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Imagerie de la Femme (2011) 21, 128—133 QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ? Caractérisation en échographie et en IRM d’une masse pelvienne Ultrasound and MR features of a pelvic mass Aurélie Jalaguier-Coudray a,, Nicolas Perrot b,c , Isabelle Frey b , Marc Bazot c a Institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, France b Centre d’imagerie Opéra, 13, avenue de l’Opéra, 75001 Paris, France c Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France Disponible sur Internet le 6 juillet 2011 Observation Il s’agit d’une patiente de 40 ans, G2P2, adressée pour douleurs pelviennes apparues depuis deux mois. Elle n’a aucun antécédent médical ou chirurgical. L’examen clinique est normal. Une échographie pelvienne par voie endovaginale puis une IRM pelvienne sont réalisées (Fig. 1—7). Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Jalaguier-Coudray). 1776-9817/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.femme.2011.04.004

Caractérisation en échographie et en IRM d’une masse pelvienne

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magerie de la Femme (2011) 21, 128—133

UEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ?

aractérisation en échographie et en IRM d’uneasse pelvienne

ltrasound and MR features of a pelvic mass

Aurélie Jalaguier-Coudraya,∗, Nicolas Perrotb,c,Isabelle Freyb, Marc Bazotc

a Institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, Franceb Centre d’imagerie Opéra, 13, avenue de l’Opéra, 75001 Paris, Francec Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris, France

Disponible sur Internet le 6 juillet 2011

Observation

Il s’agit d’une patiente de 40 ans, G2P2, adressée pour douleurs pelviennes apparues depuisdeux mois. Elle n’a aucun antécédent médical ou chirurgical. L’examen clinique est normal.

Une échographie pelvienne par voie endovaginale puis une IRM pelvienne sont réalisées(Fig. 1—7).

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A. Jalaguier-Coudray).

776-9817/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.femme.2011.04.004

Caractérisation en échographie et en IRM d’une masse pelvienne 129

Figure 1. Échographie endovaginale.

Figure 4. IRM du pelvis en T1.

Figure 2. Échographie endovaginale doppler énergie.

Figure 3. IRM du pelvis en T2.

Figure 5. IRM du pelvis en T1 post injection tardive avec fatsat.

Figure 6. IRM du pelvis en diffusion B1000.

130 A. Jalaguier-Coudray et al.

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igure 7. Courbes de réhaussement du myomètre (vert) et de laasse (violet).

Quel est votre diagnostic ?

Caractérisation en échographie et en IRM d’une masse pelvienne 131

Diagnostic

Tumeur de la granulosa ovarienne droite

L’échographie pelvienne retrouve une masse ovariennedroite, arrondie, à contours réguliers, relativement hyper-échogène, avec présence à l’intérieur d’images kystiquesmillimétriques à la limite du visible (Fig. 8). Elle est riche-ment vascularisée en Doppler énergie (Fig. 9). Il existe unecouronne de parenchyme ovarien sain en périphérie avecprésence de follicules.

L’IRM pelvienne montre une masse ovarienne droite,en signal T2 intermédiaire, refoulant le reste du paren-chyme ovarien sain en périphérie (Fig. 10). Il s’agit d’unelésion tissulaire pure puisqu’elle se rehausse en totalitéaprès injection de produite de contraste (Fig. 11 et 12).Cette lésion tissulaire solide pure présente un hypersignalB1000 en diffusion (Fig. 13) et se rehausse selon une courbede type 2 (Fig. 14). L’utérus et l’ovaire gauche sont sans

Figure 8. Échographie pelvienne par voie endovaginale montrantune masse pelvienne ovarienne droite, de type tissulaire, contenantquelques remaniements microkystiques, refoulant le parenchymeovarien sain en périphérie. Il existe à son contact une image ova-laire, anéchogène pure, à parois fines, de 35 mm en rapport avecun kyste folliculaire associé à un minime épanchement pelvien.

Figure 9. Échographie pelvienne par voie endovaginale en modedoppler énergie montrant la masse ovarienne droite, de type tissu-laire, nettement hypervascularisée.

Figure 10. IRM pelvienne : coupe axiale T2 retrouvant la masseovarienne droite, bien limitée, en signal T2 de type intermédiaire,refoulant le parenchyme ovarien en périphérie (flèche).

Figure 11. IRM pelvienne : coupe axiale T1 montrant la massetissulaire ovarienne droite en isosignal T1 (flèche).

Figure 12. IRM pelvienne : coupe axiale T1 après injection degadolinium au temps tardif montrant le rehaussement de la masseovarienne, traduisant son caractère tissulaire (flèche).

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igure 13. IRM pelvienne : coupe axiale en diffusion montrant laasse tissulaire ovarienne droite en hypersignal B1000 (flèche).

articularités. Il n’existe pas d’épanchement pelvien ou dearcinose péritonéale.

Devant cette imagerie, il faut évoquer la gamme diagnos-ique des tumeurs ovariennes tissulaires pures qui comprendes lésions ovariennes secondaires (métastases ovariennes)t les lésions ovariennes primitives : les tumeurs épithé-iales (tumeur de Brenner, cystadénocarcinome ovarien), lesumeurs mésenchymateuses (fibrome ovarien, tumeurs desordons sexuels : tumeur de la Granulosa, tumeur de Sertoli-eydig).

En ce qui concerne les lésions ovariennes secondaires ouétastases ovariennes, elles ont le plus souvent l’aspect en

magerie de lésions solides pures, bien limitées, en signal2 intermédiaire. Le rehaussement tumoral est décrit plusréquemment selon une courbe de type 3 mais des cas deétastases ovariennes se rehaussant selon une courbe de

ype 2 sont décrits.

igure 14. IRM pelvienne : courbe réalisée après injection dyna-ique de gadolinium. La masse tissulaire ovarienne droite (région’intérêt en violet) présente une courbe de type 2 puisqu’il n’existeas de prédécalage par rapport à la courbe du myomètre (région’intérêt en vert).

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A. Jalaguier-Coudray et al.

En ce qui concerne le diagnostic de lésions ovariennesrimitives, le diagnostic de tumeur épithéliale peut êtreliminé. En effet, le signal en T2 et la courbe de rehausse-ent ne sont pas compatibles avec une tumeur de Brenner.

es tumeurs de Brenner sont des tumeurs de petite taille,n franc hyposignal T2 et se rehaussent de facon moindrear rapport au myomètre, selon une courbe de type 1. Deême, le diagnostic de cystadénocarcinome ovarien peut

tre écarté car la courbe de rehaussement des cystadéno-arcinomes est le plus souvent de type 3 (rehaussementntense, avec pré-décalage par rapport au myomètre). Enevanche, le groupe des tumeurs mésenchymateuses doitetenir notre attention. Le fibrome ovarien classique seraduit en IRM par une masse en franc hyposignal T2 avecourbe de rehaussement de type 1. Cependant, un fibromevarien cellulaire peut être en signal T2 intermédiaire, avecne courbe de rehaussement de type 2. De même, lesumeurs des cordons sexuels se présentent sous la formee masse solide, en signal T2 intermédiaire avec une courbee rehaussement de type 2.

Dans ce dossier, un dosage de l’inhibine A et du taux’estrogènes ont été demandé pour orienter le diagnos-ic. Leurs taux très augmentés confortent le diagnostic deumeur de la granulosa. La patiente est opérée par ovariec-omie droite et le diagnostic histologique définitive est celuie tumeur de la granulosa adulte.

iscussiones tumeurs de la granulosa sont rares. Elles représententeulement 5 % des tumeurs ovariennes primitives [1] et 70 %es tumeurs des cordons sexuels [2]. Ces tumeurs sont déri-ées des cellules entourant les follicules et elles secrètentes estrogènes. Des facteurs favorisants comme le tamoxi-éne, les stimulations ovariennes dans le traitement de’infertilité ont été décrits dans la littérature mais sansonfirmation depuis [3,4]. Deux types histologiques sontistingués : la forme adulte et la forme juvénile. Le typedulte est plus fréquent (95 %). Il s’agit de tumeur apparais-ant chez la femme en péri- ou post-ménopause. Le typeuvénile est nettement moins fréquent (5 %), apparaissant

hez des femmes plus jeunes (âge moyen = 13 ans). La pro-uction d’estrogènes par les tumeurs de la granulosa estesponsable de symptômes variable en fonction de l’âge.hez l’adulte, des métrorragies secondaires à une hyper-lasie de l’endomètre, un polype ou même un carcinomendométrial dans 3 à 25 % des cas peuvent être la consé-uence d’un taux élevé d’estrogènes [5,6]. Chez la jeunelle prépubaire, cette production anormale d’estrogènesst responsable d’une puberté précoce [2,6]. Le dosage de’inhibine A et du taux d’estrogènes sont de bons marqueurses tumeurs de la granulosa. Les tumeurs de la granulosant un potentiel malin. Leur pronostic, bien que variable enonction de l’âge et du stade lors du diagnostic initial, restexcellent avec un taux de survie à dix ans supérieur à 90 %1,7]. Cependant, les tumeurs de la granulosa ont tendancerécidiver, notamment à long terme (dix à 20 ans après le

iagnostic initial) [8—10].L’aspect histologique des tumeurs de la granulosa adulte

st variable : il peut s’agir du type microfolliculaire ouacrofolliculaire (plusieurs micro- ou macrokystes regrou-és ressemblant à des follicules), du type insulaire, du typerabéculaire ou une association de plusieurs types histolo-iques.

Du point de vu radiologique, on ne peut différencierne tumeur de la granulosa de forme juvénile ou de forme

enne

Caractérisation en échographie et en IRM d’une masse pelvi

adulte. Dans les deux cas, il s’agit de tumeur unilatéraledans la grande majorité de cas (95 % des cas), la plupartdu temps de grande taille, dont l’aspect radiologique estvariable en raison des multiples types histologiques pos-sibles : les tumeurs peuvent être solides, kystiques ou mixte.La plupart du temps, il s’agit de tumeur mixte, associantdes portions solides et des portions macrokystiques, multilo-culées avec des remaniements hémorragiques. La présence

d’une portion kystique multiloculée contenant des remanie-ments hémorragiques est caractéristiques des tumeurs dela granulosa et du type histologique macrofolliculaire [2].Un épaississement de l’endomètre peut être noté, consé-quence de la sécrétion d’estrogènes. À la différence destumeurs épithéliales séreuses ou mucineuses, les tumeursde la granulosa n’ont pas de végétations.

Le traitement des tumeurs de la granulosa, lorsqu’ellesrestent confinées à l’ovaire soit un stade FIGO I, représenteune ovariectomie unilatérale.

En conclusion, la présentation radiologique des tumeursde la granulosa est variable et peut correspondre àune tumeur solide pure. Dans ce cas, c’est l’étude dusignal en T2, de la courbe de rehaussement associée àd’éventuels signes d’imprégnation estrogénique (épaissis-sement de l’endomètre, adénomyose) qui vont orienter lediagnostic. Si le diagnostic de tumeur de la granulosa estévoqué, il est nécessaire de le confirmer par un dosage del’inhibine A et du taux d’estrogènes afin d’appuyer cettehypothèse diagnostique.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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Références

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