context of DESIDER Europeanprogram. A complete description concerning the experimental setup and measurement techniques havebeen reported in Perrin et al. (2007b). Only the main characteristics of the configuration are recalled here.The channel has a 670× 670mm2 cross section and the cylinder of diameter D = 140mm spans the widthof the channel without endplates. It has a diameter D of 140mm, giving an aspect ratio L/D = 4.8 anda high blockage coefficient D/H = 0.208, where L and H are channel width and height respectively. Theupstream velocity at the center of the channel is 15m/s. The Reynolds number based on the upstreamvelocity and on the cylinder diameter is 1.4× 105. The free-stream turbulence intensity, measured by hotwire in the inlet is 1.5%. Three-component PIV has been performed (Perrin et al., 2007b). The test-sectionplan has been considered at half distance spanwise and located in the near-wake region. The measurementdomain is x1/D ∈ [0.6, 2.28] and x2/D ∈ [−0.52, 0.7]. Phase-averaged decomposition is performed, dueto the quite pronounced periodic character of the flow in respect of von Kármán vortex shedding. TheLinear Stochastic Estimation has been employed to phase the three-component PIV snapshots (Perrinet al., 2007b). In the following, all experimental quantities are phase-averaged and non-dimensional. Thephase-average decomposition is expressed as follows : U inst

i = 〈U insti 〉+ ui, where U inst

i are instantaneousvelocity components, 〈·〉 denotes phase-averaging operator and ui are velocity fluctuations. 〈uiuj〉 arethe turbulent stresses. This experimental database enables a precise monitoring of phase-averaged andturbulent fields as Fig. 4.4 illustrates it. Therefore, this study can be used in the context of OES, asdescribed in section 4.3. Phase-averaged normal and shear turbulent stresses and turbulent kinetic energy(k = 1/2〈uαuα〉) are represented at a given phase angle (ϕ = 50o). Greek subscripts are used to specifyimplicit summations. A high level of turbulent kinetic energy is shown in the coherent structure regions aswell as in high shear flow ones (Fig. 4.4(a)). In vortex advection region, the highest values of the normalstresses 〈uiui〉 are located near the center of the coherent structures (Fig. 4.4(b)) whereas high valuesof turbulent shear stress are reached near saddle points (Fig. 4.4(c)). In the very near-wake region, highvalues of shear and normal stresses are observed in the shear layers, as expected.

Boussinesq law assumes a linear relation between turbulent stress and mean strain-rate tensors. Thiscan be written as follows, under incompressibility assumption :

− 〈uiuj〉k

+23δij = −aij = 2

νtkSij with νt =

Cµk2

ε, (4.104)

where δij is Kronecker symbol. a denotes turbulent stress anisotropy tensor which is the tracelessand non-dimensional form of turbulent stresses. S is the mean strain-rate tensor, defined by Sij =

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Page 31: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

Fig. 4.4 – Iso-contours of phase-averaged (a) turbulent kinetic energy, (b) normal 〈u1u1〉, (c) shear 〈u1u2〉turbulent stresses at phase angle ϕ = 50o. In (a) velocity streamlines are superimposed.

1/2 (∂Ui/∂xj + ∂Uj/∂xi), where Ui = 〈U insti 〉. The scalar eddy-viscosity νt is expressed by means of the

turbulence length and time scales. ε is the turbulent kinetic energy dissipation rate and Cµ denotes aneddy-diffusivity coefficient. a and S being real symmetrical tensors, their eigenvectors form orthogonalbasis. These are classified according to the corresponding eigenvalue decreasing magnitudes, λai and λSidenoting −a and S ith eigenvalues respectively. In the following, vai and vSi are ith eigenvectors of −aand S. The previously described phase-averaged PIV enables to access the complete anisotropy tensorbut only strain tensor components which do not involve spatial gradients in x3 direction. In the following,two-dimensionality assumption is made, taking into account the experimental setup symmetry. The anglebetween the first principal directions of the strain and anisotropy tensors is quantified at given phaseangles (Fig. 4.5). The main coherent vortex regions are illustrated in Fig. 4.5 by a positive value of Qcriterion, Q = 1/2

((∂Uα/∂xα)2 − (∂Uα/∂xβ) (∂Uβ/∂xα)

)(Hunt et al., 1988).

Fig. 4.5 – Iso-contours of the angle between the first principal directions of −a and S at three givenphase angles : (a) ϕ = 50o, (b) ϕ = 140o and (c) ϕ = 230o. Iso-lines of Q criterion (bold lines, dashedlines for Q < 0).

As noticed in a preliminary study (Bourguet et al., 2007b), a strong misalignment is observed inmany regions. This emphasises the limitations of the linear EVM assuming that the principal directionsof −a and S remain collinear. From a general point of view, strong non-collinearities appear near thevortex centre (x1/D = 1.1, x2/D = 0.15), (x1/D = 1.5, x2/D = 0.05) and (x1/D = 1.1, x2/D = 0)in Fig. 4.5(a), (b) and (c) respectively, as well as in high shear flow regions like in the upper shearlayer in Fig. 4.5(c). However, va1 and vS1 are also strongly misaligned in the near-wake region, close tox2/D = 0. The best alignment is reached in farther free-shear flow regions and near saddle points locatedby negative values of Q criterion, (x1/D = 1.3, x2/D = 0.5) in Fig. 4.5(b), for instance. The analysis ofhigh misalignment zones allows locating precisely the validity regions of the linear isotropic law. In theperspective of an improvement of a turbulent stress constitutive relation, these structural properties haveto be captured.

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Page 32: Bourguet2

4. Modèle OES à viscosité de turbulence tensorielle

4.3 Anisotropic OES modelling

The present study aims at providing an efficient and robust turbulence modelling methodology for theprediction of non-equilibrium turbulent flows around bodies at high Reynolds number (order of 106 orhigher). It is recalled that a pure Large Eddy Simulation approach would be prohibitive in this Reynoldsnumber range because it would involve very fine grids in the near-region. The statistical turbulencemodelling offers robustness of the simulations in this region at high Reynolds numbers but it has provena strong dissipative character that tends to damp crucial instabilities occurring in turbulent flows aroundbodies, as for example low frequency modes as von Kármán instability, buffet or flutter phenomenon.The Organised Eddy Simulation approach offers an alternative that combines robustness and capture ofthe above physical phenomena. This approach consists in splitting the energy spectrum in a first partthat regroups the organised flow structures (resolved part) and a second part that includes the chaoticprocesses due to the random turbulence (to be modelled). In the time-domain, the spectrum splittingleads to phase-averaged Navier-Stokes equations (Jin & Braza, 1994). A schematic illustration of the OESapproach is presented in Fig. 4.6.

Fig. 4.6 – Sketch of the energy spectrum splitting in OES : (a) energy spectrum, (b) coherent part(resolved) and (c) random, chaotic part (modelled). κc denotes coherent process wavenumber.

The turbulence spectrum to be modelled is extended from low to high wavenumber range and sta-tistical turbulence modelling considerations can be adopted inducing robustness properties. However,the use of standard URANS modelling is not sufficient in this case. In non-equilibrium turbulence, theinequality between turbulence production and dissipation rate modifies drastically the shape and slopeof the turbulence spectrum in the inertial range (Fig. 4.6), comparing to the equilibrium turbulence,according to Kolmogorov’s cascade (slope equals −5/3). This modification has been quantified by theexperimental study mentioned in section 4.2 (Braza et al., 2006). Therefore, the turbulence scales usedin standard URANS modelling have to be reconsidered in OES, to capture the effects due to the non-linear interaction between the coherent structures and the random turbulence. In the context of the OESapproach, a modification of the turbulence scales in two-equation models was achieved on the basis ofthe second-order moment closure (Launder et al., 1975; Bourdet et al., 2007). By using the Boussinesqlaw (4.104) as well as the dissipation rate and the turbulent stresses evaluated by DRSM, a reconsiderededdy-diffusivity coefficient was derived. It was shown that the Cµ values were lower (order of 0.02) thanthe equilibrium turbulence value (Cµ = 0.09) in two-equation modelling. Furthermore, the turbulencedamping near the wall needed also to be revisited because of the different energy distribution betweencoherent and random processes in non-equilibrium near-wall regions. A damping law with a less abruptgradient than in equilibrium turbulence was suggested, fµ = 1 − exp

(−0.0002 y+ − 0.000065 y+2)(Jin

& Braza, 1994). y+ = ynUτ/ν is a non-dimensional wall distance, yn is the distance perpendicular to thewall and Uτ the friction velocity. The efficiency of OES approach in 2-D and 3-D has been proven in anumber of strongly detached high Reynolds number flows, especially around wings (Hoarau et al., 2006),as well as in the context of Detached Eddy Simulation (El Akoury et al., 2008), as described in section4.4. In the present study, special attention is paid to the reinforcement of the turbulent stress anisotropyin the near-region by reconsidering the Boussinesq constitutive law.

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Page 33: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

Modelling of the turbulent stress anisotropy tensor

The previous analysis (section 4.2) concerning stress-strain non-linearity illustrates the need for ananisotropic constitutive law. To include these structural properties, each directional contribution of thestrain tensor is considered separately. A projection of the turbulence anisotropy tensor is performed ontothe strain-rate principal matrices. This projection, a, is investigated in the generic linear form :

aij = −CV αV αij with CV i = −aαβV iαβ and V iαβVjαβ = δij . (4.105)

Vi are 3× 3 symmetrical tensors. CV i denotes the projection of −a onto Vi. Under Boussinesq hypothe-sis, three tensors are considered (Vi = vSi vSi

T , where ·T denotes the transposition). The correspondingprojection coefficients are approximated by CV i ≈ 2νtλSi /k. In the present study, the same basis tensorsVi are retained. These matrices of rank 1 are called S principal matrices in the following. Contrary tolinear EVM, projection coefficients CV i are no more modelled but assumed to be predicted exactly asnew state variables by DRSM transport equations. The methodology suggested here aims at capturingdirectional properties of stress-strain misalignments leading to an anisotropic constitutive law. CV i pro-jection coefficients allow identification of directional misalignments (Fig. 4.7). These properties are notcaptured by the previous approaches.

Fig. 4.7 – Two cases of misalignment between turbulent stress anisotropy and mean strain-rate tensoreigenbasis.

Expression (4.105) with Vi = vSi vSiT ensures that the modelling of the anisotropy tensor is symme-

trical and traceless since CV α = 0. Moreover, the turbulent kinetic energy production term has the sameform as in DRSM :

Pk = −kaαβSαβ = −kaαβSαβ . (4.106)

From expression 4.106, positive or even negative turbulent kinetic energy production regions are expec-ted to be faithfully predicted, that is not the case when using linear EVM (Carpy & Manceau, 2006, forexample). As a consequence of the projection subspace chosen here, the eigenvectors of a are also eigen-vectors of the strain tensor. The contribution of each principal matrix of the strain tensor is modulatedaccording to the projection coefficient in each space direction. As shown in Fig. 4.8, the values of CV i arereduced in misalignment regions that reduces the influence of Vi, whereas they remain maximum whenthe principal directions are aligned.

The projection coefficients are the eigenvalues of a. Therefore, no proportionality relation is assumedbetween stress and strain tensors as in linear EVM. This means that the sorting of a and S eigenvectorsmay be different. Other basis tensors can be considered, especially those issued from NLEVM. Theprincipal matrices of the strain tensor are retained here because these allow deriving transport equationsfor CV i coefficients as described in Appendix A (§ 4.6).

Tensorial eddy-viscosity concept and constitutive law

The suggested modelling (4.105) for the turbulent stress anisotropy tensor can be expressed as aneddy-viscosity model by means of a generalisation of the scalar eddy-viscosity concept towards a tensorialdefinition νtt :

(νtt)ij = (νtd)α Vαij with (νtd)i =

CV i2λSi

k. (4.107)

76

Page 34: Bourguet2

4. Modèle OES à viscosité de turbulence tensorielle

Fig. 4.8 – Iso-contours of the first projection coefficient CV 1 at two given phase angles, (a) ϕ = 50o

and (b) ϕ = 140o. −a (dashed) and S (solid) first principal directions are superimposed to locate highmisalignment regions. Iso-contour of Q criterion Q = 1 is represented by dark grey lines.

(νtd)i is a directional eddy-viscosity vector. Furthermore, the following definition of an anisotropic eddy-diffusivity coefficient can be suggested by an extension of the scalar Cµ definition, Cµi = CV i/ (2ηi).The quantities ηi = kλSi /ε can be regarded as directional expressions of η = k ‖S‖/ε that is the ratio ofturbulent and mean flow time scales which emphasises the non-equilibrium turbulence regions (Speziale& Xu, 1996). The linear EVM behaviour law can be generalised as follows :

− 〈uiuj〉+23kδij = 2Siα (νtt)αj = 2 (νtd)α S

αij with Smij

i = λSmVmij . (4.108)

This anisotropic constitutive law involves the elements of a spectral decomposition applied to the meanstrain-rate tensor, whose respective weights are determined by (νtd)i. Expression (4.108) leads to thefollowing generalisation of the averaged Navier-Stokes momentum equations :

DUiDt

=∂

∂xα

((νδαβ + (νtt)αβ

)( ∂Ui∂xβ

+∂Uβ∂xi

)− 2

3kδiα

)− 1ρ

∂P

∂xi, (4.109)

where ρ, P and ν are fluid density, pressure and kinematic viscosity respectively. The tensorial eddy-viscosity enables a selective reduction of the influence of one (or more) elements of the strain-rate tensorwith respect to the corresponding physical alignment (or misalignment) between the associated principaldirections. Moreover, if a perfect alignment is observed in a region of equilibrium turbulence (isotropicstrain), the tensorial expression leads to a classical Boussinesq-like scalar model. A realisability condi-tion of the present constitutive law can be established. The normal stresses have to remain positive, fori = 1, 2, 3, 〈uiui〉 ≥ 0. This leads to the following relation : CV αV αii ≤ 2/3. A sufficient condition to ensurethe model realisability is thus CV i ≤ 2/3, for i = 1, 2, 3.

A comparison between normal and shear stress anisotropy components evaluated from the PIV expe-riment and from modelling via (4.108) and measured strain tensor is presented in Fig. 4.9. The modelledquantities present a good agreement with the experiment for both normal and shear stresses, despite slightdifferences in shear flow regions downstream of the separation, where the experimental uncertainties areincreased. This is achieved by examining the complete phase-averaged fields at given phase angles. InAppendix A and B (§ 4.6 et 4.7), a closure scheme including transport equations for the prediction ofCV i coefficients is presented.

4.4 Numerical simulation of strongly detached flows around bodiesThe present model has been implemented in the Navier-Stokes Multi-Block (NSMB) code. The NSMB

solver is a numerical software of NSMB consortium solving the finite volume Navier-Stokes equations(Vos et al., 1998). Various levels of numerical schemes and turbulence modelling closures, including DES,are implemented in NSMB. In the present study, only low Mach number flows (Ma < 0.2) that can beregarded as incompressible are considered. In the following simulations, the space scheme is a second-ordercentral scheme. The time scheme is a second-order backward dual time stepping scheme with constant

77

Page 35: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

Fig. 4.9 – Comparison between turbulent ((a) and (c)) normal and ((b) and (d)) shear stress anisotropyobtained directly from the PIV experiment ((a) and (b)), and those evaluated via expression (4.105) ((c)and (d)) at phase angle ϕ = 50o.

CFL parameters and varying physical time-step (∆t ≈ 5 × 10−3s). Solid-wall boundary conditions areimposed on the body surfaces as well as on channel walls in the cylinder test-case. Characteristic variableconditions with extrapolation in time are used on the far-field frontiers and Dirichlet conditions at theinlet. The numerical over-cost induced by the computation of the strain tensor eigen-elements at eachspatial point and each timestep has been quantified in the following two-dimensional case. This representsapproximately 15−20% of the total computation time comparing to a standard linear two-equation model.Two strongly detached flows are examined.

Numerical simulation of the turbulent flow around a NACA0012 airfoil at high incidenceand Reynolds number 105

The low subsonic flow past a NACA0012 airfoil at 20o of incidence and upstream Mach number 0.18 issimulated by the present turbulence modelling. The results are compared with experiment (Berton et al.,2002a) and other turbulence models. The Reynolds number based on the chord length and the free-streamvelocity is 105. The computational grid is a C-type mesh of 256 × 81 nodes. The flow develops a vonKármán instability and a strong vortex detachment from the leading edge. In Fig. 4.10, instantaneousturbulent quantities are represented. Fig. 4.10(a) shows the iso-contours of the turbulent kinetic energysuperimposed to the streamlines. The turbulent kinetic energy has its maximum values in the shearlayers downstream of the separation. It can be noticed that there is no over-production of this quantityupstream of the body as is the case in most eddy-viscosity models, with a consequent over-prediction ofdrag coefficient. This is achieved by an inherent local reduction of the eddy-viscosity by means of thepresent modelling (Fig. 4.10(b)). In Fig. 4.10(b) the directional eddy-viscosity has not been multipliedby the damping function fµ (cf. Appendix B, § 4.7).

An efficient prediction of the time-averaged aerodynamic coefficients is shown by the comparison withthe experiment (Table 4.1). This is achieved by a physically correct prediction of the turbulent kineticenergy, especially near the separation point. A number of simulations have been carried out with URANSmodels (k-ε Chien (Chien, 1982), k-ω SST (Menter, 1994)) as well as with the OES k-ε scheme in 2-D and3-D, using linear eddy-viscosity modelling. Concerning URANS, both lift (CL) and drag (CD) coefficients

78

Page 36: Bourguet2

4. Modèle OES à viscosité de turbulence tensorielle

Fig. 4.10 – Iso-contours of (a) turbulent kinetic energy and streamlines and of (b) the eddy-viscosity(νtd)1. In (b), iso-lines of Q criterion are superimposed (Q = −6,−2, 2, 6, negative values are denotedby dashed lines).

are over-predicted by two-dimensional simulations. Concerning isotropic OES, the 3-D simulation showsan improvement. The anisotropic OES presents a good agreement with experimental data. Relative errorsare < 2.5% for the lift coefficient and < 2% for the drag coefficient. Fig. 4.11 presents the predictionof the velocity in the recirculation region on the upper side of the airfoil by the present OES approach.A significant agreement with the experiment is achieved in this non-equilibrium region. These resultsindicate the ability of the present approach to efficiently predict strongly detached turbulent flows.

Tab. 4.1 – Comparison between time-averaged aerodynamic coefficients issued from experiments (Bertonet al., 2002a) and numerical simulations based on first-order closure schemes.

Experiment k-ε Chien k-ω SST Iso. OES k-ε 2-D Iso. OES k-ε 3-D AOES k-ε (present)CD 0.32 0.33 0.365 0.36 0.33 0.325CL 0.75 0.80 0.87 0.86 0.70 0.77

Fig. 4.11 – Comparison between experimental (Berton et al., 2002a) and numerical time-averaged velocityprofiles (a) U1 and (b) U2 at half chord-length distance (x1/C = 0.508) on the upper side of a NACA0012airfoil at 20o of incidence and Re = 105.

Simulation of the flow around the “IMFT’s circular cylinder”, at Reynolds number 1.4× 105

The simulation of the circular cylinder flow in a confined environment (see blockage and aspect ratiosin section 4.2) is performed by using the OES approach in the context of the Detached Eddy Simulation(Travin et al., 2000). According to this hybrid approach, statistical turbulence modelling is used in thenear region, coupled with an LES modelling in the detached flow region. This is achieved by the samesystem of URANS equations by choosing the turbulence length scale in each elementary fluid volume of

79

Page 37: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

the computational grid, according to the relation : lDES = min (lRANS, CDES∆). This turbulence lengthscale is employed in the dissipation term of the turbulent kinetic energy transport equation and hasas main result the increase of the dissipation rate with a consequent decrease of the turbulence eddy-viscosity. ∆ is the largest dimension of each elementary fluid volume cell considered. CDES is a constantof the model, evaluated by means of homogeneous isotropic turbulence. However, in the standard DESapproach, spurious separations may occur, even in equilibrium turbulence regions (Haase et al., 2006).This inconvenient occurs because of a physical incoherence between the RANS and the LES regions, dueto the fact that in standard DES, equilibrium turbulence RANS approaches are used. In the presentpaper, lRANS turbulence length scale can be derived by the OES approach, lDES = min (lOES, CDES∆)with lOES = k1/2/(Cµω) in case of two-equation k − ω (Wilcox, 1988) modelling, with CDES = 0.78.The OES k − ω two-equation model is used with Boussinesq hypothesis (isotropic OES) to evaluate theturbulence length scale in the DES/OES approach (El Akoury et al., 2008). Therefore, the present paperaims at improving the statistical part of DES.

The computational flow domain is the same as for the experimental study presented in section 2, toallow a rigorous comparison with the measurements. The 34-block mesh is of a reasonable size (2.4× 106

nodes) compared to the grid that would be necessary for a full LES simulation. The results from theDES/OES approach are thus compared to the experimental data as well as to results issued from astandard DES coupled with k − ω SST model (Menter, 1994), reported by Revell et al. (2008). Becauseof the fact that the present flow enters the critical regime (Braza et al., 2006), the transition pointis imposed at its averaged position, at the separation point. The instantaneous field of the transversevorticity shown in Fig. 4.12(a) illustrates the strong three-dimensional character of the von Kármán mode,interspersed by a multitude of resolved smaller 3-D structures. The dimensionless frequency (Strouhalnumber, St= fD/U∞) of the simulation is found 0.2, after FFT post-processing of the numerical results.This value is in good agreement with the experimental one (0.21). Owing to the physical reduction of theturbulence diffusion according to the OES approach, secondary instability modes of smaller wavelengthsthan the von Kármán one are well captured in the transverse direction. Furthermore, the shear layerinstability associated with Kelvin-Helmholtz vortices clearly appears in the separated shear layers oneach side of the cylinder, as shown in Fig. 4.12(b). It is noticeable that the majority of current modellingapproaches damp this kind of structures in the present high Reynolds number range. By tracking theKelvin-Helmholtz vortices in the time domain, the shear layer frequency is evaluated, fSL = 5.2. Theratio between this frequency and the Strouhal number of the von Kármán mode is therefore fSL/St = 26.

Fig. 4.12 – Simulation of the 3-D flow around the “IMFT’s circular cylinder” : instantaneous (a) iso-surfaces of the transverse vorticity ω3 and (b) iso-contours ofQ criterion at half-spanwise distance allowinga precise identification of Kelvin-Helmholtz instability.

Time-averaged quantities are shown in Fig. 4.13. The wall pressure coefficient simulated by means ofthe DES/OES method is close to the experimental one (Fig. 4.13(a)). In particular, the over-predictionof the low-pressure region upstream of the detachment (θ ≈ 72o) is reduced compared to DES k − ωSST approach and the detached region is better captured. A comparison between the mean longitudinalvelocity field issued from the experiment and from the DES/OES computation is presented in Fig. 4.13(b).A good agreement is reached. Moreover, a reliable prediction of the time-averaged drag coefficient isachieved by the DES/OES approach, CD = 1.43 (exp. CD = 1.44).

80

Page 38: Bourguet2

4. Modèle OES à viscosité de turbulence tensorielle

Therefore, the present study shows that the use of OES in the statistical part of DES allows animproved prediction of strongly detached turbulent flows around bodies at high Reynolds number. This isachieved owing to a better coherence between the non-equilibrium RANS turbulence length scale and theLES length scale in the virtual interface regions between URANS and LES, comparing to standard DESapproaches that use equilibrium turbulence RANS length scale. The results issued from the modificationof DES in the sense of the OES approach are promising, especially in the perspective of an integrationof the anisotropic OES modelling into hybrid methods.

Fig. 4.13 – Comparison between (a) the experimental and numerical time-averaged wall pressure coeffi-cient, (b) the time-averaged longitudinal velocity fields issued form PIV and from DES/OES simulation.

4.5 Conclusion

In the present study, an anisotropic Organised Eddy Simulation (OES) turbulence modelling has beendeveloped, based on a tensorial eddy-viscosity concept, for the prediction of highly detached unsteadyflows around bodies in the Reynolds number range 105 − 106. The non-equilibrium turbulence effects,especially stress-strain directional misalignments, have been taken into account in a first-order constitutivelaw founded on a tensorial eddy-viscosity. Three additional transport equations for the stress-strainprojection coefficients involved in this law has been derived from the Speziale, Sarkar and Gatski second-order moment closure (Speziale et al., 1991). The new transport equations are coupled with a two-equationmodel in which the anisotropic eddy-viscosity is used. The present modelling is proven efficient to simulatethe two-dimensional detached flow around a NACA0012 at Reynolds number 105 with a good agreementwith experiments. Furthermore, the OES approach has been successfully used in the URANS part ofthe hybrid Detached Eddy Simulation (DES), by adopting Boussinesq approximation as a first step. Thethree-dimensional DES/OES simulation of the flow around a circular cylinder in high blockage and aspectratios (the “IMFT’s circular cylinder” test case), at Reynolds number 1.4× 105 emphasises the efficiencyof the OES approach within DES for highly detached flows. The present modelling provides accuratelythe flow physics interaction with the solid wall, related to different classes of coherent structures in thenear region and especially to the von Kármán and to the Kelvin–Helmholtz instability modes downstreamof the separation, in the high Reynolds number range. Moreover, this is achieved by using reasonable gridsizes, an important issue for the design in fluid-structure interaction.

4.6 Appendix A. Transport equations for the stress-strain projection coeffi-cients

From the SSG DRSM (Speziale et al., 1991), three transport equations are derived for the CV icoefficients. In a general form, the DRSM can be expressed as follows :

D〈uiuj〉Dt

= Pij + Πij − εij +Dij . (4.110)

81

Page 39: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

The production term Pij is

Pij = −k(

43Sij + aiαSjα + ajαSiα + aiαΩjα + ajαΩiα

)with Ωij =

12

(∂Ui∂xj− ∂Uj∂xi

). (4.111)

The tensorial dissipation is approximated by the isotropic expression εij = 2/3εδij . The diffusion termDij contains viscous diffusion tensor Dν

ij and turbulent diffusion tensor Dtij defined as follows :

Dνij =

∂xα

(ν∂〈uiuj〉∂xα

)and Dt

ij =∂

∂xα(−〈uiujuα〉) . (4.112)

Dνij is computed exactly and Dt

ij is modelled by Daly & Harlow (1970) extended gradient model. Thepressure-strain term is modelled according to Speziale et al. (1991) :

Πij = − (c1ε+ c?1Pk) aij + c2ε

(aiαaαj − 1

3δijIIa

)+(c3 − c?3II

12a

)kSij (4.113)

+c4k(aiαSjα + aαjSiα − 2

3aβγSβγδij

)+ c5k (aiαΩjα + ajαΩiα) with IIa = aαβaαβ .

The constant values are given in Table 4.2.

Tab. 4.2 – Values of the constants in Speziale, Sarkar and Gatski DRSM (Speziale et al., 1991).

c1 c∗1 c2 c3 c∗3 c4 c51.7 0.90 1.05 0.8 0.65 0.625 0.2

The DRSM has been considered in its original version. The present approach can be regarded as ageneralisation of the Cas model (Revell et al., 2006) that uses a global correlation rate between stressand strain tensors in the constitutive law. The derivative of the turbulent stress anisotropy tensor can bewritten as follows :

DaijDt

=1k

(Pij + Πij − aij (Pk − ε)− 2

3Pkδij

)+Da

ij . (4.114)

Pk is the turbulent kinetic energy production defined in expression (4.106). The global diffusion term Daij

includes both DRSM and turbulent kinetic energy diffusion terms. The transport equations for CV i are :

DCV iDt

= −DaαβDt

V iαβ − aαβDV iαβDt

(4.115)

=(

43

+ c∗3II12a − c3

)V iαβSαβ + (2− 2c4)V iαβaαγSβγ −

c2ε

kV iαβaαγaγβ + (2− 2c5)V iαβaαγΩβγ

+ (1− c1)ε

kCV i + (1 + c∗1)CV iaαβSαβ +

c2IIaε

3k+

2 (c4 − 1)3

aαβSαβ − aαβDV iαβDt

+DCV i .

The diffusion term DCV i combines viscous and turbulent diffusion contributions and is approximated by :

DCV i =∂

∂xα

((νδαβ +

(νtt)αβσCV i

)∂CV i∂xβ

). (4.116)

σCV i coefficients are set to the value of one. Moreover the second term issued from the derivation of CV i,vanishes if the anisotropy tensor is replaced by its approximation, a : −aαβDV iαβ/Dt = 0.

4.7 Appendix B. Summary of the OES anisotropic first-order modelThree transport equations have been derived from DRSM to close the anisotropic constitutive law

defined by expression (4.108). These have been developed to be coupled with standard two-equationmodels since k and ε appear explicitly in the r.h.s. of equation (4.116). The corresponding anisotropicfirst-order closure scheme thus involves five equations in addition to the three momentum equations

82

Page 40: Bourguet2

4. Modèle OES à viscosité de turbulence tensorielle

(4.109) in the general three-dimensional incompressible case : two transport equations for k and ε andthree for CV i. The scalar eddy-viscosity is replaced by the tensorial one (4.107) in the whole system. TheOES turbulence damping function is used (Table 4.3). The anisotropic OES k − ε scheme thus consistsin solving equations (4.107),(4.108) and (4.116) jointly to the two following :

Dk

Dt=

∂xα

((νδαβ +

(νtt)αβσk

)∂k

∂xβ

)+ Pk − ε− 2νk

yn2, (4.117)

Dt=

∂xα

((νδαβ +

(νtt)αβσε

)∂ε

∂xβ

)+ cε1f1

ε

kPk − cε2f2

ε2

k− 2νεyn2

exp(−0.5y+

). (4.118)

Damping functions and constants are given in Table 4.3.

Tab. 4.3 – Damping functions and constant parameters of the present OES anisotropic model.

fµ f1 f2 cε1 cε1 σk σε

1− exp(−0.0002 y+ − 0.000065 y+2

)1 1− 0.22 exp

(−k2/(εν)2

36

)1.44 1.92 1 1.3

In the two-dimensional case, only three equations are needed for turbulence modelling since CV 2 =−CV 1.

4.8 Compléments à l’articleDans cette section, certaines propriétés du modèle à viscosité de turbulence tensorielle mentionnées

succinctement dans ce qui précède sont détaillées et démontrées. En particulier, les contraintes fonda-mentales énoncées au § 3.3 et qui doivent être satisfaites par toute relation constitutive des tensionsturbulentes sont analysées relativement au modèle développé. Une étude complémentaire du terme deproduction d’énergie cinétique turbulente modélisé est proposée sur la base des résultats expérimentauxévoqués précédemment. Enfin, un modèle incluant un critère scalaire de non-colinéarité entre les tenseursdes contraintes turbulentes et de déformation (Revell et al., 2006) est brièvement décrit ; ce modèle peutêtre considéré comme un cas particulier de la présente approche.

Homogénéité du modèle développé

Le modèle développé se fonde sur l’approximation du tenseur d’anisotropie des contraintes turbulentespar sa projection sur la base formée des matrices principales de déformation. Ces matrices principalessont construites à partir des vecteurs propres du tenseur de déformation telles que V i = vSi

tvSi et sontpar conséquent symétriques18. La projection du tenseur des contraintes turbulentes définie par :

a = −CV αV α, (4.119)

est donc également symétrique. Par homogénéité avec la quantité qu’elle représente, la projection dutenseur d’anisotropie doit de plus être de trace nulle. En considérant la définition des coefficients deprojection CV i = −aαβV i

αβ , cette propriété est vérifiée. En effet :

tr (a) = −tr (CV αVα)

= −CV α= tvSαav

= tr(tV aV

)avec V =

(vS1 v

S2 v

S3

)tel que tV V = V tV = I

= tr (a)= 0. (4.120)

Le modèle proposé assure donc l’homogénéité de la représentation de la quantité à approcher. Par ailleurs,le fait que CV α = 0, y compris dans le cas d’écoulements compressibles19, montre que seules deux

18tA désigne la transposée de A.19Le fait que a soit de trace nulle n’est pas lié à l’annulation de la divergence de la vitesse dans le cas incompressible

mais à l’orthogonalité des vecteurs propres de S et au fait que a est de trace nulle par définition.

83

Page 41: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

équations supplémentaires sont théoriquement nécessaires pour la prédiction des coefficients de projectionCV i.

Réalisabilité et objectivité

Comme cela a été énoncé au § 3.3, un modèle est réalisable si le tenseur des contraintes turbulentesissu de la loi constitutive correspondante est semi-défini positif, ou de manière équivalente, si ses valeurspropres sont positives ou nulles (Schumann, 1977; Durbin & Pettersson Reif, 2001). Le tenseur descontraintes exprimé en écriture matricielle R est modélisé comme suit :

R = k

(a+

23I

). (4.121)

Par conséquent, si λ est la plus petite valeur propre de R, la condition λ ≥ 0 conduit à la conditionsuivante sur la plus petite valeur propre de a, notée λa :

k

(λa +

23

)≥ 0. (4.122)

Or, les valeurs propres de a sont égales à −CV i pour i = 1, 2, 3. En supposant que l’énergie cinétiqueturbulente prédite par le modèle k − ε soit positive20, la condition de réalisabilité du modèle est :

CV i ≤23. (4.123)

Les résultats préliminaires présentés dans la section précédente montrent que cette contrainte est généra-lement satisfaite pour les configurations étudiées. D’un point de vue pratique, la réalisabilité du modèlepeut être assurée par l’introduction d’un limiteur sur les valeurs des coefficients de projection issus del’intégration du modèle.

En ce qui concerne l’objectivité de la relation constitutive développée dans cette étude, de même quedans le cas des modèles non-linéaires, il est nécessaire que les tenseurs constituant la base de projectionsoient objectifs. Ces tenseurs correspondent aux matrices principales du tenseur de déformation qui estobjectif et vérifient donc cette propriété. Plus précisément, les vecteurs propres de S exprimés dans unrepère non-galiléen tel que celui défini au § 3.3 s’écrivent :

vS?i = QvSi . (4.124)

Il est facile de vérifier que vS?i est le vecteur propre de S? = QStQ associé à la valeur propre λS?i = λSi .Par conséquent, les matrices principales de déformation sont objectives :

V i? = vS?itvS?i = QV itQ. (4.125)

L’objectivité des coefficients de projection CV i est liée à l’objectivité du tenseur d’anisotropie, en effet :

CV?i = −tr

(a?V i?

)= −tr

(QatQQV itQ

)= −tr

(aV i

)= CV i. (4.126)

La loi constitutive (4.105) est donc objective.

Comme dans le contexte de la modélisation au second ordre, le tenseur de rotation absolue doitêtre introduit dans les équations de transport des coefficients de projection, dans le cas où le repèred’observation est non-galiléen. Par conséquent, le présent modèle, de même que le modèle de Spezialeet al. (1991) dont il dérive, ne vérifie pas le PMFI.

Simplification des équations de transport des coefficients de projection et valeur sur la paroi

Le second terme issu de la dérivée totale des coefficients de projection CV i s’annule lorsque le tenseurd’anisotropie est remplacé par sa projection sur la base formée par les matrices principales de déforma-tion21, en effet, pour i = 1, 2, 3 :

aαβDV iαβDt

= −CV γV γαβDV iαβDt

, (4.127)

20Cela correspond à la condition de réalisabilité au sens faible qui est généralement vérifiée par les modèles de turbulence,au moins numériquement par l’ajout d’un limiteur.

21C’est ce qui est fait en pratique lors de la résolution, le “vrai” tenseur d’anisotropie n’étant pas connu.

84

Page 42: Bourguet2

4. Modèle OES à viscosité de turbulence tensorielle

or

V iαβDV jαβDt

= tr(V iDV

j

Dt

)= tr

(vSi

tvSiDvSj

tvSjDt

)

= tvSi vSj tr

(vSi

DtvSjDt

)+ tvSi

DvSjDt

tr(vSi

tvSj)

= 0. (4.128)

En effet,

si i 6= j, tvSi vSj = tr

(vSi

tvSj)

= 0 car les vecteurs propres sont orthogonaux, (4.129)

si i = j, tr(vSi

DtvSiDt

)= tvSi

DvSiDt

=12DtvSi v

Si

Dt= 0 car les vecteurs propres sont normés. (4.130)

D’un point de vue pratique, ce point constitue une différence significative vis-à-vis du modèle Cas pré-senté ci-dessous. Cette dernière approche nécessite en effet une estimation de la dérivée du tenseur dedéformation, alors que dans le cas présent, ce terme s’annule.

Par ailleurs, à ce stade de la présente étude, une condition de Dirichlet homogène est prescrite surles parois solides pour les coefficients de projection du tenseur d’anisotropie sur les matrices principalesde déformation. Ce choix se justifie par l’annulation du coefficient de projection à la paroi dans certainscas de référence, en particulier, en écoulement bidimensionnel dans un canal plan par exemple, lorsqueles directions principales de déformation sont orientées à 45o par rapport à l’écoulement. Dans ce casCV i = ±a12, et l’analyse asymptotique montre que a12 → 0 à la paroi (Chassaing, 2000). L’influence decette condition de frontière est toutefois limitée étant donné qu’une loi d’amortissement de la viscositéde turbulence à la paroi (fµ) est utilisée.

Production d’énergie cinétique turbulente négative

Le modèle proposé pour l’approximation du tenseur d’anisotropie des contraintes turbulentes conduità une représentation théoriquement exacte du terme de production d’énergie cinétique turbulente. L’ex-pression de ce terme (4.106) est alors la même que dans le cas d’une modélisation au second ordre. Celasignifie que la simulation de régions de production négative caractérisant notamment les zones de relami-narisation de l’écoulement est possible grâce à la présente approche, alors que ce terme est nécessairementpositif lorsque l’hypothèse de Boussinesq (1877) est utilisée. Dans le cas d’un écoulement cisaillé simple,Chassaing (2000) montre qu’une production négative peut apparaître en raison d’un décalage entre lespoints d’annulation des contraintes turbulentes et des extrema de vitesse. Pour illustrer ce phénomène,la production d’énergie cinétique turbulente, évaluée à partir des résultats expérimentaux précédemmentdétaillés, via l’expression (4.106) est représentée sur la figure 4.14 pour deux angles de phase. Certainesrégions du proche sillage du cylindre et près de l’axe de symétrie du sillage sont caractérisées par uneproduction négative. Ces zones correspondent aux lieux de fort désalignement entre les directions prin-cipales des tenseurs d’anisotropie et de déformation. En adoptant l’hypothèse de bidimensionnalité, laproduction devient effectivement négative lorsque l’angle entre les directions principales dépasse 45o ;dans ce cas, Pk = kλS1 (λa1 − λa2)cos(2θ), où θ représente l’angle entre les premières directions principalesde −a et S. L’apparition de zones de production négative dans les régions de fort désalignement entrecontrainte et déformation a également été mise en évidence par Carpy & Manceau (2006) notamment,dans le cas d’un écoulement de jet plan pulsé.

Modèle “stress-strain lag”

Le modèle développé par Revell et al. (2006) consiste à prendre en compte les non-linéarités apparais-sant entre les tenseurs d’anisotropie et de déformation par le biais d’une modulation locale du coefficient

85

Page 43: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

x1/D

x2/D

0.5 1 1.5 2

-0.4

-0.2

0

0.2

0.4

0.6

Pk: -0.05 0.02 0.10 0.17 0.25 0.33 0.40(a)

x1/D

x2/D

0.5 1 1.5 2

-0.4

-0.2

0

0.2

0.4

0.6

Pk: -0.05 0.02 0.10 0.17 0.25 0.33 0.40(b)

Fig. 4.14 – Iso-contours de production d’énergie cinétique turbulente dans le sillage d’un cylindre cir-culaire à Re = 1.4 × 105, aux angles de phase (a) ϕ = 50o et (b) ϕ = 140o. Les premières directionsprincipales de −a (traits pointillés) et S (traits pleins) sont superposées ainsi que des iso-lignes de critèreQ (Q = −2.8/1.4, lignes pointillées/pleines) permettant de repérer les structures cohérentes.

de diffusivité turbulente scalaire. Ce modèle se fonde sur l’introduction d’un “critère de désalignement”global des deux tenseurs défini comme suit :

Cas = −aαβSαβ‖S‖ avec ‖S‖ =√

2SαβSαβ . (4.131)

Ce critère qui donne son nom au modèle Cas représente une partie du taux de corrélation entre lestenseurs d’anisotropie et de déformation. Le transport d’un tel critère par un modèle au second ordredégénéré comme dans le cadre de la présente étude conduit à une fermeture turbulente à trois équations22sensibilisée de manière globale au désalignement des deux tenseurs. Dans ce sens, la méthode proposée aucours de cette thèse peut être considérée comme une extension anisotrope de ce modèle. En effet, commecela a déjà été évoqué au § 4.3, la présente approche autorise une prédiction du désalignement entre lesdeux tenseurs dans chaque direction de l’espace, ce désalignement pouvant être anisotrope comme illustrésur la figure 4.7. Le modèle Cas conduit à des résultats prometteurs pour la simulation d’écoulementsturbulents dans un canal oscillant et autour d’un profil d’aile à forte incidence notamment (Revell et al.,2006). Néanmoins aucune amélioration ne peut être attendue grâce à cette approche quant à la capturede l’anisotropie des contraintes normales, l’hypothèse de Boussinesq (1877) étant sous-jacente. Le critèrede désalignement global est introduit par l’intermédiaire du test suivant, pour le calcul de la viscosité deturbulence :

νt = k min(Cµk

ε,Cas‖S‖

). (4.132)

Selon Revell et al. (2006), ce test permet de limiter artificiellement le niveau de viscosité de turbulencede manière analogue au modèle k − ω SST (Menter, 1994) précédemment décrit. Enfin, l’équation detransport supplémentaire issue de la projection des modèles au second ordre de Launder et al. (1975) ouSpeziale et al. (1991), contient, au second membre, la dérivée totale du tenseur de déformation qui doit êtreévaluée explicitement. Ce terme s’annule dans les équations proposées précédemment pour le transportdes coefficients CV i. Les résultats obtenus par l’approche Cas sont encourageants car ils montrent qu’uneprise en compte de la non-colinéarité entre contrainte et déformation, même isotrope, peut améliorernotablement les qualités prédictives de la loi constitutive par rapport à des modèles au premier ordreplus classiques (Peng & Haase, 2008). Ce point justifie le développement d’une approche complémentairetenant compte de l’anisotropie de cette non-colinéarité.

Développements futurs

Dans cette étude, une expression générale pour l’approximation du tenseur d’anisotropie des contraintesturbulentes est proposée grâce à l’introduction d’une viscosité de turbulence tensorielle. Dans un premier

22Dans le cas d’un couplage de ce modèle à une fermeture de type k − ε par exemple.

86

Page 44: Bourguet2

5. Prédiction d’écoulements turbulents compressibles

temps fondée sur la base des matrices principales de déformation, cette approche peut être étendue àd’autres bases, formées par exemple à partir des éléments propres des relations constitutives non-linéairesdécrites au § 3.3. La méthode fondée sur la projection de Galerkin des équations d’un modèle au secondordre sur une telle base est également générale et peut conduire à de nouvelles équations de transportpour les coefficients de projection correspondants. L’approche développée dans cette thèse est ainsi com-plémentaire des différentes méthodes mises en œuvre pour améliorer la capture des propriétés structuralesde la turbulence au sein d’écoulements pariétaux fortement instationnaires. Enfin, une perspective directede ces développements est l’introduction de la loi constitutive incluant une viscosité de turbulence tenso-rielle dans l’approche hybride DES ; l’objectif étant d’améliorer la prédiction des écoulements pariétauxdans les régions simulées par des méthodes statistiques.

5 Prédiction d’écoulements turbulents compressiblesDans cette section, une brève introduction à la modélisation statistique des écoulements turbulents

compressibles est proposée. Bien que les écoulements turbulents étudiés dans le cadre de cette thèsepuissent être considérés comme incompressibles, la transposition des approches statistiques précédemmentdécrites au cas compressible est un point important. La seconde partie de la présente étude (chapitres 5 etsuivants) concerne la modélisation d’ordre réduit d’écoulements prédits par les équations de Navier-Stokescompressibles. L’objectif est donc ici de décrire quel pourrait être un modèle “haute-fidélité” adapté à cetype d’écoulements dans le cas turbulent. Dans un premier temps, la question du choix d’une moyennestatistique convenable dans le cas compressible est analysée. Suite à cela, les équations ouvertes sontdétaillées et des stratégies de fermeture sont présentées.

5.1 Quelle moyenne statistique dans le cas d’écoulements compressibles ?Les équations de Navier-Stokes pour les écoulements compressibles couplent les variables cinématiques

associées aux composantes de la vitesse à deux variables thermodynamiques. Les équations de continuité,de quantité de mouvement et d’énergie totale sont rappelées ci-dessous, en formulation conservative, pouri = 1, 2, 3 :

ρ,t + (ρuα),α = 0(ρui),t + (ρuiuα + pδiα − τiα),α = 0(ρe),t + (ρeuα + puα + qα − uβταβ),α = 0.

(4.133)

ρ est la densité du fluide, ui est la ième composante de la vitesse et p est la pression qui satisfait la loi desgaz parfaits p = ρRT où R est la constante des gaz parfaits et T la température locale du fluide. τij estle tenseur des contraintes visqueuses défini par :

τij = µ

((ui,j + uj,i)− 2

3uα,αδij

), (4.134)

avec µ la viscosité dynamique du fluide qui, dans le cas général, n’est pas constante et peut être modéliséecomme une fonction de la température par la loi de Sutherland (3.6). qi désigne la ième composante duflux de chaleur et e est l’énergie totale du système (3.4).

Si · désigne la moyenne d’ensemble (ou de phase) et ·′ la fluctuation autour de cette moyenne, ilapparaît par exemple :

ρui = ρ ui + ρ′u′i. (4.135)

Par conséquent, adopter la même stratégie que dans le cas incompressible, à savoir décomposer l’ensembledes variables en parties moyenne et fluctuante et appliquer l’opérateur de moyenne aux équations ainsiobtenues, conduit dans le cas compressible à des expressions complexes impliquant notamment un grandnombre de corrélations doubles supplémentaires à modéliser. Pour éviter cela et retrouver des expressionscomparables au cas incompressible, la moyenne de Favre (1965) ou moyenne pondérée par la masse estfréquemment utilisée. Il est cependant important de noter que d’autres méthodes peuvent être envisagéescomme l’approche proposée par Chassaing (1985) et Chassaing et al. (1994). La moyenne de Favre d’unequantité de dépendance spatio-temporelle v est définie comme suit :

v =ρv

ρet v′′ = v − v (4.136)

87

Page 45: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

représente la fluctuation de v autour de la moyenne pondérée par la masse. Cette moyenne possède lespropriétés suivantes :

uv = uv, uv = uv = uv, ˜v = v, v′′ = 0 et ρu′′ = 0. (4.137)

Par contre, contrairement à la moyenne d’ensemble, la moyenne de Favre ne commute pas avec lesopérateurs de dérivations spatiale et temporelle. Dans la section suivante sont présentées les équationsde Navier-Stokes pour les écoulements compressibles en moyenne de Favre ainsi que leur modélisation.

5.2 Equations de Navier-Stokes compressibles en moyenne de FavreLes équations en moyenne de Favre sont obtenues en décomposant les composantes de la vitesse grâce

à l’opérateur de moyenne de Favre et la masse volumique ainsi que la pression grâce à l’opérateur demoyenne d’ensemble puis en appliquant a posteriori l’opérateur de moyenne d’ensemble. Ces équationsforment un système ouvert qui peut s’exprimer comme suit, pour i = 1, 2, 3 :

ρ,t + (ρuα),α = 0

(ρui),t +(ρuiuα + pδiα + ρu′′i u

′′α − τ iα

),α

= 0

(ρe),t +(ρeuα + puα + pu′′α + ρe′′u′′α + qα − uβταβ

),α

= 0,

(4.138)

avec

e = CvT +uαuα

2+ k et k =

u′′αu′′α

2, (4.139)

où k représente l’énergie cinétique turbulente. La loi des gaz parfaits s’écrit alors :

p = ρRT . (4.140)

Les fluctuations de la viscosité dynamique sont généralement négligées.

En considérant comme inconnues du système les quantités physiques moyennes, l’équation de conti-nuité est de la même forme que l’équation instantanée correspondante. Dans les équations de quantitéde mouvement, un terme de corrélation double des fluctuations de vitesse apparaît. Ce terme correspondaux contraintes turbulentes rencontrées dans le contexte incompressible et doit être simulé ou modélisé.Enfin, l’équation de conservation de l’énergie en moyenne de Favre contient de multiples corrélationsimpliquant les quantités fluctuantes qui sont modélisées.

L’objectif étant de parvenir à exprimer l’ensemble des corrélations doubles présentes dans l’équationde l’énergie à l’aide des quantités moyennes et des contraintes turbulentes, la forme approchée suivanteest généralement considérée :

(ρe),t +(ρeuα + puα − Cp µ

PrT,α + Cpρu′′αT

′′ − uβ ταβ + uβρu′′αu′′β

),α

= 0, (4.141)

avecτij = µ

((ui,j + uj,i)− 2

3uα,αδij

). (4.142)

Cp est le coefficient de capacité calorifique à pression constante tel que Cp = γCv.Pour plus de détails concernant les approximations mises en jeu pour parvenir à cette expression sim-

plifiée, le lecteur pourra par exemple se référer à Mrabet-Hanine (1992). La modélisation des corrélationsentre les fluctuations de vitesse et de température dépend de l’approche considérée pour représenter lescontraintes turbulentes. Dans le cadre de cette étude, seuls les approches au premier ordre fondées surune relation constitutive algébrique des tensions turbulentes sont envisagées.

5.3 Modèles de fermetureComme dans le cas incompressible, les approches les plus largement mises en œuvre dans la littérature

pour modéliser les contraintes turbulentes se fondent sur l’hypothèse de linéarité de Boussinesq (1877),qui dans le contexte compressible s’énonce comme suit :

− ρu′′i u′′j +23ρkδij = µt

(ui,j + uj,i − 2

3uα,αδij

), (4.143)

88

Page 46: Bourguet2

6. Conclusion - modélisation “haute-fidélité” des écoulements turbulents

où µt est la viscosité dynamique de turbulence qui doit être estimée. Dans le cas incompressible, lamasse volumique du fluide étant constante et la divergence de la vitesse nulle, cette loi est équivalenteà l’expression (4.37) utilisée précédemment. Lorsque la relation constitutive de Boussinesq est mise enœuvre, les corrélations vitesse/température sont généralement modélisées de la manière suivante :

Cpρu′′i T′′ = −Cp µt

PrtT,i, (4.144)

où Prt est le nombre de Prandtl turbulent qui est une constante du modèle.La viscosité de turbulence peut, par exemple, être évaluée via un modèle de turbulence à deux équa-

tions de type k−ε. Par rapport au cas incompressible, l’équation de transport “ouverte” relative à l’énergiecinétique turbulente en moyenne de Favre s’écrit :

(ρk),t + (ρkuα),α = −ρu′′αu′′β uα,β +(µSαβu′′β − p′u′′α − ρku′′α

),α− u′′αp,α + p′u′′α,α − µSαβu′′α,β , (4.145)

avecSij = ui,j + uj,i − 2

3uα,αδij et µSαβu′′α,β ≈ ρε. (4.146)

La dissipation turbulente est ici mise en jeu pour approcher le terme dissipatif. Comme le montre Mrabet-Hanine (1992), cette équation peut être modélisée comme suit :

(ρk),t + (ρkuα),α = Pk +((

µ+µtσk

)k,α

),α

− ρε, (4.147)

où la production d’énergie cinétique turbulente est approchée par :

Pk =(µt

(uα,β + uβ,α − 2

3uγ,γδαβ

)− 2

3ρkδαβ

)uα,β . (4.148)

L’équation de transport de k ainsi modélisée est de la même forme que dans le cas incompressible. Il enest de même pour l’équation de transport de la dissipation. La viscosité de turbulence peut ainsi êtreévaluée comme µt = Cµρk

2/ε.

D’une manière générale, les équations de transport des quantités turbulentes dans le contexte com-pressible, y compris celles des contraintes turbulentes dans le cas d’une modélisation au second ordre,sont semblables à celles établies dans le cas incompressible. En particulier, l’approche développée dansle cadre de cette thèse pour la modification de la relation constitutive grâce à une viscosité de turbu-lence tensorielle est directement transposable pour la modélisation des tensions turbulentes en écoulementcompressible.

6 Conclusion - modélisation “haute-fidélité” des écoulements tur-bulents

Différentes stratégies pour la modélisation des écoulements à grands nombres de Reynolds ont été pré-sentées dans ce chapitre. Les coûts numériques importants de la simulation directe et de la simulation auxgrandes échelles pour la prédiction d’écoulements pariétaux ayant été mis en relief, une analyse plus ap-profondie des approches dites “statistiques” a été proposée. D’un point de vue général et indépendammentde l’approche adoptée, une difficulté majeure reste la définition des opérateurs de moyenne ou de filtrageainsi que les éventuels post-traitements à effectuer pour obtenir des grandeurs physiques représentativesdes propriétés statistiques des processus étudiés et pouvoir envisager une comparaison avec l’expérience.Ce point est également crucial lorsque des approches hybrides de type Detached Eddy Simulation sontconsidérées. Dans ce sens, la méthodologie statistique Organised Eddy Simulation qui se fonde sur unedécomposition des processus grâce à la moyenne de phase constitue un cadre théorique plus rigoureuxque les approches URANS classiques dont la forme est une “extrapolation” des équations RANS. Dansle contexte des méthodes statistiques, de multiples schémas de fermeture des équations de Navier-Stokesen moyenne généralement mise en œuvre ont été décrits, de la modélisation au second ordre aux modèlesfondés sur une loi constitutive des contraintes turbulentes.

89

Page 47: Bourguet2

Chapitre 4. Modélisation d’écoulements pariétaux turbulents instationnaires

Dans le cadre de cette thèse, les limitations induites par une loi constitutive linéaire ont été illustréessur la base de résultats expérimentaux. Pour améliorer la prédiction des contraintes turbulentes et plusprécisément la représentation des non-linéarités apparaissant entre les tenseurs d’anisotropie et de dé-formation, une alternative à la modélisation au second ordre et aux lois constitutives non-linéaires a étéproposée, dans le contexte de l’OES, sous forme d’une loi constitutive modifiée, incluant une viscosité deturbulence tensorielle. Cette approche se fonde sur une dissociation des contributions directionnelles dutenseur de déformation dans la représentation du tenseur d’anisotropie ; celles-ci étant évaluées indivi-duellement par de nouvelles équations de transport issues de la projection d’un modèle au second ordresur les matrices principales de déformation. Les propriétés de cette loi constitutive ont été analysées,en particulier dans le sens des contraintes fondamentales qui doivent être satisfaites par un modèle deturbulence. Les résultats de simulation numérique préliminaires obtenus grâce à cette approche semblentprometteurs, notamment dans la perspective de l’intégration d’une telle fermeture au sein de la partiestatistique des méthodes hybrides de type DES. De plus, l’approche proposée via une définition tensoriellede la viscosité de turbulence semble relativement générique comme cela a été évoqué précédemment. Uncouplage entre la présente approche et une loi constitutive non-linéaire est ainsi directement envisageable.

Dans le contexte de la présente étude qui vise à développer une approche hiérarchique pour la modé-lisation d’écoulements complexes, l’introduction d’une stratégie efficace de modélisation de la turbulenceest un point important. Dans un sens, cette étape de modélisation peut être envisagée comme une pre-mière réduction de la complexité numérique par rapport à une simulation numérique directe des équationsde Navier-Stokes, encore irréalisable aux nombres de Reynolds d’intérêt pour les applications visées. Parrapport à la seconde partie de cette étude, les équations de Navier-Stokes en moyenne couplées à unefermeture turbulente peuvent également constituer un modèle “haute-fidélité” à approcher. En effet, dansla suite, une méthode de modélisation d’ordre réduit fondée sur la décomposition aux valeurs propresest développée. L’objectif d’une telle procédure étant de parvenir à une représentation aussi fidèle quepossible du modèle physique détaillé, il apparaît essentiel que ce modèle “haute-fidélité” soit quant àlui le plus pertinent et réaliste possible. Bien que l’approche POD-Galerkin détaillée dans les chapitressuivants soit principalement décrite dans le cas où le modèle physique complet à représenter est constituédes équations de Navier-Stokes compressibles simulées directement, le cas des écoulements turbulentsprédits par des approches statistiques sera abordé au chapitre 7 (§ 4).

90

Page 48: Bourguet2

Chapitre

5La Decomposition

Orthogonale aux valeurs

Propres

Aperçu1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

1.1 Application historique de la POD : identification de structures cohérentes . . . 921.2 La POD comme méthode d’approximation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92

2 La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres . . . . . . . . . . . . . 932.1 Définition générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 932.2 Propriétés remarquables de la POD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 952.3 Optimalité de la POD et réduction de modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 962.4 Cas discrétisé de dimension finie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 982.5 Lien avec la Décomposition aux Valeurs Singulières et l’Analyse en Composantes

Principales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 993 La POD séparable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

3.1 POD séparable et décomposition bi-orthogonale . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1013.2 Approche directe et snapshot POD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1033.3 Exemple illustratif unidimensionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104

4 Application à la réduction de dimension pour les écoulements . . . . . . . 1054.1 Traitement des conditions aux limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1054.2 Choix du produit scalaire dans le cas vectoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1074.3 Approche "données-dépendante" - choix des réalisations . . . . . . . . . . . . . 111

5 La POD pour la modélisation de dimension réduite . . . . . . . . . . . . . . 112

1 IntroductionLa Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres ou Proper Orthogonal Decomposition (POD) est

une méthode systématique d’analyse de données, particulièrement efficace pour l’étude de systèmes phy-siques complexes présentant un grand nombre de degrés de liberté. En ce sens, la POD a fait l’objetde nombreuses applications en mécanique des fluides mais aussi dans d’autres contextes scientifiquescomme l’analyse de données épidémiologiques, la prévision météorologique ou encore la reconnaissancede formes et la compression d’images, pour ne citer que quelques exemples. Suivant les domaines scien-tifiques considérés, la POD est indifféremment dénommée Analyse en Composantes Principales (ACP,Pearson (1901)), décomposition de Karhunen-Loève (Karhunen, 1946) ou décomposition en fonctionsempiriques. D’un point de vue général, la POD est une procédure linéaire qui permet de déterminerun sous-espace de dimension faible dans lequel des données vivant dans un espace de grande dimensionpourront être représentées de manière optimale. Comme illustré par exemple par Cordier & Bergmann(2002) et Volkwein (1999), le lien entre la POD et la Décomposition aux Valeurs Singulières ou SingularValue Decomposition (SVD) est immédiat. Avant de décrire la POD d’un point de vue théorique puis sa

91

Page 49: Bourguet2

Chapitre 5. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

mise en œuvre pratique, les deux principaux champs d’application de cette technique en mécanique desfluides sont brièvement présentés.

1.1 Application historique de la POD : identification de structures cohérentesEn mécanique des fluides, la POD a été introduite par Lumley (1967) afin de définir de manière

objective les structures cohérentes (“large eddies”) au sein d’écoulements turbulents. Attribuée par Lumleyà Loeve (1955), elle apparaît comme une généralisation de l’analyse de Fourier dans les directions non-homogènes1. Bien que les modes spatio-temporels issus de la POD ne soient pas directement assimilablesà des structures cohérentes, le fait de ne considérer que les termes les plus “énergétiques” de cette basepeut conduire à un filtrage efficace des fluctuations aléatoires. Une telle approche a par exemple été miseen œuvre dans le cas d’écoulements turbulents expérimentaux de jet plan (Faghani, 1996), de couche demélange (Delville et al., 1999). . . Les modes POD peuvent aussi être interprétés directement comme desindicateurs de corrélation spatio-temporelle (Borée, 2003, par exemple). Un autre exemple d’applicationde la POD dans le contexte de l’étude expérimentale des écoulements turbulents est son utilisation pourdéterminer la moyenne de phase de données issues de vélocimétrie par imagerie de particules (Perrinet al., 2007a). Dans le cas d’écoulements laminaires ou transitionnels, comme cela sera présenté dansla suite de ce mémoire, la POD s’avère être un outil puissant pour l’identification et la dissociation desinstationnarités complexes induites par l’amplification de modes d’instabilité responsables de la transitionvers la turbulence (Buffoni et al., 2006, par exemple). Cette présentation des applications de la PODcomme instrument de traitement des données en mécanique des fluides n’est en aucun cas exhaustive etd’autres exemples sont proposés par Cordier & Bergmann (2002) notamment.

1.2 La POD comme méthode d’approximationBien qu’historiquement mise en œuvre comme outil de post-traitement, la POD a plus récemment

été utilisée pour construire des sous-espaces de dimension réduite pour le développement de modèlesphysiques simplifiés présentant un faible nombre de degrés de liberté. Dans ce contexte, la POD peut êtreconsidérée comme une méthode d’approximation. C’est principalement sous cet angle qu’elle est utiliséedans la présente étude et c’est ainsi qu’elle est décrite dans ce chapitre. La POD comme méthode d’ap-proximation conduit à la définition d’une base modale de projection. Elle doit donc être mise en regardd’autres méthodologies “concurrentes” telles que l’analyse de Fourier, l’analyse de stabilité linéaire quiconduit à la définition d’une base de modes globaux, la balanced truncation (Moore, 1981) approchée parla balanced POD (Willcox & Peraire, 2002) ou encore la Centroidal Veronoi Tessalation (CVT, Burkardtet al. (2006)). . . Dans le contexte de l’approximation des équations de Navier-Stokes pour la prédictiond’écoulements, la POD est très largement mise en œuvre dans la littérature ; la modélisation de dimensionréduite fondée sur la décomposition aux valeurs propres fait l’objet du chapitre 6. Contrairement à labalanced truncation et l’analyse de stabilité qui se fondent généralement sur une linéarisation du modèlephysique, la POD peut être construite dans un cadre non-linéaire ; la procédure de calcul des modesPOD est, quant à elle, linéaire. La décomposition aux valeurs propres est une technique qui consiste à“réorganiser” l’information d’une base de données. Contrairement aux modes globaux, les modes POD (demême que ceux issus de la CVT) sont par conséquent intrinsèquement liés à ces données. La définitionmême de la POD implique une représentation optimale de ces dernières dans un sens qui sera défini parla suite. Cette propriété a donné lieu à plusieurs travaux assurant la légitimité d’une telle approche entant que méthode d’approximation, sur la plan théorique (Volkwein, 1999, notamment).

Dans ce chapitre, la POD est en premier lieu décrite d’un point de vue théorique et général comme uneméthode d’approximation optimale de quantités aléatoires dépendantes d’une variable spatio-temporelle(§ 2). Les principaux résultats sont présentés dans le cas où cette variable spatio-temporelle est conti-nue puis discrète. Pour plus de détails et de rigueur mathématique dans ce premier tour d’horizon, lelecteur pourra se référer aux revues de Berkooz et al. (1993) et Cordier & Bergmann (2002). Dans unedeuxième partie (§ 3), la POD spatio-temporelle séparable est introduite et reliée, dans le cas discret,à la Décomposition en Valeurs Singulières. Un exemple d’application de la décomposition aux valeurspropres est ensuite proposé pour illustrer les approches directe et snapshot POD (Sirovich, 1987). Le casoù la quantité à approcher par POD tronquée est vectorielle est ensuite envisagé et un produit scalaire

1Homogénéité au sens large signifie invariance par translation des propriétés statistiques telles que moyenne, corrélationsdoubles. . .

92

Page 50: Bourguet2

2. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

consistant est proposé dans ce contexte, dans l’optique de la modélisation d’ordre réduit des écoulementscompressibles.

2 La Décomposition Orthogonale aux valeurs PropresDans cette section la décomposition aux valeurs propres est présentée sous sa forme générale dite

“complète” pour l’approximation de quantités aléatoires dépendantes d’une variable spatio-temporelle.Bien que la formulation décrite ci-dessous ne soit pas celle qui est utilisée en pratique dans la plupart descas (y compris dans cette thèse), elle permet, d’une part, de définir un contexte théorique général pourcette méthode d’approximation et d’autre part, de mettre en valeur les hypothèses invoquées pour définirla POD “séparable” effectivement mise en œuvre par la suite.

2.1 Définition généraleEn tant que méthode d’approximation, l’objectif de la POD est d’extraire une base appelée base

modale ou base POD qui pourra être tronquée à un certain rang, tout en assurant une représentationfidèle des quantités étudiées. Le processus aléatoire spatio-temporel à approcher est v(X) ∈ H(D), oùH représente un espace de Hilbert (typiquement l’espace L2 des fonctions de carré intégrable, maisd’autres choix sont possibles) et D est un domaine spatio-temporel D = Ω × [0, T ] avec Ω ⊂ R3 etT > 0. v est considérée à valeurs réelles et scalaire sans perte de généralité, dans un premier temps ; lecas vectoriel sera abordé par la suite. Le produit scalaire sur L2(D) peut par exemple être défini par(Φ,Ψ) =

∫D

Φ(X)Ψ(X)dX, pour tout Φ et Ψ ∈ L2(D). Une approximation de v sur un sous-espace dedimension Npod est recherchée sous la forme suivante :

v (X) ≈Npod∑i=1

(v,Φi (X)) Φi (X), (5.1)

où ( · , · ) représente un produit scalaire sur H(D). La définition de ce produit scalaire est un pointessentiel de la méthode qui sera détaillé par la suite. Afin d’assurer l’optimalité de cette base au sens duproduit scalaire considéré, la POD consiste à trouver les modes Φi ∈ H(D) orthonormés qui minimisentl’erreur quadratique de représentation suivante :

〈‖v −Npod∑i=1

(v,Φi (X)) Φi (X)‖2〉, (5.2)

où, dans le cas général, 〈 · 〉 désigne la moyenne d’ensemble appliquée à une famille de réalisations dela quantité v, vk avec k = 1, . . . ,∞. ‖ · ‖ est la norme induite par le produit scalaire sur H(D). Lesmodes POD peuvent être obtenus comme solutions successives du problème d’optimisation sous contraintesuivant :

Φi+1 = arg maxΨ∈H(D)

〈(v −Πiv,Ψ)2〉 avec (Ψ,Ψ) = ‖Ψ‖2 = 1. (5.3)

Πi est le projecteur orthogonal sur le sous-espace constitué par les ième premiers modes Φ1, . . . ,Φipour i ≥ 1, avec Π0 ≡ 0p correspondant à l’application nulle. Comme proposé par Lumley (1967), cetteméthode revient à chercher les modes déterministes les mieux corrélés aux réalisations dicrètes de lavariable aléatoire v(X) en moyenne. Ainsi, le premier mode est celui qui assure la meilleure projectionde ce processus stochastique, le deuxième celui qui assure la meilleure projection des réalisations de cettevariable orthogonalement au premier mode et ainsi de suite.

Classiquement, le premier mode POD peut être recherché comme solution du problème suivant (Ber-kooz et al., 1993) :

maxΨ∈H(D)

⟨(v,Ψ)2

⟩(Ψ,Ψ)

avec (Ψ,Ψ) = ‖Ψ‖2 = 1. (5.4)

Cette formulation conduit à une maximisation de la projection de v sur Φ indépendamment de la normede ce mode.

Afin de montrer que ce problème d’optimisation est équivalent à un problème aux valeurs propres,le tenseur symétrique des corrélations spatio-temporelles en deux points C(X,X′) = 〈v(X)v(X′)〉 est

93

Page 51: Bourguet2

Chapitre 5. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

introduit ainsi que l’opérateur linéaire K : H(D)→ H(D) défini par KΨ(X) = (C(X, ·),Ψ). L’opérateurde moyenne d’ensemble et le produit scalaire sur H(D) commutent, il s’ensuit :

(KΨ,Ψ) = 〈(v,Ψ)2〉. (5.5)

Ainsi l’opérateur linéaire K est symétrique (donc auto-adjoint) et positif :

(KΦ,Ψ) = (Φ,KΨ) et (KΨ,Ψ) ≥ 0 pour tout Φ ∈ H(D) et Ψ ∈ H(D). (5.6)

Une formulation équivalente et classique (Holmes et al., 1996) du problème (5.4) consiste à maximiserla quantité :

J (Ψ) = 〈(v,Ψ)2〉 − λ (‖Ψ‖2 − 1)

= (KΨ,Ψ)− λ (‖Ψ‖2 − 1). (5.7)

La contrainte sur la norme du mode POD recherché correspond alors à une pénalisation. Une conditionnécessaire d’optimalité est l’annulation de la dérivée de J . Si Φ ∈ H(D) est un extremum de J alors,pour tout Ψ ∈ H(D) :

d

dεJ (Φ + εΨ)|ε=0 =

d

dε(K (Φ + εΨ) ,Φ + εΨ)− λ (‖Φ + εΨ‖2 − 1

) |ε=0 (5.8)

= 2 (KΦ− λΦ,Ψ) = 0. (5.9)

Si Φ est un extremum de J alors (KΦ,Ψ) = λ (Φ,Ψ) quel que soit Ψ ∈ H(D), donc Φ est une solutionde l’équation intégrale de Fredholm suivante :

KΦ = λΦ. (5.10)

L’opérateur linéaire K étant symétrique et positif2 (5.6), la théorie spectrale (Riesz & Nagy, 1955)indique que l’équation (5.10) possède une infinité dénombrable de solutions dont les principales propriétésseront décrites dans la section suivante. Les valeurs propres associées aux fonctions propres de l’opérateurK sont réelles positives ou nulles, classées telles que :

λ1 ≥ λ2 ≥ . . . ≥ λ∞ ≥ 0, avec∞∑i=1

λi <∞, (5.11)

et les fonctions propres de K sont orthogonales. Elles sont choisies orthonormées.En prenant le produit scalaire de l’expression (5.10) par Φ, il apparaît que la quantité à maximiser à

la première étape du problème (5.4) vaut :

〈(v,Φ)2〉 = (KΦ,Φ) = λ. (5.12)

Ainsi pour minimiser l’erreur de représentation du processus aléatoire v projeté sur une base à Npoddimensions (5.2), il convient de définir les modes POD comme les fonctions propres de l’opérateur Kassociées aux Npod plus grandes valeurs propres.

Comme décrit par Cordier & Bergmann (2002), une démonstration alternative peut être proposée viale calcul de variations sur la formulation (5.4) directement. Les extrema de l’expression (5.4) vérifient,pour tout Ψ ∈ H(D) :

d

⟨(v,Φ + εΨ)2

⟩(Φ + εΨ,Φ + εΨ)

|ε=0 = 0. (5.13)

Or,

d

⟨(v,Φ + εΨ)2

⟩(Φ + εΨ,Φ + εΨ)

|ε=0 =d

(K (Φ + εΨ) ,Φ + εΨ)(Φ + εΨ,Φ + εΨ)

|ε=0 = 2(KΦ,Ψ) ‖Φ‖2 − (KΦ,Φ) (Φ,Ψ)

‖Φ‖4 , (5.14)

qui s’annule si (KΦ,Ψ) = λ (Φ,Ψ) quel que soit Ψ ∈ H(D). Cette condition est équivalente à (5.10).

2Une autre condition nécessaire d’application du théorème spectral est que K soit un opérateur compact. Cette propriétéest ici vérifiée (Holmes et al., 1996, sec. 3.2).

94

Page 52: Bourguet2

2. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

2.2 Propriétés remarquables de la PODLa POD conduit à une approximation de la variable aléatoire v par une combinaison linéaire des

fonctions propres de l’opérateur K associées à ses plus grandes valeurs propres :

v (X) ≈Npod∑i=1

aiΦi (X). (5.15)

Les modes POD sont choisis orthonormés tels que :

(Φi,Φj) = δij où δij est le symbole de Knonecker.. (5.16)

Les coefficients de projection ai mis en jeu dans l’expression (5.15) sont définis comme suit :

ai = (v,Φi) pour i = 1, . . . ,∞. (5.17)

Les fonctions propres Φi, pour i = 1, . . . ,∞ constituent une base de telle sorte que chaque réalisationde v considérée dans la moyenne d’ensemble < · > peut être décrite exactement sur cette base (Holmeset al., 1996) :

v (X) =∞∑i=1

aiΦi (X). (5.18)

Le tenseur des corrélations en deux points peut également être exprimé exactement à l’aide desfonctions propres de K3 :

C(X,X′) =∞∑i=1

λiΦi (X) Φi (X′). (5.19)

Les modes POD étant orthonormés, les coefficients de projection ai vérifient la propriété suivante4 :

〈aiaj〉 = 〈(v,Φi) (v,Φj)〉= 〈∫D

v (X) Φi (X) dX∫D

v (X′) Φj (X′) dX′〉

=∫D

∫D

〈v (X) v (X′)〉Φi (X) Φj (X′) dXdX′

=∫D

KΦi (X′) Φj (X′) dX′

= (KΦi,Φj)= λi (Φi,Φj)= λiδij . (5.20)

Cette propriété montre que les coefficients de projection du processus aléatoire v sur les modes POD sontdécorrélés.

Les modes POD ayant été normés, il apparaît que la dimension physique de la quantité v est “portée”par les coefficients ai. Dans le cas où le processus à approcher est un champ de vitesse, la quantité< a2

i >= λi correspond ainsi à l’énergie cinétique moyenne capturée par le ième mode POD. Il s’ensuit :∫D

C (X,X) dX =∞∑i=1

〈a2i 〉 =

∞∑i=1

λi = E, (5.21)

où E désigne l’énergie cinétique totale du système. Cette interprétation en termes d’énergie cinétique estintrinsèquement liée à la définition du produit scalaire et aux variables physiques mises en jeu. Ce pointsera étudié par la suite notamment dans le cas où la quantité à approcher est un vecteur d’état couplantvariables cinématiques et thermodynamiques. Comme présenté dans la section suivante, la POD assureune approximation optimale au sens d’un produit scalaire donné et dans le cas général, une interprétationde la quantité maximisée dans le problème (5.4) en termes d’information statistique ou d’“inertie”5 serapréférée à l’interprétation énergétique.

3Il s’agit du théorème de Mercer (Courant & Hilbert, 1989, chap. III, sec. 5.4).4Pour plus de clarté dans cette démonstration, l’espace de Hilbert considéré est L2(D) mais la propriété 5.20 est générale.5Le terme “inertie” caractérise l’information statistique contenue dans une base de données dans le contexte de l’Analyse

en Composantes Principales.

95

Page 53: Bourguet2

Chapitre 5. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

POD et homogénéité

La notion d’homogénéité d’un processus aléatoire correspond à une invariance de ses propriétés sta-tistiques par translation (Holmes et al., 1996). Si la quantité v est homogène, le tenseur des corrélationsdoubles associé peut s’écrire comme suit :

C(X,X′) = C(X −X′). (5.22)

Si de plus v est périodique, C l’est également et peut alors être décomposé en série de Fourier. La PODcorrespond alors à cette décomposition harmonique. Si ces propriétés sont vérifiées dans une directionde D, par exemple une direction spatiale, alors une base de projection hybride POD/Fourier peut êtreconsidérée. Cette technique a été mise en œuvre par Aubry et al. (1988) notamment, dans le cas d’un écou-lement turbulent sur une plaque plane infinie présentant deux directions spatiales homogènes supposéespériodiques.

2.3 Optimalité de la POD et réduction de modèleL’optimalité de la base POD Φi pour la représentation d’une quantité v sur un sous-espace de

dimension Npod se traduit par l’inégalité suivante :

〈‖v −Npod∑i=1

(v,Φi (X)) Φi (X)‖2〉 ≤ 〈‖v −Npod∑i=1

(v,Ψi (X)) Ψi (X)‖2〉, (5.23)

quelle que soit la base orthonormée Ψi considérée. Cette propriété s’exprime de manière équivalentecomme suit :

Npod∑i=1

〈a2i 〉 =

Npod∑i=1

λi ≥Npod∑i=1

〈b2i 〉, (5.24)

avec bi = (v,Ψi). Le fait que les modes POD maximisent successivement les différentes étapes du problème(5.4) ne conduit pas de manière évidente à la définition d’une base optimale dans ce sens.

La POD comme décomposition linéaire optimale

Une démonstration peut être proposée pour la propriété d’optimalité (5.24). Le tenseur des corrélationspeut s’exprimer de manière équivalente dans les bases Φi et Ψi :

C(X,X′) =∞∑i=1

λiΦi (X) Φi (X′) =∞∑i=1

∞∑j=1

〈bibj〉Ψi (X) Ψj (X′). (5.25)

Les expressions matricielles de ces tenseurs dans les bases Φi et Ψi sont respectivement :

CΦi = diag [λ1, λ2, . . .] et CΨi =

〈b21〉 〈b1b2〉 〈b1b3〉 . . .〈b2b1〉 〈b22〉 . . . . . .〈b3b1〉 . . . . . . . . .

......

......

. (5.26)

La preuve de la propriété (5.24) repose alors sur le fait que la somme des Npod premières valeurs propresd’un opérateur symétrique est supérieure ou égale à la somme des termes diagonaux d’une quelconqueprojection de cet opérateur sur une base à Npod dimensions (Holmes et al., 1996). Une démonstration decette dernière propriété est proposée par Kunisch (2006).

Par ailleurs, une démonstration par récurrence de l’optimalité de la base POD via le calcul de variationest proposée par Volkwein (2008). La fonctionnelle suivante est définie :

J(Ψ1, . . . ,ΨNpod

)=Npod∑i=1

〈(v,Ψi)2〉 −

Npod∑i,j=1

λij ((Ψi,Ψj)− δij) . (5.27)

Maximiser J revient à chercher directement la base optimale orthonormée à Npod dimensions. Un calculde variation dans le cas où Npod = 1 conduit à l’équation de Fredholm (5.10). Dans le cas où la base

96

Page 54: Bourguet2

2. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

POD optimale est constituée des fonctions propres de l’opérateur K associées aux Npod plus grandesvaleurs propres (d’après ce qui précède, cela est vrai pour Npod = 1) alors, la condition d’optimalitéde (5.27) montre que la (Npod + 1)ème fonction de base doit elle aussi vérifier l’équation de Fredholm.Ainsi, l’optimalité de la base constituée par les (Npod+1)ème premières fonctions propres deK est prouvée.

La condition d’optimalité (5.23) assure que l’information statistique (ou énergie) extraite par la basePOD (

∑Npodi=1 λi) est maximale. Autrement dit, aucune autre décomposition linéaire du type (5.15) ne

minimisera autant l’erreur de représentation que celle mettant en jeu les fonctions propres associées auxpremières valeurs propres de l’opérateur de corrélation K.

L’optimalité énergétique de la POD laisse espérer une possible représentation de systèmes physiquescomplexes de grande dimension par un petit nombre de fonctions propres. D’un point de vue général, lescas les plus favorables pour une application de cette méthodologie sont ceux présentant un comportementspatio-temporel fortement organisé. En effet, la seule information utilisée pour déterminer la base PODest contenue dans le tenseur des corrélations en deux points.

Base POD tronquée

Le choix du critère de troncature de la base POD est un point important et constitue une des multiplesquestions ouvertes propres à cette approche. Deux critères sont généralement utilisés :

– l’erreur moyenne de représentation E(Npod) définie par6 :

E (Npod) = 〈‖v −Npod∑i=1

(v,Φi (X)) Φi (X)‖2〉, (5.28)

– l’information statistique relative de la base POD I(Npod), définie par :

I (Npod) =

Npod∑i=1

λi

∞∑i=1

λi

. (5.29)

Dans la pratique, le nombre de réalisations utilisées pour constituer la base de données est fini et lenombre d’éléments propres de K également. Ces deux critères impliquent un choix arbitraire de valeurslimites (par exemple I(Npod) = 99.9%) qui conduisent à retenir dans la base POD un nombre plus oumoins grand de fonctions propres. Le second critère est le plus largement utilisé dans la littérature. Iltraduit la capacité de la base à extraire l’information contenue dans les données utilisées pour définirles modes POD. Le critère (5.28) peut également être utilisé pour évaluer la représentativité de la basePOD vis-à-vis des données utilisées pour la générer7, mais aussi vis-à-vis d’autres données. Les critèresde troncature proposés peuvent être considérés comme relativement objectifs même si, d’un contextephysique à l’autre, ils devront nécessairement être réévalués.

D’autres approches peuvent être considérées pour sélectionner les modes POD notamment dans lecadre du “least-order model” proposé par Noack et al. (2003), ou seuls les modes représentatifs (quali-tativement) de la dynamique prédominante du système physique sont retenus (en pratique deux modesou trois). Par ailleurs, il est important de noter qu’une sélection fondée uniquement sur le contenu éner-gétique (I(Npod)) de la base n’est pas nécessairement la plus judicieuse. En effet, des modes de faibleénergie correspondant par exemple à l’évolution lente et transitoire de l’écoulement moyen8 peuvent êtreessentiels pour une représentation pertinente de la dynamique du système.

Dans la présente étude, le critère lié à l’énergie relative de la base POD tronquée est généralementadopté et l’erreur de représentation est contrôlée a posteriori.

6L’erreur relative de représentation peut aussi être considérée.7Dans ce cas E(Npod) =

∑∞Npod+1 λi.

8L’introduction de shift modes (Noack et al., 2003) sera décrite au § 2.2 du chapitre 8.

97

Page 55: Bourguet2

Chapitre 5. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

2.4 Cas discrétisé de dimension finieQu’il s’agisse de l’étude de données expérimentales ou issues de simulations numériques, la POD est

en pratique mise en œuvre sur des domaines discrets et de dimension finie. Ainsi, la base de données àapprocher par POD peut être représentée sous la forme matricielle suivante :

A =

v1 (X1) v2 (X1) . . . vN (X1)v1 (X2) v2 (X2) . . . vN (X2)

......

......

v1 (Xn) v2 (Xn) . . . vN (Xn)

. (5.30)

vi désigne la ième colonne de A et vi pour i = 1, . . . , N est une collection finie de réalisations dela quantité v, les Xi ∈ Dh pour i = 1, . . . , n correspondent à un ensemble fini de points du domainediscrétisé Dh. Dans ce contexte discret et de dimension finie, la base POD recherchée doit minimiserl’erreur de représentation suivante, avec Npod ≤ n et Npod ≤ N :

1N

N∑i=1

‖vi −Npod∑j=1

(vi,Φj

)Φj‖2. (5.31)

Le produit scalaire mis en jeu et utilisé pour définir la norme est9 :

(Φ,Ψ) = tΦMΨ. (5.32)

tΦ représente la transposée de Φ et M est la matrice de masse relative à la discrétisation du domaine D.De même que dans le cas de dimension infinie, minimiser l’expression (5.31) est équivalent à résoudre

un problème aux valeurs propres mettant en jeu la matrice des corrélations doubles, symétrique, définiepar :

C =1NAtA soit Cij =

1N

N∑k=1

vk (Xi) vk (Xj) . (5.33)

Les modes POD sont alors les vecteurs propres de la version discrète de l’équation de Fredholm (5.10) :

CMΦ = λΦ. (5.34)

Remarque : Il est possible d’éliminer la matrice de masse de l’expression (5.34) en considérant lesquantités A = tM1/2A et Φ = tM1/2Φ où M1/2 est issue de la décomposition de Cholesky de lamatrice M = M1/2tM1/2. Résoudre (5.34) revient alors à résoudre :

CΦ = λΦ avec C =1NAtA. (5.35)

La matrice C (de même que C) est symétrique, positive10 et à valeurs réelles, elle peut donc êtrediagonalisée sur une base de vecteurs propres orthogonaux et ses valeurs propres sont positives ou nulles.

L’approximation linéaire optimale de dimension Npod d’une réalisation vi contenue dans la base dedonnées A est donc :

vi ≈Npod∑j=1

aijΦj avec aij = tviMΦj , (5.36)

où les modes Φi sont les vecteurs propres solutions de (5.34) associés au Npod premières valeurs propres.De plus,

tΦiMΦj = δij et1N

N∑k=1

aki akj = λiδij . (5.37)

9Il s’agit d’une approximation discrète du produit scalaire sur L2(D), utilisée pour illustration ; d’autres choix sontpossibles.

10Car C = 1N

AtA et A est à valeurs réelles.

98

Page 56: Bourguet2

2. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

Il est important de noter que l’optimalité de la représentation (5.36) n’est assurée que pour les donnéesutilisées pour construire la matrice de corrélation, de même que dans le cas de dimension infinie.

Les modes POD ainsi extraits forment une base du sous-espace défini par vecv1, . . . ,vN :

v =n∑i=1

aiΦi =rang(C)∑i=1

aiΦi si v ∈ vecv1, . . . ,vN. (5.38)

En effet, si la matrice de corrélation n’est pas de rang maximum, les valeurs propres λrang(C)+1, . . . , λnsont nulles et les modes POD correspondants ne véhiculent aucune information statistique.

Coût de la POD “complète” discrète

D’un point de vue théorique, le calcul d’une base POD se résume à la résolution d’un problème auxvaleurs propres sur la matrice des corrélations doubles. Dans la pratique, la base de données A peutêtre de très grande dimension. Dans le cas de données issues de simulations numériques par exemple,le nombre de points de discrétisation spatiale est fréquemment de l’ordre de 105 − 106 et le nombred’instants considérés, de l’ordre de 102 − 103. De plus, pour assurer une certaine représentativité de labase de données collectées, le nombre de réalisations prises en compte N doit lui aussi être grand. De tellesdimensions conduisent à des difficultés de stockage des données et de calcul des éléments propres, mêmesi une méthode itérative est adoptée. Ceci justifie en partie le fait que la POD complète soit rarementmise en œuvre et soit remplacée, dans la pratique, par la POD “séparée” ou “séparable” décrite au § 3.

2.5 Lien avec la Décomposition aux Valeurs Singulières et l’Analyse en Com-posantes Principales

La POD discrète présentée précédemment s’apparente à une Décomposition aux Valeurs Singulièresou Singular Value Decomposition (SVD) de la matrice des réalisations A. En effet, si A est une matricede taille n×N , sa SVD s’écrit :

A = UΣtV , (5.39)

avec U et V des matrices de taille n × n et N ×N respectivement telles que tUU = In et tV V = IN .Σ est une matrice diagonale de taille n×N de la forme suivante :

Σ =

σ1 0 . . . 0 . . . 0

0. . . . . .

... . . ....

.... . . 0 . . .

0 . . . 0 σn 0 . . . 0

si n < N et Σ =

σ1 0 . . . 0

0. . . . . .

......

. . . 00 . . . 0 σN...

...... 0

...0 . . . 0

si n > N. (5.40)

Les termes diagonaux σi sont appelés valeurs singulières de A. Cette factorisation est l’outil de basede l’Analyse en Composantes Principales (ACP) qui représente une méthode d’analyse de données trèsrépandue et particulièrement efficace pour l’étude de grands tableaux. Les colonnes de la matrice A étantconsidérées comme une famille de N individus vivant dans un espace à n dimensions, l’objectif de l’ACPvia la SVD est de déterminer la ou les meilleures projections de ce nuage de points sur un espace de pluspetite dimension, typiquement deux ou trois, pour pouvoir effectuer une analyse graphique des données11.Il faut donc chercher successivement les vecteurs maximisant la projection des colonnes (ou des lignes) dela matrice A. Les points correspondants aux colonnes de la matrice A étant notés Mi, pour i = 1, . . . , N ,l’inertie du nuage de points est définie par :

Itot =N∑i=1

d2 (OMi) =n∑i=1

n∑j=N

A2ij . (5.41)

11Une telle interprétation peut indifféremment être proposée pour les lignes et les colonnes de A.

99

Page 57: Bourguet2

Chapitre 5. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

O désigne l’origine du repère et d(M,N) la distance euclidienne entre les points M et N .L’inertie du nuage de points projeté sur l’axe portant un vecteur normé u est :

Iu =N∑i=1

d2 (OHi) = ‖tAu‖22 =N∑i=1

n∑j=1

Ajiuj

2

, (5.42)

où Hi représente la projection du point Mi sur u (figure 5.1) et ‖ · ‖2 est la norme euclidienne.

i

iM 1u

H

O

2u

Fig. 5.1 – Interprétation géométrique de l’Analyse en Composantes Principales. L’axe u1 maximisel’inertie de la projection du nuage de points.

Maximiser Iu est un problème d’optimisation similaire à (5.4) dans le cas continu. La solution est donc,comme dans le cas de la POD, le vecteur propre de la matrice de corrélation définie ici par C = AtA,associé à la plus grande valeur propre. La base à Nsvd dimensions, assurant la meilleure projection desdonnées, est constituée des Nsvd premiers vecteurs propres de C12. Dans le cas où l’analyse des donnéesporte sur les lignes de la matrice A, le vecteur maximisant l’inertie projetée est le premier vecteur proprede la matrice tAA. Les matrices AtA et tAA sont symétriques et positives de tailles n × n et N × Nrespectivement. Leurs valeurs propres λi sont positives ou nulles et leurs valeurs propres positives sontidentiques. Les vecteurs propres associés forment deux bases orthogonales. Dans l’expression (5.39), lamatrice U (resp. V ) est constituée des vecteurs propres orthonormés de AtA (resp. tAA) et les termesdiagonaux de Σ sont σi =

√λi. Par conséquent la décomposition (5.39) tronquée assure une représentation

de rang Nsvd optimale de la base de données :

A ≈ UNsvdΣNsvdtV Nsvd =

Nsvd∑i=1

√λiui

tvi, (5.43)

avec

UNsvd =[u1 . . . uNsvd

], V Nsvd =

[v1 . . . vNsvd

]et ΣNsvd =

√λ1 0

. . .0

√λNsvd

. (5.44)

Comme pour la POD, le résidu

‖A−UNsvdΣNsvdtV Nsvd‖2Fro =

min(n,N)∑i=Nsvd+1

λi =rang(C)∑i=Nsvd+1

λi (5.45)

est minimum. ‖ · ‖Fro désigne la norme de Frobenius, ‖A‖Fro =√A2αβ .

12Ces vecteurs sont appelés “directions principales”.

100

Page 58: Bourguet2

3. La POD séparable

Le calcul pratique de la SVD nécessite la résolution d’un problème aux valeurs propres sur la matriceAtA ou tAA pour le calcul de U ou V et Σ. Si U ou V est connue alors V ou U peut être calculéedirectement :

vi =1√λi

tAui et ui =1√λiAvi pour λi > 0. (5.46)

La SVD peut donc être calculée indifféremment par l’une ou l’autre des deux approches en privilégiantd’un point de vue pratique le problème aux valeurs propres de plus petite dimension. Cette propriété seradétaillée au § 3 dans le cas de la POD séparable13.

La SVD ainsi présentée et la POD discrète sont donc étroitement liées. La différence majeure étant quele produit scalaire mis en jeu dans la POD n’est pas le produit scalaire euclidien mais le produit scalairepondéré par la matrice de masse (5.32). En effectuant le changement de variables évoqué précédemment(A = tM1/2A), il y a identité entre les deux approches. SiM = In, les modes POD Φi sont alors égauxaux vecteurs propres ui.

3 La POD séparableDans le contexte de la modélisation de dimension réduite, la POD est utilisée pour extraire une base

de faible dimension sur laquelle le modèle physique complexe à approcher pourra être projeté. Dans laprésente étude, des modèles d’ordre réduit des équations de Navier-Stokes sont recherchés sous formede systèmes dynamiques et pour cela, il est intéressant de considérer une base de projection purementspatiale. Par ailleurs, comme cela a été présenté précédemment, la POD complète s’avère, pour des raisonspratiques, délicate à mettre en œuvre. Dans cette section, une version dégradée de la POD complète fondéesur une séparation spatio-temporelle est décrite ainsi que deux approches de calcul de cette base PODséparable. Enfin, un exemple illustratif mettant en valeur l’efficacité de la décomposition aux valeurspropres comme méthode d’approximation est proposé.

3.1 POD séparable et décomposition bi-orthogonaleAfin de définir une base de modes POD purement spatiale, une approximation du processus aléatoire

spatio-temporel v(x, t) ∈ H(Ω× [0, T ]) est recherchée sous la forme suivante (Holmes et al., 1996) :

v (x, t) ≈Npod∑i=1

ai (t) Φi (x). (5.47)

Dans ce cas, les modes POD Φi ∈ H(Ω) ne peuvent pas être les fonctions propres du tenseur des corré-lations doubles spatio-temporelles (C(X,X′) = C(x,x′, t, t′)14). Une première étape dans la constructionde cette base consiste à considérer les corrélations doubles spatiales à un instant donné, et non plus lescorrélations doubles spatio-temporelles :

C (x,x′, t, t) = 〈v(x, t)v(x′, t)〉. (5.48)

De nouveau, des modes purement spatiaux ne peuvent généralement pas être fonctions propres d’untel opérateur spatio-temporel. Ce problème peut être résolu en invoquant une hypothèse de stationnaritéstatistique de la variable aléatoire v (Holmes et al., 1996). En effet, la stationnarité15 implique l’indé-pendance des propriétés statistiques par rapport au choix de l’origine des temps. Ainsi les corrélationsspatio-temporelles peuvent être écrites :

C (x,x′, t, t′) = C (x,x′, t− t′) . (5.49)

Il s’ensuit que les corrélations spatiales à un instant donné sont indépendantes du temps :

C (x,x′, t− t) = C (x,x′, 0) = Cx (x,x′) . (5.50)13Approche directe et approche “clichés” pour la POD séparable.14Dans cette section, le tenseur des corrélations doubles est systématiquement noté C, même si des changements de

variables sont utilisés pour regrouper ou éliminer certaines dépendances.15Ou homogénéité dans la direction temporelle. Il est important de distinguer stationnarité statistique et stationnarité

des processus instantanés. Dans la suite, les quantités physiques instantanées considérées dépendent généralement du tempsmais sont supposées stationnaires du point de vue statistique.

101

Page 59: Bourguet2

Chapitre 5. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

Cx désigne ainsi l’opérateur des corrélations spatiales en deux points.De même que pour la POD complète, un opérateur de corrélation spatiale Kx peut être défini comme

Kx : H(Ω) → H(Ω) tel que KxΨ(x) = (Cx(x, ·),Ψ), où (·, ·) désigne maintenant le produit scalaire surH(Ω). Cet opérateur est symétrique et positif, il admet donc une infinité de fonctions propres orthogonalesqui seront choisies normées, ainsi qu’une infinité dénombrable de valeurs propres positives ou nulles. Dansle cas stationnaire, la première fonction propre de Kx est solution du problème d’optimisation suivant :

maxΨ∈H(Ω)

⟨(v (·, t) ,Ψ)2

⟩(Ψ,Ψ)

avec (Ψ,Ψ) = ‖Ψ‖2 = 1, pour tout t ∈ [0, T ]. (5.51)

En effet, la stationnarité de v implique que la quantité 〈(v(·, t),Ψ)2〉 est indépendante du temps. Lesmodes POD spatiaux vérifient :

KxΦi = λiΦi, (5.52)

soit, en considérant par exemple le produit scalaire canonique sur L2(Ω) :∫Ω

Cx (x,x′) Φi (x′) dx′ = λiΦi (x) . (5.53)

Les coefficients de projections de la décomposition (5.47) sont calculés comme suit :

ai (t) = (v (·, t) ,Φi) et 〈ai (t) aj (t)〉 = λiδij . (5.54)

Même sous l’hypothèse de stationnarité, la décomposition ainsi obtenue n’est pas optimale dans le sensstatistique général utilisé pour définir la POD complète (problème (5.4) où le produit scalaire est spatio-temporel) puisque les éléments propres de Cx (x,x′) ne sont pas nécessairement ceux de C (x,x′, t− t′)(Faghani, 1996). Les corrélations spatiales à déphasage temporel non nul ne sont pas prises en comptepar des fonctions purement spatiales.

Processus ergodique

En supposant le processus aléatoire v ergodique, la moyenne d’ensemble peut être remplacée par lamoyenne temporelle. Le problème d’optimisation (5.51) menant à la définition d’une base POD spatialepeut être reformulé comme suit :

maxΨ∈H(Ω)

⟨(v,Ψ)2

⟩(Ψ,Ψ)

= maxΨ∈H(Ω)

1T

∫ T0

(v (·, t) ,Ψ)2dt

(Ψ,Ψ)avec (Ψ,Ψ) = ‖Ψ‖2 = 1. (5.55)

Si une décomposition en fonctions spatiales de la forme (5.47) est recherchée, la résolution du problème(5.55) conduit alors à la définition d’une base optimale pour le produit scalaire spatial sur H(Ω). Lesmodes POD sont ainsi les fonctions propres orthonormées du tenseur des corrélations spatiales :

Cx (x,x′) =1T

∫ T

0

v (x, t) v (x′, t) dt (5.56)

et

ai (t) = (v (·, t) ,Φi) avec1T

∫ T

0

ai (t) aj (t) dt = λiδij . (5.57)

Décomposition bi-orthogonale

Parallèlement à l’étude des corrélations spatiales, le tenseur des corrélations temporelles à deux ins-tants peut être défini comme suit (Aubry et al., 1991) :

Ct (t, t′) =1T

∫Ω

v (x, t) v (x, t′) dx. (5.58)

102

Page 60: Bourguet2

3. La POD séparable

De plus,

Ct (t, t′) =1T

∫Ω

( ∞∑i=1

ai (t) Φi (x)

) ∞∑j=1

aj (t′) Φj (x)

dx (5.59)

=1T

∞∑i,j=1

ai (t) aj (t′)∫

Ω

Φi (x) Φj (x) dx (5.60)

=1T

∞∑i=1

ai (t) ai (t′) . (5.61)

Les coefficients temporels de la POD sont les fonctions propres orthogonales de ce tenseur :∫ T

0

Ct (t, t′) ai (t′) dt′ =1T

∫ T

0

∞∑j=1

aj (t) aj (t′) ai (t′) dt′ (5.62)

=1T

∞∑j=1

aj (t)∫ T

0

aj (t′) ai (t′) dt′ (5.63)

= λiai (t) . (5.64)

La décomposition (5.47) ainsi définie est qualifiée de décomposition bi-orthogonale ou Bi-OrthogonalDecomposition (BOD) par Aubry et al. (1991). Les fonctions de base temporelles et spatiales pouvantêtre calculées indépendamment comme les éléments propres des tenseurs des corrélations temporelles etspatiales. Aubry et al. (1991) propose d’écrire cette décomposition sous la forme suivante :

v (x, t) ≈Npod∑i=1

√λibi (t) Φi (x), (5.65)

où bi et Φi appelés “chronos” et “topos” sont respectivement les fonctions propres orthonormées destenseurs des corrélations temporelles et spatiales qui représentent des quantités déterministes. Le caractèrestochastique de v est alors porté par

√λi alors que dans les cas de la décomposition (5.47), les coefficients

ai sont considérés comme des variables aléatoires (Holmes et al., 1996). Du point de vue du calcul pratiquede la base POD séparable, cette distinction n’a pas d’incidence.

3.2 Approche directe et snapshot POD

Dans le cadre de la décomposition aux valeurs propres séparable stationnaire et ergodique, deuxapproches peuvent être envisagées pour déterminer les modes spatiaux et les coefficients temporels. Enpremier lieu, ces deux méthodes sont présentées dans le cas continu puis leur mise en œuvre pratique estdécrite dans le cas d’une application classique où la quantité spatio-temporelle est discrétisée.

Approche directe ou “classique”

L’approche classique consiste à résoudre un problème aux valeurs propres mettant en jeu les corréla-tions spatiales Cx. Ses fonctions propres sont les modes POD spatiaux et les coefficients temporels sontobtenus par projection de v sur ces modes (5.57).

Approche “cliché” ou snapshot POD

L’approche dite snapshot POD a été introduite par Sirovich (1987) et consiste à résoudre en premierlieu un problème aux valeurs propres sur les corrélations temporelles Ct pour déterminer les coefficientstemporels ai puis à projeter la quantité v sur ces coefficients temporels (orthogonaux) et en déduire lesmodes POD spatiaux comme suit :

Φi (x) =1λiT

∫ T

0

v (x, t) ai (t) dt, pour λi > 0. (5.66)

103

Page 61: Bourguet2

Chapitre 5. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

Cas discret et de dimension finie

Dans la pratique, la base de données peut se présenter sous forme d’une matrice de réalisations ou“snapshots” stockés en colonnes :

A =

v (x1, t1) v (x1, t2) . . . v (x1, tNt)v (x2, t1) v (x2, t2) . . . v (x2, tNt)

......

......

v (xNx , t1) v (xNx, t2) . . . v (xNx , tNt)

. (5.67)

Nx désigne le nombre de points de discrétisation spatiale et Nt le nombre de clichés collectés. Les matricesdes corrélations spatiales (Nx ×Nx) et temporelles (Nt ×Nt) s’expriment respectivement comme suit :

Cx =1NtAtA et Ct =

1Nt

tAMA. (5.68)

Par la méthode directe, les modes spatiaux Φi sont les vecteurs propres orthonormés16 de Cx telsque :

CxMΦi = λiΦi et ai (tj) = tA·jMΦi. (5.69)

Par la snapshot POD, les coefficients temporels ai sont les vecteurs propres orthogonaux de Ct telsque :

Ctai = λiai avec1Nt

taiaj = λiδij . (5.70)

Les modes spatiaux sont obtenus a posteriori :

Φi =1

λiNtAai, pour λi > 0. (5.71)

Le choix de l’une des deux approches est lié aux nombres de points de discrétisation spatiaux ettemporels. Ainsi, si Nx < Nt l’approche classique qui conduit à la résolution d’un problème aux valeurspropres de plus petite dimension sera mise en œuvre et inversement la snapshot POD sera utilisée lorsqueNx > Nt. Dans la pratique en mécanique des fluides, le cas où Nx < Nt est rencontré pour des bases dedonnées expérimentales obtenues par exemple par une série de mesures de pressions instationnaires oupar anémométrie, pour lesquelles la résolution temporelle est souvent bien supérieure à la discrétisationdu domaine spatial17. Dans le cas où les données collectées sont issues de simulations numériques, commedans le cadre de cette thèse, il est fréquent d’avoir Nx Nt

18, l’approche snapshot POD sera alorspréférée.

3.3 Exemple illustratif unidimensionnelUn exemple d’application de la POD séparable est proposé dans cette section sur la base de données

issues d’une simulation numérique. La quantité étudiée est la composante horizontale de la vitesse d’unécoulement dans la zone de recirculation à l’extrados d’une aile de type NACA0012 à Re = 800 etM = 0.3.Cet écoulement présente une forte interaction entre l’instabilité de von Kármán et l’instabilité secondairetridimensionnelle. La simulation numérique directe a été effectuée à l’aide du code ICARE/IMFT com-pressible. Ce cas d’étude sera présenté en détail au § 3 du chapitre 7, notamment dans l’optique d’unemodélisation d’ordre réduit de cet écoulement. La vitesse horizontale de l’écoulement est observée lelong de l’envergure de l’aile (4 cordes), sur un intervalle temporel correspondant à une vingtaine de pé-riodes de l’instabilité de von Kármán. La base de données considérée est stockée sous forme d’une matricede “snapshots” de taille Nx×Nt = 101×10671. L’approche POD directe est par conséquent mise en œuvre.

Le spectre de la matrice des corrélations temporelles permet d’évaluer l’information statistique portéepar chaque mode POD. L’information relative de ces modes λi/

∑Nxj=1 λj est représentée sur la figure 5.2

en échelle logarithmique (axe de gauche). Ce spectre décroît rapidement et comme le montre l’informationstatistique cumulée I(Npod) (5.29) (axe de droite), un faible nombre de modes autorise une capture efficacede la majeure partie de l’information de cette base de données ; en particulier I(25) = 99%.

16Pour le produit scalaire spatial.17Le cas de la vélocimétrie par imagerie de particules ou Particle Image Velocimetry (PIV) peut être une exception.18Cela n’est cependant pas toujours vérifié comme le montre l’exemple unidimensionnel suivant.

104

Page 62: Bourguet2

4. Application à la réduction de dimension pour les écoulements

Mode

Info

rmat

ion

rela

tive

Info

rmat

ion

rela

tive

cum

ulée

(%)

5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60

10-5

10-4

10-3

10-2

10-1

20

40

60

80

100

Information relative

Information relative cumulée

Base POD tronquée

25 modes - 99%

Fig. 5.2 – Contribution relative de chaque mode POD à l’extraction de l’information statistique de la basede données (axe de gauche - traits pleins) et information statistique cumulée de la base POD tronquéeen fonction du nombre de modes retenus (axe de droite - traits pointillés).

Le champ de vitesse spatio-temporel à approcher par POD est représenté sur la figure 5.3(a). Surles figures 5.3(b)-(f) les approximations de ce champ sur des bases POD tronquées de dimensions crois-santes sont proposées. Il apparaît qu’un faible nombre de modes (par exemple Npod = 7) conduit àune restitution qualitativement correcte des données et que pour Npod = 25 le champ approché semblequasi-identique au champ de référence. Cet exemple qualitatif montre que la POD peut conduire à uneréduction conséquente du nombre de degrés de liberté du système (de Nx à Npod) tout en assurant unereprésentation fidèle des données initiales.

4 Application à la réduction de dimension pour les écoulements

Afin de pouvoir mettre en œuvre la POD dans le contexte de la modélisation de dimension réduited’écoulements simulés numériquement, plusieurs points spécifiques doivent être considérés comme la priseen compte des conditions aux limites du domaine physique ainsi que l’extension de la POD pour l’ap-proximation de quantités vectorielles.

4.1 Traitement des conditions aux limites

En considérant la quantité scalaire v approchée par la POD séparable tronquée :

v (x, t) ≈Npod∑i=1

ai (t) Φi (x) , (5.72)

il apparaît que les modes POD peuvent être exprimés comme suit :

Φi (x) =1λiT

∫ T

0

v (x, t) ai (t) dt. (5.73)

Par conséquent, ces modes spatiaux héritent des conditions aux limites homogènes imposées à la quantitév. Par exemple :

– si v (x, t) = 0 sur une frontière Γ alors Φi (x) = 0 sur Γ,

105

Page 63: Bourguet2

Chapitre 5. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

Fig. 5.3 – Champs spatio-temporels de vitesse horizontale sur une ligne transversale le long de l’envergureà l’extrados d’une aile de type NACA0012 : (a) champ issu de la simulation numérique directe et champsapprochés par des bases POD tronquées à (b) Npod = 1, (c) Npod = 3, (d) Npod = 7, (e) Npod = 15 et(f) Npod = 25 dimensions.

– si ∂v (x, t) /∂n = 0 sur Γ avec n la normale à la paroi, alors ∂Φi (x) /∂n = 0 sur Γ.

Afin que la décomposition (5.72) puisse vérifier des conditions aux limites non-homogènes en espacetelles que v(x, t) = c(x) sur Γ, une approche classique consiste à soustraire à v une quantité vérifiantles mêmes conditions aux limites pour se ramener à des conditions homogènes. Dans la pratique, cerelèvement peut être effectué en soustrayant la moyenne temporelle de v qui vérifie les mêmes conditionsaux limites que v, si ces dernières sont indépendantes du temps. La décomposition aux valeurs propres

106

Page 64: Bourguet2

4. Application à la réduction de dimension pour les écoulements

est alors appliquée aux fluctuations temporelles de v, notées v :

v (x, t) = v (x, t)− v (x) ≈Npod∑i=1

ai (t) Φi (x) , avec v (x) =1T

∫ T

0

v (x, t) dt. (5.74)

Le choix de soustraire le champ moyen pour assurer l’homogénéité des conditions aux limites estarbitraire et d’autres relèvements peuvent être envisagés comme par exemple la soustraction du champstationnaire instable précédant par exemple le déclenchement de l’instabilité de von Kármán (Buffoniet al., 2006). Dans le cadre de la présente étude, le champ moyen est systématiquement soustrait auxdonnées considérées pour construire la POD et la matrice des corrélations temporelles s’exprime commesuit :

Ct (t, t′) =1T

(v (·, t) , v (·, t′)) . (5.75)

Du point de vue statistique, cette opération revient à centrer les données.

Si une condition instationnaire est imposée sur une frontière, par exemple v(x, t) = c(x, t) sur Γ,une approche similaire peut être envisagée en soustrayant un champ instationnaire vc vérifiant cettecondition :

v (x, t) = v (x, t)− vc (x, t) ≈Npod∑i=1

ai (t) Φi (x) . (5.76)

vc est appelée “fonction de contrôle”. Cette technique a été mise en œuvre avec succès pour prendre encompte l’oscillation d’un cylindre circulaire manipulé (Graham et al., 1999a; Bergmann et al., 2005) ouun jet pulsé sur une frontière (Vigo, 2000) par exemple. Là encore, le choix de ce champ de référence estarbitraire ; il peut en théorie être constitué de fonctions nulles sur la majeure partie du domaine et ayant lavaleur imposée sur le bord. Dans la pratique, cette fonction est souvent décomposée en vc(x, t) = g(x)h(t)où g(x) est un champ stationnaire obtenu par exemple pour un taux de rotation donné et une vitesseinfinie de l’écoulement nulle dans le cas du cylindre manipulé. h(t) représente alors la dynamique de lafonction de contrôle qui permet de vérifier la condition instationnaire sur la frontière.

4.2 Choix du produit scalaire dans le cas vectorielDans le cadre de cette étude comme généralement dans la littérature, l’espace fonctionnel considéré

est H(Ω) = L2(Ω) et le produit scalaire spatial mis en jeu dans le cas où la quantité à approcher v estscalaire, est défini comme suit, pour tout v et w ∈ L2(Ω) :

(v, w) =∫

Ω

v (x)w (x) dx. (5.77)

Néanmoins, d’autres espaces fonctionnels peuvent être retenus comme H1(Ω), le produit scalaire pouvantalors se définir comme suit (Iollo et al., 2000) :

(v, w) =∫

Ω

v (x)w (x) dx+ ε

∫Ω

∇v (x) · ∇w (x) dx. (5.78)

ε est un coefficient de pondération arbitraire. Un tel choix semble améliorer la stabilité numérique et laprécision des modèles réduits POD-Galerkin associés (Iollo et al., 2000), tout en induisant un coût decalcul supplémentaire important par rapport au produit scalaire sur L2(Ω). Cette approche n’a pas étémise en œuvre dans cette thèse et mériterait une étude approfondie.

Quantités vectorielles

La décomposition aux valeurs propres a été présentée d’un point de vue théorique et pratique commeune méthode d’approximation efficace de quantités scalaires. Dans le cadre de son utilisation en mécaniquedes fluides et notamment pour le développement de modèles réduits d’écoulements, les quantités physiquesconsidérées sont généralement vectorielles v(x, t) ∈ L2(Ω × [0, T ])d. Dans le cas où v représente unvecteur d’état, d est le nombre de variables d’état, par exemple d = 5 pour les équations de Navier-Stokestridimensionnelles pour les écoulements compressibles.

Deux stratégies peuvent être adoptées pour appliquer la décomposition aux valeurs propres :

107

Page 65: Bourguet2

Chapitre 5. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

– décomposer chaque variable indépendamment en lui associant une dynamique POD spécifique, pouri = 1, . . . , d :

vi (x, t) ≈Npod∑j=1

avij (t) Φvij (x) , (5.79)

– décomposer chaque variable sur une base POD spécifique mais dont l’évolution temporelle estgouvernée par une dynamique globale scalaire :

v (x, t) ≈Npod∑i=1

ai (t) Φi (x) . (5.80)

La première approche présente l’avantage de conduire à la résolution de problèmes aux valeurs propresindépendants et donc de ne pas induire d’inconsistance dimensionnelle comme dans le cas couplé. Il n’estpas nécessaire de définir un produit scalaire spatial multi-dimensionnel, (5.77) suffit. Dans le second cas,il faut définir un produit scalaire sur L2(Ω)d.

L’intérêt de l’approche couplée (5.80), qui justifie son utilisation quasi-systématique dans la littératurepour la modélisation de dimension réduite, est qu’elle conduit, pour une dimension Npod fixée, à diviserpar d le nombre de dynamiques POD à prédire par rapport à (5.79). Il faut noter que pour un seuil dequalité de représentation (I(Npod)) fixé, l’approche découplée pourrait néanmoins nécessiter moins demodes que la décomposition globale. Dans la pratique, pour les configurations étudiées dans cette thèse,les différents coefficients temporels av

i

j ont la même allure pour i = 1, . . . , d. La décomposition (5.79)peut donc apparaître “redondante” comme le montre l’étude comparative proposée au § 5.1 du chapitre6. La décomposition couplée (5.80) est généralement adoptée dans la suite de cette étude.

Un produit scalaire multi-dimensionnel peut être défini comme suit, pour tout v et w ∈ L2(Ω)d :

(v,w) =d∑i=1

∫Ω

vi (x)wi (x) dx. (5.81)

Cette définition conduit à ajouter au sein d’une même matrice de corrélation, les contributions de chaquevariable19. Dans le cadre de l’étude des écoulements incompressibles où le vecteur d’état à approcher estconstitué des trois composantes de la vitesse du fluide, ce produit scalaire est consistant et il est homogèneà une énergie cinétique. Par contre, dans le cas où des variables de dimensions physiques diverses sontmises en jeu, la définition (5.81) n’est pas convenable.

Produit scalaire pour les écoulements compressibles

La principale difficulté pour définir un produit scalaire consistant dans le cas des écoulements com-pressibles vient du couplage, dans le vecteur d’état, des variables cinématiques et thermodynamiques. Leproduit scalaire (5.81) conduit à ajouter des corrélations de vitesse et de pression par exemple, ce quin’a pas de sens du point de vue de l’analyse dimensionnelle. Une première solution consiste à considérerdes grandeurs physiques adimensionnelles20. Dans le cadre de la simulation des écoulements compres-sibles, comme cela a été présenté au chapitre 3 (§ 2), différentes approches d’adimensionnement peuventêtre envisagées. La base POD fondée sur le produit scalaire (5.81) dépend alors directement de l’adi-mensionnement utilisé, notamment via le poids respectif accordé aux variables thermodynamiques etcinématiques.

Afin de s’affranchir du choix arbitraire d’une formulation adimensionnelle, Rowley et al. (2004) pro-posent un produit scalaire dimensionnel homogène à l’enthalpie du fluide. Ce produit scalaire est adaptéà l’étude d’écoulements “froids” isentropiques à faibles nombres de Mach, pour lesquels le vecteur d’étatdes équations de Navier-Stokes peut être simplifié en remplaçant les deux variables thermodynamiquespar la vitesse locale du son. Pour deux états vI et vII donnés, ce produit scalaire s’écrit :

(vI ,vII

)=∫

Ω

(uI1u

II1 + uI2u

II2 + uI3u

II3 +

2αγ − 1

cIscIIs

)dx, (5.82)

19Il serait aussi possible d’inclure les corrélations croisées inter-variables en considérant : (v,w) =∑di,j=1

∫Ω vi (x)wj (x) dx..

20Pour les écoulements incompressibles, les formulations considérées sont généralement adimensionnelles.

108

Page 66: Bourguet2

4. Application à la réduction de dimension pour les écoulements

où ui désigne la ième composante de la vitesse, cs la vitesse du son et α une constante à fixer. Ce produitscalaire est consistant d’un point de vue dimensionnel et les coefficients temporels de la POD sont alorshomogènes à des vitesses.

Dans le cas où la forme générale des équations de Navier-Stokes compressibles doit être conservée, parexemple pour la simulation d’écoulements en régime transsonique, il est nécessaire de définir un produitscalaire consistant sur la base de la formulation complète des variables d’état. Lumley & Poje (1997) sug-gèrent une normalisation a priori de la base de données par leur variance, dans le cas d’écoulements à massevolumique variable. Une définition consistante et systématique du produit scalaire multi-dimensionnel aété proposée dans le cadre de cette thèse (Bourguet et al., 2007a) :

(vI ,vII

)=

d∑i=1

∫Ω

vIi (x) vIIi (x)σ2i (x) + ε

dx avec σ2i (x) =

1T

∫ T

0

(vi (x)− vi (x))2dt. (5.83)

σ2i est la variance statistique locale associée à la ième variable. ε est une constante positive à fixer qui

évite une indétermination du produit scalaire dans les zones où la variance est nulle, par exemple surles frontières du domaine où une condition de Dirichlet peut être imposée. En pratique, ε est choisieinférieure de trois ordres de grandeurs à la plus petite variance positive et n’a donc pas d’incidence surla valeur du produit scalaire. La contribution de chaque variable est ainsi normalisée d’une part vis-à-visdes autres variables, et d’autre part pour une variable donnée, l’information portée par chaque point dudomaine est considérée également. D’un point de vue statistique, ce traitement des données est équivalentà l’étape de normalisation effectuée préalablement à une ACP normée21. Ce produit scalaire est utilisédans le cadre de cette étude pour l’analyse physique par POD et la modélisation de dimension réduited’écoulements compressibles. La définition proposée semble par ailleurs utilisable dans des contextes phy-siques plus complexes où de nouvelles variables sont introduites dans le vecteur d’état, par exemple eninteraction fluide-structure ou en milieu réactif. Par construction, les modes POD sont orthonormés ausens du produit scalaire (5.83) : (Φi,Φj) = δij . Par contre, chaque composante Φvij n’est pas orthonorméeau sens du produit scalaire L2(Ω). En utilisant le produit scalaire consistant (5.83), ce sont les modesspatiaux qui portent la dimension physique (au sens de l’analyse dimensionnelle) des composantes vi dansla décomposition (5.80) et les coefficients temporels sont adimensionnels.

Afin d’éviter l’introduction d’une constante arbitraire dans le produit scalaire multi-dimensionnel, uneautre définition est proposée :

(vI ,vII

)=

d∑i=1

1σ2i

∫Ω

vIi (x) vIIi (x)dx avec σ2i =

1T

∫Ω

∫ T

0

(vi (x)− vi (x))2dtdx. (5.84)

Dans ce cas, σ2i est la moyenne spatiale de la variance associée à la ième variable. La contribution de

chaque variable est pondérée de même que dans (5.83) (figure 5.4), par contre pour une variable donnée,un poids plus important est accordé aux régions de fortes variances, notamment pour la construction dutenseur des corrélations temporelles.

La définition (5.84) implique que la trace de ce tenseur vaut :∫ T

0

Ct (t, t) dt =1T

∫ T

0

(v (·, t) , v (·, t)) dt

=d∑i=1

1σ2i T

∫Ω

∫ T

0

v2i (x)dxdt

= d (5.85)

et par conséquent∞∑i=1

λi = d. (5.86)

21Cette étape fait suite à la soustraction de la moyenne temporelle évoquée au § 4.1 : la base de données est donc centréeet normée.

109

Page 67: Bourguet2

Chapitre 5. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

(b)(a)

Fig. 5.4 – Interprétation géométrique de la normalisation des données pour le calcul des directionsprincipales ou modes propres. Les nuages de points ( et 4) représentent les données associées à deuxvariables. (a) Axe principal obtenu sur les données brutes - le nuage de points 4 sera mal représenté parsa projection sur le premier axe (pointillés). (b) Après normalisation, le premier axe est modifié pourassurer une représentation efficace et “équitable” des deux variables.

Cette propriété permet de connaître a priori l’information statistique maximale qui peut être extraited’une base de données (d). Dans la pratique, les résultats obtenus avec les définitions locale (5.83) etglobale (5.84) sont très proches en termes de topologie des modes POD et des coefficients temporels.

Les produits scalaires consistants introduits précédemment sont des formes quadratiques et peuventdonc être utilisés pour définir une norme “énergie” au sens mathématique. Néanmoins, étant donné queces produits scalaires ne sont pas dimensionnels, il est délicat de les qualifier d’énergétiques, au sens phy-sique. Dans le cas où les données sont centrées, les normes induites par ces produits scalaires mesurentla variabilité des données. Cette quantité correspond strictement à l’information statistique (ou inertieen ACP) de la base de données, dans le cas (5.83). Pour résumer, en introduisant l’un de ces produitsscalaires dans le problème d’optimisation définissant la POD, la quantité maximisée par projection surle premier mode POD est la variance projetée de la base de données centrées normées. Autrement dit, lapremière direction principale est la direction de fluctuation maximale de la base de données.

Remarque : Les formulations énergétiques classiques ou maximisant l’inertie statistique comme dansle cas de cette étude ne sont pas forcément les plus adaptées à la restitution des propriétés physiquesd’intérêt. Rowley et al. (2004) donnent l’exemple des ondes acoustiques générées par un jet turbulent quine représentent qu’une faible proportion de l’énergie fluctuante et qui ne seront donc pas capturées parles premiers modes d’une base POD fondée sur un critère énergétique. De même, les fluctuations lentes etde faibles amplitudes comme par exemple l’évolution de la topologie du champ moyen peuvent être malreprésentées par une telle base qui privilégiera les fluctuations périodiques de grandes amplitudes commeun échappement tourbillonnaire lié à l’instabilité de von Kármán par exemple (Noack et al., 2003).

Mise en œuvre dans le cas discret

Dans la pratique, la base de données discrètes et de dimension finie peut être stockée sous forme d’unematrice à d×Nx lignes et Nt colonnes :

A =

A1

...Ad

avec Ai =

vi (x1, t1) . . . vi (x1, tNt)...

......

vi (xNx , t1) . . . vi (xNx , tNt)

. (5.87)

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4. Application à la réduction de dimension pour les écoulements

Les versions discrètes des produits scalaires (5.83) et (5.84) sur L2(Ω)d sont :

(Φ,Ψ) = tΦMdΨ avec Md =

MΣ−11 0

. . .0 MΣ−1

d

(5.88)

et,

Σ−1i =

1

σ2i (x1)+ε

0. . .

0 1σ2i (xNx )+ε

pour (5.83) et Σ−1i =

1σ2i

INx pour (5.84). (5.89)

M est la matrice de masse associée à la discrétisation spatiale. σ2i (xj) et σ2

i désignent les variancesstatistiques locales et moyennes sur le domaine calculées à partir de la base de données A.

4.3 Approche "données-dépendante" - choix des réalisationsLa décomposition aux valeurs propres décrite dans les sections précédentes peut être appliquée pour

représenter, de façon optimale, l’évolution spatio-temporelle des variables physiques pour la modélisa-tion d’écoulements compressibles instationnaires22. Par définition, les modes POD sont intrinsèquementdépendants de la base de données utilisée pour les générer et la base POD n’est optimale que pour l’ap-proximation de ces mêmes données. Le choix de la collection de réalisations considérées est donc un pointcrucial. Afin d’obtenir une convergence convenable des moments statistiques sous l’hypothèse d’ergodi-cité, il est d’une manière générale nécessaire de considérer un intervalle temporel [0, T ] suffisamment longpar rapport à l’échelle de temps du phénomène physique observé. C’est une première limitation de laméthode, notamment dans le cas de données issues de simulations numériques “haute-fidélité” très coû-teuses. De plus, la POD n’a de sens que si les clichés successifs stockés ne sont pas totalement décorrélés.Dans le cas contraire, aucune réduction de dimension n’est envisageable. Cela constitue une contrainteforte pour l’utilisation de la POD dans un cadre expérimental quant à la cadence d’acquisition des me-sures par exemple. Dans le cadre de cette étude, les simulations numériques considérées concernent desconfigurations d’écoulement présentant une forte composante périodique. En pratique, cette propriété estutilisée pour considérer qu’une à quelques périodes du phénomène physique pseudo-périodique observésont représentatives et donc suffisantes pour la construction de la base POD.

Par ailleurs, afin d’accroître la robustesse de la base POD par rapport à des variations de la confi-guration de l’écoulement (vitesse amont, incidence d’un profil, . . . ), différentes approches peuvent êtreenvisagées comme construire plusieurs bases POD pour des configurations physiques proches puis enconsidérant une base, ajouter des modes issus d’autres bases par le procédé d’orthonormalisation deGram-Schmidt, ou encore construire une seule base POD à partir de réalisations obtenues dans diffé-rentes configurations23. Plusieurs bases POD successives peuvent également être utilisées grâce à unestratégie de régions de confiance ou Trust-Region POD (TRPOD) (Arian et al., 2000), soit en ajoutant“en ligne” des modes POD supplémentaires, soit en régénérant complètement la base (Graham et al.,1999b, par exemple).

Les approches POD “une fois pour toutes” s’opposent ainsi aux méthodes itératives comme la TRPOD.Cette dernière présente l’avantage de ne faire appel à la résolution “haute-fidélité” que lorsque la frontièrede la région de confiance24 est atteinte. Néanmoins, la taille de cette région de confiance est étroitementliée à la robustesse de la base POD initiale. Par conséquent, un couplage des deux méthodologies peutsembler judicieux.

22Autrement dit, où les quantités physiques instantanées dépendent du temps.23Cette technique qui conduit à la construction d’une base POD hybride est mise en œuvre dans la suite de cette étude

pour améliorer la robustesse de l’approche (§ 3 et 4 du chapitre 8).24Il s’agit dans l’espace des paramètres de configuration, d’une limite au-delà de laquelle la base POD n’assure plus une

représentation acceptable des données “haute-fidélité”.

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Chapitre 5. La Décomposition Orthogonale aux valeurs Propres

5 La POD pour la modélisation de dimension réduiteDans ce chapitre, la décomposition orthogonale en modes propres a tout d’abord été décrite d’un point

de vue général comme une méthode d’approximation optimale puis, plus pratiquement, dans la perspectivede la modélisation de dimension réduite d’écoulements instationnaires compressibles. La POD complèteest un outil rigoureux et efficace pour l’analyse physique de la cohérence spatio-temporelle. Pour l’étuded’écoulements simulés ou mesurés expérimentalement, il est légitime de lui substituer la POD séparablestationnaire en invoquant l’ergodicité des processus physiques étudiés. Généralement, une base de don-nées centrées sera considérée et le sens donné à la POD dans ce cas est la maximisation de la projectionde l’information statistique de ces données. Le calcul pratique de la base POD correspond à la résolutiond’un problème aux valeurs propres sur la matrice des corrélations spatiales ou temporelles suivant quel’approche directe ou la snapshot POD a été choisie. Le critère de troncature de cette base est lié à lareprésentativité statistique des modes retenus.

Dans le contexte du développement d’approches de faibles dimensions pour la modélisation d’écoule-ments, le système physique complexe ou “haute-fidélité” constitué des équations de Navier-Stokes va êtreprojeté sur une base POD tronquée, induisant ainsi une réduction importante du nombre de degrés deliberté comparativement à une projection sur une base d’éléments finis, par exemple. La mise en œuvrede cette méthodologie pour définir des systèmes dynamiques d’ordres faibles représentatifs des propriétésfondamentales des systèmes physiques complexes qu’ils approchent est l’objet du chapitre 6.

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de la thèse