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Volet II Dossier II CAHIER N O 9 = LA JUSTUCE POUR UNE RECONCILIATIION NATIONALE ----------------------------------------------------------------- ----------------------------------------- PRESENTATION DU NUMERO REDACTION Le numéro précédent portait sur l’histoire du Rwanda. Le but était de montrer qu’elle a été manipulée, avec le souhait qu’il faut la ré- écrire à nouveaux frais. Ce thème général de toute une année a été développé en 4 numéros. Cette question d’une histoire manipulée contenait déjà un souci de justice. Le thème général de cette année 1998 suit, tout naturellement, ce précédent, comme une position directe du problème global. Nous allons donc avoir, s’il plaît à Dieu, 4 numéros qui vont toucher les divers aspects de cette question de la justice, telle qu’elle se présente au Rwanda à l’heure qu’il est. Avant d’indiquer les diverses contributions qui le composent, il est important d’en manifester la problématique. Faisons-le en explicitant ici les sous-thèmes implicites. Pour beaucoup, parler de la justice au Rwanda, c’est parler indirectement du génocide, avec ses préparatifs et ses suites. Pour d’autres, c’est parler de l’impunité. En réalité, le génocide a commencé en 1959. En effet, c’est surtout depuis cette époque que les Tutsi ont été tués sans aucune poursuite de leurs bourreaux. Bien au contraire, ces criminels étaient récompensés pour avoir bien « travaillé ». Pour certains, la justice vise le pouvoir raciste des deux premières républiques qui ont organisé l’injustice comme mode de gouvernement. La première porte cette justice dans le nom et le programme du Parme Hutu, parti sous la bannière de laquelle

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CAHIERS NO21= LA POESIE TRADITIONNELLE : IBISIGO

Volet II

Dossier II

CAHIER NO 9 = LA JUSTUCE POUR UNE RECONCILIATIION NATIONALE

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PRESENTATION DU NUMERO

REDACTION

Le numro prcdent portait sur lhistoire du Rwanda. Le but tait de montrer quelle a t manipule, avec le souhait quil faut la r-crire nouveaux frais. Ce thme gnral de toute une anne a t dvelopp en 4 numros. Cette question dune histoire manipule contenait dj un souci de justice. Le thme gnral de cette anne 1998 suit, tout naturellement, ce prcdent, comme une position directe du problme global. Nous allons donc avoir, sil plat Dieu, 4 numros qui vont toucher les divers aspects de cette question de la justice, telle quelle se prsente au Rwanda lheure quil est.

Avant dindiquer les diverses contributions qui le composent, il est important den manifester la problmatique. Faisons-le en explicitant ici les sous-thmes implicites. Pour beaucoup, parler de la justice au Rwanda, cest parler indirectement du gnocide, avec ses prparatifs et ses suites. Pour dautres, cest parler de limpunit. En ralit, le gnocide a commenc en 1959. En effet, cest surtout depuis cette poque que les Tutsi ont t tus sans aucune poursuite de leurs bourreaux. Bien au contraire, ces criminels taient rcompenss pour avoir bien travaill. Pour certains, la justice vise le pouvoir raciste des deux premires rpubliques qui ont organis linjustice comme mode de gouvernement. La premire porte cette justice dans le nom et le programme du Parme Hutu, parti sous la bannire de laquelle lEtat a gr les affaires du pays: la politique de lexclusion du non-hutu. Cest sous ce rgne que lethnicit a supplant la citoyennet rwandaise. Ce programme a t achev sous la deuxime rpublique. Le droit inalinable la patrie de ses anctres a t dni aux rfugis sous prtexte de lexigit du territoire national. Et finalement, le droit la vie a t ni par lorganisation du gnocide, de la part mme du pouvoir aux mains du hutu-power. Il nen manque pas pour dire que, en fin de compte, linjustice relve dune conspiration internationale de certaines puissances coloniales.

Cette conspiration ce lit dans les faits suivants: la colonisation belge, lappui inconditionnel de la politique africaine de la France au rgime de la deuxime rpublique, les manquements graves de la communaut internationale dans tout le processus qui a permis la consommation tranquille du gnocide, la couverture militaro-humanitaire qui a protg et protge encore les criminels; une certaine opinion internationale qui continue le gnocide sous forme de double gnocide ou de paralysie de laide conomique ncessaire pour le relvement de lconomie dlabre de ce pays.

Dans le cadre gnral de cette anne, le prsent numro met laccent sur la justice comprise une certaine hauteur, comme vol doiseau. Il faut, demble, regarder la question dans toutes ses dimensions, en avoir une vue panoramique, somme toute dfinitive. La justice pour notre pays doit aboutir la rconciliation. Cest le but. Les contributions vont montrer les conditions de ralisation de cet objectif final. Nous aurons ainsi les articles suivants:

Le premier est comme un flash qui indique les enjeux pratiques. Il comprend le dossier de lassociation SURVIE et le le rapport de la missions au Rwanda de Michel ROCARD. Le second article est sign par la sur Marie-Paul-Emmanuel AZIYA qui nous dit comment sa foi lui permet dinterprter le gnocide dans le sens qui en fait un martyre au sens chrtien pour ses victimes. La troisime contribution signe par Bernardin MUZUNGU, o.p., prsente la figure du roi Mibamwe Gisanura, comme modle du dirigeant qui a pratiqu la justice proche du plus petit membre de la socit, linstar du roi Salomon. Le dernier article de Grard NYIRIMANZI qui vient point nomm, rappelle le rle jou par larme traditionnelle comme condition sine qua non dun ordre social juste, dans tout le pays. Avec les adaptations ncessaires, ce rle demeure impratif et mme plus accru pour aujourdhui. Le prochain numro entrera dans le dbat actuel sous les aspects directement pratiques. Nous prions nos lecteurs de bien accueillir ce numro en lhonneur de leur fidlit. Vos observations sont toujours les bienvenues.

LA NOUVELLE STRAREGIE DU DOUBLE "GENOCIDE"

Bernardin MUZUNGU o.p.

0. INTRODUCTION

La justice. Au Rwanda aprs gnocide faire la justice est la question numro un! Tout le monde en parle en sens divers souvent opposs. Le prsent propos offre nos lecteurs deux documents qui vont surprendre plus dun dans un sens comme dans lautre. Les deux manent du mme milieu franais et prsentent un point de vue diffrent de celui de leur gouvernement. Le titre de double gnocide sera expliqu par ce double dossier. Il est important de remarquer que la malice particulire de ce "double gnocide" est que cette stratgie du match nul constitue un "deuxime gnocide moral des mmes par les mme". Cest cette ide quil faut garder lesprit en lisant ces deux documents.

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Le plus symptomatique est le " rapport de la mission de Michel Rocard au Rwanda du 28 Aot au 1 Septembre 1997". Lauteur parle en tant que "prsident de la commission pour le dveloppement et la coopration du parlement europen". Nous nignorons pas quil fut premier Ministre franais du gouvernement socialiste. Quoi de plus connatre la politique africaine de la France du prsident Mitterrand? Avant lui nous allons couter le tmoignage de deux associations franaises; Agir et Survie: " Ces deux associations ont organis une rencontre de Biarritz dans le cadre de la coalition pour ramener la raison dmocratique la politique africaine de la France". De cette rencontre un livre compte-rendu vient dtre publi aux ditions Karthala (1995); lAfrique Biarritz avec sous titre :La mise en examen de la politique franaise. Faute de citer tout un livre nous allons prsenter un dossier qui sinspire de cette rencontre.

1. LE DOSSIER DE LASSOCIATION SURVIE"

Dans sa lettre Mensuelle lAssociation SURVIE publie un dossier gnocide ( N53. Dc. 1997 p.5-6). Les auteurs de ce document le prsente comme un tissu de citations. Nous avons t reus < en janvier 1992> par un responsable franais; Paul Dijoud . Il nous a dit: Si vous narrtez pas le combat, < > vous ne reverrez pas vos frres et vos familles, parce que tous auront t massacrs ( Avertissement Paul Kagame Vice-prsident et Ministre de la dfense du Rwanda, dans un Interview au Figaro du 2211). Paul Kagame menait alors une visite officielle du F P R Paris. Paul Dijoud Directeur - Afrique du Quai dOrsay tait un proche de Jean CHRISTOPHE Mitterrand. Dans les trois premires semaines du gnocide de 1994; avec des ordres clairs et des effectifs, nous aurions pu empcher le gnocide () par la suite, lONU sest montr coupable de ne pas > avoir spar les rfugis civils des miliciens et des Ex-militaires hutu; qui crent linstabilit dans la rgion > (Bernard MIYET, Secrtaire gnral adjoint de lONU, en charge des oprations de maintien de la paix; intervention au colloque de Dakar sur le maintien de la paix co-organis par la France et le Sngal, cit par le Figaro du 22/10/1994).

. ( Filip Reyntjens; historien belge; spcialiste de la rgion des Grands Lacs; Tmoignant au Tribunal dArusha le 14/ 10 A ce compte-l, tous ceux qui, depuis un sicle, ont engag une lutte arme seraient politiquement co-responsables dun gnocide potentiel. A ce compte, Filip Reyntjens qui conseilla longtemps le rgime dApartheid du gnral Habyarimana, serait co-responsable intellectuel du gnocide. On peut aussi accuser linventeur de la machette et celui de la mdecine contraceptive; responsable du boom dmographique, etc. Faut il rappeler lminent professeur que la responsabilit dun gnocide tient la conception dun projet dextermination et de participation son excution> ? Finalement, au gnocide perptr par les Hutu au Rwanda en 1994, a succd, deux ans plus tard, le gnocide des rfugis civils hutu par les Tutsi congolais et rwandais > (dit Gilbert Perrin dans La Viedu 30.10.1994).Exactement. Et je me demande jusqu quand, notre sentiment de culpabilit collective, parce quon na pas su, voulu ou pu prvenir le gnocide de 1994, va servir de laissez- passer pour dautres crimes aussi horribles que les prcdent (Emma Bonino, Commissaire europen lAction humanitaire ibid.).

(Charles JOSSELIN. Ministre de la coopration, Interview Ouest- France du 17/ 10).

Lhabilet du discours, en double trompe lil; nen fait que ressortir lindignit. On ne stendra pas sur lexercice dsormais classique qui consiste. partir dun plusieurs indfini (centaines de milliers) soutenir (sans employer de terme) la thse du "double. On ne croyait pas que Charles Josselin mangeait de ce pain sduit tant de monde entre Paris. Bruxelles et le Vatican (le triangle pro-Habyarimana).Mais le double le gnocide selon Josselin a une suite miraculeuse: un double non lieu; solidaire; des Franais et des Amricains. Avec cet argument apparemment imparable: ni les uns ni les ne tenaient les machettes. Ni Goebbels; ni Hitler ne fermaient eux-mmes les portes des chambres gaz.

On peut ordonner un crime ou en tre complice. IL est donc pas hors sujet de chercher savoir de quoi et en quoi certaines autorits franaises et amricaines ont t complices; les unes propos du gnocide de 1994 (avant; pendant et aprs) les autres autour des crimes contre lhumanit de 1996-1997 dans lex-Zare. Dans ce dernier cas; Washington fait preuve dun zle trs modr. Ce qui transparat des propos de Charles Josselin; Cest que Paris misera au maximum sur cette gne amricaine pour retarder lpreuve de vrit>.Drancy avenir > est un film pauvre en certitudes; du moins est fond sur lide que la seule mesure de lhumanit; cest notre inhumanit. Qui pense le cest notre que jaurais tendance qualifier de criminelle (Arnaud des Palires; ralisateur de Drancy avenir; un film dexception sur la shoah. Interview au Monde du 13 11). Cest sans doute cette innocences criminelle "qui interdit daccepter la vrit sur le gnocide: dabord; quil ait pu avoir lieu; concrtement; ensuite; que tant dtres humains et devenir partie prenante Le courage que traduit ce document attire notre admiration et notre gratitude. Celui qui va suivre nest pas moins admirable. Les deux sont en accord parfait et complmentaire. Ecoutons.

II LE RAPPORT DE MICHEL ROCARD

Comme ce document na rien de confidentiel; vu quil est dans les journaux; nous allons en citer des passages suffisamment significatifs pour le prsent propos. Ce rapport comprend une introduction et deux parties: I. De lethnisme au nazismes" tropical: le gnocide; Il la reconstruction et la rconciliation. La premire partie qui intresse plus particulirement notre rflexion porte trois sous-titre: 1/ Le mcanisme de lethnisme au racisme; 2/ Massacres ou gnocides; 3/Un ethnisme colonial pour une thocratie tropical; 5/Un gnocide qui drange; 6/ et que veut banaliser le rvisionnisme et la thse du double gnocide. De la deuxime partie; nous retenons seulement le passage qui concerne la fin de la transition du gouvernement rwandais actuel.

II. 0 Introduction

1-3 Qui pouvait prvaloir que le petit Rwanda, cette Suisse de lAfrique ferait irruption sur les crans du monde par des massacres dune ampleur et dune brutalit inimaginable? Comment admettre que ce peuple totalement christianis, encadr par des missions puissantes sinon toutes puissantes, ait t la victime, mais aussi le complice, dune manipulation ethnique, puis raciale, conduisant ce que lon ne devait plus jamais revoir, aprs les gnocides des Armniens, des Juifs et des Cambodgiens? Car le gnocide de 1994 au Rwanda nest pas une de ces pripties incomprhensibles propres au continent africain. Il est le rsulta de limage que ces premiers colonisateurs allemands lui ont appliqus, que ses lites ont adopte, quun pouvoir menac a transform en nazisme tropical.

Cest nous qui soulignons ce passage-cl comme explication de ce qui sest pass ici. Cest cela quil faut comprendre et accepter comme faits, quels que soient les sentiments que ces faits provoquent en nous. Voici comment lauteur insiste sur cette reconnaissance de la terrible ralit comme condition dune meilleure vision des choses. Il nous faut comprendre. Comprendre, pour viter le renouvellement des horreurs qui ont ensanglant le Rwanda depuis 1959 et qui ont culmin avec les massacres de 1994: comprendre ce qui sest pass chez les Rwandais, mais aussi comprendre la passivit et la complicit du gouvernement franais et les ambiguts de lopration Turquoise. Comprendre, pour que nous ne risquions pas, Union europenne et gouvernement franais, dtre nouveau manipuls, anesthsis par le leurre dune grille de lecture ethnique et de passer cot dune chance de reconstruction et de rconciliation de ce pays.

II.1 De lethnisme au gnocide

1-1 Le mcanisme qui a fait passer ce petit pays chrtien de lethnisme au racisme interne qui au gnocide, est maintenant parfaitement connu. Il a t dissqu et analys par des chercheurs, des historiens et des politologues qui ont su clairer lutilisation qui avait t faite, sciemment ou pas, des travaux des anthropologues. Car, et ce nest pas que lun de ces multiples paradoxes que nous offre le Rwanda, le royaume et la socit traditionnelle rwandaise furent trs compltement et trs finement tudis. Quant aux faits et aux vnements de 1994 et trs finement et la socit traditionnelle rwandaise furent trs compltement et trs finement tudis. Quant aux faits et aux vnements de 1994 et qui ont t qualifis de gnocide; ils sont solidement tablis. Sils sont discuts comme le sont depuis quelques temps les horreurs du nazismes; il faut voir dans ce rvisionnisme un signe supplmentaire de leur parent; car ce qua vcu le Rwanda relve d < un nazisme tropical>.

Nous navons pas cherch ici redire ce quont crit Colette Braeckman; journaliste belge; Jean-Pierre Chrtien; agrg dhistoire spcifique de lAfrique des Grands Lacs; Grard Prunier; historien spcialiste de lOuganda qui a vcu la curieuse mais dlicate aventure de conseiller des responsables militaires de lopration Turquoise. Leurs travaux et ceux de beaucoup dautres; se recoupent sur lessentiel: il y a eu gnocide et la responsabilit doit en tre impute ceux qui lont rendu possible; puis qui lont prpare. Nous les avons donc lus pour comprendre et nous les avons utiliss sans vergogne; en ne les citant que lorsque nous leur devions un emprunt formel.

II. 2 Le rvisionnisme et le double gnocide

La presse internationale, essentiellement la presse franaise et belge proche des glises et des mouvements humanitaires nchappe pas la prgnance de la grille de lecture ethnique de la situation politique du Rwanda daujourdhui, ce qui lentrane insensiblement sur le terrain du rvisionnisme des vnements de 1994. Cest ainsi que lactuel gouvernement dunion nationale constitue aprs la prise de Kigali par les A P R du gnral Kagame sur la base des accords dArusha est tenu par certain pour illgitime et critique son incapacit dfendre les droits de la majorit de la population.

Ces critiques servent justifier les coups de main des infiltrs ou des rfugis qui sont rentrs du Zare, reprocher au gouvernement le maintien en prison des gnocidaires et les oprations militaires et de police quil fait pour tenter de contenir la gurilla qui agite les prfectures du nord et de louest. Les associations humanitaires dont beaucoup sont lies aux glises et partagent leur malaise, ainsi que les organismes de presse qui sont proches delles, se croient obliges dtre dautant plus vigilantes, exigeantes et scrupuleuses dans le respect des droits de lhomme par lactuel gouvernement, quelles ont t complaisantes ou passives dans le pass. De l accuser le gouvernement de se rendre coupable de pratiquer un autre gnocide, contre les Hutu cette fois, il y avait un pas important franchir. Il a t franchi.

Aujourdhui, les gnocidaires qui ont cherch refuge ltranger et ceux qui les ont aids et qui les aident se soustraire la justice ont engag une entreprise mthodique de rvisionnisme tendant faire oublier et banaliser le gnocide de 1994. Ils essaient daccrditer la thse du double gnocide, en mettant sur le mme plan doffensive du F P R et Massacres qui lauraient accompagne la tragdie des rfugis hutu du Zare, les rglements de compte intervenus depuis que le F P R a pris le pouvoir, ce second gnocide se poursuivrait maintenant dans lombre et le silence des mdias.

De coupables, les meurtriers de 1994 deviennent victimes, ils sont donc innocents. Cette innocence des meurtriers est une des caractristiques du gnocide, qui ne fait pas seulement des masses de victimes, mais qui les fait sans coupables. En terme politique, cette propagande est destine prparer la reprise des hostilits contre lactuel gouvernement,en attendant la reconqute du pouvoir, et pourquoi pas la fin du < travail> entrepris en 1994 pour exterminer les Tutsi et en finir une fois pour toutes avec cette ethnie! Il sagit de justifier une rcidive en la maquillant en une revanche.

II. 3 La fin de la transition

On en parle dj. Encore deux ans. Et puis, on va voir ce quon va voir. Dans le texte que nous sommes en train de citer, quelques passages nous indiquent des pralables impratifs. En voici quelques- uns

En se rfrant aux dispositions des accords dArusha qui avaient prvu les modalits de partage du pouvoir entre les partis politiques et en se constituant en gouvernement dunion nationale, le gouvernement a montr la voie. Certains veulent voir dans les ministres hutu que des otages ou des alibis, arguant notamment la dmission, le 25 aot 1995, du premier ministre Twagiramungu et du ministre de lintrieur Seth Sendashonga. Ce procs dintention est plus calomnieux que grave parce que, sil fait outrage des personnes qui ont pris des risques considrables, il rvle que ceux qui le soutiennent ne croient pas la rconciliation et ne lui donnent aucune chance. Le reproche fait au gouvernement davoir report cinq ans au lien de deux la fin de la priode de transition prvue pour les lections est plus srieux.

Alors que les rfugis viennent peine de rentrer, que des litiges pour la rcupration des maisons et des terres sont en cours, que des Infiltrs crent des incidents dans les prfectures de louest, que lEtat peine assurer toutes ses tches, que les prisons sont pleines et que les tribunaux nont encore, ni Kigali, encore moins Arusha, montr que la justice est vritablement en marche, serait- ce raliste et raisonnable de prvoir des lections? Pourraient-elles se drouler sur dautres bases que sur celles qui ont conduit laffrontement? Il faut ici mditer sur le cas du Burundi que les lections de 1993 nont pas prserv des massacres ethniques. Il faudra bien sortir de ce dilemme. Cest vident.

Mais il parait plus judicieux de demander au gouvernement de faire en sorte que, dores et dj,la citoyennet et non lethnicit soit une ralit, dans les institutions et dans tous les secteurs de la vie du pays. Il faut insister pour que le gouvernement veille ce que ses officiers, ses policiers, ses prfets, ses sous-prfets et ses bourgmestres ne pratiquent pas une politique de revanches.

III. UNE OBSERVATION FINALE

Ces deux documents se passent de commentaires. La gravit du propos et la qualit de ses auteurs nous poussent penser au proverbe franais: Une vieille corneille ne croasse pas pour rien! Terminons par une double observation.

1/ Une ambigut stratgique

Le langage du double gnocide vhicule une ambigut voulue par ses auteurs. Cette ambigut remonte dj lidologie de lethnisme. Celle-ci consiste crer au Rwanda deux races, pudiquement nommes ethnies, mais supposes ennemis depuis toujours. Par la thse du double gnocidaires , on les transforme en deux races rciproquement gnocidaires. Ce faisant, la manipulation coloniale est occulte. Cest le soi- disant rveil des instincts sanguinaires et ataviques des ngres qui est prsent comme cause de notre crise. De plus, la responsabilit des partis politiques du hutu power de tout poil est vite oublie. Lenjeu devient une simple question de races. Lantagonisme hutu tutsi serait dans les gnes! Tout Rwandais serait la fois victime et bourreau. Cest la que se situe Actuellement la grande supercherie.

Ds le dbut de la manipulation coloniale de notre peuple, la ralit fut de promouvoir un groupe de gens infods au pouvoir colonial et de lutiliser contre tout le peuple. Ce fut dabord quelques familles tutsi, par lexclusion du pouvoir de tous les Twa, tous les Hutuet la majorit des Tutsi. Aprs ce fut la promotion dun groupe hutu, lexclusion de tous les Twa toujours, de tous les Tutsi et de la majorit des Hutu. Cest dire que le problme est radicalement politique et jamais racial. La supercherie consiste donc faire croire que cest une question de races ou dethnies.

2/ A qui profite le crime? Une seconde observation que nous inspirent ces documents et toute lhistoire de notre tragdie est de poser la question: qui profite vritablement le mal rwandais?

Aprs mille tergiversations, la communaut internationale a reconnu quil y a eu gnocide au Rwanda et a institu un tribunal pour tablir les responsabilits. Tout rcemment, son instance suprme vient de reconnatre que lONU tait au courant de la prparation du gnocide. Certaines puissances ont tout fait pour touffer cette vrit et mettre labri leurs hommes de main qui ont excut le travail.

La question qui demeure est de savoir si, au sens propre du mot, la tragdies rwandaise est utile pour quelque homme! Aux Hutu Power? Dune certaine manire, ils ont tout perdu et portent actuellement lopprobre du gnocide et de ses squelles. Aux Tutsi et aux Hutu de lopposition? Oh, que non! Non seulement, ils ont perdu les leurs par centaines de milliers mais aussi ils ont hrit dune situation sociopolitique catastrophique. Est- ce peut- tre aux colonisateurs? Ce nest pas vident. A vrai dire, eux non plus. Ils auraient pu trouver un meilleur profit, pour leurs intrts, mme gostes. Le malaise actuel des puissances coloniales en face du gchis rwandais ne trompe pas. Fasse le ciel que les voix quon vient dentendre dissipent toute myopie et provoquent un sursaut national et international pour le bien de toute la famille humaine.

LA JUSTICE DE DIEU

Marie-Paul- Emmanuel AZIYA

0. INTRODUCTION

Lauteur de la rflexion quon va lire est une religieuse. Elle la Provinciale des Benebikira de la rgion sud du Rwanda et habite Butare. Elle a bien voulu nous autoriser publier son texte qui, au dpart, avait une autre finalit. Nous lui en sommes vivement reconnaissants. Le titre de ce texte est tir du prophte Isae qui met dans la bouche de Dieu la phrase suivante: Vos penss ne sont pas mes penses, oracle du seigneur. Cest que les cieux sont hauts, par rapport la terre: ainsi mes chemins ne sont pas vos chemins (I s 55, 8 ). La diffrence entre les penses et les chemins de Dieu par rapport ceux des hommes est une question de hauteur! Dieu est situ au dessus des sentiments et des projets humains. Dun seul regard, si lon peut parler ainsi, Dieu voit tout et oriente tous les vnements du monde pour le bonheur des hommes.

La souffrance injuste en particulier est associe au mystre pascal du Christ, mort injustement et ressuscit dans la gloire. Cest cette vrit que notre auteur applique aux souffrances des victimes du gnocide perptr au Rwanda en 1994. La profondeur thologique de cette interprtation trouve son cho dans un texte du concile le Vatican II adress tous ceux qui souffrent, dont voici le passage important. Le Christ na pas supprim la souffrance, il na mme pas voulu nous en dvoiler entirement le mystre, il la prise sur lui, et cest assez pour que nous en comprenions tout le prix.

Vous tous, qui sentez plus lourdement le poids de la croix, vous qui tes pauvres et dlaisss vous pleurez, vous qui tes perscuts pour la justice, vous sur lesquels on se tait, vous les craser de la douleur, reprenez courage: vous tes les prfrs du royaume de Dieu, le royaume de lesprance, du bonheur et de la vie; vous tes les frres (et les surs) du christ souffrant, et avec lui, si vous le voulez, vous sauvez le monde! (Message du conseil, 8 dcembre 1965) Le texte original en Kinyarwanda est dune limpidit qui nexige aucune explication. La progression des ides est marque par la numrotation.

I. IBITEKEREZO BYANYU SIBYO BYANJYE

Abacu bishwe bazize ubwokobwabo bari iruhande rwImana

Abacu bishwe kuko banze guhemuka Imana yabituye kuyitunga.

Uru Rwanda rufite abahowe Imana benshi

Umuntu yabagabanya mu byiciro bitatu:

1. Umuntu wese wazize igikorwa cyurukundo;

Akemera gupfa aho guhemuka

Abo ni nkabacu bazize ko banze kwica,

Abazize ibitekerezo byubaka aho gusenya.

Abo bahamya burukundo basanze Imana.

2. Umuntu wese wazize ubwoko bwe ubwo aribwo bwose,

Nta cyaha azize; azize uko asa, uwo yazize Imana

Yamuremye ityo.

3. Hari nabandi muri uru Rwanda bazize ko babana na kanaka

Wa buriya bwoko bwanzwe, igihe baje kumwica nabo ntibabasiga;

Abo nabo Imana yabakiriye hamwe nabandi, ibahoreza hamwe amarira yose.

Iyo mvuga abatagatifu babanyarwanda mba mvug, abo bose,

Kandi ni benshi ubu babona Imana;

Bayisingiza amanywa nijoro.

Kuba tugira icyo dupfana, ari imyanya yumubiri wacu biduha natwe uburyo bwo kubonera Imana muri abo bacu, batakiri ku isi; bashengerera Imana ubudahuga.

4. Iyi Yubile Kiriziya itegura ifite umutako wabana bayo.

Abo batoni bImana bavuka iwacu.

Icyazana ngo muri iyi myaka itatu, Kiliziya itangaze

Urwego barimwo mu bahagararanye imikindo imbere ya Ntama.

5. Twari twarabwiwe kenshi

Intungane Kiliziya yiyambaza idatinze

Abo Bantu bemera guhara ubuzima bwabo

Aho kwihakana Imana

Haba mu mvugo cyangwa mu ngiro

Bakaba abahamya burukundo

Abo ni nka Bene wacu biBugande

Bemeye gupfira Imana

Ubu Kiliziya ikaba ibemeraho abavugizi.

Twabwiwe kandi abandi bahorwa Imana

Nka babana bI Beterehemu

Bishwe bose ngo Yezu abagwemo.

Abo bana kimwe nabandi bapfa nkurwabo

Kiliziya ibiyambaza itibeshya.

6. Muri iyi myaka ya hano hafi

Twabonye hano iwacu I Rwanda

Ubundi bwoko bwabahowe Imana

Abacu isi yaduhekuye ku manywa yihangu,

Bagatangwa ku mugaragaro izuba riva

Radiyo, ingoma, inzogera nifirimbi bikaba urufaya,

Babahabwa induru ngo bicwe vuba kandi nabi.

Babahize bunyamaswa

Nta cyaha bazira, bazira ubwoko

Imbunda, icumu inkota , impiri, imihoro nudufuni

Bikora ibara, bisesa amaraso yindacumura.

Bapfa batuje, bapfa gitwari, bapfa basenga

Nka Yezu wa munsi ku musaraba.

5. Uru Rwanda rwatanze abahowe Imana batabarika

Ni ihirwe rya Kiliziya yacu

Ni ihirwe rya Kiliriziya yose.

Muntu wese wemeye kwicwa aho guhemuka

Wajya hehe hatari ku Mana?

Muntu wese wishwe

Uzira ubwoko bwawe ubwo aribwo bwose

Uri iruhande rwImana

Ntibakwishe bakuziza icyaha

Hari nabakwishe batakuzi,

Bagutegeye kuri barrire,

Ngo uwitwa ubwo bwoko wese avemo umwuka.

Bagusanze mu Kiliziya barasogota

Bakorosa Hositiya namashusho yImana

Urahirwa kuko waguye heza.

Nawe basohoye mu ngoro yImana bakakwicira hanze

Bibwira ko Imana yagukuyeho amaboko

Burya wimukiye muri Yo nyirizina.

Baguhize mu mibyuko nimbwa zabo

Bagusanze mu bitaro urembye

Nubwo warimwo serumu ntibagutinye.

8. Waba igitambambuga cyangwa umukambwe,

Waba wonsa cyangwa utwite

Babuze ko ushyingurwa uribwa nimbwa.

Kugukoza isoni byari mu ntego zabo

Nubwo utiremye ngo waziraga uko wa remwe

Iyo babona Imana ni Yo bari kwica

Kuko uri igikorwa cyibiganza byayo.

9. Abanyarwanda mu bwitonzi bwabo

Baciye uyu mugani usa nibyawe

Ngo ukubise imbwa aba ashaka shebuja

Imana yari kubura ite ku kwakira

Ko akabuze ubuguzi gasubirana nyirako

10. Niba Kiliziya yemera ko abana bi Beterehemu

Bapfiriye Imana kandi batabizi,

Ndetse Atari nabo banzwe, hanzwe Yezu,

Kuri wowe rero nibindi.

Wowe ubwawe wari wanzwe, maze uricwa

Bambe ni Yezu bishe muri wowe

Kuko byose byahanzwe nawe

Kandi mu byahanzwe ntakiriho Atari ku bwe( Yh1,3)

11. Imana yakwituye kuyitunga, kuko igukunda

Ni nabyo yavugishije umuhanuzi Izayi iti:

Witinya kuko nakwicunguriye

Uri uwanjye na kwihamagariye mu izina ryawe.

Nuramuka unyuze mu mazi nzaba ndi kumwe nawe,

Ukanyura mu nzuzi ntuzarohama.

Nunyura hagati mu muriro ntabwo uzashya,

Nindimi zawo ntacyo zizagutwara

Kuko jye, Uhoraho, ndi Imana yawe,

12. Ijambo ryiza ryo mu Byahishuwe ryaduhishuriye ko

Uvuye mu magorwa yisi nkaya tumaze kuvuga,

Nayo twongeraho yabameshe amakanzu yabo

Mu maraso ya Ntama, rigira riti:

Nyuma yibyo, mbona imbaga nyamwinshi yabantu,

Umuntu atashobora kubarura, iturutse mu mahanga

Yose, mu miryango yose, mu bihugu byose no mu ndimi zose.

Bari bahagaze imbere yintebe yubwami

Nimbere ya Ntama, bambaye amakanzu yererana

Kandi bafashe imikindo mu ntoki,

Bakavuga mu ijwi riranguruye bati:

Ubucunguzi ni ubwImana yacu

Yicaye ku ntebe yubwami, bukaba nubwa Ntama.

Nuko abamarayika bose bari bakikije inteb

Yubwami, bagwa bubitse uruhanga ku butaka

Imbere yintebe yubwami,

Maze basenga Imana, bavuga bati:Amen.

Ibisingizo, ikuzo, ubuhanga,

Ishimwe, icyubahiro, imbaraga, ni ibyImana yacu,

uko ibihe bizahora bisimburana iteka Amen.

Ubwo umwe mu Bakambwe afata ijambo,

Maze arambaza ati Aba Bantu bambaye amakanzu

Yererana, ni bande kandi baturutse he?

Ndamusubiza nti shobuja, ni wowe wabimenya!

Nawe aramubwira ati:

Aba bavuye mu magorwa akaze,

Bameshe amakanzu yabo, bayezereza mu

Maraso ya Ntama.

Ni yo mpamvu bahagaze imbere

Yintebe yubwami yImana,

Bakayiha icyubahiro

Amanywa nijoro mu ngoro yayo.

Maze uwicaye ku ntebe yubwami, akazabugamisha

Mu ihema rye.

Ntibazasonza ukundi, kandi ntibazagira inyota ukundi.

Ndetse nizuba nicyorezo cyaryo,

Ntibizabageraho ukundi, kuko Ntama

Utetse ku ntebe yUbwami, azababera umushumba,

Akazabashora ku mariba yamazi yubugingo.

Nuko Imana ikazahanagura icyitwa amari

Cyose ku maso yabo (Ibyah.7, 9-17).

13. Wajya he se koko hatari ku Mana

Wa mwana we wigitambambuga

Igihe abishi baguhamagariye ku kwica

Ukabaza nyoko aho mugiye.

Igihe agushubije ko mugiye mu ijuru

Wamubajije niba mu ijuru batetse,

Ubwo usanga icyobo ufite ubutwari.

Bagukubita impiri utuje

Wishimiye guhaga ugeze mu ijuru.

Imana yabura ite kukwakira bwangu

Wamukambwe we, wowe washojereje ubuzima

Ku isengesho nkirya Yezu uti:

Nyagasani akira Roho zacu

Muri benshi, muri beza, bakundwa bImana

Twishimanye namwe kuko aho mwagiye

Haruta kure aho mwavuye.

14. Tubashimiye umurage mwiza mwadusigiye

Urugero rwiza rwo gupfa nka Yezu:

Gitwari, mutuje, musenga mutanga imbabazi.

Izo mbaraga mwahawe zidasanzwe

Ni za zindi Kiliziya itubwira

Roho Mutagatifu ahunda abahorwa Imana

Mwarahiriwe kuko mubona Imana

Ariko natwe ubu turahirwa

Kuko tugira icyo dupfana bya hafi cyane

Ntitukiri kuri iyi si uko turi kwose.

Uruhande dusangiye kandi mwimukanye

Ruhora mu ruhanga rwImana.

Mudusabire kugirango amaso yacu

Yasigaye hano ku isi, ahore arotera ahora mwageze,

amacuho yiyi si atazaduherana tutabasanze

Tuziruhutse tugeze aho muri

Aho tuzabona Imana byuzuye

Tukayisingiza ubudahwema hamwe.

15. Nimuhoze uru Rwanda rwashavuye

Kuko rwakonoje ibyo Yeremiya yahanuye

Agira ati:

Uhoraho avuze atya:

I Rama harumvikanira ijwi ryamaganya,

Nimiborogo ikomeye :

Ni Rasheli uririra abana be,

Kandi yanze guhozwa kuko batakiriho( Yer 31,15).

Mwe ntimwapfuye buheriheri

Muriho mubundi buzima

Mudusabire kumva iryo banga.

16. Ubwo muri umutako wa Kiliziya yacu

Mukaba ibyishimo byisi yose.

Nakwifuje bikankundira,

Iyi Yubile twitegura

Twazayihimbaza, tunahimbaza

Ubutungane bwanyu bwo guhorwa Imana

Bahowe Imana bose bo mu Rwanda,

Nimurusabire, nimudusabire.

Uzatsinda nzamuha kwicarana nanjye ku ntebe

Yanjye yubwami, nkuko nanjye natsinze

Nkicarana na Data kuntebe ye yubwami

( Ibyah.3,21).

Kumenya umwanya nikuzo abacu batunze

Bizafasha buri Munyarwanda kubiharanira.

17. Kiliziya iramutse itangaje ubutungane bwabo,

Byahoza kandi bigafasha uwapfushije wese,

Akarangamira ijuru aho abe batuye,

Mu ituze, mu Mana.

Akamenya ko abe bahojejwe amarira yose

Nta shavu, nta gahinda, nta nzara, nta nyota,

Nta gutotezwa kandi bazira uko bavutse,

Bizamutera imbaraga,

Ashobore kubabarira abamwiciye.

18.Kwicuza gusaba, Imana imbabazi zibyaha

Byabo, ndetse no kuzisaba nabo bavukije

Ubuzima; batibagiwe no kuzisaba abo

Basize hano ku isi.

Maze nibamara kwicuza ikibi bakoze,

Bakiyunga nisi nijuru, igihe nabo

Bazaba bavuye muri ubu buzima buhita,

Abacu batashye ijuru mbere yayo

Bazabakire muri ubwo buzima bwabahire.

Kwemera ko ari abatagatifu,

Bizatuma abarebereye amarorerwa yabaye,

Bizababere umuziro.

Bityo babe inararibonye bazarage abana

Babo umuco mwiza wurukundo.

19.Iyo nkuru nziza yuko abacu burya

Batapfuye,

Ahubwo batashye ijuru kandi bwangu,

Izatuma twese tubabarirana

Kandi dusabire abishi babo tugira tuti :

Bababarire Dawe, kuko batari bazi icyo

Bakora.

Koko rero iyo bamenya ko babohereje heza,

Ishyano bakoze ntibari kuritinyuka

Ubwo babigize babita abanzi.

Kumenya ko batubereye abavugizi

Bizahira isi yose, kandi no mu Rwanda

Itegeko rya 5 mu yImana, ryandikwe

Mu mitima yacu ubutazasibangana.

II. QUE PENSER DE CE TEXTE?

La rdaction propose nos lecteurs un commentaire de ce texte qui tient en trois points:

1/ Explicitation de lide matresse, spcialement lintention de ceux et celles qui ne connaissent pas notre langue, 2/ apprcier le ralisme du but pratique de lauteur, 3/ indiquer la pertinence de ce texte dans le cadre de ce numro sur la justice.

2. Lide matresse

Pour notre auteur, le gnocide est une forme de martyre au sens chrtien du mot. Voil le fil conducteur de tout ce qui est dit dans le texte. Les martyrs de lUganda et surtout les enfants de Bethlehem, massacrs cause de lenfant Jsus, sont les rfrences explicites du raisonnement de lauteur.

Les martyrs du gnocide sont prsents en deux catgories: les martyrs de la race et les martyrs de la Charit. Concernant la premire catgorie nous avons le raisonnement qui suit. Si tre de telle Ubwoko est une faute qui mrite la mort, le coupable est le Crateur. De cette faon, le gnocide est comprendre comme une forme de dicide indirect: qui dtruit une uvre en veut son auteur. Lauteur voque un proverbe rwandais qui exprime cette ide: ukubita imbwa aba shaka shebuja ( qui frappe un chien sattaque son matre).

La deuxime catgories comprend tous ceux et celles et qui ont t massacrs cause de leur Charit, soit en protgeant les perscuts, soit en refusant de se dsolidariser avec les poursuivis par les gnocidaires. Cette charit parfaite qui accepte la mort pour le prochain est, sans conteste, une forme de martyre dont le modle idal est la mort du Christ sur la Croix.

3. Le but pratique de lauteur

Le texte quil nous est donn de lire ici a t pens dans le cadre des prparatifs du grand Jubil de lvanglisation du Rwanda, voici bientt 100 ans. Le texte contient un souhait de voir lEglise qui sjourne au Rwanda reconnatre nos victimes des gnocides comme de vrais martyrs au sens chrtien. Ces martyrs seraient le fruit le plus prcieux de nos labeurs apostoliques. De la sorte aussi, on vite lerreur de penser que lEvangile a t Totalement inutile pour nous. Autrement on dirait: 100 ans dvanglisation na engendr que le gnocide. En face de cet chec retentissant, on a plus de raisons de jubiler.

Quelles que soient la pertinence et la noblesse de ce souhait, on peut douter que le temps qui reste avant cette clbration jubilaire ne soit pas trop court pour un cheminement dides et dattitudes qui conduirait ce but pratique. Au demeurant, le procde de canonisation dans lEglise prend un chemin trs long. Le cas du Rwanda est videmment un cas despce particulire. Le nombre, le contexte politique, la difficult de faire la preuve des intentions surnaturelles des victimes, etc., tout cela ne facilite pas les choses.

Le projet possible serait de mobiliser lEglise pour Cette approche chrtienne du gnocide.

4. Une question de justice

Lauteur de ce texte, tout en exprimant les sentiments les plus tristes de son cur lgard des atrocits commises sur les ntres, il nous offre lexemple dune raction la plus humaine et la plus chrtienne et la plus chrtienne idale. Il voit dans le gnocide le mystre pascal du Christ: mort, rsurrection- glorification.

Peut-on rver une justice suprieure? Notre Nation et notre Eglise nauraient pas seulement engendr des gnocidaires mais surtout des martyrs. A travers ceux-ci, nous fterions tous les Rwandais, plus nombreux quon ne pense, qui ont refus la haine et le crime.

La croyance ancestrale en Imana Rurema, la foi chrtienne qui nous rvle le mystre de la rdemption du Christ, nous donnent des raisons trs raisonnables et trs leves pour la rconciliation tant attendu entre les fils et les filles de ce peuple. La justice, cest cela; cest dabord cela avant tout. La punition des coupable, la justice judiciaire rendre dans les tribunaux sont des moyens pour arriver cette justice qui utilise tout, y compris les peines, pour arriver au bien, le plus lev et le plus universel.

Face le Ciel que nos lecteurs et tous ceux qui ont une part de responsabilit dans ce pays saisissent le message contenu dans ce texte. Malgr la souffrance quil traduit, il montre une manire de souffrir, avec noblesse, avec srnit, avec lvation vers un horizon o nos problmes trouvent des solutions pleinement justes et sempiternelles.

MIBAMBWE GISANURA: LE SALOMON RWANDAIS

Bernardin MUZUNGU, o.p.

0. INTRODUCTION

Pour les familiers de la Bible, Salomon, un roi dIsral, est le modle de la sa sagesse proverbiale est illustre par un jugement rendu entre deux prostitues au sujet dun bb dont elles se disputaient lappartenance ( I R 3,16-28).

Dans ce jugement, Salomon a utilis largument de lamour maternel pour connatre la vraie mre du bb. Lide que la justice, au plus haut niveau, doit faire appel au sentiment dhumanit est le rapprochement que je fais entre Salomon et notre roi Mibambwe Gisanura. Nous allons voir comment.Au pralable, je voudrais mettre en avant la distinction entre la justice de Dieu et celle des hommes, dans le but de montrer lidal vers lequel doit tendre la justice des hommes, et de souligner alors les exemples qui sinscrivent dans cette logique divine.Cest cette condition, mon humble avis, que parler de la justice au Rwanda aujourdhui signifie quelque chose.

I. 1 La justice de Dieu

La grande majorit des Rwandais daujourdhui connaissent Dieu par deux voies: la religion ancestrale et le christianisme. Voila pourquoi nous allons parler de la justice de Dieu la lumire de ces deux sources. Ceux qui ne croient rien, une rflexion honnte ne fait aucun tort un esprit ouvert la vrit quelle quelle soit et do quelle vienne.

La justice de Dieu dans la Bible

De faon gnral, la justice se comprend en trois sens: justice commutative la justice Distributive et justice judiciaire. La quelle de ces formes est- elle attribuable Dieu? tant lEtre parfait, la justice Commutative son gard naurait aucun sens, car, nayant aucun besoin, il ne peut rien recevoir en change. Tout ce quil donne est strictement gratuit. Tout ses dons gratuits ne sont pas seulement des biens extrieurs lui, il se donne lui-mme, il nous fait participer sa nature divine (2 pe 1,4) qui est lamour dans sa source premire. Devenant bon comme lui, notre justice sera enracine dans lamour.

Dans le domaine de la justice Distributive, la justice divine ne peut nullement signifier que Dieu pourrait tre notre dbiteur. Elle signifie simplement que Dieu est fidle ses promesses faites gratuitement et par lamour. Non pas que lhomme nait pas de mrites valables devant Dieu. Mais mme l, lorsque Dieu rcompense nos mrites, ce sont finalement ses propres dons quil couronne (Mt 13,18). Cas, la capacit dagir de faon mritoire devant lui, Cest encore lui qui nous la donne. Les thologiens nomment cette vrit la doctrine de la justification qui rend juste et que S. Paul explique abondamment dans ses Lettres (Rm 1,17; 6,20; 8,10; 1 Co 15,17s; Ga5, 5; Eph4, 24).

Cette vrit clate aux grands jours lorsquon considre sa condescendance lendroit des pauvres. Dieu a un amour prfrentiel pour cette catgorie de gens, du fait que nayant rien pour se faire valoir, sont tous ouverts pour recevoir les dons de Dieu. Par contre, les riches, se fiant en leurs richesses, sont moins ouverts aux dons de Dieu. Le cantique de Marie, le Magnificat, illustre cette vrit en ces termes: comble de biens les affams et renvoie les riches les mains vides (Lc1, 53).

Que penser enfin de la justice judiciaire au sujet de Dieu? Il est vident que Dieu nest pas un aveugle qui rcompense ou punit sans tenir compte du comportement de chaque homme. Au jugement dernier, le souverain juge prononcera des paroles dfinitives: Venez les bnis de mon Pre, ou loignez- vous de moi, maudits (Mt25, 31-46). Ce jugement dfinitif vient aprs une longanimit divine qui a laisse lhomme puiser toutes ses possibilits de conversion. La justice divine est donc gale sa misricorde. Mme ses bourreaux, Jsus a pardonn et mme pri: Pre, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce quils font (Lc23, 33).

Avant de mettre fin cet clairage biblique sur la justice de Dieu, je men voudrais de ne pas ramener tous ces aspects de la justice leur point focal qui est la doctrine de la rdemption. Dieu a tellement aim les hommes quil a donn son Fils. Cette vrit est le rsum du message du Nouveau Testament. Le Fils de lhomme nest pas venu pour tre servi mais pour servir et donner sa vie en ranon pour la multitude Mc10, 45). Cette doctrine est reprise dans la parole de la conscration dans la liturgie eucharistique: Ceci est mon sang vers pour la multitude (Mc14, 24).Voil la suprme justice de Dieu: le juste par excellence paie la dette du coupable.

Cette doctrine biblique lve le dbat sur la justice un sommet le plus clairant. Pour nous Rwandais qui avons une religion traditionnelle, il est fort intressant de la consulter sur cette mme question de la justice divine.

I .2 La justice de Dieu dans notre religion traditionnelle

Le tmoin facile consulter sur cette question est le corpus des proverbes. Il suffit de prendre le mot Imana et de retenir les units qui se rfrent plus ou moins directement cette ide de justice. Cette seule enqute nest pas exhaustive mais donne une information assez consistante.

I.2.1 La misri-corde divine

Imana iboneka mu manga

-Cest surtout dans les situations dsespres quImana manifeste

Sa prsence protectrice.

Imana irema abatindi ni Yo ibogosha

Imana qui cre les pauvres, cest lui qui en prend soin.

Imana itera amapfa itegeka naho bazahaha

Dans la famine, Imana prvoit les possibilits de ravitaillement

Imana ni ikura ahaga

Cest dans les situations dimpasse que se manifeste le mieux la protection dImana.

Yari apfuye, Imana ikinga ukuboko

Cen tait fait de lui si Imana navait pas interpos son bras

Cest merveilleux. Le Dieu de pres est celui qui soccupe en priorit des gens qui sont dans limpasse; qui nont plus dautre recours. Mais nous navons pas fini davoir dagrables surprises. Quen est-il de la justice proprement judiciaire?

I.2. 2 La sanction du mal moral

Imana ihora ihoze

Dieu punit sans coup frir

-Imana irahora abazigo bakivuga

Imana punit mme par les ennemis

-Imana yerekeza umugome aho intorezo irambitse nahowe ngo arayobya amarari

Imana dirige le mchant l o se trouve la hache punitive, tandis que lui simagine avoir russi brouiller les pistes

- Ucumura ku Mana ikaguca ubugeri

Lorsque tu offenses Imana, il tcourte la vie

Voil lautre aspect de la justice de Dieu: il punit les comportements moralement mauvais. Fort heureusement, nous trouvons dans notre histoire une imitation remarquable de ce double aspect de la justice divine. Lun de nos rois, Mibambwe Gisanura- en est une illustration remarquable. Prsentons lhomme et son uvre.

II. QUI EST MIBAMBWE GISANURA?

A.Kagame, nous donne dans son livre un abrg de lethnohistoire du Rwanda (Butare, 1972) les informations suivantes:

Il est le 17me roi nyinya qui a rgn peu prs de 1609 1642. A son nom Mibambwe Sekarongoro, on a ajout le surnom de Gisanura pour le distinguer de son anctre qui avait les mmes noms. Du verbe archaque, le surnom de gisanura signifie celui qui est dans la plnitude de ses forces physiques et spirituelles. Plus importantes sont les informations concernant son gouvernement du pays. La tradition lui attribue deux traitsi.Caractristiques: lattention aux pauvres et une justice judiciaire pleine dhumanit. Ce sont ces deux traits qui nous ont pouss le comparer au roi Salomon et voir en lui le roi le plus religieux de notre histoire.

II. 1 Le souci des indigents

Ce monarque avait reu le surnom louangeur de Rugabishabirenge, ce qui veut dire littralement qui fait des cadeaux par les pieds. En dautre termes: le roi gnreux, qui fait du bien partout o il est attentif tous les besoins de son peuple.

Ce surnom est illustr par une pratique quil stait impos malheureusement sans la rendre obligatoire pour ses successeurs. Ce monarque, crit A.Kagame a pris linitiative, limite son seul, dorganiser la distribution de lait aux indigents et aux manants, sans moyen de ravitaillement, que diverses affaires retenaient la Cour. Les Chefs avaient reu lordre dapporter, en proportion de leurs possessions, des jarres de lait et la distribution se faisait trois fois par jour: le matin, midi et le soir.

II. 2 Juste mais humain

Dans ce mme domaine de la justice judiciaire, deux verdicts rests clbres, qui soulignent son sens de lhumain dans les peines infliges aux coupables. Il avait compris la maxime juridique: summum jus, summa injuria (Comble de justice, comble dinjustice). Encore une fois, notre auteur raconte:

La proccupation dinfliger des sanctions exemplaires aux coupables donna un jour au roi loccasion de prononcer deux sentences restes fameuses dans nos traditions. Sentretenant une fois avec ses chefs, il leur demanda de lui suggrer le genre de peines infliger des criminels dont il ne rvla pas lidentit. Il retint sans en rien dire sur lheure, ce que proposrent les deux chefs Mikoranya et Kamegeli. A quelque temps de l lun dabord, puis lautre, se rendirent coupables de manquements dont la nature na pas t retenue par la tradition. Le roi en profita pour leur infliger les peines terribles quils avaient nagure suggres. Kamegeli fut grill sur un rocher chauff blanc. Ce rocher sappela depuis lors Rocher de- Kamegeli>. A Ruhango mme, prs de Mutakara.

Quant au chef Mikoranya, on planta un grand levier en bois umusave = markamia, lextrieur dune hutte. Le coupable eut les bras lis au dos au moyen dune corde en nerfs de bufs, de manire faire se toucher les coudes. Une corde solide fut attache ces mmes bras, audit levier tendu. Une fois le levier libre, le malheureux fut violemment soulev en lair et mourut sous le fate de la hutte (p. 122-123).Voil un roi selon le cur dImana. Un vritable Salomon Rwandais. Son exemple devrait tre connu et rappel comme modle de justice comme il la t dans le pass.

En effet, malgr Que Gisanura na pas voulu rendre cette pratique obligatoire pour ses successeurs, son exemple a engendr deux coutumes. La premire est celle de guha amata umubyeyi. Une maman qui na pas de vaches, ds quelle met au monde, tous les voisins qui ont des vaches se sentent obligs de fournir un pot de lait chaque jour, durant huit jour partir de la date de laccouchement.

La seconde coutume venant de lexemple de Gisanura est celle de donner du lait tous les jeunes enfants qui sont prsents au lieu de la traite de vaches. Pour les adultes prsents en ce lieu et ce moment-l, on fait le kwakira (prsenter le lait). Le rite se fait ainsi. Le trayeur prsente le pot contenant le lait qui vient dtre trait, la personne qui le reoit le touche avec ses deux mais en disant irakamwa nkumwami = elle donne du lait comme le roi. Mme si les adultes ne le boivent pas immdiatement, le lait est pour tout le monde. Noublions pas que dans le pass, le lait tait le symbole de la richesse, du bien-tre social et du partage des biens de la terre qui sont destins tous les hommes.

Voil comment lexemple de Gisanura a marqu toute la tradition. Le souvenir dun tel modle devrait tre ressuscit pour animer notre vie sociale actuelle contamine par lindividualisme et lgosme dorigine occidentale. Aprs le sisme du gnocide qui a cr beaucoup dindigents, orphelins, enfants de la rue, enfants non accompagns, veuves, seraient bien inspirs de se mettre sous le patronage de Gisanura pour exiger des pouvoirs publics leurs protection.

III. SI GISANURA REVENAIT!

Lide du retour de Gisanura aux affaires de son pays est une pense purement onirique (du grec oneiros = rve).mais rve veill. Lorsque jai des rves, surtout cauchemars, jessaie den avoir une interprtation. Je ne suis pas un spcialiste des rves, mais dans mon cas, les rves sont soit Nostalgique soit prmonitoires. Dans la premire catgorie, ils me permettent de contempler les personnes ou les vnements du pass auxquels, sans doute, je suis attach ou que je redoute encore. Dans la seconde catgorie, je projette dans lavenir mes aspirations; ce quon appelle construire des chteaux en Espagne.

Ce style onirique me permet de voir ce que ferait Gisanura sil revenait au pouvoir. Que signifierait pour lui aujourdhui donner du lait aux indigents? Que signifient rendre une justice exemplaire mais pleine dhumanit? Voil une manire de poser la double question tout un chacun dans ce pays.

III. 1 Le dphasement

Le premier sentiment quprouverait Gisanura sil revenait au Rwanda serait, coup sr, le dephasement. Il ne reconnatrait pas son pays humili. Il a laiss un peuple abrit derrire le boucler de son chef, marchant au rythme des tambours vers de nouvelles Conqutes. Il trouverait un pays genoux, attendant la mamne de ltranger et respirant selon le rythme command par loccupant. Que sest-il pass entre lui et nous? Le titre dun livre rcent le dit explicitement: le blanc est venu, le roi est parti. En clair: la colonisation a rduit notre pays en esclavage.

Voil une manire onirique dvoquer les aspects ngatifs de laction coloniale. Cest la grande injustice inflige notre pays: enlever un peuple le droit de disposer de lui-mme, de le rduire ltat de mineur ou le supposer primitif pour venir le civiliser. A sa guise, la colonisation a pu casser notre peuple en miettes dethnies, les dclarant trangres les unes aux autres, les convaincre que le bonheur des uns exige lexclusion des autres. Voil le mal absolu pour un peuple.

III.2 Donner du lait aux indigents

Au temps de Gisanura, le lait tait le symbole de la richesse, du bien-tre et de la prosprit du pays. Celui qui soccupait du sort des indigents, que pourrait-il faire sil revenait? Peut-tre pas grand-chose.

Aujourdhui presque tout notre peuple est indigent. Le lait de lconomie moderne est devenu rare. Car la vache qui donne ce lait est le systme conomique mondial qui est traite par les puissances conomiques trangres. Cette colonisations conomique fait que nos rois actuels sont des rois-figurants qui ne pensent et ne font que ce que les grands oncles commandent. Donner du lait nos affams reste une question de justice, probablement la plus insoluble pour le moment. Noublions pas que le ventre affam na pas doreille. Les philosophes romains ralistes lavaient compris en disant: primum vivere, deinde philosophari vivre dabord, philosopher aprs =.

Ce pays est-il incapable de produire de quoi nourrir ses enfants? Nos hommes daffaires sont-ils incapables dassurer un commerce qui rpartit une distribution quitable de limport-export? Le pays manque t-il de gestionnaires qualifis pour grer le bien commun de la nation? Voil des questions que Gisanura nous poserait sil revenait aujourdhui. Quest-ce qui manque? Sans doute un homme comme lui une vision comme la sienne, une main de fer comme la sienne.

III. 3 Rendre la justice Mutakara

Mutakara est le lieu de rsidence du roi Mibambwe Gisanura. Lexpression rendre la justice cet endroit est utilise pour dire: le faire comme Gisanura le faisait cet endroit, cest dire le plus quitable possible. Cela veut dire trois choses. Dabord, puiser tous les arguments de la dfense. Ensuite donner la punition proportionne la faute. Enfin ne jamais confondre la faute et le fauteur, ce qui veut dire rprimer le mal en gardant les sentiments dhumanit lgard du coupable. Que peut bien signifier pour le Rwanda daujourdhui rendre la justice Mutakara? Rpondre cette question suppose quon fait pas mal de distinctions parmi les diffrents objets de cette justice.

III.3. 1 Les causes politiques des injustices actuelles

Quelle la cause premire de nos misres actuelles de dordre politique? La dcolonisation de lAfrique, autour des annes 1960, pourrait-on dire, la cause premire. Personne ne devrait contester ce diagnostic. Avant et mme pendant la colonisation, le Rwanda navait rien de particulier dans le contexte rgional. Les problmes actuels du Rwanda font partie, avec ses particularits, de ce contexte africain de dcolonisation. Lintroduction des partis politiques date de cette poque, avec cette coloration de pour et contre lindpendance. Typiques pour cela sont les premiers partis: Unar et au parmehutu. Cette ligne de dmarcation a fini par prendre une coloration ethnique et crer le cadre du gnocide. Ne pas tenir compte de cette ralit politique, cest pass cot de la plaque.

III.3.2 Les commanditaires et les excutants

On se plat aujourdhui qualifier de sauvage le peuple rwandais tout entier pour avoir commis le gnocide. On charge cette honte sur les paules de tous les Hutu. Le colonel Guy Logiest et le Gouverneur J.P.Harroy ainsi que leur patrons sont vite oublis. Les puissances europennes et africaines qui ont fourni la logistique des gnocidaires sont aussi vite oublies. La Turquoise, le mlange des Ex far et des Interahamwe avec les rfugis dans les camps de lEst du Congo et en Tanzanie, le refus de livrer la justice les gnocidaires de la part de certains pays, etc., Voil des exemples de ce qui sappelle commanditaires.

III.3. 3 Les impnitents

Errare humanum est, perseverare diabolicum = se tromper est invitable pour les humains, mais persvrer dans erreur est diabolique. En dautres termes, tout homme peut se tromper, faire une btise, mme monstrueuse. Cest limpnitence qui est inacceptable, cest cela que la Bible appelle avoir un cur incirconcis.Le spectacle le plus dsolant pour la conscience humaine est dcouter les rares gnocidaires qui comparaissent dans les tribunaux soit du pays soit dArusha. Ils plaident tous non coupables. Comme si on a eu des victimes sans coupables; comme si le gnocide a t commis par la mouche tsts. Mme celui qui a annonc lapocalypse. se dclare innocent. Cest limpnitence accompagne de limpertinence. Ils ne regrettent rien; ils ne demandent pas pardon; ils projettent dachever le travail commenc en 1959. Pour eux, la justice de Mutakara serait leur appliqu les rigueurs de la loi.

III.3 .4 Les manipuls

Le menu peuple qui a suivi les ordres, mme avec zle est par peur ou par cupidit, mrite un traitement plus correctionnel que punitif. A son gard, il faut appliquer la maxime: summum jus, summa injuria =lextrme justice engendre lextrme injustice.Bien sur, il faut appeler les choses par leurs noms: un coupable, cest un coupable, et de quelque chose. Le reconnatre est un devoir moral et la rparation restent un devoir exigible. Tout ceci doit conduire la rconciliation comme tape finale de la justice. Un peuple rconcili avec lui-mme est le but de la vraie justice.

III. 4 Un souvenir

Nos anctres avaient lhabitude dimmortaliser des grands vnements par des souvenirs permanents. Des noms de lieux, des traditions orales, des objets, inscrivent dans notre histoire ces vnements. Les gnrations successives connaissent ainsi les modles imiter ou viter. Pour ce qui est de Gisanura, nous avons justement, ladage: urubanza rwaciriwe i Mutakara. Nous avons galement, urutare rwa Kamegeri, prs du centre de Ruhango. Ne serait-il pas tout indiqu que le pays prenne ce roi comme symbole dun Etat de droit et attentif aux besoins du petit peuple? Quil soit institu protecteur des humbles: les veuves, les orphelins, les vieillards, les malades incurables, les enfants de la rue, les prisonniers, les traumatiss etc. Ne serait-il pas important de lier ce souvenir des actions humanitaires ralises dans notre pays en faveur des cette catgorie de nos concitoyens. Songer Gatagara de lAbb Frepont, lorphelinat de Gisimba Kigali, au centre de sourds-muets des frres de S. Gabriel de Butare etc. Fasse le Ciel que ce souhait soit entendu.

LA FONCTION TRADICTIONNELLE

DE LARMEE RWANDAISE

Grard Nyirimanzi

0. INTRODUCTION

Actuellement nous vivons dans des moments difficiles. Aux problmes de la faim, du manque de logements et de la pauvret en gnral, sajoute celui de linscurit, la fois interne et externe. La recherche de la paix est devenue plus que jamais, un impratif catgorique. Car cette paix est la condition sine qua non pour toute autre activit. Sociale. Aujourdhui, on en est arriv mme au recours la force de larme dans toute sa duret. Cette solution militaire est un pis-aller l o dautres approches (sensibilisations ou ngociations) savrent inefficaces. Quel autre moyen, en effet, pouvait-il nous sortir des horreurs davril 1994, aprs que les ngociations dArusha furent qualifies de chiffons de papier? la ncessit du recours la force pour rtablir la situation normale dans le pays nest pas nouvelle dans notre histoire.

Ce fut le cas, entre autres exemples, au temps de Ndahiro Cyamatare lorsque les Abanyabungo occuprent notre pays onze ans durant. Il a fallu Ruganzu Ndoli, avec la redoutable force de frappe de ses Ibisumizi, que lennmi fut but dehors. Des exemples semblables existent dans dautres pays. Les Romains avaient compris cette ncessit du recours la force lorsquils lancrent ladage: = Si vis parcem, para bellum = si tu veux la paix, prpare la guerre. Actuellement, nest- ce pas les puissances nuclaires qui gouvernent le monde? Mais, revenons nos moutons: au Rwanda. Jetons un regard rtrospectif sur notre histoire prcoloniale pour voir comment nos anctres ont rsolu ce problme de recherche de la paix. Je suis catgoriquement en dsaccord avec ceux qui veulent oublier le pass, si mauvais soit-il. Car, comme lAmricain George Santayana nous avertis,ceux qui veulent oublier le pass ou lignorer, sont obligs de le rpter. Dans lexamen de notre pass, nous allons nous interroger sur la fonction traditionnelle de larme.

Pour ce faire, nous allons procder de la manire la plus simple: 1/ qutait larme rwandaise avant la colonisation?, 2/ quelles taient ses fonctions sociales, 3/ et enfin quelles taient ses fonctions proprement militaires?

1. LA CONCEPTION TRADIONNELLE DE LARMEE

En notre langue, le mot arme se dit Ingabo. Le sens tymologique premier est le bouclier. Le sens driv est le porteur du bouclier. Cest de l quest venu la dsignation de larme par ce vocable ingabo qui est toujours dactualit. La ralit de ce que signifie ce mot est assez complexe. Dans son livre,Le Code des institutions politiques du Rwanda prcoloniale (Bruxelles, 1952), Alexis Kagame nous dit ce quil faut entendre par arme: Larme est linstitution sociale de base du Rwanda. Dans la conception traditionnelle, larme nest pas uniquement destine aux combats, elle forme une vaste corporation, laquelle incombent principalement des devoirs et des droits dordre social. Ce serait une grosse erreur que dentendre par arme chez nous des organisations purement militaires.

Tout Rwandais, quelque soit sa race ou sa condition, y compris le roi, doit appartenir lune ou lautre arme sociale et avoir un suprieur militaire (p.20-21). Notre informateur revient la charge dans son autre livre Les Milices du Rwanda pr- coloniale (Butare, 1962): Nous avons dj expliqu que les Milices du Rwanda ancien ntaient pas destines uniquement aux combats. Il sagissait de corporations dont les membres respectifs taient mobilisables en commun, certes mais auxquels incombaient des devoirs et revenaient des droits dfendre en commun sur le plan social et conomique. Ces droits et ces devoirs revtaient une importance de loin plus grande que celle des obligations guerrires. Voil pourquoi nous avons tenu les appeler < Arme- Sociales>, pour rendre plus exactement la signification relle de nos anciennes Milices.

La cration dune Arme Sociale seffectuait thoriquement comme suit. A lavnement de chaque monarque, les notables dpendant de la Cour, ainsi que les Chefs du pays, lui amenaient leurs enfants non encore engags dans des Compagnies prexistantes.Le nouveau monarque groupait ces jeunes gens en une Compagnie, laquelle il imposait une appellation. Cette appellation de la toute premire Compagnie devenait celle de lArme entire (p.8).

Au total, lauteur prsente la liste de 88 Milices (Imitwe), rparties en une multitude de Compagnies (Amatorero). La toute premire Milice fut cre sous Gihanga Ngomijana sous le nom dAbanyansanga. Parmi les plus clbres on peut citer Ibisumizi de Ruganzu Ndoli qui ont libr le pays du joug des Abanyabungo, Nyaruguru qui fut la plus puissante de notre histoire, surtout sous le Commandement du prince Muhigirwa, et enfin la plus rcente parmi les clbres qui fut Ingangurarugo de Rwabugiri. Ces informations sur la nature de larme au sens traditionnel vont tre compltes par une brve description des deux grandes fonctions de cette arme.

II. LES FONCTIONS SOCIALES DE LARMEE

Dans sa monographie Le Code des Institutions politiques du Rwanda pr- colonial dj cite, A. Kagame donne une description assez dtaille des fonctions sociales de lArme.

II.1 Larme: structure de base de lorganisation sociale

La socit rwandaise prcoloniale tait, on le sait, une pyramide. A sa tte se trouvait Umwami. Celui-ci tait suppos tre le reprsentant du Dieu-Crateur (Imana-Rurema) sur le pays. Sous son autorit suprme se situaient trois juridictions de pouvoirs: militaire (ingabo), pastoral (umukenke), administratif (ubutaka). La juridiction sur umukenke concernait les possesseurs de bovids; celle sur ubutaka concernait les propritaires de terres arables; mais chaque rwandais faisait partie dune arme. Ctait donc la seule structure nationale de base.

Lenrlement dans une arme suivait une base familiale. De cette faon, cette organisation lchelle du pays coiffait celle de la structure familiale. Celle-ci, comme chacun sait, tait plus fondamentale et stendait trois niveaux: urugo (foyer), inzu (lignage), ubwoko (clan). A chaque niveau se trouvait un chef. Au niveau du pays, titre de chef suprme des armes, se trouvait le roi en tant que chef de tous les chefs patriarcaux. Ainsi, la hirarchie militaro-familiale tait la suivante: le roi, les chefs des armes, les chefs patriarcaux, les chefs de familles. Chaque citoyen rwandais tait encadr dans cette structure qui confrait ses membres des droits et des devoirs socio-conomiques. Cest dans le cadre de cette organisation sociale de base que la question de la justice peut se comprendre.

Une premire indication sur ce point est que, la majorit des citoyens dpendait de trois autorits parallles: de larme, du sol, des pturages. Au dessus de ces autorits, le roi tait le pre commun de tous les citoyens et rendait justice au nom de Dieu. Bien sr, le roi tant un homme, sa justice dpendait de ses qualits mais surtout des dossiers prpars par des subalternes. Voil pourquoi lon disait: umwami ntiyica, hica rubanda (le roi ne tue pas, cest son entourage qui tue).

II. 2 Larme: cole de lthique

Avant lducation leuropenne, il y avait jadis une forme dducation traditionnelle donne surtout aux jeunes gens des Amatorero (Compagnies en formation). Les compagnies du Rwanda pr- colonial avaient donc une structure dducation permettant aux jeunes recrues de sadonner aux divers exercices: corporels, guerriers,littraires, artistiques. Tout ce programme de formation et de socialisation de la jeunesse avait un but thique: rendre le jeune rwandais un citoyen honnte et responsable. Parmi les qualits thiques que visait spcialement cette formation, il faut noter les suivantes: le courage, la patriotisme et le civisme.

II. 2. 1 le courage

Cest lvidence mme. La premire qualit de toute arme est le courage. Le thme du courage est prsent presque partout dans la littrature traditionnelle du Rwanda. Nous le trouvons presque dans tous les genres littraires: ibyivugo (pangyriques des hauts faut), Ibisigo (posie lyrique), amazina yinka (posie pastorale), kuvuga amacumu ou imyato (odes et danses Guerrires). Le cadre habituel de ces apprentissages tait les ibitaramo (veilles des hauts faits) qui occupaient les soires dans les centre dentranement.Comment parler du courage sans songer nos hros sur les champs de Mars! De faon gnrale tous les Abacengeli(Liberateurs offensifs) qui ont vers leur sang pour de leur patrie!

Comment parler des hros au singulier sans faire mention particulire de Ruganzu Ndoli et le Commandement en Chef de ses armes, Muvunyi. Vouloir nommer nos hros, les anciens comme les nouveaux, est une gageure. Sinon, cest mme une injure pour ceux et celles quon oublierait. Eh bien oui, celles-ci aussi. Par exemple Ndabaga qui a d couper et cautriser ses seins pour sauter mieux que les hommes! Dans son livre, Un abrg de lethno- histoire du Rwanda (Butare, 1972, p.186), A. Kagame raconte lexploit dun nomm Matabaro. Lvocation de cette histoire mettra fin cette page sur le courage de nos braves.

A lpoque o le Burundi se permettait dhumilier le Rwanda sur la frontire garde par la Milice Nyaruguru, le commandement de cette milice passa Nyarwaya- Nyamutezi, fils deMbyayingabo. Ce Nyarwaya changea le cours des choses sur cette portion de la frontire. Il harcela lennemi et lui enleva toute ide de ses incursions dantan.Dans cette lutte se distingua grandement un immigr du Gisaka, du nom de Matabaro, ainsi que ses deux fils Rubare et Rugimbana. Ce fut autour de ces trois preux que les Bahutu de la frontire furent constitus en une corporation de lutteurs appele Abahebyi (Ceux qui ne tiennent plus leur vie). Cette corporation devait maintenir la renomme de lutteurs dlite.

Les exploits de Matabaro taient tels, que son chef le prsenta la Cour pour tre magnifiquement rcompens. Yuhi Gahindiro donna ce farouche guerrier un carquois rempli de flches, dcrtant en sa faveur quil devait sen servir sur le champ de bataille uniquement pour abattre les Rwandais qui reculeront devant les guerriers du Burundi.Ce fut cette poque que lancienne province du Buyenzi, actuellement englobe dans le District de Nyaruguru (les Communes Kivu et Nshili) fut progressivement gagne sur le Burundi et rattache au Rwanda.

II. 2.2 Le patriotisme

De ce qui vient dtre dit sur le courage, beaucoup dlments concernent aussi le patriotisme qui en est la principale motivation. On est courageux parce quon dfend une valeur considre comme imprative, parfois mme absolue. On pourrait dire, sans crainte de se tromper, que la vertu cardinale du citoyen rwandais de jardis tait le patriotisme autour de laquelle les autres gravitaient. Nous venons de faire allusion linstitution dAbacengeli qui tait un patriotisme jusquau sang. Dans un article du dernier numro de cette revue (p.79-88) on a prsent cette page glorieuse de notre histoire.

Faut-il aller si loin dans le pass pour trouver des exemples patents de ce patriotisme jusquau sang? Une commission national est actuellement luvre pour designer, sur des bases sres, nos modles de ce patriotisme. Lamour de la patrie et labngation qui met les intrts du pays au- dessus des intrts personnels ou de son groupe social, sont parmi les critres de ce choix. De plus, le patriotisme est une synthse de beaucoup dautres vertus. Faut-il citer les modles rcents? Tout le monde pense, avec raison, au Gnral Fred Rwigema. Il ne fut pas seul poser la geste libratrice de ce pays. Il ne faut mme pas penser seulement au pass. Beaucoup de nos jeunes continuent de se faire trouer la peau pour que la paix, la stabilit des institutions, la prosprit et la justice, en gnral, sinstallent dans ce pays de nos aeux.

II. 2.3 Le civisme

Dans la socit rwandaise traditionnelle, le civisme tait le maitre- mot pour parler de la sociabilit. Le terme le plus proche de notre langue est le Kinyabupfura = le civisme dont le contraireest lubunyamusozi= lincivisme: littralement tre broussard, cest--dire incivique. Cette vertu des manires civiles dpendait en premier lieu de lducation familiale ds la base enfance. Devenu plus grand, le jeune homme rwandais compltait cette ducation dans deux grandes coles de socialisation: Ubuhake et Itorero. Le buhake tait un systme dlvation un niveau social suprieur au sien. Mais parlons surtout du centre de formation civique nomm itorero en empruntant les informations A. Kagame dans son livre dj cit:Le Code des institutions politiques du Rwanda pr- colonial. Les veilles prolonges chaque nuit seront consacres aux exercices de dictions, par dclamation des hauts fin, prsids par le Chez du palais Royal ou par le chef de compagnie, assists dautres personnes verses en cet art. Durant ces sances des hauts, les jeunes gens ne dbitent que les ordres guerrires de leur composition, auxquelles ils ajouteront des faits darmes fictifs, limitation des hauts faits modles quon leur aura fait apprendre.

On provoquera volontiers des dbats contradictoires pour les habituer largumentation serre, la rplique prompte mais toujours calme. Si lun deux, dans le feu de la discussion, cde un mouvement de colre, une parole, indlicate ou blessante, lassemble devra le huer et lhumilier; on le chasserait mme du lieu de la runion, sil se cabre sous le coup de ces moqueries. Ce sera apprendre tous la maitrise de soi. Jamais on naura de respect pour eux, et ces humiliations ne seront pas regardes comme des offenses. Les propres fils du roi seront traits de la mme faon que les autres. On incitera les jeunes gens ne pas laisser impunment passer les saillies de caractre de leurs camarades. Ils doivent tourner en drision tous ceux qui ne savent pas encore refouler leurs sentiments au fond du cur. Le courtisan parfait, qui fera honneur son ducateur la cour, sera celui qui parlera son adversaire, voire mme son pire ennemi avec calme et amnit (p.25-26).

Voil une brve description de lcole du civisme dautrefois. Si les Rwandais daujourdhui avaient gard ce civisme, les horreurs davril 1994 nauraient pas eu lampleur quils ont connue. La rconciliation nationale, tant recherche actuellement, serait moins problmatique et plus ralisable.

III. LES FONCTIONS MARTIALES DE LARMEE

Les milices rwandaises ntaient pas seulement une machine de guerre. Et mme pour la plus grande partie de leur temps, elles vaquaient aux tches sociales, bien entendu. Mais tout de mme! Leurs objectifs les plus caractristiques restent les oprations militaires. Avant dexaminer le programme proprement militaire des armes rwandaises, voyons dabord leur apprentissage et entranement lart martial. Notre informateur oblig est toujours linvitable A. Kagame.

IV. 1 la formation au mtier des armes

Lart martial nest pas une qualit inne. Il est acquis au prix des efforts longs et ardus. A.Kagame (CIPRP, p.24-25) nous en rsume lessentiel. Une bonne partie de la journe se passait en danses guerrires: Umuhamirizo, larc, lpe, la lance, etc.; Tir la cible, lancement de javelines et sauts en hauteur, apprentissage des pans et des odes guerrires classiques.

En plus des ces exercices physiques, lart militaires comprenait galement linculcation ces jeunes des valeurs morales et nationalistes de ce service de la patrie. Cest effet que la posie et la danse taient orientes. Chanter et danser les actions militaires dclat galvanisaient le courage des combattants. Ecoutons encore une fois A.Kagame. Suivant les modles classiques, les membres des forces armes composeront eux-mmes dabord lhymne de leur compagnie, puis dautres chants quils prsenteront au roi. Ils sappliqueront spcialement la composition de leurs propres odes guerrires (ibyivugo) quils devront rgulirement dclamer durant les veilles des hauts faits.

Pour ce qui est de la danse guerrire, linvention de nouvelles techniques tait au programme des comptitions. Cest ainsi que la Milice Nyaruguru introduit une dance depuis lors devenue classique. A. Kagame nous en parle en ces termes: Les danses guerrires actuelles appeles du nom gnrique de umuhamirizo sont dintroduction rcente. Cest la danse du Burundi combine avec la ntre traditionnelle de la lance. La premire excution en fut entreprise par larme Nyaruguru sous le commandement du prince Muhigirwa, fils de Kigeli Rwabugili. Les autres armes adoptrent le nouvel exercice.

III.2 Lexpansion du territoire national

Qui ne le sait? Le berceau du Rwanda primitif fut la colline de Gasabo, sur la rive du lac Muhazi. A son apoge, le territoire rwandais avait conquis de vastes contres actuellement rattaches par les puissances coloniales au Congo-Kinshasa et lUganda. Ce programme dextension figure dj dans lappellation mme du nom Rwanda, choisi par le fondateur Gihanga Ngomijana. Le nom vient de la racine aanda = une tendue illimite. Cest dire que le nom fut un programme dextension: un pays qui doit toujours pousser au loin ses frontires. Sa capitale historique Kigali ne dit pas autres choses. Il sagit igihugu kigali = dun pays vaste, ce qui veut dire: destin tre vaste.

Toute lhistoire du Rwanda sous la dynastie nyiginya se confond en grande partie avec les guerres de conqute ou du maintien des territoires acquis. Des institutions entires ont t inventes pour cet objectif. Celle des Abacengeli vue antrieurement na que cet unique but, comme le moyen le plus juridique valable. Selon la conception traditionnelle, en effet, pour conqurir un pays, trois conditions taient exiges. La premire et la plus importante tait de payer la ranon qui tait le sang dun librateur offensif (Umucengeli). Celui-ci devait accepter le sacrifice suprme librement et aller se faire tuer incognito pour asperger de son sang le sol du pays conqurir. La deuxime condition tait la capture du tambour de rgne du pays vaincu au combat. Tant que ce tambour ntait pas dans les mains du Rwanda, la conqute dfinitive ntait pas acquise. La troisime qui est comprhensible tait le fait doccuper militairement un pays. Le fait accompli et durable crait le droit. Ces trois conditions taient normalement conjointes, mais souvent et dans lordre quon vient de les citer.

Une autre institution de conqute est le cycle dynastique qui prvoit celui des rois de la guerre: les Ruganzu et Kigeli. Le cycle qui prcde le prpare (=Mutara-Mibambwe), celui qui suit stabilise les acquis (=Yuhi), puis le programme reprend son cours cyclique. Ce programme fut bloqu dfinitivement par la colonisation europenne. Celle-ci ne se contenta pas de le bloquer, le pays fut amput du tiers de son territoire.

III.3 La sauvegarde de la scurit

En plus de son rle gnral dagrandir le territoire national, larme traditionnelle devait assurer la scurit interne et externe. Faute de pouvoir tout dire dans le cadre limit de cet article, contentons-nous de quelques exemples.

III.3.1 La scurit interne

III.3.1.1 La rvolte dAbarashi

Sous le rgne de Mutara Rwogera, raconte A. Kagame dans son livre Un abrg de lhistoire du Rwanda, de 1853 1972 (Butare, p.53-54), il y eut une affaire grave au Burera. Le chef de cette rgion, un nomm Sekaryongo, pour une raison non encore explique, condamna la peine capitale deux chefs de famille dAbarashi. Ceux-ci formaient une grande et belliqueuse famille compose de deux branches: Abakemba du chef Rukara et Urwasa-bahizi.

A partir de ce moment, les Abarashi se rvoltrent contre lautorit centrale du pays. Pratiquement, ils se constiturent en rgion autonome, nenvoyant plus la Cour quelque prestation que ce ft. Profitant ensuite de leur organisation guerrire suprieure, ils ranonnaient les alentours et rendaient la rgion inhospitalire. A cette poque, le roi Rwabugili tait occup mter la rvolte de lle Ijwi. A peine avait-il termin cette campagne punitive, Rwabugili arriva au Murera et fixa sa rsidence Kigarama

Apprenant larrive du roi dans leur voisinage immdiat, les Abarashi comprirent le sort qui les attendait. Aussi, ils se rfugirent dans la fort sur le flanc du volcan Muhabura. Diplomate, le roi prfra la voie de la ngociation. Les missaires du roi russirent convaincre Rukara et ses farouches guerriers viter la confrontation et rpondre positivement linitiative royale. Fort heureusement, ils rpondirent prsent la convocation du roi et le rsultat fut spectaculaire. Non seulement la fin fut mise la rvolte, mais les Abarashi furent intgrs la compagnie Ingangura-rugo qui tait la garde personnelle de Rwabugili.

Pour ce qui est de Rukara, une rivalit entre lui et son collgue lui porta un coup fatal. Devenus chefs, chacun pour son groupe, Rukara au Gahunga et Sebuyange au Kabaya, ils eurent un conflit de limites territoriales. Laffaire fut porte en appel auprs du roi dont le verdict donna raison Sebuyange.

La Cour confia au Pre Loupias la mission de communiquer la sentence au malheureux perdant, qui ne laccepta pas. Cest durant la sance de la fulmination de la sentence quune bagarre clata. Deux de sa parent dont le nomm Manuka turent le missionnaire. Rukara dut senfuir et rejoignit le prtendant Ndungutse. Il termina mal sa vie par une condamnation mort pour venger le pre Loupias. Conduit Kigali et jug par les autorits coloniales allemandes, Rukara fut pendu.

III.3.1.2 La rbellion de Basebya

Ce personnage, continue notre informateur A. Kagame, (ibid., p.14) est un mutwa; il tait chef du groupe de ses congnres nomms Ibijabura qui vivaient sur un lot dans le marais mouvant de Rugezi. Basebya, membre de la Milice Abashakamba, avait rfus de reconnatre lautorit de Musinga aprs la mort de Rutarindwa. A la tte de sa bande dAbatwa et dautres habitants de la rgion, il ravageait les contres environnantes. Il finit par reconnatre lautorit du prtendant au trne, Ndungutse Birasisenge. Basebya aura une fin tragique que nous raconte A. Kagame (Ibid., p.168).

Aprs la mort de son protg Ndungutse, Basebya tomba dans un pige tendu par le chef Rwubusisi qui tait charg par le roi et lAdministration coloniale pour liquider toutes les affaires pendantes du Murera. Dans une rencontre pige, Rwubusisi arrta Basebya. Celui-ci fut jug et immdiatement fusill Kajwi, dans la lancienne Commune de Nyarutovu,

III.3.1.3 Linsurrection de Ndungutse

Aprs la mort de Rwabugili, il y eut un temps o la Cour tait occupe par le rglement de comptes entre factions rivales: lune du ct de Rutarindwa et lautre de celui du jeune Musinga. Cest dans ce contexte politiquement empoisonn que surgit un certain Ndungutse que nous venons de mentionns dans laffaire de Basebya.

Habitant dans la rgion du Mutara, le nomm Birasisenge profita des rumeurs contradictoires de la Cour pour profiter de la confusion. Ces rumeurs populaires disaient que Muserekande avait eu deux fils: Biregeya, de Kigeli Rwabugili et Ndungutse avec Mibambwe Rutarindwa. Aussi, Birasisenge se donna le nom de Ndungutse. Il dbarqua au Murera et russit se faire reconnatre comme le lgitime roi du Rwanda comme contre lintrusion de Musinga. Les rgions nordistes ntaient pas difficile convaincre contre lautorit centrale avec laquelle elles avaient eu tant de dmles. Ctait mal compter avec le pouvoir royal appuy par lAdministration coloniale.

Aprs quelques temps, Ndungutse comprit que pour enraciner son pouvoir, il fallait viter la confrontation avec les Europens. Cest pour cette raison quil a d leur livrer Rukara qui tait devenu son protg. Bien entendu, ce clin dil ne pouvait suffire pour quelquun qui a des prtentions au trne. En recourant au service des agents doubles, Ndungutse finira par tomber dans les filets de lAdministration allemande, de connivence avec la cour royale.

Pour rsumer la fin de la comdie de Ndungutse, il faut dire que le chef Rwubusisi et le Lieutenant Gudovius (Bwana Lazima) furent les matres duvre de la fin de cette insurrection. Ndungutse avait sa rsidence Ngoma au Murera. Aprs mille dmarches complexes cette rsidence fut cerne par les militaires et Ndungutse fut tu par une balle en essayant de se sauver.

La fin de cette comdie est bien connue. Ndungutse se trouvait dans sa rsidence de Ngoma, colline au dessus du marais du Kigezi. Lorsque la troupe du Lieutenant Gudovius ait fini de ceinturer la rsidence un claireur post lintrieur de la maison donna le signal de lattaque. Ndungutse essaya de schapper par la sortie qui donne sur le Rugezi. Peine perdue, un coup de revolver le coucha au pied dde la palissade. Ctait le 13 avril 1912 (Ibid.,p.160).

III.3.2 Scurit externe

III.3.2.1 La rforme stratgique de Cyilima II Rujugira

Lorsque Cyilima Rujugira prit le pouvoir, dit A. Kagame, (un abrg de lethno histoire du Rwanda, Butare, 1972, p. 136) le Rwanda tait dans une situation critique. Il devait se dfendre contre presque tous ses voisins: le Gisaka, le Burundi, le Bugesera. Comment sy prit il devant ce danger?

Quoique les fonctions attaches son nom dynastique fussent pastorales et non guerrires, Cyilima II Rujugira se montra un excellent organisateur de Milices combattantes. Il initia une tactique dauto-dfense qui dota le Rwanda dune organisation guerrire des plus appropries; ses successeurs ne firent que la renforcer. Il sagissait dentourer le pays dune barrire infranchissable des Camps des Marches = Ingerero. De cette manire, on enlevait lennemi lavantage de la surprise. En effet, non seulement il y avait des combattants en permanence sur le front, mais par le son particulier du tambour, les habitants des environs accouraient au secours du camp attaqu. Lennemi tait ainsi repouss et loign de la frontire. Cest partir de cette mthode des camps des Marches que simposa ladage: U Rwanda ruratera, ntiruterwa =le Rwanda doit garder linitiative douvrir les hostilits.

III.3.2 Les pactes de non-agression (Imimaro)

A lgard des pays voisins, le Rwanda a eu deux attitudes: le projet dannexion et lalliance amicale. De la premire attitude, nous venons den parler. Exposons brivement la seconde dite pacte de non agression.Laissons de ct ceux qui avaient une intention tactique dendormir le pays avant de lannexer et qui, de fait, furent conquis. Parlons des pactes avec les pays suivants: le Gitara, le Karagwe et le Burundi. Ces pactes taient fonds sur trois raisons diffrentes. Le premier avait une base magique: le tabou dattaquer le pays du magicien Ryangombe. La seconde reposait sur une vritable amiti: la patrie de Nyabunyana qui avait hberg Ndoli et aid reconqurir sa lgitimit. Et enfin la troisime qui tait une volont de coexistence pacifique avec un pays fort.

III.3.2.1 Le pacte avec le Gitara

Sous le rgne de Ruganzu Ndoli (1510-1543), racontent nos historiens, un grand magicien du nom de Ryangombe est arriv au Rwanda. Il venait dun pays nomm Gitara, dans lactuelle rgion ugandaise de Ankole. Avant de mourir, le grand magicien russit imposer son culte dit Kubandwa, qui fut intgr au culte ancestral du guterekera. Cest ainsi que le pays originaire de ce personnage devint une patrie protge par un pacte de non-agression des armes rwandaises. A.Kagame nous confirme cette tradition, en la plaant dans le cadre des conqutes du roi Kigeli Nyamuheshera, petit-Fils et successeur de Ruganzu Ndoli. Se tournant vers le Nord, Kigeli Nyamuheshera soumit les rgions autour du lac Rwicanzige et il fixa dfinitivement la limite du Rwanda lescarpement de Kabasha. Au-del de cette localit, commenait la zone du Gitara, patrie de Ryangombe, et il tait tabou pour les Rwandais daller plus loin que lUrutare rwa Kabasha (ibid.,p.119).

III.3.2.2.2 Le pacte avec le Karagwe

Nous le savons. Les Abanyabungo occuprent le Rwanda pendant onze ans, aprs avoir tu le roi Ndahiro Cyamatare et captur le tambour de rgne: Rwoga. Avant la catastrophe, Ndahiro avait mis en scurit son fils et hritier Ndoli, chez sa sur Nyabunyana, reine du Karangwe, dans lactuelle Tanzanie. Au temps o le jeune Ndoli revint dans le pays, sa tante lui fournit une escorte militaire qui assura sa prise du pouvoir au Rwanda En signe de gratitude, Ndoli promit au Karagwe, entre autres choses, ce que A.Kagame nous dit en ces termes:aucun monarque rwandais ne ferait jamais la guerre contre le Karagwe, et que, en plus, le monarque du Karagwe serait le