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Alphabets Informations n° 82 - 4 e trimestre 2016 ALPHABETS - Informations - n° 82 4 e trimestre 2016 1 Sommaire page Éditorial ..........................................................................................................................1 L’exposition au Louvre-Lens L’histoire commence en Mésopotamie............................2 L’école fait-elle disparaître la créativité, l’imagination ?...............................................3 Le polythéisme des Hébreux dans un manuel d’Histoire............................................4 Les trois religions monothéistes.....................................................................................5 Une synagogue reconvertie en centre culturel..............................................................6 Livres, périodiques et articles à lire............................. .................................................7 L’égyptien dans les familles de langues.........................................................................8 La langue française souffre.............................................................................................9 L’arbre des alphabets, une affiche boudée...................................................................10 Nos meilleurs vœux pour l’année 2017........................................................................11 Spectacles, colloque, table-ronde et conférence .........................................................12 Expositions visitées avec beaucoup d’intérêt...............................................................13 Expositions à voir ...........................................................................................................14 Nos points de vente.......................................................................................................15 L’agenda de l’association...............................................................................................16 Éditorial Ce numéro est encore consacré à la Mésopotamie parce que j’ai visité l’expo- sition au Louvre-Lens L’histoire commence en Mésopotamie, titre emprunté en quelque sorte à Samuel Noah Kramer L’histoire commence à Sumer, que vous avez sans doute tous lu, et à Babel parce que j’ai visité aussi la nouvelle exposition au MUCEM Après Babel : traduire et assisté à la Table-Ronde, vendredi soir, remarquable, intitulée “Les intraduisibles des trois monothéis- mes”. Les intervenants de qualité ont su transmettre au public le résultat de leurs travaus d’approche pendant deux jours en vue d’éditer un dictionnaire des mots intraduisibles... En tout cas, j’étais heureuse de retrouver au fil de l’exposition la question que nous avons posée, lors de l’anniversaire de l’association cette année : La mul- tiplicité des langues : malédiction ou bénédiction, mais le MUCEM avait choisi le mot “chance” au lieu de “bénédiction”... J’ai rencontré Barbara Cassin, phi- losophe et commissaire de l’exposition, dans l’exposition mais mes remarques espiègles l’ont laissée perplexe... Il faudra bien qu’elle sache ce que je pense de plusieurs merveilles présentées dans l’exposition, notamment les lignes de métro à travers le monde symbolisant la circulation du savoir par l’intermédiai- re des traductions...L’écran sur lequel l’on peut lire un itinéraire savant : les dif- férentes traductions d’Aristote et la circulation de sa pensée sur une carte qui se construit progressivement. On resterait des heures devant cet écran mais on voudrait surtout l’emporter pour lire chez soi une présentation dense et éclai- rante, sans avoir mal aux jambes. Le catalogue n’est qu’une synthèse et tous les objets n’y sont pas représentés. C’est ce qui m’a poussé à prendre des photos et à écrire dans le “Livre d’or”, non, pas écrire mais tripoter le clavier genre SMS et j’ai mis : ”Exposition bou- leversante, enrichissante mais le catalogue n’étant qu’une synthèse, il semble que cela soit fait pour inciter les visiteurs à revenir...” Or il y a une bonne rai- son pour la visiter de nouveau : la série des Conférences-débats à la fin du mois. Dès que j’ouvre l’annonce et le résumé de l’exposition dans le site du MuCEM je relève une erreur “Babel en hébreu = confusion” non ! La confusion se dit Balbel...avec le redoublement des deux consonnes B et L alors qu’en akkadien il s’agit de la porte des dieux ... Cela fait une grande différence. Rina VIERS Que les lecteurs de notre bulletin veuillent bien me pardonner le retard de la sortie de ce numéro. Je devais absolument terminer, avant le 31 décembre 2016, l’album de ma famille disparue en Ukraine en 1942. D’ici le 20 mars, vous aurez le temps d’al- ler jusqu’à Marseille, au MUCEM, et je vous y encourage vivement. L’exposition est très dense, elle est magnifique, appel- le à réfléchir et à échanger avec des locu- teurs de plusieurs langues...Enchantée de ce que j’y découvrais j’ai même dialogué avec quelques visiteurs et avec les inter- venants de la Table Ronde. Barbara Cassin, commissaire de l’exposition a fait un travail exceptionnel. A la fin du mois, les 25, 26 et 27 jan- vier, vous pouvez encore assister à des tables rondes et des débats sur des sujets hautement spirituels : Traduire la parole de Dieu. Autour du Judaïsme, du Christianisme et de l’Islam. BULLETIN n°82 _BULLETIN 60 14/01/17 14:20 Page1

BULLETIN n°82 BULLETIN 60 14/01/17 14:20 Page1 …(2015), présenté au Festival du Livre de Mouans-Sartoux. Surprise par le titre, heureusement que j’ai pu m’enquérir avant

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AlphabetsInformations n° 82 - 4e trimestre 2016

ALPHABETS - Informations - n° 82 4e trimestre 2016 1

Sommaire pageÉditorial ..........................................................................................................................1L’exposition au Louvre-Lens L’histoire commence en Mésopotamie............................2L’école fait-elle disparaître la créativité, l’imagination ?...............................................3Le polythéisme des Hébreux dans un manuel d’Histoire............................................4Les trois religions monothéistes.....................................................................................5Une synagogue reconvertie en centre culturel..............................................................6Livres, périodiques et articles à lire............................. .................................................7L’égyptien dans les familles de langues.........................................................................8La langue française souffre.............................................................................................9L’arbre des alphabets, une affiche boudée...................................................................10Nos meilleurs vœux pour l’année 2017........................................................................11Spectacles, colloque, table-ronde et conférence .........................................................12 Expositions visitées avec beaucoup d’intérêt...............................................................13Expositions à voir...........................................................................................................14Nos points de vente.......................................................................................................15L’agenda de l’association...............................................................................................16

ÉditorialCe numéro est encore consacré à la Mésopotamie parce que j’ai visité l’expo-sition au Louvre-Lens L’histoire commence en Mésopotamie, titre empruntéen quelque sorte à Samuel Noah Kramer L’histoire commence à Sumer, quevous avez sans doute tous lu, et à Babel parce que j’ai visité aussi la nouvelleexposition au MUCEM Après Babel : traduire et assisté à la Table-Ronde,vendredi soir, remarquable, intitulée “Les intraduisibles des trois monothéis-mes”. Les intervenants de qualité ont su transmettre au public le résultat deleurs travaus d’approche pendant deux jours en vue d’éditer un dictionnairedes mots intraduisibles...En tout cas, j’étais heureuse de retrouver au fil de l’exposition la question quenous avons posée, lors de l’anniversaire de l’association cette année : La mul-tiplicité des langues : malédiction ou bénédiction, mais le MUCEM avait choisile mot “chance” au lieu de “bénédiction”... J’ai rencontré Barbara Cassin, phi-losophe et commissaire de l’exposition, dans l’exposition mais mes remarquesespiègles l’ont laissée perplexe... Il faudra bien qu’elle sache ce que je pensede plusieurs merveilles présentées dans l’exposition, notamment les lignes demétro à travers le monde symbolisant la circulation du savoir par l’intermédiai-re des traductions...L’écran sur lequel l’on peut lire un itinéraire savant : les dif-férentes traductions d’Aristote et la circulation de sa pensée sur une carte quise construit progressivement. On resterait des heures devant cet écran mais onvoudrait surtout l’emporter pour lire chez soi une présentation dense et éclai-rante, sans avoir mal aux jambes.Le catalogue n’est qu’une synthèse et tous les objets n’y sont pas représentés.C’est ce qui m’a poussé à prendre des photos et à écrire dans le “Livre d’or”,non, pas écrire mais tripoter le clavier genre SMS et j’ai mis : ”Exposition bou-leversante, enrichissante mais le catalogue n’étant qu’une synthèse, il sembleque cela soit fait pour inciter les visiteurs à revenir...” Or il y a une bonne rai-son pour la visiter de nouveau : la série des Conférences-débats à la fin dumois. Dès que j’ouvre l’annonce et le résumé de l’exposition dans le site duMuCEM je relève une erreur “Babel en hébreu = confusion” non ! La confusionse dit Balbel...avec le redoublement des deux consonnes B et L alors qu’enakkadien il s’agit de la porte des dieux ... Cela fait une grande différence.

Rina VIERS Que les lecteurs de notre bulletin veuillent bien me pardonner le retard de lasortie de ce numéro. Je devais absolument terminer, avant le 31 décembre2016, l’album de ma famille disparue en Ukraine en 1942.

D’ici le 20 mars, vous aurez le temps d’al-ler jusqu’à Marseille, au MUCEM, et jevous y encourage vivement. L’expositionest très dense, elle est magnifique, appel-le à réfléchir et à échanger avec des locu-teurs de plusieurs langues...Enchantée dece que j’y découvrais j’ai même dialoguéavec quelques visiteurs et avec les inter-venants de la Table Ronde. BarbaraCassin, commissaire de l’exposition a faitun travail exceptionnel.

A la fin du mois, les 25, 26 et 27 jan-vier, vous pouvez encore assister àdes tables rondes et des débats surdes sujets hautement spirituels :Traduire la parole de Dieu. Autourdu Judaïsme, du Christianisme et del’Islam.

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Une exposition grandiose au Louvre Lens : L’histoire commence en Mésopotamie.

Le titre est en quelque sorte emprunté à Samuel Noah Kramer, “L’histoire commence à Sumer”.Titre d’ailleurs choisi par Bottéro, son traducteur et son présentateur au public francophone.

L’exposition retrace, à travers 500 œuvres, trois mille ans d’histoire, de l’apparition de l’écriture,qui y trouve une bonne place, à la conquête d’Alexandre le Grand. Et selon Marie Lavandier, Directricedu musée du Louvre-Lens, “Monde des premières fois, qui inventa l’écriture et la ville, la Mésopotamien’a cessé de nourrir les rêves et l’art de l’Occident. L’exposition permet de découvrir son économie etses croyances, ses villes, sa société, ses textes, ses rois et ses empires mais encore ses paysages, l’his-toire de sa redécouverte, et l’imaginaire plus ou moins fantasmé développé autour de cette civilisationexceptionnelle qui n’en finit pas de fasciner.”

A voir et à revoir. Et si vous ne pouvez vous rendre à Lens alors achetez le catalogue qui donnetous les détails de l’exposition sauf le petit court métrage où Brigitte Lion et Cécile Michel expliquentle système d’écriture cunéiforme. Vous pouvez aussi acquérir le n° spécial des Dossiers d’archéologieintitulé comme l’exposition et vous y trouverez des richesses.

L’histoire commence-t-elle vraiment avec l’écriture ?L’association Alphabets avait organisé, il y a plusieursannées, une table ronde sur ce sujet au Musée archéo-logique de Nice-Cemenelum.

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Comme vous pouvez apercevoir, en bas, le sommaire de cette partie “Un berceau de civilisation” du n° hors série Le MondeLa vie consacré à l’Histoire du Proche Orient, contient divers articles passionnants sur l’histoire de l’écriture et son rôledans les civilisations qui en ont inventé une. Jean Jacques Glassner, directeur de recherche émérite au CNRS, Histoire etarchéologie de l’Orient cunéiforme (Haroc) et auteur du livre Ecrire à Sumer, l’invention du cunéiforme, a rédigé l’article“L’histoire de l’écriture commence à Sumer”. Je ne pourrais que vous en recommander la lecture si vous n’avez le tempsni le courage d’aller voir l’exposition ou d’étudier en profondeur l’histoire des cunéiformes. Il résume très bien. “Le langa-ge parlé serait, à ce que l’on dit, la principale caractéristique de l’espèce humaine. Il lui est tellement attaché qu’il est diffi-cile d’imaginer la vie sans lui. Or, il n’est pas un produit de la culture, il relève d’une partie précise de la structure biolo-gique de notre cerveau. Il est un savoir-faire qui se développe spontanément. En outre, il n’est pas propre au seul genrehumain. Tout au contraire, l’écriture est un artefact créé par l’homme, qui est seul à en faire usage; elle est le produit de laculture et nécessite d’être enseignée.” (p. 28). Je préfère vous laisser continuer à lire la suite. Rendez-vous dans un kiosqueà journaux et si c’est trop tard, achetez-le en ligne.

Déchiffreur, traducteur, prospecteur inlassable, Samuel NoahKramer (1897-1990) enseignait à l’Université dePennsylvanie. Il souligne, dans cet ouvrage désormais clas-sique, les aspects essentiels d’une civilisation éblouissante,qui, après des siècles d’oubli, a reconquis la première placeaux origines de notre histoire culturelle.

Nouvelle édition

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En tout cas, c’est ce que démontre le film “L’alphabet” d’Erwin Wagenhofer(2015), présenté au Festival du Livre de Mouans-Sartoux. Surprise par le titre,heureusement que j’ai pu m’enquérir avant d’aller le voir qu’il ne s’agissait pasde l’écriture mais de l’enseignement à l’école. Il est avéré que les statistiquesconcernant la faculté d’imagination et de créativité montre que, chez lesenfants de 5 ans, 98 % ont cette faculté, puis à 15 ans, il n’en reste que 10 %et à 25 ans seulement 2 %. De la France à la Chine, de l’Allemagne aux États-Unis, le documentaire “Alphabet” remet en cause un système éducatif totale-ment axé sur la compétition et les résultats quantitatifs au détriment des capa-cités imaginatives. “L’Alphabet” prend à témoin des experts en éducation telsque Sir Ken Robinson, un responsable de PISA et Arno Stern, mais prend aussien compte la vision des enfants, comme celle de Yakamoz Karakurt.Quelques intervenants : Ken Robinson (expert international en pédagogie eten enseignement)Si nous créons les conditions favorables dans nos écoles, si nous évaluons nosélèves à leur juste valeur, alors, ils pourront progresser.Yang Dongping (enseignant en pédagogie à l’Institut de Technologie deBeijing)Partir en tête sur la ligne de départ ne garantit pas le succès à l’arrivée.Gerald Hüther (neurobiologiste allemand)Présenté par une association appartenant à la mouvance “Éducation nouvel-le”, ce film va très loin dans sa démarche et nous laisse pantois, voire sidérés,tant le propos est vertigineux. À un moment, le présentateur du problème vajusqu’à dire “nous formatons nos enfants et voilà comment les jeunesses hit-lériennes ont formé des hommes qui ajoutaient du gaz quand il n’y en avaitplus dans les chambres à gaz...” Il existe en DVD. Lire aussi : Carole Barjon Mais qui sont les assassins de l’école ? Robert Laffont,collection “Mauvais esprit” 234 p. et l’article “Haro sur les fossoyeurs de l’école” signé Mattea Battaglia, dans LeMonde du 10 novembre 2016, p. 31 ainsi que l’article du collectif : AlainBoissinot, Viviane Bouysse, François Dubet, Roland Goigoux, Michel Lussault,Philippe Meirieu et Florence Robine qui démolit le livre de Carole Barjon sousle titre “Les pédagogues ne sont pas des “assassins”.

Le Point références. L’éducation idéale les textes fondamentaux octobre-novembre 2016.Je ne peux pas m’empêcher de citer les propos de Catherine Golliau dans l’éditorial de ce numéro.“Qu’est-ce que l’éducation idéale ? Pour nous, c’est celle qui permet à un enfant de grandir et de s’é-panouir dans une société donnée, c’est-à-dire de devenir un adulte responsable. Cela concerne lesparents, qui doivent s’en occuper et le soutenir sans l’étouffer. Cela concerne l’école où l’immense majo-rité de nos rejetons passe l’essentiel de sa vie jusqu’à 18 ans, voire au-delà. Cela concerne la sociététout entière qui doit donner à ces enfants l’accès aux connaissances, mais aussi les cadres qui vont leurpermettre de se construire. L’un des maux de notre société est la désocialisation de nombreux jeunes,qui non seulement sortent de l’école sans maîtriser le langage, la lecture et le calcul, mais ne connais-sent plus aucune autorité, sauf celle d’un chef souvent aussi immature qu’eux. Or l’éducation idéalen’est-elle pas d’abord celle qui socialise l’enfant, lui apprend les habitus qui permettent de faire sonchemin dans le monde du travail, d’aimer et d’être aimé ? Pas seulement être un as en maths ou uncréatif incapable de communiquer avec les autres. Pas seulement un Narcisse obsédé par son nombril...”

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L’école fait-elle disparaître la créativité, l’imagination ?

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Le polythéisme des Hébreux illustré de manière provocante dans un manuel d’enseignement d’Histoire de 6ème au Collège...

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Lorsqu’il me reste du temps, ayant terminé l’accrochage de l’exposition “D’où vient notre alpha-bet ?” dans un C.D.I. comme celui du Centre International de Valbonne, je feuillette, pour ne pasdire j’étudie, les nouveaux manuels d’Histoire-Géographie qui viennent d’être édités suite à laréforme de l’enseignement. Ma première mauvaise surprise c’est la disparition de l’histoire de l’alphabet, le mot n’y est plusmentionné, seulement les deux grands systèmes d’écriture : les cunéiformes et les hiéroglyphes.Au lieu de traiter chaque écriture dans son contexte géographique, les thèmes sont mis en regardde telle façon que l’élève ne sait plus où il est en Mésopotamie ou en Égypte...Quant au sujet qu’il faut développer soigneusement, avec précaution et tact : “l’histoire des reli-gions” quand on a affaire à de jeunes adolescents, alors que c’est un sujet qui sera mieux placédans des livres destinés à des étudiants d’université ! Quelle ne fut pas ma stupéfaction lorsquej’ai ouvert le manuel de 6ème des éditions Magnard. J’ai immédiatement interrogé notre Présidentd’honneur, André Lemaire, qui m’a donné raison.Ayant enseigné toute ma carrière l’hébreu et la culture juive au Lycée, j’estime qu’un tel dessinn’a pas sa place dans un manuel pour des élèves de cet âge là. Je souhaite que plus tard lesmanuels soient revus par une équipe de véritables spécialistes du sujet qui tiendront compte dela vérité historique et de l’âge des lecteurs.

Mais il y a mieux encore, cette fois-ci du point de vue historico-politique... dans le manuel de 6ème, édité

chez Nathan, à la page 112, “le pays de Canaan (actuelle Palestine). “Actuelle Palestine”* ? Vous voyezd’ici les questions des élèves à leur professeur, par exemple : quelles sont les frontières de l’actuellePalestine ? Quelle était l’étendue de l’ancien pays de Canaan ? Et si vous ne l’avez pas remarqué, l’étoi-le à cinq branches n’est pas la bonne étoile...même si elle se trouve sur les vestiges d’une synagogue, iln’en reste pas moins que la véritable étoile de David a six branches...il suffisait de prendre sa photo,presqu’à côté, sur les mêmes vestiges.

Commentaire d’André Lemaire, un des meilleurs spécialistes dumonothéisme. André Lemaire est Directeur d’étude à l’Ecole Pratiquedes Hautes Etudes, Sciences religieuses, il est donc le mieux placé enFrance pour donner son avis sur une telle illustration. Auteur du livreNaissance du monothéisme, point de vue d’un historien, Bayard, 2003,il était très étonné, lui aussi, et m’a communiqué les titres des publi-cations sur ce fameux dessin pour que je puisse constater que les his-toriens et les archéologues discutent encore entre eux sur la significa-tion et l’origine de cette représentation. Voici ses propres mots :“Je suis curieux de savoir qui a été l'"historien” conseiller de cettepage ! En fait, même si les inscriptions de Kuntillet ‘Ajrud sont enco-re l'objet de débats, il y a quelques points dont les auteurs auraientpu tenir compte :1. Tout le monde est d'accord aujourd'hui pour comprendre Shomron,“Yahwéh de Samarie” et non “notre gardien”.2. De plus en plus de commentateurs pensent que le mot hébreu ’as-hérah, dans cette inscription, ne désigne pas la divinité mais soit“sanctuaire”, soit “arbre sacré”, soit “pieu sacré”.3. Il s’agit sans doute d’un exercice de dessin.

J’ai adressé une lettre de protestation à Mme NajatVallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale,de l’enseignement supérieur et de la recherche. Laréponse de Mme Eléonore Slama, cheffe de cabinet,m’informait que le ministère “n’a ni la vocation ni ledroit de prescrire ou d’interdire le contenu desmanuels scolaires” et que je devais m’adresser à l’é-diteur...Ce que j’avais fait, en même temps, mais laréponse se fait toujours attendre...

* Le nom “Palestine” a été imposé par l’empereur

Hadrien en 135 ap. J.-C., après la répression san-glante de l’insurrection des Juifs contre lesRomains. Les historiens ont pris l’habitude de nom-mer encore maintenant ce territoire Palestine bienqu’il s’agisse d’une période antérieure... Mais ici ilest précisé “Palestine actuelle” donc c’est bien dansl’intention d’occulter l’existence de l’État d’Israël...

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Roger Pol Droit Les religions expliquéesen images. Seuil, 2016. (Le texte de cetouvrage a été publié en 2000 sous letitre Les religions expliquées à ma fille)

Daniel Sibony Les trois monothéismes.Juifs, chrétiens, musulmansentre leurs sources et leursdestins. Seuil, Essais Points1997.

André Lemaire Le mono-théisme, point de vue d’unhistorien. Bayard, 2003.

Exposition à visiter à Paris : de Frédéric Boyer sur la Bible, avec des graphismes de Serge BlochAu Centquatre jusqu’au 19 février 2017IL ÉTAIT PLUSIEURS FOIS... une traversée d'après le livre Bible, les récits fondateurs de Serge Blochet Frédéric Boyer (Bayard Éditions). De la création du monde au Livre de Daniel, cette expositionimmersive raconte en images et en sons les grands mythes de l’Ancien Testament à travers les regardsdu dessinateur Serge Bloch et de l’auteur Frédéric Boyer. Une manière de mettre à la portée de tous cetexte fondateur de la culture occidentale, commun aux trois grandes religions monothéistes. Directionartistique : José-Manuel GonçalvèsLe livre : Serge Bloch et Frédic Boyer Bible. Les récits fondateurs, Bayard, 2016. 528 p. Lire l’article dans Le Monde des Livres, du 25 novembre 2016, p. 2 “La Bible, c’est l’histoire des histoi-res”http://www.104.fr/fiche-evenement/serge-bloch-frederic-boyer-il-etait-plusieurs-fois.html

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Les trois religions monothéistes

Les monothéismes d’hier àaujourd’hui. La docu-mentation française. Docen poche. Regard d’ex-pert, Seuil, 2015.

Voici un exrait du résumé de la 4ème de couverture du livre d’AndréLemaire, une mise au point indispensable :

La définition que donne Sonia Fellous du monothéisme juif,me semble aussi intéressante du point de vue théologique. “Le judaïsme est fondé sur le rejet de l’idolâtrie et la croyan-ce en un Dieu unique qui a choisi un peuple pour propagersa loi parmi les nations, jusqu’au jour où toutes viendraient àreconnaître cette loi. La théorie messianique juive, à l’origineassez floue, s’est précisée dans sa confrontation avec le chris-tianisme, qui reconnaît Jésus comme le messie annoncé parles textes bibliques. Pour les Juifs, les temps messianiquessont les temps de paix universelle quand toutes les nationsauront reconnu le seul vrai Dieu. Ils adviendront quand unRoi Messie issu de la lignée de David sauvera Israël de l’exilet le ramènera sur sa terre. Ils seront précédés de grandessouffrances dans le monde et de la guerre des nations contreIsraël; le retour du prophète Élie annoncera l’avènement dumessie, de la résurrection des morts et du jugement dernierqui conduira à l’anéantissement des criminels.” (Les monothéismes d’hier à aujourd’hui. Seuil, 2015, p. 57.)

“YHWH, le Dieu d’Israël, est apparu dans un contexte polythéiste,dans le désert du Sinaï. Le yahwisme primitif, religion de YHWH,admettait l’existence d’autres dieux pour les autres nations, telsKamosh pour les Moabites, Dagon pour les Philistins ou Baal pourles Phéniciens.Avec la catastrophe de l’Exil au VIe siècle avant notre ère et la dépor-tation d’une partie de la population en Babylonie, le dieu nationalYahvé risquait d’être considéré comme un dieu vaincu. Il a fallu lerepenser pour lui permettre de continuer à exister. YHWH est alorsreconnu comme l’unique Dieu, universel, ne supportant pas l’exis-tence d’autres dieux. La religion d’Israël devient à ce moment-là, età ce moment-là seulement, une véritable religion monothéiste dontl’universalisme va peu à peu faire disparaître le caractère particulieret national du yahwisme. Le monothéisme apparaît donc comme uneréponse religieuse aux dramatiques événements historiques auxquelsIsraël a été confronté.”

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Une synagogue reconvertie en centre d’artà la Ferté-sous-Jouarre

Exposition “Autour de laGrande Guerre”

L’artiste peintre, Jean-Claude Houdry, introduitles paroles de Guillaume Apollinaire Poème àLou, de la chanson “Si je mourais là-bas...”dansla vision d’horreur du champ de bataille.

La synagogue avant la deuxième Guerremondiale et aujourd’hui

C’est avec émotion que nous avons visité cette synagogue grâceau concepteur de l’exposition sur la Grande Guerre, qui nous a fait mon-ter jusque dans les combles. Le deuxième étage avait gardé plus de vesti-ges du temps où la synagogue était encore en service. En effet, on y aper-çoit trois arches, une grande, bordée de deux petites qui encerclaient lesdeux mezzanines réservées aux femmes pendant l’office.

Faute d’un nombre suffisant de Juifs à La Ferté-sous-Jouarre, auretour de la Deuxième Guerre, la toute petite communauté a préféré don-ner le bâtiment à la commune, ne pouvant assumer les frais d’entretien. Encomparant la carte postale, à gauche, à ma photo, à droite, on se rendcompte que le haut de la façade a perdu les tables de la loi...A l’intérieur,des bancs, qui accueillaient autrefois les fidèles, sont maintenant à la dipo-sition des visiteurs de l’exposition permanente d’un peintre renommé de lacommune, André Planson.

Il semble donc que l’on ait respecté le lieu et qu’il n’est pas deve-nu, comme certaines synagogues en Europe de l’Est, une salle de sportcomme à Loutsk, en Ukraine, ou une station de télévision, à Bratislava.

Le concepteur de l’exposition sur la Grande Guerre a réuni beau-coup d’objets : des fusils, des balles, des appareils pour soigner les bles-sés, des médicaments...comme on peut le voir sur la photo d’en bas. Il areconstitué la salle de soins des blessés de la Grande Guerre. Une infirmiè-re se tient debout près du brancard.

Mais n’est-il pas allé trop loin en faisant entendre aux visiteurs lebruit des tirs de mitraillettes tandis qu’on avait l’impression qu’un vrai gazsortait du tuyau brandi par un soldat allemand en uniforme ?

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Esther Wolff & François FelberLe jardin des pharaons.Catalogue de l’exposition auMusée et Jardins Botaniquescantonaux, Lausanne, Pont deNant. 2016

Livres, périodiques et articles à lire absolument

Dominique Casajus L’alphabet touareg,CNRS éditions, 2015.

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L’Histoire du Proche-Orient. 10 000 ans de civili-sation Le Monde Hors série.

Articles intéressants. Dans le dernier n° Sciences et Avenir (janvier /février 2017)Jean-Marie Hombert “La théorie d’une langue mère est impossible à prouver !”, p. 77.Pascal Vernus interviewé par Florence Leroy “Les sept inventeurs de l’écriture”, p. 78-79

Ceux qui ne peuvent pas serendre à Lens, ni acheter lecatalogue, pourront avecprofit lire les articles intéres-sants des Dossiersd’Archéologie n° 378 novem-bre/décembre 2016.

Vous avez déjà vu bien sûr cette couverture. Or comme le Musée nous a offert un deuxiè-me exemplaire, je me permets aujourd’hui de vous en confier plus sur son contenu. Lesamoureux de la nature et de l’Égypte ont tout intérêt à se procurer ce catalogue, rédigé parEsther Wolff & François Felber. “Partez à la découverte d’un aspect méconnu de l’Égypte ancienne : le jardin égyptien et lesplantes cultivées à cette époque ! Le rapport des Égyptiens aux plantes était sacré et l’étudedes vestiges ou des représentations dans les tombes et les palais éclaire leur mode de vie.Les jardins étaient l’apanage des pharaons, des prêtres et des notables, animés par le besoinconstant de vaincre le chaos, en suivant des codes stricts pour leur réalisation. Les jardinsrenforçaient également le prestige des pharaons et certains ont même conduit des expédi-tions afin de ramener de nouveaux végétaux, réalisant de véritables “jardins botaniques”. Leregard croisé de l’archéologue et de la botanique permet d’entrevoir l’intimité de la vie enÉgypte ancienne, en particulier celle de son élite.”

“VÉga, un outil pour la compréhension des hiéroglyphes” article de Franck Chevalierparu dans Archéologia n° 548 novembre 2016, p. 16-17Pour en savoir plus : hpp://www.vega-vocabulaire-egyptien-ancien.fr/Il faut dire que j’ai eu la chance d’écouter la conférence “Ecriture hiéroglyphique, entremémoire et effets cognitifs” de Frédéric Servajean au musée Henri Prades dans le cadre del’exposition magnifique sur les scribes, avec beaucoup d’intérêt. Il a commencé par une défi-nition des plus pertinentes sur l’écriture. Il a rendu hommage aux Égyptiens “qui ont analy-sé les sons de leur langue il y a 54 siècles.” J’avoue que je le fais aussi dans mes causeries.J’aurais tant voulu enregistrer sa conférence. Au lieu de cela, j’ai pris des notes sur des toutpetits bouts de papier... J’aimerais le rencontrer pour échanger encore sur les rapports entreparole et écriture. En attendant je vais lire et relire son article “Hiéroglyphes. Quelquesréflexions sur l’écriture des anciens Egyptiens” dans le catalogue de cette exposition, p. 19-45.Frédéric Servajean travaille avec son équipe sur le VÉga (Vocabulaire de l’Égyptien ancien)à l’université de Montpellier pour éditer un dictionnaire numérique qui traduit entre autres,les hiéroglyphes. Traitant quelque 23 000 entrées, ce projet conçu en quatre langues, seraaccessible à la communauté scientifique et au grand public début 2017.

“Cet ouvrage évoque l’usa-ge des alphabets touaregset retrace leur histoire.Utilisés aujourd’hui pourgraver des inscriptions surla roche ou sur certainsobjets et écrire de petitsmessages à des proches,ces alphabets - presqueexclusivement consonan-tiques - dérivent d’alpha-bets beaucoup plusanciens appelés “libyques”ou “libyco-berbères”.Parfois associées à desinscriptions puniques oulatines, on trouve des épi-graphes libyques dans toutle Maghreb actuel, de laLibye au Maroc et mêmejusqu’aux îles Canaries.L’histoire de ces alphabetsest en grande partie obscu-re, mais il est permis defaire à leur sujet quelqueshypothèses...”

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La langue égyptienne dans les familles de languesAprès avoir parcouru plusieurs livres traitant des langues africaines et sémitiques*je me suis tournée vers le Dictionnaire amoureux de l’Egypte pharaonique dePascal Vernus et j’ai trouvé que son article Égyptien (langue égyptienne)répondait tout à fait à mes attentes dans plusieurs domaines. je vous en citequelques phrases.“Les Égyptiens avaient su recourir au rébus pour inventer, au plus tard vers la findu quatrième millénaire avant J.-C., une véritable écriture potentiellement capa-ble de fixer visuellement les énoncés de leur langue, qui était bel et bien une lan-gue de plein droit. Au demeurant, l’égyptien a pu changer d’écriture, bonne preu-ve de son autonomie par rapport à un système graphique particulier. A partir desIIIe et IVe siècles de notre ère, l’état linguistique du moment, le copte, fut notéavec l’alphabet grec, complété par quelques signes spéciaux.” (p. 253-254)Égyptien (apparentement linguistique) ou l’Égyptien au sein des familles deslangues afro-asiatiques ou chamito-sémitiques.“..il partage un certain nombre de traits phonétiques, lexicaux, grammaticaux etstructuraux avec d’autres langues et familles de langues. Et d’abord avec le sémi-tique et le berbère. (...) Désormais, on s’accorde à ranger l’égyptien dans un vasteensemble qu’on appellera de préférence “phylum”, plutôt que “famille ou “super-famille”. (...) Ce phylum, dont les attestations couvrent une période de plus decinq mille ans, s’étend sur un vaste territoire à cheval sur le Proche-Orient et unebonne partie de l’Afrique septentrionale, de la côte atlantique, et même, sansdoute, des Canaries à la corne somalienne, de la Méditerranée au Kenya, au norddu Nigéria et du Cameroun en passant par le Sahara et le Tchad. Il comporte cinqgroupes majeurs :1. L’égyptien.2. Les langues sémitiques.3. Les langues berbères, ou lybico-berbères.4. Les langues couchitiques.5. Les langues tchadiques.” (p. 269-272)J’apprécie son constat concernant les tendances cachées derrière les appellationsde ce groupe de langues : “La désignation même de cet ensemble de langues,loin d’être gratuite, fait l’objet de débats qui ne sont pas tous innocents. Derrièreles mots pointent souvent des présupposés idéologiques. “Chamito-sémitique” estun terme inspiré par la Genèse, qui oppose les fils de Cham et les fils de Sem.Outre sa connotation biblique, il postule une dichotomie qui n’a pas de fonde-ment réel.” (...) C’est le terme “afro-asiatique” qui tend à s’imposer, non seule-ment parce qu’il a l’avantage de n’évoquer rien d’autre que les territoires du phy-lum, mais surtout parce qu’il est porté par le rapport de force écrasant en faveurde la linguistique anglo-saxonne.” (p. 272)Bilan provisoire. L’égyptien partage un petit stock de racines bilitères avec letchadique, le berbère et le couchitique. Elles témoignent de relations incontesta-bles, mais sporadiques, et reléguées dans la pénombre. Certaines renvoient à laprotohistoire, d’autres à des contacts plus récents, voire à des cultures margina-les mais longuement côtoyées; par exemple, celle de nomades des déserts (nomdes canidés sauvages, du chien, du léopard). En revanche, les relations entresémitique et égyptien se situent à un autre degré, et mérite un traitement parti-culier (voir Sémitique et égyptien).” (p. 274)

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Quelle est la différence entre langue etlangage ? Dans quelle mesure une languereflète-t-elle une culture ? Quelles sontles formes non verbales de langages ?Existe-t-il des langages universaux ? Cenuméro de TDC répond à ces questionsen histoire-géographie, lettres et arts enexplorant l’infinie diversité des formes delangage.

Au-delà desmots, langueset langagesTextes & Documents dela Classe, n°1106, 1ernovembre 2016

* BibliographieAntoine Lonnet Les langues chamito-sémitiques (afro-asiatiques), 2005.Zacharie Bukuru Les langues africaines. Karthala, 2000.Roger Blench, « The languages of Africa : macrophyla proposals and implications for archeological interpretation », dans Roger Blench etMatthew Spring, Archeology and Language IV, Londres, Routledge, 1999. Salim Chaker, Linguistique berbère, étude de syntaxe et de diachronie, Louvain, 1995Marcel Cohen, Essai comparatif sur le vocabulaire et la phonétique du chamito-sémitique, Paris, Champion, 1969.David Cohen, Dictionnaire des racines sémitiques ou attestées dans les langues sémitiques, Paris, éd. Mouton, 1970.Christopher Ehret, Reconstructing Proto-Afroasiatic (Proto-Afrasian) : Vowels, Tone, Consonants, and Vocabulary, Berkeley, Los Angeles,University of California Press, 1995.Joseph Greenberg, The Languages of Africa, Bloomington, La Haye, Indiana University, Mouton, 1963.Bernd Heine, The Sam Languages, a history of rindille, Boni, and Somali in Afroasiatic Linguistics, 1978.Alan Henderson Gardiner, Egyptian Grammar, Oxford, 1927.Robert Hetzron, The Semitic Languages, Routledge, 1997.Vladimir E. Orel et Olga V. Stolbova, Hamito-semitic etymological dictionary : materials for reconstruction, Leiden, 1995.

Répartition des langues chamito-sémitiques(en jaune) parmi les langues africaines. (source : wikipedia)

Pascal VernusDictionnaire amoureuxde l’Égypte pharaonique,Plon, 2009.

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ALPHABETS - Informations - n° 82 4e trimestre 2016 9

La langue française souffre

L’éditorial de Christian Watine crie : “le livre est menacé de mort...” Nous attendrons avec impatience le prochain numéro du “Nénuphar” qui sera“consacré en grande partie aux professionnels du livre, chargés de vérifier lasyntaxe, la grammaire, l’orthographe, la ponctuation, le style, l’application desrègles du Code typographique, la typographie...” et tant d’autres choses quifont le succès et l’attrait du livre. Mais nous regrettons que Patrick Zinniger aitpublié un article sans utiliser les caractères hiéroglyphiques nécessaires...pourillustrer son propos : “De l’importance du nom à la lumière de l’Egypteancienne”. Le poussin de caille en a pris un sacré coup ! Les momies seretournent dans leurs sarcophages !

Je vous recommande vivement l’articlede Mattea Battaglia “Le niveau en ortho-graphe des écoliers français plonge” (LeMonde du 10 novembre 2016). “Pour une dictée équivalente, les élèvesde CM2 ont fait, en 2015, 17,8 erreurscontre 14,3 en 2007, et 10,6 en 1987dans un texte qui met l’accent sur laquestion des chaînes d’accord, et néces-site d’en assurer la continuité tout aulong de la dictée.(...)Ce diagnostic fait mal, d’autant que l’or-thographe, plus qu’aucun autre sujet enmatière d’éducation - à l’exceptionpeut-être de l’enseignement de l’histoi-re - est prompt à déclencher les pas-sions : on l’a vu au printemps, avec lacontroverse sur des “rectificationsorthographiques” (accents circonflexes,traits d’union...) qui ont réveillé nosImmortels de l’Académie française alorsque cette prétendue réforme remontait...à 1990.”Soyons au moins reconnaissants auministre de l’éducation nationale quivient d’instaurer “un exercice désormaisquotidien de dictée”.

Deux ouvrages recommandés auxfidèles aux sources :Gilles Siouffi, Alain Rey De la nécessité du grec et dulatin, Flammarion, 2016. Pierre Laurens Les Mots latins pour Mathilde. Les Belles Lettres, 2016. Et voici ce qu’écrit à ce sujet P. M.dans Le Point : “On le sait, depuis laréforme du collège de 2016, le latinet le grec ont été relégués au rangd’Enseignement pratique interdisci-plinaire (EPI). Autrement dit, ceslangues ont rejoint le banc des rem-plaçants, ou plus exactement, desbouche-trous. Seraient-elles doncdépassées, superflues, obsolètes,“mortes” ? Pas pour Gilles Siouffi,professeur de la langue française àla Sorbonne, et Alain Rey, qui lesdéfendent avec enthousiasme dansDe la nécessité du grec et du latin,pas pour Pierre Laurens, spécialistede la littérature néo-latine, quidéveloppe sa plaidoirie dans LesMots latins pour Mathilde.”

les hiéroglyphes aussi...

Un tout jeune élève de 4 ans m’a remisce petit billet plié en quatre aumoment où je quittais l’EcoleMontessori de Grasse. Je venais d’ydonner un atelier de hiéroglyphesmonolitères à l’aide de tampons... J’aipu immédiatement déchiffrer :“Bisous”

L’orthographe rectifiée;Le guide pour tout com-prendre. Présenté parBernard Cerquiglini.Librio, Le Monde, 2016.

Qui veut la peau du circonflexe ? Des défenseurs du“nénuphar” aux détracteurs du “règlement”, la polé-mique manifeste l’attachement profond des Français àleur langue. Rien d’arbitraire, pourtant, dans cette réfor-me. Du XVIIe siècle, qui vit l’Académie française choisirune norme orthographique, au XIXe siècle, la langue etson orthographe n’ont en effet cessé d’évoluer, le plussouvent sous la pression des usagers plutôt que de l’État.C’est ce que rappelle le linguiste Bernard Cerquiglini, quidirigea la Délégation générale à la langue française, dansune fascinante exploration de cette passion française :évoluer est bien le propre d’une langue vivante.Lire aussi : “Aux accents, citoyens ! la résistance à laréforme de l’orthographe” par Edward Ousselin dans TheFrench Review, vol. 77, n° 3, February 2004, USA.

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L’arbre des alphabets, une affiche boudée ?

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L’affiche serait-elle trop colorée ? Trop riche-ment illustrée ? Je ne sais pas pourquoi les visiteursde notre stand s’en désintéressent.

Elle est pourtant éducative. A sa prochainevente dans le cadre de nos activités nous la ven-drons 5 €.. Les adhérents qui souhaitent nous aiderà la diffuser sont priés de se faire connaître.

Il lui est arrivé une mésaventure : lemédaillon contenant le poème d’amour d’IbnZamrak, qui figure dans l’Alhambra à Grenade, a étéimprimé tête en bas... Mais nous avons fait le néces-saire et imprimé un nouveau tirage.

Cette affiche résume la démarche qui consis-te à faire remonter l’invention des signes alphabé-tiques à l’Égypte. Cet itinéraire est désormais adop-té par les historiens de l’alphabet et les égyptolo-gues.

Et comme vous pouvez le constater, l’alpha-bet né à Ougarit n’a pas été oublié. Il apparaît trèstôt. Mais s’il sert à composer des textes précieux etriches, retrouvés dans les archives de la villed’Ougarit, il n’a pas donné de descendants.

latin cyrilliquegrec

samaritain

phénicien

syriaquehébreu arabe

paléo-hébreu

étrusque

ougaritique

araméennéo-punique

proto-cananéen

proto-sinaïtique

égyptien

Au IXe s. avant J.-C. les Grecs convertissent en voyelles des signes consonantiques phéniciens, inutiles pour noter leur langue.

Au IXe s. après J.-C., pour les textes sacrés, sur le modèle du syriaque, on rajoute en hébreu et en arabe à la base consonantique employée dans l'usage cou-rant, des signes notant les voyelles.

Le système d'écriture alphabétique a été inventé vers 1800 avant J.-C. par des peuples du sud de Canaan ou du delta oriental du Nil, qui parlaient une langue sémitique. A l'écriture égyptienne ils ont emprunté des signes auxquels ils ont donné une valeur phonétique différente. Seuls les sons consonantiques sont notés.

Empreinte du sceau de Shema, serviteur du Roi Jérobo'am.Meguido, VIIIe s. av. J.-C.

Alphabet incisé sur un petit vase.Viterbe, VIIe av. J.-C.

Rouleau de la Thora

Inscription sur un cippedu Comitium.Rome, 580-570 av. J.-C. Broderie "Miracle de

l'Archange Michaël".Couvent de la Trinité Saint Serge, Zagorsk, fin XVe s. ap. J.-C.

Vase de Dipylon, quartier des potiers d'Athènes.

Ve s. av. J.-C. Manuscrit de la mer Morte : Com-mentaire du prophète Habakouk

Poème d'Ibn Zamrak. Relief de stuc, Alhambra de Grenade.XIVe s. ap. J.-C.

Codex syriacus.MonastèreSainte-Catherine, Sinaï, IVe s. ap. J.-C.

Stèle votive dédiée à Tanit.Carthage, IIIe s. av. J.C.

Banquet funéraire du prêtre Agbar.Neirab (Syrie), VIIe s. av. J.-C.

Inscription en écriture alphabétique linéaire sur le sarcophage d'Ahirom, roi de Byblos ; la plus ancienne et la plus complète qui nous soit parvenue.Xe s. av. J.-C.

Exercice d'écolier : sur la ligne du bas sont réunies, de gauche à droite, les 22 lettres de l'alphabet linéaire d'Izbet-Sartah.XIIe s. av. J.-C.

Sphinge découverte dans le temple de Sérabit el-Khadim, dans les mines de turquoise et de cuivre.XVIIIe s. av. J.-C.

Empreinte de sceau-scarabée. Cana'an, XVIIIe s. av. J.-C.

Les Hyksos ont-ils inventé l'alphabet ?

Le singe sacré de Thot protégeant le scribe Nebmeroutef.

Vers 1400 av. J.C.

Abécédaire cunéiforme de 30 signes. Il atteste l'ordre des lettres déjà fixé au XIIIe s. av. J.-C. Ras-Chamra.(Syrie)

ProtosinaïtiqueOugaritiqueHyksos

Egyptien

Phénicien LinéairePaléo-hébreu

AraméenPunique

SamaritainArabe

Hébreu

ArménienLatinBerbère

CyrilliqueGrecProto-CananéenEtrusque

500 100001500200025003000© Association Alphabets. Graphisme : Arnaud MISTRE - www.alphabets.org

L'arbre des alphabets

ISBN13 : 978-2-9519479-7-9

Dépôt légal n° 685 – Août 2013 – Imprimerie Baud

Rouleau de la Thora Mont Garizim, Samarie (Palestine)

Inscription sur un cippe du Comitium. Rome, Italie. 580-570 av. J.-C. Broderie "Miracle de

l’Archange Michaël". Couvent de la Trinité Saint Serge, Zagorsk, Russie. Fin XVe s. ap. J.-C.

Vase du Dipylon, quartier des potiers d’Athènes,Grèce.

Ve s. av. J.-C.(Musée national

archéologique d’Athènes)

Commentaire du prophète Habacuc. Ms de la mer Morte. Ier s. av. J.-C.

(Jérusalem, musée Rockefeller)

Poème d’Ibn Zamrak. Relief de stuc. Alhambra de Grenade, Espagne. XIVe s. ap. J.-C.

Codex syriacus. Monastère Sainte-Catherine, Sinaï, Egypte.IVe s. ap. J.-C.

Empreinte du sceau de Shema, serviteur du Roi Jérobo’am. Meguido, VIIIe s. av. J.-C. (Jérusalem, Musée d’Israël)

Alphabet grec archaïque sur un petit vase étrusque Viterbe, Italie. VIIe av. J.-C. (N.Y. Metropolitan Museum of Art)

Stèle votive dédiée à Tanit. Carthage, Tunisie. IIe-IIe s. av. J.-C.(Paris, BnF Département des Monnaies, médailles et antiques)

Stèle funéraire de Si’gabbor, prêtre du dieu Lune.Neirab, Syrie. VIIe s. av. J.-C. (Paris, musée du Louvre, AO3027) © RMN-Grand Palais/F. Raux

Abécédaire cunéiforme de 30 signes. Il atteste l’ordre des lettres déjà fi xé au XIIIe s. av. J.-C. Ras-Shamra, Syrie. (Musée national de Damas)

Exercice d’écolier. Sur la ligne du bas, de gauche à droite, les 22 lettres de l’alphabet linéaire. Izbet-Sartah, Canaan. XIIe s. av. J.-C.(Jérusalem, Musée d’Israël)

Sarcophage d’Ahirom, roi de Byblos portant une inscription alphabétique linéaire. Byblos, Phénicie. Xe s. av. J.-C.(Musée national de Beyrouth)

Sceau-scarabée hyksos.Canaan, XVIIIe s. av. J.-C.(Collection association Alphabets)

Le scribe royal et prêtre-lecteur en chef Nebméroutef et Thot, dieu de l’écriture.

Egypte, règne d’Aménophis III, 1391-1353 av. J.-C.(Paris, musée du Louvre, E11154) © RMN/ G. Blot

Sphinge portant une inscription bilingue (égyptien et protosinaïtique) Temple de Sérabit el-Khadim, mines de turquoise. Sinaï, Egypte. XVIIIe s. av. J.-C.(Londres, The British Museum, n°41748)

Délégation à la langue française

et aux langues de France

Cette affiche résume l’histoire racontée dans le livre quej’ai publié, il y a déjà quelques années, sous le titre Notrealphabet prend ses racines en Égypte. AssociationAlphabets, 2011.

Désormais elle sera offerte à tout adhérent de l’associa-tion qui achètera le livre.

Comme vous pouvez le voir, la base du tronc de l’arbreest composée de deux niveaux :

- Rez-de-chaussée : les signes égyptiens idéographiquespour “boeuf” “maison”

- Premier étage : les signes protosinaïtiques alphabé-tiques inspirés des signes égyptiens.

Rina VIERS Notre alphabet prendses racines en Egypte. AssociationAlphabets, 2011.

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Nos meilleurs vœux pour l’année 2017 décorés d’un oiseau...

Nos cartes savantes, impriméessur papier façon papyrus, destrois oiseaux : vautour, poussinde caille et chouette, dormentdans un carton.

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Mais l’affiche Alphabets méditerranéens est commandéepar téléphone de Londres, d’Allemagne, d’Aix laChapelle, d’Italie et d’Espagne. Ci-contre, la joie de cellequi l’a reçue comme cadeau de fin d’année.

Les adhérents dont j’ai pu garder les adresses courriel ont reçu un cartonvirtuel avec cette hirondelle. Il s’agit d’une vignette qui figure dans le Livredes Morts à côté d’une formule pour se métamorphoser en oiseau dansl’au-delà.Cette année, je dois terminer le livre intitulé Les oiseaux, signes d’écritureen Mésopotamie et en Egypte mais aussi préparer l’après-midi consacré àl’Oiseau et le Roseau.En attendant les adhérents peuvent acheter des sets de cartes d’oiseauxque nous avons imprimées, au prix préférentiel de 6,00 euros les trois car-tes accompagnées des enveloppes en velin ivoire. Ci-dessous, les cartesqui contiennent des renseignements de trois catégories : épigraphie, orni-thologie et art.

Carte de calligraphie trilingue.Le mot “paix” tracé par HassanMassoudy. 1,00 euro.

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Spectacles au théâtre, rencontres, conférence et table ronde

La Table Ronde “Les intraduisibles des trois monothéismes :Dieu, le livre, l’incroyant” dans le cadre de l’exposition AprèsBabel : traduire, à Marseille. Une merveilleuse exploration dansle monde des religions grâce à des chercheurs et penseurs triés surle volet, venus de plusieurs continents. Merci à Barbara Cassin d’a-voir organisé cet événement.

Les rencontres d’Averroès à Marseille, au théâtre de laCriée du 10 au 13 novembre 2016 ”Surmonter la faille ?”J’ai assisté à la présentation du Dictionnaire de la Méditerranéemais hélas les langues n’y figurent pas... encore moins les écritu-res. Tout le travail reste à faire. Il faut dire cependant que j’étais heureuse d’assister pour la pre-mière fois à ces rencontres “qui veulent entretenir le dialogue entreles rives de la Méditerranée”. Thierry Fabre, chercheur et essayiste,est le créateur et l’âme de ces rencontres qui se déroulent àMarseille depuis 1994. “Tant qu’on se parle, on ne se tue pas”.La première conférence du Collège de Méditerranée Qu’est-ceque l’Islam a changé à la Méditerranée par Julien Loiseau endialogue avec Sobhi Bouderbala était un hommage à la contribu-tion des Arabes à l’Occident au Moyen-Âge. Splendide !

Quand Vladimir Jankélévitch a échangé des lettresavec son ami Louis sur scène au théâtre duLucernaire, en décembre 2016, à Paris.Je ne saurais trouver les mots pour remercier avecl’enthousiasme qu’a suscité Bruno Abraham-Kremerqui a monté ce spectacle. Ce n’est pas seulement lagrandeur et la modestie de ce scientifique que Brunoa mis en scène mais son âme, ses hésitations, sesrevendications, ses cris. Aussi je préfère transcrire icila présentation : “Ecouter la correspondance de“Janké”, comme l’appelaient ses élèves, c’est plongerdans l’intimité d’un grand penseur, traverser à sescôtés tout le XXe siècle, avec ses ombres et ses lumiè-res, en partageant son amitié épistolaire avec LouisBeauduc. Ils ont 20 ans en 1923, et sont élèves àNormale Sup, lorsque débute cet échange de lettresqui durera 60 ans. Toute une vie en lettres, depuis sespremiers élans philosophiques, jusqu’à la puissancede sa maturité, avec, pour ultime preuve de sa libertéd’esprit, le retournement qu’il opère à 77 ans. Lui quiplaçait plus haut que tout la culture allemande, maisqui avait rompu avec l’Allemagne après la secondeguerre mondiale et les crimes de la Shoah, inaugureune “ère nouvelle” en répondant à la lettre d’un jeuneprofesseur allemand, qu’il invitera chez lui. “Seulcompte l’exemple que le philosophe donne par sa vieet dans ses actes.” Oui, Jankélévitch, philosophe,musicien, professeur de Morale, recherchait “l’accordparfait” entre ses idées et ses actes. Plus que jamais, ilnous aide à vivre. Il est urgent de continuer à l’écou-ter.”La note d’intention rédigée par Bruno Abraham-Kremer, l’interprète, me semble résumer au mieux sontravail d’acteur. “Avec Vladimir Jankélévitch, je retro-uve ce que j’aime passionnément dans l’être humain,une adéquation parfaite entre les idées et les actes,une pensée en mouvement, une vitalité, un humour,une liberté de penser le monde sans préjugés, refu-sant toutes les chapelles intellectuelles de son temps.Un appel à notre intelligence, une invitation à deve-nir “l’acteur” de notre vie, à ne jamais désespérer del’homme.”

Merci encore, Bruno, un grand merci et bravo !

Quand Pascal discute avec Descartesau théâtre de la Croisette à Cannes le 20 octobre 2016

“Nul ne sait ce que se sont dit les deux philosophes les plus célè-bres de leur temps lors de leur rencontre à Paris, dans le Couventdes Minimes, le 24 septembre 1647. Un entretien à huis clos, durantplusieurs heures. Blaise Pascal avait alors 24 ans et était déjà trèsmalade et René Descartes, bon vivant, avait 51 ans. De cet entre-tien historique dont rien n’a filtré, sinon quelques notes, la plumebrillante de Jean-Claude Brisville a imaginé librement une conver-sation entre deux hommes qui se découvrent progressivement, àl’opposé l’un de l’autre. Ces lointaines paroles échangées entre lejeune Pascal possédé par sa foi janséniste et Descartes, qui s’affir-me en scientifique pragmatique apparaissent comme un exactmiroir de notre époque. Au service de ce fascinant débat entre foiet raison, les Mesguish, père et fils, sont remarquables. Daniel - quicréa le rôle du jeune Pascal au Théâtre de l’Europe - incarneaujourd’hui un Descartes joyeux et vieillissant et William, un Pascalau charisme fiévreux. Passionnant.” (Aurore Busser, Nice-Matin).Après le spectacle, le public a pu échanger avec les acteurs, à mongrand bonheur. En effet, j’avais appris les idées de ces deux pen-seurs avec mon professeur de français, Charlotte Wardi, au Lycéede l’Alliance Israélite Universelle à Haifa, quelques années après salibération du camp d’Auschwitz. Je me souviens même comment,pour rendre plus vivant son cours, elle nous citait la phrase quePascal avait cousue dans son vêtement “Joie, pleurs de joie”, ensouvenir du jour où il avait découvert la Foi.

12 ALPHABETS - Informations - n° 82 4e trimestre 2016

Dionigi Albera, Maryline Crivello etMohamed Tozy (sous la direction de)en collaboration avec GisèleSeimandi Dictionnaire de laMéditerranée. Actes Sud, 2016.

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Expositions visitées avec beaucoup d’intérêt

A l’école des scribes. Les écritures de l’Egypte ancienne

à MONTPELLIER Musée Henri Prades, Lattes.Jusqu’au 7 janvier 2017Il faudrait prolonger cette exposition.Mais à défaut, le catalogue rend bienles richesses de son contenu.Quelques titres du sommaire :- Tableau diachronique présentantles différentes écritures égyptiennes- Eléments de paléographie hiéra-tique.- hiéroglyphes; quelques réflexionssur l’écriture des anciens Egyptiens.D’Abydos à Philae et au-delà. A lapoursuite des hiéroglyphes...- Une caverne d’Ali Baba, la docu-mentation hiératique des anciensEgyptiens.- Les écritures cryptographiques etptolémaïque. Quand un signe peuten cacher un autre.- Le signe en tant qu’individu- Une écriture vivante et dynamique- Le programme VEgA. Vocabulairede l’Egyptien ancien.- Les hiéroglyphes égyptiens vus parles auteurs arabes du Moyen Age oul’Aura du passé pharaonique - Des rives du Nil antique aux

réseaux sociaux : les écritures numé-riques au prisme des hiéroglyphes

- - -Jean-Marc Lerouge m’a conduitejusque là pour écouter la conférenceremarquable de Frédéric Servajean.

L’histoire commence enMésopotamieau LOUVRE-LENSJusqu’au 23 janvier 2017Au sommaire du catalogue :- L’histoire commence-t-elle enMésopotamie ?- (Re)découvrir la Mésopotamie- L’économie mésopotamienne- Un monde religieux- Premières villes- Première écriture- Premiers rois, premières dynasties- Premiers empires- Voyage imaginaire de la Mésopotamie à l’Irak

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Il va sans dire que l’exposition arrive à unmoment dramatique de notre histoire,quand des ravages sont en train de fairedisparaître les trésors de la Mésopotamie. Il semblerait que la tâche des musées estnon seulement la conservation mais la miseen valeur des œuvres de nos ancêtres.Cette exposition a poussé très loin cettemission. Si nous ne pouvons rien faire pourempêcher la disparition des œuvres, nouspouvons au moins en étudier l’intérêtscientifique et la valeur esthétique. Que soit remerciée ici, Sophie Rosenstingl,adhérente de l’association Alphabets, quim’a conduite jusqu’à Lens et partagé avecmoi la visite hautement instructive

Après Babel : traduireAu MuCEM à MARSEILLEJusqu’au 20 mars 2017Quelques thèmes abordés dans l’expo-sition:1. Babel, malédiction ou chance ?Le mythe de BabelPolitiques de la langue, politiques de latraduction2. Les flux et les hommesLes routes de la traductionTraduire la parole de Dieu ?3. Traduisibles/intraduisiblesL’intraduisible corps des languesEntre le même et l’autre.

- - -Au début de l’exposition très vivante,des lèvres colorées babillent en plu-sieurs langues nous donnant envie dedialoguer aussi avec les visiteurs. C’estce que j’ai fait avec un journaliste, avecle gardien qui marchait sur des cartesplacées par terre, avec Barabara Cassin,commissaire de l’exposition venue làpour vérifier l’éclairage. J’ai admiré lesmanuscrits et les livres rares prêtés par laBnF dans plusieurs langues, découvertune nouvelle Bible polyglotte et entendula lecture merveilleuse du texte de laGenèse traduit par Henri Meschonnic, lupar Daniel Mesguich tandis que le textequi défile sur l’écran de l’ordinateur étaitcelui de la Vulgate.

- - -Jean-Pierre Baux m’attendait à la sortiepour échanger nos impressions.

Et si vous ne savez pas encore tout sur la tour de Babel,lisez l’article de Francis Joannès dans Histoire et civilisationn°22. “L’énigme des ziggourats. La Tour de Babel” p. 22-29. Jean-Jacques Glassner la nomme zikkourat en raisonde son étymon z.k.r = “dressé” comme en hébreu, ferontleurs révisions sur le nom différent de cette tour en sumé-rien : Etemenanki, c’est-à-dire le “temple fondement duciel et de la terre”. Ci-contre, le sceau babylonien quimontre une ziggourat à cinq terrasses et la figure d’un dieuou d’un prêtre. XIIIe siècle avant J.-C. (Musée desAntiquités du Proche Orient, Berlin.)

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Page 14: BULLETIN n°82 BULLETIN 60 14/01/17 14:20 Page1 …(2015), présenté au Festival du Livre de Mouans-Sartoux. Surprise par le titre, heureusement que j’ai pu m’enquérir avant

L’histoire commence en Mésopotamie. De Sumer à BabyloneMusée du LOUVRE-LENS jusqu’au 23 janvier 2017cf. article paru dans Sciences et Avenir Horssérie avril-mai 2016

Expositions à voir

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Après Babel : traduireau MuCEM à MARSEILLE.jusqu’au 20 mars 2017

Nous et les autres.au Musée de l’Homme à PARISdu 31 mars 2017 - 7 janvier 2018

Khaemouaset, le princearchéologue. Savoir etpouvoir à l’époque deRamsès II.ARLES. Musée départe-mental Arles antiquejusqu’au 22 janvier2017

Pour sa première grande expositiontemporaire, le Musée de l’Homme tapefort et questionne le racisme dans nossociétés. Nous et les autres, des préju-gés au racisme.

Le Mémorial de la Shoahconsacre une grande expositionà la représentation de la Shoahdans la bande-dessinée, du 19janvier au 30 octobre 2017.Avec "Shoah et bande dessinée :tabou ou totem ?", le muséeinterroge et explore la percep-tion du génocide juif à traversdes bandes-dessinées de touttype, des comics américains à labande-dessinée belge.

La Fête du Graphisme revient du 11 janvier au 22février 2017 avec une nouvelle identité, le GraphicDesign Festival ! Pendant 5 semaines, Paris deviendra lacapitale du graphisme avec des dizaines de designersgraphistes à l'honneur dans les hauts-lieux de la capita-le, pour des événements inédits.

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Nos points de vente en France et à l’étranger

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BruxellesMusée royaux d’art et d’histoireAmsterdamLibrairie AthenaeumJérusalem - Musée des Pays de la BibleCitadelle Shop, Porte de Jaffa

Aix en Provence - Librairie de ProvenceBeaulieu-sur-Mer - Boutique de la villa grecque KérylosFigeac - Musée Champollion - Ecritures du MondeLyon Musée de l’ImprimerieMarseille - MuCEM, Librairies : les Arcenaux, L’Odeur du TempsMontauban : Librairie DelocheMontolieu - Musée des arts graphiquesNantes - Musée de l’ImprimerieNice - Musée archéologique de Nice Cemenelum, Librairie Quartier latinNîmes - Boutique des ArènesOrange - Boutique du Théâtre antiqueParis - Musée du Louvre, Musée d’art et d’Histoire du Judaïsme, Institut duMonde Arabe, Mundolingua - Musée des langues, Papeterie Grim’Art,Librairie Attica, FNACToulouse - Librairie Ombres blanchesTourettes-Levens - Musée de PréhistoireSaint-Christol-lez-Alès - Musée du Scribe

Musée archéologiquede Nice-Cemenelum

Théâtre antique d’Orange

Arènes de Nîmes

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“Alphabets Informations” est le bulletin trimestrielpublié par l’association Alphabets (loi 1901, J.O. du30.01.1991) pour ses adhérents. Directrice de la publication : Rina Viers

OBJECTIFSRégie par la loi de 1901 sur les associations à but non lucratif, Alphabets a été fondée le 5 janvier 1991 pour- Diffuser l’histoire de l’écriture et du livre à travers le monde au moyen d’expositions itinérantes.- Organiser toutes manifestations culturelles, notamment des conférences illustrées sur le sujet.- Créer des supports visuels tels que des programmes informatiques ou des films pour illustrer cette histoire à la lumière desdernières recherches en épigraphie, en archéologie, et dans les sciences du langage.- Apporter notre soutien aux campagnes d’alphabétisation dans le monde.- Susciter une réflexion sur les expressions graphiques – moyens de communication – et leur lien avec l’esprit deslangues, leur spécificité, le patrimoine culturel et artistique qu’ils constituent, pour une meilleure compréhension entre les peuples.Tarifs des cotisations* Membre d’honneur : participe activement à la promotion de l’association Alphabets et autorise à citer son nom publiquement dans la presse ou en d’autres occasions.* Membre actif : 25 € * Étudiant, sans emploi ou retraité : 3 € * Membre bienfaiteur : 50 € et plus La cotisation est valable un an, à compter de la date d’adhésion.

Pour adhérer, envoyez vos coordonnées et votre cotisation à : Association Alphabets, Parc Saint Maur Les Dahlias, 16 avenue Scuderi 06100 NICE.

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Siège social : Parc Saint-Maur - Les Dahlias

16 avenue Scuderi06100 NICE

Les adhérents peuvent venir consulter les livres de notre fonds documentaireuniquement sur rendez-vous.

Téléphone : 04 93 53 63 13 06 86 07 51 63

Courriel : [email protected]

La correspondance doit être adressée au siège social de l’Association.

BONNE ET HEUREUSE ANNÉE 2017AGENDA PRÉVISIONNEL

L’association Alphabets fait partie du réseauAnna Lindh en raison de ses activités quivisent à une meilleure compréhension entreles peuples de la Méditerranée mais elle nereçoit pas de subvention de cette Fondation.

25 avril 2017 Conférence à la Bibliothèque de Stuttgart ALLEMAGNE

“Les origines de l’alphabet”Samedi 20 mai 2017

Bibliothèque Municipale à Vocation Régionale LouisNucéra, NICE

L’oiseau et le roseauAprès-midi consacré aux

Outils et supports d’écritureet aux oiseaux, signes d’écriture

Conférenciers prévus :Philippe ABRAHAMIPascal VERNUSRina VIERSet d’autres

Dimanche 28 mai 2017l’association Alphabets au

Forom des langues du monde à ToulouseJuin-septembre 2017

L’exposition D’où vient notre alphabet ? au Musée du Terroir et du Patrimoine

à La Cadière d’Azur

Délégation à la langue française et aux languesde France

Composition du bureau de l’association Alphabets

Président d’honneur : André LEMAIREPrésidente-fondatrice : Rina VIERS

Trésorière : Gisèle DOSSSecrétaire : Dominique BOUREL

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