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  • LE LABOUREUR ET SES ENFANTSEtude smiotique

    Jean CALLOUD (CADIR - Lyon) poursit lapbLic&tion iLe ses Lectures smiotiques de textesLittmes. Les analyses tant aussi iLes exercicesd.'i.n;tiation la thor,e smiotique, Ies princi,-paur conce,ts thoriques ont t imprims encaractres gras pour en faciliter le reprage d,ans Ieterate et permettre aux lecteurs d,e titer encore unmei.lLeur prolit du plaisir qu'ils auront Iirc cesPages.

    Travaillez, prenez de la peine :C'est le fonds qui manque le moins.

    Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,Fit venir ses Enfants, leur parla sans tmoins.Grdez-vous, leur dit-il, de vendre I'hritage

    Que nous ont 1gu nos parents :Un trsor est cach dedans.

    Je ne sais pas I'endroit ; mais un peu de courageVous le fera trouvel : vous en viendrez bout.Remuez votre champ ds qu'on aula fait l'ot :Creusez, fouillez, bchez ; ne laissez nulle place

    Oir la main ne passe et repasseo.Le Pie mort, les Fils vous retournent le champ,De, del, partout : si bien qu'au bout de l'n

    Il en rapporta davantage.D'argent point de cach. Mais le Pre fut sage

    De leur montrer, avant sa morl,Que le travail est un trsor.

    Jean de La Fontaine

    Smiotique et Bible N. 6234

  • Le texte se prsente comme n recit prcd d'un nonc xhortatif etsuivi d'un nonc corstatatif, relatifs I'un et I'autre I'importance dutmvail. Ce dispositif d'encadlement subordonne la trame ra$ative I'orientation interprtative des deux dclartions gnrales. Considrantqu'il s'agit simpleent d'ure solte d'exploitation pdagogique du rciton parle souvent de
  • La comptence est voque sos forme tgative relativement a l'objetvirtuel :

    "Je ne sais pas I'endroit..." et positivement de manire gnrale : moyennant ue sorte de mp se sul la taturedes biens changs. Le texte signale et neutralise l'ventualit d'unappauvissement li au transfert de l'hritage. L'opposition ainsi induites'exprimerait de la manire suivante : il y a

    "le fonds" et ily a "l'hritgecomme simple objet immdiatement ralisablo. En somm la plomessevs I'argedt. Si l'on tint l'ulr on ne peut avoir l'autre. Laparole du prevs le profit ou la chose sans dlai. Il s'agit biet de contraires.

    Cela dit, on peroit sans peine que le problme n'est pas ici de la(richesse, ou de 1a (pauvret" comme tats conomiques, ni de l'activitcomme moye d'accrotre la quantit de biens matriels. Le texte nercnvoie pas des clivages sociaux ni aux principes de gestion d'unpatrimoire. Tout est situ dans le cadre de la vie familiale et sul I'horizonde la succession des gnrations, soit la question, poI I'homme, de la vieet de la mort, du statutdans I'existence du vivant-mortel. Pourdcider durfrent principal de ce texte il importe de savoir ce qu'il en est dsranicularites discursives de I'action.

    I Smiotique et Bible N' 62

  • 3. STRUCTURE DISCURSIVE.

    Les acte$, les espaces et Ies temps sont particulircment bien dfinis.Les acfeurs comme laboureurs d'abord,pre etenfants, comme membrcsd'n mme famille ensuit, appatenant deux gnratios successives,pre et fils. Deux lieux : celui de la rencontre

    "sans tmoins" du pe et deas enfants, le champ cornme lieu de favarl et soulce de pport. Delrxmoments trs surdtermins : le temps de la mort Foche du pre, letemps qui suit cetle mort. Dans le premier lieu et le prcmier momet lepre parle; il n'est plus dans so rle de laboen activit. Les enfantssont en attente d'tre hritiels. Dans le second lieu et le second temps lesenfants travaillent, confornment la prole du pre. Entre ces deuxscnes I'hritage, comme hasmission et comme instaution des sujets.La conliguration frmilile est donc dominante. Elle domie et intgrecelle des biens conomiques.

    Dans ce cadre simple et d'appalence banale pparaft un lmentfiguratif problnatque, une sorte d'aigrtre ou de supplment fictif : letusor cach datrs le champ. C'est une sorte dbbjet, et ce titre il joue unIle dcisif dans le systme persaslf du pre ais il n'est portant pasune alit physique dans le rcil. Il ne sera jaais attribu maisrcpamtm comme qivalet ou dfinilion du lravil. De quoi s'agit-ilexactement ? Pour le savoir il importe d'en p!ciser le lieu, le statutfigurtif et l'elfet sur le drculemcnt de I'actior.

    3.1. Le trsor, I'brit|ge et Ie champ.L hsor est mentionn par le pre, comme raison de ne pas vendrc

    I'hritage, comme objet cch chercher et trouver en un lieu noncoirnu, comme motivation de ultiples opmtions e{fectuer dans [echamp. On ignore donc so emplacement exact mais on sait quelendroit et comment chelcher. La prsece dlr trsor daDl l'hritageentrane une d{initior nouvelle du champ tmshis de gnration eognration dans cette famille de laboureurs : sorte d'espace plusieursdimensions, non seulement surface 6ais volume, qu'il faut

    "remuer,creuser, fouiller, bcher", oir la main trace un parcors exhaustif etcontinu, intrie et extrieu conjoints. Espace

    "retourner, de, del,prtout>, soumis donc diverses oprations nllemert imposes pal lavraisemblance prople aux activits agricoles. L cohrence figurtivecde ici devart une autre logique de nahrre plus absbaite, que rous

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  • appellerons ligle: le champ n'est pls seulement terain de laboureursmais aussi lieu de la recherche d trsor, point d'applicatio d'u dsir detrouver ce que 'ont pas trouv les gnrations prcdentes. Par sadouble appartenance, a morde des activits agdcoles et celui du dsirdes enfants institus fils et hritiers par la parole du pre mourant, un telespace est dot de capacits signifiantes spcifiques : il renvoie autant I'acte d'hritier q' I'act de labourer. Il fournit au texte le moyen deparler des fils comm sujets hdtiers en racontant l'histoire d'unlaboureur et de ses enfants. On voit comment s'iscrit, dans la chane et latlae iliscursives, je veux dire dans le croisement subtil de la reprsenta-tion du onile et des mcanismes langagiers, ne troisime dimension plusploblmatique, celle du sujet. Nous avons du mode, extrieur etintrieu (extroceptif et introceptif), ne connaissance suffisante, bienqr1e toujours perfectible, el du langage une certaine mat se, pntique ouorique. Il n'en estpas de mme das l'ordre du sjet: nous vons tout conaltre partir de ce que peuvert en dire les textes et de ce que nospouvons e entendrc. Il n'est dorc pas sans irportance de reprer ici oul, dans les oeuvres crites, en quels points et par quels carts figuuxs'indique I'inscripton d'un certain savoir subjectif. Plus xactement enquelles orgadsatioDs figuratives et figurales fait retour ce que prcis-ment exclent ou ftaintiennent distance le savoir objectif du monde etle jeu rgl du lagage pens comme systme.

    3.2. Le tr6or reprsertation de l'hritge et de l'hriter

    En verlu de sa situation dans un espace trs paniculier oir ilest la foissoustlit au regard et propos la recherche, le trsor replsente ce qui,de I'hritage, n'ayant pas encore t mis au jour rcste n suspes, A la foisperdu, cach, conn mais non identifr, en attente ou en souffrance, untel objet discsif dsigre ce qui, des gnration passes, rcste laborerpar les gnrations suivantes, le pls prcieux donc de c qui est transmispar hritage. Trsor nor ctulis mais actualisble par qi et pour qisaur trouver ce qui s'est perd l sans cessr d'tre et d'insister.

    Le trso. est donc une construction de l'noncition en vue deI'inte4ttior, un intermdiairc plac exactement l o il importe delaisser entetdrc qe le relais va tle pds entre celi qui parle et ceux quiooieat, non en vett d'une dmonstration ou d'une argumentation maisau titre d'n croire. A la seule condition oue l'attention se dtourne de

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  • I'objet come valeur immdite et immdiateent reconiue, pour seportersur une f iguree\pressive mais sns conleflu. Le trsor: q uel lrsor ?nous n en savons rjen.mais i lsuff ir- pour l .veiJ

    "r t . ,ourl.n a'u aarl i . ouice sorr un

    "lresor-. Voll donc les enfnls. devenus f i ls, invits er incits reprendre leur compte la proprir farni l ile pou, y u.if i .r lu ;; ; ; i . ; ;pere. uans ce -

    tonds qui ma nque le moins" l .acl ivi l d.inrense ;echerchernsptree par te desrr de lrouver vient se confondre avec le travail duj::,",ii;i,i:"1:,1:j::'ll:ff.:l.lii,r"1 i::*:,fi l"t,Jl :Im,i l le.ni prendre l place des parents. mais tulr" fu pr.ru. qu.". J;. i^meorl. lon oe ta. parole change. la vrit prsidait la iencnLresymDollque du pre et des fils.

    3.3. Le leue et la sagsse.

    "D'argentpoint de cach, : le trsor nlserait ncessaiment a".o"ie uu "ignmu,f ito;il

    j:iffif iH-#i:automattque ce qu' i l promenait. Compar au_-signe", I . r."o;.; i ; ;l:i[ii;:' ;:il:ii"K::l:i'J::iX';,lii. il,,T':i",':i:enrichissement humain. Rien qui re soit ,.sage-. fi's"1-lu u;"*"i-lutransmission. indiquanr l pone rroire du signil l iant par oir passer oouin erre potnl seulemenl laboureur majs

    -f i ls^. Travail consjdrble,poursuiyi de gnlration en gnration, soutenu par un dispositif

    r ld{: .OriTanque s'a-vre moins rrompeur que ce qur comble.ou re "ronds- a exptorter par le lravail d

    monetaire. De ce..fond.- t" p,.,"i.,non::uT"Ir1ffi1,i:*ff:ti:morns-. (omprenons bjen : de quoi ne manque_i-i l pis ? du manoueprecisement. car t l manque. mais i l

    "manque le moins". Manquant dusignif i. i l ne manque pas grvement. Car i l n'y "

    d. g;". ;; i ; ; ;o;;oe srgn|lrnt. DoDl nous apprenons ici qu.i l est un "trsoi". en ceci.aui"::",3i ! iijli::j ; il."".J#:ffls:;:ixff :::l.T#","h:pas l 'excs de richesse produile qui dfinir le .,t

    "Ur-. "4..r pfriil- i" i id'Lre soxslrail I 'ordre comprble de la richesse. Mieux vaut ici un;Tffi ,ii flii,iifl .:l ii: i"l 3.:."iliTl *,T.i":1X:::y"Tj"J,i:

    ses pass s. un,"londs^ oi irer. par le Iabour et le labeur, de l.ncien et dunouveaur te nccessatre et le Dlus Drcieux.

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  • Ainsi pouvons-nous produire du micro-univeN smntique manifstdans cette fable une h)?othse descriprive ple intgrer la dimensionDonciative. je veur dire susceplible de reodre compte non seulemenl dece que raconte La Fotain mais de ce dont parle son texte. Le modle enest prircipalemert celui de la reprsentation, sul le mode ligurI, d'uneopratio de traNmissiotr ou de transfert patrimoniI, comportantruptre (la mort du pre), dplacemeot (orientation vers ce qui n'a pasencore t fait ou rorientation vers ce qui est depuis toujotrrs en attente)et conthuit assure eatre 1es gnrations G,acte de la parole entre sujetshumains). Un tl modle, applicabl au contenu mis en discoursc'est--dire nonable, dit aussi quelque chos de I'opration nonciativeelle-mme. Entrc celui qui nonce (ici le pre) et ceux qui recueillentl'tonc (les enfants) place est faite une sorte de dissymt soulignepar la reprsentation figurative-figurale qu'est Ie trsor. Le pre en parle,les enfants ne le trouveront pas sous sa forme imaginable, mais il vientopportunment se place! au point de dfaillance et de relais poul ymaintenir l'ouveturc et l'quilibre. Un trsor spare et lie toujouffnonciateur et nonciataire, l'un promettant plus qu'il ne peut donner,I'autr trouvant autre chose que ce qui est annonc. Au sage leurre del'nonciation rpond l travail de l'interprttion. Entre I'une et l'autreopmtion le texte comme (oevre> et comme
  • clevant sa maison et tenait ses mains sur ses reins. L, vieille arrive par derrire, deso[ lard lui frolrla?aume.Quand i] seol sa paume graise. iljeni les yeux sur Iatemme t,tsoone viei l le.que fais-lu l?"

    -"pour Dieu. sire,pardonnel_moi. On m.adil d aller rous rouver fin de vous gjrser la paume: aimije pourrais tre quitreel recupcrer mes deux vches"

    - "Celle quj l dit de Ie faire enrendail h;hosea u lremenl: cependant tu n') perdrat rirn, Je lr lerai rendre le! vachei et tu aumsI berbe d'ur Dr".

    _.L'histoire que j'ai racont vise les riches haut placs qui sot menters etdloyux. Tout ce qu'ils savent, ce qu'ils disent, ils le vendntu plus offrant, Ils semoquent de la justice; rapiner est leul seul souci. Au pauvre on iait droit mais s,ildonne. (exFait de FABLIAUX. kresentation choix et taduction de GilbertRougeL Ga ia . Folio 19V8.)

    Ce-texte ne raconte pas la mme histoire que la fble de La Fontaine etne lur est pas comparabie narrativement. Il ne s,agit pas de transmissiond'hritage mah de simple transfert d'objet-vaur, 1"" d.u;;;;h;;.possedees par ne vieille femme (S^O), rcupres par un prvt(r vUAs ). enttn restttues leur premier propritaire (S ^

    O v S.). Dns

    ce parcours du f ietatt, du manque et de la I iquidation du maDque,l.obietn.esr otsJotnt du suJet que pour lui tre nouveau conjoint. Si l.ns rnlerroge sur les ctgorieslmeltaires misesen jeu dansun tel rcit onest renvoy la conclusion qui oppose les riches t les pauvres. systmeoren cqlnt;l el lacttement reprsentable sur le cfi smiotiqe. Le lxre,quanr lut. charge de mantl ister le micro_univers smantique dans loutes_on extension et en conforrnit avec son olganisation intgrale, mise endiscours incluse, souligne surtout le stratagme employiar ia vielGfemme pour obtenir resti tul ion de son bien. C.esi a ta comDtencenarralive^qu'il_s'agit. d'un programme d.usage. du ."uoir_faii.i-upouvorr-ratre. ht soo acquisjr ion reqierr l . intervention de deux interm_drrres : ta votstne et Ie chevalier. Toutefois la russite n.est pas due lasimple e\cution du programme d'usage. conseils de l i voisine etlntervention du che\ al ier. EIle requien un supplment. une sone d.eeurou de mepnse sur le sens. un dfaut de comprhension. qui vienls' intercaler da n^s Ie mcanisme narrati f . f l y produii quelque pen'urbationmars lt est panattement etlicace pour la rcupratjon des vaches sansamenoe. l t protoque mme une russite pls grande :

    "el lu auras l.herbed'un pr".

    4lSmiotique et Bible No 62

  • ,Que sr psse{-i l donc lorsque s'ajoure aux ingrdient5 signif ianlsreperlorrCs clans l structure narrtive ce supplment nigmarique f igurpar le morceau de lard, dont toutle monde se serait bin Dass mais aanslequel pourtanr le rcit manquerail de sel : Je proposa de prendre enconsidration cet objet (sans valeur) au titre du dseau figuratif et dusystm ligral insffits dans le micro-univers smantique par l,organis-tio nonciative. C'est ici que nolrs allons retrouver l fable de LaFontaine. Il faut poI percevoir la pertinence de ce rapprochement notertrois choses : la manire dont est racont le dolacement de la vieillefemme. le jeu de l ' interlocution entre el le et ia voisine Hersant, laraction du chevalier. Je dirai deux mots enfitr de la conclusion dutexte.

    Le dplacement d la vieille femm.

    On distingue les dplacements ordinaires (chez le prvt, chez savoisine) et le dplacement calcul chez le chevalier : (ell va tout droitchez le chevalier... Il tait devant sa maison et terait ses mains sr sesreins... Elle arrive par derrir... Iljette les yux surla femme...> Curieuxchass-crois ou se disent la fois le dtour, l'vitement. I'inversion et lavise directe. Il faut atteindre la paume de la main pour se retrouver face face avec quelque chance d'obtenir I'aide du chevalier.

    "Manipulation"certes, mais pe banale. Un tel parcours, totalement inadapt auprogramme conseillparla voisine, obit ax contraiDtes de l,interprta-tion du conseil.

    Les deux voisines.

    L'une parle au sens figr, plus attentive au sigtrili qu'au signifiant.L'autre pense a lard quad on lui parle de lard, ne doutnt pas uninstant de la Iigure p se au pied de la lettre et ne rougissant pas de n'y pasentend le signifi vis par le locuteur. Le chevalier le lui rappellera :"Celle quil'a dit de le faire enterdait lachose autrcmert". Quelque chosecomme un leurre s'interpose entre les deux interlocutrices. D'trenregisti comme tel loin de nuire s'avrera productif. Et le dtour ainsioccasionn pargnera la dpense, dispensera de I'amend et procrera"l'herbe d'un pr". Non pas passage I'acte, comme on pourait lepenser, mis confiance laite au signifiant,je veux dire ce qui a capaciteffective de parler ds le discours. Comme le trsor dans le champ.

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  • La rponse du chevalier.

    . I l .y quelqu'un pour rpondre l .at

    6,'*'.;t**iit'if ii'il#ii:#i.l:"*iiijti*il;nfu*:ii't,* ., m*:r:1.* *it"";::,;.**+t;liui;i;L:i"::t[:r*Jfr.*,lJin1T:gi"Ti"i:lsrenrrranrs d.arrres pan. r." un, u.na"n,

    "Tt drlliLTi:.1"Tl^ljJl;":

    raul taire drort. sur ia base de ce qu.i ls dorurenr.

    Jean CALLOUD

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