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Cass. Crim du 4 janvier 2008 n° 08-81045 L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 juin 2008 concerne la provocation policière par la création d’un site internet. Il s’agissait pour la Cour d’un arrêt relativement important et novateur puisqu’elle se prononçait pour la 1 ère fois dans le domaine de la cybercriminalité. En effet, la Haute juridiction ne fait que confirmer la position adoptée par la Cour européenne des droits de l’homme, se fondant sur l’article préliminaire, l’article 227 du code de procédure pénale ainsi que sur l’article de la Convention européenne des droits de l’homme affirmant tout deux le principe de loyauté de la preuve résultant du droit à un procès équitable et impartial. En l’espèce, M. X avait été repéré par les autorités de police américaines en train de procéder à des importations d’images pédopornographiques sur un site crée par ces même autorités. Les autorités françaises ont été informées de ces faits et ont ouvert une enquête dans laquelle a été procédé à une perquisition au domicile de M.X qui a permis de récolter des supports informatiques contenant des images pornographiques de mineurs dont la détention était antérieure aux faits constatés par les autorités américaines. Par la suite, M.X a fait l’objet d’une mise en examen des chefs d’importation, détention et diffusion d’images pédopornographiques. L’affaire s’est poursuivie devant la Cour d’Appel qui a reconnu l’intéressé coupable de ces chefs d’accusation en constatant que les autorités américaines n’avaient pas effectué de provocation à l’infraction mais une provocation à la preuve dans la mesure où la venue du prévenu sur le site était postérieure à une détention d’images pédopornographiques de sa part et donc les moyens utilisés ne faisaient que révéler une infraction préexistante. M.X s’est alors pourvu en cassation selon le moyen que la Cour d’appel n’avait notamment pas respecté les dispositions de l’article 6 de la CEDH qui donne droit à un procès équitable, dans la mesure ou les autorités américaines avaient effectué une provocation à l’infraction alors même qu’il n’existait aucune suspicion antérieure à la constatation de l’infraction. Les juges de la haute juridiction devaient alors se demander si les autorités publiques sont en droit d’utiliser la provocation à l’infraction lorsqu’il n’y a pas d’élément antérieur qui en soupçonne l’existence, dans le but de découvrir l’existence

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Cass. Crim du 4 janvier 2008 n° 08-81045

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 juin 2008 concerne la provocation policière par la création d’un site internet. Il s’agissait pour la Cour d’un arrêt relativement important et novateur puisqu’elle se prononçait pour la 1ère fois dans le domaine de la cybercriminalité. En effet, la Haute juridiction ne fait que confirmer la position adoptée par la Cour européenne des droits de l’homme, se fondant sur l’article préliminaire, l’article 227 du code de procédure pénale ainsi que sur l’article de la Convention européenne des droits de l’homme affirmant tout deux le principe de loyauté de la preuve résultant du droit à un procès équitable et impartial.

En l’espèce, M. X avait été repéré par les autorités de police américaines en train de procéder à des importations d’images pédopornographiques sur un site crée par ces même autorités. Les autorités françaises ont été informées de ces faits et ont ouvert une enquête dans laquelle a été procédé à une perquisition au domicile de M.X qui a permis de récolter des supports informatiques contenant des images pornographiques de mineurs dont la détention était antérieure aux faits constatés par les autorités américaines. Par la suite, M.X a fait l’objet d’une mise en examen des chefs d’importation, détention et diffusion d’images pédopornographiques. L’affaire s’est poursuivie devant la Cour d’Appel qui a reconnu l’intéressé coupable de ces chefs d’accusation en constatant que les autorités américaines n’avaient pas effectué de provocation à l’infraction mais une provocation à la preuve dans la mesure où la venue du prévenu sur le site était postérieure à une détention d’images pédopornographiques de sa part et donc les moyens utilisés ne faisaient que révéler une infraction préexistante. M.X s’est alors pourvu en cassation selon le moyen que la Cour d’appel n’avait notamment pas respecté les dispositions de l’article 6 de la CEDH qui donne droit à un procès équitable, dans la mesure ou les autorités américaines avaient effectué une provocation à l’infraction alors même qu’il n’existait aucune suspicion antérieure à la constatation de l’infraction. Les juges de la haute juridiction devaient alors se demander si les autorités publiques sont en droit d’utiliser la provocation à l’infraction lorsqu’il n’y a pas d’élément antérieur qui en soupçonne l’existence, dans le but de découvrir l’existence d’infraction déjà commises ou en cour de commission ? Les juges répondent par la négative en rappelant que le principe de loyauté des preuves interdit aux autorités publiques la provocation à l’infraction sans l’existence de soupçons antérieurs et ce, même pour découvrir une infraction en cours de commission ou déjà commise. C’est sur ces motifs que la cour de cassation a rendu les preuves irrecevables et a cassé l’arrêt de la cour d’appel.

I : Une atteinte au principe de loyauté de la preuve : La provocation à la commission d’une infraction.

Afin de constater qu’il s’agit d’une atteinte au principe de loyauté de la preuve il faut expliquer en premier lieu les modalités de ce principe( A). Afin de comprendre que contrairement à la provocation à la preuve, la provocation à l’infraction n’est pas prise en considération (B)

A. Une affirmation du respecter du principe de loyauté dans la recherche de la preuve

• La cour de cassation expose le principe de loyauté des preuves comme condition de recevabilité des preuves. Il s’agit d’un principe qui permet au juge de rendre irrecevable certaines preuves obtenues par des agissements jugés déloyales car aucun texte ne récence toutes les pratiques légales d’investigation.

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• Ainsi le juge fait le choix d’ignorer dans ce cas le principe de liberté de la preuve, au profit des libertés individuelles. • Application de l’article 6 de la CEDH qui énonce le droit au procès équitable notion qui est rattachée à la notion de loyauté comme en témoigne l’arrêt « texeira de castro contr protugal » de la CEDH.

B. Le rejet de la preuve obtenue par provocation à l’infraction de nature policière

• La provocation policière consiste pour les membres de la police judiciaire dont la mission réside dans le constat des infractions, la recherche de leurs auteurs et dans le rassemblement des preuves permettant l’inculpation de ces derniers, de provoquer un délinquant à la preuve d’une infraction dans le fait intentionnel de pousser le délinquant à la réalisation d’une infraction. • On retient que la déloyauté des autorités de police américaines lorsqu’ils ont créé un faux site pédopornographique dans l’espoir de piéger les potentiels délinquants pédophile. Il en résulte de cette manœuvre une atteinte au principe de loyauté.• On note également que ce principe connait une portée internationale puisque les jges de la haute juridiction évoquent une provocation à l’infraction commise par des autorités étrangères. Il en résulte une portée supranationale, ce qui montre la détermination et la fermeté des juges à l’égard de ses atteintes. • Il est important dans cet arrêt de faire la distinction entre la provocation à la preuve et la provocation à l’infraction. En effet, dans l’attendu de principe l’arrêt rappelle « porte atteinte au principe de loyauté des preuves … la provocation à la commission d’une infraction … en l’absence d’éléments antérieur permettant d’en soupçonner l’existence ». Ainsi il existe une restriction au champ d’application du principe de loyauté car il est vrai que la provocation à la preuve est indispensable dans certaines situations telles que le proxénétisme. Mais en l’espèce les juges retiennent qu’il s’agit d’une provocation à l’infraction.• Cela signifie que les fonctionnaires de police ne sauraient procéder à des actes de provocation active qui pourraient emmener / conduire des personnes à accomplir des faits délictueux.• il s’agit d’une position déjà appliqué le 27 février 1996 par la chambre criminelle de la cour de cassation qui aura pour conséquence la nullité de la procédure qui s’ensuit. Ainsi la provocation à la commission de l’infraction est un procédé qui n’est jamais retenu en principe par la cour de cassation sauf rare exception et elle exerce un contrôle approfondi sur les qualifications retenues par les juges du fond.

II : Une solution à priori contestable

Notamment sur l’absence d’éléments antérieurs (A) qui laisse une ouverture à des questionnements (B)

A. Un raisonnement paradoxal sur l'absence d'éléments antérieurs

• En lisant la solution de la Cour de cassation, il semble que l’absence d’éléments antérieurs soit un élément important dans la détermination de la provocation à l’infraction. • Or il est avéré que le prévenu avait bien commis une infraction avant que la provocation ne soit effectuée, or les juges retiennent néanmoins la provocation à l’infraction.

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• C’est dire qu’il n’y a pas de provocation répréhensible en l’absence d’éléments antérieur et de pourtant reconnaitre une provocation à l’infraction alors qu’en l’espèce il existe bien des éléments antérieurs. • En effet ces éléments vont permettre de soupçonner l’existence même de l’infraction. Dans ce cas là, il s’agirait d’une preuve de commission, qui on le rappel est autorisé en droit pénal, et qui n’est pas contraire au principe de loyauté de la preuve.• Il en résulte une situation grave étant donné que fut sauvé par la chambre criminelle un Français qui s'était connecté à un site de pornographie infantile créé et exploité par la police de New York, laquelle avait dénoncé aux autorités françaises le comportement de ce Français, qui fut mis en examen, mais dont la poursuite fut annulée par la chambre criminelle.

B : une solution ouvrant des interrogations

• La Cour de cassation persiste pour sa part dans une appréciation rigoureuse du principe de la loyauté des preuves, qui est encore visé avec l'article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du Code de procédure pénale.• Une appréciation tellement rigoureuse qu’on laisse en liberté des pédophiles. De plus le seul fait de regarder un site à caractère pédopornographique révèle bien que le prévenu n’est pas seins d’esprit• De plus on peut facilement se demander pourquoi un site de ce genre existe si on ne peut pas l’utiliser comme preuve au final ? • Faut-il comprendre, de la précision de la Cour de cassation, que les soupçons quant à l'existence d'une infraction antérieurement à toute provocation pourraient justifier la provocation à la commission de faits recevant la même qualification ? La jurisprudence à venir nous le dira sans doute.