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GRAND COLLÈGE DES RITES Suprême Conseil pour la France et l'Union Française Bulletin des Ateliers Supérieurs N° 30 (N°7 de la Reprise) NETORICOL 16, Rue Cadet, 16 PARIS (IX e ) 1948

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GRAND COLLÈGE DES RITES

Suprême Conseil pour la France et l'Union Française

Bulletin des Ateliers Supérieurs

N° 30 (N°7 de la Reprise)

NETORICOL

16, Rue Cadet, 16

PARIS (IXe)

1948

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IN MEMORIAM

Hommage funèbre à Adrien POURIAU, prononcé

à la Tenue du Grand Collège des Rites du 6 novembre 1948 (E... V...),

par le T... Ill... F... SOUBRET, 1er Lieutenant Commandeur.

Le destin nous fut particulièrement cruel ces deux derniers mois : après notre Grand Orateur, le F...

PÉRALDI*, c'est notre Souverain Grand Commandeur, Adrien POURIAU, que la Mort vient d'arracher

brutalement à notre affection. En évoquant le souvenir de ce B... A... F..., c'est un acte de reconnaissance

qu'en votre nom je veux accomplir, reconnaissance que justifient quarante années de dévouement au

Grand Orient de France.

Né en 1874 à Mayenne, Adrien POURIAU reçut la Lumière le 4 mars 1908. Vénérable de la R... L... La

Clémente amitié à l'Orient de Paris durant neuf années, il présida avec autorité les Ateliers supérieurs

souchés sur cette Loge. Il venait de renoncer à la G... M... du Conseil philosophique et se préparait à

installer son successeur, lorsqu'une rapide maladie mit fin à cette vie si bien remplie.

Il n'est point de charges ou de dignités maçonniques qui ne lui aient été confiées ou conférées. En qualité

de Grand-Maître, il présida le Conseil de l'Ordre du Grand Orient de 1935 à 1937, après avoir participé,

pendant sept années, aux travaux de la Chambre de Cassation.

Enfin, le Grand Collège des Rites l'appelait à diriger, jusqu'à son départ pour l'Orient Eternel, les activités

de notre Suprême Conseil...

La vie profane de notre très regretté F... POURIAU ne fut pas moins brillante. Docteur en Droit, il débuta

comme avocat à la Cour d'appel de Paris, puis, renonçant à la carrière juridique, il entra très modestement

au Ministère de l'Agriculture en qualité de simple rédacteur. Mais il franchit bien vite tous les échelons de

la hiérarchie administrative. Et c'est en qualité de directeur qu'il prit une retraite tout entière consacrée à

notre Ordre, après avoir été le collaborateur, toujours écouté, des nombreux ministres de la IIIe

République qui se succédèrent rue de Varennes pendant plus de trente ans

De tels services, auxquels s'ajoute sa courageuse attitude durant la guerre de 1914-1918, lui valurent, avec

la Croix de Guerre, la cravate de Commandeur de la Légion d'Honneur. Je passe sou silence toutes les

autres décorations françaises et étrangères dont il était titulaire.

Est-il besoin d'évoquer devant vous, mes FF..., qui fûtes ses amis intimes ou ses confidents, cette figure

souriante et pleine d malicieuse bonhomie, cet esprit dont le charme s'accompagna d'une haute culture,

ces solides qualités associant la modestie à la générosité, l'affabilité à l'obligeance constante, dont portent

témoignage tous ceux — et ils sont innombrables — qui ont apprécié ce vivifiant exemple de tolérance et

de bonté ?

Aux derniers jours de sa vie, un état de santé déficient le privait, trop souvent à notre gré, de la joie de

diriger nos travaux. Mais nous savons qu'il était toujours parmi nous, à la fois par la pensée et par le cœur.

Et ce cœur a cessé de battre ! POURIAU, un soir d'automne récent, nous a quittés sans bruit, sur la pointe

des pieds, oserais-je dire. Toute sa modestie s'affirme par les dernières volontés que son exécuteur

testamentaire, notre B... A... F... LACOSTE, a fait strictement observer : Ne déranger que quelques intimes;

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incinération au columbarium du Père-Lachaise; pas de discours; ni fleurs ni couronnes; simplement sur

son cercueil une rose rouge, celle de nos Chapitres.

Il ne reste maintenant, de notre grand Ami, qu'une poignée de cendres. Par contre, son souvenir nous

reste, indestructible celui d'un grand Français, d'un grand Franc-Maçon, qui, sa tâche accomplie, s'endort

au déclin du jour.

Manifestons-lui, une fois encore, notre frat... affection. Inclinons-nous devant son image, et observons

ensemble une minute de silence.

Mes FF..., un distique turc dit :

"Nous venons dans ce Monde, nous logeons et nous partons. Celui-là ne disparaît jamais, qui est logé

dans nos cœurs."

Ne gémissons plus, et, avec ferveur, espérons!

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GRAND CONSEIL

du Dimanche 19 Septembre 1948

Les travaux du Grand Conseil sont ouverts dans la forme rituelle à 10 h. 15 par le T... Ill... F... POURIAU,

T... P... S... Grand Commandeur, remplissant les fonctions de Président Grand-Maître, assisté des deux

Lieutenants-Commandeurs, remplissant les fonctions de Grands Juges.

L'Orient était décoré par les membres du Grand Collège des Rites et par de nombreux 33e.

Sur les colonnes avaient pris place 93 Chev... K... S... représentant 22 Conseils Philosophiques.

Le GRAND COMMANDEUR :

Mes FF... Chev...,

Un dicton déclarait jadis que tous les chemins mènent à Rome. Il est aujourd'hui périmé, aussi bien

physiquement que moralement. Mais noua pouvons le transposer en affirmant que toutes les voies doivent

nous conduire vers notre idéal. Certes, beaucoup d'entre elles sont et seront rudes, escarpées, pleines

d'ornières. Mais notre foi maçonnique devra nous aider à vaincre ces obstacles, dans toute la mesure de

nos possibilités.

La foi, nous en avons besoin pour surmonter les épreuves que nous subissons, pour éviter l'égoïsme et la

veulerie qui sont trop souvent les caractéristiques de l'époque actuelle. Seule, elle peut nous donner le

courage et chasser une résignation facile et avilissante. Je ne veux pas faire de politique et je me garderai

bien ici de vanter ou de dénigrer tel où tel des partis dont les querelles néfastes s'opposent à une

renaissance rapide de notre pays. Je voudrais cependant qu'un Franc-Maçon, avant de suivre aveuglément

les directives de la fraction de l'opinion à laquelle il appartient, songe d'abord aux promesses en vue,

d'une part, de la tolérance, et, d'autre part, de la lutte contre le mensonge et l'hypocrisie, qu'il a faites lors

de son initiation. Si, moralement, il est obligé de se conformer à nos rites et à nos traditions, d'appliquer

nos principes, il doit conserver sa liberté de pensée et d'opinion, son libre arbitre. Les moutons de Panurge

finissent toujours par se jeter stupidement à l'eau.

Un Franc-Maçon digne de ce nom n'a pas à se contenter d'être un auditeur passif et amorphe aussi bien

dans nos Ateliers que dans la vie publique. S'il doit chercher constamment à s'améliorer par l'étude et la

réflexion, il n'a pas besoin d'être un orateur de grande envergure pour discuter les propositions, les thèses,

qu'il est appelé à connaître, pour réfuter les affirmations des mauvais bergers. Fort de ses convictions

acquises et assainies dans nos Ateliers, il doit les défendre sans crainte et sans défaillance. S'il est

vraiment un homme, avec les caractéristiques que nous donnons à ce terme, il continuera, même au péril

de sa vie, conformément à une affirmation de nos rituels. Je sais bien qu'il est pénible de songer au

sacrifice suprême, mais pouvons-nous affirmer que nous n'aurons pas à l'accomplir ? Et puis, nous avons

des exemples encore récents de ceux que n'effrayèrent pas cette ultime solution : résistants clandestins,

partisans héroïques, combattants des rues et des barricades a Paris. Dans l'enthousiasme du devoir et du

patriotisme, dans l'espoir d'une rénovation de la mentalité et des aspirations des hommes, ils firent

abstraction de leurs conceptions personnelles, politiques, religieuses, sociales. Ce fut l'union sincère de

tous les hommes de cœur. Elle paraissait alors indissoluble. Pourquoi faut-il qu'elle ait cédé si rapidement

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devant le retour des vieilles passions partisanes, devant la résurrection des classes sociales, devant

l'audace croissante des arrivistes et des mercantis ?

N'avons-nous pas un reproche à nous adresser, à nous, Maçons, qui n'avons pas su enrayer cette offensive

des mauvais instincts ? Avons-nous donc perdu cette combativité qui fit jadis la force de notre Ordre ? Et

n'est-il plus temps de réagir ? Je veux croire à la possibilité d'un renouveau. Mais pour lutter

efficacement, pour préparer la victoire, il ne faut pas agir en ordre dispersé. Nous avons besoin de

conducteurs ardents, mais sages, désintéressés pour eux, mais exigeants pour le bien-être de leurs

semblables.

Pour être disciplinées, les troupes doivent avoir de bons chefs. Et c'est là, mes FF... Chev..., que je fais

spécialement appel à votre dévouement.

Vous avez déjà été choisis dans vos Ateliers parmi les meilleurs. Vous avez été considères comme devant

constituer une dite. Expressément ou tacitement, vos FF... ont fondé sur vous des espoirs, ils ont remis en

vos mains les rênes d'un pouvoir défensif pour notre institution, actif pour le progrès véritablement

humain à réaliser. Ne leur causez pas des regrets de leur choix.

Vous, les missi dominici, allez de l'avant, sans vous retourner vers les brumes du passé, dirigez vous vers

l'horizon lumineux de l'avenir idéal. Et n'oubliez pas que si notre devise est Liberté, Egalité, Fraternité,

elle comporte aussi ces données sublimes : conscience, devoir, amour.

Le GRAND COMMANDEUR. — Je donne la parole au T... Ill... F... LUQUET, Rapporteur de la question

soumise à l'étude des Conseils Philosophiques pour le présent Grand Conseil.

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Le F... LUQUET, Rapporteur :

En quoi consiste la Démocratie ?

Le Grand Collège a reçu 31 rapports, qui se décomposent comme suit :

28 rapports émanant de 20 Conseils Philosophiques, savoir : Caen (2 rapports). Chambéry (5 rapports),

Clermont-Ferrand, Dijon, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Nice, Reims, Rennes, Rouen, Le Havre,

Toulon, Toulouse, et pour Paris, L'Avenir, Clémente, amitié (2 rapports), Etoile polaire, Les Zélés

philanthropes.

3 Chapitres ont fourni chacun un rapport, savoir : Angers, Bayonne-Pau et Les Amis bienfaisants (Paris).

J'ai laissé entièrement de côté la question d'une démocratie internationale, à laquelle Lyon, Marseille.

Nice, Rennes, Rouen, Toulon, Clémente amitié ont consacré des développements plus ou moins étendus.

Par suite de son importance même, cette question exigerait une étude à part. Je m'en tiendrai à la

démocratie dans le cadre national, qui fournit une assez ample matière.

I. démocratie politique

Comment définir la démocratie ? Rien n'est si commun que le nom, si varié que la chose (Bayonne, Caen,

Chambéry, Nancy, Reims, Toulouse). Les conceptions que s'en font des nations varient comme leur

forme spéciale de gouvernement résultent de la foule de conditions (climat, race, histoire, traditions,

mœurs) dans lesquelles se sont formées ces nations elles-mêmes (Nice, Rennes, Toulon). Par exemple, la

forme monarchique n'empêche pas certains gouvernements d'être aussi démocratiques, et même

davantage, que telles républiques (Chambéry, Nancy, Rennes, Rouen, Toulouse). La démocratie pure se

présente à nous dans des minerais d'où il faut l'extraire par coupellation (Nice).

Souveraineté nationale. — La plupart des rapports ont, à juste titre, pris pour point de départ la définition

étymologique de la démocratie, souveraineté du peuple, ou, pour éviter l'équivoque du mot peuple en

français, souveraineté de la nation, comprenant l'intégralité des citoyens (Caen, Lyon).

Précisons maintenant la signification du mot souveraineté. Tout Etat, quelle que soit sa forme, s'oppose à

l'absence d'Etat ou anarchie en ce qu'il possède un organisme directeur ou gouvernement. Par suite,

l'ensemble des individus dont se compose la nation est divisé en deux parts, les gouvernants et les

gouvernés, autrement dit ceux qui commandent et ceux qui obéissent (L'Avenir). Ceux qui commandent,

pris collectivement, sont désignés par le substantif singulier de souverain. Ceux qui obéissent, étant

assujettis aux ordres du souverain, sont dits les sujets. Les ordres qui expriment la volonté du souverain

sont ce qu'on appelle la loi.

On saisit maintenant où réside l'opposition entre la démocratie et les régimes non démocratiques. Dans

ces derniers, la loi exprime la volonté d'une minorité, de quelques individus dans l'oligarchie, d'un seul

dans la monarchie. Dans un régime démocratique au contraire, la loi émane de la volonté générale,

exprimée par le suffrage universel (Caen, Clermont, Dijon, Rouen, L'Avenir, Clémente amitié). Le

pouvoir vient d'en bas, de la masse, et non d'en haut, d'une classe dirigeante, quelle qu'elle soit (Clermont,

Clémente amitié}. La démocratie ne consiste pas dans la substitution de la domination d'une classe à celle

d'une autre, mais dans l'absence de domination d'une classe quelconque, quelque légitimes que puissent

être les intérêts propres de celle-ci (Bayonne, Caen).

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Il va sans dire, mais cela ira encore mieux en le disant, que la démocratie doit être, selon la formule de

Lincoln, non seulement un gouvernement par le peuple, mais en même temps un gouvernement pour le

peuple (Lille, Marseille, Nancy, Toulouse), autrement dit que l'intérêt général n'a d'autre juge que la

volonté générale. Mais est-elle capable de l'apercevoir ? (Dijon, Clémente amitié). L'aptitude de la masse

à discerner et à vouloir l'intérêt général est le postulat obligé du suffrage universel, et avec lui de la

démocratie (Caen).

Droits du citoyen. — L'essence de la démocratie n'est énoncée qu'incomplètement par la souveraineté

nationale. Celle-ci est un droit de la collectivité dans son ensemble, non de chacun des individus qui la

composent (L'Avenir). Une énumération des droits du citoyen, présentée avec plus ou moins de détails par

Angers, Bayonne, Caen, Chambéry, Clermont, Marseille, Nantes, Reims, Toulon, Les Amis bienfaisants,

Clémente amitié, nous entraînerait trop loin. Ils se résument dans la liberté et l'égalité.

Ces deux droits essentiels du citoyen découlent, comme une conséquence nécessaire, du respect de la

personne humaine et de sa .lignite (Bayonne, Caen, Dijon, Marseille, Rennes, Toulon, Clémente amitié.

Etoile polaire), qu'on le justifie par des raisons métaphysiques et religieuses ou que l'on y voir

simplement une exigence sentimentale de la conscience (L'Avenir).

D'autre part, la liberté et l'égalité des citoyens sont implicitement contenues dans la souveraineté

nationale. Chaque individu, en tant que sa volonté est une partie de la volonté collective, participe à la

souveraineté de la nation. Sujet en tant qu'il est tenu d'obéir à la loi, il est souverain dans la mesure où il

contribue à la faire (Chambéry, Dijon). C'est la réunion de ces deux attributs en régime démocratique

qu'exprime le nom de citoyen. II est libre puisque sa volonté n'est soumise qu'à la volonté générale, dans

laquelle la sienne propre est comprise, et tous les citoyens sont égaux, puisque tous contribuent également

à former cette volonté collective et lui sont également soumis. Si la loi restreint la liberté de chaque

individu lorsqu'elle porterait atteinte à la liberté des autres dans la même mesure elle garantit la sienne

contre les empiétements de la liberté d'autrui (Lyon, Amis bienfaisants. Clémente amitié). C'est la loi qui

crée la liberté (Bayonne, Marseille). La liberté et l'égalité se concilient avec l'autorité dans la légalité,

discipline non imposée, mais acceptée parce que la raison la reconnaît nécessaire (Marseille, Nice,

Rennes, Toulon).

Individu et société. — II n'y a pas lieu de se demander si la société doit être subordonnée à l'individu

(Chambéry, Lyon) ou l'individu à la société. Individu et société ne sont que des abstractions. L'individu

vit dans le milieu social qui, non moins que le milieu naturel, est la condition nécessaire de son existence

individuelle. Il est plus évident encore que la société n'existerait pas sans les individus dont elle se

compose : et si la conscience collective, une fois formée, exerce une pression sur les consciences

individuelles, elle n'a point de siège propre, mais seulement dans les consciences individuelles, et n'a pu

se former que par elles. Souvent, elle est issue de pensées individuelles qui, hérétiques et révolutionnaires

au début, ont fini par s'imposer à la conscience du plus grand nombre (Rennes). La démocratie est la

recherche constante d'une conciliation, d'un équilibre toujours instable entre les exigences de l'individu et

celles de la société, qui ne sont pas antithétiques, mais solidaires (Marseille). Tout ce qui profite à l'un

profite également à l'autre (Caen, Rennes). Il n'y a pas intérêt de l'individu et intérêt de la société, mais

intérêt de l'individu dans la société (Bayonne).

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L'idéal démocratique. — La démocratie n'est pas un état figé, mais une tendance, un idéal (Lyon, Rouen),

qui ne peut être réalisé que progressivement (Rennes), en tenant compte des conditions imposées à sa

réalisation dans chaque nation et à chaque époque (Marseille), et qui se modifie d'après ses réalisations

mêmes. Elle ne sait pas toujours précisément ce qu'elle veut, mais elle n'a aucune incertitude sur ce dont

elle ne veut pas : elle a une égale aversion pour ces deux extrêmes, l'étouffement complet de l'individu par

la collectivité (Rennes, Toulon, L'Avenir) et l'individualisme sans frein, qui, lorsqu il est favorise par les

dirigeants, devient la démagogie (Dijon, Lille, Nice).

Le moyen de satisfaire dans la mesure du possible les aspirations discordantes des individus ou de leurs

groupements n'est pas la lutte des classes ou des partis, mais la fusion progressive de ces diversités dans

une unité vivante, sous une loi très simple habituant les individus les plus différents à collaborer dans la

concorde à l'amélioration de l'ensemble, dont dépend leur propre bonheur (Clermont, Marseille, Toulon).

Majorité et minorité. — II est évidemment impossible à la volonté collective d'exprimer également toutes

les volontés individuelles. C'est un fait contre lequel aucun régime ne peut rien que les individus ont des

opinions, des intérêts, des aspirations, bref des volontés discordantes (Clémente amitié).

Par suite, c'est une erreur, ou tout au moins une vue trop simpliste, de considérer la volonté générale

comme la somme des volontés individuelles, et de même l'intérêt général comme la somme des intérêts

particuliers (Caen).

En dehors de l'anarchie, qui est la négation non seulement de la démocratie, mais de n'importe quel Etat,

et qui ne semble exister en fait dans aucune nation, du moment que l'on admet une loi, elle établit

forcément une différence essentielle entre les individus selon que leur volonté particulière est d'accord ou

en opposition avec elle. Elle laisse intacte la liberté des premiers, elle met des entraves à la liberté des

seconds.

Dans n'importe quel régime, la nation est forcément divisée en deux parts, une majorité et une minorité.

La volonté ni de l'une ni de l'autre n'est la volonté unanime, mais c'est la volonté de la majorité qui en est

le moins éloignée et mérite le mieux le nom de volonté générale. La caractéristique de la démocratie par

rapport aux autres régimes politiques est que la loi y est l'expression de la volonté de la majorité. Une fois

que le scrutin s'est prononcé, il signifie à la minorité qu'elle est la minorité et que, de ce fait, sa volonté

doit s'incliner devant celle de la majorité (Lyon, Nancy, L'Avenir). Les membres de la minorité ne sont ni

libres, ni égaux à ceux de la majorité, puisque, à la différence de ceux-ci, ils sont obligés d'obéir à une loi

qu'ils n'ont pas voulue, à laquelle même ils sont hostiles.

Mais l'inégalité de la minorité par rapport à la majorité, fondée sur la loi du nombre, n'est qu'une

conséquence obligée de l'égalité des citoyens. Si un citoyen en vaut un autre, ce qui est pour ainsi dire la

règle du jeu de la démocratie, la majorité, étant le groupe le plus nombreux, a mathématiquement plus de

valeur que la minorité.

Il serait assurément souhaitable que les droits d'aucun individu ne fussent sacrifiés. Mais puisqu'il y a

inévitablement une majorité et une minorité, l'alternative s'impose : les sacrifiés seront forcément ceux,

soit de la minorité, soit de la majorité (Nancy). Le second cas, qui correspond à l'oligarchie, est encore

plus contraire à la justice qu'une démocratie majoritaire (Amis bienfaisants). En régime oligarchique, c'est

par nature que le souverain est souverain et que les sujets sont sujets : par suite, les sujets, bien qu'ils

soient la majorité, sont sujets à perpétuité. Par contre, en régime démocratique, la minorité n'est sujette

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que parce qu'elle est la minorité : elle deviendrait souveraine à son tour le jour où elle deviendrait la

majorité (L'Avenir). De tels renversements de majorité ne sont pas rares en fait, et grâce à la liberté

d'expression et de propagande, la majorité ne met aucun obstacle à ce que la minorité actuelle devienne la

majorité de demain (Lyon, Reims). Bien plus, la représentation proportionnelle fait à la minorité la place

qui lui revient dans la volonté générale.

Les partis. — Au surplus, l'antagonisme entre majorité et minorité n'atteint les individus qu'indirectement,

à travers les partis. L'individu tant soit peu réfléchi se rend compte que sa volonté, réduite à elle seule, est

inefficace et que l'union fait la force. Les individus de volonté commune se groupent, et ces groupements,

en s'organisant, deviennent des partis (Reims). Les partis, qui se forment spontanément, sont donc

inévitables (Clermont, Rennes). La politique des partis n'est pas mauvaise en soi (Toulon). Elle s'élève au-

dessus des égoïsmes individuels, ce qui est un bien, mais elle leur substitue des égoïsmes de groupes, ce

qui est un mal, car les intérêts de groupes, pas plus que les intérêts individuels, ne sont l'intérêt général

(Etoile polaire). Toutefois, la concurrence des partis les oblige, pour recruter des adhérents et les

conserver, à définir leur doctrine, à formuler un programme précis, qui mette en évidence en quoi leur

volonté s'oppose à celle d'autres partis, en quoi elle s'accorde avec elle ou pourrait à l'occasion s'en

rapprocher.

En réalité, la nation n'est pas divisée qu'en deux partis, celui de la majorité, qui représente la volonté

générale, et celui de la minorité, réduit au moins momentanément au rôle d'opposition, mais en un plus ou

moins grand nombre de partis, dont la doctrine, le programme, opposés sur certains points, concordent sur

d'autres, et dont chacun, même le plus nombreux, est numériquement inférieur à la somme des autres. La

majorité ne pourra donc s'obtenir que par une coalition de partis (Reims). Si chacun de ces partis ne

considère ses alliés que comme des auxiliaires pour assurer le succès de son programme propre au

détriment du leur, la majorité se divise, se disloque. Chacun des partis de l'ancienne majorité devient une

minorité qui, pour conserver la majorité, doit forcément conclure avec ' des partis de l'ancienne minorité

de nouvelles alliances, qui donneront lieu aux mêmes difficultés. Une majorité ne peut être cohérente que

si les différents partis qui la composent, laissant provisoirement de côté ce qui les divise pour s'attacher à

ce qui les rapproche, se mettent d'accord sur un programme minimum commun et, dans une collaboration

loyale, chargent les dirigeants de le réaliser avec leur appui. Seule une majorité de ce genre permet au

gouvernement, avec la stabilité, une action ferme et continue (Clermont, Toulon), et voue à l'échec, si

elles se produisaient, les tentatives factieuses de minorités agissantes (Bayonne). Il n'est même pas

impossible qu'un programme commun, sans se borner à des formules vagues autorisant les interprétations

les plus diverses, soit assez général pour obtenir, au moins pour un temps, l'adhésion de la grande

majorité de la nation. On aurait alors un parti unique sans tomber dans le totalitarisme, puisque ce parti,

loin de s'imposer par contrainte à la volonté générale, en serait l'expression (Toulon).

Régime représentatif. — En vertu de sa souveraineté, la nation détient divers pouvoirs. En théorie, elle

pourrait les exercer elle-même, mais pratiquement cela semble bien difficile dans les grandes nations

modernes (Rouen, L'Avenir, Clémente amitié), vu le nombre des citoyens (Chambéry, Reims), leurs

occupations privées et professionnelles qui ne leur laissent pas le loisir d'exercer pour ainsi dire le pouvoir

en permanence, et aussi la complexité croissante des problèmes politiques, qui réclame la compétence de

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spécialistes (Caen, Lyon, Zélés philanthropes). La nation est ainsi obligée de déléguer ses pouvoirs à des

représentants choisis par elle.

Laissant de côté le pouvoir judiciaire, sur lequel Angers, Bayonne, Caen, Les Amis bienfaisants ont

présenté des vues intéressantes, je m'en tiendrai au législatif et à l'exécutif.

A l'égard du pouvoir législatif, les démocrates paraissent unanimes pour que ses membres soient désignés

par le suffrage universel. Les candidats ayant exposé leur programme, l'électeur, en votant pour des

personnes, vote en même temps pour des idées (Clémente amitié).

Pour l'exécutif, rien ne s'oppose à ce qu'au moins son chef soit directement élu par le peuple, comme les

parlementaires. C'est ce qui constitue le plébiscite. Celui-ci n'est donc pas en soi contraire à la démocratie

(Clémente amitié).

Mais l'histoire a prouvé que l'exécutif, une fois nommé, pouvait vouloir substituer sa volonté à celle de la

nation dont il n'est 'que le mandataire et exercer un pouvoir personnel (Amis bienfaisants). Pour parer à ce

danger, la solution généralement adoptée est de confier au corps législatif la nomination du

gouvernement, ce qui est relativement secondaire, et surtout le pouvoir de le renverser (Reims).

De toute façon, la délégation de la souveraineté nationale doit être limitée dans le temps et révocable à

tout moment, et les mandataires de la nation doivent être soumis à son contrôle d'une façon permanente

(Angers, Bayonne, Chambéry, Clermont, Lyon, Marseille, Nantes, Rouen, Amis bienfaisants, L'Avenir,

Clémente amitié, Zélés philanthropes).

Contrôle. — Envers le pouvoir législatif, ce contrôle est insuffisant s'il se home à remplacer lors des

élections, forcément espacées, les mandataires jugés infidèles à leur mandat, par d'autres (Nantes, Etoile

polaire), qui peut-être ne vaudront pas mieux. En outre, les élus ne sont les délégués ni de leurs électeurs,

c'est-à-dire ceux de leur circonscription électorale (Caen), ni du parti sur le programme duquel ils ont été

élus (Lyon), mais de la nation tout entière. C'est à son contrôle qu'ils doivent être soumis.

Les modalités de ce contrôle, qui seraient fixées par la Constitution, ne sont difficiles ni à imaginer ni à

appliquer. La nation devrait avoir le droit d'initiative, c'est-à-dire, sur demande appuyée d'un nombre

déterminé de signatures, la faculté de proposer aux législateurs tel texte de loi et d'en exiger la discussion

rapide. Pour les textes déjà votés par le Parlement, ils seraient, dans des conditions semblables, soumis à

référendum et n'acquerraient force de lei que s'ils étaient ratifiés par la majorité des électeurs (Lyon,

Toulouse, Clémente amitié). On ne verrait pas alors l'électeur empêché de voter pour le candidat de son

choix par une loi électorale qui lui impose le scrutin de liste en lui interdisant le vote préférentiel et, qui

plus est le panachage (Nancy, Nice, L'Avenir, Clémente amitié, Etoile polaire). De telles mesures, par

leur simple éventualité et souvent sans qu'il soit besoin d'y recourir en fait, empêcheraient les législateurs

d'oublier qu'ils ne sont que les délégués de la nation. En même temps, elles, rappelleraient leur

responsabilité et leurs devoirs aux électeurs enclins à les négliger, faute d'une participation suffisante aux

affaires publiques (Rennes, Toulouse, Zélés philanthropes). Le vote obligatoire (Zélés philanthropes)

n'est qu'un leurre. La loi peut bien exiger des citoyens qu'ils déposent un bulletin dans l'urne : mais, avec

le vote secret, elle est impuissante à empêcher que ce bulletin soit blanc ou nul, ce qui pratiquement

revient à une abstention.

Le contrôle du pouvoir exécutif par la nation soulève bien des difficultés. L'exécutif se trouve en face de

problèmes de gouvernement qui, notamment dans des circonstances graves et inopinées, exigent une

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action immédiate. Il lui est donc impossible de recourir, pour s'éclairer, à une consultation populaire, et

l'initiative des mesures à prendre ne peut venir que de lui (Clémente amitié). Au cas où ces mesures

seraient désapprouvées après coup par la nation, cette désapprobation ne pourrait pas empêcher qu'elles

aient été prises. La nation est donc obligée de faire confiance aux hommes à qui, soit par suffrage direct,

soit par l'intermédiaire du Parlement, elle a délégué sa souveraineté. C'est à elle de les bien choisir, car en

les choisissant, elle assume, au moins partiellement, la responsabilité de leur conduite.

On peut même se demander s'il est sans inconvénients de subordonner l'exécutif au législatif en accordant

à ce dernier la faculté de renverser le ministère. Il y a là une entorse au principe de la séparation des

pouvoirs, jugée nécessaire pour éviter des empiétements de l'un sur l'autre (Clermont, Toulon). Dans

l'appréhension constante d'un vote hostile du Parlement, véritable épée de Damoclès, le gouvernement

hésite au lieu d'agir, e gouverner (Toulon). Enfin, pouvoir législatif et pouvoir exécutif sont, au même

titre l'un que l'autre, des délégués de la nation. S'ils entrent en conflit, l'un des deux est forcément en

désaccord avec sa volonté, mais lequel ? Seul, un référendum pourrait en décider, après un long délai, qui

ôterait à son verdict toute portée.

Mais aucune incertitude n'est possible si le gouvernement, sommé par la nation de se retirer, refuse de

quitter le pouvoir. Il se met alors en rébellion ouverte contre la loi, il viole les droits du peuple (Etoile

polaire). En ce cas, la résistance à l'oppression est pour la nation et pour chaque citoyen non seulement un

droit, mais un devoir (Rouen, Toulon), qui devrait être énoncé expressément dans toute constitution

démocratique. Le recours à l'insurrection armée ne doit être employé qu'à la dernière extrémité, à cause

des violences qu'elle entraîne et des aléas qu'elle comporte : une résistance passive peut être aussi

efficace, consistant par exemple dans le refus de l'impôt, la rupture de toutes relations du Parlement avec

le gouvernement et la grève de tous les services publics susceptible de paralyser l'action gouvernementale

sans nuire à la vie matérielle de la nation.

Devoirs du citoyen. — Les institutions, les constitutions, les nobles devises inscrites sur les monnaies, sur

le fronton des édifices publics, en tête des papiers officiels, ne suffisent pas à constituer la démocratie.

(Rouen, Toulouse). Sans démocrates, point de démocraties (Bayonne). Elle ne vaut et ne subsiste que par

des citoyens qui, pour la faire respecter, doivent commencer par la respecter eux-mêmes (Chambéry,

Lille, Clémente amitié). Par suite, le citoyen, toujours prêt à revendiquer ses droits, ne doit pas être moins

attentif à ses devoirs (Nancy).

Le premier est ce que Montesquieu appelait la vertu, autrement dit le dévouement au Lien public (Lille,

Lyon, Toulouse, Clémente amitié). Elle comprend le civisme ou obéissance aux lois, la tolérance ou

respect des droits d'autrui, et le courage civique. Celui-ci ne réclame pas seulement du citoyen

l'abnégation poussée jusqu'au sacrifice suprême dans les moments critiques où la patrie est en danger ou

la démocratie en péril (Lyon, Toulouse), mais ce qu'on pourrait appeler un héroïsme continu, le sacrifice

de ses intérêts particuliers à l'intérêt général dans les circonstances quotidiennes et d'apparence banale

(Lyon), notamment à l'égard du fisc et lors des élections (Etoile polaire).

Mais il ne suffit pas de vouloir l'intérêt général pour ainsi dire en blanc : il faut, en outre, savoir en quoi il

consiste. Chaque individu reconnaît, pour son métier ou sa profession, la nécessité d'en acquérir la

maîtrise par un soigneux apprentissage. L'individu a donc le devoir, qui coïncide avec son intérêt, de

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développer dans toute la mesure du possible son instruction, pour devenir un citoyen éclairé, capable de

discerner l'intérêt général (Chambéry, Lille, Etoile polaire).

Devoirs de l'Etat. — Les gouvernants ont d'abord les mêmes devoirs que la masse des citoyens, qui se

résument dans la soumission à la loi (Bayonne) et dans la subordination de leur intérêt personne] à

l'intérêt public (Toulouse). Ils ont, en outre, des devoirs spéciaux, résultant de la mission qu'ils ont

acceptée (Lyon), sinon sollicitée. Ils doivent mériter l'autorité dont ils ont été investis par ce qu'on

pourrait appeler leur conscience professionnelle, être une élite, une aristocratie au sens étymologique du

mot, gouvernement des meilleurs {Etoile polaire). Dans tous les domaines et à tous les degrés de la

hiérarchie, les fonctionnaires doivent faire preuve de loyalisme (Clermont) et demeurer incorruptibles,

quelques pressions ou séductions qui s'exercent sur eux (Toulouse). Enfin, l'Etat, pris collectivement, doit

se conduire en honnête homme, ne pas se dérober, fût-ce par des procédés obliques, à ses engagements

(Chambéry).

La condition fondamentale de la démocratie est la soumission à la raison (Bayonne), sous la double forme

de vertu et d'esprit critique. C'est par suite un devoir primordial de l'Etat de développer l'un et l'autre par

une éducation appropriée, commencée dès l'enfance (Chambéry, Lille, Lyon, Nice, Toulon, Toulouse.

Clémente amitié. Etoile polaire). Après le pain, l'instruction est le premier besoin du peuple (Dijon).

L'Etat doit éventuellement passer outre aux résistances qui, au nom d'un prétendu droit du père de famille,

considérant l'enfant comme la chose de la famille et non comme une personne, voudraient le maintenir

dans l'ignorance (Nantes, Toulon). Une éducation vraiment nationale doit être laïque, c'est-à-dire neutre à

l'égard des conceptions religieuses et politiques, sans transiger pour autant sur les principes essentiels de

la démocratie (Toulon, Zélés philanthropes). Ses degrés successifs et ses diverses modalités, entre

lesquelles ne doivent pas exister de cloisons étanches, doivent être accessibles à tous, sans condition de

fortune, sans autre limite que l'aptitude à en profiter (Angers, Nancy, Nantes, Toulon). Bref, elle doit

favoriser chez tous les citoyens le plein épanouissement de leurs facultés de pensée et d'action (Bayonne,

Lille, Lyon, Nancy, Toulouse), au bénéfice à la fois de leur personnalité propre et de l'intérêt général

(Caen, Rouen), en faire une élite qui ne soit pas une caste (Caen, Lyon, Rouen, L'Avenir, Clémente

amitié, Etoile polaire). Les dirigeants doivent considérer comme purement provisoire la tutelle qu'ils

exercent sur la masse et travailler à l'émanciper en l'éclairant, ce qui leur permettra d'abdiquer leur rôle de

chefs pour le réduire à celui d'exécuteurs de la volonté de la nation, devenue consciente et majeure

(Rennes).

Devoirs des classes et partis. — Entre l'individu et la nation sont venus s'intercaler les groupements,

classes et partis. On peut en théorie distinguer les classes et les partis en ce que les premières sont des

groupements fondés sur une communauté d'intérêts, les seconds des groupements fondés sur une unité de

doctrine et en définitive d'idéologie. Mais en fait, les deux notions interfèrent et se recouvrent en grande

partie : les intérêts cherchent à se justifier par une doctrine, et les doctrines, sous peine de rester confinées

dans l'abstrait, sont obligées de tenir grand compte des intérêts. Chaque groupement, en s'organisant,

choisit ou accepte des dirigeants, qui jouent à l'égard de ses adhérents le même rôle que le gouvernement

à l'égard des membres de la nation. Qu'on le veuille ou non, l'existence de groupements organisés a

introduit une multiplicité d'Etats dans l'Etat. La démocratie ne peut négliger ce fait et doit s'y adapter. Par

suite, il ne suffit plus d'envisager d'une part les droits et devoirs de l'individu, considéré isolément, par

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rapport aux autres individus et à l'ensemble de la nation, d'autre part et réciproquement les droits et

devoirs de l'Etat, représentant la nation, à l'égard de celle-ci et de chacun des individus qui la composent.

Il faut envisager en outre les relations réciproques, avec les droits et devoirs qui en découlent, de chaque

groupement à l'égard de ses adhérents, à l'égard des autres groupements et à l'égard de la nation et de

l'Etat. Je me bornerai sur ce point, qui réclamerait de longs développements, à quelques indications

d'ordre général.

En aucun cas, la démocratie ne saurait renoncer à son principe fondamental, la souveraineté nationale,

c'est-à-dire l'égale soumission de tous les groupements, comme de tous les individus, à la loi, qui

exprime, à défaut de volonté unanime, celle de la majorité. Chaque groupement, comme chaque individu,

reste libre de faire ce qui n'est pas défendu par la loi : il n'a pas le droit de faire ce qu'elle interdit, en

particulier d'inscrire dans son programme la désobéissance à la loi, soit dans son ensemble, soit pour telle

ou telle de ses prescriptions.

Sous cette réserve, il peut adopter à l'égard de ses adhérents telles règles de discipline qu'il lui plaît,

admettre ou exclure qui il veut. C'est affaire entre lui et ses adhérents. Il est toutefois souhaitable que

l'organisation interne du parti ait, comme celle de la nation, un caractère démocratique et non

oligarchique, que les dirigeants soient nommés par l'ensemble des adhérents, que la loi particulière du

groupement soit non imposée par ses dirigeants, mais acceptée par la majorité des membres du

groupement, après discussion loyale des opinions en présence (Toulon).

Les mêmes principes doivent être observés, non plus seulement de préférence, mais obligatoirement, par

chaque parti dans ses relations avec les autres. Il doit d'abord constater comme un fait leur existence, et ne

contester à aucun, si faible que soit son importance numérique, les droits de réunion et de propagande. Il

ne doit pas prétendre, n'étant pas l'unique parti, à le devenir par la suppression violente de ses adversaires,

mais uniquement par la valeur de sa doctrine et la force de ses arguments, en s'abstenant d'injures et de

calomnies qui, au jugement de tout homme éclairé, ne font tort qu'à lui-même. Il ne doit point se confiner

à l'égard des autres dans une critique systématique et sectaire (Nancy), qui est juste l'opposé de l'esprit

critique (Rennes). La concurrence entre les partis ne doit être qu'une lutte d'idées, profitable à la fois à

eux-mêmes et à l'ensemble de la nation, parce que, s'appuyant sur l'esprit critique et le développant en

même temps, elle est un facteur de discussion et de contrôle (Rennes, Clémente amitié. Etoile polaire).

A l'égard de la nation et de l'Etat, aucun parti ne doit oublier qu'il n'est qu'une partie de la nation et

vouloir lui imposer sa loi. Tous doivent une égale obéissance aux lois en vigueur, tout en conservant

l'entière liberté d'en poursuivre par les moyens légaux la modification ou l'abrogation (Bayonne). La

dictature d'un parti, si légitimes que puissent être ses revendications, est aussi inconciliable avec la

démocratie que celle d'un homme. Un régime dit prolétarien n'est pas plus démocratie qu'un régime

censitaire. Si un tel régime s'intitule démocratie populaire, c'est à la faveur de l'équivoque du mot peuple,

employé dans populaire pour désigner une classe spéciale, alors que dans démocratie il signifie

l'ensemble de la nation. Démocratie populaire est une expression contradictoire (Etoile polaire). Toute

pression exercée par un parti ou par une classe sur le gouvernement et sur la nation, non seulement par la

violence, mais encore par des actes de nature à interrompre la vie normale de la collectivité, est

incompatible avec la démocratie. La cessation concertée de travail, dans une branche quelconque de

l'économie, par une catégorie de citoyens, si nombreuse soit-elle, n'est légitime qu'à condition de ne point

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porter atteinte d'une part a la liberté de ceux qui veulent continuer de travailler, d'antre part aux besoins

vitaux de la nation, notamment à l'alimentation de l'ensemble de ses membres.

II. DÉMOCRATIE SOCIALE

Position du problème. — Jusqu'à présent, nous n'avons envisagé dans la démocratie que son aspect

politique, autrement dit nous n'avons considéré les citoyens que comme des personnes. Mais les

personnes ne sont que des abstractions, des âmes sans corps, pourrait-on dire. Les hommes réels sont des

êtres de chair et d'os (Amis bienfaisants), soumis à des nécessités vitales et en premier lieu à celle de se

nourrir.

Les besoins matériels des individus, sans parler de leurs besoins spirituels, ne peuvent être satisfaits qu'au

moyen de biens ou de richesses. L'égalité n'est que viande creuse si elle n'est complétée au moins par une

certaine égalisation des richesses (Caen, Lille, Marseille, Rennes, Rouen, L'Avenir, Etoile polaire). Libre

en tant que personne, chaque individu dépend de ceux dont les objets de consommation ou les services lui

sont nécessaires pour subsister.

La société, pas plus que l'individu, ne peut se désintéresser de ces nécessités, dites économiques, et des

questions qu'elles soulèvent. Les deux formules antithétiques : politique d'abord, et économique d'abord,

sont également inadéquates ; l'économique fait partie intégrante du politique et ne peut en être séparé

(Rouen, Amis bienfaisants).

Dans l'économique au sens large qui vient d'être indiqué, on a coutume de distinguer deux parties : les

questions économiques et les questions sociales. A cause de leurs répercussions mutuelles, il est malaisé

de leur assigner des frontières précises. M'inspirant à la fois de Lille et de Rouen, je proposerai les

définitions suivantes. Les questions sociales sont celles qui concernent les individus en tant, non que

personnes pures, mais qu'êtres vivants ayant besoin de richesses. Les questions économiques sont celles

qui regardent les richesses considérées, dans la mesure du possible, indépendamment de leur rapport à des

personnes, ou tout au moins à telles personnes déterminées.

Etant ainsi délimitées, tant bien que mal, les questions sociales et les questions économiques, c'est à la

volonté générale qu'il appartient, en régime démocratique, de décider sur les unes et sur les autres. Mais il

lui faut prendre parti entre deux conceptions : ou la solution sera laissée aux intéressés, individus et

classes ou partis, par le libre jeu de leurs propres forces pour faire triompher ou harmoniser leurs

aspirations discordantes, ou elle leur sera imposée par l'Etat.

Conception dite libérale. — Les questions sociales peuvent se résumer en une seule, celle du droit de

propriété. En fait, la nation se compose de riches et de pauvres, et pour s'en tenir aux extrêmes, de

citoyens qui meurent littéralement de faim et d'autres qui peuvent se permettre tous les gaspillages (Caen,

Lyon).

Cette inégale répartition des richesses n'affecte en rien, à première vue, la liberté et l'égalité des personnes

: riches et pauvres jouissent des mêmes droits et sont soumis à la même loi. Par suite, une démocratie

purement politique se lave les mains de l'inégalité flagrante de la distribution des richesses : elle la prend

comme un fait qui ne la concerne pas.

Certains iraient jusqu'à dire que, même du point de vue social, l'indifférence de l'Etat en cette matière est

conforme aux principes démocratiques de liberté et d'égalité. D'égalité car l'Etat accorde aux riches et aux

pauvres le même droit de propriété,' en entendant par là le droit de conserver, les riches leur richesse, les

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pauvres leur pauvreté. De liberté, puisque l'Etat laisse les uns et les autres entièrement libres de disposer à

leur gré de leur richesse, de l'accroître ou de la dissiper. C'est pourquoi cette conception du rôle purement

passif de l'Etat en matière sociale, conservatrice dans son fond [l'Avenir), est qualifiée de .libérale, du

moins par ses partisans, qui en sont en même temps les bénéficiaires.

Conception interventionniste. — Mais l'inégale répartition des richesses peut-elle laisser la démocratie

indifférente ? La démocratie ne peut subsister que si elle est acceptée de l'ensemble des citoyens, y

compris les pauvres, et par suite si elle accorde aux aspirations de ceux-ci un minimum de satisfaction

(Toulon). De même que la démocratie politique est une égalisation des personnes, la démocratie sociale

tend vers une égalisation de' liions. Tous les individus ont un égal besoin de posséder la quantité de

richesses qui leur permette de vivre. S'ils ne la possèdent pas et ne peuvent se la procurer par eux-mêmes,

ils devront recourir a d'autres et tomberont fatalement sons leur dépendance. En ce sens, la propriété est

une condition indispensable de la liberté (Caen, Amis bienfaisants).

Mais si elle d'/passe la limite, d'ailleurs difficile à fixer, qui sépare le nécessaire du superflu, elle n'est plus

seulement pour le possédant une garantie de sa liberté, mais une possibilité et une tentation de porter

atteinte à la liberté de non-possédants d'autant plus nombreux qu'il est plus riche. 11 ne peut donc y avoir

de liberté et d'égalité, même politiques, sans une équitable répartition des richesses (Caen, l'Avenir), et

devant les exigences opposées des possédants qui veulent conserver et des non-possédants qui veulent

acquérir, cette répartition ne peut être effectuée que par l'Etat, représentant de la volonté générale et juge,

sous son contrôle, de l'intérêt général.

Pour la démocratie, si les droits du citoyen sont ceux que la société lui reconnaît et lui garantit, elle ne les

lui reconnaît que parce que ce sont des droits de l'homme, afférents à la personne humaine, et considère

comme étrangers à celle-ci, et par suite comme ne .constituant pas des droits, tous les attributs dont

l'absence n'empêche pas un homme d'être homme. Elle fait abstraction des différences qu'on pourrait

appeler naturelles, qui tiennent à la constitution de l'individu, telles que celles de race, de force physique

ou do capacité intellectuelle (Clémente amitié). A plus forte raison, elle ne tient pas compte des

différences qui résultent de circonstances étrangères à l'individu et souvent de simples conventions,

comme les différences de naissance, de famille, de rang social. Les avantages possédés en fait à ces points

de vue par certains individus ne sont que des privilèges, et elle est hostile aux privilèges (Baronne,

Rennes), à moins qu'ils ne soient justifiés. Or la fortune, quand elle n'est due qu'au hasard de la naissance,

est un privilège injustifié et ne saurait constituer un droit (l'Avenir).

En conséquence, le droit de propriété ne peut pas conserver la signification que lui donne la conception

dite libérale. Il doit être entendu comme le droit pour l'individu, non de conserver ce qu'il possède,

beaucoup ou rien, mais de posséder au moins la quantité de richesses correspondant aux besoins d'une vie

simplement humaine, mais vraiment humaine, ce qu'on appelle le minimum vital. Variable selon le degré

de civilisation et les conditions économiques du moment, il correspond cependant à des besoins qui sont

les mêmes pour tous. En ce sens, on peut donner d'une démocratie sociale cette première formule : à

chacun selon ses besoins, qui implique naturellement une redistribution des richesses {Amis Bienfaisants).

L'instrument pratique de cette redistribution est l'impôt. Il ne peut rien enlever à ceux qui possèdent tout

au plus l'indispensable pour vivre, mais il peut exiger des riches le sacrifice d'une partie de leur superflu.

Telle est la première condition d'une fiscalité démocratique (Angers), et par suite d'une .démocratie

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sociale. Comment sera déterminée maintenant la contribution réclamée des possédants pour la

redistribution des richesses ? Il n'est nullement question d'une confiscation totale de leurs biens, mais

simplement d'une égalisation partielle des fortunes. Si la société ampute les riches d'une partie de leurs

biens, elle leur garantit la possession de celle qu'elle leur laisse : elle diminue leurs privilèges, mais en

même temps elle les consolide (l'Avenir). L'Etat joue ainsi à l'égard des riches le rôle d'une compagnie

d'assurances, et bien qu'il rende cette assurance obligatoire, il est fondé à leur réclamer une prime

proportionnelle aux services qu'il leur rend. Par suite, la formule : à chacun selon ses besoins, doit être

complétée par celle-ci : de chacun selon ses moyens. On peut donc difficilement contester le caractère

démocratique d'un impôt progressif sur le revenu, qui laisse intacte la tranche correspondant au minimum

vital.

Avantages du capitalisme. — La double formule que nous venons d'envisager laisse peut-être encore à

désirer. Elle a surtout en vue les besoins de la consommation. Or on ne peut consommer que des richesses

déjà existantes, et pour nombre d'entre elles, les consommer c'est les détruire. Elles doivent donc être

constamment renouvelées, et pour pouvoir consommer, il faut commencer par produire. Par suite les

producteurs ont droit à une rémunération pour l'apport indispensable qu'ils fournissent à la consommation.

La formule : à chacun selon ses besoins, doit donc être complétée par cette autre : à chacun selon ses

services, la première visant la consommation, la seconde la production.

La production exige en premier lieu du travail, travail physique pour l'exécution, travail intellectuel pour

l'organisation et la direction. Mais elle exige aussi, surtout avec le machinisme dont l'avantage pour la

production n'est pas contesta des capitaux' de plus en plus considérables. Le capital apporte donc à la

production une contribution indispensable : il travaille pour elle, pourrait-on dire, et a droit à une

rétribution équitable. Ainsi une démocratie sociale peut rester capitaliste. Une fois assuré à tous le

minimum vital, elle ne procède pas à un nivellement par en bas : elle accorde à tous la faculté de

s'enrichir, les travailleurs par leur travail propre, les capitalistes par celui de leurs capitaux, au bénéfice

non seulement des intérêts privés des uns et des autres, mais aussi de l'intérêt général.

Dangers du capitalisme. — Mais il faut écouter l'autre son de cloche et, à coté des avantages du

capitalisme, en reconnaître les inconvénients. L'intérêt public, la prospérité générale exige de plus en plus,

qu'il s'agisse d'agriculture, d'industrie ou de commerce, la substitution aux entreprises privées, conduites

par un seul individu ou une seule famille, d'entreprises collectives, de beaucoup plus avantageuses pour

les prix de revient et le rendement. Les entreprises privées ne peuvent lutter contre leur concurrence et

disparaissent graduellement.

La concentration des entreprises se poursuit, non seulement comme on dit horizontalement, c'est-à-dire

entre entreprises similaires, mais aussi verticalement, entre entreprises qui, pour leur fonctionnement,

dépendent les unes des autres. C'est le régime des cartels et des trusts. Il aboutit pour eux à un véritable

monopole de fait (Bayonne). Ils deviennent les maîtres du marché, à un double point de vue. D'abords du

marché du travail, puisqu'un nombre sans cesse croissant d'anciens travailleurs libres sont forcés de se

transformer en salariés, dépendant de leurs employeurs et obligés de se soumettre à leurs exigences.

Ensuite du marché de la consommation, puisque les consommateurs ne peuvent s'adresser ailleurs. Les

trusts, uniquement soucieux, de leur profit (Chambéry, Lyon, Nantes), ont intérêt à maintenir leur

production à un niveau inférieur aux besoins de la consommation, puisque la concurrence des

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consommateurs entraîne, pour les mêmes prix de revient, une hausse des prix de vente. Dans cette

intention, ils pratiquent le malt Indianisme économique, soit en limitant leur production, soit même en

détruisant des produits prêts à être consommés. Et comme ils ont eux-mêmes besoin de capitaux comme

fonds de roulement, toute l'économie, production et consommation, est en définitive entre les mains de la

finance, non seulement nationale, mais internationale.

III. DÉMOCRATIE COLLECTIVISTE

Tels étant les avantages et les dangers de la concentration des entreprises,' quels moyens peuvent être

envisagés pour conserver les premiers et parer aux seconds ? Nous passons ainsi du point de vue social au

point de vue proprement économique.

Doctrine collectiviste. — Les inconvénients du régime capitaliste se résument en ce que les capitaux

indispensables à la production, elle-même indispensable à la consommation, sont détenus par une classe,

celle des capitalistes. Ces inconvénients disparaîtraient par le transfert des capitaux à la nation dans son

ensemble et à l'Etat qui la représente. De la sorte on aurait, pour ainsi dire, un capitalisme sans

capitalistes, un capitalisme d'Etat ou collectivisme.

Le collectivisme est essentiellement une doctrine économique. Il a pour devise : l'économique prime le

politique. L'intérêt public consiste avant tout dans un niveau de vie aussi élevé que possible pour tous les

membres de la nation.

L'Etat serait le seul entrepreneur de la production et l'unique répartiteur des biens de consommation

(Dijon). Par suite, il serait en mesure d'ajuster la production aux besoins de la consommation. Possesseur

des capitaux nécessaires à la production, il n'aurait pas à les rémunérer, d'où abaissement des prix de

revient. Les bénéfices profiteraient, non seulement à des particuliers, mais au trésor national (Nancy). Les

individus, ne collaborant plus à la production que par leur travail, n'auraient plus besoin d'autres richesses

que de celles que nécessite leur consommation personnelle. La production n'aurait d'autres limites que

celles que lui imposent, sous n'importe quel régime, les ressources dont dispose la nation. La

consommation, autrement dit la distribution des richesses, serait réglée selon la double formule

démocratique : à chacun selon ses besoins, assurant à tous le minimum vital, et à chacun selon ses

services, évitant le nivellement par en lias et excitant l'émulation (Rouen). Ainsi production et

consommation seraient organisées solidairement au bénéfice non d'une classe, mais de la nation dans son

ensemble.

Critique du collectivisme. — Tels sont les avantages qu'on peut espérer du collectivisme. Mais il a aussi

des défauts, dont il convient de signaler les plus manifestes.

Laissons de côté, pour faire bref, les difficultés, tant doctrinales que pratiques, soulevées par le transfert, à

l'Etat des propriétés privées, et supposons effectuée la transformation du régime capitaliste en régime

collectiviste.

L'Etat, étant devenu l'unique capitaliste, ne pourra compter pour la production que sur ses propres

ressources. Il devra donc forcément régler la production non sur les besoins de la consommation, mais

d'après ses possibilités économiques et financières.

Pour la production en elle-même, il n'est pas certain que des entreprises nationalisées soient plus

avantageuses, même au simple point de vue économique, que des entreprises privées. Expérience faite,

les bénéfices substantiels que rapportaient ces entreprises se sont transformés, sous la gestion de l'Etat, en

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déficits impressionnants. Cela peut provenir de ce qu'on ait, peut-être à dessein, choisi pour les

nationaliser les entreprises qui se trouvaient en mauvaise situation (Rouen). Mais, quelles qu'en soient les

raisons, le fait demeure et doit tout au moins inciter à la prudence.

Et à côté de l'aspect économique du problème, on n'en peut pas négliger l'aspect politique. Certes, les

individus aspirent à un bien-être sans cesse accru, mais les démocrates ne tiennent pas moins à leurs

droits comme personnes, et notamment à la liberté : ils ne sauraient être satisfaits par une égalité dans la

servitude (Bayonne). En admettant que le collectivisme soit effectivement un gouvernement pour le

peuple, ce ne sera pas un gouvernement par le peuple (Caen, Toulouse).

La tyrannie patronale, dénoncée comme une tare du régime capitaliste est encore accrue si l'Etat devient

l'unique patron. C'est lui qui fixera au nom de l'intérêt générai, la contribution obligatoire de chaque

citoyen à la production, sa profession (Amis bienfaisants), le rendement exigé de son travail et sa

rétribution (Rouen, Toulouse). Tous les individus seront condamnés aux travaux forcés.

L'Etat collectiviste ne peut pas non plus tolérer la liberté d'opinion et d'expression. La réussite de son plan

économique exige le dévouement, l'enthousiasme, la foi de tous. Toute opposition, même purement

passive et doctrinale, toute tiédeur, toute discussion, toute velléité d'indépendance manifestée ou

simplement présumée est un attentat contre l'intérêt général, représenté par la volonté de l'Etat. Celui-ci

définit une orthodoxie dont nul, sous peine d'excommunication, ne peut s'écarter dans aucun domaine,

non seulement matériel, mais même spirituel, jusque dans les beaux arts (Clermont, Toulouse). Nulle

propagande ne saurait être admise, sinon celle des thuriféraires du régime. Les autres partis 'ont réduits au

silence, sinon voir s à l'extermination, par une police toute puissante (Caen, Dijon, -Nancy, Amis

bienfaisants, Etoile polaire).

CONCLUSION

Telles sont, réduites à leurs traits essentiels, les trois grandes conceptions de la démocratie ; démocratie

politique, démocratie sociale, démocratie collectiviste. Ce sont, pourrait-on dire, des étapes successives de

la démocratie, à mesure qu'elle tient compte d'un plus grand nombre d'éléments concrets, notamment des

conditions économiques. Mais pour perfectionner la démocratie, il ne faut pas commencer par la détruire

(Lille, Amis bienfaisants}. Par suite, toutes les améliorations escomptées ou même réelles du sort des

citoyens ne sont acceptables que si elles respectent le principe fondamental de la démocratie, à savoir la

soumission de tous les individus, gouvernement compris, à la volonté générale (Bayonne, Clermont).

Cette réserve faite, il n'est pas interdit au collectivisme de devenir compatible avec la démocratie : il

suffirait que de totalitaire, il devint majoritaire. La notion de liberté a évolué : elle évoluera sans doute

encore (Rouen). Selon la fine remarque de Lyon, la liberté ne consiste pas dans l'indépendance absolue,

dans le fait objectif de l'absence de contrainte, mais dans le fait subjectif de ne point se sentir contraint.

.Nous sommes soumis en fait à une foule de contraintes, par exemple, dans le domaine purement naturel,

sans que la société y soit pour rien, aux intempéries, à la nécessité de manger pour vivre. Mais ces

contraintes ne nous empêchent pas de nous sentir libres, parce que, y étant habitués, nous ne les sentons

pas. Dans la démocratie, même simplement politique, individus et groupements, classes ou partis, sont

soumis à la loi de la majorité (Rouen). Mais cette contrainte n'est pas sentie, d'abord parce qu'elle est

reconnue avantageuse puisque, si elle nous impose le respect de la liberté d'autrui, en revanche, elle

impose à autrui le respect de la nôtre : ensuite parce que, pour cette raison, elle est acceptée par tous. La

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même idée est exprimée par Nice dans cette formule lapidaire : La liberté ne consiste pas à être sans

maître, mais à être son maître.

Cela posé, la contrainte exercée par l'Etat collectiviste cesserait d'être une contrainte si au lieu d'être

imposée, elle était acceptée, sinon souhaitée par la nation. L'histoire fournit des exemples de bons tyrans

qui, bien que leur pouvoir n'émanât pas du peuple, avaient su se concilier son affection (Lyon). Le jour

où, par ses réalisations économiques, le régime collectiviste donnerait satisfaction aux aspirations de la

majorité, il deviendrait un gouvernement pour le peuple. Du même coup, étant reconnu avantageux pour

la nation, il serait accepté par elle et deviendrait un gouvernement par le peuple. N'ayant plus alors à

redouter une opposition massive, il pourrait se relâcher de précautions rigoureuses devenues sans objet et

restituer aux individus et aux groupements des libertés qu'il estimait auparavant dangereuses (Caen, Lyon,

Marseille, Rouen, L'Avenir).

Utopie, dira-t-on sans doute. Mais qu'est-ce que le progrès, sinon la transformation d'utopies en réalités ?

(Rennes). La démocratie est un idéal. Dans l'avenir comme dans le passé, il ne se réalisera pas de lui-

même, mais par les efforts pénibles et persévérants d'hommes dont aucun n'est parfait (Nancy). Du moins,

on aperçoit clairement la direction et le but de cette évolution, à savoir une harmonisation graduelle, par

approximations successives, sujettes à des reculs (Rennes, Lyon), des deux aspirations de la démocratie,

qui ne semblent peut-être s'opposer que parce qu'on les envisage isolément, alors q u elles sont

inséparables et complémentaires (Amis bienfaisants) : bien-être et liberté.

Le GRAND COMMADEUR. — Mes FF..., l'attention soutenue avec laquelle vous avez écouté le rapport de

notre F... LUQUET me dispense d'en faire l'éloge ? S'effaçant, avec sa modestie habituelle, derrière les

rapports de vos Ateliers, il a présente, avec une objectivité et une impartialité totales, les différentes

opinions en présence, l'ornant son rôle à assembler ces pierres polies dans une construction solide et je

dirais volontiers majestueuse. Nul doute qu'individuellement ou dans vos Ateliers, vous ne trouviez

plaisir et profit à méditer son rapport. En votre nom à tous, je le remercie et le remercie.

Quelqu'un de vous demande-t-il la parole sur ce rapport ?

De brèves remarques sont présentées par les FF... ALBERT l'Effort ; GASSOT (L'Avenir) ; MARCY

(L'Avenir); CERF (Etoile Polaire) ; ROSENMARK (Clémente Amitié).

Les travaux sont clos en la forme accoutumée à midi.

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GRAND CHAPITRE

du Dimanche 19 Septembre 1948

Les travaux du Grand Chapitre sont ouverts à 15 heures dans la forme rituelle par le T... Ill... F... POURIAU,

T... P... S... Grand Commandeur, remplissant les fonctions de Très Sage, assisté des deux Lieutenants

Commandeurs, remplissant les fonctions de Grands Gardiens. Il avait, à sa droite, le T... Ill... F... VIAUD,

Grand-Maître du Grand Orient de France, membre du Grand Collège des Rites, et, à sa gauche, le T... Ill...

F... GROUSSIER, Grand Maître d'Honneur du Grand Orient de France, membre du Grand Collège des Rites.

L'Orient était décoré par les membres du Grand Collège des Rites et par de nombreux 33e.

Sur les colonnes avaient pris place 256 Chev... R... C..., représentant 39 Chapitres.

LE GRAND COMMANDEUR :

Mrs FF... Chev...

Au début de nos travaux, il m'appartient de rendre un suprême hommage à nos Frères disparus.

A notre F... PÉRALDI, Grand Orateur du Grand Collège des Rites. Ses obsèques ont eu lieu mercredi après

une rapide et terrible maladie qui nous a d'autant plus péniblement surpris que plusieurs d'entre nous

s'étaient entretenus, quelques jours avant, avec notre cher disparu. Tous ceux qui ont connu PÉRALDI, tous

ceux qui ont entendu les discours qu'il prononçait à la fin de nos grandes tenues, ont pu apprécier sa

parole précise et l'éloquente, sa connaissance profonde de nos rites, de nos traditions, des origines et de

l'histoire de la Maçonnerie. Il projetait, pour cette année, une de ces interventions réfléchies, persuasives,

évocatrices, dont il avait le secret. Hélas, sa voix s'est tue pour toujours. Mais il nous restera son souvenir,

celui d'un grand et pur Maçon, entièrement dévoué à notre Ordre, fidèle à ses convictions républicaines,

sociales et laïques, à son attachement pour les déshérités de la vie. Et pour les futurs adeptes, il sera le

modèle du parlait initié.

Notre colonne funéraire porte encore les noms de nos FF... :

GUATEL, 33e, de Fort-de-France;

TABARY, qui fut 31e, et maire du XIe arrondissement;

De nos FF... 30e ;

CAZAC, de Toulon ;

CAPITAINE, de Bordeaux, Vénérable de L'Etoile du Progrès ;

DELNONDEDIEU, d'Agen, qui, depuis de nombreuses années, assistait à tous les convents du G... O... ;

LEVY-ALPHANDERY, ancien député, maire de Chaumont ;

FREDEZ, de Marseille ;

LESEUR, de Nantes ;

RICHARD, de Paris (Etoile polaire) ;

ROGELIN, de Chaumont ;

De nos FF... 18e :

ACHARD, de Lyon ;

ALIC, de Marseille ;

ARNOUX, de Paris (L'Effort) ;

ARQUIER, de Béziers ;

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CANAVORO, de Paris (Amis Bienfaisants) ;

GUIEN, de Toulon ;

LINARES, de Paris (L'Avenir) ;

LISBONNE, qui fut sénateur de la Drôme ;

PAVIOT, de Paris (L'Avenir) ;

RICHARD, de Constantine ;

RIUSSEC, de Béziers ;

ROUSSET, de Toulouse ;

SAUCE, de Paris (L'Avenir).

Vers tous, vont nos suprêmes hommages et nos regrets fraternellement émus.

Mais la Franc-Maçonnerie se vante à juste titre, d'être universelle et de ne pas connaître les barrières

imposées par des traits dont les guerres furent trop souvent les causes.

Loin de nous par la distance, mais tout proche par les sentiments, vécut notre F... BENES. Qu'il fût à la tête

de la Tchécoslovaquie, ou en exil volontaire pendant les sombres années de l'occupation allemande, ce

grand homme de bien, au cœur généreux, trouva dans la Franc-Maçonnerie le soutien moral pour l'aider à

poursuivre l'œuvre de libération et d'émancipation sociale de son peuple.

Jusqu'à ses derniers moments, il resta fidèle à la mission toute de bonté et de fraternité qu'il avait promis à

sa conscience d'accomplir. Nous conserverons le respect et l'admiration de sa mémoire.

Mes FF..., pour manifester notre fraternelle douleur, veuillez vous mettre debout et à l'ordre et observer

une minute de silence...

Mes FF..., suivant nos usages séculaires, nous ne devons pas rester avec des pensées douloureuses

susceptibles d'atrophier nos énergies.

Nous allons donc tirer une batterie d'allégresse en l'honneur des nouveaux membres du Grand Collège des

Rites, nos TT... Ill... FF... BAYLOT, DEMENGEON, POUILLARD ET VIAud.

Tous les quatre sont des Maçons de grande race, d'un dévouement et d'une foi maçonnique éprouvés, et

leur admission ne peut qu'apporter une nouvelle vigueur à notre Atelier suprême. Qu'il me soit permis de

saluer particulièrement notre T... Ill... F... VIAUD qui vient d'accomplir à la tête de notre Ordre un triennat

rempli de discussions courtoises et d'interventions heureuses. Grâce à la sagesse, à l'affabilité, au talent

oratoire de son Président, le Conseil de l'Ordre a, pendant ces trois années, rehausse le prestige du G... O...

D... F....

A moi mes FF...., par le signe, le contre-signe, la batterie et l'acclamation.

LE GRAND COMMANDEUR. — Je donne la parole au T... Ill... F... LUQUET, Grand Chancelier, pour le

rapport administratif.

Le F... LUQUET, Grand Chancelier :

RAPPORT ADMINISTRATIF POUR 1947-48

TRAVAUX DU GRAND COLLÈGE DES RITES. — Le Grand Collège a tenu régulièrement ses assemblées

statutaires. Toutes les questions qui lui ont été soumises par des Ateliers Supérieurs ont été examinées et

ont reçu une réponse. Toutes les propositions d'augmentions de salaire ont fait l'objet d'une décision.

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MEMBRES DU GRAND COLLÈGE — Les TT... Ill... FF... ARQUEMBOURG, BAYLOT. DEMENGEON, POUILLARD,

ROYER et VIAUD, 33e, ont été nommés membres actifs du Grand Collège et installés en cette qualité dans

les formes rituelles.

Les TT... Ill... FF... COURT et JUVANON ont été nommés membres honoraires.

OFFICES ET FONCTIONS DU GRAND COLLÈGE. —Conformément à son Règlement, le Grand Collège a

procédé dans sa tenue d'hier au renouvellement de ses Officiers, au scrutin secret. Le F... PÉRALDI, dont

nous déplorons la perte, a été remplacé comme Grand Orateur et comme membre de la Commission mixte

par le F... CHEVALLIER. Celui-ci a été remplacé comme Grand Capitaine des Gardes par le F... ORELLI

Sous ces réserves, tous les titulaires sortants des offices et fonctions ont été réélus à l'unanimité, tels qu'ils

ont été publiés dans le Bulletin n° 28.

SECRÉTARIAT. — La besogne du Secrétariat a continué à être assumée conjointement, aux points de vue

administratif et financier, par le Grand Chancelier et le Grand Trésorier. Les Bulletins nos 26, 27 et 28 ont

été imprimés et, en grande partie, distribués. Le Bulletin n° 29, consacré au Grand Chapitre de mars

dernier, est en cours d'impression et, sauf imprévu, pourra être envoyé aux Ateliers dés novembre de cette

année. Le Bulletin n° 30, contenant les procès-verbaux du Grand Conseil et du Grand Chapitre

d'aujourd'hui, suivra immédiatement et paraîtra vraisemblablement en janvier prochain.

Une permanence a fonctionné régulièrement les mercredis et samedis après-midi, comme les années

précédentes, et a donné toute satisfaction à ses nombreux visiteurs.

DIPLOMES. — L'imprimeur nous ayant enfin livré les formules de diplômes, toutes les demandes de brefs

de 18e, tant brefs nouveaux que duplicata, ont reçu satisfaction; les patentes de 30e sont en cours de

distribution, ainsi que les grandes patentes de 31e, 32e et 33e.

TAXES ET REDEVANCES. — Par suite de la hausse ininterrompue des prix, le Grand Collège s'est vu obligé

d'augmenter, dans une mesure d'ailleurs très restreinte, le taux de ses taxes et redevances. (Pour ce taux,

voir ci-dessous).

COMMISSION MIXTE. — Le Commission mixte s'est réunie conformément aux usages en vigueur et a

continué, dans l'esprit de la plus frat... cordialité de ses membres, tant du Grand Collège que du Conseil de

l'Ordre, l'étude des questions intéressant à la fois les Ateliers Supérieurs et l'ensemble de l'Ordre.

MOUVEMENT DES ATELIERS SUPÉRIEURS. — Plusieurs Ateliers Supérieurs sont entrés en vigueur depuis le

Grand Chapitre de septembre dernier et viennent s'ajouter aux listes publiées dans les Bulletins n° 25 et n°

28. Ce sont :

CHAPITRES

Ajaccio, L'Emancipation ajaccienne.

Alger, Bélisaire.

Casablanca, Le Phare de la Chaouia.

CONSEILS

Hanoi, La Fraternité Tonkinoise.

Nancy, Les Amis de Saint Jean de Jérusalem.

Oran, L'Union africaine.

Toulon, la Réunion.

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Soit au total 52 Chapitres et 26 Conseils Philosophiques. L'effectif total ne peut être chiffré avec

précision, mais dépasse certainement 1.200 membres.

PROMOTIONS AUX HAUTS GRADES. — 30 FF... ont été élevés au 31e degré, 29 au 32e, 21 au 33e. Ils ont été

initiés dans les formes rituelles hier après-midi.

COMMISSIONS RÉGIONALES. — Les Commissions d'enquêtes sur les candidats proposés pour une

augmentation de salaire, ont continué à fonctionner régulièrement. Elles n'ont subi d'autres modifications

que celles qui ont malheureusement été rendues nécessaires par le décès de certains présidents de

secteurs.

GRANDES TENUES DE 1949. — Voir Circulaire n° 10, du 13 octobre 1948.

LE GRAND COMMANDEUR. — Quelqu'un demande-t-il la parole sur le rapport administratif ?....

Les colonnes étant muettes, 'e donne la parole au T... Ill... F... LACOSTE, Grand Trésorier, pour le rapport

financier.

Le F... LACOSTE, Grand Trésorier :

II est agréable de constater que cette année encore notre situation financière n'a pas empiré. Nous aurions

voulu faire mieux, mais vous savez tous que les dépenses augmentent chaque jour. .Nous sommes à la

merci des événements et il est impossible de prévoir ce que sera demain dans les conditions de la vie

actuelle.

Néanmoins, nous pensons qu'à la fin de cette année, la situation financière sera satisfaisante et que nous

pourrons envisager certaines dépenses nécessaires pour le bon fonctionnement de nos services.

Nous avons continué et nous continuerons à limiter nos dépenses au strict nécessaire. Il n'y a aucune

rétribution de personnel, les services administratifs étant assurés gratuitement par le Grand Chancelier et

le Grand Trésorier.

Nous envisageons un service plus complet pour 1949 en raison du travail de plus en plus chargé du Grand

Collège. Un employé sera nécessaire pour assurer le travail Journalier, classement des archives,

expéditions des documents, des Bulletins, etc., etc.

Pour l'année écoulée, les résultats sont les suivants :

EN CAISSE au 1er janvier 1947....................................... 86.781 fr.

RECETTES. — Capitations. Reprises d'activité.

Initiations. Présentations. Brefs. Patentes.

Imprimés divers........................................................... 238.760 "

TOTAL DE L'ACTIF........................................................... 325.541 "

DEPENSES. — Frais d'imprimerie, de circulaires,

Nettoyage, transports d'archives, correspondances,

Envois divers ............................................................. 219. 703 "

EN CAISSE au 31 décembre 1947 105.838 "

Il est bien entendu que le montant des dépenses signalées comprend toutes les dépenses de l'année

écoulée. Tout est resté au comptant au moment des fournitures, et même pour l'exercice en cours, le

Grand Collège n'a aucun arriéré.

L'année dernière nous avions prévu les travaux de réfection et d'aménagement de nos bureaux et

l'installation d'un Temple pour le Grand Collège. Mais en raison des frais qu'auraient exigé ces travaux,

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nous avons attendu et décidé que seuls les travaux de réfection indispensables, c'est-à-dire propreté des

locaux, seraient exécutés. Donc uns locaux ont été remis en état (nettoyage, peinture, etc.), et au lieu de

procéder à l'installation d'un Temple, nous avons organisé une salle de réunions et avons prévu l'achat

d'armoires, tables, placards, etc. pour cette salle de réunions et les locaux. Tout ce travail est en cours et

sera terminé dans quelques jours.

L'année 1948 se ressentira encore plus de la hausse générale des prix que l'année écoulée. Vos dépenses

seront certainement plus fortes et il n'est guère possible de prévoir à combien elles s'élèveront, mais nous

ne dépasserons pas le montant de nos recettes, voulant, quoi qu il arrive, maintenir noire budget en

équilibre.

LE GRAND COMMANDEUR. — Quelqu'un demande-t-il la parole sur le rapport financier ?...

Les colonnes étant muettes, je donne la parole au T... Ill... F... CORNELOUP pour son rapport sur la question

soumise à l'étude des Ateliers pour le présent Grand Chapitre.

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Le F... CORNELOUP, rapporteur :

MISSION DE LA MAÇONNERIE DANS LE MONDE ACTUEL

Le Grand Collège des Rites a reçu 32 rapports sur la seconde partie de l'étude : MISSION DE LA

MAÇONNERIE DANS LE MONDE ACTUEL. Ils émanent des vallées de :

Alger, Angoulême (deux rapports), Avignon, Beauvais (deux rapports), Béziers, Bordeaux. Caen,

Chambéry, Clermont-Ferrand, Lille, Fort-de-france, Grenoble, Le Havre, Lille (deux rapports), Limoges,

Marseille, Montluçon, Nancy, New York, Nice, Rennes, Reims, Toulon, Toulouse et, pour Paris, l'Avenir,

Clémente amitié, l'Effort, Etoile polaire. Zélés philanthropes.

Saluons dans cette liste les Chapitres de Fort-de-France et de New York ; s'ils sont loin par la distance, ils

sont tout près de nous par l'esprit et par le cœur.

L'empressement et le sérieux apportés à cette étude difficile sont réconfortants. Votre Rapporteur a le

devoir de rendre hommage au travail considérable et souvent remarquable ainsi accompli.

Cette année, sa tâche diffère de celle de l'an dernier. Il s'agissait alors d'établir méthodiquement un

inventaire complet et impartial. Aujourd'hui, une thèse cohérente doit vous être présentée qui s'inspire à la

fois des idées émises par les Chapitres et des principes traditionnels de l'Ordre. Il a donc fallu procéder à

un choix et retenir seulement ce qui concourait au résultat à obtenir.

Mais si un inventaire ne prête guère à débat, une thèse au contraire ne saurait échapper à la discussion.

Pour en laisser le temps, tout ce qui n'a pas paru indispensable a été émondé ; beaucoup de points ont été

passés sous silence, qui cependant ne manquaient point d'intérêt. La discussion permettra justement, le

cas échéant, de mettre en lumière ceux dont l'omission vous paraîtra regrettable.

J'ai dû aussi, et je m'en excuse, ne faire que de rares citations, dont le but n'est point d'ailleurs d'établir un

palmarès. Les Chapitres qui ne seront pas nommés méritent autant que les autres notre gratitude pour la

collaboration qu'ils ont apportée à l'œuvre commune.

* * *

L'état chaotique de la France et du monde actuel crée une situation révolutionnaire.

"La Révolution, écrit G. VALOIS cité par Dijon, est une mutation de l'humanité. C'est un acte par lequel

l'humanité passe d'une époque à une autre, d'un âge à un autre, acte qui est à la fois constructif et

destructif. Les conservateurs se croient devant une puissance diabolique des révolutionnaires; il n'y a rien

d'autre qu'une force de la nature en mouvement".

Il parait un peu trop simpliste d'assimiler la situation révolutionnaire de l'humanité à la nymphose d'un

insecte. S'il en était ainsi, il serait puéril d'en éprouver de l'inquiétude. Nous aurions même tort de

chercher des remèdes. Nous n'aurions qu'à laisser aller les choses et opérer la nature : la solution viendrait

d'elle-même.

Mais la solution peut être la mort de la civilisation et le retour à la barbarie. Il nous semble donc plus

prudent de nous comporter comme s'il s'agissait d'une maladie dangereuse du monde et de chercher le

traitement convenable. En conséquence, efforçons-nous de faire le diagnostic du mal et de discerner sa

cause profonde.

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Chambéry nous met sur la voie quand il cite le Professeur Langevin, à propos du "double devoir, de

personnalité pour apporter une contribution nouvelle, et de solidarité pour mettre cette contribution à la

disposition des autres individus et des autres groupes. L'oubli de ces deux devoirs fait courir deux dangers

à la vie collective : le danger d'égoïsme qui compromet la solidarité, et le danger de conformisme qui

s'oppose au devoir de personnalité".

L'analyse des symptômes du mal dont souffre le monde actuel prouve en effet qu'égoïsme et conformisme

en sont responsables. De tout temps, d'ailleurs, ces penchants trop naturels ont été les deux forces

mauvaises de la nature humaine, les "puissances diaboliques" niées par G. VALOIS.

Le conformisme, procédant du moindre effort qui nous fait donner le minimum tout en exigeant le

maximum en retour, n'est somme toute que le bâtard de la paresse et de l'égoïsme; c'est donc à l'égoïsme

qu'en dernière analyse nous attribuerons la responsabilité majeure de nos maux.

Dans les périodes heureuses de l'humanité, l'égoïsme est endigue par les armatures morales et sociales,

religieuses, et politiques, forgées par des civilisations vigoureuses. Sa nocivité réfrénée devient alors

moins apparente ; les hommes cessent de percevoir les bienfaits des armatures pour n'en plus éprouver

que le poids. Ils trouvent tout naturels les avantages et dénoncent les contraintes. Peu à peu, les

disciplines se relâchent; l'égoïsme reprend le dessus et déchaîne les cataclysmes, dont la guerre est le plus

effroyable. Elle-même est génératrice de misère et de peur qui exaspèrent davantage les égoïsmes : ainsi

se noue le cercle infernal.

Il ne s'agit plus d'ailleurs de l'égoïsme inconscient et en quelque sorte candide du primitif. C'est un

égoïsme perfectionné et retors, l'égoïsme du civilisé qui sait fort bien que l'homme, être social, doit

respecter la loi fondamentale de solidarité; il proclame d'ailleurs bien haut cette loi et s'en déclare —

verbalement — le champion; mais dans le secret de sa conduite quotidienne, il la viole aussi souvent qu'il

le peut. Il y a divorce inavoué, mais réel, entre les principes affichés et imposés... aux autres, et le

comportement pratique individuel qui s'ingénie a s'y soustraire. Il y a duplicité consciente, volontaire,

préméditée, de l'homme qui se croit assez "malin" pour ajouter aux bénéfices qu'il tire de la solidarité

sociale exploitée à son profit, ceux qu'il escroque par ses manquements calculés.

Il y a pis encore que cet égoïsme individuel : c'est celui des collectivités qui ne sont plus que des

coalitions d'intérêts et font preuve de la même absence de sens social et de la même duplicité. Et cela va

toujours s'aggravant, jusqu'à ce que les rapports sociaux, se trouvant vidés de toute probité, de cette

probité qui, selon Rennes, est "la vertu fondamentale de toute société", la Société s'écroule.

En vain essaie-t-elle de réagir en multipliant les lois et les règlements, qui sont aussitôt et inlassablement

tournés. C'est une incessante lutte d'astuce entre l'Etat qui veut reconsolider son emprise et l'individu

résolu à s'évader de la contrainte. Faut-il rappeler qu'il y a vingt-cinq siècles le philosophe chinois Lao-

Tseu écrivait déjà dans le Tao Te King : "Plus de lois sont promulguées, plus il y aura de voleurs et de

bandits."

Le comble du mal n'est pas que, dans cette lutte, l'Etat soit bafoué; c'est que lui-même cesse d'être

honnête et finit ainsi par, ne disons pas légitimer, mais donner apparence de fondement à la révolte de

l'individu.

Contre l'égoïsme triomphant, les essais de rétablissement qui procèdent seulement des soucis immédiats

sont voués à l'échec. Devant l'impuissance de la Société, les hommes en viennent à douter de tout et

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d'eux-mêmes. On assiste à la subversion de toutes les valeurs, à une sorte d'iconoclastie généralisée qui

détruit toute foi dans les principes et toute confiance dans les hommes. Pourtant, sans cette confiance,

sans cette foi, il n'est pas de vie sociale possible et l'homme n'est qu'une épave dans le naufrage de la

civilisation.

Tel est le mal essentiel qu'il faut guérir.

Comment ?

Quand un organisme est profondément atteint et débilité, il ne faut pas compter sur le miracle d'une

panacée qui, du jour au lendemain, ramènera la santé. Les législations de circonstance sont comme ces

remèdes qui masquent les effets de la maladie en laissant subsister la lésion qui la cause. Il faut, contre le

cancer destructeur de l'égoïsme, appliquer un traitement spécifique. L'expérience de l'humanité est assez

longue et assez probante pour ceux qui veulent comprendre son histoire, pour nous apprendre que le seul

remède efficace s'appelle éducation, éducation morale et civique.

Mais, dira-t-on, voilà des lustres et des lustres, et surtout depuis 1919, que la même chanson nous est

serinée sans résultat. Au contraire, le mal n'a jamais été pire. Cette objection est sans valeur, parce qu'on

s'est borné à instruire sans éduquer, et que l'instruction sans l'éducation devient un moyen supplémentaire

à la disposition des égoïsmes, et surtout de celui d'une certaine soi-disant élite intellectuelle qui est le pire

de tous. C'est la connaissance de ce danger qui a fait dire au moraliste : "Science sans conscience n'est

que ruine de l'âme".

Je n'entends nullement, par cette citation, préluder à l'instruction du procès de la science, et déclarer sa

faillite. Mais il faut bien, pour nous en garder à l'avenir, dénoncer l'erreur d'hommes sans doute bien

intentionnés, mais chimériques, qui ont attendu de la science ce qu'elle était, en raison même de sa nature,

incapable de donner, au moins à elle seule. Les résultats prodigieux des techniques depuis deux siècles

ont porté ces hommes à croire qu'il leur serait loisible de remplacer sans transition les anciennes

armatures politiques et religieuses de la société par une armature nouvelle fondée sur les seules données

scientifiques et en agissant simplement sur les facteurs matériels. L'expérience n'a pas ratifié ces

espérances, et nous on sommes encore à rechercher une armature sociale efficace. On ne pourra en

trouver le principe que dans une conception juste et complète de l'homme et de la vie.

Le rapport général de l'an dernier a déjà insisté sur ce point et donné des extraits substantiels de la

conception exposée par Montpellier. Les Chapitres qui l'ont étudiée n'élèvent contre elle aucune objection

fondamentale; dans l'ensemble, il parait donc bien qu'elle leur donne satisfaction. Cependant, plusieurs

rapports montrent que dans cette construction fortement charpentée il manque une poutre maîtresse. Le

Chapitre Etoile polaire désirerait notamment voir introduire dans cette conception "un élément qui ne

parait pas à priori dans le texte du Chapitre de Montpellier. C'est l'élément affectif, celui qui est constitue

par ce qui doit donner leur caractère aux rapports et liens établis entre les hommes : l'amour". Il regrette

aussi que la conception de Montpellier ne tienne compte que de la forme physique et matérielle de la

solidarité.

Creusant plus avant, nous percevrons que Montpellier s'est tenu trop exclusivement à un mode de saisie

limité du monde considéré sous son seul aspect dimensionnel, spatial et temporel. Comme la science

moderne, il procède essentiellement de la quantité et la notion de qualité en est à peu près absente.

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Or, le problème humain n'est pas seulement matériel; il est qualitatif au moins autant que quantitatif, et

toute conception de l'homme et de la vie serait fausse qui négligerait l'un ou l'autre de ces aspects. Une

saisie du monde qui ne tient compte que du quantitatif conduit l'homme à ne se préoccuper que de la seule

jouissance des biens matériels, qui le laisse finalement insatisfait et déçu.

Il faut donc ajouter ceci au rapport de Montpellier : pour se réaliser parfaitement en tant qu'individu et

que personne, il faut que l'homme appréhende le monde qualitativement aussi bien que quantitativement

et qu'il prenne pleinement conscience de sa propre nature et de sa propre dignité. A quelque échelon qu'il

se trouve dans l'échelle sociale, il doit se pénétrer do la nécessité, de l'utilité et de la dignité de cette

hiérarchie; mais en même temps, il doit se convaincre de la nécessité, de l'utilité et de la dignité de la

place qu'il y occupe et du rôle qu'il y joue. Il cessera alors d'être oppressé, opprimé par le sentiment

écrasant, démoralisant, de n'être qu'un rouage infime et interchangeable dans une machine avec laquelle il

ne se sent aucun rapport autre que celui du forçat rivé à son boulet. Réintégré dans la conscience de la

nécessité, de l'utilité et de la dignité de sa vraie l'onction humaine, il percevra que non seulement par son

travail, mais par tout son comportement, par son attitude et même par ses pensées, il est un facteur

nécessaire et irremplaçable de l'évolution universelle.

Cette évolution l'a élevé dans l'échelle des êtres à une place éminente; il doit, sans s'en enorgueillir

comme sans en être écrasé, mesurer la responsabilité qui lui incombe de ce fait, et il a le devoir de bien

vivre, de toutes les manières, non seulement végétativement, non seulement animalement, mais

humainement, et de telle sorte qu'il contribue de son mieux au développement progressif de cette

évolution.

Au stade le plus haut, l'homme s'identifiera au Cosmos et cela fera de lui le parfait Initié. Plus

ordinairement, l'homme s'intégrera harmonieusement dans le corps social; en y accomplissant en

conscience ses diverses fonctions, il s'affirmera homme vraiment éduqué.

La science sera un élément essentiel dans cette éducation; elle réglera son comportement dans le monde

quantitatif; l'art, second élément non moins essentiel, remplira un rôle analogue dans le monde qualitatif,

plus subtil, mais aussi réel, dont l'art est un mode de saisie ; dans ce domaine, l'Art de la Vie relève

directement de la Franc-Maçonnerie.

Un troisième élément sera la religion. Je ne parle pas de la religion-croyance, mais de la religion dans son

sens étymologique, qui permet parfaitement à un athée d'être religieux. Le rôle essentiel de la religion

dans l'éducation; c'est d'abord de situer l'homme, individu et personne, à sa vraie place dans la société et

dans le Cosmos, et ensuite de lui enseigner les liaisons qui le rendent solidaire des autres hommes et de

l'univers à l'organisation duquel il participe. Le principe de ces liaisons, c'est l'amour, c'est la Charité des

Rose-Croix. Amour et Charité sont l'essence de la Fraternité qui nous amène encore à la Franc-

Maçonnerie et à sa mission.

* * *

Avant de la définir, dégageons quelques notions importantes.

Quelques Chapitres ont trop aisément considéré comme interchangeables les deux mots : Mission et Rôle.

L'un a même intitulé son rapport : Rôle de la Maçonnerie, sans percevoir sans doute combien il abaissait

le niveau du débat. C'est très intentionnellement que le Grand Collège a choisi le terme de Mission, parce

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qu'il implique la notion capitale de qualification qui n'est point attachée à celui de rôle. Un acteur non

qualifié comme architecte pourra parfaitement en jouer le rôle; pour assumer une mission et l'accomplir

effectivement, (et il faut souligner encore ici la notion d'accomplissement qui jouxte l'idée de perfection),

le missionnaire doit être qualifié.

La Franc-Maçonnerie possède-t-elle les qualifications nécessaires à la fonction de missionnaire que nous

voulons lui attribuer ?

Elle les possède non seulement en fait, par la place éminente qu'elle a conquise depuis plus de deux

siècles, mais aussi en droit parce qu'elle a hérité les pouvoirs transmis régulièrement par filiation des

organisations initiatiques traditionnelles.

Ceci nous conduit tout naturellement à préciser la place de la Maçonnerie dans l'Initiation. In-itier, c'est

aller à l'intérieur. L'initiation, c'est la recherche de la Connaissance, non pas superficielle, mais profonde

et intime. Comme il y a des degrés dans la connaissance, il y en a dans l'initiation. Le plus élevé identifie

l'Initié avec l'objet de sa connaissance. Il y a aussi plusieurs moyens d'acquérir la connaissance, dont les

plus connus sont les sciences, les arts, les religions, les philosophies ; chacun a sa voie et des méthodes

qui lui sont propres. Parmi les initiations, on qualifie les unes de mineures et les autres de majeures.

L'initiation maçonnique symbolique, du fait de l'origine de l'Ordre qui lui a conféré un caractère artisanal,

est une initiation mineure, terme qui n'a d'ailleurs aucune signification péjorative. En effet, quand elle

n'est pas seulement nominale, l'initiation maçonnique est essentielle et prépare à toutes les autres. Elle est

initiation par le Métier (Craft) et il faut se souvenir qu'à l'origine l'artisan ne se distinguait pas de l'artiste.

La Franc-Maçonnerie se définit essentiellement : un art, dans le sens même qu'ANDERSON donne à ce mot

quand il écrit : Le Maçon qui entend bien l'Art.

Le Maçon n'est donc pas le gâcheur de mortier, le manœuvre, et c'est encore ANDERSON qui prend bien

soin de spécifier : "Aucun manœuvre (labourer) ne sera employé au travail propre de la Maçonnerie". La

nécessité de la qualification est ici clairement soulignée. Le travail propre de la Maçonnerie, c'est la

construction architecturale. Construire une maison ne consiste pas simplement pour le Maçon à élever un

abri quelconque contre le froid et les intempéries, c'est édifier une demeure adéquate à la fois aux besoins

physiques de l'homme et à ses aspirations intellectuelles affectives, spirituelles. Par ce qu'elle réalise d'art

véritable, c'est-à-dire de parfaite adaptation à la vie qualitative, cette construction incline l'homme à vivre

intégralement sa vie d'individu et de personne.

D'autre part, souvenons-nous de cette phrase significative de notre catéchisme qui situe le Maître "entre

l'équerre et le compas". Elle est révélatrice de la portée précise de l'initiation maçonnique. Elle indique

que le Maçon accompli connaît exactement ses possibilités et ses limites et travaille dans le monde

manifesté avec la mesure et la droite raison pour outils essentiels.

Mais, tout en connaissant ses limites, le Maçon a conscience du pouvoir qu'il possède de réaliser l'univers

en lui, et, conséquemment qu'il a le devoir de faire de sa vie une œuvre d'art en correspondance

harmonique avec la vie de l'univers. C'est pourquoi il est dit que le Maçon travaille non pas à l'édification

d'une simple maison, qui ne satisferait que ses besoins individuels, mais à la construction du temple.

En édifiant son temple intérieur, le Maçon réalise sa propre personnalité.

En contribuant à édifier le temple extérieur, il participe à la réalisation de la Société humaine, dont la vie

est en harmonie à la fois avec la vie de l'individu et avec la vie du Cosmos.

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Ce rappel des principes fondamentaux de l'initiation maçonnique justifie notre affirmation que la

Maçonnerie est qualifiée pour la mission qu'elle a à accomplir dans le monde actuel : c'est un monde en

ruines qu'il s'agit de reconstruire architecturalement. Nous voilà arrivés de plain pied au cœur de notre

sujet. Mais nous n'avons pas perdu notre temps en établissant ces préliminaires, car ils contiennent en

puissance les définitions que nous recherchons et que nous n'avons plus qu'à expliciter.

La très grande majorité des Chapitres, sinon l'unanimité (quelques-uns ne se sont pas prononcés

clairement), estiment que la Maçonnerie, organisation initiatique, a une mission essentiellement

éducative, mais que l'éducation doit être doublement dirigée en vue de l'action. Elle doit former des

hommes d'action; elle doit préparer l'action en établissant les méthodes et en réunissant les matériaux.

La formation des hommes est œuvre surtout qualitative. C'est le côté artistique du travail maçonnique qui

s'effectuera traditionnellement par les travaux rituéliques et symboliques.

La préparation de l'action comportant le choix des méthodes et celui des matériaux, a un aspect qualitatif

et un aspect quantitatif ; elle relève donc à la fois de l'art et de la science.

Ainsi, comme il se doit en Maçonnerie, l'art et la science seront harmonieusement mariés dans l'éducation

maçonnique et leur union sera fécondée par l'esprit religieux dont j'ai déjà parlé. La Loge deviendra

l'école, le laboratoire et le temple d'où les Maçons sortiront préparés à leur métier de constructeurs qu'ils

iront exercer méthodiquement sur le chantier. Ils y édifieront le temple de l'Humanité dont l'inspiration

procédera directement du temple intérieur qu'ils auront préalablement élevé en eux-mêmes.

En ce qui concerne la mission générale et permanente de la Franc-Maçonnerie, la plupart des Chapitres la

trouvent clairement définie dans les Constitutions d'Anderson : l'article 1er de la Constitution du Grand

Orient de France en donne avec bonheur l'expression moderne parfaitement fidèle à l'esprit andersonien.

La mission particulière de la Maçonnerie dans le monde actuel que nous avons aujourd'hui à définir ne

peut être évidemment qu'une modalité de la mission permanente adaptée aux besoins de l'époque

présente.

Une remarque historique va nous mettre sur la voie.

Si la Maçonnerie andersonienne a connu une éclatante réussite, c'est qu'elle a su se donner, outre la

mission générale et permanente de valeur universelle qui lui assurait la pérennité, une mission particulière

et actuelle qui consistait, dans une Angleterre et une Europe déchirées par les luttes politiques et

religieuses, à créer les conditions d'une réconciliation de tous les hommes de bonne volonté,

réconciliation fondée sur la tolérance et la fraternité.

Entre le début du XVIIIe siècle en Europe Occidentale et le milieu du XXe dans tout le monde civilisé, il y

a une certaine similitude et une différence certaine.

La similitude réside dans l'état de trouble et d'accablement, résultat d'une longue suite de guerres

étrangères et civiles; la différence consiste en ce que les esprits du temps d'Anderson acceptaient la

discipline d'armatures politiques et religieuses encore solides, tandis qu'aujourd'hui ces armatures sont ici

détruites, là très largement battues en brèche, et dans les pays où elles semblent encore se maintenir, très

fortement menacées.

La mission actuelle de la Maçonnerie est donc plus difficile et plus complexe maintenant qu'il y a deux

siècles et quart. Alors il suffisait de réparer et de consolider; aujourd'hui, il s'agit de reconstruire sur des

ruines et c'est ce qui justifie cette orientation vers l'action que nos Chapitres désirent donner à nos

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travaux. Mais en dépit de cette nuance importante, on s'aperçoit en creusant le problème que c'est

davantage une question d'échelle et de méthode qu'une différence de principe. Comme au XVIIIe siècle, la

mission de la Maçonnerie dans le monde actuel sera de créer le climat et les conditions de la

réconciliation qui rendra possible l'indispensable effort commun de reconstruction. Toutefois, du fait de

l'aggravation de la situation, il faudra que les moteurs de la réconciliation soient renforcés et se haussent à

un niveau supérieur : la tolérance doit atteindre la compréhension ; la fraternité doit plus encore être

amour et charité.

* * *

Donc, mission de réconciliation qui devra s'exercer simultanément sur trois plans.

1° SUR LE PLAN INDIVIDUEL. — Si l'humanité connaît aujourd'hui un si complet désarroi, c'est que chacun

de nous éprouve, clairement ou obscurément selon le degré de son évolution, le sentiment qu'en lui Caïn a

tué Abel. L'homme en conflit avec lui-même se fuit ou cherche à s'étourdir dans un tourbillon d'activité

qui ne le satisfait point. Il y a là un déséquilibre fondamental, car l'impossibilité de la paix intérieure

interdit la possibilité de la paix sociale et de la paix tout court. Il faut donc apaiser les consciences

déchirées ou réveiller les consciences assoupies par l'opium des égoïsmes. L'homme se déteste lui-même

et il se méprise; il faut lui rendre sa propre estime, il faut lui rendre son propre amour.

Je me suis quelquefois demandé si le dicton : "Charité bien ordonnée commence par soi-même" ne recèle

pas, sous le sens égoïste et trivial que lui attribue un usage dégradant, la signification plus profonde et

plus humaine qu'il est nécessaire que l'homme se soit charitable à lui-même. En réapprenant à l'homme à

s'aimer sans faiblesse, on lui rendra confiance en lui, une confiance légitimée par la compréhension de sa

véritable place et de son véritable rôle dans la société et dans le Cosmos, et par le sentiment retrouvé de la

charité qu'il saura appliquer aux autres comme à lui-même. Cela ne peut se faire que s'il acquiert la

connaissance de ses devoirs et de l'œuvre à réaliser, et si, ayant fait le ferme propos de s'y conformer, il

travaille à cette œuvre et remplit ses devoirs.

Or, est-ce là autre chose que d'apprendre à l'homme à équarrir et à polir la pierre brute ? C'est la tâche

même de la Franc-Maçonnerie qui est donc bien qualifiée pour cette mission de réconciliation sur le plan

individuel.

2° SUR LE PLAN SOCIAL. — La Loge n'est pas le Chantier et ne travaille pas directement sur le plan social;

cependant, elle 'doit y remplir la mission de préparation et de rapprochement des élites qui préludera à la

réforme de la Société.

Au XVIIIe siècle, la Maçonnerie a réuni dans ses Ateliers les hommes de bonne volonté des trois classes,

Clergé, Noblesse et Tiers-État. Ils y ont fait leur apprentissage pratique de l'égalité et de la fraternité qui

les prépara à la liberté. Ils ont procédé en commun à l'étude des problèmes du temps. Vous en connaissez

les répercussions.

Nous avons aujourd'hui une mission du même ordre. Elle nous commande de faire de nos Loges des

centres d'attraction largement ouverts à tous les hommes animés de l'esprit de liberté, de justice et de

propres, à la fois désireux et capables d'action sociale. Nos temples, en les mettant en contact fraternel, en

les faisant se connaître et s'estimer, établiront la confiance, la compréhension et l'amour, conditions d'une

effective collaboration.

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Cela postule d'abord que le recrutement maçonnique soit dégagé de tout esprit partisan. Cela exige ensuite

que le travail dans nos ateliers attire les meilleurs par sa qualité et éloigne les indésirables par son

désintéressement.

Les élites ainsi préparées et réunies prendront individuellement la place en rapport avec leur capacité et

leur mérite; leur compétence et leur dévouement les désigneront pour les postes de responsabilité et de

direction. Elles y travailleront de telle sorte qu'elles forceront l'estime et gagneront la confiance du

peuple.

Ainsi il sera remédié à l'un des pires maux dont souffre la société actuelle. Du fait de l'égoïsme

triomphant qui a gangrené tous les organes de l'Etat, les dirigés ne voient plus dans les dirigeants que des

privilégiés et des exploiteurs. Il y a trahison des clercs quand ils laissent quelques-uns d'entre eux

profaner le sacerdoce et en trafiquer. De même, il suffit que le mauvais exemple soit donné par une

minorité de ceux qui ont la responsabilité du pouvoir pour que la démoralisation, même partielle, de la

tête empoisonne le corps social et provoque la destruction de tout respect dû à la loi, expression du contrat

social.

La mission de la Maçonnerie sera de réconcilier les citoyens avec une société réformée, dans laquelle la

conception, de classes rivales, dressées égoïstement les unes contre les autres, sera remplacée par la

conception d'une hiérarchie légitimée par la valeur humaine et les services effectivement rendus. La vie

n'y sera plus consacrée à la seule satisfaction des besoins matériels; à une vie quantitative s'ajoutera une

vie qualitative qui relèvera l'homme à son vrai niveau et rétablira la nécessaire confiance des citoyens

dans des cadres qui mériteront cette confiance par leur compétence, l'élévation de leur caractère, leur

altruisme et leur dévouement.

Mais une telle transformation qui réalisera la paix sociale dans la justice ne se fera point sans beaucoup de

compréhension et sans beaucoup d'amour. Elle dépasse de très haut le paternalisme.

Au départ, elle postule la solution du problème de l'éducation morale et civique des élites. De tout temps,

cet objectif a été celui de la Maçonnerie, et si la crise qu'elle a traversée a été suivie d'un paroxysme de

démoralisation, ce n'est peut-être pas seulement l'effet du hasard.

Nous pouvons donc affirmer que la Maçonnerie est qualifiée pour assumer sa mission conciliatrice sur le

plan social.

3° SUR LE PLAN MONDIAL. — Là encore, réconciliation par la compréhension et par l'amour. Sur cette

partie de la Mission de la Maçonnerie dans le monde actuel, les rapports des Chapitres sont unanimes.

L'expérience de deux guerres, la menace d'un troisième conflit mondial plus catastrophique encore ont

convaincu les Maçons que nul égoïsme n'est plus funeste que celui qu'on décore du qualificatif de "sacré",

celui que les nations invoquent pour justifier leur souveraineté sans limite.

Certes, les nations ont leur raison d'être, et le rapport de Montpellier l'a magnifiquement montré l'an

dernier, en même temps qu'il concluait que dans notre conception de l'homme et de la vie il ne peut pour

personne, individu ou collectivité, y avoir de droit de la force et de la violence.

Cela est vrai sur le plan social et cela devrait interdire la transformation de la lutte de classes en épreuve

de force. C'est aussi vrai sur le plan mondial et cela condamne le recours à la guerre comme "ultima ratio"

des nations. Sur ce plan, la mission de la Maçonnerie sera donc de travailler à l'établissement de la paix.

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Travailler à l'établissement de la paix, ce sera convaincre les gouvernements des nations que ces dernières

n'ont de droits que dans la mesure où, tout comme les individus, elles satisfont à leurs devoirs ; ce sera

leur faire accepter les limitations nécessaires à leur souveraineté ; ce sera obtenir qu'elles n'aient plus

recours à la force pour régler les différends, mais à une justice supérieure à l'administration de laquelle

toutes participeront également. Ce sera encore délivrer les peuples de la hantise de la vie matérielle, d'une

vie seulement quantitative toujours menacée et de les hausser jusqu'à la vie spirituelle, la vie qualitative.

Cette grande œuvre de réconciliation des peuples est encore une œuvre d'éducation qui n'en est en

quelque sorte qu'à sa phase de recherches de laboratoire. Ce laboratoire doit apparaître aux yeux des

peuples aussi prestigieux, aussi religieux qu'un temple, le temple même de l'humanité. Puisque c'est

justement celui que nous rêvons de construire, donnons-en la Mission à la Maçonnerie, parce qu'elle est

qualifiée pour l'accomplir sous le double signe de la compréhension et de l'amour.

En définissant ces trois aspects de la Mission de la Maçonnerie dans le monde actuel, je crois avoir

exprimé fidèlement les tendances de la majorité, peut-être de l'unanimité des Chapitres.

Mais dans les rapports d'un petit nombre d'entre eux j'ai trouvé l'esquisse d'un quatrième aspect qui ne

peut être passé sous silence, car, bien qu'il soit moins aisé de le concevoir et d'en mesurer l'importance

actuelle et réelle, il ne le cède point aux autres en intérêt.

Pour l'aborder, il nous faudra, sinon cesser de nous tenir entre l'équerre et le compas, du moins aller à

l'extrême limite des possibilités de notre esprit, mettre à notre compas intellectuel quelque chose comme

cette rallonge qu'autrefois nous avons trouvée dans nos boites de compas scolaires.

Cet aspect peut s'exprimer ainsi : réconciliation de l'homme avec le Cosmos, condition de la paix

spirituelle.

Des philosophes contemporains attribuent la déchéance actuelle du monde à un rétrécissement de

l'horizon humain, parce que l'univers n'est plus appréhendé par l'homme que sous son aspect

dimensionnel, spatial et temporel. Il s'ensuit que la science qu'il s'est forgée en s'en tenant

systématiquement à ces seuls aspects ne lui rend plus compte que des réalités quantitatives, le laissant

dans l'ignorance des réalités qualitatives. Lorsque la science ainsi conçue rencontre le qualitatif, ou bien

elle l'évite, ou bien elle le nie purement et simplement, ou bien elle tente de le faire entrer de force dans le

cadre dimensionnel. Ce faisant, elle lui enlève toute réalité et elle aboutit à la même conclusion négative.

Il y a là, mes FF... Chev..., un très grave et très haut problème que la Maçonnerie ne peut ignorer sans

manquer à la recherche de la vérité. Non pas qu'elle ait à prendre parti : là comme ailleurs elle doit rester

sereinement au-dessus du débat pour demeurer le "centre de l'union" défini par Anderson. Mais cette

union ne doit pas se faire dans le silence volontaire et l'hypocrisie dangereuse de gens qui veulent

systématiquement ignorer leurs divergences de conception. En rassemblant dans ses loges des savants,

des artistes, des philosophes des diverses tendances, la Maçonnerie doit les rendre assez fraternels pour

leur permettre de comparer sans heurts personnels leurs points de vue, et assez compréhensifs pour leur

donner le désir sincère et fécond d'aller au cœur même du problème et de lui trouver une interprétation

synthétique, même si, a priori, ils sont tentés de le considérer comme absurde.

Peut-être la Maçonnerie, justement parce que ses initiés gardent leur place entre l'équerre et le compas et

peuvent ainsi servir de traits d'union, pourra-t-elle réussir, en dépit des immenses difficultés et des

préventions qui existent des deux côtés, à faire cesser ce que certains appellent le divorce de la science et

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de l'initiation. Elle est encore qualifiée pour cette mission, parce qu'elle a été la conservatrice de la

maxime delphique "Connais-toi toi-même et tu connaîtras l'univers et les dieux", dont la signification

dépasse singulièrement le seul plan moral, et parce qu'elle y a ajouté, pour ses Chevaliers Rose-Croix, la

sentence hermétique : "Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. Ce qui est en bas est comme ce qui

est en haut", affirmant ainsi l'identité de l'homme avec le Cosmos.

La cessation de ce divorce est pour nous l'aspect le plus important et le plus désirable du rapprochement

des forces spirituelles dont le rapport de l'an dernier vous a entretenus. Plusieurs Chapitres ont exprimé

leur adhésion au principe général de ce rapprochement, et il nous paraît vraisemblable que, envisagé sous

cet angle de la réconciliation de la science et de l'Initiation, il rencontrerait celle de beaucoup d'autres. Au

contraire, considérant plus expressément les rapports de la Franc-Maçonnerie et de l'Eglise catholique,

bon nombre de Chapitres ont fait valoir des objections qui ne manquent point de fondement et que

synthétise l'Etoile polaire quand elle écrit : "Parmi ceux qui, dans l'Eglise, font des pas vers nous, il s'agit

de sauver des âmes, il s'agit de nous convertir individuellement... L'Eglise n'admet pas plus aujourd'hui

qu'hier qu'on discute ses dogmes".

Votre rapporteur se montrerait bien inconséquent si, dans ce cas particulier, il cessait de recommander

compréhension et charité. Mais ces vertus n'excluent pas la prudence. Et même, compréhension est tout le

contraire d'imbécillité. La Maçonnerie se montrera donc compréhensive et charitable en laissant à ses

membres la pleine liberté de leurs contacts personnels ave les catholiques. Elle approuvera même ces

contacts dans les milieux profanes lorsqu'il s'agira de travailler au progrès culturel et social en

collaboration avec ceux des catholiques qui, selon la recommandation du cardinal Suhard "font preuve

d'une loyauté égale à leur ouverture d'esprit et qui sont prêts à une coopération effective avec tous ceux,

croyants ou incroyants, qui poursuivent le vrai de toute leur âme. "

Avec les autres, la tolérance, la correction dans les rapports et la vigilance suffiront.

* * *

Mes Frères Chevaliers, il ne reste plus à votre rapporteur qu'à passer en revue très

rapidement les moyens propres à favoriser l'accomplissement de la mission de la

Maçonnerie dans le monde actuel.

De l'abondante matière apportée par les rapports des Chapitres, cinq conditions

capitales se détachent, que nous allons exposer.

1° RECRUTEMENT. — Le vice le plus évident du recrutement tel qu'il fut pratiqué

dans un passé récent fut d'être basé davantage sur les convictions affichées par les

candidats que sur leur véritable valeur morale. "Nous nous soucions fort peu, écrivent

les Zélés philanthropes, de savoir si le néophyte est homme d'action, s'il fait partie de

l'élite, et beaucoup de ses opinions... La qualité maçonnique est accordée en général

en raison des opinions (du candidat) et non en raison de sa valeur".

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Il faut revenir au critérium traditionnel : le Maçon est un homme libre et de bonnes

mœurs. Assurons-nous sérieusement que le candidat satisfait à ces conditions, et

aussi qu'il est animé de ce souci de progrès humain si clairement défini à l'article 1er de

notre Constitution.

Le recrutement sera étendu à tous les milieux sociaux, et dans chacun d'eux, c'est

l'élite que nous devrons attirer, c'est-à-dire les meilleurs. Soyons sévères dans nos

choix. Souvenons-nous que, de même qu'au point de vue économique la mauvaise

monnaie chasse la bonne dans un pays qui en a deux, de même les mauvais éléments

chassent les bons dans une Loge qui néglige la qualité de son recrutement.

Sachons aussi que l'élite n'est définie ni par la fortune, ni par la situation sociale, ni par le niveau

d'instruction scolaire. Ce sont là des indices dont compte doit être tenu, mais nous distinguerons de

préférence les individus qui unissent aux vertus de l'homme de bien les qualités de l'homme d'action.

2° RESPECT DE LA TRADITION ET DES FORMES RITUÉLIQUES. —— Presque unanimement les Chapitres

affirment la nécessité de ce respect pour la formation, le maintien et le développement de l'esprit

maçonnique.

Il est bien entendu qu'il ne s'agit pas de renoncer, ni même de mettre obstacle aux études d'information et

de critique (au meilleur sens du mot) dans les domaines intellectuel, moral, social et même politique

(quand il s'agit de la politique des idées), et encore moins d'enlever à ces travaux leur orientation

scientifique. Mais, précisément en raison de ce caractère scientifique, il est nécessaire d'équilibrer ces

études dans l'emploi du temps de la Loge par des travaux de caractère artistique. Ces derniers trouveront

leur meilleur support dans les études symboliques et l'exécution intelligente du rituel.

Autant un rituel expédié à la hâte ou ânonné par des officiers inattentifs, négligents et manifestement

sceptiques peut être décevant, dépourvu de tout attrait et de toute efficacité, autant il devient générateur

de beauté et inspirateur de sentiments élevés lorsqu'il est lu, et préférablement encore récité, en tout cas

quand il est dit, avec l'intonation et le rythme qui conviennent, par un Vénérable et des Surveillants qui

connaissent et aiment leur métier. C'est par l'exécution compréhensive du rituel qu'on réalise la

communion des esprits qui vivifie et féconde nos travaux. Et il intéressera davantage encore lorsque nos

symboles seront commentés avec tact, toutes les fois que l'occasion s'en présentera, par un Orateur

compétent.

Mais l'action des officiers n'est pas seule à requérir. Tous les membres de la Loge

doivent participer à l'exacte exécution de la liturgie pour qu'elle acquière toute sa vertu

purifiante et éducatrice. Nous ne devrions plus voir, par exemple, ce geste veule,

hésitant, qu'à leur entrée en Loge trop de FF... esquissent à peine à la place du signe

par équerre, niveau et perpendiculaire qui, exécuté avec une volontaire correction, fait

réellement pénétrer le Maçon dans une atmosphère de rectitude et de discipline

librement consentie.

Ainsi compris et observés, rituel et symbolisme deviendront le cadre artistique qui

enchâssera dignement et mettra en pleine valeur les travaux scientifiques. Le qualitatif

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viendra féconder le quantitatif ; les Maçons maçonnant perfectionneront leurs moyens

d'appréhender mieux et plus complètement les réalités humaines; ils se prépareront à

plus parfaitement comprendre leur mission, donc à mieux l'accomplir.

3° SÉPARATION DE LA MAÇONNERIE ET DE LA POLITIQUE DE PARTIS. — Dans les

rapports de l'an dernier, les Francs-Maçons du Grand Orient de France ont fait leur

examen de conscience sur ce point avec une sévérité qu'ils auraient probablement,

comme Cyrano de Bergerac, trouvée excessive et insupportable si elle avait été faite

par des adversaires. Plusieurs Chapitres s'en sont montrés peines, tout en accordant

que l'intrusion de la politique des partis ne doit plus être tolérée dans les Loges. Cela

ne signifie nullement que les Maçons doivent individuellement renoncer à militer dans

les partis politiques. C'est au contraire leur devoir de citoyens d'être très attentifs à tout

ce qui touche la vie de la Cité et d'utiliser, en tant qu'hommes d'action, tous les moyens

qui leur semblent bons pour participer à la réalisation du bien commun.

Mais la Maçonnerie elle-même doit rester au-dessus des partis et se garder de se

laisser noyauter ou manœuvrer par aucun d'eux. C'est la condition majeure du

recrutement que nous avons défini et qui doit réunir dans nos loges lés élites de tous

les partis progressifs.

Le Chapitre l'Avenir a présenté une suggestion pratique qui mérite d'être retenue.

Les errements des Loges trop enclines à jouer aux petits parlements trouvent une de

leurs causes les plus nocives dans un usage abusif du vote dont elles entendent

sanctionner tous les débats. C'est en effet là une grave erreur.

Notons tout d'abord que le fait de réunir une majorité n'est pas une preuve

décisive de l'excellence d'une thèse, surtout quand l'étude n'a pas été faite avec toute

la documentation, toute la compétence et toute l'impartialité nécessaires. Mais c'est là

la moindre critique que soulevé l'usage abusif du vote. Ce qui est le plus fâcheux,

c'est que cet usage inconsidéré introduit et entretient dans la Loge un climat

passionnel qui est juste le contraire de l'atmosphère sereine qui devrait y régner. Le

Rapporteur d'une question, le promoteur d'un vœu, hypnotisés par le désir d'emporter

le vote, mettent dans leur démonstration, tout comme leurs contradicteurs, une

chaleur qui n'est pas toujours louable. Certains même ont assez l'expérience de la

psychologie des assemblées pour savoir que le succès s'obtient plus facilement en

faisant appel à l'émotivité des hommes, que par la froide logique d'un raisonnement

complet et ennuyeux. Rien n'est moins maçonnique que de faire de la Loge une sorte

de ring intellectuel où l'on met le contradicteur knock-out par un vote : la fraternité n'y

trouve jamais son compte.

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Enfin, le vote obtenu, on s'est donné l'illusion d'avoir agi, l'illusion d'avoir résolu la

question. Conséquence : on se désintéresse de la suite. Il faudrait au contraire que

chaque Maçon soit bien convaincu que jamais rien n'est résolu et que le progrès est

une création continue. Le meilleur moyen de tenir nos FF..., en haleine et de les faire

s'intéresser vraiment est de leur laisser le soin de trouver dans leur propre conscience

la vraie conclusion d'un débat qu'un vote contribue souvent à tronquer, sinon à fausser.

Il y a là un problème peut-être secondaire, mais néanmoins très important. Les

Belges ont mis en pratique dans leurs Loges la règle dite de TEMPELS qui limite les cas

où le vote peut intervenir. Nous pourrions très heureusement nous inspirer de cet

exemple en l'adaptant à nos propres besoins.

4° ORGANISATION MÉTHODIQUE DU TRAVAIL MAÇONNIQUE. —— Le Chapitre l'Effort

note : "plutôt qu'à l'examen des moyens d'action, c'est à l'examen des méthodes de

travail qu'il convient de s'attacher".

Si l'on veut que la Maçonnerie soit non seulement éducatrice d'hommes d'action, mais aussi préparatrice

de l'action, il est de toute nécessité qu'elle adopte une organisation qui réponde à cet objet et c'est sur ce

point qu'insistent les Chapitres Clémente amitié et Etoile polaire. Les services centraux de l'obédience, —

et à un moindre degré les Loges elles-mêmes —, auront à jouer un rôle d'information, de documentation

beaucoup plus étendu que celui qu'ils assument. Sans entrer dans les détails, on conçoit que cela comporte

notamment l'organisation de bibliothèques et d'archives vraiment dignes de ce nom. Mais il ne suffit pas

de disposer d'une vaste documentation sur les choses; elle doit être doublée d'une documentation sur les

hommes, puisque aucune action ne peut être utilement engagée et menée à son terme si l'on ne dispose

pas des hommes compétents pour la diriger et la poursuivre. Cette documentation est plus délicate et plus

difficile que la première; elle nécessite une continuelle et minutieuse mise à jour. L'une et l'autre

représentent une tâche d'autant plus considérable que les événements de 1940-44 ont dépouillé le Grand

Orient d'une importante partie de son acquis qui sera difficile à remplacer. Il y aura de nombreux

problèmes à résoudre dont le moindre ne sera pas le problème financier, qui ne trouvera pas de solution

sans sacrifices sérieux de la part de tous.

Tout cela prouve que cette question ne peut être abordée sans étude préliminaire

approfondie et qu'elle ne peut donc utilement être traitée en détail aujourd'hui et ici.

5° union de la Maçonnerie. — Tous les Chapitres souhaitent ardemment cette union. Il

leur apparaît évident que la Maçonnerie ne peut accomplir sa mission universelle de

fraternité et de paix si elle ne commence pas par prêcher d'exemple. Elle ne trouvera

la force de persuasion et l'autorité morale nécessaires qu'en réalisant effectivement

son universalité.

Cela ne signifie pas l'uniformisation de toutes les Maçonneries selon un modèle

standard : ce serait tomber dans le conformisme que nous répudions. Chaque

Puissance maçonnique a le droit et le devoir de maintenir ses particularités, sa

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personnalité, qui sont le fruit de son adaptation au milieu dans lequel elle s'est

développée et dans lequel elle agit. Mais aucune ne doit faire de ses préférences un

objet d'exportation, et surtout d'exportation imposée. Toutes doivent seulement

accepter sans restriction, pour base d'une fraternelle union, les Constitutions de 1723

qui sont assez larges et libérales pour permettre à toutes de s'intégrer dans une

organisation universelle qui réalisera véritablement la Chaîne d'union autour de la

terre.

Nous sommes encore loin de cet idéal. Cependant, il est incontestable qu'un peu

partout depuis quelque temps l'idée germe et grandit. Le Grand Orient de France a

donc été bien inspiré en prenant, de concert avec la Grande Loge de France, le Grand

Orient de Belgique et la Grande Loge de Luxembourg, l'initiative de ces journées des

Amitiés Maçonniques qui, à l'occasion du Congrès de l'O.N.U., vont tenir leurs assises

à Paris.

Nous n'avons pas la naïveté de croire à un succès foudroyant. Nous espérons

simplement que les premiers résultats obtenus puissent devenir une base de départ

solide pour de nouveaux développements. Nous continuerons ensuite de travailler et

notre devise sera : vouloir et persévérer.

En France même, sur un échiquier plus restreint, nous manifesterons aussi notre

désir d'union. Pour commencer, il faut que nous parvenions à convaincre nos FF... de

la rue Puteaux que ce désir ne masque aucune pensée d'hégémonie et encore moins

d'étouffement. Nous comprenons et admettons sans peine que l'Ecossisme veuille

vivre et se développer sans entrave selon son esprit particulier dont nous avons le

respect. D'ailleurs, le Grand Orient a lui-même ses Loges Ecossaises aussi attachées

à l'Ecossisme que leurs sœurs de la Grande Loge dont elles observent le rituel. Et ce

n'est pas ici, dans un Grand Chapitre du Rite Ecossais Ancien Accepté, qu'il peut être

question d'une quelconque restriction des droits de l'Ecossisme. Au contraire, il serait

le principal bénéficiaire d'une union de l'Ordre Maçonnique en France puisqu'il y

réaliserait, dans notre pays, son unité.

Affirmons donc notre conviction que des modalités peuvent être trouvées pour

établir les bases fédératives d'une organisation unique au sein de laquelle tous les

Rites pourraient se développer librement.

Mes FF... Chev..., ce rapport est arrivé à sa fin. Mais notre tâche ne fait réellement

que commencer. Notre seule prétention a été de désigner aussi nettement que

possible les objectifs à atteindre et d'éclairer la route qui peut nous en rapprocher.

Nos efforts seront vains si nous n'avons pas foi en la Mission de la Maçonnerie, et

si nous n'avons pas la volonté persévérante d'y travailler sans relâche.

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Nous désirons une Maçonnerie initiatique, une Maçonnerie éducatrice, et une

Maçonnerie orientée vers l'action.

Prouvons donc que nous sommes de vrais initiés. Prouvons que nous sommes de bons éducateurs.

Prouvons que nous sommes des hommes d'action.

LE GRAND COMMANDEUR. — Mes FF... Chev..., vous venez d'entendre le

remarquable rapport, si précis et si lucide dans sa concision, de notre F... CORNELOUP.

Je suis sûr d'être votre interprète en le félicitant et le remerciant.

Et puisqu'il vient de parler d'union frat... des Obédiences, je constate avec joie et

tiens à signaler que nous la rencontrons ici, non comme souhait pour l'avenir, mais

comme réalité actuelle. La Convention du 13 janvier 1946, qui a érigé le Grand Collège

des Rites en Puissance maçonnique autonome, n'a desserré en rien les liens

d'affectueuse entente qui l'unissaient au G... O... D... F... avant cette séparation

protocolaire. Je n'en veux comme preuve que la présence à mes côtes, non seulement

de notre vénéré F... GROUSSIER, Grand Maître d'honneur du G... O... D... F..., membre

du Grand Collège depuis je ne sais plus combien d'années et toujours aussi jeune,

mais aussi du T... Ill... F... VIAUD, Grand Maître du G... O..., qui depuis hier est

également membre du Grand Collège. Rien ne pouvait nous toucher davantage que

cette marque de sympathie, et je lui en exprime, au nom de tous, notre profonde

reconnaissance.

Et maintenant, mes FF... Chev..., certains d'entre vous ont-ils des remarques à

présenter sur le rapport du F... CORNELOUP ?

Les FF... CÉPÈDE (Clémente amitié), BISO (Art, Science, Action), GAGNEPAIN (Amis bienfaisants),

GUILLET, (Caen), CERF (Etoile polaire), N ... ( ) prennent successivement la parole.

LE GRAND COMMANDEUR. — Je donne la parole au T... Ill... F... CHEVALLIER, Grand Orateur du Grand

Collège, pour le discours de clôture.

Le F... CHEVALLIER, Grand Orateur, s'excuse de n'avoir pas eu le temps de rédiger

un discours, n'ayant été nommé Grand Orateur que la veille. Il se bornera donc à une

improvisation. Il expose, à titre d'opinions personnelles qui n'engagent en rien le Grand

Collège, des réflexions sur le symbolisme maçonnique.

Les travaux sont clos en la forme accoutumée à 17 h. 45.

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CIRCULAIRE

CIRCULAIRE N°10

Instructions

administrative

s Taxes et

Redevances

Grand**

Tenue 1949

Mot annuel

Z... de Paris, le 13 Octobre 1948.

Le Grand Collège des Rites

aux Présidents des Chapitres et Aréopages

S... U... F...

Mon T...C... F...,

INSTRUCTIONS ADMINISTRATIVES. — L'expérience faite l'an dernier pour les Tableaux annuels des

Ateliers Supérieurs, en vue d'alléger la besogne des Secrétaires de ces Ateliers Supérieurs n'a pas donné

de bons résultats. En conséquence, le Tableau annuel (Modèle T) devra désormais, comme par le passé,

fournir la liste de tous les FF... membres de l'Atelier au 31 décembre de l'année écoulée. Il est rappelé que

cette liste doit être établie, non par ordre alphabétique, mais par ordre d'ancienneté dans l'Atelier.

Toutes les colonnes du Tableau doivent être remplies exactement et très lisiblement. Les renseignements

demandés sont indispensables au Secrétariat du Grand Collège pour reconstituer ses archives.

Au Tableau devra être jointe une Liste récapitulative (Modèle T bis) à remplir de même, sans oublier

l'intérieur de la feuille double. Ces deux documents sont nécessaires pour que le Grand Collège connaisse

exactement l'effectif de chaque Ateliers, et par suite, l'effectif total, et ne fasse pas, comme cela s'est

produit antérieurement, imprimer un nombre insuffisant d'exemplaires des Bulletins.

Devra être rempli de même avec toutes les indications demandées l'imprimé modèle D (procès-verbal des

élections générales des Officiers). Ces indications sont nécessaires pour établir un Annuaire complet des

Ateliers Supérieurs. En particulier, donner très lisiblement les noms et adresses des Président, Secrétaire

et Trésorier, et l'adresse pour la correspondance.

Les instructions qui précèdent concernent à la fois les Chapitres et les Conseils. En outre, pour ceux-ci,

leur Tableau annuel devra porter les dates d'initiation, au 31e, 32e et 33e pour les membres possesseurs de

ces grades, en vue d'établir un Annuaire des Hauts Grades. Ne pourront figurer sur cet Annuaire que les

FF... qui nous auront été indiqués sur les tableaux des Conseils.

Les Tableaux ou imprimés incomplets seront retournés au Président de l'Atelier pour être complétés.

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Tous ces documents, tant des Conseils que des Chapitres, devront être adressés au Grand Collège avant le

15 janvier 1949.

Lorsque la correspondance adressée par un Ateliers au Grand Collège comportera plusieurs objets

différents, chacun d'eux devra être écrit sur une feuille séparée. Leur réunion sur une même feuille

empêche le Secrétariat de les classer dans les dossiers correspondants et de s'assurer qu'il a été répondu à

tous.

Tous les papiers de correspondance envoyés au Grand Collège devront porter en tête, imprimés ou

manuscrits, le titre distinctif de l'Atelier (Chapitre ou Conseil) et l'indication de sa Vall... ou C.... Ils

devront être datés, et porter à côté de la signature les : nom et adresse très lisibles de l'expéditeur, pour ne

pas compliquer inutilement la besogne du Secrétariat.

Il est rappelé qu'en vue de faciliter le travail tant des Trésoriers des Ateliers que du Grand Trésorier du

Grand Collège, les Ateliers sont invités à ne pas envoyer de métaux en cours d'année. Leurs comptes

seront arrêtés en fin d'année et le relevé leur en sera adressé. C'est alors seulement qu'ils devront régler

leur arriéré. En cas de besoin, le Grand Collège demanderait un acompte en cours d'année.

Les demandes de présentation aux grades capitulaires par une Loge ne devront plus être envoyées au

Grand Collège par cette Loge, mais par le Chapitre désigné par le candidat. Ce Chapitre enverra à la Loge

un imprimé (Modèle L), que la Loge lui retournera après l'avoir rempli, et c'est le Chapitre qui le

transmettra au Grand Collège, après vérification, sous sa responsabilité, de l'exactitude des

renseignements fournis. Les demandes incomplètes ou contenant des inexactitudes reconnues par le

Grand Collège seraient retournées au Chapitre pour faire le nécessaire. Ne pas oublier de mentionner à la

page 4, lignes 10 et 11 environ, le titre distinctif et la Vallée du Chapitre indiqué par le postulant. Le

montant des droits de présentation devra être joint à la demande ou parvenir au Grand Collège en même

temps que cette dernière.

Pour les notifications d'initiation visées par l'article 22 du Règlement général des Ateliers Supérieurs, qui

devront être adressées au Grand Collège dans le mois, remplir les deux faces de l'imprimé modèle I (sur

papier rose) pour le 18e et de l'imprimé modèle J (sur papier vert) pour le 30e, afin que le Grand Collège

puisse établir les diplômes (brefs ou patentes).

Les dossiers de propositions pour le 31e, comprenant la demande (Modelé N) correctement remplie et le

morceau d'architecture obligatoire pour le candidat, devront être adressés par le Conseil au Grand Collège

avant le 1er mai. Les demandes parvenues après cette date ne seraient examinées que l'année suivante.

Vu l'augmentation des tarifs postaux, les Ateliers auront intérêt à profiter de la présence ou du passage

d'un de leurs membres à Paris pour prendre livraison des imprimés dont ils auraient besoin. Il leur suffira

d'envoyer leur commande au Grand Collège une semaine à l'avance, et le paquet sera déposé à leur

adresse chez le concierge du 16, rue Cadet.

Pour le surplus, se reporter aux indications données sous la rubrique AVIS, RECOMMANDATIONS,

INSTRUCTIONS en tête des Bulletins et tenues à jour tous les ans.

TAXES ET REDEVANCES. — Par suite de l'augmentation constante des prix, le taux des taxes et redevances

pour l'année 1949 est fixé comme suit :

Chapitre ...................... 300 fr

Reprise d'activité (par membre) dans un Conseil ......................... 300 "

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Capitation annuelle ; pour chaque membre d'un Chapitre................... 300 "

(La capitation se compte du 1er janvier au 31 décembre et

comprend le service gratuit du Bulletin).

Capitation annuelle pour chaque membre d'un Conseil ................ ..... 200 "

Demande de présentation au 18e degré...................... 150 "

30e degré...................... 100 "

Demande d'affiliation à un Chapitre ....................... 100."

Conseil ......................... 100 "

Droits d'initiation au 18e degré (non compris le diplôme)..................... 350 "

30e degré (non compris le diplôme) ................... 300 "

GRANDES TENUES DE 1949. — Sauf avis contraire, les Grandes Tenues de 1949 sont fixées comme suit :

Dimanche 3 avril à 14 h. 30. Grand Chapitre.

Samedi 17 septembre à 15 heures. Tenues des Hauts Grades (31e, 32e, 33e).

Dimanche 18 septembre à 10 heures : Grand Conseil.

à 15 heures. Grand Chapitre.

Les sujets soumis à l'étude des Ateliers Supérieurs pour ces Grandes Tenues sont les suivantes :

Grand Chapitre d'Avril (Question commune aux Chapitres et aux Conseils). Organisation méthodique

du travail maçonnique dans les Ateliers Supérieurs.

Cette question fait suite à l'étude sur la Mission de la Maçonnerie dans le monde actuel.

La Maçonnerie, institution initiatique, a une mission permanente d'éducation ; dans le monde actuel, cette

éducation doit être doublement orientée vers l'action :

— pour former des hommes d'action;

— pour les préparer à l'action.

Cela postule une méthode et une organisation du travail maçonnique :

— dans les ateliers;

— dans les organes directeurs de la Fédération.

Ce sont les PRINCIPES et les LIGNES GÉNÉRALES de cette organisation méthodique du travail proprement

maçonnique pour la formation et la préparation des Maçons en vue de réaliser la mission de la

Maçonnerie qu'il s'agit de dégager.

Les Chapitres et les Conseils s'y efforceront sans perdre de vue qu ils n'ont pas qualité pour faire œuvre

législative ou réglementaire; ils se cantonneront dans leur rôle d'étude.

Bien qu'ils n'aient pas non plus à envisager les répercussions financières, ils en garderont la préoccupation

à l'arrière-plan de leur pensée pour ne pas concevoir de programme qui serait pratiquement irréalisable.

Les rapports des Ateliers devront parvenir au Grand Collège avant le 10 février 1949, dernier délai.

Grand Conseil de Septembre (Question exclusivement réservée aux Conseils) : Etude historique,

critique et symbolique du grade de Kadosch, en liaison avec le grade de R... C... et les grades

intermédiaires.

Grand Chapitre de Septembre (Question à étudier par les Chapitres. et facultativement par les Conseils

: Etude historique, critique et symbolique de grade de R... C..., en liaison avec le grade de Maître et les

grades intermédiaires.

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Le titre de ces deux questions est assez explicite pour dispenser de tout commentaire. Le Grand Collège

n'ignore pas que nombre d'Ateliers sont dépourvus d'anciens Rituels, mais lui-même n'en est pas moins

démuni, ses archives ayant été pillées. Il espère que ceux des Ateliers qui ont eu la chance de conserver de

ces Rituels, les utiliseront dans leurs rapports, de manière que le rapport d'ensemble puisse les mettre à

profit dans l'intérêt général.

Les rapports des Ateliers sur ces deux questions devront parvenir au Grand Collège avant le 30 juin,

dernier délai.

MOTS ANNUELS. — Veuillez également trouver sous ce pli les mots annuels pour 1949, à communiquer à

votre Respectable Ateliers dans les conditions réglementaires.

Recevez, mon T...C... F..., pour vous et tous les membres de votre Respectable Ateliers, l'assurance de nos

sentiments frat... et entièrement dévoués.

Le Grand Chancelier,

LUQUET.