19
Bruno Cabanis Dans l’atelier des créateurs de figurines © Groupe Eyrolles, 2014 ISBN : 978-2-212-13516-9

Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

  • Upload
    others

  • View
    6

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

Bruno Cabanis

Dans l’atelier des créateurs de figurines

G13516_SculpteurDeBD_PDT.indd 3 08/09/2014 17:34

© Groupe Eyrolles, 2014

ISBN : 978-2-212-13516-9

Page 2: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

Révision : Sylvie Rouge-PullonConception graphique et mise en pages : Aurélie Vilette

Toutes les photographies sont de l’auteur, sauf mention 

© Groupe Eyrolles, 2014

ISBN : 978-2-212-13516-9

        

     

  droits réservés.

Dépôt légal : Septembre 2014N° d’éditeur : 8899Imprimé en Slovénie par DZS

Page 3: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

Sommaire

Avant-Propos

La genèse des produits dérivés de la BD franco-belge,

Gérard Liger-Belair et Géo Salmon

Nat Neujean

Jean-Marie Pigeon

Leblon-Delienne

Michel Aroutcheff

Pixi, Alexis Poliakoff

Patrick Regout

Démons & Merveilles, Figures & Vous

Idem, Serge Leuba

Fariboles, Pascal Rodier

Attakus

Dominique Mufraggi

Glossaire

Bibliographie

Remerciements

5

7

15

23

61

91

131

179

189

197

215

237

267

284

285

288

Page 4: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,
Page 5: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

Jean-Marie PigeonOn peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon, fraîchement diplômé des Arts appliqués et des Beaux-Arts, à sculpter au début de l’année 1977 le buste du Tintin au mouchoir, tiré de l’album Le Crabe aux pinces d’or (Casterman, dès 1941).

Rien  de  ce  qu’on  appelait  alors  le  «  marché  des  produits  dérivés  »  de  la  bande dessinée ne pouvait inciter un artiste à sculpter le héros d’Hergé pour en commer-cialiser une petite série. Rappelons qu’à l’exception des Pouet-Pouet créés par Nat Neujean1 et de certaines figurines en latex, la plupart des produits dérivés créés entre 1960 et 1975, pour plaisants qu’ils aient été, furent sculptés sans grand ta- lent avant d’être fabriqués à l’économie, dans des matériaux bon marché comme le plastique moulé ou injecté. Lorsqu’ils ne faisaient pas l’objet d’un cadeau à gagner dans le cadre d’opérations publicitaires ou à l’occasion du plein de la voiture, ils étaient vendus par correspondance au travers d’encarts dans les journaux Tintin et Spirou.

Son parcoursRevenons  en  1970,  lorsque  Jean-Marie  Pigeon  entra  à  l’École  des  arts  appliqués de  Paris.  Il  y  fit  la  rencontre  de  Frank  Margerin,  Denis  Sire  et  Alain  Frentzel,  qui partageaient  la  même  culture  musicale,  et  avec  lesquels  il  forma  Los  Crados,  un groupe de rock. Margerin était l’homme des « dessins défis », capable de traduire n’importe quelle situation en quelques coups de crayon, et ses amis le poussèrent à  faire  de  la  bande  dessinée.  Comme  Denis  Sire,  il  devint  donc  auteur  de  BD  et s’inspira d’Alain Frentzel – devenu peintre –, pour le personnage de Ricky Banlieue.

Sa formationQuant à Jean-Marie Pigeon, il découvrit aux Arts appliqués le pop art, qui lui ouvrait tout un éventail de nouvelles possibilités : comment agrandir des objets usuels en exploitant divers rapports d’échelle, comment choisir, utiliser, détourner et dupli-quer des images appartenant à l’inconscient collectif. Aux « Zarza » (les Arts appli-qués), il suivit une formation au laquage chinois et japonais et apprit toutes sortes de  techniques,  en  particulier  celles  du  ponçage  et  du  vernissage.  Il  découvrit  le moule à l’élastomère, qui autorisait le tirage d’objets dans des matériaux aussi dif-férents que la résine, l’étain ou le plomb.

En 1974, muni de son diplôme, il entra à l’École nationale supérieure des beaux-arts, où il fit  l’apologie de ces techniques nouvelles. Moulant et dupliquant tout ce  qui  l’inspirait,  il  contribua  par  son  activisme  à  populariser  cette  technique  de moulage auprès des étudiants et professeurs de l’école, et à la faire intégrer dans le cursus de formation.

À sa sortie des Beaux-Arts en 1976, il devint jusqu’en 1986 l’assistant de son pro-fesseur Gaston Watkin, prix de Rome de sculpture, auquel  il apporta ses compé-tences dans le domaine de la résine.

T Le sculpteurPhotographié en 1970 par Frank Margerin.

T LucienDessin extrait du tome XI de Lucien, de Frank Margerin (Fluide Glacial, 2011). Le dessin original de la BD a été ici légèrement modifié par Frank Margerin pour que le personnage visible au premier plan ressemble au J.-M. Pigeon de 1970.  © Frank Margerin/Fluide Glacial

Q J.-M. Pigeon face à CorsoLe chien a été dessiné en 1982 par Joost Swarte, pour l’exposition Rock et BD au CNBDI d’Angoulême.  © Joost Swarte

1 - Voir le chapitre sur le sculpteur, p. 15.

Page 6: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

• Les yeux d’Alfred sont mis en place (92, 93). Il est temps pour l’artiste de signer son œuvre (94).

• Pour protéger la peinture des rayons ultraviolets et de la poussière, et permettre son nettoyage, J.-M. Pigeon pulvérise une couche de vernis (95).

• Alfred Ier est achevé, il mesure 72 cm de haut et sera tiré  à 12 exemplaires.

58 | Les sculpteurs de BD

92

93

94

95

Page 7: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,
Page 8: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,
Page 9: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

Michel AroutcheffSon père, d’origine russe, était arrivé avec sa famille à Paris à  l’âge de trois ans. Il  devint  architecte  et  épousa  une  Française.  En  1946,  il  remporta  un  concours d’architecture  au  Maroc,  l’année  même  où  Michel  vit  le  jour.  Ils  s’installèrent à  Casablanca  pour  dix  ans,  période  qui  fut  pour  Michel  Aroutcheff  celle  d’une enfance ensoleillée et qui s’acheva avec l’indépendance et le retour en métropole.

Sa  scolarité  fut  marquée  par  la  diversité  des  établissements  qu’il  fréquenta. Dissipé  et  peu  motivé,  l’élève  était  généralement  remercié  au  bout  d’un  an,  de deux par les plus patients. Il persévéra jusqu’en classe de troisième, avant de per-suader ses parents qu’il était plus raisonnable de jeter l’éponge.

Un talent particulierIl commença à travailler pour un tapissier, puis un menuisier, apprenant ces métiers sur le tas en réaménageant des appartements et en travaillant sur des chantiers. Ce fut l’occasion pour lui de se découvrir un talent particulier pour le travail du bois, et de s’apercevoir qu’il pouvait prendre du plaisir à l’exercer.

Son grand-père, un éminent mathématicien de son époque, était également inven-teur de jeux. Un jour qu’il mettait au point le plan d’un nouvel échiquier, Michel Aroutcheff prit l’initiative d’en faire le prototype. Son père en fut le premier uti- lisateur, et du jour au lendemain, Michel passa du statut de raté à celui de virtu-ose aux yeux de sa famille. Il développa une complicité nouvelle avec son aïeul, qui passait de longs moments en sa compagnie. Ils parlaient mathématiques pendant que Michel fabriquait les modèles dont son grand-père voulait déposer le brevet.

Encouragé par ces changements, son père l’inscrivit en tant qu’auditeur libre aux cours d’architecture des Beaux-Arts. S’il était très intéressé par la pratique, Michel l’était un peu moins par le cursus théorique. Mais de nombreux étudiants mirent ses talents à contribution pour les maquettes de leurs projets de diplôme.

En 1967, il partit pour le Canada, où il espérait faire son service militaire. Ce plan s’étant effondré au dernier moment, ce fut finalement sans projet particulier qu’il débarqua à Montréal. Il y resta cinq ans, vendant des casseroles, des encyclopédies et construisant des charpentes. En 1973, il avait 27 ans lorsque la conscription le rattrapa. Il rentra en France, où il fut affecté à l’armée de l’air, au Bourget – juste le temps de se faire réformer. Il s’installa à Paris, fonda une famille et décida de se lancer dans un projet qui allait déterminer le cours de son existence.

Du jouet à la paraBDLes premières voitures en boisSa formation d’architecte, son goût pour le design d’objets ou de mobilier et ses prédispositions pour le travail du bois avaient éveillé son intérêt pour le marché du jouet. Fort de ses voyages au Canada et en Europe, il constata qu’en France cette 

Q Michel Aroutcheff avec sa fusée TintinLe sculpteur est en compagnie d’une version unique de la fusée Tintin, qui mesure plus de 2 mètres.

S L’atelierVoici la vue, depuis l’atelier, sur la maison que Michel Aroutcheff s’est construite.À côté de la grande fusée se tiennent quelques jouets à bascule en bois sérigraphié, tirés du monde de Tintin. (Notons que la marionnette que l’on voit ici est un cadeau de Leblon-Delienne.)

Page 10: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,
Page 11: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

La collection Blake et MortimerComme il fallait composer un nouveau catalogue en repartant de zéro, c’est en prio- rité  vers  l’univers  d’Edgar  P.  Jacobs  que  Michel  Aroutcheff  se  tourna.  Les  aven-tures de Blake et Mortimer sont peuplées de superbes véhicules volants relevant du fantastique ou de la science-fiction. Dans Le Secret de l’Espadon (Le Lombard, dès  1950),  Blake  et  Mortimer  et  leurs  ennemis  s’affrontent  aux  commandes d’engins volants comme l’Aile rouge, le Golden Rocket ou l’Espadon. Dans L’Énigme de l’Atlantide (Le Lombard, dès 1957), les Atlantes se déplacent dans les airs avec nos héros grâce à des Sphéros ou à une voiture biplace, avant de s’envoler vers leur destinée à bord d’astronefs rouges frappés de lettres greques.

Les premiers véhicules Aroutcheff vinrent puiser dans ces deux albums :• À partir de 1996, de L’Énigme de l’Atlantide  sortirent  le Sphéros grand modèle, la  voiture  biplace,  une  grande  et  une  petite  soucoupe  volante,  suivis  d’autres Sphéros et de deux modèles (un grand et un petit) d’astronefs rouges.•  Toujours  en  1996,  Michel  Aroutcheff  s’attaqua  aux  Requins  patrouilleurs  du Secret de l’Espadon,  à  un  chasseur  et  à  un  hydravion  au  service  de  l’empereur Basam-Damdu.• En 1998 furent édités l’Espadon et l’Aile rouge grands modèles.

Bien qu’imposantes (l’Espadon mesure 61 cm, le Grand Astronef 65 cm et la grande Aile rouge 70 cm d’envergure), ces pièces étaient réalisées à une échelle plus petite que  celle  du  1/10  à  laquelle  Michel  Aroutcheff  recourt  habituellement.  Cette même année vit la sortie de deux modèles plus traditionnels, Blake et Mortimer au volant d’une Ford 38, tirés de L’Énigme de l’Atlantide, et une moto Triumph pilotée par Blake.

T Les Requin patrouilleurs(1996, 26 cm de long, environ 200 ex. au total)

Q Le Sphéros 2 (à gauche) et Le Grand Astronef (à droite)(1996, 24 cm de haut, environ 100 ex. pour Le Sphéros 2 ; 1998, 65 cm de haut, environ 180 ex. pour Le Grand Astronef)Le Sphéros 2 est un engin volant terrestre ; Le Grand Astronef transporte les Atlantes à la rencontre de leur destin. Il y eut un second astronef plus petit (1998, 35 cm de haut, environ 110 ex.), dont les pieds métalliques sont d’une grande fragilité.

j L’Aile rouge et L’Espadon(1996, 30 cm de long sur 70 cm d’envergure, une centaine d’ex. pour L’Aile rouge ; 1998, 59 cm de long, environ 420 ex. pour L’Espadon)Tirés du Secret de l’Espadon, la première des aventures de Blake et Mortimer.

S Le Mini Golden Rocket(2000, 22 cm de long, environ 250 ex.)Il est intéressant de comparer ce véhicule avec son ancêtre, réalisé par Gérard Liger-Belair (voir p. 9).

Pour la double page :© Éditions Blake et Mortimer/Studio Jacobs (Dargaud-Lombard s.a.) 2014

Page 12: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,
Page 13: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

Si plusieurs chemins mènent à la paraBD, celui qu’emprunta Pascal Rodier ne fut pas  le  plus  court.  Il  s’essaya  d’abord  au  fonctionnariat,  travailla  dans  la  banque avant  de  devenir  commercial  pour  la  construction,  passant  d’un  emploi  à  l’autre sans intérêt ni regret.

La naissance d’une vocationProfitant de son temps libre, il se lança dans la fabrication de petits personnages en plomb pour un fabricant rouennais de véhicules de collection à l’échelle 1/431. Muni  de  ce  viatique,  il  se  présenta  en  1992  auprès  des  établissements  Leblon-Delienne et postula à un emploi de sculpteur. Le hasard fit bien les choses, car ces derniers  réfléchissaient  justement  à  une  manière  de  répondre  à  la  concurrence commerciale  de  Pixi2.  S’écartant  de  sa  production  traditionnelle  de  figurines en  plomb,  cette  société  se  lançait  dans  la  résine,  domaine  dans  lequel  Leblon-Delienne  n’avait  souffert  jusque-là  d’aucune  rivalité.  Embauché  pour  un  stage de trois mois, Pascal travailla dans l’équipe de Marie Leblon sur six figurines3 en plomb  de  Spirou,  Suzette  et  Vertignasse,  d’après  la  série  «  Le  Petit  Spirou  »,  de Tome  et  Janry  (Dupuis,  tome  I,  1991).  Il  intervint  sur  d’autres  pièces  de  Leblon-Delienne,  dont  le  condor  du  Tintin condor,  les  plombs  de  «  Quick  et  Flupke  »  et « Jo, Zette et Jocko ». À l’issue de ces trois mois, Pascal Rodier ne fut pas engagé, mais le plaisir inédit qu’il avait ressenti à sculpter ces figurines lui donna l’envie et l’énergie nécessaire pour se lancer dans l’aventure.

Les débuts de FaribolesEn septembre 1993, quand Pascal Rodier, à l’âge de 31 ans, fonda sa société, les marques  historiques  Aroutcheff,  Pixi  et  Leblon-Delienne  contrôlaient  le  marché, monopolisant  les  grandes  signatures  comme  celles  d’Hergé,  Franquin,  Uderzo, Jacobs  et  Morris.  Pour  se  distinguer  de  la  production  existante,  Pascal  Rodier décida de miser sur de grands auteurs de BD un peu moins connus du grand public, se proposant de réaliser des statuettes en résine de dimensions raisonnables (de 20 à 30 cm), et de ce fait à des prix abordables.

Il contacta Régis Loisel, qui accepta qu’il sculpte Le Fourreux, animal aux pouvoirs magiques issu de la série « La Quête de l’oiseau du temps » (Dargaud, dès 1983).

Les premières créationsDès sa première réalisation sous la marque Fariboles, Pascal Rodier innova. Plutôt que  d’interpréter  un  visuel  établi,  il  rechercha  la  meilleure  attitude  traduisant le  caractère  fantastique  et  malicieux  de  l’animal.  Maniant  la  couleur  comme  une matière – bleu mat pour le pelage, noir brillant pour la lumière dans les yeux –, il donnait vie et profondeur au regard.

Fariboles, Pascal Rodier

Q Pascal Rodier sculptant Le Zorglhomme

S Le Fourreux (1993, 8,5 cm de haut, 2 626 ex.)Niché sur l’épaule de Pelisse, fille mystérieuse d’une princesse sorcière, cet étrange animal de compagnie capte la force mentale de la jeune femme pour la sauver de situations périlleuses.La Quête de l’oiseau du temps © Régis Loisel/Le Tendre/Dargaud

1 - L’échelle 1/43 est très utilisée par  les fabricants d’automobiles miniatures.

2 - Pour plus de détails, voir  le chapitre « Pixi, Alexis Poliakoff ».

3 - Visibles au chapitre  « Leblon-Delienne », p. 68.

Page 14: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

En créant le rat suicidaire de Ptiluc, personnage de la série « Pacush Blues » (Vents d’Ouest,  dès  1983),  il  se  lança  dans  les  accessoires.  En  témoigne  le  (vrai)  caillou relié au cou de l’animal par une fine cordelette de chanvre, signal d’un désespoir pathétique.

Pour la fée Clochette, la quatrième figurine d’après Loisel tirée de la série « Peter Pan » (Vents d’Ouest, dès 1990), le sculpteur changea de manière significative ses méthodes  de  fabrication.  Alors  que  ses  trois  premières  créations  étaient  mono- blocs,  la  suivante  fut  scindée  en  quatre  :  la  tête  et  sa  petite  houpette,  le  corps, le bas des jambes et les pieds, puis les ornements (la fleur à son cou, les clochettes aux  chevilles  et  le  fil  du  corsage).  Cette  technique  d’assemblage  simplifie  les travaux  de  peinture,  contribuant  visuellement  à  séparer  les  parties  du  corps  qui s’emboîtent, tout en leur donnant volume et profondeur.

Pour  l’effet  de  surprise,  il  munit  la  fée  Clochette  d’ailes  nervurées4  translucides qui la rendirent vivante et fragile… incitant à l’adoption avant même son envol.

En 1998, il mit au point la Pin-Up dans un fauteuil. Cette figurine tirée de la couver-ture du tome I de la série « Pin-Up » (Berthet, Dargaud, 1994), connut un beau suc-cès commercial, ses ventes dépassant  le cercle habituel des amateurs de bandes dessinées. Toujours éditée à l’heure actuelle, elle a assis la réputation de Fariboles et contribué à sa solidité financière.

Sa manière de procéder n’a guère varié depuis l’origine. Pascal Rodier aime à initier le dialogue avec l’auteur, lui proposer une création qui le surprenne et l’intéresse par une interprétation de la posture et des accessoires. Le projet aboutit plus rap-idement quand l’auteur est conquis, car celui-ci fournit des dessins complémen-taires et son regard aiguisé détecte toutes les petites anomalies. L’interaction avec le dessinateur rend le travail plus intéressant – voire plus compliqué, si l’auteur est très exigeant.

T Le Rat suicidaire de Ptiluc(1993, 11 cm de haut, tirage non limité)Un rat au bout du rouleau…  © Ptiluc

k La Pin-Up dans un fauteuil(1998, 17 cm, 2 000 premiers ex. numérotés, puis tirage non numéroté et non limité)© Berthet-Yann/Dargaud 2014

T La Fée Clochette de Loisel(1994, 20 cm, 3 100 ex.)Peter Pan © Régis Loisel/Vents d’Ouest

4 - Ces ailes, découpées dans une feuille de plastique transparent, sont rehaussées de nervures tracées dans l’épaisseur  de la matière.

Page 15: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

m T Le Scorpion(2003, 29 cm, 600 ex. et 100 ex. série spéciale ABD.com)Cette figurine fut en partie modelée en séance publique. Le dessinateur Marini esquissait des croquis pour aider le sculpteur dans sa recherche de postures. La figurine montrée ici fait partie de la série spéciale de 100 exemplaires reconnaissables à la chemise entièrement noire et au pistolet à la ceinture.© Marini – Desberg/Dargaud Benelux 2014

T Spirou(2002, 20,5 cm de haut, 2 000 ex.)Il tient dans sa main ce qu’il prend pour la réduction de son ami Fantasio.© Franquin/Dupuis 2014

L’expansion de la sociétéPascal Rodier démarra seul, embauchant progressivement du personnel. Installé à Darnétal, dans la proche banlieue de Rouen, il emploie aujourd’hui plus de dix sala-riés qui effectuent toutes les opérations de la chaîne de fabrication : prototypage, moulage, ponçage, peinture, emballage et expédition.

La licence Franquin…En  2002,  sa  notoriété  et  son  talent  aidant,  Pascal  Rodier  décrocha  la  licence Franquin  auprès  de  l’ayant  droit,  après  avoir  proposé  une  statuette  de  Spirou  tenant dans sa main un « mini » Fantasio, dans la bande dessinée Les Petits Formats (deuxième partie de Spirou et les Hommes-bulles, Dupuis, 1964). Un des challenges fut donc de réaliser une statuette en plomb très ressemblante, de 4 cm de long. L’ayant droit fut conquis, les collectionneurs également.

Page 16: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,
Page 17: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

Merci,  mademoiselle  Souris  !  En  CP,  cette  institutrice  organisait  des  séances  de modelage  où  Dominique  excellait.  S’attachant  à  ouvrir  l’esprit  de  ses  jeunes élèves, elle  leur distribuait des  images dont  il  fallait détourer  le contour à  l’aide d’une épingle. À la fin, le motif se détachait comme un timbre-poste, établissant dans  l’esprit  des  écoliers  un  lien  entre  le  trait  et  la  forme,  préfigurant  de  cette manière les techniques de taille-douce que Dominique Mufraggi allait apprendre à l’école d’arts appliqués.

La genèseC’est sans doute en souvenir de ces moments privilégiés que Dominique Mufraggi entra à l’école Boulle quelques années plus tard pour une spécialisation en gravure ornementale.

Orfèvrerie et joaillerieAprès avoir obtenu son diplôme, il pratiqua l’émail sur cuivre et la dinanderie1 dans un  village  d’artisans,  puis  monta  un  atelier  de  résine  chez  un  petit  orfèvre  pour lequel  il  façonnait  des  manches  de  couverts  colorés  dans  la  masse.  Au  cours  de ses  nombreuses  recherches,  Dominique  Mufraggi  inventa,  à  partir  d’un  mélange de résine et de sable de Fontainebleau, un matériau magnifiquement marbré qu’il utilisa  pour  fabriquer  ses  manches.  En  1989,  il  s’établit  en  tant  que  travailleur indépendant, proposant ses services dans deux domaines connexes, l’orfèvrerie et la joaillerie.

À cette époque, Dominique Mufraggi réalisait ses prototypes en sculpture d’étain. Un camarade de promotion de l’école Boulle vint à  lui montrer ses sculptures en cire  verte  de  bijoutier2  –  technique  incontournable  dans  le  domaine  de  la  haute joaillerie,  qu’il  avait  apprise  en  travaillant  dans  l’atelier  de  Bernard  Brimeur3. Curieux  d’en  connaître  un  peu  plus,  Dominique  Mufraggi  se  rendit  à  plusieurs reprises chez ce dernier, qui retint ses coordonnées.

Il  fut  séduit  par  cette  technique,  et  vit  là  une  occasion  d’élargir  sa  clientèle.  Il acheta  un  fer  à  souder,  des  scalpels,  et  se  forma  à  l’usage  de  la  cire.  Cette  ren-contre avec Bernard Brimeur fut loin d’être anodine. On verra qu’elle le propulsa quelques années plus tard dans le monde de la paraBD.

La joaillerie est  le domaine de la confidentialité, du secret, tant  il est vrai que la « marque » est mise en avant, ne laissant aucune place au créateur. Disons seule-ment que Dominique Mufraggi participa, et participe encore à de nombreux pro-jets, dont certains, très prestigieux, sont commercialisés par des noms qui tiennent le haut du pavé de la place Vendôme. Pendant plusieurs années, il exerça ces deux activités d’orfèvrerie et de joaillerie qui le passionnaient. Cette alternance rendait le travail moins monotone tout en apportant un peu plus de sécurité matérielle.

Dominique Mufraggi

Q Le prototype en cire de L’Ombre(2007, 28 cm de haut, 399 ex.)L’ombre – Debrah Faith – est une des protagonistes de la série  « Le Chant des Stryges ».© Guy Delcourt Productions-Corbeyran-Guérineau

T Dominique MufraggiIl tient dans sa main la statuette  de Cyann en cire.

T Gravure en taille-douceTravail réalisé à l’école Boulle.  À gauche, la plaque de cuivre gravée, à droite, l’impression obtenue.

1 - Mise en volume de feuilles de métal par planage.

2 - Voir le chapitre « Démons & Merveilles, Figures & Vous ».

3 - Premier sculpteur historique  de Démons & Merveilles.

Page 18: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

• Cyann, replacée sur son VLA, subit une batterie de mesures destinées  à valider les proportions des différentes parties de son corps (13).  Le rapport des mesures de ces différents éléments est en principe invariant pour la plupart des êtres humains. Ici, le sculpteur estime que  le mollet de Cyann est trop court, ce qui, visuellement, n’était pas facile à détecter, du fait de sa position assise.

• Le mollet de Cyann a besoin d’une opération chirurgicale qui nécessite qu’on le scie au bocfil (14).

• Une plaquette de cire de l’épaisseur voulue est insérée et soudée (15).

• Avant que la pièce ne soit définitivement soudée, le sculpteur met  la cire en place sur le VLA (16) et vérifie visuellement le rendu de la pose et des proportions.

• Satisfait, Dominique Mufraggi rend la correction définitive en faisant fondre au fer à souder toute la matière autour de la plaquette (17).  Très rapidement, la modification devient invisible, comme on peut  le constater sur la statuette en situation (18).

Prototype finalisé• À présent, la cire de la figurine est finalisée (19, 20). Le sculpteur  a travaillé les détails, la texture des vêtements, les détails du visage  et la chevelure, la musculature des bras. Le dessin d’origine, en regard de la statuette (21), donne une belle idée de la fidélité du travail  de Dominique Mufraggi.

La statuette de sérieComme pour le grand modèle de Cyann, la cire aboutie a été soumise à l’approbation de l’ayant droit avant d’être envoyée au mouleur qui a tiré la résine. La résine définitive constitue le master à partir duquel ont été réalisés les moules de production. Sur les deux photos ci-contre (à droite), les deux pièces de série sont telles qu’elles furent commercialisées.

282 | Les sculpteurs de BD

13 14

15

17

16

18

Page 19: Bruno Cabanis - fnac-static.comBibliographie Remerciements 5 7 15 23 61 91 131 179 189 197 215 237 267 284 285 288. Jean-Marie Pigeon On peut se demander ce qui poussa Jean-Marie Pigeon,

Cyann sur le VLA monomoteur(2008, 24 cm de long, 444 ex.)Dessins préparatoires de François Bourgeon, prototype en cire et modèle de série.© F. Bourgeon/C. Lacroix/Éditions 12 Bis

19

21

20