62
Carlos G. Gómez Restrepo, fsc La Mission Lasallienne en Amérique Latine et aux Caraïbes : Un défi plein d’espérance 44 Cahiers MEL

Carlos G. Gómez Restrepo, fsc - lasalle.org · 1 Jorge Volpi, par exemple, dans « El Insomnio de Bolivar » (L’Insomnie de Bolivar) fait une présentation profonde et documentée

  • Upload
    ngokiet

  • View
    213

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Carlos G. Gómez Restrepo, fsc

La Mission Lasallienneen Amérique Latine etaux Caraïbes : Un défiplein d’espérance

44Cahiers MEL

Cahiers MEL 44

Carlos G. Gómez Restrepo, fsc

La Mission Lasallienneen Amérique Latine etaux Caraïbes : Un défiplein d’espérance

Frères des Écoles ChrétiennesVia Aurelia 47600165 Rome, Italie

Janvier 2012

Traduit en français par :Frère Philippe de Montety

Présentation

Face à la réalité vécue dans chacune des Régions lasalliennes, lamission éducative lasallienne est parvenue à apporter une contri-bution significative à l’amélioration du bien-être social des peu-ples, en particulier en ce qui concerne la situation des enfants etdes jeunes par rapport au droit à l’éducation.

Dans ce nouveau Cahier de la MEL, le Frère Carlos Gabriel GómezRestrepo nous partage son point de vue sur la réalité de l’Amériquelatine et des Caraïbes, et sur les apports que peut continuer à fairela mission éducative lasallienne dans ce continent.

Le Frère Carlos Gabriel Gómez Restrepo a partagé cette réflexionau cours d’une conférence donnée au Congrès de l’éducationlasallienne d’Amérique latine, qui s’est tenu en octobre 2010 auBrésil.

Ce cahier MEL 44 est une nouvelle occasion de continuer à par-tager la mission éducative lasallienne dans notre Institut.

Fr. Jorge Enrique Fonseca Sánchez

3

5

Introduction

Cela fait des années que j’expose en de multiples occasions desthèmes similaires à celui qui fait l’objet de la présente interven-tion. La réalité du Continent nous met continuellement au défi,même s’il semble que les réponses que nous avons données fontnaître en nous des sentiments contradictoires allant de l’enthou-siasme et de l’euphorie à l’insatisfaction et à la résignation face àce qui a été réalisé ; certains trouvent que nous n’avons pas été àla hauteur de ce qu’exigeaient les processus sociaux, politiques etéconomiques, d’autres éprouvent une tranquillité critique dansleur effort de rénovation, d’autres enfin se retranchent en autistesdans les institutions pour y chercher des certitudes qui procurentla sécurité mais freinent nos recherches.

Comme le sujet a été fréquemment traité, je ne souhaite donc querevenir sur des thèmes qui peuvent être récurrents et peut-êtreapporter un complément de réflexion dans le but de raviverl’espérance et de vous inviter, au cours d’un événement commecelui qui nous rassemble, à poursuivre les recherches mais surtoutà risquer quelque chose de notre capital historique pour servir lacause de la justice par l’éducation avec créativité, décision et à-propos. Je chercherai à illustrer certaines constatations aussi biende nos contextes que de l’action des lasalliens, au-delà de possi-bles jugements de valeur. Il est évident que je suis conscient quela subjectivité personnelle peut se glisser à travers toutes les fen-tes de ma présentation ; je ne prétends ni épuiser le sujet ni maî-triser des vérités incontestables ; de fait, tout est discutable mais,si du moins cela suscite le débat, je crois que l’objectif aura étéatteint. Pour exorciser tant soit peu les démons, je veux être clairdès le début sur une idée qui fait partie de mes convictions lesplus profondes et constituera clairement la ligne conductrice tantdans l’approche des contextes que dans les signes d’espéranceque je rencontre. Cette idée, naturellement, n’a rien de novateurelle a pu, bien entendu, être jugée gênante ou être mise de côté :la mission lasallienne n’a de sens que si notre action et notreréflexion — en d’autres temps on aurait dit notre praxis — concou-rent à l’engagement avec les pauvres et à la promotion de la jus-tice. Au-delà des contextes et de leurs dynamiques, des modèles

macroéconomiques et du développement des technologies, despratiques politiques et des idéologies contemporaines, l’acte fon-dateur et refondateur de La Salle a comme point de départ la mar-che à la suite de Jésus Christ dans le monde de l’éducation pas-sant par l’engagement pour la dignité des personnes, la lutte pourvaincre la pauvreté et les nouvelles marginalisations et la cons-truction de sociétés égalitaires et inclusives. Je crois nécessaired’exprimer d’entrée cette conviction par souci d’honnêteté et declarté.

6

7

1. Esquisse des événements duContinent

Il existe une difficulté qu’il me paraît important de clarifier : iln’est pas facile aujourd’hui de parler de l’Amérique Latine et desCaraïbes (ALC) comme d’un tout homogène ou comme lorsqueau 20e siècle nous nous référions à la Région ; il y avait alorsbeaucoup d’événements, surtout d’ordre politique, qui nous per-mettaient de parler plus facilement de choses communes commepar exemple la présence de dictature, un quasi monopole reli-gieux de l’Église Catholique, des théories qui s’appliquaientpresque dogmatiquement dans l’analyse, comme la dépendanceou la sécurité nationale. Mais aujourd’hui les choses sont assezdifférentes d’un endroit à un autre. Par conséquent en tant quecatégorie conceptuelle, le seul fait géographique peut s’avérervide ou méthodologiquement difficile à manier. De fait, nom -breux sont les auteurs qui mettent en question la validité de ceconcept et son utilité comme objet d’analyse. D’où l’impossibili-té de parler, par exemple, d’une littérature latino-américainecomme on le faisait dans les années 60 et 70 et la difficulté d’a-border les processus sociopolitiques actuels sans réveiller des pas-sions partisanes.1

Même si l’hétérogénéité est peut-être la caractéristique communede cette géographie qui garde cependant des processus culturelset des dynamiques historiques qui nous permettent de nous sentirlatinoaméricains, nous ne savons pas de science certaine en quoiconsiste ce sentiment d’appartenance ni comment trouver un filconducteur pour notre analyse. On peut dire que le réalismemagique, l’impossibilité de la démocratie, le sort tragique, la« cour de derrière », la révolution en marche, l’Église de l’espé-rance, le continent jeune, les pays en faillite et bien d’autresconcepts qui peuvent certainement garder quelques sursauts ou

1 Jorge Volpi, par exemple, dans « El Insomnio de Bolivar » (L’Insomnie deBolivar) fait une présentation profonde et documentée sur des thèmes politiques etlittéraires. Il conclut cependant que l’histoire politique du Continent est l’histoired’un échec et qu’on y trouve plus d’échecs que de succès. Ma position diffère dela sienne mais je reconnais l’important travail argumentatif de son œuvre.

quelques lueurs ne sont pas les meilleures descriptions de la réali-té actuelle du fait de leur imprécision ou parce qu’ils ne sont paségalement applicables à toutes les réalités nationales. Nul douteque les temps, si typiques de notre littérature, où « la réalitédépassait la fiction », ont laissé la place à des temps où la globa-lité, l’interconnexion, le virtuel, l’information, les technologies,les migrations, sont des éléments quotidiens qui nous renvoientsans doute plus à la complexité et à l’interaction des systèmes detous ordres qu’à la description romantique et sentimentale de tou-tes nos tragédies. Pourtant, les Nations Unies et plus concrète-ment le PNUD continuent à orienter leurs rapports en prenantcomme référent « La Région » entendue comme le fait géogra-phique et acceptant de fait, au-delà de la géographie, des élé-ments identitaires, des possibilités historiques et des dynamiquescommunes ; de même l’Église — qui n’est plus un facteur hégé-monique — diffuse et pense ses documents selon une dimensionrégionale. Nous pourrions en dire autant des analyses stratégiqueset sociopolitiques que font les chercheurs, les gouvernements etles organisations gouvernementales et non-gouvernementales ; etnous aussi, les Lasalliens, nous nous réunissons comme RELAL etnous essayons de penser, peut-être même de lancer des projets,selon une dimension régionale, bien que nous sachions combienil est difficile que ça marche.

Mais par delà les difficultés, nous continuons à nous sentir lati-noaméricains bien que, comme états, nous cherchions des maniè-res différentes de nous insérer dans le monde global et, sansdoute, parce que les chemins parcourus par certains pays de larégion au cours des dernières décennies leur ont permis de croî -tre de façon significative en termes d’équité, de solution desgrands problèmes et d’amélioration des conditions de vie de grou-pes considérables. Cette réalité est peut-être un défi pour pouvoirpenser la Région avec plus d’imagination et de créativité en unmoment historique propice : la célébration des bicentenaires, etalors que beaucoup d’observateurs de la politique mondiale cons-tatent que jamais auparavant ne s’étaient réunies comme aujour-d’hui les conditions d’une croissance qu’on puisse capitaliserpour renverser des siècles de pauvreté, d’inclusion et d’injustice2.

8

2 Cf. The Economist. Nobody’s backyard. Sept. 9,http://www.economist.com/node/16990967

Je crois que si nous parvenons à penser avec imagination au-delàdes idéologies polarisantes ou des tentations hégémoniques —d’un goût autochtone, cette fois — nous aurons de meilleuresoccasions de nous insérer avec succès dans l’économie mondia-le, parmi les nouveaux pôles de pouvoir et de croissance, et detirer parti de nos ressources et de nos moyens pour en faire profi-ter le plus grand nombre.

1.1 Apparition de nouveaux acteurs et réamé-nagement des institutionsLa dernière décennie du 20e siècle et ce que nous avons vécu du21e ont permis l’apparition de nouvelles organisations et un repo-sitionnement des acteurs à l’intérieur de la Région, dont on com-mence à voir les effets régionaux impossibles à ignorer et qui lais-sent percevoir d’une certaine manière des orientations politiquesde grande importance.

Dès la signature du Traité de Libre Échange entre le Mexique, lesÉtats-Unis et le Canada (NAFTA) en 1993, a commencé à seremarquer et à prendre forme une tendance qui a de très grandesconséquences à l’intérieur des pays. Le fait est que le thème com-mercial a commencé à retenir l’attention dans les relations inter-nationales, plus que les questions proprement politiques. LeNAFTA est un espace économique qui a eu une influence sur lemarché du travail, sur les règlements douaniers, sur la capacité denégociation et sur les politiques extérieures des pays membres.Cependant, à la différence de l’intégration commerciale, elle n’apas représenté, pour le Mexique par exemple, une politique diffé-rente en termes de flux migratoires ou de libre circulation des per-sonnes ; questions exacerbées aujourd’hui par les lois propres auxÉtats, comme dans le cas de l’Arizona, et par l’incapacité desÉtats-Unis de définir une politique moins discriminatoire à l’égarddes immigrants.

L’Amérique Centrale et la République Dominicaine ont négociéen commun un traité de libre échange. C’est ainsi que la conven-tion a pu être signée avec les États-Unis et bien que certains gou-vernements ne s’y soient pas conformés, comme dans le cas duNicaragua, le traité reste en vigueur et commence à entrer enapplication. Le Pérou et le Chili disposent de traités de libreéchange avec les États-Unis, tandis que le Panama et la Colombie

9

attendent la ratification des leurs. C’est de la même manière qu’ona procédé pour les traités avec l’Union Européenne. Je n’exprimepas de jugements de valeur à leur égard ; il y en a déjà eu assez,à l’intérieur de chacun des pays, entre ceux qui les défendent etceux qui les attaquent. Je veux seulement signaler une variableimpossible à ignorer et qui, d’une part, montre la difficulté depenser la Région comme un tout homogène et, d’autre part, expri-me aussi que les règlementations et les rêves d’intégration régio-nale comme on les voyait il y a seulement deux décennies nepeuvent plus être pensés en dehors de ces conditionnements. Deplus, dans ces discussions nous ne pouvons manquer de noter letrès haut degré de polarisation politique que suscitent ces sujetsdans la population.

Deux pays de la Région sont entrés à l’OCDE (Organisation pourla Coopération et le développement Economique) : le Mexique,qui y est entré en 1994, et le Chili en 2010, et on trouve commemembres adhérents le Brésil, l’Argentine et le Pérou. Cette insti-tution, rassemblant initialement les pays engagés dans la mise enapplication du Plan Marshall, a évolué jusqu’à se transformer enune organisation de coordination des politiques économiques etsociales de pays dont les revenus sont d’un niveau élevé et quicherchent la stabilité en politique et dans leurs systèmes poli-tiques. Le Brésil, le Mexique et l’Argentine sont aujourd’hui mem-bres du Groupe des 20 les plus riches, cependant que l’intégra-tion avec Asie-Pacifique a permis au Pérou et au Chili de tournerune bonne partie de ses échanges économiques en direction desTigres asiatiques et de la Chine. Le Mercosur rassemble le Brésil,l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay, tandis que la CommunautéAndine de Nations — aujourd’hui affaiblie par les problèmes derelations internationales de ses membres — rassemble l’Équateur,la Colombie, le Pérou et la Bolivie. On a vu paraître aussi l’ALBAsous le leadership du Vénézuela, et auquel ont adhéré Cuba, leNicaragua, la Bolivie, l’Équateur et quelques autres pays desAntilles anglophones. Par ailleurs les pays d’Amérique du Sud,sous le leadership du Brésil — aujourd’hui un géant économique —ont récemment approuvé la Unasur (2008) et les pays d’Amériquecentrale ont créé le SICA (1991), Système d’IntégrationCentraméricain. Le message est clair, l’intégration de tous les paysde la Région a été très difficile, que ce soit à cause des situationséconomiques très différentes, des questions idéologiques ou des

10

personnalités de nos gouvernants. Il est possible que cela ait signi-fié une perte d’occasions et de capacité de négociation d’ensem-ble ; mais il est possible aussi que c’eut été la solution pour pro-gresser et croître en échappant au poids d’une Région qui se mon-tre réticente aux articulations et convergences pour s’attarder,peut-être, à d’éternelles discussions plus idéologiques et histo-riques mais sans aborder les sujets qui peuvent déterminer de plusgrandes possibilités de développement.

Les polarisations politiques d’origine idéologique ont redoublé deforce dans la région ces dernières années mais n’ont pas toujoursprovoqué des divisions ou polarisations radicales. Le Brésil,l’Uruguay, l’Argentine et jusque récemment le Chili ont montréune tendance, celle de la nouvelle gauche, à accepter et pro-mouvoir le libre échange sans fonder leur position sur les modè-les socialistes de facture historique déjà disparus, pour la plupart,avec les événements des années 89 et 90 en Europe. LeVénézuéla, le Nicaragua, la Bolivie et avec moins d’enthousias-me l’Équateur ont semblé se situer sous l’égide du paradigmecubain ou de ce qu’on appelle « le Socialisme du 21e siècle »,alors qu’on connaît bien les terribles divisions et les dissensionsinternes qui empêchent de voir clairement si ce modèle arrivera àse consolider ou s’il subira des amputations au pronostic réservécomme on commence à l’entrevoir même à Cuba et jusqu’enBolivie, où le spectre de la sécession s’agite en permanence dansl’ombre. Plus timidement apparaissent d’autres regroupementsqui s’annoncent plus efficaces et tournent autour d’un regardcommun vers le Pacifique et les Tigres Asiatiques : le Chili, leMexique, le Pérou et la Colombie semblent regarder dans cettedirection. Le Vénézuéla recherche sans cesse une issue vers lePacifique et Panama a misé sur l’agrandissement du Canal parceque le moteur économique du monde semblerait en train de sedéplacer rapidement vers l’Extrême Orient. De même, on ne peutpas prévoir les conséquences de la présence toujours plus grandeet active dans la Région de l’Iran et de la Russie, qui partagentavec de nombreux pays et groupes latinoaméricains leur discoursanti-nord-américain à un moment où les États-Unis considèrent laRégion avec indifférence.

Si nous venons de faire référence aux processus sociopolitiques etfondamentalement économiques, il n’est pas moins important dereconnaître que le pouvoir du narco-trafic et la délinquance qui

11

se manifeste dans les cartels et organisations disposant d’un pou-voir aussi gigantesque que sous-estimé, ont mis en échec des gou-vernements et des sociétés entières. Circonscrit initialement à laColombie et négligé comme un problème local et étranger, ilmenace aujourd’hui divers pays de la région, soit qu’ils le sous-estiment, qu’ils l’ignorent ou qu’ils en soient complices. La socié-té mexicaine subit ses assauts et les pays d’Amérique centrale sontfouettés par ses soubresauts. En tout cas il ne parait pas intelligentde jouer les aveugles face à un tel fléau qui envoie ses métastasesen divers pays de l’ALC. Son pouvoir corrupteur ne connaît nilimites ni frontières et ses conséquences blessent des générationsentières non seulement par ce que représente le cancer de laconsommation de drogue mais par ce que signifie culturellementle thème de l’argent facile et du « tout s’arrange » parce que toutpeut être acheté. Peut-être comme jamais auparavant, faudra-t-ilréfléchir sur les conséquences politiques, éducatives, culturelleset de toutes natures découlant du fait que les personnes, les insti-tutions et les choses ont une valeur mais pas de prix.

1.2 Croissance économique et impact moindredes crises financières mondialesLa Région a expérimenté ces dernières années et surtout la der-nière décennie, une tendance marquée à la croissance écono-mique. Bien que la croissance ait diminué durant les années 2008et 2009 par suite de la crise financière aux États-Unis et en Europe,le pronostic pour 2010 et 2011 reprend la tendance à la croissan-ce. Le tableau 1 nous montre comment nos pays ont crû une foissurmontée la crise initiale de la décennie et les projections pourl’année 2011. Bien que les chiffres montrent une croissance sou-tenue — une variable qui a été timide dans la Région — le résultatn’a pas été nécessairement que la croissance ait entraîné une réel-le amélioration des conditions de vie des plus pauvres. Au contrai-re, comme nous le verrons plus bas, la pauvreté s’est accrue et lefossé entre riches et pauvres a grandi en conséquence.

Néanmoins, et pour la première fois depuis longtemps, on obser-ve un fait très important : on constate que les pays de la Régionont ressenti dans une moindre mesure la crise des pays dévelop-pés et que ses soubresauts n’ont pas été aussi dramatiques que l’a-vaient été ceux des crises antérieures. On pourrait y voir divers

12

2010 20112008 2009 2007 2008

5,54,23,52,2

-2,66,34,72,5

4

4,14,5

34

0,466

2,34

701397156645468482993771985134321378

820510232

82365416

112464477

1008440561720

13

PIB REEL PIB par tête

Variation Pourcentage Annuel

Projections (US$ au prix actuel) IDH

2007 Rang IDH

0,8130,8540,8660,8070,8440,8060,8780,8060,729

7753497558784480

113

Brésil 5,1 -0,2Mexique 1,5 -6,5Argentine 6,8 0,9Colombie 2,4 0,1Vénézuéla 4,8 -3,3Pérou 9,8 0,9Chili 3,7 -1,5Equateur 7,2 0,4Bolivie 6,1 3,3

Source : Rapport de Perspectives de l’Economie Mondiale — FMI — Avril 2010Banque Mondiale — Indicateurs de Développement Mondial / Rapport de Développement Humain pour laRégion 2010 ALC.

signes positifs tels qu’une dépendance moindre à l’égard des éco-nomies de nos partenaires commerciaux traditionnels, une expan-sion des marchés externes et internes, un système financier sain etrobuste et la diversification des liens commerciaux qui s’étendentaujourd’hui à d’autres latitudes. Cela peut constituer un pointd’inflexion intéressante pour réduire la dépendance et obtenir unecroissance plus solide.

1.3. Croissance économique sans équité« L’Amérique latine est la région la plus inégale du monde. Il exis-te des raisons normatives et pratiques qui déterminent que lesniveaux élevés d’inégalité constituent un obstacle au progrèssocial. L’inégalité et ses visages visibles dans la société sont uneréalité indiscutable pour n’importe quel citoyen ».3

Ces paroles se trouvent au début du dernier rapport duProgramme des Nations Unies pour le développement publié aumois de juillet au Costa-Rica. Tout le rapport ne fait qu’exposeravec chiffres et indicateurs un thème qui certainement n’est unsecret pour personne car il suffit d’ouvrir les yeux à l’improvistesur le quotidien de nos pays. Mais le Rapport n’est pas qu’unregard élémentaire sur la réalité. Chacune de ses pages nous porte

3 PNUD. Rapport Régional sur le Développement Humain pour l’AmériqueLatine et les Caraïbes 2010.

Cependant, comme nous le verrons plus loin, il faut reconnaîtrequ’il y a eu des avancées, inégales elles aussi, dans la réductionde la pauvreté et de meilleures possibilités en éducation.

1.4 Un coup d’œil sur le secteur éducatifLa Région enregistre des avancées significatives en termes de cou-verture éducative, particulièrement en éducation de base primai-re et moyenne. Les États ont fait des efforts importants pour l’éra-dication de l’analphabétisme, l’universalisation de l’enseigne-ment primaire, l’accroissement de l’offre d’enseignement secon-

14

INDICE GINI

PAUVRETE ET DISTRIBUTION DU REVENU Valeurs entre 0 et 1

1999-98 2002

ArgentineBolivieBrésilChiliColombieEquateurGuatemalaHondurasMexique

0,5390,5860,6400,5600,572

0,5600,5640,539

0,5420,5040,6250,5520,5640,5260,5250,5170,507

0,6400,5770,4940,525

0,5100,5120,486

0,5780,6140,6390,5520,569

0,5420,5880,514

0,5900,5540,6280,5470,5760,5130,5250,5330,476

0,6320,5810,5070,499

0,4720,5190,498

0,5190,5650,5940,5220,5840,5040,5850,5800,524

200620072008200620052008200620072008

0,5100,4990,5860,5170,5870,4800,5470,4940,466

0,5990,5340,5060,4950.4580,5260,5710,546

National Urbain Rural National Urbain RuralAnnée*National Urbain Rural

Etats-UnisFrance

Moyenne 1992-2007**0,410,38

* Dernière année disponible** Etats-Unis comme référent continental et France comme référent des « top ten » de l’IDH international

Source CEPALSTAT — Banque Mondiale

à regarder l’ampleur du problème et cherche à désagréger lesdonnées de manière à nous permettre de comprendre la com-plexité du sujet. Je ne chercherai pas à résumer le rapport ; ce queje veux, c’est, en m’appuyant sur ses données et sur celles des au -tres rapports, extrapoler certains éléments qui puissent nous aiderà voir la gravité du sujet, spécialement en ce qui concerne lesaspects qui font partie de ce que nous considérons comme notremission. La constatation à la fois la plus indéniable et la plus dou-loureuse est que ces dernières années la pauvreté, la misère et l’i-négalité vont croissantes : plus de richesse, certes, mais plus malrépartie, ce qui montre lamentablement un plus grand degré d’i-négalité, devenant dans certains cas un scandale.

daire et, dans une moindre mesure, l’accroissement des capacitésde l’enseignement supérieur. S’il est certain que les avancées ontété significatives, elles n’en restent pas moins insuffisantes, surtoutdans quelques régions des différents pays qui comprennent fon-damentalement les zones rurales et les ceintures de misère quientourent les grandes villes. Il vaut la peine de voir la situation entermes de couverture et de qualité, lesquelles ne vont pas toujoursde pair.

1.4.1 La couverture éducative

L’accroissement de l’offre et la scolarisation réelle de l’enfance estun des grands succès de la Région dans son ensemble. Bien queles données varient substantiellement de pays à pays, en généralles avancées sont très importantes dans l’enseignement primaire,permettant à la population d’achever entre 5 et 6 années de sco-larité. Les pays du Cône Sud avaient déjà obtenu une couverturepresque universelle en éducation de base vers la fin des années90. Mais aujourd’hui, c’est fait dans la majorité des pays et il n’enreste que quelques uns un peu à la traîne, qui s’en rapprochent.Le Mexique, l’Équateur, la Colombie, le Pérou, le Vénézuéla et leBrésil ont atteint le but de l’universalisation complète du primai-re, présentant des indices de couverture proches de 100% ; raisonpour laquelle le saut quantitatif est impressionnant. Il reste enco-re des pays présentant un retard préoccupant, comme leGuatémala, le Nicaragua et Haïti, ce dernier avec des chiffresangoissants de 58% au niveau de couverture. Il faut faire remar-quer qu’en même temps qu’ils amélioraient la couverture, lesgouvernements ont fait un effort pour offrir aux enfants des écolesélémentaires d’État dans les secteurs déprimés et les zones ruralesun complément alimentaire (petit déjeuner, goûter, etc.) contri-buant à ce que les enfants aient un niveau nutritionnel qui leurpermette d’apprendre et de se maintenir dans le système. C’est unsuccès indéniable et de grande importance. Quand on a faim, onne peut pas apprendre ni développer ses capacités cognitives fon-damentales pour une bonne éducation.

L’enseignement secondaire ou moyen présente aussi des avan-cées importantes. Bien qu’on n’atteigne pas encore l’universalitétotale, les politiques mises en œuvre par les pays, spécialementdans la dernière décennie, ont obtenu de bons résultats. Selon lesdernières données disponibles qui correspondent aux années

15

Un plus grand investissement en éducation est une question dejustice sociale élémentaire. L’expansion de l’accès à l’éducationdoit produire par la suite de plus grandes opportunités de mobili-té sociale, mais non cependant au même degré qu’il y a quelquesdécennies à peine. La corrélation, qui était très élevée, entreniveau d’éducation et niveau de revenus, n’est plus aussi élevéebien qu’elle reste significative ; mais un niveau d’éducation basentraîne exclusion et rémunération très faible. Exprimé autrement,une scolarité de niveau élémentaire et moyen complète ne donnepas automatiquement accès à des tâches mieux rémunérées : celaest bien connu, y compris pour des gens ayant fait des études uni-versitaires complètes. Il est possible que nous allions vers un« chômage instruit ».

1.4.2 Le problème de la qualité

C’est un problème difficile à aborder bien que nous soyons d’ac-cord qu’une éducation de mauvaise qualité produit une plusgrande inégalité et un manque d’opportunités. Le concept

16

2007 et 2008, l’Argentine, l’Uruguay et le Chili ont réussi à ceque leur population ait achevé presque complètement 11 annéesde scolarité ; le Costa Rica affiche 8,7 tandis que la Colombie etl’Équateur ont atteint 7,9 années. On retrouve la situation signa-lée plus haut pour le Guatémala, le Nicaragua et Haïti qui enre-gistrent le taux le plus bas en années de scolarité. Le tableau sui-vant illustre le taux d’inscription par an et par âges dans certainspays.

Taux brut d’inscription (%)

Taux brut d’inscription (%)

Année De 6 à 12 ans d’âge De 13 à 17 ans d’âge De 18 à 23 ans d’âge

ArgentineBrésilEquateurMexiquePérou

2008

98,897,997,798,198,2

90,389,883,4

7689,3

48,334,442,233,241,5

ColombieVénézuélaChili

200694,597,598,9

82,984

94,1

31,753

44,5

Bolivie 2005 95,5 88,3 50

Source : Rapport Régional sur le développement Humain pour ALC 2010

même de qualité varie beaucoup selon les auteurs et on comp-rend qu’il faille contextualiser l’offre éducative. En tout cas, ilexiste des indicateurs qui nous permettent d’approcher dequelques composants élémentaires de la qualité, nécessaires icien Amérique Latine et aux Caraïbes : une éducation qui per-mette aux compétences communicatives de se manifester dansl’usage des langues fondamentales (langue maternelle et autrelangue) et des médias technologiques (TIC) ; formation à lacitoyenneté qui permette la consolidation de la société démo-cratique et son institutionnalisation, l’éthique civile et le respectdes droits humains ; maniement de la mathématique et de sesmécanismes d’abstraction ; et un bon fondement en sciencesnaturelles pour la compréhension du monde et le respect de l’é-cologie. À quoi il faut ajouter comme faisant partie du proces-sus, la formation au travail.

Un monde qui se dirige vers la globalisation de façon accélérée,commence aussi à chercher comment établir des standards decomparaison qui permettent de mesurer la qualité, ou du moinscertains de ses aspects.

Sans tomber dans le piège d’accorder une valeur absolue à cesindicateurs, il ne faut pas non plus les rejeter d’emblée. Le faitest que, même si dans bien des cas nous ne sommes pas d’ac-cord, ce n’est pas une raison pour ne pas en faire usage pournous évaluer. Les épreuves Pisa4 ont été conçues dans le cadredes formules de standardisation des politiques éducatives del’OCDE. Cependant le nombre de pays qui les ont adoptées s’estlentement multiplié et elles commencent à se transformer enfacteur de mesure de la qualité pour les processus éducatifs élé-mentaires en Mathématiques, Sciences et Langage, trois élé-ments considérés comme fondamentaux pour le succès de lapoursuite des études, et de plus comme des éléments sans les-quels il est très difficile d’affirmer que nos processus éducatifscontribuent à une société et une économie fondées sur laconnaissance.

17

4 PISA Programme for International Student Assessment (Programmed’Evaluation Internationale des Etudiants)

18

EPREUVES PISA* Notation**

Sciences Lecture Mathématiques

ArgentineBrésilChiliColombieMexiqueUruguayMoy. Amérique LatineOCDE

391390388410428438408500

374393442385410413403492

381370411370406427394498

Il est évident que le rôle de l’éducation ne se limite pas ni n’acomme objectif ultime que les élèves aient de bonnes notes dansces sortes d’épreuves. Depuis l’Antiquité grecque en parcourantl’histoire, l’objectif fondamental de l’éducation est de construiredes personnes et de bons citoyens. L’éducation catholique, et parsuite l’éducation lasallienne, a toujours défendu le concept d’in-tégralité en ce qui concerne les processus éducatifs, de manièreque les résultats dans tel ou tel domaine ne sont guère plus qu’u-ne composante d’un processus bien plus complexe. De fait, nousdevrions pouvoir situer le rôle de l’éducation dans la constructionde la civilisation de même que dans sa capacité à susciter deshommes et des femmes critiques face au consumérisme effrénéimposé par le modèle économique, face aux médias et aux tech-nologies de la communication, face aux valeurs humaines essen-tielles comme la solidarité et la compassion, face au renforcementde la démocratie et à la participation politique.

C’est pourquoi je nous invite à ne pas croire absolument et à nepas méconnaître non plus que la qualité éducative passe par l’ac-quisition de compétences en sciences, mathématiques et langage.Peut-être vaudrait-il la peine de travailler aussi à chercher desindicateurs qui nous permettraient d’évaluer si l’éducation quenous appelons « intégrale » est de qualité reconnue et, pour cetteraison, évaluée formellement. Il ne serait pas superflu non plus denous demander comment nous évaluons la qualité des processuspastoraux dans notre proposition éducative, encore qu’il ne s’a-gisse pas de mesures du genre des épreuves standardisées maisd’un examen critique comportant des référents clairs à l’action, àla réflexion et à l’impact des processus.

*Source : Base de données Pisa, OCDE, 2007**Notation générale de 0 à 600

19

La majorité des pays de la Région ont instauré des systèmes d’é-valuation et différentes façons de « rendre compte ». On trouve enfonctionnement des processus d’Accréditation ou de Certificationdes écoles et collèges qui examinent leur fonctionnement, leurrespect des standards, le contrôle de conformité des locaux. Lespays ont développé des mesures des connaissances et des com-pétences au moyen d’épreuves standardisées aussi bien pour l’ac-cès à l’enseignement supérieur que pour le contrôle même de l’a-mélioration de la qualité ; ces épreuves sont appliquées aux étu-diants à l’issue de l’enseignement secondaire et fréquemment àd’autres stades du processus. De la même manière ont été insti-tués en divers pays des procédures d’évaluation des professeursqui, dans bien des cas, peuvent affecter la situation profession-nelle des maîtres dans le système. Timidement commence à sefaire jour une réflexion se demandant si les résultats des étudiantsdoivent être un critère pour l’évaluation des professeurs.

Ce dernier thème est épineux en ALC parce qu’il est étroitementlié aux conditions de travail et de vie des éducateurs. La conclu-sion évidente est qu’un système qui veut progresser en qualitérequiert de meilleurs éducateurs, mieux formés et dotés demeilleurs moyens. La situation professionnelle des maîtres diffèrebeaucoup de pays à pays mais dans bien des cas leurs conditionsde vie sont encore précaires. Il s’impose alors ici d’adopter deuxpolitiques à la fois : d’une part, des systèmes d’évaluation et decomptes à rendre par les maîtres ; et d’autre part, de plus grandeset meilleures opportunités de formation et des stimulants non seu-lement pour améliorer les conditions de travail et de vie des édu-cateurs mais pour rendre la profession attrayante.

1.4.3 L’Enseignement Supérieur

Le cas de l’Enseignement Supérieur est assez différent et il est dif-ficile de rencontrer une tendance générale qui traverse de façonhomogène tous les pays de la Région. On peut comprendre queles efforts se sont portés fondamentalement sur les étapes élé-mentaires et que pour cette raison on a négligé de parier sur l’en-seignement supérieur. Cependant, les pays ayant les meilleursindices de développement sont aussi ceux qui ont réussi desavancées significatives en matière de couverture et de qualité deleurs universités.

20

L’offre de l’État en nombre d’institutions universitaires est demeu-rée stable dans la majorité des pays dans cette dernière décennie.Quelques pays ont fait un grand effort pour augmenter la couver-ture en universités publiques existantes de même que pour favo-riser les niveaux supérieurs techniques et technologiques.Néanmoins il s’est produit parallèlement un accroissement consi-dérable de l’offre privée au niveau supérieur qui fournit une cou-verture mais suscite en même temps des doutes quant à la quali-té de l’offre. Les programmes virtuels et à demi-présence appa-raissent aussi comme une option rapidement croissante dans laRégion mais qui suscite quant à leur qualité et à la mesure de leurimpact les mêmes interrogations qu’à l’offre d’enseignement enprésence. En ce qui concerne les programmes on-line on sedemande s’ils ont pu réellement créer des didactiques et despédagogies qui diffèrent des traditionnelles et qui puissent parve-nir à influencer plus efficacement les processus de l’enseignementsupérieur.

Le taux d’accès à l’éducation tertiaire et/ou supérieure est illustrédans le tableau suivant :

INSCRIPTION AU NIVEAU TERTIAIRE

Pourcentage Brut

2000 2002 2004 2005 2006 2007

ArgentineBolivieBrésilChiliColombieCosta RicaEquateurGuatémalaHondurasEspagneEtats-Unis

53,43616

37,224

16,1--

1559,367,5

61,538,220,1

412419

-9,5

17,162,2

79

65,4412443

27,525,3

--

1765,4

81

65-

25,44830

25,3---

6681,5

68--

46,532

--9-

6781,4

-38,3

305233

-35,3

18-

68,482

Explication : La proportion brute d’inscription est la proportion du total des inscrits, indépendamment de leurâge, par rapport à la population du groupe d’âge correspondant officiellement au niveau d’éducation concer-né. L’enseignement tertiaire, bien qu’il ne représente pas l’accès à une qualification de recherche avancée,exige normalement comme minimum requis à l’entrée, l’achèvement avec succès de l’éducation de niveausecondaire.Source : Institut de Statistique de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture(UNESCO).

21

Il faut consacrer un mot à l’université lasallienne. L’enseignementsupérieur a vécu un moment d’explosion chez les Lasalliens enAmérique Latine. Il y a aujourd’hui près de 35 institutions en 11pays de la Région.5 La nécessité s’est fait sentir impérieusement dese mettre à définir une pensée propre qui puisse servir d’inspira-tion à nos universités, ce qui n’a certes pas été facile ; peut-êtreparce que nous, Lasalliens, sommes meilleurs à faire qu’à penser.Mais cela ne nous exonère pas de la responsabilité historique quenous avons de la faire après avoir pris cette option pour l’ensei-gnement supérieur. Il est urgent d’accroître nos recherches pourtrouver des points de convergence qui servent de référent à l’ac-tion universitaire ainsi que les possibilités de travailler en unréseau qui existe mais n’est pas toujours opérationnel. Toutcomme je crois que nous ne trouverons rien dont notre proposi-tion ait l’exclusivité à ce niveau, il me paraît du moins urgent quenous ayons une idée claire de ce que nous voulons faire et de laréponse que nous devons donner dans les contextes actuels.

On reconnaît aujourd’hui que l’université lasallienne doit assurerune présence significative dans notre société et que sa propositionéducative doit être claire dans ses intentions et explicite dans sesoptions qui inspirent la création et l’offre de programmes acadé-miques, les lignes de recherche, l’extension et la projection socia-les et jusqu’à la réflexion pédagogique. Et du fait de la complexi-té du monde actuel et en raison de l’importance historique querevêt l’université pour offrir des modèles et des propositions envue d’une nouvelle société, l’université doit aussi assumer d’aut-res fonctions que les siennes propres : la fonction politique quioblige l’université lasallienne à être proactive dans ses proposi-tions, audacieuse dans ses positions et conséquente dans la for-mulation de politiques publiques et de plans de développement,et à ne pas être seulement réactive aux décisions prises par d’au-tres là où elle aurait pu être présente par le moyen du débat, dela recherche et de la proposition intégrale de projets ; la fonctionéthique qui situe l’université comme une partie de la conscience

5 Le Mexique avec le plus grand nombre et la plus ancienne : la ULSA (1962), laColombie, le Costa Rica, le Guatémala, le Brésil, l’Argentine, Haïti, la Bolivie, le Chili,le Vénézuéla et le Pérou. Il faut noter que certaines sont des institutions tertiaires qui,dans leur pays, appartiennent au système d’enseignement supérieur comme c’est lecas au Pérou avec les Écoles normales. Des Universités, sous cette dénomination,existent au Mexique, en Colombie, au Costa Rica, au Brésil et en Bolivie.

22

morale d’une nation ; et la fonction systémique qui la pousse às’articuler avec les autres acteurs sociaux comme leGouvernement, l’entreprise et, bien entendu, avec le continuuméducatif.6 Le PERLA signale, entre autres, deux aspects centrauxqui concernent beaucoup l’université lasallienne. Ce sont : leDéveloppement Humain Durable et la Démocratisation duSavoir.

Mais si nous reconnaissons quelque chose comme connaturel àl’essence de l’université dans son histoire presque millénaire, ilest nécessaire que nous le vivions intensément dans nos institu-tions supérieures. Je me réfère à la capacité de réflexion sur soi-même et d’autocritique, nécessité impérieuse dans notre travail età laquelle nous devons parvenir sans délai, surtout en ce momentde croissance du nombre d’institutions. Autrement dit, interro-geons-nous sur le pourquoi et le pour quoi de l’université lasal-lienne. Comme l’exprime bien Joaquin Ortega,

« L’Université qui apprend ou université réflexive, réduit lacomplexité et rationalise les menaces, augmentant parfoisde façon paradoxale la complexité même d’où elle part. Decette manière, l’institution qui adopte ce modèle incorporedans ses structures des comportements d’une certaine intel-ligence pour survivre de façon proactive. Sans cette actionpoétique des systèmes, les cultures organisationnelles nesurvivraient pas aux inexorables crises évolutives auxquel-les elles sont soumises et se réduiraient à des rudimentsarchéologiques, aussi sclérosés que ceux qu’on peut ob -server dans les civilisations décadentes ».7

1.4.4 Science et Technologie : impacts et défis

Le développement vertigineux de la science et de la technologieau siècle dernier a conduit les sociétés actuelles à se construiresur des économies basées sur le savoir, un fait que nous ne pou-vons ignorer et entraînant des défis auxquels nous ne pouvonséviter de répondre. Les propositions éducatives, soit critiques soittraditionnelles, offertes jusqu’aux années 80 et au début des

6 Cf. Gomez, C. (2006) : Rflexiones sobre la educacion superior lasallista.Oportunidades actuales y visiones futuras. AIUL. St. Mary’s Press.

7 Escolano, Agustin. Prologo de Ortega, Joaquin. Universidades reflexivas :una perspectiva filosofica. Ed. Laerte, Madrid : 2005.

23

années 90 correspondaient à des modèles de société basées surdes économies de la possession de la terre, de la propriété desmoyens de production, les relations de travail relativement stableset caractérisées par la force de travail ; mais aujourd’hui ces ques-tions — pourtant pas maîtrisées ni bien maniées partout — ont cédéla place à l’urgence de s’aventurer dans les processus scienti-fiques qui contribuent au développement social et productif denos peuples. Les nouvelles technologies, spécialement informa-tiques, ont envahi les institutions dans les années 90 en mêmetemps que de nouvelles réalités politiques s’implantaient n’im-porte où. Nous en désintéresser ou penser que ce ne sont que desproblèmes de politique publique circonscrits aux sphères gouver-nementales risque de nous laisser en marge des processus dudéveloppement actuel qui passent par la capacité de générer dusavoir, d’adapter et d’appliquer les technologies et d’innover pourfaire des progrès en responsabilité, en équité et en justice ; de fait,ces réalités créent de nouvelles marginalisations différentes decelles que nous percevions à d’autres moments de l’histoire.

Les développements de la science et ses applications et les nou-velles technologies de l’information et de la communication ontentraîné une révolution copernicienne dans la production derichesse, dans le concept même de développement, dans lamanière de comprendre le travail, dans le maniement et le contrô-le des flux de capital, dans le concept de souveraineté, dans laconformation et le rôle des institutions sociales et politiques ainsiqu’au rôle des gouvernants dans la régulation de la société, dansle contrôle des citoyens, dans la portée des lois et dans la concep-tion même de la démocratie. Les changements sont si nombreuxque bien souvent nous ne les avons pas assimilés, nous ne lescomprenons pas toujours, nous n’entrevoyons même pas leursconséquences. Tout se passe si vite que la réflexion sur l’histoirene va pas à la vitesse du monde, ce qui entraîne aussi un état d’in-certitude et de non-sens difficile à conceptualiser ou à cerner. Est-ce que l’éducation va au rythme de l’histoire ? Que signifie édu-quer dans une société de connaissance ? Quel est le type d’écolequi répond aux besoins de l’homme et de la femme d’aujour -d’hui ? Quel est le rôle du maître ? Est-ce que nos pays sont bienaccrochés au train de l’histoire ? En définitive, ce sont toutes desquestions valides auxquelles il est important de répondre. Est-ceque les efforts faits par nos pays permettent de regarder l’avenir

24

avec confiance ? Est-ce qu’on a formulé des politiques sérieuseset est-ce qu’on les met en œuvre de manière vigoureuse pour évi-ter d’être à nouveau mis en marge, non plus cette fois du systèmeéconomique mais de l’histoire elle-même ?

Les économies basées sur la connaissance impliquent des chan-gements substantiels dans la production de richesse et dans larecherche nécessaire de l’équité. Les données que nous connais-sons des différents pays, y compris des plus développés, nousmontrent une tendance à une plus grande inégalité, ce qui signi-fie, d’une part, plus grande concentration de la richesse et, d’aut-re part, des problèmes de travail plus complexes. Mais pour nospeuples, les efforts qu’il faut faire pour pouvoir prendre part à cesnouvelles réalités sont énormes. Nos peuples ont été depuis dessiècles producteurs et exportateurs de matières premières issuesdes mines ou de l’agriculture ; la société de connaissance nousoblige à changer ce schéma et à travailler avec intrépidité à créerla capacité et les conditions pour pouvoir ajouter de la valeur àce que nous avons et produisons. Il ne s’agit plus d’exploiter desmines pour en exporter le minerai, ni de produire des aliments etde les exporter en l’état ; la stabilité économique face à l’avenir setrouve dans la possibilité d’innover et de transformer pour pouvoircommercialiser des produits élaborés à la production desquels onaura ajouté de la connaissance. Autrement dit, la capacité dechercher pour générer les technologies qui transforment lesmatières premières en produits élaborés qui acquièrent une plusgrande valeur et obtiennent de meilleures conditions de commer-cialisation. Mais nous ne pouvons pas nous limiter à la seuleexportation de produits élaborés parce que les économies actuel-les accordent une très grande place aux « services » et en font unetrès grande demande ; mais également, les services à valeur ajou-tée sont basés sur la connaissance ; voilà une opportunité impor-tante pour l’ALC.

Quand on consulte les indicateurs avec lesquels on mesure d’ha-bitude l’état de la science et de la technique, on peut se rendrecompte de notre retard sur d’autres qui ont commencé plus tôt,qui ont pris le sujet au sérieux et qui ont préparé leur personneldepuis déjà plusieurs décennies. Les peuples qui nous devancentont pris au sérieux l’éducation et ont décidé, avec des objectifsclairs, des investissements considérables et la formation d’un per-sonnel de scientifiques et de chercheurs en développement.

2000 2005

25

La plupart des pays d’ALC ont favorisé les Universités pour êtreles protagonistes des processus de production scientifique et derecherche et, ces dernières années, on a créé à cet effet des orga-nismes chargés de ce domaine. Le Brésil, le Vénézuéla,l’Argentine et le Costa Rica ont un Ministère de la Science ; laColombie, le Mexique et le Chili ont des Instituts spécialisés ayantrang ministériel ; dans d’autres pays il y a des Vice-Ministères etd’autres formes d’organisation pour promouvoir la Recherche etle Développement (I+D+i). Ce constat nous aide à comprendrequ’on regarde ce sujet comme primordial et, pour certains pays,comme un thème stratégique et fondamental du programme. Lamajorité des gouvernements a augmenté le budget de la scienceet de la technologie, ce qui se répercute par conséquent sur lebudget national. Certaines entreprises, les universités, d’autresinstituts de recherche et des fondations privées font des effortspour consacrer des ressources plus abondantes et de meilleurequalité à ce sujet. De ce fait, le pourcentage du PIB de chaquepays consacré à la science, à la technologie et à l’innovation s’estaccru. Il est évident que le retard est grand et que les budgets sontencore très modestes, surtout par rapport aux immenses socialesexistantes. Mais cela constitue un investissement, alors que sansaucun doute, si on ne le fait pas, les prochaines années verrontl’augmentation de la pauvreté et de l’exclusion. Le tableau suivantillustre le pourcentage du PIB national de quelques pays consacréà la science :

PIB* % I+D PIB % I+D

ArgentineBolivieBrésilChiliColombieEquateurGuatémalaHondurasMexiqueEspagneEtats-Unis

$ 284.204$ 8.397

$ 644.702$ 75.210$ 94.053$ 15.941$ 19.290

$ 7.105$ 581.426$ 580.673

$ 9.764.800

0,50,31

0,50,2

0,030,060,41

2,7

$ 183.193$ 9.549

$ 882.185$ 118.250$ 144.581

$ 37.186$ 27.211

$ 9.670$ 846.990

$ 1.130.200$ 12.364.100

0,5

10,50,2

0,060,03

0,41,12,6

*Barème en Milliards de $

PIB PAR PAYS — POURCENTAGE DU PIB EN DEPENSE DE I+D(Recherche et Développement)

26

D’autres indicateurs sur la science et la technologie dans laRégion ne sont pas plus encourageants. Les tableaux qui suiventnous permettent d’étudier le sujet selon certains de ses indicateursles plus utilisés : le nombre de docteurs, la production acadé-mique et les brevets délivrés :

1999 2000 2005 2006 2007

ArgentineBolivieBrésilChiliColombieCosta RicaEquateurGuatémalaMexiqueEspagneEtats-Unis

71274

40483

22315414432

71572

367410

50

19044481

823

588

116122

31460

25484584

896

629

151

7525

26574663

980

69

2784

Chercheurs consacrés à la Recherche et au Développement(par million d’habitants)*

* Les Chercheurs consacrés à la Recherche et au Développement sont des professionnels qui se consacrent àconcevoir ou créer de nouveaux savoirs, produits, procédés, méthodes ou systèmes et à la gestion des projetscorrespondants. On y inclut les étudiants en doctorat consacrés à la Recherche et au Développement.Source : Institut de Statistique de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture(UNESCO)

2006 2007

PIB % I+D PIB % I+D

ArgentineBolivieBrésilChiliColombieEquateurGuatémalaHondurasMexiqueEspagneEtats-Unis

$ 214.066$ 11.451

$ 1.089.060$ 146.773$ 162.347

$ 41.763$ 30.231$ 10.863

$ 948.865$ 1.232.350

$ 13.116.500

0,5

1,50,60,20,2

0,05

0,41,22,6

$ 262.421$ 13.120

$ 1.333.270$ 163.878$ 207.786

$ 45.789$ 34.030$ 11.985

$ 1.022.820$ 1.437.910

$ 13.741.600

0,5

1,50,50,20,2

0,06

0,41,32,7

Source : Banque Mondiale — Indicateurs de Politique économique — Science et technologie

27

Brevets nationaux**

2000 2003 2005 2006

ArgentineBrésilChiliColombieEquateurGuatémalaMexiqueEspagneEtats-Unis

10623080

24175

30431

2710164795

7923689

3295

6468

1889412813

10543905

3617

1118

584207867

3040

10203810

291101628

574221784

3111

Brevets non nationaux**

2000 2003 2005 2006

ArgentineBrésilChiliColombieEquateurGuatémalaMexiqueEspagneEtats-Unis

557413582

25012633

134109485

376510258

285489285

11754157683

376

4215

249580278

13887187957

326

459720487

206740297

14976210062

329

**Les demandes de brevets sont les demandes présentées à un bureau national ou non national de brevetspour obtenir les droits exclusifs sur une invention, un produit ou un procédé offrant une nouvelle manière defaire quelque chose ou une nouvelle solution technique à un problème. Un brevet accorde une protectionconcernant l’invention au titulaire du brevet durant une période limitée couvrant habituellement 20 ans.

1999 2000 2003 2004 2005

ArgentineBrésilChiliColombieCosta RicaCubaMexiqueEspagneEtats-UnisVénézuéla

263658591059

24069

2572884

14514188004

498

284664071115

33280

2842971

14795192743

516

291983301406

32589

2683659

16099196427

577

298295731464

35885

2543870

17025202075

475

305898891559

400105261

390218336

205320534

Article dans Publications Scientifiques et Techniques

* Source : Banque Mondiale — Indicateurs de Science et Technologie

28

1.4.5 En manière de synthèse

Dix ans après la proclamation des Objectifs du Millénaire de lapart de l’ONU, les résultats n’ont pas été frappants et le délai de15 ans pour vaincre la pauvreté, qui s’achèvera en 2015, ne paraîtpas aujourd’hui pouvoir être respecté. Il n’empêche que, en unedécennie marquée par deux crises économiques très fortes et larécession, l’ALC a fait des investissements importants en éduca-tion, a augmenté la couverture scolaire, amélioré ses systèmes fis-caux, diversifié ses marchés et a créé des organisations sous-régionales importantes. L’inégalité et la corruption continuent às’afficher dans nos pays, une situation qui continue à affecter desgroupes très significatifs de la Région et qui demande de tous lesacteurs sociaux des actions rapides, planifiées et volontaires pourque la décennie qui commence permette de construire des socié-tés plus justes qui élèvent le niveau de vie de la majorité et quicréent les mécanismes démocratiques pour renforcer les institu-tions et améliorer la distribution de la richesse. Les conditionssont propices et la conjoncture est très favorable pour faire de laseconde décennie du siècle « la décennie de l’inclusion et duréveil ».

29

2. L’œuvre et les œuvres desLasalliens dans la Région

Les Lasalliens sont présents dans la Région depuis la seconde moi-tié du 19e siècle. Arrivés initialement en Équateur en 1863, ils ontpeu à peu créé des écoles en différents endroits, consolidant leurprésence sur le Continent, principalement avec les groupes deFrères français arrivés en 1903 après leur expulsion à la suite dela Loi Combes. Et dès la seconde décennie du 20e siècle, ilsétaient présents dans la majorité des pays de l’ALC.

2.1 Un coup d’œil sur nos ŒuvresLes Œuvres lasalliennes dans la Région comprennent tous lesniveaux d’éducation formelle et tous les groupes d’âge et cou -vrent l’éducation formelle aussi bien qu’informelle.Historiquement les lasalliens ont créé des écoles primaires, descollèges privés avec les cycles fondamentaux et secondaires avecdes écoles populaires annexes ; dans certains pays ils ont été pré-sents dans le secteur public et, moins fréquemment, ils ont établides institutions de niveau tertiaire. De même on observe que lamajorité des projets éducatifs ont été orientés vers l’éducation for-melle dans les cycles primaire et secondaire. L’offre d’éducationnon formelle ou de projets éducatifs distincts de l’école apparaîttimidement ces dernières années.

Les institutions ont connu une évolution bigarrée. Dans certainscas les œuvres conservent les populations et les niveaux dans les-quels elles sont nées ; mais on peut aussi observer des institutionsqui sont nées populaires et qui se sont transformées en proposi-tions pour les classes moyennes, obéissant aussi bien à la trans-formation des contextes géographiques où elles sont apparues,qu’à l’amélioration de la situation économique des populationsqui les entourent, ou même à la présence des enfants de leursanciens élèves qui ont changé de statut économique.

Sur ce spectre éducatif, il vaut la peine de mentionner la floraisonrécente des institutions d’enseignement supérieur. Bien que lespremiers essais remontent au début du 20e siècle, ce sont les

années 60 qui ont vu la fondation des premières universités :l’Université La Salle de Mexico en 1962, l’Université La Salle deBogota en 1964, l’Université La Salle de Leon en 1968. Les années90 et la première décennie du 21e siècle ont été fertiles pour l’ap-parition de nouvelles universités et institutions universitaires.

Il n’est pas facile de faire un inventaire des œuvres et encoremoins de parvenir à une classification. De fait, en fonction descritères choisis, il y en a qui peuvent appartenir à deux catégoriesou davantage suivant qu’on regarde les niveaux ou les groupesd’âge. Il est plus difficile encore de faire une classification enaccord avec le niveau socio-économique des populations concer-nées ; dans certains cas, parce que s’y côtoient différents groupessociaux ; dans d’autres cas, pourquoi ne pas le dire, du fait quenous n’avons pas le courage de regarder objectivement la réalitéà l’intérieur de chaque institution. Nous avons l’habitude de pro-céder à des classifications qui répondent plus à des intuitions —qui peuvent être des certitudes — mais qui ne se basent pas sur desdonnées fiables, sur des variables consistantes du point de vueconceptuel, ni sur des indicateurs déjà standardisés dans ce typed’études.

Comme panorama général de l’offre éducative lasallienne, nouspourrions dire que la plus grande partie des œuvres consiste endes écoles formelles de niveau fondamental et secondaire s’a-dressant à des populations de la classe moyenne. Que cela soitl’offre majoritaire ne signifie pas qu’on ne s’occupe pas aussid’autres populations d’un niveau socioéconomique bas ou deniveaux différents avec des projets variés tels que la formation deséducateurs, l’ethno-éducation (pour les indigènes, les afro-améri-cains), l’éducation pour le travail, l’éducation non formelle, l’en-seignement supérieur, etc. Bien entendu il y en a aussi qui s’a-dressent aux couches économiques élevées de la société. Engénéral nos districts ont cherché à diversifier leurs œuvres pourrépondre aux réalités nationales et disposent d’oeuvres à tous lesniveaux et pour toutes les classes du spectre social.

2.2. En quoi consiste le caractère lasallien ?Il convient de nous demander fréquemment quel est le caractèrelasallien de la mission ou mieux, que faut-il pour qu’une proposi-tion éducative soit lasallienne. Je reconnais la valeur de beaucoup

30

de travaux écrits sur ce thème et qui ouvrent des pistes très impor-tantes pour répondre à cette question8. Parfaitement conscient d’ê-tre en train de faire un exercice réductionniste et totalement discu-table, il me plait de réfléchir sur ce thème à la manière de la théo-logie quand elle parle du kérygme9 ou comme les Pères de l’Églisequand ils définissent le Credo : en peu de mots, quel est l’essentielqu’il faut croire, ou, en ce qui nous concerne, l’essentiel pour« être ». Si je me hasarde à cette tentative, c’est que bien souventdans le monde universitaire, j’ai dû faire face de façon impromp-tue à cette question qui cherche à exprimer en peu de mots le sensde ce qui est lasallien. Je suis préoccupé, en même temps qu’intri-gué, quand nos réponses s’expriment en phrases qui disent tout, ouplus fréquemment ne disent rien, comme « lieu de salut », « pasto-rale de l’intelligence », « temple du savoir », « espace d’éducationintégrale », « projet de croissance chrétienne », etc.

Je n’aime pas l’idée qu’il puisse exister quelque chose de propreexclusivement aux lasalliens dans leur proposition éducative, quece soit en éducation formelle ou non formelle, dans l’enseigne-ment de base ou l’enseignement universitaire. Je préfère conce-voir qu’il existe différents thèmes qui sont inhérents à l’éducationchrétienne et par là, à l’éducation lasallienne, sans être exclusifsd’aucune institution particulière, en sorte que, s’ils sont absentsde notre proposition, cela ferait que l’offre éducative que nousprésentons ne serait pas lasallienne. En d’autres termes, les thè-mes que nous reconnaissons comme fondamentaux peuvent setrouver dans d’autres propositions, y compris de caractère laïc.Mais s’ils sont absents de la nôtre, je crois que nous ne pourrionspas donner à la nôtre le nom de « lasallienne ». Notre spécificitéserait peut-être, si elle existait, une sorte de style propre renduexplicite dans une interrelation éducative à partir d’une spirituali-té basée sur les valeurs privilégiées par les lasalliens : la foi, la fra-

31

8 Les travaux du Frère Edgard Hengemüle sont d’une importance capitale ;Lectura de unas lecturas (2002) qui présente la pensée de La Salle dans le contex-te de l’Histoire de la Pédagogie, son influence et l’estime dans laquelle l’ont tenuede nombreux auteurs ; et Educar en para la vida (2008) qui analyse le sens de l’é-ducation lasallienne.

9 Il s’agit de l’« expérience fondatrice du christianisme » ou mieux, « désignela prédication globale de la bonne nouvelle du salut… L’élément unificateur dukérygme, dans ses formules brèves, est la personne de Jésus, identifié commeChrist et Seigneur… Le kérygme n’est pas du passé… et il n’a pas passé ». Cf.Diccionario de Teologia Funamental. Latourelle y Fisichella, San Pablo, 1992.

ternité et le zèle, qui demandent, corrélativement, à être réexpri-mées pour le monde d’aujourd’hui. On pourrait étoffer un peuplus cette affirmation avec les composants suivants : une spiritua-lité qui invite à trouver Dieu et le rencontrer dans la personne desélèves et des collègues et qui annonce Jésus Christ essentielle-ment par la manifestation du visage miséricordieux de Dieu ; unerelation pédagogique respectueuse, créative et propice à la crois-sance des personnes dans la liberté ; une option fondée sur laconstruction d’une communauté et la préoccupation des pau -vres ; une proposition éducative contextualisée dans les réalitéséconomiques, sociales et politiques ; et avec des médiationsdidactiques qui prennent en compte les capacités et potentialitésde chaque personne et l’engagement pour la construction d’unesociété juste, équitable et pacifique.

Je ne suis pas homme à porter des jugements de valeur et encoremoins à aller jusqu’à mettre en question la « lasallianité » de nosœuvres. Néanmoins, comme le disait Bertrand Russell, « danstoutes les activités il est salutaire, de temps en temps, de mettre unpoint d’interrogation sur certaines choses qui sont considéréescomme certaines depuis longtemps » ; entre autres raisons, parceque cela a toujours été une habitude propre à La Salle et à ses pre-miers Frères de réviser constamment leurs pratiques, de les réécri-re, de les refaire et de les réorganiser : c’est là l’origine de laConduite des Écoles. Est-ce que ce que nous faisons et offrons estauthentiquement lasallien ?

2.3. Prolonger le passé et sacrifier la recherchedes horizons de l’avenirLe Frère Supérieur général nous a invité instamment à la créativi-té et à la recherche de réponses nouvelles cohérentes aux réalités.Concrètement il nous a pressés d’« inventer les réponses nouvel-les qui correspondent aux changements sociaux, économiques etpolitiques des peuples dans lesquels nous sommes incarnés, d’ê -tre spécialement attentifs aux enfants et aux jeunes qui demeurentexclus des bénéfices de la globalisation aussi bien dans les paysriches que dans les pays pauvres »10. Il y a une question que le

32

10 Frère Alvaro Rodriguez Echeverria. Mot d’ouverture de la RéunionIntercapitulaire de mai 2004.

Frère Alvaro a formulée à la clôture de la réunion intercapitulairede 2004, à laquelle nous n’avons peut-être pas accordé suffisam-ment d’importance. Il disait alors : « Est-ce que nous sommesconvaincus qu’il est plus important, plutôt que d’administrer lepassé, de regarder vers l’avant, en dépit de tout, et de nousconvertir à l’avenir ? »

Je pense que cette question mériterait ces jours-ci une réflexion dela part de cette Assemblée Lasallienne d’Éducation qui rassembletant de personnes engagées dans la mission, venues de nombreuxendroits de la Région, qui connaissent la réalité particulière, quisavent qu’ensemble nous pourrons avancer plus loin, qui saventce que peuvent les réseaux et combien peuvent nous enflammerla foi, la fraternité et le zèle. Nous ne pouvons plus prolongerdavantage le passé ; c’est maintenant le bon moment pour hasar-der et remettre sur la bonne voie notre réflexion et notre action.Pendant sa présence en ALC, le Frère Alvaro a insisté sur les « ilotsde créativité » dont le style de propositions peut être reproduit end’autres endroits et qui font voir un autre visage de l’engagementdes lasalliens. Ses appels n’ont pas toujours été entendus ou, pluscommunément, les réponses sont restées marginales, circonscritesà de petits groupes et sans grandes capacités de reproduction.

D’autre part, la réalité nous montre sans équivoque des chosesque nous avons refusé de reconnaître. J’ai dit plus haut que lamajorité de nos pays ont fait d’énormes efforts pour augmenter lacouverture et aussi, dans des cas significatifs, la qualité. Cela afavorisé parallèlement l’augmentation de la confiance dans le sys-tème public d’éducation. Ces dernières années, une bonne partiede la croissance de l’offre privée d’éducation élémentaire etmoyenne s’est appuyée sur la mauvaise qualité du secteur publicet sur son discrédit. Les familles s’inquiétaient beaucoup dumanque de continuité des cycles d’études, en partie parce que lesmouvements syndicaux, dans bien des pays, multipliaient lesarrêts de travail dans leur lutte pour l’amélioration de leurs condi-tions de travail, ce qui réduisait notablement les journées de clas-se ; en partie aussi parce que l’investissement en éducation étaitréduit et ne permettait pas de faire avancer les processus de for-mation des maîtres ni de bien doter les écoles en ressources péda-gogiques, ce qui favorisait la mauvaise qualité et la faible compé-titivité. Bien sûr, une grande partie de ceci est encore vrai ; maisla tendance qu’on observe permet de voir que le cap a changé et

33

dans peu d’années l’offre publique se sera imposée comme optionpour les familles, spécialement de la classe moyenne. La réalitédémographique et sa conséquence, la diminution du taux denatalité et de population de moins de 20 ans, a une grandeinfluence sur ce secteur ; ainsi, nous ne sommes déjà plus le« Continent jeune » au sens où on employait cette expression il ya seulement deux décennies.

Voilà les circonstances que nous, lasalliens, devons anticiper ouaffronter. C’est déjà une réalité qui se vit avec anxiété auMexique, au Costa Rica, au Brésil, en Colombie, au Chili et enArgentine entre autres, ainsi qu’au Vénézuéla pour des raisonsplus idéologiques en ce sens que l’étatisation de l’offre éducativesemble prendre une allure accélérée. Nous avons assisté ces dixdernières années à la diminution des inscriptions d’élèves dansnos institutions, ce qui, bien souvent, rend les écoles financière-ment ingérables. Comme cette situation a coïncidé avec la criseéconomique de la fin du 20e siècle et des premières années du21e, nous avons facilement pensé que c’était conjoncturel et que,dès la reprise des économies, les choses reprendraient leur cours.Cela ne s’est pas produit et on a pu voir que la croissance écono-mique a également permis un plus grand investissement en édu-cation dans les budgets nationaux. Il en résulte que les financesde nos Districts passent un mauvais moment, mais les demandesplus pressantes pour la qualité rendent, dans bien des cas, insup-portable la réalité qui était jusqu’à il y a seulement dix ans de laplus grande tranquillité.

On pourrait entrevoir que, à brève et moyenne échéance, l’offreéducative privée qui subsistera sera celle de l’élite qui exige desstandards très élevés de qualité représentés par des valeurs ajou-tées distinctives impossibles à financer initialement par le secteurpublic qui doit s’occuper de l’étudiant moyen tant en termes derendements académiques que de statut socioéconomique.L’enseignement particulier — au moins tel que nous le connaissons— restera alors restreint à ceux dont le niveau économique trèsélevé autorise à faire de grandes dépenses pour obtenir des servi-ces additionnels tels que le bilinguisme ou le trilinguisme, leséchanges et voyages internationaux, une proportion plus réduited’étudiants par professeur, des installations locatives exception-nelles, des technologies de pointe, etc. Les entreprises éducativesmultinationales ont progressé et profitent du moment pour en sai-

34

sir l’opportunité. L’avancée de ces groupes et leur positionnementest très significatif au Mexique et au Brésil, mais il est déjà com-mun dans la plupart des pays de la Région. Nul doute que lespuissances financières qui les appuient leur permettent d’avanceret de pénétrer rapidement les « marchés éducatifs ».

À ce sujet, j’ai souvent entendu dans mon pays et dans quelquesautres de l’ALC que j’ai eu l’occasion de visiter, qu’un bon grou-pe de lasalliens, et particulièrement de Frères, argumentaient avecune conviction inattaquable que le sentiment chrétien de nospeuples, le substrat religieux profond de nos gens et la préférencedes personnes pour l’éducation centrée sur les valeurs et la reli-gion seraient comme des pare-chocs contre ce nouveau change-ment. Je crois qu’il est important de nous désabuser rapidementde cette attitude. Aujourd’hui les gens cherchent la qualité quis’exprime en standards mesurables et en compétitivité plus gran-de ; si nous ajoutons à cela les scandales de l’Église et la perteinévitable de confiance dans l’Institution, je crois que nous cher-chons la clef là où elle n’a pas été perdue. Aujourd’hui il est plusfréquent sans doute qu’à d’autres époques que le citoyen ordinai-re ait plus d’information et d’attitudes critiques face à l’offre édu-cative. Cela pourrait nous amener à réfléchir profondément et sin-cèrement si notre éducation n’est pas « encore plus de la mêmechose ».

Cette réalité, je pense que la plupart en ont déjà fait le constat. Siactuellement elle frappe avec force les offres éducatives primaireet secondaire, très prochainement, dans moins d’un lustre, àmesure que la courbe démographique continuera à changer detendance et que l’offre éducative privée croîtra et se diversifiera,elle affectera de la même manière l’enseignement supérieur lasal-lien de nos pays. En fait, nous avons ou allons avoir des problè-mes pour le financement des écoles et universités si nous conti-nuons à penser toujours que nous soutiendrons les œuvres avecles entrées venant des inscriptions payées par les étudiants et leursfamilles.

Dans certains pays, jusque récemment, nous pouvions animer desécoles publiques ou recevoir des subsides pour recevoir des élè-ves à revenus faibles dans nos institutions parce que les écoles del’État n’assuraient pas une offre suffisante. Cette réalité est, elleaussi, en train de changer rapidement : les états se définissent

35

aujourd’hui ouvertement laïcs, avec séparation de l’Église et del’État et sans privilège spécial pour l’Église Catholique, ce qui renddifficile la subvention de l’État à l’éducation ou le système des« vouchers », ou bons, répandu dans les systèmes éducatifs desÉtats-Unis comme de certains pays de l’ALC. De même le modè-le vénézuélien qui a permis le financement public de l’offre par-ticulière de l’Église pourrait bien disparaître et il serait certaine-ment bien difficile qu’il puisse s’instaurer dans d’autres pays.

Il n’est pas question de prendre une position pessimiste. Il s’agitde voir les opportunités que cette réalité nous offre. Le contextenous permet peut-être d’aborder avec plus de sérénité et de foi lademande du Frère Supérieur de réfléchir comment nous convertirau futur et laisser l’anxiété à l’administration du passé.

2.4. Exode vers les nouvelles marginalisationsÀ nouveau, je cite un autre des appels du Frère Supérieur. Il acontinuellement appelé l’Institut et tous les Lasalliens à assumerla vie et la mission comme un processus d’exode, un processusbasé sur la foi plus que sur les sécurités, sur la confiance en Dieuplus que sur les certitudes. Sa parole pastorale est source d’inspi-ration et contient certains défis que nous ne pouvons pas passersous silence. Voici comment il s’est exprimé quand il a lancé soninvitation11 :

• Sortir d’Égypte, de l’Égypte de nos sécurités et certitudes pourregarder avec des yeux neufs les urgences vécues par lesenfants et les jeunes sur tous les continents. Enfants et jeunessans école, sans famille, dans les rues. Enfants soldats. Enfantsviolés. Enfants au travail sans aucune formation technique.Enfants et jeunes déplacés par les guerres. Enfants et jeunesimmigrants dans des pays qui ne les accueillent pas et lesméprisent. Notre réseau d’œuvres a été invité à lutter ensem-ble pour les Droits des enfants. Nos Universités et nos projetséducatifs formels et non formels ont devant eux ce grand défidu 21e siècle.

• Passer la Mer Rouge de nos insécurités et incertitudes. De sty-les de vie sécularisés, dépassionnés, désillusionnés et consu-

36

11 Ibidem.

méristes, qui ne révèlent pas au monde la passion de Dieupour les pauvres et les plus déshérités de cette terre.Insécurités par la diminution des effectifs. Insécurités dans lavie communautaire et professionnelle. Insécurités dues à laviolence des guerres. À cause des situations politiques etsociales qui entraînent comme conséquence la misère pourtant d’hommes et de femmes, des familles entières sont plon-gées dans l’indigence.

• Et surtout, ouverture à découvrir des peuples étrangers, dansde nouveaux lieux de service éducatif, avec des personnesnouvelles, en ouvrant nos établissements à tant et tant d’hom-mes et de femmes qui ont trouvé, eux aussi, leur centre inté-grateur parmi nous en la personne de Saint Jean-Baptiste de LaSalle.

La place sociale et missionnaire des lasalliens, c’est donc dans lesnouvelles marginalités qu’il faudra la trouver, là où doit s’expri-mer et se manifester l’ « expérience fondatrice » de La Salle, là oùdoit se réaliser l’option pour les pauvres à l’aube du 21e siècle.De nombreux auteurs12 travaillent le thème des nouvelles margi-nalités qui ont commencé à émerger et qui vont bien au-delà duconcept qui a été utilisé en sciences sociales au 20e siècle, men-tionnant essentiellement les ceintures de pauvreté créées dans lesvilles à partir de l’exode rural, principalement dans la secondemoitié du siècle. Les nouvelles marginalités sont marquéesaujourd’hui par le chômage ou l’emploi informel, l’absence d’ac-cès aux technologies, l’absence de liaison ou la connection défec-tueuse des secteurs ruraux avec les communications, l’exodecausé par la violence et l’insécurité en milieu rural, les difficultésd’accès à l’enseignement supérieur pour qui porte le poids de lapauvreté et, de plus, habite loin des centres universitaires ; et il ya d’autres marginalités qui tiennent à des questions de genre, d’o-rientation sexuelle, d’âge ou de race.

37

12 Cf. Salvia, Agustin. http://200.16.86.38/uca/common/grupo68/files/Microsoft_Word_-_MARGINALIDADES__SALVIA_.pdf; Segarra, David. Las nue-vas tecnologias, factor de exclusion social ? http://www.cuentayrzon.org/revis-ta/pdf/135/Num135_004.pdf

39

3. Indices d’une mission en cohérenceavec les signes des temps et deslieux

L’histoire a amplement montré que les peuples qui ont pariésérieusement sur l’éducation de qualité ont obtenu une améliora-tion substantielle des conditions de vie de leurs citoyens et parconséquent du développement humain, c’est-à-dire qu’ils ontréalisé des sociétés plus équitables et justes, une diminution signi-ficative de la pauvreté et des démocraties plus fortes. L’œuvre deLa Salle est apparue à la frontière de la déshumanisation et àcause de cela elle s’est proposé de rendre l’école accessible auxenfants ; cela a constitué aux origines une manière de démocrati-ser le savoir et de créer les bases d’une mobilité sociale dans unesociété ancrée dur comme fer dans les strates sociales fondées surla naissance et la fortune.

Comme le signale bien Pedro Chico dans son œuvre monumen-tale sur les Fondateurs13, l’éducation chrétienne a passé par troisétapes fondamentales dans l’histoire et dans sa relation avec l’o-bligation que la pensée moderne assigne à l’État : l’éducation detous les citoyens. Ce sont : la Suppléance, la Concurrence et laPrésence. À ses débuts, l’école chrétienne a suppléé à l’État et apourvu à l’éducation devant l’incapacité de l’État à le faire. Il n’estpas superflu de dire qu’en diverses circonstances, même en cer-tains endroits d’Amérique Latine, on continue à trouver des situa-tions de suppléance. Une fois que l’école tant primaire que secon-daire a commencé à s’universaliser, l’éducation chrétienne a vécudes processus de réaménagement et s’est trouvée en compétitionavec l’État dans son offre. Le 20e siècle a été pour la Région uneépoque où l’offre catholique a concouru avec l’offre publique etdominé cette concurrence. Comme je l’ai dit plus haut, aujour -d’hui les États, dans leur majorité, ont amélioré la qualité et lacouverture de leur offre ; nous arrivons donc au temps de la « pré-sence » dans le monde éducatif. Il en résulte clairement que nous

13 Chico Gonzalez, Pedro. Institutos y fundadores de Educacion Cristiana.Centro Vocacional la Salle, Valladolid, 2000. 7 Volumenes.

devons nous sentir satisfaits de ce que l’éducation est un thèmetoujours plus important pour la réflexion et l’action dans nos pays,de ce que davantage de secteurs s’y engagent et qu’elle devientpetit à petit un thème central de l’agenda politique, des corpora-tions et du secteur de la production. Les espaces de suppléance sesont réduits, l’époque de la concurrence touche à sa fin et nousentrons dans l’heureux temps d’une nouvelle présence. Nousentrevoyons donc des temps de créativité et d’espérance, destemps où la force, la cohérence et la consistance de notre propo-sition apporteront, comme un signe nouveau, un air frais et dusens à la jeunesse. Le moment est venu d’être porteurs de sensdans de nouveaux scénarios, avec de nouveaux défis, pour lesnouvelles générations.

Il est donc impossible de repousser le moment des réflexions etdes décisions sur la façon dont nous serons présents dans ces nou-veaux contextes et ces nouvelles réalités du Continent. J’ai l’au-dace de suggérer quelques thèmes qui me paraissent urgents etimportants.

3.1. Le dialogue avec les pédagogies contempo-rainesLes dernières décennies ont été prodigues en développementséducatifs. Les avancées de la psychologie cognitive, les sciencesinformatiques, les technologies de la communication, la neuro-science, les progrès de la génétique, la réflexion philosophiqueet les perspectives critiques des systèmes sociaux entre autres,ont influencé comme jamais auparavant l’éducation et parconséquent les pédagogies et les didactiques. De nouveaux para-digmes éducatifs se sont fait jour et, sans aucun doute, inspirent,consciemment ou non, explicitement ou implicitement, les pro-cessus éducatifs que nous mettons en avant ainsi que les poli-tiques éducatives que nous proposent les gouvernements demême que la formation qui se donne dans les centres de forma-tion à l’éducation.

La pédagogie de la libération a été peut-être le paradigme qui asuscité le plus d’expériences éducatives parmi les lasalliens et quia permis des réflexions, des positions et des dialogues intéres-sants, spécialement lorsque la plupart des processus éducatifs

40

étaient conduits dans le style traditionnel lasallien légué par lesFrançais. Les turbulences des décennies 60 et 70 ont permis lacréation de projets éducatifs alternatifs et de positionnementspédagogiques critiques et ont conservé une vigueur qui se cons-tate encore dans des expériences novatrices en éducation popu-laire. Néanmoins, aujourd’hui l’éventail s’est élargi et se montretrès propice aux dialogues fertiles entre une tradition éducativetricentenaire et les tendances théoriques qui imprègnent les pro-jets éducatifs actuels. Le paradigme historico-culturel, la perspec-tive cognitive, la pédagogie critique ave ses différentes tendances,les intelligences multiples, le constructivisme, entre autres, fontfréquemment partie du vocabulaire et de l’inspiration des projetséducatifs lasalliens.

Ce dialogue, aussi urgent que nécessaire, passe par une positiontoujours critique qui explore la potentialité des paradigmes dansles conditions réelles où se situent les propositions. Si ce qui nousest propre est de rendre accessible l’éducation, promouvoir lesvaleurs de solidarité, de justice et de dignité, construire les per-sonnes et former des citoyens, lutter pour l’équité et les opportu-nités pour tous, alors ces dialogues avec les pédagogies contem-poraines sont une condition sine que non pour rajeunir nos pro-positions et organiser des projets adaptés au contexte et répon-dant aux aspirations les plus profondes des étudiants, enfants, jeu-nes ou adultes, ainsi que des sociétés et groupes humains aumilieu desquels nous portons notre proposition. L’offre lasallien-ne ne doit pas être consistant seulement en théorie ni cohérenteseulement sur le plan méthodologique mais explicite en sesmoyens et en ses fins. . L’éducation intégrale que prônent telle-ment nos projets doit être transparente dans ses objectifs, clairedans ses définitions, ses fondements épistémologiques et sesméthodologies et cohérente dans ses médiations pédagogiques.

3.2. Eduquer à être profond et critique : undéfi face aux nouvelles technologies.Il est impossible de nier l’importance, les possibilités, le potentieléducatif des nouvelles technologies et l’impossibilité de vivre sanselles dans le monde actuel. Cela est tout simplement merveilleux.Grâce à elles nous pouvons avoir toute l’information à portée dela main, nous pouvons naviguer sur les océans incommensurables

41

du savoir, nous pouvons accéder à des millions de documents,savoir en temps réel ce qui se découvre, les thèmes sur lesquelstravaillent les scientifiques, l’état d’avancement de n’importequelle question qui nous vient à l’esprit ; nous pouvons être enréseau avec des gens avec qui nous pouvons discuter et échangeridées et expériences ; bref, des possibilités infinies. Bien entendutout ceci comporte aussi ses dangers. Nous savons déjà combiende problèmes a suscité la communication sans contrôle avec despersonnes qui, sous couvert de l’anonymat du réseau, espionnentet corrompent, détruisent et détournent, volent et exploitent.Nous avons sûrement travaillé ce dernier point et nous sommessur nos gardes.

S’il est bien certain que les nouvelles technologies possèdent tou-tes les potentialités pour influencer l’éducation et améliorer lesprocessus d’apprentissage, on ne sait pas encore quel impact réeltout cela a pu avoir. Plus d’information ne signifie pas une plusgrande ni une meilleure connaissance. En partie, la différenced’habileté dans son maniement entre la jeune génération et cellede leurs maîtres, ou le manque de compréhension ou de créativi-té au moment de proposer les processus d’enseignement-appren-tissage, relativisent son efficacité. Il est clair que l’éducation areçu des impacts très forts : la mémorisation de données ou larépétition de leçons ont changé profondément le rôle du profes-seur qui n’est déjà plus la source de l’information ; cependant onne voit pas non plus apparaître et s’imposer le maître capable decréer les conditions pour trouver le sens, former le jugement et, aumilieu de l’infinité des connaissances, favoriser l’appréhensiondes valeurs fondamentales qui permettent de capitaliser avec suc-cès les nouvelles technologies. Nous sommes confrontés à l’ur-gence, impossible à ajourner, de former à la contemplation et à laprofondeur : ces deux valeurs sont indispensables pour franchir lepas des données à l’information et de l’information à la connais-sance, c’est-à-dire du grand savoir à la sagesse. En peu de mots,former le discernement, la capacité d’analyse, la possibilité d’unepensée critique, du doute méthodique, de prendre le temps pouringérer l’information, la digérer dans la contemplation et laréflexion, s’en servir pour comprendre le monde et ses relations,et pouvoir communiquer avec les autres au moyen d’une penséeautonome, tranquille et argumentée. Éduquer à la patience, édu-quer à la rumination, éduquer lentement, cuire à feu doux ;

42

comme y invite Joan Domenech Francesch (2009) dans son« Éloge de l’éducation lente ».14

Adolfo Nicolàs, Supérieur général de la Compagnie de Jésus, enprésentant les défis de l’éducation supérieure jésuite, parlait de la« globalisation de la superficialité » et disait :

Nous avons besoin de comprendre avec plus de profon-deur et d’intelligence ce nouveau monde intérieur com-plexe créé par la globalisation pour pouvoir répondred’une manière adéquate et décisive comme éducateursafin de contrecarrer les effets nocifs de cette superficialité.Un monde de superficialité globalisée de la pensée signifiele règne sans opposition du fondamentalisme, du fanatismede l’idéologie et de toutes ces fuites de la pensée qui cau-sent souffrance à tant de gens… les gens perdent la capa-cité de fréquenter la réalité ; autrement dit c’est un proces-sus de déshumanisation qui peut être graduel et silencieux,mais très réel. Les gens perdent leur foyer mental, leur cul-ture, leurs points de référence.15

Nos propositions éducatives doivent favoriser la lecture quidonne naissance à la discussion, qui augmente les arguments etgénère des positions personnelles avec des opinions informées etune conceptualisation claire et précise. Devant la fragmentationimpressionnante qu’implique la lecture sur le Web où les hyper-liens — outil puissant qui permet d’illustrer les points importantsd’un texte — suggèrent de sauter de concept en concept, d’idée enidée, d’auteur en auteur jusqu’à inonder d’information un proces-sus de lecture mais sans parvenir à la possibilité de se faire uneidée complète et distincte d’un sujet. La lecture de livres com-plets, l’analyse correspondante, la discussion en groupes sont desmoyens qui contribuent à la profondeur, à la méta-analyse, audialogue avec l’auteur, toutes conditions nécessaires à la profon-deur de la pensée et au dépassement de la superficialité imposéepar la fragmentation. Il est urgent de mettre en œuvre danschaque institution éducative, et de façon particulière à l’universi-té, un plan lecteur qui permette le contact avec l’humanisme,

43

14 Francesch, JD. Elogio de la ecucacion lenta. Grao, Barcelona, 2009.15 Nicolas, Adolfo. « Depth, Universality, and learned ministry. Challenges to

Jesuit higher education today”. Allocution aux Présidents des universités confiéesà la Compagnie de Jésus, Mexico, 23 avril 2010.

avec les œuvres maîtresses de la littérature, avec l’histoire, la for-mation de la pensée et un ensemble abondant de thèmes spéci-fiques à chaque discipline, tout cela associé à la pédagogie parti-culière permettant de faire de la lecture critique un fondementessentiel du processus éducatif. Ce sont des processus qui deman-dent du temps, qui sont lents, jugés difficiles dans un monde oùla frénésie est quotidienne ; cependant ce sont des processusnécessaires pour aider à la concentration, à l’analyse critique, à laprofondeur de la pensée, à la corrélation des idées, à l’élaborationd’un argument rationnel, au respect des autres façons de penseret positions. Cela ne suffira pas à contrecarrer la superficialitémais contribuera à gagner de la profondeur dans la pensée et àformer le jugement pour naviguer sur la mer de l’information.16

3.3 Réponses éducatives à des problèmes poli-tiquesÀ travers l’histoire, l’éducation a toujours joué un rôle politique.Ce n’est pas en vain qu’elle a été en grande partie responsable dela formation du citoyen. L’école, une intermédiaire qui est appa-rue avec le temps et qui était considérée au Bas Moyen Âgecomme l’espace éducatif par excellence, a reçu des États moder-nes délégation pour socialiser les enfants et les jeunes ainsi que laresponsabilité de transmettre les traditions et de préluder à la nou-velle société que l’on prétend construire. Tout cela lui donne unprofond impact politique que nous ne devons pas dédaigner et aucontraire, nous devons tirer au clair les intentions, les points devue et les insistances. Aujourd’hui comme jamais, il est essentield’être clairvoyant sur la société que nous voulons aider à cons-truire. « Le savoir est pouvoir » enseignait Francis Bacon, mais dela même manière, le processus éducatif tout entier a une dimen-sion politique impressionnante. C’est pourquoi il doit toujoursêtre organisé comme une réponse à des problèmes politiques nésdes demandes sociales et des aspirations des peuples sans que,bien entendu, le politique épuise l’éducatif qui atteint les autresdimensions humaines qui doivent, elles aussi, être forgées et enri-

44

16 Nombreux sont les auteurs qui expriment leur préoccupation au sujet del’impact de l’Internet sur la formation de la pensée et sur les habitudes d’appren-tissage. Voir sur ce sujet, par exemple : Carr, Nicolas. The Shallows : what theinternet is doing to our brains. W. W. Norton & Company, 2010

chies par l’éducation. Ainsi il y a des thèmes d’une profondesignification politique que l’éducation lasallienne doit aborderdans l’actualité, par exemple la compréhension du processus édu-catif dans la société de la connaissance, la formation à la scienceet le renforcement de la démocratie.

3.3.1. Éduquer dans la société de la connaissance

Au 20e siècle déjà on entrevoyait ce qui allait devenir une réalitéà l’aube du 21e. Les avances vertigineuses de la science ont faitchanger non seulement les structures de pouvoir mais fondamen-talement les moyens de production et même les relations person-nelles, familiales et de travail. La Troisième Vague dont parlaitToffler il y a quelques décennies était précisément l’irruption d’unchangement profond. Si l’agriculture a représenté la PremièreVague et l’industrie la Seconde Vague, la société actuelle a pourfondement la connaissance. Dès la fin des années 60, ce conceptavait été forgé par Drucker et d’autres théoriciens, mais avec l’ir-ruption et la massification des technologies de l’information et l’é-norme production de connaissance, le monde d’aujourd’hui estfondé sur le pouvoir de la connaissance. Les peuples latinoaméri-cains ont lutté dans le passé pour la possession de la terre — unproblème pas encore résolu — et pour l’obtention urgente de capi-taux pour l’industrialisation de nos pays ; problèmes qui, loin d’ê-tre résolus, se posent à partir de points de vue très différents quisont en relation avec ce qu’on appelle la société de la connais-sance du fait que l’incorporation de la science et de la technolo-gie à tous les processus est ce qui finalement déterminera la pro-ductivité, la création de richesse et la possibilité de justice oud’injustice dans les sociétés.

La société de l’information et le concept même de société de laconnaissance et d’économies basées sur la connaissance ont étécontroversés à partir d’optiques idéologiques ou théoriques dis-tinctes. On les a identifiés avec le modèle de développement néo-libéral et on a réellement mis en doute sa profondeur concep-tuelle. Néanmoins, bien au-delà du thème idéologique — impor-tant, du reste — il faut garder à l’esprit que, de même qu’il estimpossible d’ignorer la réalité de la globalisation, il n’est pas nonplus possible d’ignorer que la capacité de produire de la connais-sance et de l’incorporer aux activités quotidiennes est une réalitédu monde présent qui conditionne toute activité humaine, spé-

45

cialement d’ordre économique et politique. Le problème est sisérieux que le débat ne fait que commencer de pouvoir com-prendre le rôle de l’État et de la politique dans les sociétés de laconnaissance qui impliquent un autre type d’organisation sociale,qui génèrent d’autres types de pauvreté et qui remettent en causedes concepts reçus comme inamovibles par les époques de l’État-nation, comme ceux de souveraineté, de démocratie, de partispolitiques, de parlements, de représentation et de participation.Cela vaudrait la peine de se demander ici : Que signifie éduquerdans une société de la connaissance ? Quelle formation faut-ilpour la société de la connaissance ? Comment reconsidérer la for-mation aux valeurs dans ce nouveau contexte ?

Juan Carlos Tedesco signalait à ce sujet : « Les formes émergentesd’organisation sociale s’appuient sur l’usage intensif de laconnaissance et des variables culturelles, tant dans les activitésproductives que dans la participation sociale. Dans ce contexte,les instances au travers desquelles sont produites et distribuées lesconnaissances et les valeurs culturelles — les institutions éducati-ves, les éducateurs, les intellectuels en général — occuperont uneplace centrale dans les conflits et les stratégies d’interventionsociale et politique »17. C’est pourquoi ce thème est en train deconditionner la viabilité même de l’école comme telle, et parconséquent de tous ses processus d’organisation et de program-mes, les interactions éducatives, la formation permanente desprofesseurs, l’évaluation et l’axiologie qui l’inspire ; en un mot, lesprojets éducatifs réels et explicites, non pas les idéologies aussibelles qu’inaccessibles qui n’indiquent aucun horizon pertinent.

3.3.2. Humanisme et science en éducation

Une caractéristique du développement du projet éducatif lasal-lien en Amérique latine a été l’importance donnée aux sciencesnaturelles dans le programme. Les Frères français des originesavaient une prédilection pour l’enseignement de la biologie etpour la création de musées comme partie de la proposition. Defait, le baccalauréat français dit « moderne » était une propositionqui accentuait les mathématiques, la physique, la chimie, la géo-métrie et la biologie. Nous ne pouvons cependant pas oublier

46

17 Tedesco, Juan Carlos. Educar en la Sociedad del Conocimiento. Fondo deCultura Economica, Buenos Aires, 2000.

qu’au même moment les centres littéraires organisés par les lasal-liens se sont rendus célèbres dans les premières décennies du 20e

siècle, qu’on enseignait la langue en détail et que nombreuxfurent les auteurs de textes pour l’apprentissage approfondi de lalangue maternelle et son expression littéraire. Aujourd’hui, lecontexte étant différent, il faut revenir sur ces sujets. Nous parle-rions alors d’éducation en sciences fondamentales et en proces-sus de communication : deux domaines de compétence qu’unebonne éducation se doit de développer.

On ne peut donc pas renoncer à vouloir clairement un projet édu-catif où est favorisé le dialogue entre sa science et l’humanisme.On pourrait penser que l’université est le lieu pour un tel dialo-gue. Elle l’est sans doute parce qu’en elle il doit explicitement setenir, outre que doivent y exister les espaces de débat où la scien-ce questionne l’éthique et la dimension spirituelle des personnesen même temps que celles-ci questionnent et posent des problè-mes à la connaissance scientifique. Cela n’empêche pas qu’ondonne toujours dans l’éducation de base et secondaire les articu-lations et les approches holistiques qui favorisent tant l’évaluationdes connaissances humanistes et le type de connaissances qui lessoutiennent, telles que la beauté, la logique et la méthode quicaractérisent la science. Comme le dit magnifiquement BertrandRussell : « Il n’y a qu’un chemin vers le progrès, en éducationcomme en d’autres questions humaines, et c’est celui-ci : la scien-ce exercée par amour. Sans la science, l’amour est impuissant ;sans l’amour, la science est destructrice »18.

L’éducation intégrale que prônent tant nos projets éducatifs nepeut négliger les valeurs propres et nécessaires au développementdes aptitudes scientifiques : l’observation, l’analyse, la méthode,la force argumentaire ; le tout conjugué aux valeurs qui soutien-nent l’humanisme : le respect, la contemplation, la beauté, lavaleur de la vie, la différence, la transcendance. S’il est certainque ce ne sont pas tous les étudiants, même pas ceux de l’ensei-gnement supérieur, qui se tourneront vers la recherche, il estessentiel que la majorité puissent comprendre de façon critique etéclairée les processus scientifiques avec une bonne dose d’huma-nisme qui articule et intègre la connaissance.

47

18 Russell, Bertrand. « Sur l’Education ».

3.3.3. Le pari pour la démocratie et le rapport aux institutions.Éduquer à la citoyenneté et à la vie politique

On a souvent mentionné la dimension politique de l’éducation.Dans les années 60 et 70, si agitées mais enrichissantes, on aavancé bien des propositions diverses sur ce sujet. L’école et plusencore l’université ont été considérées comme fondamentalesdans la construction de la nouvelle société du fait de leur aptitu-de à former le citoyen, mais il y a eu aussi des conceptions qui lesont profondément remises en cause ou qui en ont fait les tran-chées de la révolution. L’éducation et l’école ne sont pas les seu-les responsables de la transformation de systèmes sociaux ou del’affermissement des modèles politiques, bien que cette illusionne manque pas d’adeptes ; mais l’éducation n’est pas non plus unsimple produit du système social n’ayant qu’une fonction conser-vatrice. L’éducation est facteur de changement et de progrès,moteur de transformations et soutien du processus de développe-ment intégral ; et c’est pourquoi l’école est un espace privilégiépour former aux valeurs, pour renforcer le vécu de l’éthique quiest au fondement de l’action sociale et de la praxis politique etpour reproduire à petite échelle le projet de société obtenu dansle dialogue pluraliste des groupes, des partis et des institutions.

La confessionnalité de l’école ne peut être jugée embarrassantepour le pluralisme, elle doit au contraire le renforcer. Être loyaleà l’identité dont elle porte le nom lui permet d’assumer uneoptique critique pour juger la réalité, présenter sa propositionéthique et la mettre en œuvre avec le concours de tous, restanttoujours consciente que la diversité des personnes doit se tradui-re dans le déroulement quotidien du processus éducatif. De fait,notre école ne peut se présenter comme « neutre », parce quedans les domaines social et politique, la neutralité est tout sim-plement impossible. Plus encore, la confessionnalité s’enracinedans la liberté religieuse, un sujet qu’on ne peut pas occulteraujourd’hui, alors que l’humanité a dû passer par des luttes san-glantes d’intolérances religieuses qui ont produit, au rebours del’essence même des religions, des conflits, des guerres, des crimeset toutes sortes de violations de la dignité humaine.

Une des grandes conquêtes de l’humanité est précisément le sys-tème démocratique. De nombreux siècles d’essais allant dessociétés tribales et esclavagistes, en passant par les absolutismes

48

impériaux et monarchiques, les dictatures de toutes nuances, jus-qu’aux régimes de parti unique, nous permettent de penser que lemodèle politique le plus civilisé est la démocratie. Imparfait etperfectible, avec des carences et des mises en question, il est sansdoute la meilleure manière qu’ait trouvé l’humanité pour préser-ver la liberté, rechercher la justice et administrer la vie sociale.Peut-être, comme disait Churchill, « la démocratie est la forme laplus mauvaise de gouvernement, à l’exception de toutes les aut-res formes qu’on a essayées de temps en temps ».19

S’il est bien certain que l’avènement de la démocratie dans notreALC, après les néfastes régimes militaires du siècle dernier, n’apas représenté le développement souhaité ni l’égalité immédiate-ment nécessaire, cela ne doit pas nous faire nier le potentiel de ladémocratie mais nous engager pour son renforcement. Nousavons appris des leçons douloureuses en ce domaine et cela aussipose sérieusement question à nos processus éducatifs. La partici-pation à la vie politique et son contrôle — qui sont dans la naturemême de la démocratie — ont trouvé place à contre-cœur dansnotre formation et notre action, nous nous contentons de voteraux élections mais nous nous désintéressons du suivi et descomptes à exiger de nos élus. La fragilité des organisations socia-les et la formation déficiente de citoyens conscients de leursresponsabilités politiques ont contribué à la croissance d’une cor-ruption qui paraît incontrôlable, à l’existence de citoyens indiffé-rents aux problèmes politiques, à l’apparition de « messies » dic-tatoriaux et au retour vers le caudillisme fatidique d’un passé pastrès éloigné, toutes problématiques qui contiennent en germe ladestruction des institutions et l’étiolement de la démocratie. Lescaudillos prolifèrent à nouveau dans certains de nos pays demême que l’avènement de ce que S. Fabrinni (2009) a appelé « lamontée du principe démocratique ».20

3.4. Le continuum éducatif lasallien.Un défi important qui se présente aux Lasalliens d’ALC est l’arti-culation entre les différents niveaux éducatifs de nos œuvres.

49

19 Churchill, Winston. Discours à la Chambre des Communes en 1947.20 Fabrinni, S. El ascenso del Principe democratico. Fondo de cultura econo-

mica, Buenos Aires, 2009.

L’augmentation du nombre d’universités ne s’est pas faite en lienavec la perspective de penser un « continuum éducatif » qui nousconduirait à voir une autre dimension de l’intégralité de l’éduca-tion. De ce point de vue, nous ne sommes pas loin de ce qui seproduit dans plusieurs de nos systèmes éducatifs nationaux : ilsconsidèrent habituellement leurs niveaux éducatifs comme descompartiments étanches, sans comprendre qu’aujourd’hui l’édu-cation est un processus qui va du berceau à la tombe, bien qu’ily ait des étapes en chemin. Sans doute il y a des spécificités mani-festes, des différences entre l’enseignement supérieur et le pré-scolaire, ou entre l’éducation continue et le secondaire, ce quiimplique des approches didactiques et des plans d’étude diffé-rents, mais cela ne doit pas faire obstacle à l’articulation.

Les discussions à l’intérieur même de l’Institut, heureusementdépassées maintenant, sur les niveaux éducatifs et le type d’œu -vres sur lesquelles les lasalliens devraient concentrer leurs effortsnous sont utiles pour trouver des pistes concernant les difficultésde l’articulation. Nous savons aujourd’hui que les processus édu-catifs resteraient incomplets s’ils n’embrassaient pas l’éducationde la personne entière, en tous les moments de sa vie.L’articulation nécessaire ne nous dispense pas de la réflexionurgente et nécessaire sur les sens, les méthodologies et les objec-tifs de chacune des étapes, ce qui nous évitera par la suite detransposer des modèles, sans critique, à des niveaux différents.Cela s’est souvent produit dans l’enseignement supérieur lasalliendans lequel nous avons facilement transféré les schémas qui nousont bien réussi dans l’éducation de base ou moyenne, transfor-mant l’université en un grand collège ou le système universitaireen une structure de collège, oubliant que, dans l’enseignementsupérieur, les disciplines, la liberté de chaire, l’autonomie et laproduction de connaissances sont des éléments constitutifs.

L’articulation va bien au-delà de penser ou de rêver que les élè-ves lasallien de l’éducation de base ou moyenne poursuivent leurformation supérieure dans des universités lasalliennes. Je croisque cela est penser ce que l’on souhaite, et d’une manière géné-rale le pourcentage de ceux qui le réalisent est, pour le moins,assez maigre. L’articulation consiste essentiellement en la possi-bilité de penser la praxis éducative lasallienne avec des référentsclairs, des méthodologies d’analyse qui nous permettraient d’éva-luer les propositions, des processus consistants permettant une

50

conceptualisation et des offres plus intentionnées. D’autre part,apparaît la tâche nécessaire et impossible à remettre de former lesprofesseurs au moyen de projets solides, progressifs, métho-diques, engageants et permettant la formation d’une pensée auto-nome dans un dialogue continu et critique avec les nouvellespédagogies. En d’autres termes, nous disposons aujourd’hui d’unemachine institutionnelle qui devrait refaire de nous une organisa-tion qui pense, réfléchit, propose et crée des modèles éducatifsconséquents avec la réalité et ses défis.

Dans la revue The Economist de la seconde quinzaine de sep-tembre (2010) un article décrit l’ALC d’aujourd’hui d’un titre trèssuggestif « Nobody’s backyard » : l’arrière-cour de personne.

51

53

4. Des temps d’espérance etde créativité

La Règle des Frères dit, dans le chapitre qui lui sert d’épilogue :« Depuis saint Jean-Baptiste de La Salle, cet Institut est d’une trèsgrande nécessité ». Les jeunes, les pauvres, le monde et l’Égliseont besoin du ministère des Frères. Malgré les difficultés qu’ilsrencontrent, les Frères savent, dans la foi, que Dieu n’abandonnepas « son œuvre », mais « se plaît à la faire fructifier de jour enjour ».21 Je ne voudrais pas passer pour un iconoclaste en contre-disant cet article, mais je pense qu’il est nécessaire de le nuancer.Dans le monde d’aujourd’hui nous devons partir d’un principe deréalité qui est aussi un appel à l’humilité : nous ne sommes pasnécessaires. Je ne crois pas que La Salle aurait exprimé le problè-me en employant le mot « indispensables », mais beaucoup d’en-tre nous ont tendance à croire qu’il l’aurait fait. Cela pourraitexpliquer assez souvent certains symptômes de positions de pré-pondérance, un mauvais emploi du pouvoir, la résurgence d’uncléricalisme voilé mais latent, un intérêt porté au retour au passéet l’incapacité de comprendre que l’Institut d’aujourd’hui est plusle mouvement des Lasalliens et le vécu d’une spiritualité que laprééminence des Frères.22

Néanmoins, dire qu’on n’est pas nécessaire ne signifie pas direqu’on n’est pas important. Bien sûr que si, mais à certaines condi-tions : que nous soyons capables de regarder avec espérance leshorizons qui se présentent à nous, que nous nous efforcions decomprendre les dynamiques du monde global et divers d’aujour-d’hui, de pouvoir aider à construire du sens, de redevenir deshommes et des femmes profonds et solides pour pouvoir orienter,prendre le risque de créer et créer de fait au risque de nous trom-per, refouler la tendance à maintenir et régresser, être fidèles àl’esprit de la fondation et non aux structures centenaires que nousavons bâties pour d’autres époques, accepter avec simplicité nos

21 FSC. Règle des Frères des Ecoles chrétiennes, art. 141.22 Sur ce sujet, voir la récente Circulaire N° 461 « Associés pour la Mission

Lasallienne… un acte d’espérance » FSC, septembre 2010.

limites, nous sentir membres d’une Eglise qui a cessé d’être mono-polistique pour n’être que peuple de Dieu cheminant entre lumiè-res et ombres, avec le péché et la grâce, et nous reconnaîtrecomme « une » proposition au milieu de la diversité.

Mais peut-être qu’au-delà d’être nécessaires ou importants, ce quiimporte, c’est d’être significatifs pour l’éducation pensée commeun secteur qui mobilise la société et aide à la transformer et pourles pauvres, eux pour qui nous sommes nés et à cause de qui nousdevons jouer notre va-tout et brûler nos vaisseaux. C’est là que jetrouve notre avenir dans notre Amérique Latine et Caraïbes etl’occasion pour nous d’être ferment évangélisateur en ce moment.

4.1. Éducation et mobilité sociale : Démocratieet responsabilité sociale.L’éducation de qualité reste le principal moteur de la démocrati-sation d’une société. C’est elle qui rend possible l’accès à d’au tresniveaux d’éducation, elle facilite l’insertion dans le monde du tra-vail dans de meilleures conditions, elle donne naissance à desopportunités que n’accordent pas souvent la naissance ou la for-tune, elle fournit des outils et développe des savoir-faire néces-saires pour vivre dans la société de la connaissance, elle est fac-teur d’inclusion dans la société et elle fournit les conditions pourle renforcement de la démocratie à partir de l’idée qu’une socié-té est plus démocratique dans la mesure où ses citoyens ont lacapacité de participer et d’exercer le contrôle politique. Tout celamène à des sociétés plus respectueuses de la dignité des person-nes. Les sociétés à économie basée sur la connaissance exigentdes citoyens informés et ayant les compétences nécessaires pourles dynamiques et les relations qui naissent autour de la techno-logie et de la science. Comme il a été dit précédemment, lessociétés actuelles se basent sur la connaissance qui est un donnéintangible à la différence de la terre et des entreprises.

Le grand défi que rencontrent les lasalliens pour être fidèles àl’esprit de fondation consiste à être significatifs pour les popula-tions vulnérables issues des nouvelles marginalisations. Noussommes nés pour « l’éducation des enfants des artisans et despauvres » qui, au 21e siècle, sont les enfants de l’exclusion et dumanque d’opportunités. C’est ici que se joue notre engagement et

54

notre apport à l’histoire : rendre les pauvres de l’ALC participantsdes dynamiques historiques actuelles dans des conditions dedignité et de participation ; exercer notre imagination pour créerles nouvelles propositions éducatives qui rendent cela possible.Nous faisons face à des problèmes très complexes comme ceuxdu maintien durable de processus éducatifs pour les pauvres.Nous devons faire appel aux thèmes de la responsabilité socialedes chefs d’entreprises et des diplômés pour offrir des proposi-tions novatrices permettant l’inclusion et la mobilité sociale. C’estaussi dans ces contextes que nous pourrons évaluer l’effectivité deceux de nos projets éducatifs qui orienteront leurs efforts sur l’é-ducation des dirigeants politiques et des groupes humains les plusfortunés : Est-ce qu’ils sont devenus aujourd’hui des personnessocialement responsables et solidaires des pauvres ? Est-ce quenous pourrons compter sur eux pour financer des projets qui ren-dent la société plus démocratique et qui y introduisent les pau vresde ce monde ?

4.2. Vers un agenda communJe crois qu’il est nécessaire de planifier, pour l’action éducative enALC, un agenda commun de façon à promouvoir des lignes et pro-jets partagés, des réseaux vigoureux de réflexion, des programmesconjoints, des accords sur les programmes, etc., cela fait partied’une invitation, mais aussi d’une stratégie, pour avoir un systèmefort d’éducation qui puisse avoir un impact dans le Continent.

Nous ne pouvons plus vivre de gloires passées. Je pense que l’a-venir de la mission lasallienne en Amérique Latine sera assuré parla capacité que nous aurons d’alimenter les pratiques éducativesavec un savoir nouveau et de proposer des projets nouveaux pourdévelopper la Région. Aujourd’hui la recherche lasallienne doitse tourner vers le présent et l’avenir plus que vers le passé, nousavons besoin de plus de gens capables de comprendre les dyna-miques historiques actuelles parce que notre mission de « donnerune éducation chrétienne aux enfants et aux jeunes » d’aujour -d’hui passe aussi par la capacité de générer des projets productifspour que les gens aient de meilleures possibilités de vie, où l’é-ducation rende possible l’inclusion et la participation à la sociétéde la connaissance à des groupes vulnérables et laissés en margede ces nouvelles dynamiques et où l’action de nos institutions et

55

de nos diplômés soit socialement responsable parce qu’ils aurontété éduqués dans des institutions qui affichaient clairement leursintentions et leurs propositions et, dans leur offre, ont tout faitpour être politiquement et socialement responsables.

En ce qui concerne l’enseignement supérieur lasallien, on ne peutpas remettre à plus tard une décision sur cette affaire. Je ne doutepas que chaque œuvre lasallienne ait beaucoup à apporter à sonenvironnement local ; mais l’université lasallienne, insérée dansun monde qui a des problèmes communs, ne peut agir avec lamesquinerie de se juger unique et autosuffisante : ce serait uncomportement autiste. Il faut une articulation avec les politiquesnationales, avec l’entreprise et l’État, avec les autres institutionsuniversitaires et avec le continuum éducatif lasallien. Nous neserons significatifs qu’en partageant les possibilités et les opportu-nités et en cherchant à réaliser des projets communs qui nous per-mettent de mieux influencer nos peuples. Un agenda commun derecherche ne peut être différé ; il doit inclure des thèmes qui s’oc-cupent moins de l’archéologie lasallienne et davantage de la pro-activité, qui soient plus politico-prospectifs que historico-descrip-tifs, avec l’objectif d’apporter des réponses au défi des besoins lesplus urgents. Le moment est venu de penser globalement des thè-mes tels que : la sécurité alimentaire, la souveraineté énergétique,la protection durable de l’environnement, l’éducation rurale, laformation à la démocratie et à la citoyenneté, les pédagogies etdidactiques dans la société de la connaissance et, bien sûr, l’hu-manisme chrétien et la catéchèse dans un monde qui a assignéune place nouvelle à la religion et au fait religieux. Quels défis !Mais qu’il est passionnant d’être envoyé en mission dans unmonde qui demande, qui exige et qui défie.

Vers quelles marginalités actuelles pourrions-nous concentrer nosefforts pour être fidèles à l’esprit fondateur d’engagement avec lespauvres ? Comment rendre notre présence éducative significativeau milieu des enfants et des jeunes chercheurs de sens et avidesde signes ? Comment participer aux dynamiques de l’histoire etoccuper une place éducative dans la société de la connaissance ?Le Présent Congrès nous permettra d’envisager quelques conclu-sions et de prendre sans tarder quelques engagements. Est-ce qu’àla fin nous pourrons dire deux ou trois choses, énoncer des pro-jets viables assortis d’objectifs et d’indicateurs permettant d’enassurer le suivi et l’évaluation ? Est-ce que nous serons capables

56

d’éviter les langages politiquement corrects et les considérationséthérées pour nous concevoir en position significative dans lecontexte éducatif actuel de l’ALC qui se débat entre le décollageet l’injustice ?

4.3 Jouer notre va-tout : un appel à l’espérance.L’espérance est toujours au fondement de l’acceptation de laréalité et de la recherche d’une attitude proactive permettant de labouleverser. Rien n’est plus révélateur de la mort de l’espéranceque le fatalisme qui conduit à l’immobilisme, à se retrancher dansdes langages et des symboles religieux déconnectés des dyna-miques actuelles mais liés à une religion sans conscience, unereligion de la nostalgie et du regret des époques révolues tournéesvers le passé. C’est maintenant qu’il faut jouer notre va-tout ou, sil’on veut, de « brûler nos vaisseaux » : il n’y a pas de retour enarrière. Nous vivons dans une réalité marquée par la crédibilitéminée et exténuée dans l’Église-institution, par des forces tirantvigoureusement en direction du passé, par un Institut — je penseaux FSC — en cours de vieillissement accéléré et de faible persé-vérance des jeunes, par une mission qui exige la créativité et laproposition, par des groupes de lasalliens qui nourrissent leur viedu charisme de l’éducation chrétienne des pauvres, par uneAmérique Latine et Caraïbes qui semble trouver des chemins poursurmonter beaucoup de problèmes, dans une réalité marquée enmême temps par l’inégalité et l’injustice, il nous faut donc laisserfleurir et nourrir avec ferveur l’espérance. La Salle disait déjà, ausujet de la foi : « On ne saurait croire combien une personne déta-chée est capable de faire de bien dans l’Église. La raison est, parceque dans le détachement, il y paraît beaucoup de foi, puisqu’alorson s’abandonne à la providence de Dieu, comme un homme quise mettrait en pleine mer sans voiles et sans rames »23 et, pouremprunter les mots d’un homme d’aujourd’hui, Vaclav Havel,informé comme peu le sont du combat incessant pour les rêves aumilieu de l’adversité : « L’espérance n’est pas la conviction que lasituation se terminera bien, mais la certitude qu’elle a un sens,peu importe comment elle se termine ».24

57

23 De La Salle. Méditation 134.1 (Version latinoaméricaine, Bogota, 2010).24 http://www.theosociety.org/pasadena/sunrise/41-91-2/gl-hav4.htm (Summer

Meditations)

Est-ce que nous laisserons passer cette occasion, au Brésil, deregarder vers l’avenir ? Nous écoutons des projets, des proposi-tions et des réalisations : est-ce qu’ils nous font violemment pal-piter le cœur pour engager notre vie entière dans leur réalisation ?Est-ce qu’ils suffisent à donner sens à nos vies et raison à l’espé-rance ?

Je vous invite à vous poser quelques questions au milieu de laréflexion de ces jours-ci en pensant aux horizons, en anticipantl’avenir, en étant conscients de la réalité, en reformulant les uto-pies, en rêvant avec d’autres engagés comme nous dans la mis-sion éducative :

• Quels rêves voulons-nous construire ?

• Quels horizons voulons-nous atteindre ?

• Quels chemins voulons-nous parcourir ?

• Quels risques sommes-nous prêts à prendre ?

58

Indice

Présentation

Introduction

1. Esquisse des événements du Continent1.1 Apparition de nouveaux acteurs et réaménage-

ment des institutions

1.2 Croissance économique et impact moindre descrises financières mondiales

1.3. Croissance économique sans équité

1.4. Un coup d’œil sur le secteur éducatif

2. L’œuvre et les œuvres des Lasalliens dans la Région2.1 Un coup d’œil sur nos Œuvres

2.2. En quoi consiste le caractère lasallien ?

2.3. Prolonger le passé et sacrifier la recherche deshorizons de l’avenir

2.4. Exode vers les nouvelles marginalisations

3. Indices d’une mission en cohérence avec les signesdes temps et des lieux3.1. Le dialogue avec les pédagogies contemporaines

3.2. Éduquer à être profond et critique : un défi faceaux nouvelles technologies.

3.3. Réponses éducatives à des problèmes politiques

3.4. Le continuum éducatif lasallien.

4. Des temps d’espérance et de créativité4.1. Éducation et mobilité sociale : Démocratie et

responsabilité sociale.

4.2. Vers un agenda commun

4.3 Jouer notre va-tout : un appel à l’espérance.

3

5

7

9

12

13

14

29

29

30

32

36

39

40

41

44

49

53

54

55

57

Cahiers MEL

41. Appel mondial à une nouvelle mobilisation pour l’enfance

42. Cultures et Justice : Une perspective de Mission pour la Vie Consacrée

43. Confiés à mes soins : La joie d’éclairer les esprits et de toucher les cœurs

TASSA RISCOSSA – TAXE PERÇUE ROMA – ITALIA

Supplemento al n. 4 del 2010 di Rivista lasalliana

Trimestrale di cultura e formazione pedagogica della Associazione Culturale Lasalliana

Direzione e redazione: 00165 Roma - Via Aurelia 476

http://www.lasalliana.com – E-mail: [email protected]