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B runo et A lice U ne histoire d’amour en douze épisodes sur les aînés et la sécurité

Bruno Alice f

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Bruno et AliceUne histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scuritPromouvoir et protger la sant des Canadiens grce au leadership, aux partenariats, linnovation et aux interventions en matire de sant publique. Agence de la sant publique du CanadaBruno et Alice Une histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scuritest disponible sur Internet ladresse suivante :http://www.santepublique.gc.ca/ainesAlso available in English under the title: Bruno and AliceA love story in twelve parts about seniors and safetyPour obtenir de plus amples renseignements au sujet de cette publication,veuillez communiquer avec :Division du vieillissement et des ansAgence de la sant publique du CanadaIndice de ladresse : 1908A1Ottawa (Ontario)K1A 0K9Tlphone : 613-952-7606Tlcopieur : 613-957-9938ATS/ATME : 1-800-267-1245Courriel : [email protected] : www.santepublique.gc.ca/ainesAux fns de rfrence : Agence de la sant publique du Canada.Bruno et Alice Une histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scurit. Ottawa, ON : Agence de la sant publique du Canada, 2011. Sa Majest la Reine du Chef du Canada, 1999. Rvis en 2011.No de Cat. HP25-13/2011F-PDFISBN 978-1-100-96597-0Une histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scuritBruno et AliceLes blessures sont responsables des malaises, delhospitalisation, de linvalidit, du placement entablissement et mme de la mort dun grand nombre danscanadiens. La plupart de ces blessures sont vitables et leur prvention doit engager toute la socit : les professionnelsde la sant, les gouvernements, les collectivits et les anseux-mmes. Cette srie de douze pisodes raconte lhistoire attendrissante de deux ans qui, cause dun manque de prvention, se retrouvent dans des situations cocasses qui les feront presque manquer leur rendez-vous avec lamour. Chaque histoire illustre certaines des mesures personnelles de prvention que peuvent adopter les ans pour rendre leur milieu plus sr et viter les blessures. Les textes et illustrations ont t produits dans le but desensibiliser le public aux mesures de prvention des blessures chez les ans. Cette srie peut tre reproduite intgralement ou en srie ( condition de citer la source) par tout organisme ou toute publication qui souhaite ainsi contribuer la prventiondes blessures chez les ans.PrfaceUne histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scurit4Au fl des jours, et bien que nous ne nous parlions pas, jai commenc avoir limpression quelle venait l pour me voir. Je me suis mis penser elle diffremment... Je me suis renducompte que je marrangeais pour tre au parc exactement la mme heure chaque jour. De juillet la fn aot, je nai pas manqu un seul rendez-vous . Elle non plus. force de penser elle presque continuellement, je me suis dit que je devrais linviter sortir.Bien du temps stait coul depuis la dernire fois o javais fait ce genre dinvitation environ une cinquantaine dannes et jai eu un peu de diffcult trouver mon courage. Prs de chez moi, il y a un endroit o, une fois par mois, on peut danser au son dun orchestre. Jai t assez bon danseur dj et jai dcid dinviter la dame venir danser le samedi suivant.Mais je narrivais pas lui demander. Nous tions djvendredi et je navais toujours pas trouv une faonsatisfaisante dentamer la conversation. Jtais dans tous mes tats et pour me changer les ides, jai dcid de tondre le gazon, de nettoyer la cuisine et de balayer le garage. Jaitellement bien russi me distraire que quand jai fnalement lev lil vers lhorloge, javais dj une heure de retard! Pourvu quelle ne soit pas partie! Je suis sorti de la maison comme une fche, oubliant mon portefeuille, mes verres fums, mon appareil auditif et mon journal sur la table du hall dentre. Jai fait presque tout le trajet au pas de course, priant pour quelle soit encore dans le jardin mon arrive.Rien ne sert de courir...Rien ne sert de courir, il faut partir point, dit le proverbe. Jai toujours pens quil disait vrai, et que seuls les cervels et les gens sans expriencene lappliquaient pas. Enfn, cest ce que jai cru jusqu ce quun incident merappelle, lt dernier,la sagesse du dicton tout ge.Depuis le dcs de ma femme, il y a huit ans, jai pris lhabitude daller lire dans le jardin des statues dune galerie dart prs dechez moi. Je masseois toujours sur le mme banc, en bordure du sentier, et je lis mon journal en paix. En juillet dernier, une femme a, elle aussi, pris lhabitude de venir lire sur ce banc.Premier pisodeBruno et Alice5Je suis gnralement en assez bonne forme physique mais il y avait belle lurette que je navais fourni un tel effort. Sans compter que le soleil plombait et quil faisait une chaleur crasante. Jtais puis en arrivant au jardin. En fait, jtais rellement mal en point. Heureusement (ou plutt, malheureu-sement), ma compagne de lecture ntait pasencore partie. Je me suis cras sur notre banc bout de souffle. Je navais pas encoredcouvert la rgle dor de la vieillesse : demeurer actif, certes, mais le faire de faon mesure. Jtais compltement brl.La dame sest penche vers moi, sans doute pour me demander si jallais bien, mais je nai rien entendu : mon appareil auditif tait la maison, avec mes lunettes de soleil etmon argent! Jai marmonn que a allait et, pour viter quelle ne dcouvre que je nentendais pas, jai t plutt brusque, comme si je voulais quelle me laisse seul. Et cest seul, en effet, que jai pass lasoire du samedi suivant. Le rendez-vous romantique dont je rvais tait remis une autre fois. Une histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scurit6voulaient un bon verre de jus. Il sest approch en se prsentantenfn. Il sappelait Bruno.Jai servi du jus aux petits et les ai installs la table de la cuisine. Les laissant dguster leur jus, Bruno sest aventur dans le salon et a t impressionn dy trouver un mur complettapiss de livres. Bruno et moi nous sommes dcouvertplusieurs intrts communs et, au bout de quelques minutes, tions plongs dans une discussion sur la littrature, lartet la musique, sortant livre aprs livre des rayons de mabibliothque. Soudainement, Bruno a pris conscience dusilence suspect qui fottait dans la cuisine et sy est prcipit pour voir si tout allait bien. Je lai suivi et suis arrive juste au moment o le plus jeune, ayant ouvert larmoire sous lvier, portait la bouteille de nettoyant sa bouche.Quel cauchemar! Le petit tait sauf, mais il aurait pu se faire grand mal, et je me sentais terriblement coupable. Jai bgayune excuse piteuse o il tait question de vieillesse et du besoin de garder tous les produits de nettoyage porte de la main.Il ne mtait jamais venu lide, 80 ans, damnager mon appartement afn quil soit sans danger pour les enfants!Rien de grave ne stait produit mais lincident tait tout de mme gnant. Quand Bruno est parti avec lesenfants, jtais certainede ne jamais le revoir. Vous prendrez bienun petit verre?Un bon conseil : si un homme vous intresse et que vous souhaitez quil sintresse aussi vous, vitez dempoisonner sa descendance.Cest ce que jai appris lt dernier, quand un homme du voisinage est pass prs de chez moi en compagniede ses deux arrire-petits-enfants. Lhomme ne mtait pas inconnu : nous partagions souvent le mme banc, dans le jardin des statues, mais nous ne nous tions jamais vraiment parl. En fait, la dernire fois que je lavais vu, je lui avais demand sil allait bien et il mavait rpondu assez brusquement.Mais aujourdhui il tait l,en face de mon appartement du rez-de-chausse, avec deux magnifques bambins, et jai dcid dessayer nouveau de lui montrer quil mintressait. Je lui ai fait signe de la main et lui ai demand si les enfants Deuxime pisodeBruno et Alice7Quand est venu le temps de sortir du bain, je me suis leve et me suis tire pour prendre ma serviette de lautre ct de la baignoire. Je ny suis pas tout fait arrive.Mes pieds ont gliss et je suis tombe de tout mon poids sur le bord de la baignoire, me heurtant la hanche, et mcrasant ensuite sur le plancher. Javais extrmement mal et je nai pubouger pendant de longs moments. Javais peur de mtre fractur quelque chose. Je me demandais aussi qui allait metrouver nue sur le plancher, le mois prochain, quand on sapercevrait que je suis en retard pour payer mon loyer!Jai essay datteindre le tlphone sans fl que japporte toujours avec moi dans la salle de bains (pas seulement par mesure de scurit... je dteste manquer un appel). Je laifnalement agripp et jai tlphon madame Wong, ma voisine. Elle a la cl de mon appartement et moi celle du sien, au cas o... Elle est venue mon aide immdiatement. Puis elle a apport un tapis de caoutchouc pour mettre dans ma baignoire et ma donn le nom dun ouvrier qui pourraitvenir minstaller une barre dappui.Finalement, je navais rien de cass. Des bleus, sans plus. Mais, croyez- moi, je ntais pas en tat de jouer aux cartes, ni davoir un premier rendez-vous romantique! Jen taismme me demander sijarriverais un jour parler cet homme...Quand on tombe en amour...Vers la fn de lt dernier, jai rencontr un homme nomm Bruno. Jaimais bien la faon dont il soccupait de ses arrire-petits-enfants et je me suis mise penser quonpourrait se frquenter. Mais vous connaissez les hommes! Jai eu beauessayer de me faire remar-quer, Bruno ne comprenait pas que je mintressais lui. Jai donc dcid de faire les premiers pas. Je ne demeure pas trop loin de chez lui, dans un immeuble pour ans, et nos parties de cartes du vendredi soir sont de vraies parties de plaisir! Une bonne semaine, je lai invit se joindre nous et il a accept.Je me suis prpare pour ma soire en prenant un bon bain. Jai toujours aim passer des heures lire dans leau chaude et parfume en tout cas, depuis que je sais lire! Troisime pisodeUne histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scurit8Mais ce soir, les choses allaient se passer diffremment. Javais invit Alice venir souper chez moi et la soire allaittre inoubliable, foi de Bruno. Quand elle est arrive, du jazzlangoureux senvolait du tourne-disque (oui, oui, tourne-disque), les lumires taient tamises et les chandelles brlaient. Je trouvais ma mise en scne trs russie. Alice, elle, a jet uncoup dil lendroit et sest esclaffe : Je suis bien chez lecompte Dracula? Sa remarque ma quelque peu bless, je lavoue. Jaime lclairage aux chandelles, mais je ne suis pas un vampire, tout de mme! Je navais pas encore dcouvert quAlice dit sans malice tout ce qui lui passe par la tte.Personnellement, je trouve quun clairage tamis apporte une touche de romantisme. Et puis, de toute faon, jai lhabitude de garder la plupart des lumires teintes; je trouve a plus conomique.Jai emmen Alice au salon et lui ai offert boire. Elle a choiside prendre du vin, alors je me suis lev du sofa et me suis dirig vers la cuisine o, dans la pnombre, je me suis aussitt frapp la tte sur le coin dune armoire.Jai d crier (et srement lancer quelques jurons!) parce quAlice sest retrouve mes cts dans le temps de le dire. Elle a allum les lumires, ma aid me relever et ma guid doucement vers un endroit plus confortable que le plancher de la cuisine.Le chteau de DraculaEntre Alice et moi, leschoses nallaient pas tellement rondement. Je lavais rencontre lt dernier et jtais fou delle, mais chaque fois quon faisait des plans pour se voir, quelque chose tournait mal. On aurait dit que le mauvais sort sacharnait sur nous. Notre premier rendez-vous, qui avait eu lieu chez elle la semaine prcdente, navait pas t particulirementromantique. Malgr tous mes efforts, nous avions pass la soire discuterde barres dappui et deprothses de la hanche. Cetaprs-midi-l, elle avait fait une mauvaise chute et, mme si je mtais jur de ne jamais discuter deproblmes de sant envieillissant, nous avonsparl que de a, en passant du danger des surfacesglissantes aux oprations de la prostate!Quatrime pisodeBruno et Alice9Heureusement, la soire na pas t undsastre total : Alice sest assise tout prsde moi sur le divan et, tout en soignant la prune qui me poussait sur le front, ma servi un petit sermon sur limportance dallumer les lumires avant dentrer dansune pice. Jtais bien content de voir que nous commencions nous rapprocher, mais jignorais quel point les choses allaient senfammer lors de notre prochainerencontre!Une histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scurit10Ce soir-l, Alice portait une grande robe en coton, genrecaftan, avec de belles manches larges. Elle tait superbe! Je lui ai remis le petit cadeau que javais apport pour elle. Voyez-vous, dans mes temps libres, je sculpte le bronze et largile. Javais choisi pour Alice une tte de femme, trstype, qui a sembl lui plaire normment. Elle ma invit la suivre jusqu la cuisine do schappaient les armesallchants du souper. Alice a plac ma sculpture sur ltagre juste derrire la cuisinire, poussant les feurs qui sy trouvaient dj. Voil, ma-t-elle dit, je pourrai ladmirer chaque fois que je ferai la cuisine! Elle sest ensuite penche pour ajuster nouveau la sculptureet est demeure quelques instants au-dessus de la cuisinire. Une des manches de sa robe a touch un lment et nous avons rapidement dcouvert quon ne pouvait vraimentpas qualifer le coton de tissu ignifug. Sa manche sestenfamme dun coup. Sans y penser, jai immdiatement pouss Alice vers lvier, et lai copieusement asperge laide de larroseur. En fait, je lai presque noye. Mais au lieu de mtre ternellement reconnaissante, comme je laurais t sa place (si, comme elle, javais eu limprudence de porter un vtement ample alors que je me servais de la cuisinire), elle tait furieuse!Tout feu tout ammeSoyons francs : quel que soit notre ge, les frquentations amoureuses exigent du courage. Mme si vous avez 70 ou 80 ans et que vous navez plus craindre que lacn vienne redessiner votre visage le jour du rendez-vous, de nombreux autres lments peuvent gcher une belle soire romantique.Un soir de septembre dernier, Alice, la femme dont jtais en train de tomber amoureux, ma invit souper chez elle. Nous nen tions qu notre troisime rendez-vous mais javais bon espoir que la soire soit place sous le signe de Cupidon ou deVnus, si vous voyez ce que je veux dire.Cinquime pisodeBruno et Alice11Depuis ce soir-l, jai appris que lorsque les vtements prennent feu, il faut se jeter et se rouler par terre. Jen ai fait part Alice mais elle accueille mes conseils plutt drlement. plusieurs reprises, elle ma demand sijavais donn mon nom comme pompier bnvole et, parfois, quand elle est vraiment dhumeur sarcastique, elle mappelle Flammche . Elle est folle de moi,cest vident!Une histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scurit12Bon. Je nai jamais gagn de prix ni quoi que ce soit dugenre mais, dans mon jeune temps, je dansais un tango assez fougueux, merci, et ma matrise du cha-cha me valait dtre particulirement en demande. Nous sommes donc partisdanser, Bruno et moi. Comme le dit la chanson, Jaurais voulu danser... Sauf quau troisime morceau, je nenpouvais plus. Je crois que je mtais quelque peu laisse aller, ct forme physique... En ralit, je ne faisais jamais dexercice. Jtais horriblement gne. Bruno avait pay une fortune pour nos billets et stait mme prpar pour la soire en sortant son costume latino de la naphtaline (en fait, il avait lair plutt ridicule). Mais, rien faire, je narrivais pas le suivre.Aprs le premier cha-cha, je tenais peine sur mes jambes mais je me suis force retourner danser. Au bout duneminute, jai senti ltourdissement me gagner. Jai eu de ladiffcult quitter la piste de danse et jai d mappuyer sur une table afn dviter de meffondrer sur le sol. Jtais remise au bout de quelques instants mais totalement estomaque de constater que jaurais pu me blesser, uniquement parce que je ntais pas en bonne condition physique!Jtais humilie. Bruno, lui, avait pris soin de rester en forme en faisant de lexercice, de longues promenades, en coupant le gazon, etc. Un... deux... cha-cha-chaSi lon veut vieillir avec sagesse, il nous fautreconnatre certainesnotions immuables. Comme le fait que, pour tre en forme, on doit y mettre du sien. Cest ce que jai appris un soir, au beau milieu dunplancher de danse.Bruno, mon prtendant , simagine tre un excellent danseur. Pendant de nom-breuses annes (comme ilme la maintes fois racont), il signait ses lettres le roide la samba . Le fait davoir 75 ans ne semble pas avoir diminu son entrain et, au cours de lhiver dernier, il ma invite sortir. Il y a une salle, pas loin de chez nous, o viennent jouer desorchestres (je ne pensais pas quil en existait encore) et, le jour o les billets ont t mis en vente, Bruno tait dans la fle pour nous en acheter.Sixime pisodeBruno et Alice13Javais 80 ans et je ne pouvais pas danser mais a navait rien voir avec lge. Je ntais pas en forme, voil tout.Depuis, jai chang mes habitudes. Je marchepour me rendre la bibliothque publique au lieu de prendre ma voiture. Si je nai quuntage monter, je prends les escaliers. Et je songe minscrire un cours de yoga. Jai lintention dtre prte la prochaine fois que lorchestre attaquera un cha-cha. Bruno na qu bien se tenir!Une histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scurit14Personne ne lattendait chez elle. Il allait de soi quelle pouvaitrester. Sauf que la soire prenait soudainement une toute autre allure! Je me sentais comme un adolescent. Je ne savais pas jusqu quel point la dcision dAlice dpendait rellement de la mauvaise temprature. Je laimais comme un fou et jtais convaincu que, quel que soit le dnouement de la soire, nousne le regretterions pas. Comme je me trompais!Jtais en train de montrer Alice la chambre o elle dormiraitlorsque lalarme a retenti une sonnerie stridente qui nous glaa le sang. Jai pens une alerte de raid arien mais Alice, elle, avait compris ce qui se passait. Elle a cri : Cest le dtecteur de fume! Chez moi, le dtecteur de fume est reli un systme de scurit central et les pompiers sont arrivs presque tout de suite. Ils ont vite trouv la source du problme. Ma cafetire! Je lavais branche mais javais oubli dy placer le pot caf.Le caf avait coul sur llment chauffant, y avait cuit, bouilli,brl et avait fnalement produit assez de fume pour dclencherle dtecteur. Il ny avait pas de feu, mais quelle fume! L, dans la cuisine, Alice et moipouvions videmment sentirlodeur cre du caf brl.Nous tions tous les deuxsurpris, par contre, de cons- tater que nous ne lavions pas senti plus tt. Il nous a bien fallu admettre quon ne peut se fer uniquement nos sens pour garantirnotre scurit.On se sent bien... non?Je crois que ctait au mois de fvrier. Il fai-sait un froid de loup. Alice, la femme que je frquentaisdepuis quelques mois, passait la soire chez moi. Jai prpar la cafetire, je lai branche et je suis all rejoindre Alice dans la salle de sjour. Nous venions de voir un flm (le genre quelle adore, un flm europen trs dprimant) et discutions savoir si le cinma tenait plus de lart ou de lindustrie. Dehors, le vent stait mis souffer frocement. Quand est venu le temps de partir, Alice a jet un coup dil dehors et a fait lagrimace. Elle craignait desortir, avait peur de glisser, de tomber. Elle mademand si elle pouvait passer la nuit chez moi... spcifant quelle dormirait sur le sofa, videmment. Pourquoi pas, aprs tout? Jai plusieurs chambres libres.Septime pisodeBruno et Alice15La flle de Bruno se trouvait l parmi nous. Elle a jet un seul coup dil la terrasse avant de dire son pre : Ta terrasse tombe en ruines, papa. Il faut vous dire que Bruno simagine tre un excellenthomme tout faire. Il a balay la remarque de sa flle dun : Voyons, cest fait de poutres de deux sur dix tous les pieds. Cest solide comme du roc. Il ne faut jamais tenter le destin. Bruno navait pas aussitt termin sa phrase que la balustrade a cd sous le poids du couple qui sy tait appuy. Aprs un court vol plan vers larrire, le couple a atterri sur un lit de gazon froid etdtremp. Heureusement, ils ne se sont pas blesss. Mais vous auriez d les entendre se plaindre des habits souills! La flle de Bruno a reu aussitt la permission de dnicher un menuisier et de lui commander les rparations ncessaires. Lincident tait clos.La fte termine, Bruno et moi sommes retourns sur laterrasse mesurer ltendue des dgts. Les yeux rivs sur les silhouettes du couple clairement dcoupes dans le gazon, Bruno a gard le silence pendant delongues minutes. Puis ilsest tourn vers moiet a dit : aurait pu tre nous. Saut prilleux arrire sur gazon mouillMon ami Bruno est sculpteur. En mars dernier, quand la mto aannonc trois jours de temps doux et ensoleill, Bruno a dcid de faire une petite fte, histoire de montrer sa famille et ses amis les uvres sur lesquelles il avait travaill au cours de lhiver.Il organise ce genre de fte une ou deux fois lan.a lui donne loccasion de vendre quelques uvres, de faire un peu dargent et de voir tous ses amis.Le jour de la fte, lamaison de Bruno taitpleine craquer. Tous les gens le complimentaient sur ses uvres, et le temps doux ajoutait la beaut de la rencontre. un moment donn, quelquun a suggr quon sorte sur la terrasse arrire profter de la belle temp-rature. Lhiver avait t long et nous tions tous heureux de sentir lacaresse du soleil. Huitime pisodeUne histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scurit16Elle avait rcemment suivi un atelier sur les mesures prendre pour rendre une maison plus scuritaire pour les ans et je devenais son cobaye. Au dbut, lide de changer des choses ma maison neme souriait gure. Peut-tre que jtais plus ancr dans mes habitudes que je ne le croyais. Je craignais peut-tre ausside manquer de respect ma femme dcde en changeantdes choses.Toujours est-il que je me suis oppos aux changements.Alice a tenu bon et, un jour, ma mis sous le nez une liste de ce quelle proposait : installer un tlphone dans la chambre coucher, amliorer lclairage de lescalier, poser des rampes solides le long de lescalier menant au sous-sol et des barres dappui sur les murs de la salle de bains.Malgr mon inaction au dbut, Alice ne sest pas dcourage. Au fond, les changements quelle voulait faire rendraient la maison plus sre : un tlphone dans la chambre coucher serait pratique au cas o il y aurait une urgence, un clairage adquat dans lescalier nous viterait de faire une chute, etc. Alice avait le courage dadmettre ce que je me refusais voir : que nous vieillissions, et quil fallait faire leschangements utiles.Changer peu de fraisCest Oscar Wilde quia crit quelque chose comme La jeunesse, cest trop beau pour les jeunes. Je crois quil avait entire-ment raison. 75 ans, je proftais de la vie comme jamais auparavant! Alice et moi nous rapprochions lunde lautre, et le sentiment de solitude qui maffigeait depuis la mort de ma femme commenait sestomper.Alice passait maintenant beaucoup plus de temps chez moi. Jen tais trs content, sauf quelle commenait galement remarquer leschoses quelle voulait changer dans la maison. Alice nest pas une femme autoritaire ou exigeante mais elle est franche et napas la langue dans sa poche. Neuvime pisodeBruno et Alice17Finalement, les modifcations taient simples et ne mont presque rien cot. Quelques dollars ici et l, tout au plus. Sans compter que je me sentais maintenant plus laise et plus en scurit dans ma propre maison! Jai mme fait quelques autres amliorations, de ma propre initiative. Entre autres, jai install un meilleur clairage dans le studio o je sculpte. Maintenant, je peux voir trs clairement les erreurs que je fais!Une amlioration de plus...Une histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scurit18Jai convaincu Bruno damliorer la qualit de lclairage et deconsolider les escaliers. Il a mme fait rparer la terrasse arrire. Du coup, la maison sest embellie et offre maintenant plus de scurit. Mais il y a un changement que je nai jamais pens faire; cela nous aurait pourtant pargn bien des motions.Par un soir de juin, Bruno et moi tions sur la terrassearrire en train de regarder les toiles (la retraite comporteses avantages...). La sonnerie de la porte dentre a retenti etBruno sest lev dun bond pour aller rpondre. Il est trs agile pour ses 75 ans et personne ne pourrait laccuser de satrophier en vieillissant, croyez-moi!Quelques secondes aprs son dpart, jai entendu un fracas pouvantable et un cri faire frmir. Jai couru voir ce qui stait pass et l, devant la porte dentre, jai vu mon Bruno tal de tout son long parmi les parapluies et les clats de cramique du porte-parapluies. Sa flle essayait dentrerdans la maison pour lui venir en aide mais Bruno bloquait compltement la porte.Prs de lui se trouvait lobjet responsable de sa chute : un petit tapis oriental qui devait orner le hall depuis des dcennies. Il avait maintenant lpaisseur dune feuille et le moindre mouvement dair lenvoyait valser lautre bout du plancher. Bruno navait certainement pas d y poser le pied plat.Le tapis volantJe ne me suis jamaisconsidre comme tant une personne exi-geante ou autoritaire, et je nai dailleurs jamais compris pourquoi mes collgues de travail, il y a de cela bien longtemps, mavaient surnomme le blier de velours . Je suis une femme diplomate qui na pas peur de dire ce quelle pense, voil tout.Le fait de passer plus de temps avec Bruno ma dailleurs donn loccasion de mexprimer clairement plusieurs reprises. Bruno est un homme drle, sensible et cratif mais, franchement, quand je lai rencontr, ilavait tendance laisser aller les choses, sans compter quil tait galement distrait.Quant moi, jaime vivre dans un environnementconfortable. Le fait dtresi souvent chez Bruno ma justement fait rfchir ce que le confort signifeconcrtement pour moi...Dixime pisodeBruno et Alice19Je me sentais terriblement coupable. Nous aurions pu prvoir lincident; les carpettes etles tapis causent plusieurs chutes la maison, cest bien connu. Puisque Bruno ne voulait pas se dbarrasser de ce tapis, jai dcid de le doubler de caoutchouc anti-drapant afn de prvenir les glissades. Si nous y avionspens avant, Bruno naurait pas eu faire ce numro de haute voltige sur un tapis volant. Mais il ne le refera pas de sitt : une nuit dans la salle durgence de lhpital sufft amplement pour ramener quelquun lesdeux pieds sur terre.Une histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scurit20Deux jours plus tard, je lai aperu par la fentre de son studio dans la cour arrire : il clouait fvreusement des crochets photo sur les murs. a ma fait drle... Je respecte la vie privedes gens, mais je nai pu mempcher de penser que monprtendant tait en train dlever une sorte dautel la mmoire de sa premire pouse. Deux jours ont pass. Nous tions maintenant la veille de mon 81e anniversaire. Quand je suis arrive chez Bruno, je nelai trouv nulle part. Pourtant, au fond de la cour, la porte deson studio battait au vent. Jai travers la cour pour aller la fermer, car la collection doutils que Bruno y garde a une grande valeur. Javais mont les trois marches qui mnent au studio et jallais fermer la porte lorsque jai entendu Bruno mappeler de la maison.Me sentant coupable malgr mon innocence, jai rapidement ferm la porte et me suis tourne pour descendre les marches au plus vite. mon ge, je sais comment descendre des marches de faon sre : la main sur la rampe... descendre de ct... une marche la fois. Cette fois-ci, cependant, le temps ntait pas la prudence. Je me suis prcipite dans lescalier et, sansappui pour aider ma descente, me suis retrouve genoux dans le gazon. Cest dans cette position que Brunoma surprise. genouxLes photos permettent de rappeler la m-moire les beaux moments de la vie. Mais il est des endroits et des momentso elles ne conviennentpas du tout. Quand jai commenc frquenter Bruno, il y avait des photos de sa premire femme dans toutes les pices de la maison. Je suis certaine que ctait une femme formidable, mais ma relation avec Bruno commenait prendre une tournure romantique et jaurais bien aim pouvoir promener mon regardautour de moi sans croiser le sien partout. Bref, je ne me sentais pas laise.Jen ai parl ouvertement Bruno et il a accept deranger les photos.Du moins, cest ceque je croyais.Onzime pisodeBruno et Alice21Il a couru vers moi, ma entoure de ses bras et ma demand si tout allait bien. Tremblante, je lui ai rpondu : Tout va bien. Tout va pour le mieux. Et ctait vrai.Javais eu le temps dapercevoir lintrieur du studio de Bruno une sculpture en argile dun couple dans lisant sur un banc.Javais dcouvert son secret. Nul doute quil sagissait l de mon cadeau danniversaire.Il faudrait feindre la surprise lorsquilme loffrirait!Une histoire damour en douze pisodes sur les ans et la scurit22Le jour o jai rang les photos dans le sous-sol, jai aussidcid de rorganiser mon studio. Jai clou vingt ou trente crochets photo sur les murs et jy ai suspendu tous mesoutils. Je pouvais maintenant y avoir accs aisment.Je ne voulais pas quAlice vienne fureter prs de monstudio, pour la bonne raison que jy travaillais depuis plusieurssemaines son cadeau danniversaire. Je voulais que lasculpture de bronze, la plus belle que jaie ralise jusquici, soit une surprise. Elle a d deviner que je prparais quelque chose pour elle et na pas t capable dendurer lattente jusqu son anniversaire parce quun jour, en revenant de la fonderie, je lai surprise devant la porte de mon studio. Je ne sais pas si elle a vu la maquette de ma sculpture mais, puisque celle-ci se trouvait en plein milieu du studio, je doute quAlice lait manque. malin, malin et demi. Je nai pas dit Alice que je lavais surprise et je nai jamais parl de cadeau danniversaire, pasmme lorsque les hommes de la fonderie sont venus me livrer ma commande tt le lendemain matin. Au djeuner, jai annonc Alice que javais quelque chose de spcial lui offrir. Son visage sest aussitt illumin. Quand je lui ai remis un paquet envelopp de joli papier, elle a fait un beau sourire... qui sest vite estomp lorsquelle a su ce quil contenait : je lui offrais un ensemble dustensiles pour servir les ptes. Voyez-vous, Alice naime pas les ptes. Elle est originaire de lle-du-Prince-douard et refuse catgoriquement dtre dloyale envers les pommes de terre. Ma douce tait furieuse!Le banc des accussCe nest qu partir du moment o elle sest mise passer le plus clair de son temps chez moi que jai remarqu quel point Alice tait curieuse. Nous nous tions entendus sur un certain nombre de choses changer dans la maison, Alice et moi, comme le fait de ranger les photos de ma premire pouse. Alice les trouvait quelque peu intimi-dantes. Moi, jtais bien daccord pour les enlever.Alice avait une infuence bnfque sur ma vie. Grce elle, jacceptais plus facile- ment de changer. Cest aussi grce elle que javaisaccept de faire face,honntement, au fait que je vieillissais. Je ntais plus le jeune homme fringant que javais t et je devais modifer ma faon de vivre en consquence.Douzime pisodeBruno et Alice23Faisant comme si elle mavait bless, jai tourn les talons et suis sorti sur la terrassearrire. Aprs quelques instants, Alice est venue me rejoindre. Je ne saurai jamais si elle avait lintention de sexcuser ou de me rprimander vertement parce quen mettant le pied dehors, elle a aperu une statue de bronze denviron un mtre de hauteur, nousreprsentant tous deux lisant sur un banc, comme au jour de notre premire rencontre.Ce fut un anniversaire mmorable. Et nous en savourons le souvenir chaque fois que nous croisons le charmant couple assis sur le banc dans notre cour arrire!