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JCC Open (2013) 1, 29—31 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com CAS CLINIQUE Carcinome mucoépidermoïde de la carène chez un patient de 48 ans Muco-epidermoid carcinoma of the carina in a 48-year-old man A. Ouarssani a,, M. Smahi b , R. Rafik c , F. Ait Lhou a , M.I. Rguibi a a Service de pneumologie, hôpital militaire Moulay Ismail, Meknès, Maroc b Service de chirurgie thoracique, CHU Hassan II, Fès, Maroc c Service de neurologie, hôpital militaire Moulay Ismail, Meknès, Maroc Rec ¸u le 15 avril 2013 ; accepté le 10 juin 2013 Le carcinome mucoépidermoïde (CME) bronchique est un cancer bronchique non à petites cellules, il appartient au groupe tumeurs primitives des glandes salivaires d’origine bron- chique dont l’incidence est de 0,1 à 0,2 % des cancers pulmonaires [1]. À l’intérieur de ce groupe, on distingue trois types : carcinome adénoïde kystique (60 %), carcinome mucoépidermoïde (30 %) et carcinome épithélial-myoépithélial (10 %). On distingue le CME de bas grade et de haut grade de malignité dont le risque de récidive locale et de métastase à distance est très élevé [2]. Dans cet article, on rapporte le cas d’un patient de 48 ans, opéré pour une tumeur de la carène qui s’est révélé être un CME bronchique de bas grade de malignité. Observation Un patient âgé de 47 ans, fumeur de 20 paquets années, sans antécédents patho- logiques notables, a été hospitalisé pour une hémoptysie de faible abondance, récidivante, évoluant depuis 1 mois, associée à une douleur thoracique et un amaigris- sement chiffré à 3 kg. L’examen physique était normal et la radiographie thoracique n’objectivait pas d’anomalie visible (Fig. 1). La tomodensitométrie thoracique mon- trait un processus tissulaire du médiastin moyen rétrocarinaire latéralisé à droite, de 16 mm de grand axe, refoulant la paroi postérieur de la bronche souche et se rehaussant après injection de produit de contraste, sans adénopathies médiasti- nales (Fig. 2). La fibroscopie bronchique découvrait essentiellement une formation lisse, sous-muqueuse, à l’entrée de la bronche souche droite au contact de la Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (A. Ouarssani). 2212-0149/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jcco.2013.06.002

Carcinome mucoépidermoïde de la carène chez un patient de 48ans

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Page 1: Carcinome mucoépidermoïde de la carène chez un patient de 48ans

JCC Open (2013) 1, 29—31

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

CAS CLINIQUE

Carcinome mucoépidermoïde de la carènechez un patient de 48 ans

Muco-epidermoid carcinoma of the carina in a 48-year-old man

A. Ouarssania,∗, M. Smahib, R. Rafikc, F. Ait Lhoua,M.I. Rguibi a

a Service de pneumologie, hôpital militaire Moulay Ismail, Meknès, Marocb Service de chirurgie thoracique, CHU Hassan II, Fès, Marocc Service de neurologie, hôpital militaire Moulay Ismail, Meknès, Maroc

Recu le 15 avril 2013 ; accepté le 10 juin 2013

Le carcinome mucoépidermoïde (CME) bronchique est un cancer bronchique non à petitescellules, il appartient au groupe tumeurs primitives des glandes salivaires d’origine bron-chique dont l’incidence est de 0,1 à 0,2 % des cancers pulmonaires [1]. À l’intérieurde ce groupe, on distingue trois types : carcinome adénoïde kystique (60 %), carcinomemucoépidermoïde (30 %) et carcinome épithélial-myoépithélial (10 %).

On distingue le CME de bas grade et de haut grade de malignité dont le risque de récidivelocale et de métastase à distance est très élevé [2]. Dans cet article, on rapporte le casd’un patient de 48 ans, opéré pour une tumeur de la carène qui s’est révélé être un CMEbronchique de bas grade de malignité.

Observation

Un patient âgé de 47 ans, fumeur de 20 paquets années, sans antécédents patho-logiques notables, a été hospitalisé pour une hémoptysie de faible abondance,récidivante, évoluant depuis 1 mois, associée à une douleur thoracique et un amaigris-sement chiffré à 3 kg. L’examen physique était normal et la radiographie thoraciquen’objectivait pas d’anomalie visible (Fig. 1). La tomodensitométrie thoracique mon-trait un processus tissulaire du médiastin moyen rétrocarinaire latéralisé à droite,

de 16 mm de grand axe, refoulant la paroi postérieur de la bronche souche etse rehaussant après injection de produit de contraste, sans adénopathies médiasti-nales (Fig. 2). La fibroscopie bronchique découvrait essentiellement une formationlisse, sous-muqueuse, à l’entrée de la bronche souche droite au contact de la

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : [email protected], [email protected] (A. Ouarssani).

2212-0149/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.jcco.2013.06.002

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30 A. Ouarssani et al.

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Figure 3. Radiographie thoracique de contrôle 2 mois après l’acteo

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igure 1. Radiographie thoracique de face normale.

arène, saignant au moindre contact, l’étude anatomopa-hologiques des biopsies était non concluante. Devant learactère récidivant de l’hémoptysie, une thoracotomieonservatrice postérolatérale droite a été faite, ayant per-is une exérèse complète de la masse tumorale élargie à

a carène avec section angulaire et plastie en V. L’étudenatomopathologique et immuno-histochimique de la piècepératoire montrait une double expression de la CK7 ete la CK5/6 ce qui témoigne d’une double différentia-ion glandulaire et épidermoïde confirmant le diagnostic’un carcinome mucoépidermoïde de types glandes sali-

aires de bas grade de malignité et la recoupe bronchiquetait saine. L’IRM de l’extrémité céphalique n’a pas objec-ivé de lésion extrapulmonaire. Deux mois après l’opération,

igure 2. Le scanner thoracique montrant un processus tissulaireu médiastin moyen rétrocarinaire latéralisé à droite.

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pératoire montrant les séquelles de l’intervention chirurgicale.

a bronchoscopie souple de contrôle a montré une per-éabilité correcte de bronche au niveau de l’anastomose,

ans récidive locale du processus tumoral et la radiogra-hie thoracique de contrôle objectivait les séquelles de’intervention chirurgicale (Fig. 3) et avec un recul de4 mois.

iscussion

es CME bronchiques sont des tumeurs malignes très rares,ont l’incidence est de 0,1 à 0,2 % des cancers pulmonaires.ls surviennent plutôt chez l’adulte jeune (âge moyen de0 ans) et touche aussi bien les hommes que les femmes, leabagisme n’est pas, a priori, un facteur de risque.

Cliniquement, les symptômes sont non spécifiques, liées l’irritation ou à l’obstruction de l’arbre trachéobronchique type de dyspnée, toux, wheezing, infections pulmonaire répétitions, ou hémoptysie. Peuvent être présent aussies signes généraux inhérents à tout cancer bronchique àype d’asthénie, de perte de poids, de fièvre et de douleurhoracique [3].

La radiographie conventionnelle peut retrouver unodule solitaire ou une opacité ronde, une atélectasieu une opacité alvéolaire peuvent également s’observer.ependant, la radiographie thoracique peut être normaleu début particulièrement en cas d’atteinte de la trachéeu d’une bronche souche. La TDM thoracique permet de pré-iser la localisation endobronchique de la tumeur et montreypiquement une masse ovalaire prenant modérément leroduit de contraste, des calcifications punctiformes seoient dans 26 à 50 % des cas [4]. Elle permet également’évaluer l’extension locorégionale qui dépend grade his-ologique. Le reste du bilan d’extension ne diffère pas desutres CBPNC avec notamment le TEP en préopératoire.

L’examen diagnostic de choix est la bronchoscopieouple, la lésion siège le plus souvent au niveau des bronchesouches, lobaires, ou segmentaires et moins fréquemment

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Carcinome mucoépidermoïde de la carène chez un patient d

au niveau de la trachée ou de la carène. Néanmoins,puisque la localisation est sous-muqueuse, le diagnosticfondé sur des prélèvements superficiels peut donner desrenseignements imprécis. Le CME est composé de 3 typescellulaires : des cellules mucineuses secrétant du mucus ;des cellules malpighiennes, et des cellules de types intermé-diaires ; la proportion de ces trois types varie d’une tumeur àl’autre, et les CME sont classés en deux grades histologiques[5,6] :• haut grade de malignité, représente 5 %, caractérisé par

une proportion faible de cellules mucosécretentes ; laprésence d’engainements périnerveux, un index mito-tique supérieur à quatre mitose pour dix champs au fortgrossissement, la présence de secteurs de nécrose ou ana-plasique et une proportion d’espaces kystiques inférieureà 20 % de la surface tumorale, ce type histologique posele problème de diagnostic différentiel avec le carcinomeadénosquameux ;

• bas grade de malignité.

La classification histologique définitive de la tumeur doitêtre réalisée sur la pièce d’exérèse chirurgicale, car le CMEde haut grade de malignité, peut contenir des contingentstumoraux de bas grade.

La prise en charge thérapeutique repose sur la chirurgie,à type de lobectomie, bilobectomie, voire de résection tra-chéale, la résection complète est plus fréquente dans lesCME de bas grade en raison de l’absence d’extension loco-régionale. En cas d’exérèse incomplète, une radiothérapiepostopératoire peut être réalisée dans le but d’un contrôlelocorégionale mais il n’existe aucun essai clinique sur lebénéfice de cette radiothérapie postopératoire [7].

Le traitement des formes inopérables ou en rechutemétastatique n’est pas codifié et repose sur la chimio-thérapie systémique à base de paclitaxel avec une faiblesensibilité aux sels de platine.

L’arrivée des thérapies ciblées a ouvert l’espoir d’un trai-tement des formes inopérables.

Mararenco a retrouvé une forte expression de l’EGFRsur 12 CME bronchique et un essai a testé le cetuximab(anticorps monoclonal ciblant le domaine extracellulaire del’EGFR) en association à une chimiothérapie à base de pla-tine sur 22 tumeurs des glandes salivaires dont 2 CME, le tauxde réponse était d’environ 50 % à 6 mois. Une hyperexpres-sion de HER 2 est retrouvée dans 21 % des CME avec quelques

cas de stabilité sous trastuzumab, mais à l’heure actuelle, iln’existe aucune chimiothérapie ou thérapie ciblée ayant faitpreuve d’efficacité dans le traitement des CME bronchiques[8].

ans 31

Le grade histologique est un facteur pronostic important,e CME de haut grade de malignité est de mauvais pronosticvec une fréquence élevé des rechutes postopératoire.

onclusion

es CME endobronchique sont des tumeurs malignes rares,ui font partie du groupe des tumeurs types glandes sali-aires, le diagnostic est difficile sur des biopsies de tailleimitée.

La prise en charge thérapeutique doit être discutée enCP et le recensement de ces tumeurs rares doit être réaliséans le cadre de la prise en charge des tumeurs orphelines.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

éférences

1] Molina JR, Aubry MC, Lewis JE, Wampfler JA, Williams BA,Midthun DE, et al. Primary salivary gland-type lung cancer: spec-trum of clinical presentation, histopathologic and prognosticfactors. Cancer 2007;110(10):2253—9.

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8] Herbst RS, Arquette M, Shin DM, Dicke K, Vokes EE, Azarnia N,

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