Carnet 4 - Avril 1931, par Carlo Suarès

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    CARNETA V R I L 1 9 3 1

    L A F I N D U

    GRAND M YTHE

    (4)

    ET TEXTES D

    KRISHNAMURT

    L A C H A U D

    S U A R E S

    et M ASSOULARD

    >

    France : le IV0 4 f rs. Carnet s Mensuels Et range r : le N 5

    A g e n t G n r a l : J o s C o r t i 6 R u e d e C l i c h y P a r i s

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    C A R N E T

    LA FIN DU GRAND MYTHE (4)

    J. KRISHNAMURTIfragment

    CHRONIQUE ET NOTES :

    La sduisante ide de slection naturelle etfeu M. Quinton, par Lachaud et Massoulard.Alber t Cohen: Solal. Mar t in-Loui s Guzman:Lombre du Caudillo, par Carlo Suars.

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    Carnets mensuels (sauf aot et septembre, soit dix numros par AGEN T GENERAL : JOSE CORTI, 6, RUE DE CLICHY, PA

    Adresser tout ce qui concerne ladministration et la rdactio

    M. Car lo Suars, 15, Avenue de la Bourdonnais. Paris V I Ie.

    Chques postaux Paris 152573.

    Abonnement pour lanne 1931 :

    France et Colonies : 25 frs. Etranger : 35 frs.

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    LA FIN DU GRAND MYTHE

    IV

    L histoire de l'inconscient

    Nous navons dcrit le Mythe Orient que dans une de ses repsentations seulement, la tradition hindoue, mais comme cellecila plus austre et la plus caractristique du Personnage mythique dune faon gnrale lAsie reprsente, nous nous en tiendr

    elle. Notre expos ne prtend pas traiter toute lHistoire de lhunit, mais voudrait donner quelques indications propres illusnotre point de vue. Ce point de vue concerne la fois lindivhumain et les hommes considrs dans leur masse. La ncessitnous sommes de ramener constamment lattention sur ces daspects nous dfend de trop insister sur lun de crainte que lonfasse un jeu intellectuel en oubliant lautre. Cette ncessit n

    oblige aussi de frquentes rptitions, car nous sommes dansposition dun marteau qui doit donner un son continu en vibrentre deux timbres.

    En nous plaant la fois dans les deux aspects historiquepsychologique du Mythe nous avons dit que de tous les vnemede lHistoire humaine le plus important est la rconciliation deux Personnages Orient et Occident, la suite dun enfantem

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    de son aspect historique et gographique que pour lillustrer, carvritable Histoire du Grand Mythe est celle de linconscient. N

    rptons que chaque individu porte en son inconscient le thme nrsolu du Mythe auquel il appartient. Les Mythes Orient et Occiddureront par consquent aussi longtemps que la puissance hyptique de linconscient non rsolu sera plus grande que la forcela Vr it, et cela par dfinition puisque, ainsi que no vis lavons dexpliqu, linconscient cest le temps.

    Il est vident que le passage de linconscient au conscient une affaire purement individuelle, et que de ce point de vue lne saurait considrer la collectivit que comme une runion dentindividuelles. En effet, les individus nappartiennent une encollective que dans la mesure o ils participent linconscient coltif. Ds quun individu est en quelque mesure conscient, il saffrandu groupe dans la mesure o il est devenu conscient. Ce nest lorsquil parviendra la conscience suprme quil sera prt recnatre luniversel. A ce moment l sa ralisation sera de naturpouvoir amener un dclenchement et une transformation dans lconscient collectif. Mais cette transformation sera trs lente, nonpar la faute de celui qui sest ralis, et qui, lui, sest plac en dehdu temps, mais cause de la nature de linconscient des autres,est essentiellement de fabriquer un temps collectif. Par consqula transformation napparatra sur la scne du monde quavec becoup de retard, ce qui ne veut pas dire quelle nait pas vritablemeu lieu avant de devenir historique.

    Les passages successifs de linconscient au conscient se font une forme symbolique et dramatique, et, travers les ges, individus qui ont t les porteurs des symboles nouveaux les

    jous, r epr sents, par fois mm e dune faon for t dramatique. ces individus aient t lgendaires ou quils aient exist en chai

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    obscurci jusqu midi. Voil un fait qui existe dans la conscie

    humaine. Que sestil vraiment pass? Des vnements mais dnature si particulire quil leur a t possible dendosser la totade la reprsentation mythique. Sil faut donc que lHistoire arrange pour les besoins du Mythe cest que lHistoire est secdaire par rapport lui : elle en est une projection, mais incomplet dforme, comme les illustrations dun livre. Nous prfrons csidrer comme des faits historiques vritables toutes les reprs

    tations qui nous sont transmises, puisquaprs tout, elles ont tout vcues. Un pome a t vcu par son auteur au mme titre tout le reste, et a mme souvent un caractre de plus grande raque des vnements dits rels, et cela non seulement pour lui, mparfois pour les autres. Si Paul a eu une hallucination sur le chemde Damas cette hallucination est venue rencontrer le Mythe dsa reprsentation, et ses consquences historiques sont indniab

    La vision de Paul est donc un fait historique dont la valeur rsentirement dans son rsultat. Ce fait ne dpend en aucune fadu problme suivant, accessoire et impossible tablir matriem en t : le Christ sestil vra im en t prsen t lui ?

    Tous ceux qui dmontrent que tel vnement dont on dit qa eu lieu na pas vraiment eu lieu, ou que tel texte sur lauthentiduquel sont bass des dogmes est en ralit apocryphe, se livren

    des travaux qui sont inutiles du point de vue de la ralit mythiqet la seule base fconde que lon puisse donner ltude de lHisthumaine est cette ralit mythique inconsciente dont les homnont t jusqu ce jour que des instruments.

    P ar contre certains faits historiques indniables peuvent semnavoir aucun rapport lun avec lautre, certaines concidences pvent avoir toute lapparence du hasard, il nen sera pas moins

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    inconscient travers environ une douzaine de sicles de foi ch

    tienne. Cette phase est ne, sest dveloppe, puis est morte suivun dveloppement biologique particulier. Au moment de sa morest arriv cette entit mythique un phnomne naturel : elle a la vision de sa naissance. Cest ainsi que St. Franois dAssisereprsent avec une exactitude unique dans lHistoire certaines crespondances avec le Christ, sur le registre foiamour. Cette mortla foi pure correspondait un droulement mythique que no

    exposerons plus loin. Mais les donnes du mythe IntellectAmonous permettent dj de comprendre que le but des deux persnages spars tait de se retrouver et de sunir. Cette nouvelle phest reprsente par St. Thomas dAquin. Or St. Thomas dAquin n lanne o est mort St. Franois dAssise. Ce nest pas un jque de le constater, mais voil un cas o lHistoire joue le Mydune faon parfaite.

    Ces correspondances sont infiniment nombreuses. Pvthagorele Bouddha ont t, un mme moment historique, un seul fermqui sest appliqu deux ples opposs, et qui de ce fait sexprim de deux faons complmentaires : lOrient mtaphysiqle Bouddha a apport plus damour et de sentiment moral, lOcdent motionnel Pythagore a apport plus dintelligence. Au momde lavnement de lre chrtienne qui dtruisit le monde antique,

    pousses formidables venues de lAsie centrale rduisirent en posire tout le monde indogrec, sans que lon puisse attribuer mme cause historique ces deux phnomnes, dont la cause myque est cependant la mme. Pour en revenir St. Thomas dAqulencyclique Aeterni Patris de Lon XIII qui dfinitivement talEglise catholique sur la foi et la raison, si elle ntait pas ve son heure dans le droulement mythique, aurait cr un schis

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    Il a fallu sept sicles pour asseoir ldifice de lEglise sur

    thomisme, mais cela na pu se faire qu un moment o cette tse trouvait dj dpasse dans la conscience mythique, de mquil avait fallu douze sicles Franois dAssise pour asseoirChristianisme sur la foi, au moment prcis o la foi mourait.

    Or en cette mme anne 1879 o Lon XIII recommandaitphilosophie thomiste, Ramakrishna aux Indes groupait autourlui les premiers disciples dun vangile damour passionn. LO

    dent essayait enfin de marquer la rconciliation du cerveau etcur , linstan t pr cis o la hautaine t r adition intellectuelle h indassistait avec Ramakrishna un essai de rconciliation du curdu cerveau (1). De part et dautre les deux traditions complmtaires staient rconcilies sans le savoir, et, la suite dun dialoinconscient, staient mises reprsenter sur la scne du mondedernier acte leur faon. Cette reprsentation a tout de suite d

    nr. Des Catholiques uniquement crbraux, pas mme mtapsiciens, lancs toute vitesse dans des raisonnement perdent le sde lhumain, cependant que dinnombrables missions Ramakrisse consacrent de bonnes uvres. Ces rapides dcompositions prvent que la vie nest plus l : le Mythe est partout comme une indation, et aucune valeur ne parvient plus le reprsenter.

    C a r a c t r e d u M y t h e Oc ci d e n t

    LOccidentEve ne sest jamais appuy comme lOrient sur tradition immuable. Sa courbe biologique a t la mme que cdes organismes de chair et dos qui se succdent par procratiLa pr ocr ation de la chair symbolise en effet laspect matr iel fmidu Mythe, et les civilisations mditer r an ennes et occiden tales, ess

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    a toujours eu en Occident prdominance dune seule civilisa

    sur les autres, ou des luttes formidables pour dominer, ou la tention de dominer alors que ctait impossible. LOccident se catrise par cette volont de domination et par limpossibilit dtaplusieurs civilisations la fois, tandis quen Orient peuvent au traire coexister plusieurs civilisations.

    LEquation du Mythe

    Nous avons tout au dbut de cet expos tabli lorigine primdiale de tous les problmes humains, la fois individuels et soci la fois physiques et mtaphysiques, sur la notion dune incomtibilit irrductible entre le je individuel et le cela, rd

    jusqu tre indcomposables, rduits jusqu leurs principes.Cette dualit, non pas entre lhomme et le monde extri

    mais entre un principe intrieur lhomme et un principe extr lui, est, lorsquelle sexprime ellemme en crant linconsci la fois lorigine des hommes et lorigine des temps, elle esthme initial du Grand Mythe que tous les hommes de tous les teont jou. Or les grands cycles que nous avons appels OrientOdent se caractrisent leur origine suivant la faon dont linccient a vcu au sein de cette quation. L quation sous la fo

    cela-je cest lOrient; lquation sous la form e je-cela cl'Occident. .

    Lordre dans lequel nous crivons les deux termes indique linconscient peut tablir et centrer sa vie sur cela plus imporque je ou sur je plus im portant que ce la . Le terme su r leil convient linconscient dappuyer, nous dirons de lui, par cmodit, quil apparat comme tant plus rel que lautre, ou, d

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    la seule ralit, puisque le je individuel est irrel. Le je

    dautre ressource que de se dtruire au bnfice de ce qui est rDans la form e jecela occiden tale au contra ire, le je individse sent rel, et quoi quil fasse refusera de se dtruire. En dauttermes, le je individuel qui dans les deux cas se sent le pfaible, se sent irrel par rapport lautre terme dans lquathindoue, donc doit se perdre en lui pour tre lui, tandis quesentant rel dans lquation occidentale, il cherche ramener lau

    terme soi pour le connatre.Dans un cas comme dans lautre, ce qui est irrel ou incoest pro jet dans ce qui est rel ou connu : dans le cas Oriele je individue l se pro jette da ns le principe rel supraindividdans le cas Occident le je individuel projette en lui lobde sa recherche, sans quoi il ny aurait pas de recherche. Nreviendrons plus loin sur le caractre masculin et fminin de

    deux mouvements. Voyons quel est le rsultat commun aux deunous observons un phnomne trs simple, dont les consquensont cependant incalculables, et que nous pouvons appeler la du renversement de ralit. Voici, en reprenant lquation, commagit la loi :

    1 des deux termes de lantinomie non rsolue jecelacelaje, celui qui est irrel se prcipite dans lautre dans les

    de rsoudre lquation. (Le terme rel ne peut le faire puisquil quil ne connat pas lautre).2 aussitt arriv lintrieur de lautre, le terme irrel c

    avoir rsolu lantinomie en ayant runi les deux termes.3 par contre llment qui se sent rel na vu arriver

    quune irralit : lantinomie nest pas rsolue, llment relmeure inchang dans son ignorance de lautre.

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    dans lautre, et de ce fait tend devenir rel parce quil croit r

    les deux termes de Vopposition.Cette comdie, cette pseudosolution, est le Mythe luimauteur, acteur et spectateur de sa propre reprsentation, et le terfuge au moyen duquel aussi, il trouvera la seule issue qui Cest le subterfuge grce auquel linconscient non rsolu calmterreur de vivre dans linconnu. En faisant semblant davoir rlquation, il tablit ensuite la manire de vivre qui sadapt

    mieux sa nature (active ou passive) tout en apaisant sa peur. Ala peur est ce qui alimente le Mythe.Or il est vident que les individus soumis lun des deux My

    ne sont pas alls jusqu mettre en prsence les deux termeslquation dans leurs principes, puisque les mettre ainsi en prsecompltement dpouills, cest rsoudre lquation et sortir Mythe. Donc puisquils n ont pas rduit je et cela

    essence ils participent en gros deux univers, lun est celuilentit qui dit je, lautre celui de cela qui est le moextrieur.

    Comment fonctionne lquation

    Dans le cas Orient le je ind ividue l qu i dsire v

    soumis dans un monde rigidement organis invente tout ce qfaut pour satisfaire son dsir, tout en se donnant lillusion de padune quation rsolue: le je irrel projet dans le prin cela est cens devenir le Soi impersonnel, seule ralit, pourle monde nest quune illusion, Maya, illusion qui doit recevoir dhaut son organisation. Le stratagme serait facilement dmontsi linconscient navait intrt senvoter de la sorte : il suff

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    application de lquation soidisant rsolue : doctrine tradi

    nelle, organisation des castes, systmes cosmologiques, ontologiqetc... ce qui donne la paix lindividu dans le monde quil arv davoir.

    Dans le cas Occident, par contre, le je individuelactif et ambitieux. Il veut la fois conqurir le monde, vivretat de guerre, et apaiser la terreur o il se trouverait sil seque lquation nest pas rsolue. Il fait donc semblant de rso

    lquation en ramenant soimme le principe cela , qui devle Dieu personnel. Aussitt, le je individuel, bien que se senseul rel, attribue la ralit aux objets afin de satisfaire son possessif et son dsir de conqute. Ce procd est identique mme sur tous les plans, depuis le plus grossier, jusquau extr mem ent subtil de la thologie, qui objectivement dltre de lobjet, et pour qui la connaissance est encore une po

    sion, mais dguise par lintelligence.Ici comme dans lautre quation, linconscient refuse de savson stratagme, malgr linsuffisance finale de sa philosophie detous les mystres dits surnaturels : il a trouv le moyen dapsa peur de linconnu en utilisant son dsir de conqute et de posion. Lartifice est trop admirable pour quil ne sy attache dfaon quil voudrait dfinitive. Nous ne reviendrons que beauc

    plus loin sur cette sublimation mythique, mais nous devionsituer par rapport lquation primitive. Celleci dans son acation la plus simple fait que les individus sont des craturde Dieu. Dieu fait semblant davoir rsolu lquation, et dfait, bien quil soit irrel, il cherche imposer sa solution qui que virtuelle. Les cratures au contraire se sentent tout relles, et cest pour cela que Dieu a terriblement besoin de

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    situation renverses, et cest en cela que rside lemprise sur

    de linconscient : les Hindous dans un cela objectivement retout puissant, dans une tradition formidable qui commande lemoindres gestes et qui est ldifice total de toute leur vie individuet sociale, affirment que cela est une illusion; tandis que JudoChrtiens dans un je subjectivement rel et tout puissdans une civilisation entire qui nest quune formidable affirmatdgotisme, affirment la ralit du monde extrieur.

    Ces deux aspects dun mme thme initial nous rvlent caractres fondamentaux du Grand Mythe dans sa double reprstation orientale et occidentale, et nous donnent la cl commune domaines social et individuel, puisque, ainsi que nous lavons plusieurs fois, chaque individu porte en son inconscient lquatnon rsolue de toute la civilisation laquelle il appartient. Tola question sociale et individuelle sera donc rsolue par celui

    saffranchira de cette quation en se plaant rsolument hors Mythe. Cest pour cela que nous identifions le problme de la rhumaine au problme individuel.

    Le fa it que lquation inconsciente n'est pas rsolue sappen termes hindous du cela-je lignorance, en termes chrtidu je-cela , le pch originel.

    Ces deux termes ignorance et pch originel sont la faon d

    le je individuel et goste est stigmatis par le cela . Le celhindou qui est rel reproche au je insuffisamment volu depas le conn atre, le cela jud ochr tien qui est irrel reproau je de lavoir oubli. De l lide de faute et de chtiment, sadapte au besoin de dramatiser, mais qui naurait que faireOrient o le je tant irrel ne saurait tre chti, dans le s

    ju dochrtien, p ar un Eternel en colre.

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    U n e h i st oir e d r a m a t i q u e

    Les civilisations qui travers les ges ont reprsent lquaten termes du je individuel ont eu tous les caractres de ce jqui est gocentrique donc essentiellement fminin. Le je inviduel est une succession dtats de conscience. A un instant dmin il ny a quun tat possible. De l limpossibilit occidendavoir plusieurs civilisations la fois. Ltat de conscience, ldme, o le je na jamais encore t, o il ne sera jamais p

    est la rsultante de tous les tats passs, la synthse de leurs msuccessives. La vrit de ce mythe passe de linconscient au cocient au moyen de rvlations, dimages, de mouvements de let ses symboles tablissent un contact psychologique motioneatre le Mythe et lindividu. La rencontre prend laspect dun drvcu, dune exprience personnelle, o le personnage central

    ltre humain. Lindividu, emport par linspiration prophtiqou identifi comme Jsus au Mythe luimme, devient lacteur depropre passion, cependant que le droulemen! historique resente lautre inconnue de lquation, le cela matriel qui enfeet trangle la ralit du je dans des automatismes qui sefforcde durer.

    Le je individuel tant par dfinition une succession d

    ne pourra sortir de cette contrainte que voudrait lui imposerdure quen la secouant de toute son nergie rvolutionnaire. forces traditionnelles ne sont plus que des forces de raction qdoit dtruire afin daccomplir sa vraie tradition, la marcheavant, la conqute, le progrs, la rvolution que comporte lquaprimordiale. Dans sa force aveugle le Destin historique se confoau Destin mythique, de sorte que chaque tape du Mythe sacc

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    toriquement que par labomination des dsolations apocalyptiqula ruine, les guerres, et lcroulement du monde.

    On voit combien lhistoire de lquat ion jecela du GrMythe a t ncessairement diffrente de lhistoire orientale celaje au cours de laquelle le je soumis, enchan, complment priv de libert, a attendu, en maintenant intact lterabsolu, que saccomplisse le drame occidental. Le drame Oritait centr sur limmuable impersonnel, le drame Occident le personnel en perptuelles mtamorphoses. Lun pendant

    millnaires na pas boug, pendant que lautre a fait toutes expriences. Mais aujourdhui le monde entier est pris dans lAcalypse de la nouvelle naissance. Le Japon occidentalis avait ppendant quelques annes tre une exception en Orient. Les Inet la Chine, lIslam et la Russie, lEurope et les Amriques, pacipent aujourdhui une seule rvolution mondiale, la fois ptique, conomique, morale, religieuse, scientifique, bref la r

    lution totale.Nous verrons plus tard quelles sont les nouvelles valeurs acalyptiques qui un jour ou lautre serviront de base la civilisatde lhurnain intgral dont nous disions que pour lui tout ce qupasse lintrieur du Grand Mythe nest pas humain mais sohumain. Mais nous navons encore pos que quelques donnes mentaires du Mythe. Nous ne tenterons en aucune faon dpuiun point de vue inpuisable, mais il est ncessaire que nous exsions quelques unes de ses possibilits, avant daller plus loin.

    O r i g i n e s h i s t o r i q u e s d e L O c c i d e n t

    Les origines du Grand Mythe se perdent par dfinition dla nuit des temps. Nous ne pourrons donc pas savoir o le Myth

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    tructible du thme initial du Mythe dont notre civilisation actuen'est que lexpression finale. Le germe de cette connaissance

    vraisemblablement dorigine atlante, ainsi que tendraient le prver diffrentes considrat ions, entr e autr es certa ines analogies ar ctecturales entre lEgypte et le Mexique. Ce fait, et le tmoignirrcusable du Sphinx confirmeraient la lgende suivant laqueles pharaons taient dorigine divine, condition naturellementdonner au mot divin son sens mythique qui est celuici : dans lcienne Egypte vivaient des personnes qui connaissaient le th

    initial du Mythe, cependant que la foule vivait ce thme inconsciement. Ces initis venus probablement de lAtlantide redonnrla vie une civilisation africaine fort importante et que lon ne fque dcouvrir aujourdhui. Cette dcouverte recule au moins dix ou douze mille ans les lgendes et les symboles primordide lOccident. Cette origine africaine de lOccident expliqueraitfait quau moment de sa mort notre civilisation subisse si viole

    ment lattrait de lArt ngre, danses, jazz, sculpture, peintuposie, etc... elle se souvient de son enfance.

    Le s i nd i v i dus e t l e M yt he

    Lorsque nous pntrons consciemment lintrieur de l'envtement du Mythe, tel Orphe qui pntre vivant dans les Enf

    nous sommes frapps de voir quel point les individus ne sont qdes ombres. Or ces ombres lintrieur de leur Mythe ne se sentpas dsespr ment malheur euses pour la r aison suivan te : leaffreuse solitude individuelle, qui est lessence mme du Mythesa molle, ne leur apparat pas trop, parce que le Mythe lhabila dguise, la transforme en une nourriture illusoire, mais assilable, (traditions, croyances, religions, philosophies, etc...). En som

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    prcisment le symbole de sa propre dchance. En tant que sybole, il est la projection du Mythe, cestdire, dune sparati

    Or l o il y a sparation, il y a recherche, et o il y a recheret dsir dunion, il y a la Vrit en puissance. Ainsi le Mythe quiune sparation et laffirmation dune dualit irrductible, na qubut : cest que cette sparation prenne fin. Et puisque la sparata commenc dans le temps, en le crant, elle doit finir danstemps, en cessant de le crer. La sparation stant produite il inluctable quun jour la rconciliation se fasse, mais cette rc

    ciliation ne peut se faire qu une heure dtermine, comme aiguilles dune montre ne peuvent marquer le mme signe qudouzime heure. La course une fois commence, ne peut plus arrte, car elle a provoqu son propre dterminisme.

    Ce dterminisme, qui lorigine, a cr une civilisation, crefur et mesure du droulement de ses phases (comme des adun drame) de nouvelles priodes de lHistoire. Lorsque le Gr

    Mythe total, le Mythe primordial parvient sa fin, le dterminihistorique cesse aussi, et lhumain libr en dehors des temdevient soudain beaucoup plus grand que ne la jamais t Die

    Phnomne admirable et unique dans lHistoire de la planpanouissement total de la Vie, lhumain qui na plus rien de cmun avec le je isol, est devenu la vie totale compltemlibre de la conscience.

    Donc lindividuombre, lintrieur du Mythe, a toujoursune pseudoentit soumise au Destin, une entit frappe ds origine dune possibilit, mais portant en soi le thme indu Mythe, qui est la sparation primordiale, la recherche absment douloureuse au sein du temps que cette sparation a ellemcr, et la russite absolument certaine, le triomphe certain, lunpromise par le temps, audel du temps.

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    reprsentant le Mythe tandis qu lexpiration du Mythe lhompeut se dlivrer en dehors du temps, de Dieu et de toutes les re

    sentations.

    Les deux ples

    Afin de ne pas donner une apparence abstraite ce qui npas abstrait nous donnerons tout de suite des exemples de la fadont le Mythe transmet ses symboles, et dont les hommes en

    les reprsentations. A la sparation, les deux lments qui devnent trangers lun lautre et dont le seul but dsormais est drejo ind re, pre nn en t des aspects et des nom s trs d iffrents sappellent Brahma et Maya, Divinit et Cration, Osiris et Esprit et Matire, Dieu et Adam, Adam et Eve, etc... Un des pest positif et mle, lautre est ngatif et femelle. Adam est crDieu, il est donc ngatif par rapport lui, mais il est positif rapport Eve qui son tour surgit de lui. Crature de Dieu, lhomse fait en quelque sorte le dmiurge de la femme. Dans leurs ports les hommes et les femmes assument ces rles de la faoplus inconsciente : depuis lancienne Egypte en passa nt p ar Hbreux et la Grce, jusqu nos jours, ces rles ont t les mmavec quelques variations. Ces variations ont toujours t dterminpar lvolution du mythe. Cestdire : lorigine, les deux pont t tout fait spars; aujourdhui ils se rejoignent. Les mles coutumes dun peuple un moment donn reprsentent la tance qui ce momentl spare les deux ples.

    Osiris et Isis taient compltement spars par un drame ductible. Osiris tait mort, et Isis en cherchait partout les morcesans parvenir les trouver tous. Isis pleurait la mort dOsiriavait institu les mystres pour le faire renatre : les homme

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    non fconde par lhomme donna naissance lhomme, et o cci aprs stre fait crucifier ressuscita.

    Ce droulement du drame fait beaucoup plus que de nousresser intellectuellement : lorsque tout dun coup nous nous chons compltement de son emprise, nous nous apercevons stupeur, avec effroi, que presque chaque geste de ceux qui entourent est command, dtermin par lui. Nous nous aperceque nous sommes pris dans une civilisation dont les fondemsont dans le Mythe, et qui nous treint : tout est mythique, jusqrles dhommes ou de femmes que nous jouons (car la Vrit, le rptons, na pas de sexe), jusqu la ncessit davoir de lapour vivre (car la Vrit na pas de possession).

    On veut bien dhabitude, tudier le Mythe comme on tudlhistoire des religions, dune faon thorique. Mais lorsquil de constater que toute pseudoexistence est mythique et que le mest la racinemme de ce que nous appelons notre tre, o* rdaller si loin dans le jeu : on ny croit plus.

    L e M yt h e t u e

    )Pour valuer la puissance homicide du Mythe il nest

    ncessaire daller chercher dans le lointain pass des exem

    dassassinats rituels. Le sacrifice des rois absolus, qui, queannes aprs leur avneknent au trne, taient massacrs rmission, lassassinat que devaient commettre certains prtrDiane pour prendre la place de ceux quils avaient assassincoutume hindoue qui nagure contraignait la veuve se faire bavec le cadavre de son mari, toutes ces reprsentations extrmeralistes du Mythe marquaient une telle puissance hypnotiqu

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    en plus normes. Lassassinat rituel a pris des proportions de plu

    en plus grandes, ct desquelles les Croisades et lInquisition'taient que des jeux denfants, et il est all jusqu faire scrouletoute la civilisation mythique dans le plus grand massacre que monde ait jamais vu. En 1914 limmonde femelle occidentale, ple service obligatoire, commena massacrer rituellement tous lmles quelle put massacrer, ce qui fit grand plaisir Dieu, ainquen tmoignent ses bndictions et ses Te Deum. Personne n

    sait pourquoi ce massacre fut ordonn, personne sauf le Mythe qest devenu lennemi irrconciliable de lhumain, qui pousse aujoudhui de nouveaux massacres, qui massacrera tout le genre hmain, qui accumulera ruines sur ruines, qui dtruira le monde, moins que l 'humain son tour ne se rveille pour tuer le MythPour le moment, r epu de sang, natil pas off ert toutes les d vtions nationales de lOccident le symbole de ce cadavre inconn

    de ce mort que personne ne connat, de ce mort qui ne sait pas pouquoi il est mort, de ce mort qui contrairement tous les Dieux sefait massacrer sans aucun espoir de rsurrection? Comme ces insetes femelles qui dvorent leurs mles, le Mythe agonisant a dvodes millions de vies humaines, pour des questions dargent, de posessions, de papiermonnaie, pour des questions de ventre.

    Peuttre, au dbut du Mythe, les hommes avaientils raiso

    de sy soumettre, mais aujourdhui lhumain se rvolte, il sent fraude. Les innombrables fleurs artificielles que des pantins ecostumes officiels dposent hypocritement sur la tombe de ce modont on sait quil ne peut plus hurler de rage, et tous les compromdiplomatiques des gosmes capitalistes et religieux ny feront rienle Mythe aujourdhui nous empche de vivre, et les foules, biequinconscientes, refuseront un jour de se faire homicides po

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    d i p e e t le Sp h in x

    Chacun de nous porte au plus profond de soi les thmes rsolus du Mythe, comme une graine porte le germe de lespSortir du Mythe cest dtruire en nousmmes, intrieurementinconscient. Nous navons pas dautre travail faire que ce trintrieur individuel.

    dipe, dont on retrace la lgende en Afrique aussi loin

    est possible de remonter dans le temps, dipe est bien ce prehomme, que nous portons en nous, devant qui la sparation onelle stait prsente pour la premire fois sous sa forme la tragique et la plus fatale.

    Il avait vritablement arrach son secret au Sphinx, un sequaujourdhui seulement nous pouvons connatre consciemmet qui jusqu nos jours, demeur dans linconscient, nous a

    verns tyraniqueinent pendant des millnaires en nous imponotre Destin. Le Sphinx est linstant o la Dualit se manifesellemme. Mais au point de dpart, dj larrive est fataleSphynx, parce quil est le commencement connat aussi la finmme que nous, parce que nous sommes la fin, nous compreaussi le commencement. Le Sphinx est donc ternel. Il est le pprcis o lhomme et la nature se sparent. Il est homme pa

    tte, par la comprhension, au moment o le je se sparlunivers. Son corps est celui du roi des animaux, du lion, il incdonc lesprit. Lesprit prisonnier dans le lion a conscience demme ; il est lhumain. Ce symbolisme se retrouve dans les poles plus recules. Une lgende africaine aussi vieille que lhumadont on ne peut pas retracer lorigine, nous parle dun roi qutransform en lion en entrant dans un lac, et que seule sa s

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    en hom me. Le com mencement des temps cest lins tan t pro la mtamorphose se fait. Le Sphinx a d attendre ainsi, patiem

    ment, jusqu la fin des temps, en gardant son secret qudiavait arrach en vain.

    Voici le secret qudipe arracha au Sphinx : Homme, lui d le Sphinx, tu es fils de la dualit surgie de moi. Tu es constit de ses deux germes irrductibles et tu portes au plus profond toi les deu x ennemis afin pourta nt de les rdu ire. Mais tu t identifi lun deux, ta Mre, aprs avoir touff l au tre, t Pre. Tu tes donc condamn indfiniment tuer dabord ton p et pouser ta mre, jusqu la fin des temps.

    Si lon se souvient que pour le Mditerranen la dualit dontest le fils est sous lquation jecela , et quil sest ds son originidentifi au je individuel, fminin, gocentrique, en tuant en lEternel masculin, on comprendra ce que le Sphinx voulait dire.

    Lindividu humain na pas de ralit propre, mais il nest qla reprsentation symbolique dun thme initial extrmement simpquil est oblig de jouer sur la scne du monde jusqu la fdu temps que le thme luimme a cr.

    Alors le personnage humain, lacteur de son propre Mythdipe est all vers son Destin. Il a vritablement tu son pre, vritablement pous sa mre, car en toute ralit, depuis lorigi

    des temps son pre joue le rle de lternel et sa mre joue le rde la matire qui procre. Depuis, chaque tre humain est un psonnage dont il joue le rle en sidentifiant lui si bien quil npas la notion de sa propre identit.

    Aucun secret n est si bien gard que lorsque nous le portonsnous dans notre inconscient : depuis des milliers dannes que hommes et les femmes jouent leurs rles mythiques il na

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    tout, la conscience totale, invisible, prsente, des gestes que lotoujours faits.

    Mais lindividu travers les ges a t pris dans le tempque crait la sparation. Il a donc t contraint de reprsenter propre drame. Cette contrainte tait le Dest in . dipe ntait libre. Nous ne comprendrions pas si bien son histoire aujourdsi la psychanalyse ne nous avait rvl que les enfants qui naisdans le Mythe portent en eux le complexe d'dipe. Ils nontt libres de choisir car ceux qui naissent dans le Mythe en poren eux le germe. Cest de ce germe inconscient que nous devaujourdhui nous librer. La psychanalyse a dcouvert la distrtion, dans la famille, des diffrents rles; mais ces rles sont mques et ont une signification par rapport lquation primorddu genre humain. Cette quation, la psychanalyse ne pouvait la dcouvrir, de sorte quelle na vu le pre, la mre, le fils, qleur qualit dacteurs dun drame mtaphysiquement inconn

    L a s ch m a d e la p i ec e O c ci d e n t

    Ce drame, dont le thme initial est extrmement simple, pquil se rduit deux lments, je et cela , a fini par extraordinairement complexe. Voici des millnaires que lqua

    marche vers sa solution. Lhistoire des hommes nest pas autre cque ce droulement. Les deux lments spars doivent se rapcher, et se rapprochent en effet. Nous les verrons plus loin sous lnoms Dieu, Adam, Eve, Can, Abel, etc... puis sous dautres nencore, et dautres, indfiniment. Nous navons choisi le symdipe que parce quil est pour ainsi dire, une seule dimence qui peut dores et dj nous donner la cl du drame occid

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    donc la fconder indfiniment, mourir indfiniment en elle, et susciter indfiniment (thme fils ou Christ). La matire fconpar lui, graduellement lui redonnera naissance jusqu tre cpltement spir itua lise , ju squ r edevenir vierge (thme mqui devient vierge pour ensuite devenir lpouse cleste apocatique). Le pre est lEternel, ternellement absent, qui ne pouse faire reprsenter que par ce fils qui la tu, lincite aller jusqubout de son aventure.

    Une.fois que la matire, fconde par lEsprit a donaissance au fils de 1 Homme (de lEter nel) elle est pu riet ds lors se prpare aux Noces Spirituelles. Le fruit de Noces est la synthse humaine dfinitive.

    Tout le drame greco-judo-chrtien est la reprsentation sbolique de cette transmutation fminine. Cette transmutaseffectue au moyen dun plan clair et rigoureux, o chaque indiv

    a son rle jouer. Chaque victoire est marque dun signe, chasigne marque une phase de la civilisation, et les rapports humentre lhomme et la femme se modifient conformment la nvelle situation o les deux personnages se trouvent lun par rap lautre. Pour neu donner quun exemple nous voyons qualenfantement spirituel de lacte chrtien la femme est purifidevient, pour la premire fois dans lHistoire, la Dam e qui inspir

    exalte toute la chevalerie. Cette reprsentation chrtienne nque le dveloppement au ralenti du thme mythique, dans le teque cre dans le rve la multiplicit des personnages.

    Mais si nous ne considrons le Mythe que sur une seule dimsion nous ne parviendrons pas en arracher toutes les racinesserait relativement facile den faire une espce de roman. Mais achacun pour une raison quelconque se mettrait hors de cause

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    quil croit tre. Nous tcherons donc de voir comment la duaprimitive se mtamorphose jusqu tre parfois mconnaissabl

    Les gestes du pass

    Ceux qui, au sein dune tradition, sont parvenus une certralisation spirituelle, sont ceux qui auront le plus de difficultroquer leur victoire mythique contre la Vrit qui en appare

    nest rien. Cest que dans leur soif de se dlivrer ils se seront dconforms des modalits appartenant au pass, sans comprenque ces modalits une poque dtermine, taient conformes situation mythique quoccupaient les personnages du Mythe momentl. Ainsi, po ur jou er la trans m utation de la fem(matire, chair, etc...) par la fcondation spirituelle (ou divine)en dautres termes, la pntration de Dieu dans la chair

    peuple lu sest fait circoncire et le Christ sest donn manCes gestes (que nous tudierons plus loin en dtail) ont correspo leur poque des phases du droulement mythique, tandis qla fin du Mythe ces gestes, circoncision ou communion, devienaussi inutiles que les Mystres dOsiris, que les sacrifices prhriques des rois absolus, ou que le geste dCEdipe de se creveryeux. Nous verrons que tous ces gestes marquent, travers l

    toire, une progression, une tape vers laccomplissement, verscne finale. Mais sils ont marqu des dlivrances vritables, iinutile, lorsquon est arriv au dernier acte de la pice, de j la grande scne du premier , et encore plus inutile quand la pest finie, de vouloir la prolonger derrire le rideau.

    Le mythe ordonne le Geste

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    il a err sur la terre en se faisant conduire par sa fille (son uv

    Ainsi se complte admirablement le symbole de sa libration.mme les rois absolus des civilisations africaines qui reprsentalEsprit et sidentifiaient au Mythe au point de se faire massacjou aient ainsi leu r dlivr ance cause de cette identificationJsus qui lui aussi sest identifi au Mythe sest fait crucifier poumme raison. Ce sont en vrit les mmes personnages mythiqqui ont successivement jou des rles diffrents dans un dr

    toujours le mme, mais qui exigeait au fur et mesure de droulement que les rles fussent transforms. La librationlindividu est le geste qui lidentifie lheure o il se trouve. dau minuit de lhumanit est aussi divin lorsquil est parricinceste, et quil saveugle, que sont divins Mose et Jsus lheures.

    La diffrence entre la connaissance totale et une connaissa

    approximative est que cellel donne le geste exacte de lhexacte, et que celleci rpte, lorsque lheure a pass, des gestespass.

    L i b r a t i o n s d a n s l e M y t h e

    Nous verrons donc travers toute lHistoire se produirephnomne qui a tout laspect dune loi : lorsqu une poque

    termine un individu sest libr, cestdire sest affranchilinconscient, la faon dont il sest libr a t la reprsentaexacte de la position o se trouvaient les personnages du Mythce momentl. Le Mythe, nous lavons dj vu, se droule dantemps, dans le temps que la sparation cre continuellement, se transmet la conscience normale au moyen de symboles. Ales diffrentes phases de la recherche sont comme une succes

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    scoule du temps et prcisment le temps que toute la foule incciente fabrique littralement du fait quelle est inconsciente. exemple lApocalypse t vue il y a deux mille ans, et nappaquaujourdhui sur la scne historique, ainsi que nous le verrplus loin. Les individus humains qui voient et expriment le nouvsymbole en sont conscients. Ce symbole est pour eux comme fentre qui dchire le voile du temps. Ces individus sont vritament des mdiateurs entre linconscient et le conscient, entretemps et lternit. A la fois humains et divins ces indivisont, dans lHistoire, ceux qui ont fond les Grands Mystres etreligions, ou plutt ceux qui malgr eux ont t le point de ddes religions et des mystres.

    De mme quune trajectoire verticale qui slance dun ten marche nest pas vraiment verticale, mais est anime maelle de la vitesse horizontale du train, les Mdiateurs surgis

    Mythe ne se sont totalement librs quen reprsentant la marcheMythe. Aprs quils ont vu et reprsent un symbole nouveau, tola vie du rve (celle des hommes et des femmes) sorganise aude cette rep rsen tation afin de digre r le symbole. Comme cellules qui vibrent sous linfluence dun courant lectrique, individus se mettent vibrer; en dautres termes ils imitent etdforment; ils se conforment cette nouvelle vie dans la mesure

    leur masse le leur permet, cestdire en lui rsistant.Une fois ce symbole compltement assimil, linconscient trmet un nouveau symbole un nouvel Initi dont cest la libratEt il fa udra encore des sicles de temps collectif pou r quesymbole soit son tour assimil, et ainsi de suite, jusqu lades temps .

    Cette fin des temps, nous le rptons, est arrive, de s

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    LE CHANT DE LA VIE

    (Fr agmen t )(1)

    Fais que ton dsir soit le dsir du monde, fais que ton amsoit son amour.

    Prends le monde dans tes penses et dans tes actes fais quemonde contemple ton ternit.

    Tu peux tirer dun puits des eaux nombreuses, mais tu

    peux teindre la soif de tes dsirs.Ton cur peut contenir la fleur de son amour, mais l

    proclie de la mort la fleur se fane.Tes penses peuvent jaillir en visant trs haut, mais langoi

    de la contradiction les retient prisonnires.

    Comme une flche lance par un bras robuste, fais que dsir frappe profondment dans lternel.Comme un ruisseau de montagne, pur et rapide, fais que

    esprit courre vers sa dlivrance.Rveille par le cur damour,ma voix est la voix de la connaissance,

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    C H R O N I Q U E

    La sduisante ide de slection naturelle et feu M. Quin

    Tout est complexe qui touche la vie. Cest l une formule modLobscurit, longtemps, donna libre champ aux sduisantes hypothses. Pon voulut simplifier; on schmatisa. Le Transformisme apparut, lumineuxdressant contre l'difice que construisait Cuvier. Cependant trop dincohretrop de bouchetrous. Le Transformisme manquait de bases solides et principe qui rendt cohrents les facteurs invoqus. Darwin crut latrouv dans la slection naturelle. Lide fit son chemin et assura le triomde la thse.

    Si aujourdhui, la notion de la slection a perdu de son importance, charme encore quelques rveurs. M. Quinton fut de leur nombre, qui cune apologie de la lutte dans ses Maximes sur la guerre . La nature creespces, elle ne cre pas les tres, lespce est la fin, ltre que le serviteucette fin. Cest le propre de lindividu de sabuser sur sa destine et de crquil est n pour soimme... Le mle qui tue sauve le monde ...

    A sa base, la thse de M. Quinton prsente une erreur : lassimilationespces aux peuples. Or lespce nest pas aussi dfinie quon le voudrait. Omurmur quelle ntait quune partie de lart. Tous les critres invo

    pour la dfinir : strilit des hybrides, possession des caractres essentmthode biomtrique ont chou. Il faut reconnatre que lespce na pafixit que lui octroyait Linn, quelle a une valeur dans le temps, mais aque la nature semble crer des individualits.

    Darw in, Lam arck, voyaient d ans les formes de la vie le rsultat dlente volution qui peu peu les a fait parvenir leur tat actuel. Donc eu des forces naturelles, les actions du milieu, suscitent des modificatcontinues, qui, la longue, sont capables dabou tir des types nouvea(M. Aron). Dans tous les cas, il sagit dune variation.

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    cellules et des organismes . Mais ltude des mutations permet de diseerlexistence de deux sries de phnomnes : dune part une volution conti

    des formes vivantes saccomplit dans le sens transformiste, de lautre individus peuvent prsenter secondairement des caractres particuliers, tant du domaine de la mutation, ne sont pas expliqus. La nature ne procque par sauts.

    Cest dans ce sens quil faut remarquer que lenfant dun hros nest ncessairement un tre dexception. Les mles les plus forts ne sont pasmeilleurs reproducteurs, la ncessit dune slection ne simpose pas.

    De plus cette toute puissance de llment sexuel implique la ralitlinscription dans le germe des caractres acquis dabord par le soma : hy

    thse rejete par les biologistes modernes.Enfin le mendelisme a permis le dveloppement de la Gntique expmentale. Jeune, tablie sur des bases solides, elle se heurte dnormes dcults dexprimentation chez lhomme. Aussi ne fautil pas attendre delle rsultats sociaux immdiats. Mais la conclusion de Guyennot simpose : consquence la plus remarquable, peuttre, des expriences de Gntiquedavoir mis en vidence ltonnante fixit de la vie . Nous sommes loin dslection naturelle et des consquences quon peut lui prter. Ce sont l jdesprit. Mais estil besoin de chemins si retors pour revenir Cuvier?

    XA *

    Nous ne pouvons dailleurs ngliger ces consquences. Sans doute eheureux que la science ellemme sape de tels difices, mais il faut sinsuviolemment contre le fait quun pareil fondement, ftil juste, ait pu fouloccasion de conclusions aussi bellicistes.

    Admettons en effet la justesse de la thorie. En rsultetil que la gusoit invitable? Evidemment non. Mais M. Quinton a mconnu tout au long

    son livre la puissance critique de lesprit. Posant en principe infaillible ququi est naturel, lintelligence doit laccepter, il a omis dinterroger cellecique lui importe, elle, que la nature ordonne la lutte, sil lui dplat de lutM. Quinton parle nature, espce? Nous lui rpondons pense, individu. Tfaire lamour, sont des instincts? Mais nous ne sentons par le premier esecond peut se satisfaire trs pacifiquement. Bien plus : Doiton accepter, mde la nature, un ordre de meurtre? Naton plus le droit de se rvolter? Eplus grande victoire, celle vraiment digne de lestime des hommes, nestpas de vaincre en soimme des instincts aussi dangereux pour lhumanit t

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    deux formules sont typiques. Nous voulons croire que M. Quinton sest mpIl a voulu glorifier le hros, et cest la guerre quil a glorifie? Sans do

    parce quil tait officier natil pas pens quil peut y avoir un hrospacifique. Science sans conscience nest que ruine de lme disait RabelDe mme lnergie. Elle perd toute sa valeur quand elle ne sattache qdtruire.

    Sans doute le livre contientil son excuse en ce quil est n de la guemais quon ne nous oppose pas deux ou trois phrases parses o lauteur semlacheter de telles thories. Dans un tel cas trois lignes ne prvalent pas concent; elles sont noyes dans le nombre qui seul donne le ton du livre. Cpourquoi nous protestons contre le chauvinisme troit, inconcevable, d

    retardataire de plusieurs sicles. La publication de cette uvre prouve qest encore des gens pour croire que le progrs cest llectricit, la machet rien de plus. Il est heureux que ce livre dcouvre un tat desprit quon painsi combattre au grand jour.

    Le progrs, cest la conscience individuelle, le pacifisme. Cest llvamorale des peuples vers une entente gnrale qui sera le meilleur terrdaction pour lintelligence absolue; cest lpanouissement de lindivdans une ambiance amie o il nexploitera personne, et ne sera pas exploQuil se soit trouv un homme pour poser en principe la ncessit de la gue

    de la haine et de lintolrance, montre quil y a beaucoup faire. Mais nrenions de toutes nos forces un aussi intolrable chauvinisme, propre seulem dmoraliser, au moment o la volont pacifique qui anime toutes les intgences tend vers une rciproque bienveillance. Si lon peut entrevoir enfin possibilit daction sans trahison des clercs, que ce soit dans le rejet total affirmations dun feu Quinton, et dans lunion internationale pour la pfuture, puisquaussi bien elle sera pour lindividu le meilleur garant delibert.

    LAOHAUD et MASSOULARD.

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    ALB ERT COHEN : Solai (n. r. f . 19 30 ).

    Un grand livre. On lui a reproch dtre excessif, ce qui est absuSolal est excessif pa r dfinition. J aime. J aime p arc e quelles sont

    belles. Jaime ce qui est trop. Jaime. Je suis amoureux de tout... Elivre Solal est comme Solal le personnage, il est trop, parce quil est comcela, parce quil aime. Cest tonnamment organique. Jai rarement contr un livre qui soit tellement comme ses hros, o lon sent tellemque lauteur est comme le livre : il joue tous ses personnages la foifinit pa r sexp rim er comme eux, en un franais ba rba re parc e quiltrop. Cest inou. Cest toute la folie dIsral, de lIsralSoleil mdranen, qui sil ntait ce peuple fou naurait pas donn un Dieu au modIsral par de son joyau humain, lternit, qui soudain surgit comme

    flamme dune norme masse grouillante, excessive, paradoxale, incomhensible, larve, rate, nevrose; lternit qui incendie un beau jour Jacob quelconque, ou ce Mose quelconque, ou ce Jsus filsJoseph. Que ne lui reprocheton ce Juifl aussi davoir t excefollement excessif, au lieu dhypocritement faire semblant de le suivre?alors que ne faiton comme lui?... Croiton que lternit ce soit quechose de moins que ce qui est excessif?

    Quelle folie! Ce qui est normal cest : la Vertu Bienpensante, et lAciation Pour le Dlassement Spiritualiste des Jeunes Domestiques, et Ai

    les Pauvres plus que soimme : on leur donne cinq cus par semaine, e Eh! par le Dieu vivant, dit Solal, puisque tu laimes plus que toimdonnelui tes bijoux, ta maison, ton cheval (mais cela cest excessif). Mademoiselle de Gantet donnait toute sa fortune, dit Jacques, quauraitfait de plus? Un pauvre, rpondit Solal. Puisquils sont si admirables,pauvres, faistoi pareille eux. Nous aspirons un idal difficile. Mil y a la ralit... Fortement pens et extrmement rassurant en ce concerne la prosprit future des banques et des casernes. Si lennvenait, demanda Aude, il faudrait ne plus se dfendre? Ce serait p

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    stupfait les gens pour qui tout est clair et trac la rgle. Frapp parhommes, condamn, trop vivant, irrmdiablement vaincu, il regarde

    meubles de ceux qui sont assis. Les gens sont srieux. Comique. Envierire. Tout est une farce. Lunivers est une farce gigantesque. Il y a troplyrisme partout pour quon puisse ne pas rire. Solal est flanqu de toussiens : presqu e tous, des pitre s lyriques et rats. Il est clown comm e cependant que les hommes, dans leurs rues alignes, vont et viennent dcube un au tre.,. Mauvais, tous mauvais. Canailles. Ils pa rlent de jusdamour, de collaboration de classe. Hypocrites! Collaboration! Le paa faim. Le riche laide : il mange pour le pauvre. Ils se partagent la besovidemment. Haha. Lun a le dsir, lautre a laccomplissement. Assez. mimportent ces singes qui se prennent au srieux sur leurs deux patteQue lui importent ces singes?... Mais il meurt damour pour eux, pour tous, pour les pires dentre eux, pour ceux qui le stigmatisent et le tuenmeurt et ressuscite sans pouvoir finir de mourir et de ressusciter, en redant le soleil face face. Et le Soleil illumine le Seigneur ensanglantsou rire rebelle qui va fou damour pour la te rre et couronn de beavers demain et sa merveilleuse dfaite...

    Un grand livre.c. S.

    WART1IV-LOUIS GUZMAN : Lombre du Gaudillo, traduit de lesgnol par Georges Pillement (n. r. f.).

    Des chefs dEtat, des ministres, des dputs, des gnraux : des enfterribles qui jouent avec des rvolvers. Quand cela leur russit ils mgrand train, gagnent beaucoup dargent, et ne sen cachent pas. Quand ne leur russit pas ils sont massacrs. Cest trs mouvant. Cest plus m

    vant que de voir des vieillards faisands autour des tables officiellesqui ne risquent rien. Quant au mot rvo lution il a beaucoup de diffrents. Il peut vouloir dire banditisme. Si on le sait franchement, outement, cela peut tre sympathique... cest au moins honnte.

    Cela se passe au Mexique, et le plus tonnant est que tout cela est authentiquement vcu.

    C. S.

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    L I B R A I R I E

    J O S CORTI6, RUE DE CLICHY - PARIS-IX

    LA REVOLUTION SURREALISTE

    LES CAHIERS DU SUD

    L E G R A N D J E U

    V A R I E T E S

    F R O N T N O R D

    P L A N S LA NOUVELLE EQUIPEC A R N E T S M E N S U E L S

    A R T E T L I TT R A TU R E D A V A N T -G A R D E

    TO U S L E S L I V R E S S UR L E C I N M A