Journal of African Earth Sciences, Vol. 9, No. 1, pp. 31--40, 1989 0899-5362/89 $3.00 + 0.00 Printed in Great Britain. Pergamon Press plc

Caract6res hydrochimiques des nappes des roches endog6nes fissur6es en zone tropicale humide : l'exemple de la C6te d'Ivoire

J.P. FAILLAT* et B. BLAvotrx**

*Laboratoire d'Hydrog6ologie, USTL. Place E. Bataillon 34060 Montpellier, France. **Laboratoire d'Hydrog6ologie, Facult6 des Sciences, 33,rue Louis Pasteur, 84000 Avignon, France.

R~sum~ - Une s6de de 230 analyses hydrochimiques des 616ments majeurs a 6t6 r6alis6e en C6te d'Ivoire, dans un environnement physique et g~ologique d~f'mi aussi pr~is6ment que possible. On pr~ente ici une br~ve description statistique des donn6es de base (conductivitY, temp&ature, pH, Eh, Ca ++, Mg ++, Na ÷, K +, HCO 3, Cl, NO3-, et SO4" ), ainsi que certains des facteurs de contr61e (lithologie, v6g6tation, action anthropique) du chimisme des eaux des nappes de fissures.

Abstrac t - A set of 230 hydrochemical analysis of major constituents were carried out in the Ivory Coast, within a defined physical and geological environnement. The statistical description of the data (conductivity, temperature, pH, Eh, Ca ++, Mg ++, Na +, K +, HCO 3, CI, NO set SO4")and some factors altering groundwaters chemistry in fissure aquifers (lithology, vegetation, men activities) are briefly presented.

I . I N T R O D U C T I O N

Les re s sources en eau des roches 6ruptives ou me tamorph iques f issurees, sous al terat ion 6paisse (Jusqu'a 50-100m, su ivan t le type de roche), cons- t i t uen t l'obJet principal des p rogrammes d'equipe- m e n t hydrau l ique des villages ouest-afr icains, et cela depuis le mil ieu des annees soixante-dix. Si le ch imisme des eaux de surface, des sols, et des nappes d 'al ter i tes a fait l 'objet d 'assez n o m b r e u s e s e tudes , n o t a m m e n t en C6te d'Ivoire (Tardy et Mfllot, 1966; Tardy, 1967 et 1969; BRGM, 1967; Lenoir, 1971, 1972 et 1978; Mathieu, 1971 et 1976; Molinier, 1976; Roose et Lelong, 1981; IRis et Leveque, 1982), il n ' en est pas de m~me pour celui des nappes de f i ssures semi-capt ives de la zone tropicale seche de l'Afrique de l 'Ouest (Ousmane, 1978; Akiti, 1980; Savadogo, 1984)ou humide (Fafllat, 1980, 1981; Agbo et Teme, 1985; Boukar i et Gui raud , 1985). La t rans i t ion entre zone tropicale s~che et h u m i d e a 6t6 plac6e ~ 1000- 1100 m m de pluie annuel le moyenne . Notons que le nombre de forages ut i l ises dans l '6tude des nappes de f i ssures est assez faible, ce qui limite ou interdit l 'exploitation s ta t i s t ique des donn6es hy- drochimiques . Par exemple, pour les a u t e u r s de la zone tropicale h u m i d e qui ont 6t6 cites, respective- m e n t 73, 23 et 12 forages et, hormis pour le premier au teu r , pas de de te rmina t ion de NO3. C'est la ra i son pour laquelle, fl n o u s a pa ru parti- cul i6rement utile de donne r ici les ordres de gran- deu r des p r inc ipaux caract6res hydroch imiques d ' eaux p rovenan t de 230 forages exploi tant les

aquiferes de f i ssures de CSte d'Ivoire, et d ' indiquer cer ta ins contr61es hydroch imiques en ut f l i sant une analyse mult ivariee (Faillat, 1986).

Les prel6vements ont 6t6 real ises en cinq campa- gnes successives, en 1981 et 1982. Les cinq zones inventori6es ont 6te choisies de fa~on a correspon- dre a des s i tua t ions geologiques auss i cont ras t6es que possible. Ce choix a egalement t enu compte de la morphologie, de la v~getation et du climat, ma i s dans une mesu re moindre. La Fig. 1 et le tab leau 1 f o u m i s s e n t les carac ter i s t iques de l 'environne- m e n t phys ique et geologique de chaque region. Notons que les courbes pluviometr iques de la Fig. i peuvent ~tre consider~es comme representa- tives des pluies annue l l e s m o y e n n e s en C6te d'Ivoire, car dess inees a par t i r des donnees de s ta t ions ayan t 40 fi 50 ans d'activit6 (ORSTOM- IGT, 1979;ASECNA, 1979). Les m o y e n n e s annuel - les utf l isees ont donc une stabflit6 suff isante pour n 'etre modifiees que d 'une fa~on negligeable par la su rvenance d'~pisodes p lus h u m i d e s ou p lus secs, si ceux-ci son t aleatoires, et cour t s devant la duree des p6riodes d 'observat ion dej~ r~alis6es. Signa- Ions encore que les 230 forages sont d isperses d a n s 153 villages, a ra ison de 1 ~ 4 forages par village. Cette d is t r ibut ion e n , grappes , peu four- nies, separ6es par des d i s tances impor tan tes (1 10 kilometres) alors que les d imens ions des syste- m e s aquiferes sont redui tes (quelques ki lometres carr6 au plus), ne permet pas u n e e tude spatiale de l 'evolution des ions d a n s une nappe, et autor ise seu lement u n e approche s ta t is t ique, ou encore chronologiques, cette derniere n ' ayan t d 'ai l leurs

31

32 J.P. FAILLAT et B. BLAVOUX

i MALl ~ I':,.,.,.,.,.,.,.,.~A ~"~ ~

r v-gq 4 [ z z ]

Fig. I: S i tuat ion des z o n e s de pr~l~vement et principaux traits phys iques et g6ologiques de la C6te d'Ivoire. 1: S e h i s t e s et gr~s birrimiens. 2 : Granites e t gneiss . 3 : Accidents duct i les senestres . 4 : For~t d e n s e humlde. 5 : S a v a n e s b o i s e e s , arborees ou arbust ives . 6 : Pluies annue l l e s m o y e n n e s (arr~tees en 1975). A: l ~ g l o n de Bongouanou . B: R 6 g i o n de Dimbokro. C: R~gion de Toumodi . D: R e g i o n d e B o u a k 6 . E: R~gion de M a n .

variantes peuvent exister par rapport ~ ce module. Par exemple l'aquffere d'alterite peut ~tre absent, ou dispose lateralement, partieUement satur6 ou pas, drain6 ou drainant (Fafllat, 1987). La reparti- tion spatiale des f issures est elle m e m e tr~s varia- ble. Les forages util is~s dans cet article ont des profondeurs et des debits mo y e ns respectivement de l'ordre de 60 m et 3 m 3. h -~ (Fafllat, 1985).

Les mesures et dosages de terrain ont porte sur la temperature, la conductivite, le pH, le Eh, et les nitrates dans le cas des fortes valeurs. Bicarbonate HCO 3" (correspond au TAC pour des pH<8,3), chlorure C 1-, nitrate NO3", sulfates SO4 =, calcium Ca ÷÷, m a g n e s i u m Mg ÷÷, sodium Na ÷ et potass ium K ÷ ont 6t6 doses au laboratoire au plus deux semaines apr~s les prelevements. Le stockage a et6 r6alise en chambre froide A 4°C, ~ l'abri de la lumiere.

HCO~" a et~ d6termine par volumetrie ~ raide d'une solution titree acide et d'un pH.metre, Ca ÷÷ et Mg ÷~ par complexom6trie, C 1- par la methode de Mohr, SO4 = par turbidlm~trie, NO~ par colorime- trie avec le reactif sul fophenique de Granval et Lajoux, Na ÷ et K ÷ par spectrophotometrie de flamme. Ces methodes sont d6crites en detail dans Charlot (1974) et Rodier (1978).

La mesure au laboratoire de la conductivitd et du pH juste avant analyse a permis de contr61er la

Tableau i - Description sommaire des regions echantiUonnees.

R~gions

A BONGOUANOU

B DIMBOKRO

C TOUMOD~

D BOUAKE

E MAN

Nbre de Nbre de forages villages

55 32

25 19

72 44

22 22

56 36

G~ologie

Schistes et g r#s Collines Birrimien 300 m

Pr~cambrien

Contact granite- Plaines schistes. Accident vallonn~es ductile de Brobo 50 m

Pr~cambrien

Volcano-s~diment- Collines aire. Birrimien 300 m

Pr~cambrien

Granitogneiss ou Plateau 'granite calco- vallonne

alcalin 50 m Pr~cambrien

Gneiss et char- nockites Montagne

Pr~cambrien 1000 m

Morphologie Pluie et haute_ur de annuelle command~ment moyenne

1200

1200

1200

1200

1300- 1500

TempQrature Zones annuelle de moyenne v~g~tation l ' a i r (°C)

26 For~t d~grad~e semi-d~cidue

26,5 Savane bois~e

Savane bois~e 26 et for~t d~grad~e

semi-dQcidue

2~ Savane bois~e

Savane bois~e 23-24 et for~t d~grad~e

sempervirente

pas ete utflisee ici. L'organisation et le fonct ionnement d'un sys-

teme hydrogeologique en milieu de socle peut etre sch6matise de la fa~on suivante : deux types d'aquiferes sont superposes . Vers le haut, un aquff6re d'alterites argi leuses ~ argflo-sableuses, tres faible permeabilite, sert de capacite, lorsque l 'ecoulement est descendant , a un aquffere de f issures drainant sous-jacent , avec une meiUeure perm6abilite mais une faible porosit~ (Engalenc, 1979; Fafllat, 1981, 1984, 1986; Fafllat et Leblond, 1982; Faillat et Drogue, 1987). De nombreuses

bonne conservation des echanti l lons. La qualite des dosages a ete verifiee par la balance ionique.

Le but de cette note est donc de foumir l'image, un moment donne, du chimisme des eaux sou-

terraines du socle fissur~ de la C6te d~voire climat humide, dans des condit ions d'environne- ment definies auss i pr6cisement que possible et partir d'analyses nombreuses et fiables i s s ue s de forages dest ines a l'alimentation humaine. En outre, un certain nombre de param~tres contr6- lant l'hydrochimie seront mis en evidence.

Caracth~s hydrochimiques des nappes des roches endog~nes fissmx~ en zone tropicale humide 33

2 . V . ~ - ~ U R S ']~1" DISTRIBUTION DES P A R A M E T R ] ~

L'examen des va leurs et de la distr ibution des pa- rametres p h y s i c o - c h i m i q u e s et des ions majeurs fait ressortir l es po ints pr inc ipaux su ivant s (Fig. 2) :

- les t emperatures des e a u x souterraines , dans la tranche d es 100 premiers m~tres, sont de rordre de 25-27°C, c'est-~-dire super leures de 10 & 15 °C

ceUes des e a u x en zone temI~r~e. Ceci est en accord avec la remarque de Schoel ler (1949) con- c e m a n t revolut ion des t emperatures des e a u x souterra ines en fonct ion de la latitude.

- Les pH, prat iquement touJours inferieurs ~i 7, peuvent descendre & 4, 3,

- certains Eh s o n t su f f i sament faibles pour cor- respondre ~ des condi t ions relat ivement reductri- ces , et ~ u n deficit d'oxygene d i s s o u s ~i la press ion a tmospher ique important , c o m m e cela a ~te v~rifle

40

M~-262 i0 14o.175 ~.17~

CV-58~

I 0 ,

I 140 4~0 7~ ~1~ (inS.era"6 |6"C|

3O

n.2o3

:zo

io

~-6.20 ~.S,8o6.8 o-0,64 n.23o

-1 40

° l

40

30

20

IO

40

30

20

I0

~,1,30 Ho.O,40 o-1,06

CV,8I~

IJIS z 4 ~ s o (mill} ¢4.*

i.0,g0 Ho.0,60 o.O,6g

CY,761

zi4 4.0 (mQ/l) MQ*~

~.0,77 MO-0,50 o-0.42

CV.SSZ

0.4 L~ ff,O Ne* - {ram/I)

30

2 0

~0

].Z,39 14(a.1,5

.~~ ~ 4 5 6 TA¢

[mill)

30 ~ X-0,33 No.0.07

N q.0.48

io ~ 1 0 ~1 CV.|43I

0.3 O~ Oral/t) I.S l . t ¢1"

30

20

I0

~.O.Z2 14o.0,05 ¢-0,50

CV.223~

~ ' ~ r~_..~ ~ ,~..~ , O.Z I~0 1.8 Z.3 3.1 3.4 NO~ (ram/I)

40

~10

ZO

I0

~-ZO0-500 ~-190

~14"C) ljlO 4"10 530 (hlmV) I |Elect. HZ)

SO

40

30

20

I0

].0,080 Mo,,O ,015-0.075 e-O,160

CV-21311

X'O.II 20 HO.0,0S

q-0.31 CV.274Z

o.oq o.,%,~,)o~o ~.,~ x; o.z oJ _~1-1 ,. (m*/ll

Fig. 2 : Hlstogrammes et param~tres statlsUques ~l~mentalres des 230 analyses.

AE$ g:l-C

34 J.P. FAILLAT et B. BLAVOUX

dans 23 forages. S ignalons le r i sque de pol lut ion pa r l'air des 6chant i l lons ~ fort Eh,

- ho rmis p o u r les b i ca rbona t e s (TAC), les an ions p re sen ten t une d is t r ibut ion a p p a r e m m e n t hyper- bolique, en coo rdonnees ar i thmet iques . Auss i con tas t e - t -on que les HCO 3- son t r a remen t infe- r ieurs ~ 0 ,5 me.l "L, alors q u ' u n g rand nombre d ' ana lyses a des C I , NO 3- et SO4 = inferieurs ~ 0,1 me.l -I. Cependan t , pou r t ous ces ions, on connai t des t e n e u r s elevees, n o t a m m e n t pou r HC03- 0us- qu'~ 7 me. l- i) et NO 3- (Jusqu'& 3,5 me. l- '), ce qui pose le p rob leme de leurs origine. Nous avions deja signale lors d 'une e tude pr~liminaire ces "anoma- lies" hydrochimiques , comparee s a u x v a l e u r s cou- r an te s (Faillat, 1981).

Le c l a s semen t en hydrofacieces partiels, bask s u r les deux an ions dominan t (en me. 1- i), donne le resul ta t suivant , en nombre d ' ana lyses :

~ 33 HCO3"> SO Z

~6CI'>HCO 3" ~3 CI>NO 3"

3NO3">HCO3"[ [8 NO3"> CI"

- en moyenne , les ca t ions p resen ten t l 'ordre d ' abondance su ivan t : Ca ++ > Mg ÷÷ > Na ÷ > K +, alors que les m o d e s son t t res proches , au moins pour Ca ++. Mg ÷÷ et Na ÷. Ceci es t a t t r ibuable aux concen- t ra t ions fortes ma i s peu f requentes , su r t ou t en ce qui c o n c e m e Ca ++.

- le type d 'eau le p lus represen te est b ica rbona te calcique (la moit le des analyses) . Un nombre non negligeable de forages (40) cont ient n e a n m o i n s des eaux ch lo rurees (Cl- < 2 ,5 me. 13-'), et meme, nitra- tees.

On cons t a t e donc que les va leurs des p a r a m e t r e s 6 tudies var ient d a n s u n large intervalle, que leur d is t r ibut ion est p lus ou mo ins d issymetr ique , et su r tou t , que les concen t ra t ions son t b ien p lus 61e- vees que dans les eaux de su r faces ou les n a p p e s d'alterites.

3. EXAMEN DES CONTROLES HYDROCHIM~UES DEPENDANT

DU MILIEU ~ I Q U E El" GEOLOGIQUE

L'echantf l lonnage a 6te fait de man ie re ~ maximi- ser les differences de mil ieux phys ique et geologi- que entre les regions de pre levement (pour une zone cl imatique donnee), afin de met t re en evi- dence l 'Influence des pr inc ipaux fac teurs depen- dan t du milieu s u r l 'hydrochimie des n a p p e s de f issures. Il a et6 poss ib le de proceder ~ deux types de compa ra i sons des ana lyses : entre regions d 'une part , et d ' au t re part , a l ' interieur d 'une m e m e

region, avec u n 6chant i l lonnage 6videmment p lus redui t (mais touJours supe r i eu r a 20 individus). Cette approche methodolog ique revient a e tudier les cont re les hydroch imiques ~ deux 6chelles spat iales, l 'une de la cen ta ine de ki lometres, l 'au- tre de la dizaine de k i lometres h l 'hectometre.

3-1. Comparaison des analyses entre r6gions Etant donne le grand n o m b r e de donnees , leur

variabflite impor tante , l 'inter~t d 'uUliser des va- leurs abso lues plut0t que des va leurs relatives, et de real iser une approche s a n s ~ priori, n o u s avons choisi l 'analyse en c o m p o s a n t e principale (A.C.P.) s u r les donnees cent rdes et r edu i t es comme proce- de de t ra i tement s ta t is t ique.

Rappe lons br ievement que I'A.C.P. comme tous les types d 'analyse factorielle, remplace u n tab leau de n o m b r e s difficiles a lire pa r une represen ta t ion graphique p lus facile ~ l i re . C h a c u n des n 6chan- tfllons carac te r i ses par p var iables est represent6 par u n point dans u n espace de d imens ion p. L 'ensemble des 6chant i l lons forme donc u n nuage de point dans cet e space mul t id imensionnel . Les calculs pe rmet ten t de p a s s e r ~ u n espace de di- mens i on p lus petite pa r factor isa t ion du t ab l eau de donnees , avec le m i n i m u m de per te d ' information. Pour pallier l'effet de taflle et l 'heterogeneit6 des donnees , celles-ci sont cen t rees et r edu i tes avant l 'analyse ( C h a m u s s y e t al., 1974; Cibois, 1983).

Ce type de r ep resen ta t ion d 'un 6chanti l lon per- met de "voir" t o u s l e s individus, et d ' in terpre ter leur disposition. D a n s u n b u t de clart6, ap res avoir fait maintts essa i s avec u n h o m b r e de var iables p lus important , n o u s avons rdduit celui-ci ~ quatre , les an ions un iquemen t , qui offrent l 'avantage d 'un intervalle de var ia t ion p lus fort que celui des ca- tions. II est ainsi p lus facile d 'apprec ier le poids respect i f de c h a q u e var iable s u r une ana lyse ou u n groupe d 'analyses . De plus, on ne modifie que t res peu la disposi t ion relative des poin ts representa t i fs des ana lyses pa r ce proced6, pa r rappor t a l 'emploi s imul tan6 des hui t ma jeurs , pu i sque les ca t ions sont genera lement b ien correles avec u n anion ou l 'autre (Tab. 2). Enfin, l 'affectation d ' un qualfficatif supp lementa i re a c h a q u e point represen ta t i f des ana lyses pe rme t d'elargir les possibi l i tes d'inter- pre ta t ion de I'A.C.P. des anions, d 'une manie re p lus precise que la mul t ip l icat ion des variables, souvent source de confus ion .

C'est ainsi qu 'une premiere approche (Fig. 3a) a consis t6 a r ep resen te r c h a q u e analyse par u n symbole co r r e spondan t a ses deux ca t ions domi- n a n t s (exprimes en me. lL). II est ainsi possible, pour les eaux les p lus chargees (les p lus excen- trees), et u n i q u e m e n t celles-ci, d 'observer les relat ions entre tel an ion et les ca t ions dominan t s cor respondant . Parmi t ou t e s les m e t h o d e s graphi- ques c lass iques (Piper, SchoeUer, etc...), a u c u n e

Caract~res hydrochimiques des nappes des roches endogbnes fmsurEes en zone tropicale humide

Tableau 2 - Matrlce des correlations des param~tres physico-chimiques et chimiques des 230 analyses.

CONDUCT. pH Ca++ Mg++ Na+ K+ HC03 - Cl" NO3 - S04 :

CONDUCT. 1.

35

pH .566 I .

Ca ++ .901 .691 i .

Mg ++ .777 .523 .637

Na + .652 .257 .475

K + .175 - .073 .032

HC03" .755 .822 .855

Cl ° .406 -, 282 .105

NO3- .445 -.194 .231

SO4: .443 .27 .461

c , , > ~

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-.055 .155 I .

.711 .366 -.062 I .

.233 .513 .205 -.173 1.

.299 .27 .269 -.123 .53 i .

.13 .465 .174 .245 .14 .048 1.

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Fig. 3 : T r a i ~ n t p a r I '~C.P . cen t r~e e t l'~-duite de s 230 ana ly se s hydrocb lmlques , a) Avec ind ica t ions de s ca t ions .

b) Avec i nd i ca t i ons des p r o v e n a n c e s regionales .

ne permet une representat ion aussi condens~e, ou bien atteignant un tel obJectif d ' tme maniere aussi encplicite.

Une deuxieme approche (Fig. 3b) est revenue affecter au point representatif de chaque analyse un symbole indiquant son origine regionale, que ron sait correspondre ~ u n certain environnement physique et gEologique (voir Fig. 1 et Tab. 1) et rechercher les meflleurs groupements de points.

Le choix de rorigine r~gionale, plutSt qu 'un para- metre plus precis, telle que la lithologie, a etE f a r pour les raisons suivantes : imprecision ou ab- sence de cette indication dans de nombreux dos- siers de forage ou les cartes geologiques, impor- tance des formations superflcielles masquantes , et enfln, forte hEtErogEneitE lithologique de la plupart des aqufferes fissures, constatee sur les dEblais. NEanmoins, un examen attentif des points d'~chan- ttllonnage a pennis d'obtenir suffisament d'indica- tions sur les grands traits de la lithologie, pour faire intervenir celle-ci dans r interpretat lon hydro- chimique.

L'exploitatlon simultanEe de rA.C.P, des anions et des indications complEmentaires foumies par les deux types de qualfficatifs employes, permet, globalement et pour ressentlel, les remarques sui- vantes :

- les analyses s 'ordonnent suivant trois types d'influence : NOs-+ C r , SO4 = et HCO s" (voir le cercle des correlations, Fig. 3).

La proximite apparente de NO 3" et CI- dans le plan 1-2 ne doit pas faire illusion su r la valeur du coefficient de correlation qui les lie : ce l l e - c i est faible (r = 0,53) mais c'est la meflleure qui soit entre deux anions. L'essai d 'autres plans factoriels au- rait permis de mieux dlffErencier NO 3- et c r , mats fl n'Etait pas dans notre propos de dEgager les ca- ractEres hydrochimiques "secondaires" de l 'echan- tfllon d 'analyses (et donc de forages).

36 J.P. FAII.IAT et B. BLAVOUX

- HCOa-, touJours p r e s e m d a n s les eaux, a u con- traire des au t r e s anions , ce qui expllque l'aligne- m e n t de la part ie droite des figures, es t su r t ou t de termine pa r l'axe 2, ainsi que SO4 =, alors que NO a" et Cl- le sont plut6t pa r l'axe 1,

- les po in t s representa t f f s se ron t d ' au t an t p lus deplaces vers la gauche , pou r une t e n e u r donnee en HCO 3- et SO4 =, que leurs concentra t ions en NO a- et CI- se ron t p lus impor tantes , et vers le hau t , que SO4 = ou HCO 3- le se ron t auss i , respect ivement . Les eaux s i tuees d a n s le s ec t eu r inferieur droit sont les moins chargees ,

- les ana ly se s les p lus inf luencees pa r HCO a- (fortes concentra t ions . . . ) pos seden t c o m m e ca- t ions dominan t s Ca ++ > Mg ÷+. EUes proviennent s u r t o u t de la region de Toumodi , o0 les roches vol- can iques bas iques , p lus ou moins metamorph i - sees, con t i ennen t f r equemmen t des m i n e r a u x car- b o n a t e s et les m i n e r a u x a lumino-sf l ica tes les p lus faci lement hydrolysables ,

- les ana lyses les p lus inf luencees pa r SO4 = pos- seden t c o m m e ca t ions dominan t s Ca ++ > Na ÷. On cons ta te que l'origine regionale de ceUes-ci est variable, ce qui indique que les condi t ions favori- s an t la p resence de SO4 = ne son t pa s par t icul ieres

une region e t a une lithologie dominan te par t icu- liere. L 'oxydation des pyri tes pour ra i t etre le pro- c e s s u s ch imique de raise en solution,

- la m e m e observa t ion peu t etre faite en ce qui c o n c e m e les ana lyses les p lus inf luencees pa r NO a- et CI-, qui de plus , ont egalement des ca t ions d o m i n a n t s variables,

- on cons t a t e n e a n m o i n s u n excellent regroupe- m e n t des ana lyses de la region de B o n g o u a n o u en u n a reas avec u n a l longement su ivant l 'axe 1, dfi

l ' Influence p r eponde ran t e de NO a- et CI-, avec le p lus souven t Na ÷ > Mg ÷÷ , ou encore, Na ÷ > Ca ++. Ici les aqui feres son t cons t i t ue s de roches part iculie- r emen t s f l iceuses et a lumineuses , pa ra sch i s t e s et gres, ce qui explique les faibles t eneurs , en general, hormis p o u r les e lements accidente ls NO a- et sur- tout Cl-. Les re la t ivement fortes va leurs en ces deux ions son t a t t r ibuees pr incipalement , en premiere approche , & la des t ruc t ion de la foret t ropicale et des sols humi fe res d a n s et ~ proximit6 des villages de cet te region boisee. R e m a r q u o n s que la degrada t ion de la mat ie re organique d'ori- gine vegetale va ega l emem liberer des ca t ions [Ca ++, Mg ++, Na ÷, K+), dont une pat t ie pour ra attein- dre les nappes .

Cette premiere approche n o u s a donc penn i s d 'observer, d e u x t y p e s de contre le : pa r la lithologie (region de Toumodi) , et pa r la vegetat ion et la lithologie (region de Bongouanou) . A cet te echeUe d 'observat ion, les regions de Man, B o u a k e et Dimbokro ne p re sen ten t a p p a r e m e n t pas une dff- ferenciat ion reel lement in terpre table pa r la me- thode employee.

3 - 2 . C o m p a r a i s o n d e s a n a l y s e s p a r r e g i o n s L'examen de r e n s e m b l e des ana lyses a mont re

que celles-ci se differenciaient a ssez souven t en fonction de leur origine regionale, c h a q u e region poss~dan t des ca rac te res propres . Nous al lons e s saye r de voir quels sont les p a r a m e t r e s dont l ' influence peu t atre mise en relief a l 'echeUe d 'une region.

Chaque region de pre levement , d 'une superficie assez faible (500 a 1500 Km2), p resen te une cer ta ine homogenei te appa ren te du point de r u e phys ique et geologique. Cependant , la variabtlit6 des concen t ra t ions et des types d 'eau y es t p resque aus s i grande que p o u r 1'ensemble des echan- tillons. Celaj ustifiait de nouveau l 'emploi de I'A.C.P. comple tee par une e tude car tographique , p o u r la recherche des fac teurs inf luen~ant le ch imisme des eaux souter ra ines . A ti tre d 'exemple, n o u s ne d~welopperons l ' examen que d 'une seule region, celle de B o n g o u a n o u (A), pu i s n o u s d o n n e r o n s les p r tnc ipaux t ra i t s des a u t r e s regions.

Rappe lons que la region de B o n g o u a n o u (A) regoit des pluies de l 'ordre de 1200 m m pa r an. Elle est couver te d 'une foret semi -dec idue p lus ou moins degradee. Son o s sa tu r e es t cons t i tuee de collines avec une h a u t e u r de c o m m a n d e m e n t m a x i m u n de 300 m. Enfin, sa lithologie es t schis- to-greseuse, d 'age Birrimien. L'A.C.P. a ete realts~e en ut i l isant les hui t ions m a j e u r s s imul tanement . Cette approche graphique , dtfferente de la prece- dente pa r le n o m b r e d ' ions utflis~s, mon t r e claire- men t la difficult6 de d issocier r inf luence de l 'un d 'entre eux en particulier . I1 f audra doric prendre en compte u n g r o u p e m e n t d' ions, et faire r e s sa i de p lus ieu r s p lans factoriels p o u r p lu s de detail. La matr ice des corre la t ions est donnee d a n s le Tableau 3.

L'A.C.P. des 54 6chantf l lons de cet te region fait ressor t i r les poin ts su ivan t s :

- La repart l t ion des ana lyses d a n s le p lan des axes 1-2 (67% de l'inertie totale) montre , d 'une part , l ' influence de K+ s u r les e aux les mo ins chargees , d 'aut re part , que les e aux les p lus chargees son t ca rac te r i sees le p lus souven t pa r le g roupemen t de var iab les HCOa', Mg ÷+, Ca**, Na ÷, CI-, SO4 =, pa r ordre d ' impor tance decro lssan te (Fig. 4). Un seul 6chantf l lon (n ° 25) es t for tement m a r q u e pa r sa t e n e u r en NO a- (3, 2 me. 1-~), b ien que cet te region p resen te le p lu s g rand n o m b r e de forages avec des va leurs de NO a- > 0,1 me. 1 -i. Cela peu t s 'expliquer pa r le fait que les va leurs de ni trate t res impor tan tes ne sont , elles, pa s p lus f requen tes qu'at l leurs, a Jo t s que la m o y e n n e des t eneu r s es t p lus 61evee : 0 ,32 me. 1 -~.

La repar t i t ion des ana lyses d a n s le p lan des axes 1-3 (65% de l 'inertie totale) pe rme t une mefl leure v isual i sa t ion de r inf luence des groupe- m e n t s d ' ions HCO3-, Ca++, Mg++ d 'une par t et

Caract~'cshydrochimiques des nappesdesrochesendog~nesfLss~en zone ~opic~e humide

Tableau 3 -Matrlcedes corr~laflonsdesparametres chirnlques des forages de laregiondeBongouanou(A}.

Ca ++ Mg ++ Na + K + HC03- Cl- N03- S04 =

Ca ++ 1.

37

Mg ++ .828 1.

Na + .52 .571 1.

K + -.018 -.146 -.146 1.

HC03- .833 .794 .367 -.171 1.

Cl- .39 .47 .871 -.195 .175 1.

NO3- .476 .45 .352 .343 .059 .205 1.

S04: .513 .556 .473 -.087 .302 .478 .332 1.

$I

49

43

4"7 44

6 Jl~ ~:.,

4

21

58

34 2:3 2 7 29

AXE 2 (i-f%)

tl

K ®

(

~ H C O 3

®

~XE I ?1 15 I I I I 4o ( 5 0 % )

53 28 4213

i4 58 t4 1o 2"7

so

Fig. 4 : Tra l tement pa r A.C.P. centr~e et r~ lu i t e des analyses hydrochimiques de la r~glon de Bongouanou (A). Plan factorlel 1-2.

38 J.P. FAILLAT et B. BLAVOtrX

C 1-, Na ÷, SO4 = d'autre part (Fig. 5). On remarque que dans le groupe d'analyses les plus fortement influencees par les ions HCO3-, Ca +*, Mg +÷, se trouve le forage n°19, qui correspond ~ une roche basique ("roche verte" ou metadolerite), bien que d~crite comme schistes par le foreur. On peut se poser la question de savoir si les autres analyses situees dans le meme secteur graphique ne corres- pondraient pas elles-memes a des eaux ayant eta en contact avec des roches basiques, jamais signa- lees a raffleurement dans cette r~gion, plut0t qu'avec des roches schisto-greseuses blrrlmlennes, comme rindiquent les cartes geologiques ou les dossiers de forages.

- Le report des eaux sur une carte au 1/200000 en fonction des ions qui les marquent le plus, permet de constater que les moins chargees, sur- tout Influencees par K ÷, sont dans la partie nord de la carte, alors que les plus chargees, qu'elles soient influenc6es par le groupement HCO3", Ca ++, Mg ÷÷ ou c r , Na ÷, SO4 =, sont sur tout dans la partie sud (Fig. 6). Ce qui, ~ premiere rue, differencie ces deux zones, c'est qu'au Sud, les hau teurs de comman- dement sont moindres qu'au Nord et la zone de coMnes plus large. Les gres seraient peut etre aussi plus frequents au Nord (arkoses?) et les roches basiques au Sud. II pourrait donc s'agir ~ la

fois d 'une diff6renciation geomorphologique, hy- drodynamique et lithologique, ces facteurs etant Ailleurs, darts la region de Dimbokro (B), fl est possible de distinguer les eaux provenant des granito-gneiss ou des schisto-gr~s, et dans celle de Toumodi (C), des roches endogenes acides ou basiques. Darts les trois regions citees, cela est possible, grace a rinfluence des variables HCO 3" et Ca*" sur la disposition des points repr~sentatlfs des analyses. Partout, un certain nombre d'echan- tillons montre r lmportance des "apports superfi- ciels" (vegetation, sols, pollution, pour ressen- tiel), caracteris~s par le groupement NO3", c r , Na +. C'est ainsi le cas des regions de Bouake (D) et Man (E), qui, par alneurs, ne presentent pas de parti- cularites interpretables, compte-tenu de l'6chan- tiUon de forages disponible.

4. CONCLUSION

Le grand nombre de forages echantfllonnes (230) a permis une description statistique satisfaisante des caracteristiques hydrochlmiques propres aux eaux souterraines des roches endogenes fissurees du socle Ouest-africain, sous climat tropical humide.

Malgre l'impr~cision des documents de base,

41

48

4 36

"~r __ 1

AXE 3 (15"/.I

3e

4a~3 6 i4

5 11 13

12 45

58 7 24

43 2Q 2138

56

F I 1=

14

%0

.Sg

B1

15

2"7

NO3/~cIN°

® , Q i , ,~,XE I

(50%)

28 2 6

22

Fig. 5. Traitement par ,~ C. P. centree et reduite des analyses de la region de Bongouanou {A). Plan factoriel 1-3.

Caract~rcs hydrochimiqucs des nappcs des rochcs cndog~ncs fissur6cs cn zone I~opicalc humidc 39

®

a

A

/ . 6 1 5 •

/ &j, &

J

21Z.. 4

I /9~ In •

&

®

.342

BONGOUANOU

/ / / . / " , ,

. / e, /®

/

/

®

I0 Km I J

Fig. 6 : Differenciation regionale des forages de la region de Bongouanou en fonction des ions majeurs determinants. 1: HCOa-, Ca++, Mg++ (Axes 1-3). 2: CI-, Na +, SO 4- (Axes 1-3).

3: K+ (Axes 1-2). 4: Villages 6chantillonnes.

car tes geologiques et doss iers de forage, et l'6chelle d 'observat ion imposee pa r la d ispers ion des points de prelevement , au moins trois des contre les agis- san t s u r les fortes concen t ra t ions en cer ta ins ions des nappes de f i ssures en Cete-d'Ivoire ont pu etre 6voques : le type de vegetat ion (NOa-), la lithologie et l ' hydrodynamique (HCOa-, Ca++). Dans ces con- di t ions part icul ieres , l 'hydrochimie parai t pouvoir j oue r u n r61e n o n negligeable d a n s la reconnais- sance geologique et mini6re extensive de cer ta ines zones, out re son implicat ion d a n s l 'appreciat ion de la potabflit6 et l 'e tude du fonc t ionnement des nappes de f issures. Reciproquement , des progres notables pour ra ien t etre faits d a n s l ' in terpretat ion des donnees hydrochimiques , grtice ~ l 'ameliora- t ion de la precis ion des car tes geologiques, des d6 termina t ions l i thologiques des roches traver- sees par les forages, et su r tou t , par la creat ion de dispositlfs d 'observat ion p lus approprids ~ l'echelle des phenom~nes dtudies (par exemple, des peri- me t re s expe r imen taux de quelques ki lometres car tes , convenab lemen t equipes).

Remerc/ements- Les auteurs tiennent & exprimer leur reconnaissance au Professeur R. Guiraud, Universlt6 d'Avignon, pour sa lecture critique du manuscrit.

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