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UNIVERSITE EVRY-VAL-D’ESSONNE FACULTE DE DROIT COURS DE CLAIRE BRICE-DELAJOUX TD DE S. SLAMA, D. RICCARDI ET C. GONZALEZ PALACIOS LICENCE DROIT, 3 E ANNÉE, 2010-2011 (2 ÈME SEMESTRE) Fascicule 7 : Sécurité et libertés (I) : Contrôles et vérification d’identité Droit des libertés fondamentales i

Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

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UNIVERSITE EVRY-VAL-DrsquoESSONNE

FACULTE DE DROIT

COURS DE CLAIRE BRICE-DELAJOUX

TD DE S SLAMA D RICCARDI ET C GONZALEZ PALACIOS

LICENCE DROIT 3E ANNEacuteE 2010-2011 (2EgraveME SEMESTRE)

Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I) Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute

Droit des liberteacutes fondamentales

i

Les controcircles drsquoidentiteacute 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative) Chapitre III Des

controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute 78-2 et s2 Cass Crim 5 janvier 1973 FRIEDEL3 Cass Crim 4 octobre 1984 KANDE4 Cass Crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC5 Cass Crim 10 novembre 1992 BASSILIKA6 Cons constit deacutecision ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993 Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute7 Cass 2egraveme civ 14 deacutecembre 2000 DAKA8 Cass Crim 15 janvier 2003 IBRAHIMA X

v aussi sur la Fouille des veacutehicules CC 12 janvier 1977 laquo Fouille des veacutehicules raquo CC 18 janvier 1995 Loi drsquoorientation et de programmation relative agrave la seacutecuriteacute (sur lrsquoarticle 10) CC 13 mars 2003 Loi pour la seacutecuriteacute inteacuterieure

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

10 Cour de cassation chambre civile 1 23 feacutevrier 2011 XX11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo

jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 201112 Article 78-2 Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69

13 Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

14 Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo CPDH 05 novembre 2010

15 Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo CPDH 14 janvier 2010

Sur les controcircles drsquoidentiteacute

- GISTI laquo Le controcircle drsquoidentiteacute des eacutetrangers raquo Les notes pratiques 2010- M MARCUS Essai didentification du deacutebat sur les controcircles didentiteacute Revr sc crim 1985 p

153 - A MARON Controcircles et veacuterifications didentiteacute RD peacuten feacutevr 1992 - D MAYER Preacutevention et reacutepression en matiegravere de controcircle didentiteacute une distinction dangereuse

D 1993 chron p 273- J PRADEL Les recherches didentiteacute et la poursuite des flagrants deacutelits depuis la loi du 10 juin 1983

D 1984 chron p 75- D THOMAS Les controcircles didentiteacute preacuteventifs depuis les arrecircts de la chambre criminelle des 4

octobre 1984 et 25 avril 1985 la neacutecessiteacute dune nouvelle reacuteforme D 1985 chron p 181

D O C U M E N T S

J O I N T S

D O C U M E N T D rsquo O U V E R T U

R E

B I B L I O -G R A P H I E

2

Article 78-1(Loi nordm 83-466 du 10 juin 1983 art 21 Journal

Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)

(Loi nordm 86-1004 du 3 septembre 1986 art 1 Journal Officiel du 4 septembre 1986)

(Loi nordm 93-992 du 10 aoucirct 1993 art 2 Journal Officiel du 11 aoucirct 1993)

(Loi nordm 99-291 du 15 avril 1999 art 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)

Lapplication des regravegles preacutevues par le preacutesent chapitre est soumise au controcircle des autoriteacutes judiciaires mentionneacutees aux articles 12 et 13

Toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se precircter agrave un controcircle didentiteacute effectueacute dans les conditions et par les autoriteacutes de police viseacutees aux articles suivants

Article 78-2(Loi nordm 83-466 du 10 juin 1983 art 21 Journal Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)

(Loi nordm 86-1004 du 3 septembre 1986 art 2 Journal Officiel du 4 septembre 1986)(Loi nordm 93-992 du 10 aoucirct 1993 art 1 et 2 Journal Officiel du 11 aoucirct 1993)(Loi nordm 93-1027 du 24 aoucirct 1993 art 34 Journal Officiel du 29 aoucirct 1993)(Loi nordm 97-396 du 24 avril 1997 art 18 Journal Officiel du 25 avril 1997)(Loi nordm 99-291 du 15 avril 1999 art 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)

(Loi nordm 2003-239 du 18 mars 2003 art 10 Journal Officiel du 19 mars 2003)(Loi nordm 2003-239 du 18 mars 2003 art 143 Journal Officiel du 19 mars 2003)

(Loi nordm 2003-1119 du 26 novembre 2003 art 81 Journal Officiel du 27 novembre 2003)(Loi nordm 2006-64 du 23 janvier 2006 art 3 Journal Officiel du 24 janvier 2006)

(Loi nordm 2006-911 du 24 juillet 2006 art 113 I Journal Officiel du 25 juillet 2006) Les officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci les

agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21-1ordm peuvent inviter agrave justifier par tout moyen de son identiteacute toute personne agrave leacutegard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupccedilonner - quelle a commis ou tenteacute de commettre une infraction - ou quelle se preacutepare agrave commettre un crime ou un deacutelit - ou quelle est susceptible de fournir des renseignements utiles agrave lenquecircte en cas de crime ou de deacutelit - ou quelle fait lobjet de recherches ordonneacutees par une autoriteacute judiciaire Sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique aux fins de recherche et de poursuite dinfractions quil preacutecise lidentiteacute de toute personne peut ecirctre eacutegalement controcircleacutee selon les mecircmes modaliteacutes dans les lieux et pour une peacuteriode de temps deacutetermineacutes par ce magistrat Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens

1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute

3

[NB cet alineacutea 4 a eacuteteacute modifieacute par la Loppsi 2 suite agrave lrsquoaffaire Melki et Abdeli ndash v infra] Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel nordm 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel nordm 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Dans une zone comprise entre les frontiegraveres terrestres ou le littoral du deacutepartement de la Guyane et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en-deccedilagrave et sur une ligne traceacutee agrave cinq kilomegravetres de part et dautre ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire de la commune de Reacutegina lidentiteacute de toute personne peut ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi

Pendant cinq ans agrave compter de la publication de la loi nordm 2006-911 du 24 juillet 2006 relative agrave limmigration et agrave linteacutegration lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea du preacutesent article en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi

1ordm En Guadeloupe dans une zone comprise entre le littoral et une ligne traceacutee agrave un kilomegravetre en deccedilagrave ainsi que dans une zone dun kilomegravetre de part et dautre dune part de la route nationale 1 sur le territoire des communes de Basse-Terre Gourbeyre et Trois-Riviegraveres et dautre part de la route nationale 4 sur le territoire des communes du Gosier et de Sainte-Anne et Saint-Franccedilois

2ordm A Mayotte dans une zone comprise entre le littoral et une ligne traceacutee agrave un kilomegravetre en deccedilagrave

NOTA (1) Loi 2006-64 du 23 janvier 2006 art 32 Les dispositions induites par larticle 3 sont applicables jusquau 31 deacutecembre 2008

(hellip)

Article 78-3(Loi nordm 83-466 du 10 juin 1983 art 21 Journal Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)

(Loi nordm 86-1004 du 3 septembre 1986 art 3 Journal Officiel du 4 septembre 1986)

4

(Loi nordm 93-2 du 4 janvier 1993 art 162 Journal Officiel du 5 janvier 1993 en vigueur le 1er mars 1993)

(Loi nordm 93-992 du 10 aoucirct 1993 art 2 Journal Officiel du 11 aoucirct 1993)(Loi nordm 93-1013 du 24 aoucirct 1993 art 20 Journal Officiel du 25 aoucirct 1993 en vigueur le 2 septembre

1993)(Loi nordm 99-291 du 15 avril 1999 art 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)

(Loi nordm 2006-911 du 24 juillet 2006 art 114 Journal Officiel du 25 juillet 2006) Si linteacuteresseacute refuse ou se trouve dans limpossibiliteacute de justifier de son identiteacute il peut en

cas de neacutecessiteacute ecirctre retenu sur place ou dans le local de police ougrave il est conduit aux fins de veacuterification de son identiteacute Dans tous les cas il est preacutesenteacute immeacutediatement agrave un officier de police judiciaire qui le met en mesure de fournir par tout moyen les eacuteleacutements permettant deacutetablir son identiteacute et qui procegravede sil y a lieu aux opeacuterations de veacuterification neacutecessaires Il est aussitocirct informeacute par celui-ci de son droit de faire aviser le procureur de la Reacutepublique de la veacuterification dont il fait lobjet et de preacutevenir agrave tout moment sa famille ou toute personne de son choix Si des circonstances particuliegraveres lexigent lofficier de police judiciaire preacutevient lui-mecircme la famille ou la personne choisie

Lorsquil sagit dun mineur de dix-huit ans le procureur de la Reacutepublique doit ecirctre informeacute degraves le deacutebut de la reacutetention Sauf impossibiliteacute le mineur doit ecirctre assisteacute de son repreacutesentant leacutegal

La personne qui fait lobjet dune veacuterification ne peut ecirctre retenue que pendant le temps strictement exigeacute par leacutetablissement de son identiteacute La reacutetention ne peut exceacuteder quatre heures ou huit heures agrave Mayotte agrave compter du controcircle effectueacute en application de larticle 78-2 et le procureur de la Reacutepublique peut y mettre fin agrave tout moment

Si la personne interpelleacutee maintient son refus de justifier de son identiteacute ou fournit des eacuteleacutements didentiteacute manifestement inexacts les opeacuterations de veacuterification peuvent donner lieu apregraves autorisation du procureur de la Reacutepublique ou du juge dinstruction agrave la prise dempreintes digitales ou de photographies lorsque celle-ci constitue lunique moyen deacutetablir lidentiteacute de linteacuteresseacute

La prise dempreintes ou de photographies doit ecirctre mentionneacutee et speacutecialement motiveacutee dans le procegraves-verbal preacutevu ci-apregraves

Lofficier de police judiciaire mentionne dans un procegraves-verbal les motifs qui justifient le controcircle ainsi que la veacuterification didentiteacute et les conditions dans lesquelles la personne a eacuteteacute preacutesenteacutee devant lui informeacutee de ses droits et mise en demeure de les exercer Il preacutecise le jour et lheure agrave partir desquels le controcircle a eacuteteacute effectueacute le jour et lheure de la fin de la reacutetention et la dureacutee de celle-ci

Ce procegraves-verbal est preacutesenteacute agrave la signature de linteacuteresseacute Si ce dernier refuse de le signer mention est faite du refus et des motifs de celui-ci

Le procegraves-verbal est transmis au procureur de la Reacutepublique copie en ayant eacuteteacute remise agrave linteacuteresseacute dans le cas preacutevu par lalineacutea suivant

Si elle nest suivie agrave leacutegard de la personne qui a eacuteteacute retenue daucune proceacutedure denquecircte ou dexeacutecution adresseacutee agrave lautoriteacute judiciaire la veacuterification didentiteacute ne peut donner lieu agrave une mise en meacutemoire sur fichiers et le procegraves-verbal ainsi que toutes les piegraveces se rapportant agrave la veacuterification sont deacutetruits dans un deacutelai de six mois sous le controcircle du procureur de la Reacutepublique

Dans le cas ougrave il y a lieu agrave proceacutedure denquecircte ou dexeacutecution adresseacutee agrave lautoriteacute judiciaire et assortie du maintien en garde agrave vue la personne retenue doit ecirctre aussitocirct informeacutee de son droit de faire aviser le procureur de la Reacutepublique de la mesure dont elle fait lobjet

Les prescriptions eacutenumeacutereacutees au preacutesent article sont imposeacutees agrave peine de nulliteacute

5

REJET DU POURVOI DE X (OLIVIER) PARTIE CIVILE CONTRE UN ARRET DE LA CHAMBRE DACCUSATION DE LA COUR DAPPEL DE PARIS EN DATE DU 11 JANVIER 1972 QUI DANS UNE INFORMATION SUIVIE CONTRE X DES CHEFS DARRESTATION ET SEQUESTRATION ARBITRAIRES A CONFIRME LORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE DINSTRUCTION LA COUR

VU LE MEMOIRE PRODUIT (hellip)

AU FOND SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LARTICLE 7 DE LA DECLARATION DES DROITS DE LHOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOUT 1789 DE LARTICLE 66 DE LA CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DES ARTICLES 114 ET SUIVANTS 341 DU CODE PENAL DES ARTICLES 30 53 ET SUIVANTS 61 77 575 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE DE LARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964 ET DE LARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810 POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE EN CE QUE LARRET ATTAQUE A PRONONCE UN NON-LIEU DES CHEFS DATTENTAT A LA LIBERTE DARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES

AUX MOTIFS QUE LES MESURES DENONCEES PAR LA PARTIE CIVILE - ET DONT LA MATERIALITE NEST PAS CONTESTEE - ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE PAR LARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964

QUE CES MESURES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE LORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX

QUEN CONSEQUENCE LINTERPELLATION DE X PUIS LA CONTRAINTE TEMPORAIRE SUBIE PAR LUI DANS UN CENTRE AFFECTE A CET USAGE PENDANT LES VERIFICATIONS DIDENTITE QUI SAVERAIENT NECESSAIRES AYANT ETE PRATIQUEES EN LESPECE DANS LE CHAMP DAPPLICATION DES POUVOIRS DE POLICE DU MAINTIEN DE LORDRE ET EN CONFORMITE AUX REGLES EN USAGE DONC DANS DES CONDITIONS EXCLUSIVES DE TOUTE INTENTION COUPABLE LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DES INFRACTIONS VISEES AU REQUISITOIRE INTRODUCTIF NE SONT PAS REUNIS

ALORS DUNE PART QUAUCUN POUVOIR DE POLICE ADMINISTRATIVE NE PERMET AU PREFET DE POLICE OU AUX FONCTIONNAIRES QUI DEPENDENT DE LUI DARRETER ET DE DETENIR UN CITOYEN FRANCAIS ET ALORS DAUTRE PART QUE LE FAIT POUR UN POLICIER MEME SIL PRETEND AGIR EN VUE DE MAINTENIR LORDRE DARRETER ET DE PRIVER DE LIBERTE UN CITOYEN FRANCAIS CONSTITUE LE CRIME DATTENTAT A LA LIBERTE

QUE LELEMENT INTENTIONNEL DE CE CRIME RESULTE DE CE QUE LE POLICIER PEUT ET DOIT CONNAITRE LILLEGALITE MANIFESTE DUNE ARRESTATION ET DUNE DETENTION INSUSCEPTIBLES DETRE JUSTIFIEES PAR UN TEXTE LEGAL ET CONTRAIRES AUX DISPOSITIONS AUSSI FONDAMENTALES QUELEMENTAIRES DE LA CONSTITUTION

ATTENDU QUUNE INFORMATION OUVERTE CONTRE X DU CHEF DARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES SUR PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE X OLIVIER A ETE CLOSE PAR UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU DONT LE DEMANDEUR A RELEVE APPEL

ATTENDU QUE STATUANT SUR CET APPEL LA CHAMBRE DACCUSATION EXPOSE DANS LARRET ATTAQUE 1deg QUE DIVERS GROUPEMENTS DE TENDANCES CONTRAIRES AYANT ANNONCE QUILS PROCEDERAIENT DANS LA JOURNEE DU 26 FEVRIER 1970 A DES DEMONSTRATIONS PUBLIQUES LE PREFET DE POLICE AVAIT ETE AMENE A INTERDIRE UNE REUNION DU MOUVEMENT ORDRE NOUVEAU PREVUE AU PALAIS DE LA MUTUALITE AINSI

2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel

6

QUE DES MANIFESTATIONS DE RUES AUXQUELLES LUNION NATIONALE DES ETUDIANTS DE FRANCE ET UN COMITE NATIONAL DE GREVE DES ETUDIANTS DE PARIS ENTENDAIENT SE LIVRER

2deg QUE POUR EVITER DEVENTUELS AFFRONTEMENTS PREJUDICIABLES A LORDRE PUBLIC UN IMPORTANT SERVICE DORDRE AVAIT ETE MIS EN PLACE NOTAMMENT RUE SOUFFLOT DONT LES MEMBRES GARDIENS DE LA PAIX OU MILITAIRES DE LA GENDARMERIE MOBILE AVAIENT POUR MISSION DEVITER LE REGROUPEMENT DE NOMBREUX JEUNES GENS QUI SAMASSAIENT RUE SOUFFLOT ET A SES ABORDS

3deg QUE DANS LE CADRE DE CETTE MISSION QUI AMENAIT LE SERVICE DORDRE A CONTROLER LIDENTITE DES PASSANTS X AVAIT ETE INTERPELLE VERS 15 HEURES PAR UN POLICIER EN UNIFORME AUQUEL IL AVAIT PRESENTE UNE CARTE DIDENTITE NATIONALE

4deg QUE CETTE CARTE DIDENTITE COMPORTANT COMME LE PRECISE LARRET UNE PHOTOGRAPHIE QUI NE PARAISSAIT PAS CORRESPONDRE AU VISAGE DE X CE DERNIER AVAIT ETE CONDUIT AU CENTRE BEAUJON POUR EXAMEN PLUS APPROFONDI DE SA SITUATION

5deg QUENFIN APRES QUUN CLICHE PHOTOGRAPHIQUE EUT ETE PRIS ET QUE LES VERIFICATIONS DARCHIVES ET DE DOMICILE AIENT ETE EFFECTUEES X AVAIT ETE RELACHE LE 27 FEVRIER A 0H55

ATTENDU QUEN CET ETAT CEST A TORT ET PAR SUITE DUNE ERREUR DE DROIT QUIL CONVIENT DE CENSURER QUE LA CHAMBRE DACCUSATION A CONFIRME LORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE DINSTRUCTION AUX MOTIFS QUE LES MESURES INCRIMINEES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE LORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX ET QUE LESDITES MESURES ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE

QUEN EFFET LES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE SILS PERMETTENT QUAND DES CIRCONSTANCES PARTICULIERES LEXIGENT DE PROCEDER A DES VERIFICATIONS DIDENTITE NAUTORISENT PAS A RETENIR FUT-CE PROVISOIREMENT DES PERSONNES QUI NONT COMMIS AUCUNE INFRACTION OU QUI NE SONT PAS SOUPCONNEES DEN AVOIR COMMIS

QUE DAUTRE PART LA COUR NE POUVAIT COMME ELLE LA FAIT ECARTER TOUTE INTENTION COUPABLE AU SEUL MOTIF DE REGLES EN USAGE QUI MEME SI ELLES EXISTAIENT NE POURRAIENT CONSTITUER UNE CAUSE DE JUSTIFICATION OU UNE EXCUSE QUE LA LOI NE PREVOIT PAS

MAIS ATTENDU QUE LA COUR DE CASSATION A LE POUVOIR DE SUBSTITUER UN MOTIF DE PUR DROIT A UN MOTIF ERRONE OU INOPERANT SUR LEQUEL SE FONDE UNE DECISION ATTAQUEE ET DE JUSTIFIER AINSI LADITE DECISION

- QUE DANS LA PRESENTE ESPECE ELLE EST EN MESURE DE SASSURER QUAPRES AVOIR ETE REGULIEREMENT INTERPELLE EN VUE DUN CONTROLE DIDENTITE QUE LES CIRCONSTANCES JUSTIFIAIENT X A ETE MAINTENU TEMPORAIREMENT A LA DISPOSITION DES SERVICES DE POLICE A LOCCASION DUNE RECHERCHE DE POLICE JUDICIAIRE

QUIL SE DEDUIT EN EFFET DES CONSTATATIONS SOUVERAINES DE LARRET QUE LA CARTE DIDENTITE DETENUE PAR X TELLE QUELLE EST DECRITE PAR LA COUR ET QUI A ETE PRESENTEE A LA POLICE ETAIT SUSPECTE ET QUE SA POSSESSION LAISSAIT PRESUMER QUE DES INFRACTIONS POUVAIENT AVOIR ETE COMMISES

- QUAINSI LES SERVICES DE POLICE EN GARDANT X A LEUR DISPOSITION DU 26 FEVRIER A 15 HEURES AU 27 FEVRIER A 0H55 SOIT PENDANT DIX HEURES NONT PAS EXCEDE LES POUVOIRS QUE LEUR CONFERAIENT LES ARTICLES 53 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET SPECIALEMENT LES ARTICLES 61 PARAGRAPHE 2 ET 63 DUDIT CODE LE PREMIER DISPOSANT

7

QUE TOUTE PERSONNE DONT IL APPARAIT NECESSAIRE AU COURS DE RECHERCHES JUDICIAIRES DETABLIR OU DE VERIFIER LIDENTITE DOIT A LA DEMANDE DE LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE OU DE LUN DES AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE ENUMERES A LARTICLE 20 SE PRETER AUX OPERATIONS QUEXIGE CETTE MESURE - LE SECOND AUTORISANT LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE A GARDER A SA DISPOSITION POUR LES NECESSITES DE LENQUETE UNE OU PLUSIEURS DES PERSONNES VISEES AUX ARTICLES 61 ET 62 A LA CONDITION DE NE PAS LES RETENIR PLUS DE VINGT-QUATRE HEURES

QUIL SENSUIT QUELQUE REGRETTABLE QUE SOIT LERREUR DE DROIT COMMISE PAR LA CHAMBRE DACCUSATION QUE LE MOYEN DOIT ETRE REJETE

REJETTE LE POURVOI

Ndeg de pourvoi 83-94341 Publieacute au bulletin

STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR - KANDE ABDOULAYE - CONTRE UN ARRET

DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS DIXIEME CHAMBRE EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983 QUI POUR INFRACTION A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS A ORDONNE SA RECONDUITE A LA FRONTIERE AVEC EXECUTION PROVISOIRE

VU LE MEMOIRE PRODUIT SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 78-2 78-3

174 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE

rdquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A REFUSE DrsquoANNULER LA PROCEDURE A COMPTER DE

LrsquoINTERPELLATION DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 rdquoAUX MOTIFS QUE LA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRAIENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE AVAIT CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIAIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE

QUrsquoAU COURS DE CE CONTROLE KANDE AVAIT FAIT CONNAITRE SON IDENTITE DE

TELLE SORTE QUE LES FORMALITES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-3 ET SUIVANTS DE LA LOI DU 10 JUIN 1983 NrsquoETAIENT PAS APPLICABLES

rdquoALORS QUE DrsquoUNE PART LA PRETENDUE FREQUENCE DES INFRACTIONS DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN NE PEUT PAS CONSTITUER LA ldquoMENACE IMMEDIATErdquo EXIGEE PAR LA LOI ndeg 83-466 DU 10 JUIN 1983 POUR AUTORISER LES CONTROLES DrsquoIDENTITE

rdquoALORS QUE DrsquoAUTRE PART LORSQUE A LA SUITE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE UNE

PERSONNE EST RETENUE POUR QUELQUE CAUSE QUE CE SOIT LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE DOIT A PEINE DE NULLITE EXPOSER LES MOTIFS DE CE CONTROLE DANS UN PROCES-VERBAL LEQUEL MENTIONNE SOUS LA MEME SANCTION LES CONDITIONS

3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute

8

DANS LESQUELLES LA PERSONNE A ETE PRESENTEE DEVANT LEDIT OFFICIER INFORMEE DE SES DROITS ET MISE EN MESURE DE LES EXERCER

rdquo VU LESDITS ARTICLES ATTENDU DrsquoUNE PART QUrsquoAUX TERMES DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE

PROCEDURE PENALE LrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE PEUT ETRE CONTROLEE DANS DES LIEUX DETERMINES LA OU LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS SE TROUVE IMMEDIATEMENT MENACEE

ATTENDU DrsquoAUTRE PART QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR DES MOTIFS

PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE KANDE A ETE INTERPELLE LE 14

OCTOBRE 1983 A 10 HEURES A LA STATION STALINGRAD DU METROPOLITAIN DE PARIS PAR DES GARDIENS DE LA PAIX AGISSANT SUR LES INSTRUCTIONS DE LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE CHARGE DU SERVICE DE PROTECTION DE LA R A T P

QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET PORTEUR DrsquoUN TITRE DE SEJOUR IRREGULIER QUrsquoIL A ETE AINSI POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR AVOIR

PENETRE OU SEJOURNE EN FRANCE SANS SE CONFORMER AUX DISPOSITIONS LEGALES DELIT PREVU ET REPRIME PAR LrsquoARTICLE 19 DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 MODIFIEE PAR LA LOI DU 29 OCTOBRE 1981

ATTENDU QUE POUR REJETER LES CONCLUSIONS DU PREVENU FAISANT VALOIR

LrsquoILLEGALITE DU CONTROLE DrsquoIDENTITE ET LA NULLITE DE LA PROCEDURE SUBSEQUENTE LA COUR DrsquoAPPEL SE BORNE A ENONCER QUE ldquoLA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE A CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS EST IMMEDIATEMENT MENACEErdquo

QUrsquoELLE EN DEDUIT QUE LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE A ETE EFFECTUE

CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

MAIS ATTENDU QUrsquoEN LrsquoETAT DE CE SEUL MOTIF DrsquoORDRE GENERAL ET QUI NE SE

REFERE A AUCUN ELEMENT DE LA PROCEDURE LA COUR DrsquoAPPEL QUI NrsquoA PAS PRECISE EN QUOI LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE A LA STATION STALINGRAD LORSQUE LES SERVICES DE POLICE ONT PROCEDE AU CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 A 10 HEURES NrsquoA PAS JUSTIFIE SA DECISION AU REGARD DU TEXTE SUSVISE

DrsquoOU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF PAR CES MOTIFS ET SANS QUrsquoIL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE SECOND MOYEN CASSE ET

ANNULE LrsquoARRET SUSVISE DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983

Publication Bulletin criminel 1984 Ndeg 287

9

Ndeg de pourvoi 84-92916 Publieacute au bulletin

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A PLACE LrsquoACTION DES

GARDIENS DE LA PAIX DANS LE CADRE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE SOUMIS AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ALORS QUrsquoILS AGISSAIENT DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 EN DEMANDANT A VUCKOVIC DE LEUR PRESENTER LES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS IL ETAIT AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCErdquo

SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 593 DU

CODE DE PROCEDURE PENALE ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE NrsquoA PAS REPONDU AUX REQUISITIONS DU MINISTERE PUBLIC SOUTENANT QUrsquoIL SrsquoAGISSAIT EN LrsquoESPECE NON PAS DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE REALISE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE MAIS DrsquoUNE VERIFICATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS UN ETRANGER EST AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE REALISEE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 REGLEMENTANT LES CONDITIONS DrsquoENTREE ET LE SEJOUR DES ETRANGERSrdquo

CES MOYENS ETANT REUNIS ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE VUCKOVIC A ETE INTERPELLE SUR

UN QUAI DE GARE PAR DES GARDIENS DE LA PAIX QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET EN SEJOUR IRREGULIER SUR LE TERRITOIRE

FRANCAIS QUrsquoIL A ETE POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR INFRACTION

A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS ATTENDU QUE POUR ECARTER IMPLICITEMENT LrsquoARGUMENTATION DU REPRESENTANT

DU MINISTERE PUBLIC QUI SOUTENAIT QUE LES SERVICES DE POLICE AVAIENT PU PROCEDER A LrsquoINTERPELLATION DE VUCKOVIC UNIQUEMENT EN VERTU DE LrsquoARTICLE 1ER DU DECRET DU 18 MARS 1946 ET DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 PRIS EN APPLICATION DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 LA COUR DrsquoAPPEL RELEVE QUE LES GARDIENS DE LA PAIX ONT EFFECTUE A LrsquoEGARD DU PREVENU UN CONTROLE DrsquoIDENTITE AU TITRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE TEL QUE PREVU PAR LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

ATTENDU QUrsquoEN STATUANT AINSI LA COUR DrsquoAPPEL NrsquoA AUCUNEMENT VIOLE LES

TEXTES VISES AU MOYEN QUrsquoEN EFFET POUR QUE LES AGENTS DE LrsquoAUTORITE AIENT LA FACULTE DE REQUERIR

LA PRESENTATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS LES ETRANGERS SONT AUTORISES A SEJOURNER EN FRANCE IL FAUT QUE DES ELEMENTS OBJECTIFS DEDUITS DE CIRCONSTANCES EXTERIEURES A LA PERSONNE MEME DE LrsquoINTERESSE SOIENT DE NATURE A FAIRE APPARAITRE SA QUALITE DrsquoETRANGER

4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC

10

QUrsquoEN LrsquoABSENCE DE TELS ELEMENTS LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DOIT ETRE

PREALABLEMENT EFFECTUE SOUS LES CONDITIONS ET DANS LES FORMES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE

DrsquoOU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES (hellip)

Ndeg de pourvoi 92-83352 Publieacute au bulletin REJET du pourvoi formeacute par le procureur geacuteneacuteral

pregraves la cour drsquoappel de Paris contre lrsquoarrecirct de la chambre drsquoaccusation de ladite Cour en date du 27 mai 1992 qui dans la proceacutedure suivie contre Yvon ou Yvan Bassilika pour infractions agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers a prononceacute la nulliteacute des actes de lrsquoinformation et apregraves avoir eacutevoqueacute a constateacute qursquoil ne restait rien sur quoi instruire

LA COUR Vu le meacutemoire produit Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 78-2 alineacutea 2 et 593

alineacuteas 1 et 2 du Code de proceacutedure peacutenale fausse application contradiction de motifs deacutefaut de reacuteponse aux reacutequisitions du ministegravere public

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoYvon Bassilika a eacuteteacute interpelleacute le 23 deacutecembre 1991 agrave

15 heures 15 aux abords de la gare de Villepinte (Seine-Saint-Denis) par des gardiens de la paix agissant sur les instructions permanentes de lrsquoofficier de police judiciaire chef de la circonscription de police urbaine qursquoil srsquoest reacuteveacuteleacute ecirctre eacutetranger et deacutepourvu de titre de seacutejour qursquoune information a eacuteteacute ouverte contre lui pour infraction agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers sur la base des articles 5 16 19 et 27 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945

Attendu que saisie par le juge drsquoinstruction en application de lrsquoarticle 171 du Code de proceacutedure peacutenale la chambre drsquoaccusation pour prononcer la nulliteacute du procegraves-verbal base des poursuites et des actes drsquoinformation subseacutequents constate que pour justifier lrsquointerpellation de Bassilika puis le controcircle de son identiteacute les agents de la force publique se sont borneacutes agrave eacutenoncer que ldquocirculant aux abords de la gare de Villepinte lieu propice aux vols agrave la roulotte ldquo ils ont remarqueacute ldquo deux individus srsquoexprimant en une langue eacutetrangegravere ldquo

Attendu qursquoen prononccedilant ainsi la chambre drsquoaccusation qui a reacutepondu comme elle le devait aux reacutequisitions du ministegravere public loin de meacuteconnaicirctre le sens et la porteacutee des textes viseacutes au moyen en a fait lrsquoexacte application

Qursquoen effet lrsquoapplication de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 2 du Code de proceacutedure peacutenale est subordonneacutee agrave la preacutevention ldquo drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public ldquo qui soit directement rattachable au comportement de la personne dont lrsquoidentiteacute est controcircleacutee

Qursquoil srsquoensuit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli

5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika

11

Et attendu que lrsquoarrecirct est reacutegulier en la forme REJETTE le pourvoi Publication Bulletin criminel 1992 Ndeg 370 p 1024 Dalloz 21 janvier 1993 ndeg 3 p 36 note D MAYER

LE CONSEIL CONSTITUTIONNELVu la Constitution Vu la Convention dapplication de laccord de

Schengen signeacutee le 19 juin 1990 Vu lordonnance ndeg 58-1067 du 7 novembre 1958

modifieacutee portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

Vu le code de proceacutedure peacutenale notamment son article 78-2

Le rapporteur ayant eacuteteacute entendu Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine deacutefegraverent au Conseil constitutionnel la loi relative

aux controcircles et veacuterifications didentiteacute dans son ensemble en faisant valoir que larticle 1er de cette loi meacuteconnaicirctrait diffeacuterents principes et regravegles de valeur constitutionnelle et que les autres dispositions de ladite loi eacutenonceacutees agrave ses articles 2 et 3 sont inseacuteparables de larticle 1er

Consideacuterant que larticle 1er de la loi insegravere dans larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale un sixiegraveme un septiegraveme et un huitiegraveme alineacuteas lesquels remplacent le sixiegraveme alineacutea actuellement en vigueur

- SUR LE SIXIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cet alineacutea preacutevoit un cas suppleacutementaire dans lequel peuvent ecirctre engageacutees des

proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique pour la recherche et la poursuite dinfractions dans des lieux et pour une peacuteriode de temps qui doivent ecirctre preacuteciseacutes par ce magistrat quil indique que le fait que de tels controcircles didentiteacute reacutevegravelent des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Consideacuterant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette derniegravere preacutecision meacuteconnaicirct la liberteacute individuelle et sa protection par lautoriteacute judiciaire que garantit larticle 66 de la Constitution degraves lors que la prise en compte dinfractions qui ne seraient pas eacutenonceacutees a priori par le procureur de la Reacutepublique prive selon eux lautoriteacute judiciaire de toute maicirctrise effective de lopeacuteration

Consideacuterant quil appartient au leacutegislateur dassurer la conciliation entre dune part lexercice des liberteacutes constitutionnellement garanties et dautre part les besoins de la recherche des auteurs dinfractions qui sont neacutecessaires lun et lautre agrave la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle quil incombe agrave lautoriteacute judiciaire conformeacutement agrave larticle 66 de la Constitution dexercer un controcircle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par lesquelles le leacutegislateur a entendu assurer cette conciliation

Consideacuterant que le leacutegislateur a confieacute au procureur de la Reacutepublique magistrat de lordre judiciaire la responsabiliteacute de deacutefinir preacuteciseacutement les conditions dans lesquelles les proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute quil prescrit doivent ecirctre effectueacutees que la circonstance que le deacuteroulement de ces opeacuterations conduise les autoriteacutes de police judiciaire agrave relever des infractions qui nauraient pas eacuteteacute viseacutees preacutealablement par ce magistrat ne saurait eu eacutegard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions priver ces autoriteacutes des pouvoirs quelles tiennent de faccedilon geacuteneacuterale des dispositions du code de proceacutedure peacutenale que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code notamment agrave leacutegard du procureur de la Reacutepublique que degraves lors les garanties attacheacutees au respect de la liberteacute individuelle sous le controcircle de lautoriteacute judiciaire ne sont pas meacuteconnues quainsi le grief invoqueacute doit ecirctre eacutecarteacute

- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute

12

Consideacuterant que cet alineacutea reprend des dispositions deacutejagrave en vigueur en vertu desquelles un controcircle didentiteacute peut ecirctre opeacutereacute selon les mecircmes modaliteacutes que dans les autres cas pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens en ajoutant la preacutecision nouvelle selon laquelle peut ecirctre controcircleacutee lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement

Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant agrave autoriser des controcircles didentiteacute sans que soient justifieacutes les motifs de lopeacuteration effectueacutee porte une atteinte excessive agrave la liberteacute individuelle en la privant de garanties leacutegales

Consideacuterant que la preacutevention datteintes agrave lordre public notamment datteintes agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens est neacutecessaire agrave la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle que toutefois la pratique de controcircles didentiteacute geacuteneacuteraliseacutes et discreacutetionnaires serait incompatible avec le respect de la liberteacute individuelle que sil est loisible au leacutegislateur de preacutevoir que le controcircle didentiteacute dune personne peut ne pas ecirctre lieacute agrave son comportement il demeure que lautoriteacute concerneacutee doit justifier dans tous les cas des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque datteinte agrave lordre public qui a motiveacute le controcircle que ce nest que sous cette reacuteserve dinterpreacutetation que le leacutegislateur peut ecirctre regardeacute comme nayant pas priveacute de garanties leacutegales lexistence de liberteacutes constitutionnellement garanties

Consideacuterant quil appartient aux autoriteacutes administratives et judiciaires de veiller au respect inteacutegral de lensemble des conditions de forme et de fond poseacutees par le leacutegislateur quen particulier il incombe aux tribunaux compeacutetents de censurer et de reacuteprimer les illeacutegaliteacutes qui seraient commises et de pourvoir eacuteventuellement agrave la reacuteparation de leurs conseacutequences dommageables quainsi il revient agrave lautoriteacute judiciaire gardienne de la liberteacute individuelle de controcircler en particulier les conditions relatives agrave la leacutegaliteacute agrave la reacutealiteacute et agrave la pertinence des raisons ayant motiveacute les opeacuterations de controcircle et de veacuterification didentiteacute quagrave cette fin il lui appartient dappreacutecier sil y a lieu le comportement des personnes concerneacutees

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cette disposition autorise le controcircle de lidentiteacute de toute personne en vue de

veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux mais encore dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en deccedilagrave que cette distance peut ecirctre porteacutee jusquagrave quarante kilomegravetres par arrecircteacute interministeacuteriel dans des conditions agrave preacutevoir par deacutecret en Conseil dEtat

Consideacuterant que larticle 3 de la loi deacutefeacutereacutee preacutevoit que les dispositions de cet alineacutea ne prendront effet quagrave la date dentreacutee en vigueur de ladite Convention

Consideacuterant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alineacutea imposent agrave la liberteacute individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties leacutegales quelles meacuteconnaissent les principes deacutegaliteacute devant la loi et dindivisibiliteacute de la Reacutepublique dans la mesure ougrave elles imposent agrave certaines personnes sans justification approprieacutee des contraintes particuliegraveres lieacutees agrave leurs attaches avec certaines parties du territoire franccedilais quils ajoutent quen reconnaissant au pouvoir reacuteglementaire la latitude daccroicirctre tregraves sensiblement les zones concerneacutees le leacutegislateur a meacuteconnu sa propre compeacutetence

Consideacuterant que les stipulations de la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 suppriment les controcircles aux frontiegraveres inteacuterieures concernant les personnes sauf pour une peacuteriode limiteacutee lorsque lordre public ou la seacutecuriteacute nationale lexigent que le leacutegislateur a estimeacute que par les dispositions contesteacutees il prenait dans le cadre de lapplication de ces stipulations des mesures neacutecessaires agrave la recherche des auteurs dinfractions et agrave la preacutevention datteintes agrave lordre public

Consideacuterant que sagissant dune part des zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouvertes au trafic international dautre part de celles qui sont comprises entre les frontiegraveres terrestres de la France avec les Etats parties agrave la Convention et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave le leacutegislateur a degraves lors que certains controcircles aux frontiegraveres seraient supprimeacutes autoriseacute des controcircles didentiteacute que ceux-ci doivent ecirctre conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opeacuterations sont de maniegravere geacuteneacuterale soumises que ces controcircles sont effectueacutes en vue dassurer le respect des obligations preacutevues par la loi de deacutetention de port et de preacutesentation de titres et documents que les zones concerneacutees preacuteciseacutement deacutefinies dans leur nature et leur eacutetendue preacutesentent des risques particuliers dinfractions et datteintes agrave lordre public lieacutes agrave la circulation

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internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

14

personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

15

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 2: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

Les controcircles drsquoidentiteacute 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative) Chapitre III Des

controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute 78-2 et s2 Cass Crim 5 janvier 1973 FRIEDEL3 Cass Crim 4 octobre 1984 KANDE4 Cass Crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC5 Cass Crim 10 novembre 1992 BASSILIKA6 Cons constit deacutecision ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993 Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute7 Cass 2egraveme civ 14 deacutecembre 2000 DAKA8 Cass Crim 15 janvier 2003 IBRAHIMA X

v aussi sur la Fouille des veacutehicules CC 12 janvier 1977 laquo Fouille des veacutehicules raquo CC 18 janvier 1995 Loi drsquoorientation et de programmation relative agrave la seacutecuriteacute (sur lrsquoarticle 10) CC 13 mars 2003 Loi pour la seacutecuriteacute inteacuterieure

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

10 Cour de cassation chambre civile 1 23 feacutevrier 2011 XX11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo

jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 201112 Article 78-2 Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69

13 Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

14 Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo CPDH 05 novembre 2010

15 Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo CPDH 14 janvier 2010

Sur les controcircles drsquoidentiteacute

- GISTI laquo Le controcircle drsquoidentiteacute des eacutetrangers raquo Les notes pratiques 2010- M MARCUS Essai didentification du deacutebat sur les controcircles didentiteacute Revr sc crim 1985 p

153 - A MARON Controcircles et veacuterifications didentiteacute RD peacuten feacutevr 1992 - D MAYER Preacutevention et reacutepression en matiegravere de controcircle didentiteacute une distinction dangereuse

D 1993 chron p 273- J PRADEL Les recherches didentiteacute et la poursuite des flagrants deacutelits depuis la loi du 10 juin 1983

D 1984 chron p 75- D THOMAS Les controcircles didentiteacute preacuteventifs depuis les arrecircts de la chambre criminelle des 4

octobre 1984 et 25 avril 1985 la neacutecessiteacute dune nouvelle reacuteforme D 1985 chron p 181

D O C U M E N T S

J O I N T S

D O C U M E N T D rsquo O U V E R T U

R E

B I B L I O -G R A P H I E

2

Article 78-1(Loi nordm 83-466 du 10 juin 1983 art 21 Journal

Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)

(Loi nordm 86-1004 du 3 septembre 1986 art 1 Journal Officiel du 4 septembre 1986)

(Loi nordm 93-992 du 10 aoucirct 1993 art 2 Journal Officiel du 11 aoucirct 1993)

(Loi nordm 99-291 du 15 avril 1999 art 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)

Lapplication des regravegles preacutevues par le preacutesent chapitre est soumise au controcircle des autoriteacutes judiciaires mentionneacutees aux articles 12 et 13

Toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se precircter agrave un controcircle didentiteacute effectueacute dans les conditions et par les autoriteacutes de police viseacutees aux articles suivants

Article 78-2(Loi nordm 83-466 du 10 juin 1983 art 21 Journal Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)

(Loi nordm 86-1004 du 3 septembre 1986 art 2 Journal Officiel du 4 septembre 1986)(Loi nordm 93-992 du 10 aoucirct 1993 art 1 et 2 Journal Officiel du 11 aoucirct 1993)(Loi nordm 93-1027 du 24 aoucirct 1993 art 34 Journal Officiel du 29 aoucirct 1993)(Loi nordm 97-396 du 24 avril 1997 art 18 Journal Officiel du 25 avril 1997)(Loi nordm 99-291 du 15 avril 1999 art 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)

(Loi nordm 2003-239 du 18 mars 2003 art 10 Journal Officiel du 19 mars 2003)(Loi nordm 2003-239 du 18 mars 2003 art 143 Journal Officiel du 19 mars 2003)

(Loi nordm 2003-1119 du 26 novembre 2003 art 81 Journal Officiel du 27 novembre 2003)(Loi nordm 2006-64 du 23 janvier 2006 art 3 Journal Officiel du 24 janvier 2006)

(Loi nordm 2006-911 du 24 juillet 2006 art 113 I Journal Officiel du 25 juillet 2006) Les officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci les

agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21-1ordm peuvent inviter agrave justifier par tout moyen de son identiteacute toute personne agrave leacutegard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupccedilonner - quelle a commis ou tenteacute de commettre une infraction - ou quelle se preacutepare agrave commettre un crime ou un deacutelit - ou quelle est susceptible de fournir des renseignements utiles agrave lenquecircte en cas de crime ou de deacutelit - ou quelle fait lobjet de recherches ordonneacutees par une autoriteacute judiciaire Sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique aux fins de recherche et de poursuite dinfractions quil preacutecise lidentiteacute de toute personne peut ecirctre eacutegalement controcircleacutee selon les mecircmes modaliteacutes dans les lieux et pour une peacuteriode de temps deacutetermineacutes par ce magistrat Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens

1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute

3

[NB cet alineacutea 4 a eacuteteacute modifieacute par la Loppsi 2 suite agrave lrsquoaffaire Melki et Abdeli ndash v infra] Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel nordm 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel nordm 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Dans une zone comprise entre les frontiegraveres terrestres ou le littoral du deacutepartement de la Guyane et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en-deccedilagrave et sur une ligne traceacutee agrave cinq kilomegravetres de part et dautre ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire de la commune de Reacutegina lidentiteacute de toute personne peut ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi

Pendant cinq ans agrave compter de la publication de la loi nordm 2006-911 du 24 juillet 2006 relative agrave limmigration et agrave linteacutegration lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea du preacutesent article en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi

1ordm En Guadeloupe dans une zone comprise entre le littoral et une ligne traceacutee agrave un kilomegravetre en deccedilagrave ainsi que dans une zone dun kilomegravetre de part et dautre dune part de la route nationale 1 sur le territoire des communes de Basse-Terre Gourbeyre et Trois-Riviegraveres et dautre part de la route nationale 4 sur le territoire des communes du Gosier et de Sainte-Anne et Saint-Franccedilois

2ordm A Mayotte dans une zone comprise entre le littoral et une ligne traceacutee agrave un kilomegravetre en deccedilagrave

NOTA (1) Loi 2006-64 du 23 janvier 2006 art 32 Les dispositions induites par larticle 3 sont applicables jusquau 31 deacutecembre 2008

(hellip)

Article 78-3(Loi nordm 83-466 du 10 juin 1983 art 21 Journal Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)

(Loi nordm 86-1004 du 3 septembre 1986 art 3 Journal Officiel du 4 septembre 1986)

4

(Loi nordm 93-2 du 4 janvier 1993 art 162 Journal Officiel du 5 janvier 1993 en vigueur le 1er mars 1993)

(Loi nordm 93-992 du 10 aoucirct 1993 art 2 Journal Officiel du 11 aoucirct 1993)(Loi nordm 93-1013 du 24 aoucirct 1993 art 20 Journal Officiel du 25 aoucirct 1993 en vigueur le 2 septembre

1993)(Loi nordm 99-291 du 15 avril 1999 art 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)

(Loi nordm 2006-911 du 24 juillet 2006 art 114 Journal Officiel du 25 juillet 2006) Si linteacuteresseacute refuse ou se trouve dans limpossibiliteacute de justifier de son identiteacute il peut en

cas de neacutecessiteacute ecirctre retenu sur place ou dans le local de police ougrave il est conduit aux fins de veacuterification de son identiteacute Dans tous les cas il est preacutesenteacute immeacutediatement agrave un officier de police judiciaire qui le met en mesure de fournir par tout moyen les eacuteleacutements permettant deacutetablir son identiteacute et qui procegravede sil y a lieu aux opeacuterations de veacuterification neacutecessaires Il est aussitocirct informeacute par celui-ci de son droit de faire aviser le procureur de la Reacutepublique de la veacuterification dont il fait lobjet et de preacutevenir agrave tout moment sa famille ou toute personne de son choix Si des circonstances particuliegraveres lexigent lofficier de police judiciaire preacutevient lui-mecircme la famille ou la personne choisie

Lorsquil sagit dun mineur de dix-huit ans le procureur de la Reacutepublique doit ecirctre informeacute degraves le deacutebut de la reacutetention Sauf impossibiliteacute le mineur doit ecirctre assisteacute de son repreacutesentant leacutegal

La personne qui fait lobjet dune veacuterification ne peut ecirctre retenue que pendant le temps strictement exigeacute par leacutetablissement de son identiteacute La reacutetention ne peut exceacuteder quatre heures ou huit heures agrave Mayotte agrave compter du controcircle effectueacute en application de larticle 78-2 et le procureur de la Reacutepublique peut y mettre fin agrave tout moment

Si la personne interpelleacutee maintient son refus de justifier de son identiteacute ou fournit des eacuteleacutements didentiteacute manifestement inexacts les opeacuterations de veacuterification peuvent donner lieu apregraves autorisation du procureur de la Reacutepublique ou du juge dinstruction agrave la prise dempreintes digitales ou de photographies lorsque celle-ci constitue lunique moyen deacutetablir lidentiteacute de linteacuteresseacute

La prise dempreintes ou de photographies doit ecirctre mentionneacutee et speacutecialement motiveacutee dans le procegraves-verbal preacutevu ci-apregraves

Lofficier de police judiciaire mentionne dans un procegraves-verbal les motifs qui justifient le controcircle ainsi que la veacuterification didentiteacute et les conditions dans lesquelles la personne a eacuteteacute preacutesenteacutee devant lui informeacutee de ses droits et mise en demeure de les exercer Il preacutecise le jour et lheure agrave partir desquels le controcircle a eacuteteacute effectueacute le jour et lheure de la fin de la reacutetention et la dureacutee de celle-ci

Ce procegraves-verbal est preacutesenteacute agrave la signature de linteacuteresseacute Si ce dernier refuse de le signer mention est faite du refus et des motifs de celui-ci

Le procegraves-verbal est transmis au procureur de la Reacutepublique copie en ayant eacuteteacute remise agrave linteacuteresseacute dans le cas preacutevu par lalineacutea suivant

Si elle nest suivie agrave leacutegard de la personne qui a eacuteteacute retenue daucune proceacutedure denquecircte ou dexeacutecution adresseacutee agrave lautoriteacute judiciaire la veacuterification didentiteacute ne peut donner lieu agrave une mise en meacutemoire sur fichiers et le procegraves-verbal ainsi que toutes les piegraveces se rapportant agrave la veacuterification sont deacutetruits dans un deacutelai de six mois sous le controcircle du procureur de la Reacutepublique

Dans le cas ougrave il y a lieu agrave proceacutedure denquecircte ou dexeacutecution adresseacutee agrave lautoriteacute judiciaire et assortie du maintien en garde agrave vue la personne retenue doit ecirctre aussitocirct informeacutee de son droit de faire aviser le procureur de la Reacutepublique de la mesure dont elle fait lobjet

Les prescriptions eacutenumeacutereacutees au preacutesent article sont imposeacutees agrave peine de nulliteacute

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REJET DU POURVOI DE X (OLIVIER) PARTIE CIVILE CONTRE UN ARRET DE LA CHAMBRE DACCUSATION DE LA COUR DAPPEL DE PARIS EN DATE DU 11 JANVIER 1972 QUI DANS UNE INFORMATION SUIVIE CONTRE X DES CHEFS DARRESTATION ET SEQUESTRATION ARBITRAIRES A CONFIRME LORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE DINSTRUCTION LA COUR

VU LE MEMOIRE PRODUIT (hellip)

AU FOND SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LARTICLE 7 DE LA DECLARATION DES DROITS DE LHOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOUT 1789 DE LARTICLE 66 DE LA CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DES ARTICLES 114 ET SUIVANTS 341 DU CODE PENAL DES ARTICLES 30 53 ET SUIVANTS 61 77 575 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE DE LARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964 ET DE LARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810 POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE EN CE QUE LARRET ATTAQUE A PRONONCE UN NON-LIEU DES CHEFS DATTENTAT A LA LIBERTE DARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES

AUX MOTIFS QUE LES MESURES DENONCEES PAR LA PARTIE CIVILE - ET DONT LA MATERIALITE NEST PAS CONTESTEE - ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE PAR LARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964

QUE CES MESURES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE LORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX

QUEN CONSEQUENCE LINTERPELLATION DE X PUIS LA CONTRAINTE TEMPORAIRE SUBIE PAR LUI DANS UN CENTRE AFFECTE A CET USAGE PENDANT LES VERIFICATIONS DIDENTITE QUI SAVERAIENT NECESSAIRES AYANT ETE PRATIQUEES EN LESPECE DANS LE CHAMP DAPPLICATION DES POUVOIRS DE POLICE DU MAINTIEN DE LORDRE ET EN CONFORMITE AUX REGLES EN USAGE DONC DANS DES CONDITIONS EXCLUSIVES DE TOUTE INTENTION COUPABLE LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DES INFRACTIONS VISEES AU REQUISITOIRE INTRODUCTIF NE SONT PAS REUNIS

ALORS DUNE PART QUAUCUN POUVOIR DE POLICE ADMINISTRATIVE NE PERMET AU PREFET DE POLICE OU AUX FONCTIONNAIRES QUI DEPENDENT DE LUI DARRETER ET DE DETENIR UN CITOYEN FRANCAIS ET ALORS DAUTRE PART QUE LE FAIT POUR UN POLICIER MEME SIL PRETEND AGIR EN VUE DE MAINTENIR LORDRE DARRETER ET DE PRIVER DE LIBERTE UN CITOYEN FRANCAIS CONSTITUE LE CRIME DATTENTAT A LA LIBERTE

QUE LELEMENT INTENTIONNEL DE CE CRIME RESULTE DE CE QUE LE POLICIER PEUT ET DOIT CONNAITRE LILLEGALITE MANIFESTE DUNE ARRESTATION ET DUNE DETENTION INSUSCEPTIBLES DETRE JUSTIFIEES PAR UN TEXTE LEGAL ET CONTRAIRES AUX DISPOSITIONS AUSSI FONDAMENTALES QUELEMENTAIRES DE LA CONSTITUTION

ATTENDU QUUNE INFORMATION OUVERTE CONTRE X DU CHEF DARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES SUR PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE X OLIVIER A ETE CLOSE PAR UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU DONT LE DEMANDEUR A RELEVE APPEL

ATTENDU QUE STATUANT SUR CET APPEL LA CHAMBRE DACCUSATION EXPOSE DANS LARRET ATTAQUE 1deg QUE DIVERS GROUPEMENTS DE TENDANCES CONTRAIRES AYANT ANNONCE QUILS PROCEDERAIENT DANS LA JOURNEE DU 26 FEVRIER 1970 A DES DEMONSTRATIONS PUBLIQUES LE PREFET DE POLICE AVAIT ETE AMENE A INTERDIRE UNE REUNION DU MOUVEMENT ORDRE NOUVEAU PREVUE AU PALAIS DE LA MUTUALITE AINSI

2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel

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QUE DES MANIFESTATIONS DE RUES AUXQUELLES LUNION NATIONALE DES ETUDIANTS DE FRANCE ET UN COMITE NATIONAL DE GREVE DES ETUDIANTS DE PARIS ENTENDAIENT SE LIVRER

2deg QUE POUR EVITER DEVENTUELS AFFRONTEMENTS PREJUDICIABLES A LORDRE PUBLIC UN IMPORTANT SERVICE DORDRE AVAIT ETE MIS EN PLACE NOTAMMENT RUE SOUFFLOT DONT LES MEMBRES GARDIENS DE LA PAIX OU MILITAIRES DE LA GENDARMERIE MOBILE AVAIENT POUR MISSION DEVITER LE REGROUPEMENT DE NOMBREUX JEUNES GENS QUI SAMASSAIENT RUE SOUFFLOT ET A SES ABORDS

3deg QUE DANS LE CADRE DE CETTE MISSION QUI AMENAIT LE SERVICE DORDRE A CONTROLER LIDENTITE DES PASSANTS X AVAIT ETE INTERPELLE VERS 15 HEURES PAR UN POLICIER EN UNIFORME AUQUEL IL AVAIT PRESENTE UNE CARTE DIDENTITE NATIONALE

4deg QUE CETTE CARTE DIDENTITE COMPORTANT COMME LE PRECISE LARRET UNE PHOTOGRAPHIE QUI NE PARAISSAIT PAS CORRESPONDRE AU VISAGE DE X CE DERNIER AVAIT ETE CONDUIT AU CENTRE BEAUJON POUR EXAMEN PLUS APPROFONDI DE SA SITUATION

5deg QUENFIN APRES QUUN CLICHE PHOTOGRAPHIQUE EUT ETE PRIS ET QUE LES VERIFICATIONS DARCHIVES ET DE DOMICILE AIENT ETE EFFECTUEES X AVAIT ETE RELACHE LE 27 FEVRIER A 0H55

ATTENDU QUEN CET ETAT CEST A TORT ET PAR SUITE DUNE ERREUR DE DROIT QUIL CONVIENT DE CENSURER QUE LA CHAMBRE DACCUSATION A CONFIRME LORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE DINSTRUCTION AUX MOTIFS QUE LES MESURES INCRIMINEES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE LORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX ET QUE LESDITES MESURES ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE

QUEN EFFET LES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE SILS PERMETTENT QUAND DES CIRCONSTANCES PARTICULIERES LEXIGENT DE PROCEDER A DES VERIFICATIONS DIDENTITE NAUTORISENT PAS A RETENIR FUT-CE PROVISOIREMENT DES PERSONNES QUI NONT COMMIS AUCUNE INFRACTION OU QUI NE SONT PAS SOUPCONNEES DEN AVOIR COMMIS

QUE DAUTRE PART LA COUR NE POUVAIT COMME ELLE LA FAIT ECARTER TOUTE INTENTION COUPABLE AU SEUL MOTIF DE REGLES EN USAGE QUI MEME SI ELLES EXISTAIENT NE POURRAIENT CONSTITUER UNE CAUSE DE JUSTIFICATION OU UNE EXCUSE QUE LA LOI NE PREVOIT PAS

MAIS ATTENDU QUE LA COUR DE CASSATION A LE POUVOIR DE SUBSTITUER UN MOTIF DE PUR DROIT A UN MOTIF ERRONE OU INOPERANT SUR LEQUEL SE FONDE UNE DECISION ATTAQUEE ET DE JUSTIFIER AINSI LADITE DECISION

- QUE DANS LA PRESENTE ESPECE ELLE EST EN MESURE DE SASSURER QUAPRES AVOIR ETE REGULIEREMENT INTERPELLE EN VUE DUN CONTROLE DIDENTITE QUE LES CIRCONSTANCES JUSTIFIAIENT X A ETE MAINTENU TEMPORAIREMENT A LA DISPOSITION DES SERVICES DE POLICE A LOCCASION DUNE RECHERCHE DE POLICE JUDICIAIRE

QUIL SE DEDUIT EN EFFET DES CONSTATATIONS SOUVERAINES DE LARRET QUE LA CARTE DIDENTITE DETENUE PAR X TELLE QUELLE EST DECRITE PAR LA COUR ET QUI A ETE PRESENTEE A LA POLICE ETAIT SUSPECTE ET QUE SA POSSESSION LAISSAIT PRESUMER QUE DES INFRACTIONS POUVAIENT AVOIR ETE COMMISES

- QUAINSI LES SERVICES DE POLICE EN GARDANT X A LEUR DISPOSITION DU 26 FEVRIER A 15 HEURES AU 27 FEVRIER A 0H55 SOIT PENDANT DIX HEURES NONT PAS EXCEDE LES POUVOIRS QUE LEUR CONFERAIENT LES ARTICLES 53 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET SPECIALEMENT LES ARTICLES 61 PARAGRAPHE 2 ET 63 DUDIT CODE LE PREMIER DISPOSANT

7

QUE TOUTE PERSONNE DONT IL APPARAIT NECESSAIRE AU COURS DE RECHERCHES JUDICIAIRES DETABLIR OU DE VERIFIER LIDENTITE DOIT A LA DEMANDE DE LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE OU DE LUN DES AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE ENUMERES A LARTICLE 20 SE PRETER AUX OPERATIONS QUEXIGE CETTE MESURE - LE SECOND AUTORISANT LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE A GARDER A SA DISPOSITION POUR LES NECESSITES DE LENQUETE UNE OU PLUSIEURS DES PERSONNES VISEES AUX ARTICLES 61 ET 62 A LA CONDITION DE NE PAS LES RETENIR PLUS DE VINGT-QUATRE HEURES

QUIL SENSUIT QUELQUE REGRETTABLE QUE SOIT LERREUR DE DROIT COMMISE PAR LA CHAMBRE DACCUSATION QUE LE MOYEN DOIT ETRE REJETE

REJETTE LE POURVOI

Ndeg de pourvoi 83-94341 Publieacute au bulletin

STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR - KANDE ABDOULAYE - CONTRE UN ARRET

DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS DIXIEME CHAMBRE EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983 QUI POUR INFRACTION A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS A ORDONNE SA RECONDUITE A LA FRONTIERE AVEC EXECUTION PROVISOIRE

VU LE MEMOIRE PRODUIT SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 78-2 78-3

174 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE

rdquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A REFUSE DrsquoANNULER LA PROCEDURE A COMPTER DE

LrsquoINTERPELLATION DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 rdquoAUX MOTIFS QUE LA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRAIENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE AVAIT CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIAIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE

QUrsquoAU COURS DE CE CONTROLE KANDE AVAIT FAIT CONNAITRE SON IDENTITE DE

TELLE SORTE QUE LES FORMALITES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-3 ET SUIVANTS DE LA LOI DU 10 JUIN 1983 NrsquoETAIENT PAS APPLICABLES

rdquoALORS QUE DrsquoUNE PART LA PRETENDUE FREQUENCE DES INFRACTIONS DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN NE PEUT PAS CONSTITUER LA ldquoMENACE IMMEDIATErdquo EXIGEE PAR LA LOI ndeg 83-466 DU 10 JUIN 1983 POUR AUTORISER LES CONTROLES DrsquoIDENTITE

rdquoALORS QUE DrsquoAUTRE PART LORSQUE A LA SUITE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE UNE

PERSONNE EST RETENUE POUR QUELQUE CAUSE QUE CE SOIT LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE DOIT A PEINE DE NULLITE EXPOSER LES MOTIFS DE CE CONTROLE DANS UN PROCES-VERBAL LEQUEL MENTIONNE SOUS LA MEME SANCTION LES CONDITIONS

3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute

8

DANS LESQUELLES LA PERSONNE A ETE PRESENTEE DEVANT LEDIT OFFICIER INFORMEE DE SES DROITS ET MISE EN MESURE DE LES EXERCER

rdquo VU LESDITS ARTICLES ATTENDU DrsquoUNE PART QUrsquoAUX TERMES DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE

PROCEDURE PENALE LrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE PEUT ETRE CONTROLEE DANS DES LIEUX DETERMINES LA OU LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS SE TROUVE IMMEDIATEMENT MENACEE

ATTENDU DrsquoAUTRE PART QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR DES MOTIFS

PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE KANDE A ETE INTERPELLE LE 14

OCTOBRE 1983 A 10 HEURES A LA STATION STALINGRAD DU METROPOLITAIN DE PARIS PAR DES GARDIENS DE LA PAIX AGISSANT SUR LES INSTRUCTIONS DE LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE CHARGE DU SERVICE DE PROTECTION DE LA R A T P

QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET PORTEUR DrsquoUN TITRE DE SEJOUR IRREGULIER QUrsquoIL A ETE AINSI POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR AVOIR

PENETRE OU SEJOURNE EN FRANCE SANS SE CONFORMER AUX DISPOSITIONS LEGALES DELIT PREVU ET REPRIME PAR LrsquoARTICLE 19 DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 MODIFIEE PAR LA LOI DU 29 OCTOBRE 1981

ATTENDU QUE POUR REJETER LES CONCLUSIONS DU PREVENU FAISANT VALOIR

LrsquoILLEGALITE DU CONTROLE DrsquoIDENTITE ET LA NULLITE DE LA PROCEDURE SUBSEQUENTE LA COUR DrsquoAPPEL SE BORNE A ENONCER QUE ldquoLA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE A CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS EST IMMEDIATEMENT MENACEErdquo

QUrsquoELLE EN DEDUIT QUE LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE A ETE EFFECTUE

CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

MAIS ATTENDU QUrsquoEN LrsquoETAT DE CE SEUL MOTIF DrsquoORDRE GENERAL ET QUI NE SE

REFERE A AUCUN ELEMENT DE LA PROCEDURE LA COUR DrsquoAPPEL QUI NrsquoA PAS PRECISE EN QUOI LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE A LA STATION STALINGRAD LORSQUE LES SERVICES DE POLICE ONT PROCEDE AU CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 A 10 HEURES NrsquoA PAS JUSTIFIE SA DECISION AU REGARD DU TEXTE SUSVISE

DrsquoOU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF PAR CES MOTIFS ET SANS QUrsquoIL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE SECOND MOYEN CASSE ET

ANNULE LrsquoARRET SUSVISE DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983

Publication Bulletin criminel 1984 Ndeg 287

9

Ndeg de pourvoi 84-92916 Publieacute au bulletin

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A PLACE LrsquoACTION DES

GARDIENS DE LA PAIX DANS LE CADRE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE SOUMIS AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ALORS QUrsquoILS AGISSAIENT DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 EN DEMANDANT A VUCKOVIC DE LEUR PRESENTER LES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS IL ETAIT AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCErdquo

SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 593 DU

CODE DE PROCEDURE PENALE ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE NrsquoA PAS REPONDU AUX REQUISITIONS DU MINISTERE PUBLIC SOUTENANT QUrsquoIL SrsquoAGISSAIT EN LrsquoESPECE NON PAS DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE REALISE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE MAIS DrsquoUNE VERIFICATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS UN ETRANGER EST AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE REALISEE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 REGLEMENTANT LES CONDITIONS DrsquoENTREE ET LE SEJOUR DES ETRANGERSrdquo

CES MOYENS ETANT REUNIS ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE VUCKOVIC A ETE INTERPELLE SUR

UN QUAI DE GARE PAR DES GARDIENS DE LA PAIX QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET EN SEJOUR IRREGULIER SUR LE TERRITOIRE

FRANCAIS QUrsquoIL A ETE POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR INFRACTION

A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS ATTENDU QUE POUR ECARTER IMPLICITEMENT LrsquoARGUMENTATION DU REPRESENTANT

DU MINISTERE PUBLIC QUI SOUTENAIT QUE LES SERVICES DE POLICE AVAIENT PU PROCEDER A LrsquoINTERPELLATION DE VUCKOVIC UNIQUEMENT EN VERTU DE LrsquoARTICLE 1ER DU DECRET DU 18 MARS 1946 ET DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 PRIS EN APPLICATION DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 LA COUR DrsquoAPPEL RELEVE QUE LES GARDIENS DE LA PAIX ONT EFFECTUE A LrsquoEGARD DU PREVENU UN CONTROLE DrsquoIDENTITE AU TITRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE TEL QUE PREVU PAR LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

ATTENDU QUrsquoEN STATUANT AINSI LA COUR DrsquoAPPEL NrsquoA AUCUNEMENT VIOLE LES

TEXTES VISES AU MOYEN QUrsquoEN EFFET POUR QUE LES AGENTS DE LrsquoAUTORITE AIENT LA FACULTE DE REQUERIR

LA PRESENTATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS LES ETRANGERS SONT AUTORISES A SEJOURNER EN FRANCE IL FAUT QUE DES ELEMENTS OBJECTIFS DEDUITS DE CIRCONSTANCES EXTERIEURES A LA PERSONNE MEME DE LrsquoINTERESSE SOIENT DE NATURE A FAIRE APPARAITRE SA QUALITE DrsquoETRANGER

4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC

10

QUrsquoEN LrsquoABSENCE DE TELS ELEMENTS LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DOIT ETRE

PREALABLEMENT EFFECTUE SOUS LES CONDITIONS ET DANS LES FORMES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE

DrsquoOU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES (hellip)

Ndeg de pourvoi 92-83352 Publieacute au bulletin REJET du pourvoi formeacute par le procureur geacuteneacuteral

pregraves la cour drsquoappel de Paris contre lrsquoarrecirct de la chambre drsquoaccusation de ladite Cour en date du 27 mai 1992 qui dans la proceacutedure suivie contre Yvon ou Yvan Bassilika pour infractions agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers a prononceacute la nulliteacute des actes de lrsquoinformation et apregraves avoir eacutevoqueacute a constateacute qursquoil ne restait rien sur quoi instruire

LA COUR Vu le meacutemoire produit Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 78-2 alineacutea 2 et 593

alineacuteas 1 et 2 du Code de proceacutedure peacutenale fausse application contradiction de motifs deacutefaut de reacuteponse aux reacutequisitions du ministegravere public

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoYvon Bassilika a eacuteteacute interpelleacute le 23 deacutecembre 1991 agrave

15 heures 15 aux abords de la gare de Villepinte (Seine-Saint-Denis) par des gardiens de la paix agissant sur les instructions permanentes de lrsquoofficier de police judiciaire chef de la circonscription de police urbaine qursquoil srsquoest reacuteveacuteleacute ecirctre eacutetranger et deacutepourvu de titre de seacutejour qursquoune information a eacuteteacute ouverte contre lui pour infraction agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers sur la base des articles 5 16 19 et 27 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945

Attendu que saisie par le juge drsquoinstruction en application de lrsquoarticle 171 du Code de proceacutedure peacutenale la chambre drsquoaccusation pour prononcer la nulliteacute du procegraves-verbal base des poursuites et des actes drsquoinformation subseacutequents constate que pour justifier lrsquointerpellation de Bassilika puis le controcircle de son identiteacute les agents de la force publique se sont borneacutes agrave eacutenoncer que ldquocirculant aux abords de la gare de Villepinte lieu propice aux vols agrave la roulotte ldquo ils ont remarqueacute ldquo deux individus srsquoexprimant en une langue eacutetrangegravere ldquo

Attendu qursquoen prononccedilant ainsi la chambre drsquoaccusation qui a reacutepondu comme elle le devait aux reacutequisitions du ministegravere public loin de meacuteconnaicirctre le sens et la porteacutee des textes viseacutes au moyen en a fait lrsquoexacte application

Qursquoen effet lrsquoapplication de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 2 du Code de proceacutedure peacutenale est subordonneacutee agrave la preacutevention ldquo drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public ldquo qui soit directement rattachable au comportement de la personne dont lrsquoidentiteacute est controcircleacutee

Qursquoil srsquoensuit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli

5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika

11

Et attendu que lrsquoarrecirct est reacutegulier en la forme REJETTE le pourvoi Publication Bulletin criminel 1992 Ndeg 370 p 1024 Dalloz 21 janvier 1993 ndeg 3 p 36 note D MAYER

LE CONSEIL CONSTITUTIONNELVu la Constitution Vu la Convention dapplication de laccord de

Schengen signeacutee le 19 juin 1990 Vu lordonnance ndeg 58-1067 du 7 novembre 1958

modifieacutee portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

Vu le code de proceacutedure peacutenale notamment son article 78-2

Le rapporteur ayant eacuteteacute entendu Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine deacutefegraverent au Conseil constitutionnel la loi relative

aux controcircles et veacuterifications didentiteacute dans son ensemble en faisant valoir que larticle 1er de cette loi meacuteconnaicirctrait diffeacuterents principes et regravegles de valeur constitutionnelle et que les autres dispositions de ladite loi eacutenonceacutees agrave ses articles 2 et 3 sont inseacuteparables de larticle 1er

Consideacuterant que larticle 1er de la loi insegravere dans larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale un sixiegraveme un septiegraveme et un huitiegraveme alineacuteas lesquels remplacent le sixiegraveme alineacutea actuellement en vigueur

- SUR LE SIXIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cet alineacutea preacutevoit un cas suppleacutementaire dans lequel peuvent ecirctre engageacutees des

proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique pour la recherche et la poursuite dinfractions dans des lieux et pour une peacuteriode de temps qui doivent ecirctre preacuteciseacutes par ce magistrat quil indique que le fait que de tels controcircles didentiteacute reacutevegravelent des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Consideacuterant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette derniegravere preacutecision meacuteconnaicirct la liberteacute individuelle et sa protection par lautoriteacute judiciaire que garantit larticle 66 de la Constitution degraves lors que la prise en compte dinfractions qui ne seraient pas eacutenonceacutees a priori par le procureur de la Reacutepublique prive selon eux lautoriteacute judiciaire de toute maicirctrise effective de lopeacuteration

Consideacuterant quil appartient au leacutegislateur dassurer la conciliation entre dune part lexercice des liberteacutes constitutionnellement garanties et dautre part les besoins de la recherche des auteurs dinfractions qui sont neacutecessaires lun et lautre agrave la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle quil incombe agrave lautoriteacute judiciaire conformeacutement agrave larticle 66 de la Constitution dexercer un controcircle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par lesquelles le leacutegislateur a entendu assurer cette conciliation

Consideacuterant que le leacutegislateur a confieacute au procureur de la Reacutepublique magistrat de lordre judiciaire la responsabiliteacute de deacutefinir preacuteciseacutement les conditions dans lesquelles les proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute quil prescrit doivent ecirctre effectueacutees que la circonstance que le deacuteroulement de ces opeacuterations conduise les autoriteacutes de police judiciaire agrave relever des infractions qui nauraient pas eacuteteacute viseacutees preacutealablement par ce magistrat ne saurait eu eacutegard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions priver ces autoriteacutes des pouvoirs quelles tiennent de faccedilon geacuteneacuterale des dispositions du code de proceacutedure peacutenale que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code notamment agrave leacutegard du procureur de la Reacutepublique que degraves lors les garanties attacheacutees au respect de la liberteacute individuelle sous le controcircle de lautoriteacute judiciaire ne sont pas meacuteconnues quainsi le grief invoqueacute doit ecirctre eacutecarteacute

- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute

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Consideacuterant que cet alineacutea reprend des dispositions deacutejagrave en vigueur en vertu desquelles un controcircle didentiteacute peut ecirctre opeacutereacute selon les mecircmes modaliteacutes que dans les autres cas pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens en ajoutant la preacutecision nouvelle selon laquelle peut ecirctre controcircleacutee lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement

Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant agrave autoriser des controcircles didentiteacute sans que soient justifieacutes les motifs de lopeacuteration effectueacutee porte une atteinte excessive agrave la liberteacute individuelle en la privant de garanties leacutegales

Consideacuterant que la preacutevention datteintes agrave lordre public notamment datteintes agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens est neacutecessaire agrave la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle que toutefois la pratique de controcircles didentiteacute geacuteneacuteraliseacutes et discreacutetionnaires serait incompatible avec le respect de la liberteacute individuelle que sil est loisible au leacutegislateur de preacutevoir que le controcircle didentiteacute dune personne peut ne pas ecirctre lieacute agrave son comportement il demeure que lautoriteacute concerneacutee doit justifier dans tous les cas des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque datteinte agrave lordre public qui a motiveacute le controcircle que ce nest que sous cette reacuteserve dinterpreacutetation que le leacutegislateur peut ecirctre regardeacute comme nayant pas priveacute de garanties leacutegales lexistence de liberteacutes constitutionnellement garanties

Consideacuterant quil appartient aux autoriteacutes administratives et judiciaires de veiller au respect inteacutegral de lensemble des conditions de forme et de fond poseacutees par le leacutegislateur quen particulier il incombe aux tribunaux compeacutetents de censurer et de reacuteprimer les illeacutegaliteacutes qui seraient commises et de pourvoir eacuteventuellement agrave la reacuteparation de leurs conseacutequences dommageables quainsi il revient agrave lautoriteacute judiciaire gardienne de la liberteacute individuelle de controcircler en particulier les conditions relatives agrave la leacutegaliteacute agrave la reacutealiteacute et agrave la pertinence des raisons ayant motiveacute les opeacuterations de controcircle et de veacuterification didentiteacute quagrave cette fin il lui appartient dappreacutecier sil y a lieu le comportement des personnes concerneacutees

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cette disposition autorise le controcircle de lidentiteacute de toute personne en vue de

veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux mais encore dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en deccedilagrave que cette distance peut ecirctre porteacutee jusquagrave quarante kilomegravetres par arrecircteacute interministeacuteriel dans des conditions agrave preacutevoir par deacutecret en Conseil dEtat

Consideacuterant que larticle 3 de la loi deacutefeacutereacutee preacutevoit que les dispositions de cet alineacutea ne prendront effet quagrave la date dentreacutee en vigueur de ladite Convention

Consideacuterant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alineacutea imposent agrave la liberteacute individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties leacutegales quelles meacuteconnaissent les principes deacutegaliteacute devant la loi et dindivisibiliteacute de la Reacutepublique dans la mesure ougrave elles imposent agrave certaines personnes sans justification approprieacutee des contraintes particuliegraveres lieacutees agrave leurs attaches avec certaines parties du territoire franccedilais quils ajoutent quen reconnaissant au pouvoir reacuteglementaire la latitude daccroicirctre tregraves sensiblement les zones concerneacutees le leacutegislateur a meacuteconnu sa propre compeacutetence

Consideacuterant que les stipulations de la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 suppriment les controcircles aux frontiegraveres inteacuterieures concernant les personnes sauf pour une peacuteriode limiteacutee lorsque lordre public ou la seacutecuriteacute nationale lexigent que le leacutegislateur a estimeacute que par les dispositions contesteacutees il prenait dans le cadre de lapplication de ces stipulations des mesures neacutecessaires agrave la recherche des auteurs dinfractions et agrave la preacutevention datteintes agrave lordre public

Consideacuterant que sagissant dune part des zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouvertes au trafic international dautre part de celles qui sont comprises entre les frontiegraveres terrestres de la France avec les Etats parties agrave la Convention et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave le leacutegislateur a degraves lors que certains controcircles aux frontiegraveres seraient supprimeacutes autoriseacute des controcircles didentiteacute que ceux-ci doivent ecirctre conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opeacuterations sont de maniegravere geacuteneacuterale soumises que ces controcircles sont effectueacutes en vue dassurer le respect des obligations preacutevues par la loi de deacutetention de port et de preacutesentation de titres et documents que les zones concerneacutees preacuteciseacutement deacutefinies dans leur nature et leur eacutetendue preacutesentent des risques particuliers dinfractions et datteintes agrave lordre public lieacutes agrave la circulation

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internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

14

personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

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Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 3: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

Article 78-1(Loi nordm 83-466 du 10 juin 1983 art 21 Journal

Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)

(Loi nordm 86-1004 du 3 septembre 1986 art 1 Journal Officiel du 4 septembre 1986)

(Loi nordm 93-992 du 10 aoucirct 1993 art 2 Journal Officiel du 11 aoucirct 1993)

(Loi nordm 99-291 du 15 avril 1999 art 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)

Lapplication des regravegles preacutevues par le preacutesent chapitre est soumise au controcircle des autoriteacutes judiciaires mentionneacutees aux articles 12 et 13

Toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se precircter agrave un controcircle didentiteacute effectueacute dans les conditions et par les autoriteacutes de police viseacutees aux articles suivants

Article 78-2(Loi nordm 83-466 du 10 juin 1983 art 21 Journal Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)

(Loi nordm 86-1004 du 3 septembre 1986 art 2 Journal Officiel du 4 septembre 1986)(Loi nordm 93-992 du 10 aoucirct 1993 art 1 et 2 Journal Officiel du 11 aoucirct 1993)(Loi nordm 93-1027 du 24 aoucirct 1993 art 34 Journal Officiel du 29 aoucirct 1993)(Loi nordm 97-396 du 24 avril 1997 art 18 Journal Officiel du 25 avril 1997)(Loi nordm 99-291 du 15 avril 1999 art 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)

(Loi nordm 2003-239 du 18 mars 2003 art 10 Journal Officiel du 19 mars 2003)(Loi nordm 2003-239 du 18 mars 2003 art 143 Journal Officiel du 19 mars 2003)

(Loi nordm 2003-1119 du 26 novembre 2003 art 81 Journal Officiel du 27 novembre 2003)(Loi nordm 2006-64 du 23 janvier 2006 art 3 Journal Officiel du 24 janvier 2006)

(Loi nordm 2006-911 du 24 juillet 2006 art 113 I Journal Officiel du 25 juillet 2006) Les officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci les

agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21-1ordm peuvent inviter agrave justifier par tout moyen de son identiteacute toute personne agrave leacutegard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupccedilonner - quelle a commis ou tenteacute de commettre une infraction - ou quelle se preacutepare agrave commettre un crime ou un deacutelit - ou quelle est susceptible de fournir des renseignements utiles agrave lenquecircte en cas de crime ou de deacutelit - ou quelle fait lobjet de recherches ordonneacutees par une autoriteacute judiciaire Sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique aux fins de recherche et de poursuite dinfractions quil preacutecise lidentiteacute de toute personne peut ecirctre eacutegalement controcircleacutee selon les mecircmes modaliteacutes dans les lieux et pour une peacuteriode de temps deacutetermineacutes par ce magistrat Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens

1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute

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[NB cet alineacutea 4 a eacuteteacute modifieacute par la Loppsi 2 suite agrave lrsquoaffaire Melki et Abdeli ndash v infra] Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel nordm 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel nordm 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Dans une zone comprise entre les frontiegraveres terrestres ou le littoral du deacutepartement de la Guyane et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en-deccedilagrave et sur une ligne traceacutee agrave cinq kilomegravetres de part et dautre ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire de la commune de Reacutegina lidentiteacute de toute personne peut ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi

Pendant cinq ans agrave compter de la publication de la loi nordm 2006-911 du 24 juillet 2006 relative agrave limmigration et agrave linteacutegration lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea du preacutesent article en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi

1ordm En Guadeloupe dans une zone comprise entre le littoral et une ligne traceacutee agrave un kilomegravetre en deccedilagrave ainsi que dans une zone dun kilomegravetre de part et dautre dune part de la route nationale 1 sur le territoire des communes de Basse-Terre Gourbeyre et Trois-Riviegraveres et dautre part de la route nationale 4 sur le territoire des communes du Gosier et de Sainte-Anne et Saint-Franccedilois

2ordm A Mayotte dans une zone comprise entre le littoral et une ligne traceacutee agrave un kilomegravetre en deccedilagrave

NOTA (1) Loi 2006-64 du 23 janvier 2006 art 32 Les dispositions induites par larticle 3 sont applicables jusquau 31 deacutecembre 2008

(hellip)

Article 78-3(Loi nordm 83-466 du 10 juin 1983 art 21 Journal Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)

(Loi nordm 86-1004 du 3 septembre 1986 art 3 Journal Officiel du 4 septembre 1986)

4

(Loi nordm 93-2 du 4 janvier 1993 art 162 Journal Officiel du 5 janvier 1993 en vigueur le 1er mars 1993)

(Loi nordm 93-992 du 10 aoucirct 1993 art 2 Journal Officiel du 11 aoucirct 1993)(Loi nordm 93-1013 du 24 aoucirct 1993 art 20 Journal Officiel du 25 aoucirct 1993 en vigueur le 2 septembre

1993)(Loi nordm 99-291 du 15 avril 1999 art 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)

(Loi nordm 2006-911 du 24 juillet 2006 art 114 Journal Officiel du 25 juillet 2006) Si linteacuteresseacute refuse ou se trouve dans limpossibiliteacute de justifier de son identiteacute il peut en

cas de neacutecessiteacute ecirctre retenu sur place ou dans le local de police ougrave il est conduit aux fins de veacuterification de son identiteacute Dans tous les cas il est preacutesenteacute immeacutediatement agrave un officier de police judiciaire qui le met en mesure de fournir par tout moyen les eacuteleacutements permettant deacutetablir son identiteacute et qui procegravede sil y a lieu aux opeacuterations de veacuterification neacutecessaires Il est aussitocirct informeacute par celui-ci de son droit de faire aviser le procureur de la Reacutepublique de la veacuterification dont il fait lobjet et de preacutevenir agrave tout moment sa famille ou toute personne de son choix Si des circonstances particuliegraveres lexigent lofficier de police judiciaire preacutevient lui-mecircme la famille ou la personne choisie

Lorsquil sagit dun mineur de dix-huit ans le procureur de la Reacutepublique doit ecirctre informeacute degraves le deacutebut de la reacutetention Sauf impossibiliteacute le mineur doit ecirctre assisteacute de son repreacutesentant leacutegal

La personne qui fait lobjet dune veacuterification ne peut ecirctre retenue que pendant le temps strictement exigeacute par leacutetablissement de son identiteacute La reacutetention ne peut exceacuteder quatre heures ou huit heures agrave Mayotte agrave compter du controcircle effectueacute en application de larticle 78-2 et le procureur de la Reacutepublique peut y mettre fin agrave tout moment

Si la personne interpelleacutee maintient son refus de justifier de son identiteacute ou fournit des eacuteleacutements didentiteacute manifestement inexacts les opeacuterations de veacuterification peuvent donner lieu apregraves autorisation du procureur de la Reacutepublique ou du juge dinstruction agrave la prise dempreintes digitales ou de photographies lorsque celle-ci constitue lunique moyen deacutetablir lidentiteacute de linteacuteresseacute

La prise dempreintes ou de photographies doit ecirctre mentionneacutee et speacutecialement motiveacutee dans le procegraves-verbal preacutevu ci-apregraves

Lofficier de police judiciaire mentionne dans un procegraves-verbal les motifs qui justifient le controcircle ainsi que la veacuterification didentiteacute et les conditions dans lesquelles la personne a eacuteteacute preacutesenteacutee devant lui informeacutee de ses droits et mise en demeure de les exercer Il preacutecise le jour et lheure agrave partir desquels le controcircle a eacuteteacute effectueacute le jour et lheure de la fin de la reacutetention et la dureacutee de celle-ci

Ce procegraves-verbal est preacutesenteacute agrave la signature de linteacuteresseacute Si ce dernier refuse de le signer mention est faite du refus et des motifs de celui-ci

Le procegraves-verbal est transmis au procureur de la Reacutepublique copie en ayant eacuteteacute remise agrave linteacuteresseacute dans le cas preacutevu par lalineacutea suivant

Si elle nest suivie agrave leacutegard de la personne qui a eacuteteacute retenue daucune proceacutedure denquecircte ou dexeacutecution adresseacutee agrave lautoriteacute judiciaire la veacuterification didentiteacute ne peut donner lieu agrave une mise en meacutemoire sur fichiers et le procegraves-verbal ainsi que toutes les piegraveces se rapportant agrave la veacuterification sont deacutetruits dans un deacutelai de six mois sous le controcircle du procureur de la Reacutepublique

Dans le cas ougrave il y a lieu agrave proceacutedure denquecircte ou dexeacutecution adresseacutee agrave lautoriteacute judiciaire et assortie du maintien en garde agrave vue la personne retenue doit ecirctre aussitocirct informeacutee de son droit de faire aviser le procureur de la Reacutepublique de la mesure dont elle fait lobjet

Les prescriptions eacutenumeacutereacutees au preacutesent article sont imposeacutees agrave peine de nulliteacute

5

REJET DU POURVOI DE X (OLIVIER) PARTIE CIVILE CONTRE UN ARRET DE LA CHAMBRE DACCUSATION DE LA COUR DAPPEL DE PARIS EN DATE DU 11 JANVIER 1972 QUI DANS UNE INFORMATION SUIVIE CONTRE X DES CHEFS DARRESTATION ET SEQUESTRATION ARBITRAIRES A CONFIRME LORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE DINSTRUCTION LA COUR

VU LE MEMOIRE PRODUIT (hellip)

AU FOND SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LARTICLE 7 DE LA DECLARATION DES DROITS DE LHOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOUT 1789 DE LARTICLE 66 DE LA CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DES ARTICLES 114 ET SUIVANTS 341 DU CODE PENAL DES ARTICLES 30 53 ET SUIVANTS 61 77 575 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE DE LARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964 ET DE LARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810 POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE EN CE QUE LARRET ATTAQUE A PRONONCE UN NON-LIEU DES CHEFS DATTENTAT A LA LIBERTE DARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES

AUX MOTIFS QUE LES MESURES DENONCEES PAR LA PARTIE CIVILE - ET DONT LA MATERIALITE NEST PAS CONTESTEE - ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE PAR LARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964

QUE CES MESURES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE LORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX

QUEN CONSEQUENCE LINTERPELLATION DE X PUIS LA CONTRAINTE TEMPORAIRE SUBIE PAR LUI DANS UN CENTRE AFFECTE A CET USAGE PENDANT LES VERIFICATIONS DIDENTITE QUI SAVERAIENT NECESSAIRES AYANT ETE PRATIQUEES EN LESPECE DANS LE CHAMP DAPPLICATION DES POUVOIRS DE POLICE DU MAINTIEN DE LORDRE ET EN CONFORMITE AUX REGLES EN USAGE DONC DANS DES CONDITIONS EXCLUSIVES DE TOUTE INTENTION COUPABLE LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DES INFRACTIONS VISEES AU REQUISITOIRE INTRODUCTIF NE SONT PAS REUNIS

ALORS DUNE PART QUAUCUN POUVOIR DE POLICE ADMINISTRATIVE NE PERMET AU PREFET DE POLICE OU AUX FONCTIONNAIRES QUI DEPENDENT DE LUI DARRETER ET DE DETENIR UN CITOYEN FRANCAIS ET ALORS DAUTRE PART QUE LE FAIT POUR UN POLICIER MEME SIL PRETEND AGIR EN VUE DE MAINTENIR LORDRE DARRETER ET DE PRIVER DE LIBERTE UN CITOYEN FRANCAIS CONSTITUE LE CRIME DATTENTAT A LA LIBERTE

QUE LELEMENT INTENTIONNEL DE CE CRIME RESULTE DE CE QUE LE POLICIER PEUT ET DOIT CONNAITRE LILLEGALITE MANIFESTE DUNE ARRESTATION ET DUNE DETENTION INSUSCEPTIBLES DETRE JUSTIFIEES PAR UN TEXTE LEGAL ET CONTRAIRES AUX DISPOSITIONS AUSSI FONDAMENTALES QUELEMENTAIRES DE LA CONSTITUTION

ATTENDU QUUNE INFORMATION OUVERTE CONTRE X DU CHEF DARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES SUR PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE X OLIVIER A ETE CLOSE PAR UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU DONT LE DEMANDEUR A RELEVE APPEL

ATTENDU QUE STATUANT SUR CET APPEL LA CHAMBRE DACCUSATION EXPOSE DANS LARRET ATTAQUE 1deg QUE DIVERS GROUPEMENTS DE TENDANCES CONTRAIRES AYANT ANNONCE QUILS PROCEDERAIENT DANS LA JOURNEE DU 26 FEVRIER 1970 A DES DEMONSTRATIONS PUBLIQUES LE PREFET DE POLICE AVAIT ETE AMENE A INTERDIRE UNE REUNION DU MOUVEMENT ORDRE NOUVEAU PREVUE AU PALAIS DE LA MUTUALITE AINSI

2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel

6

QUE DES MANIFESTATIONS DE RUES AUXQUELLES LUNION NATIONALE DES ETUDIANTS DE FRANCE ET UN COMITE NATIONAL DE GREVE DES ETUDIANTS DE PARIS ENTENDAIENT SE LIVRER

2deg QUE POUR EVITER DEVENTUELS AFFRONTEMENTS PREJUDICIABLES A LORDRE PUBLIC UN IMPORTANT SERVICE DORDRE AVAIT ETE MIS EN PLACE NOTAMMENT RUE SOUFFLOT DONT LES MEMBRES GARDIENS DE LA PAIX OU MILITAIRES DE LA GENDARMERIE MOBILE AVAIENT POUR MISSION DEVITER LE REGROUPEMENT DE NOMBREUX JEUNES GENS QUI SAMASSAIENT RUE SOUFFLOT ET A SES ABORDS

3deg QUE DANS LE CADRE DE CETTE MISSION QUI AMENAIT LE SERVICE DORDRE A CONTROLER LIDENTITE DES PASSANTS X AVAIT ETE INTERPELLE VERS 15 HEURES PAR UN POLICIER EN UNIFORME AUQUEL IL AVAIT PRESENTE UNE CARTE DIDENTITE NATIONALE

4deg QUE CETTE CARTE DIDENTITE COMPORTANT COMME LE PRECISE LARRET UNE PHOTOGRAPHIE QUI NE PARAISSAIT PAS CORRESPONDRE AU VISAGE DE X CE DERNIER AVAIT ETE CONDUIT AU CENTRE BEAUJON POUR EXAMEN PLUS APPROFONDI DE SA SITUATION

5deg QUENFIN APRES QUUN CLICHE PHOTOGRAPHIQUE EUT ETE PRIS ET QUE LES VERIFICATIONS DARCHIVES ET DE DOMICILE AIENT ETE EFFECTUEES X AVAIT ETE RELACHE LE 27 FEVRIER A 0H55

ATTENDU QUEN CET ETAT CEST A TORT ET PAR SUITE DUNE ERREUR DE DROIT QUIL CONVIENT DE CENSURER QUE LA CHAMBRE DACCUSATION A CONFIRME LORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE DINSTRUCTION AUX MOTIFS QUE LES MESURES INCRIMINEES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE LORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX ET QUE LESDITES MESURES ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE

QUEN EFFET LES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE SILS PERMETTENT QUAND DES CIRCONSTANCES PARTICULIERES LEXIGENT DE PROCEDER A DES VERIFICATIONS DIDENTITE NAUTORISENT PAS A RETENIR FUT-CE PROVISOIREMENT DES PERSONNES QUI NONT COMMIS AUCUNE INFRACTION OU QUI NE SONT PAS SOUPCONNEES DEN AVOIR COMMIS

QUE DAUTRE PART LA COUR NE POUVAIT COMME ELLE LA FAIT ECARTER TOUTE INTENTION COUPABLE AU SEUL MOTIF DE REGLES EN USAGE QUI MEME SI ELLES EXISTAIENT NE POURRAIENT CONSTITUER UNE CAUSE DE JUSTIFICATION OU UNE EXCUSE QUE LA LOI NE PREVOIT PAS

MAIS ATTENDU QUE LA COUR DE CASSATION A LE POUVOIR DE SUBSTITUER UN MOTIF DE PUR DROIT A UN MOTIF ERRONE OU INOPERANT SUR LEQUEL SE FONDE UNE DECISION ATTAQUEE ET DE JUSTIFIER AINSI LADITE DECISION

- QUE DANS LA PRESENTE ESPECE ELLE EST EN MESURE DE SASSURER QUAPRES AVOIR ETE REGULIEREMENT INTERPELLE EN VUE DUN CONTROLE DIDENTITE QUE LES CIRCONSTANCES JUSTIFIAIENT X A ETE MAINTENU TEMPORAIREMENT A LA DISPOSITION DES SERVICES DE POLICE A LOCCASION DUNE RECHERCHE DE POLICE JUDICIAIRE

QUIL SE DEDUIT EN EFFET DES CONSTATATIONS SOUVERAINES DE LARRET QUE LA CARTE DIDENTITE DETENUE PAR X TELLE QUELLE EST DECRITE PAR LA COUR ET QUI A ETE PRESENTEE A LA POLICE ETAIT SUSPECTE ET QUE SA POSSESSION LAISSAIT PRESUMER QUE DES INFRACTIONS POUVAIENT AVOIR ETE COMMISES

- QUAINSI LES SERVICES DE POLICE EN GARDANT X A LEUR DISPOSITION DU 26 FEVRIER A 15 HEURES AU 27 FEVRIER A 0H55 SOIT PENDANT DIX HEURES NONT PAS EXCEDE LES POUVOIRS QUE LEUR CONFERAIENT LES ARTICLES 53 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET SPECIALEMENT LES ARTICLES 61 PARAGRAPHE 2 ET 63 DUDIT CODE LE PREMIER DISPOSANT

7

QUE TOUTE PERSONNE DONT IL APPARAIT NECESSAIRE AU COURS DE RECHERCHES JUDICIAIRES DETABLIR OU DE VERIFIER LIDENTITE DOIT A LA DEMANDE DE LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE OU DE LUN DES AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE ENUMERES A LARTICLE 20 SE PRETER AUX OPERATIONS QUEXIGE CETTE MESURE - LE SECOND AUTORISANT LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE A GARDER A SA DISPOSITION POUR LES NECESSITES DE LENQUETE UNE OU PLUSIEURS DES PERSONNES VISEES AUX ARTICLES 61 ET 62 A LA CONDITION DE NE PAS LES RETENIR PLUS DE VINGT-QUATRE HEURES

QUIL SENSUIT QUELQUE REGRETTABLE QUE SOIT LERREUR DE DROIT COMMISE PAR LA CHAMBRE DACCUSATION QUE LE MOYEN DOIT ETRE REJETE

REJETTE LE POURVOI

Ndeg de pourvoi 83-94341 Publieacute au bulletin

STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR - KANDE ABDOULAYE - CONTRE UN ARRET

DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS DIXIEME CHAMBRE EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983 QUI POUR INFRACTION A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS A ORDONNE SA RECONDUITE A LA FRONTIERE AVEC EXECUTION PROVISOIRE

VU LE MEMOIRE PRODUIT SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 78-2 78-3

174 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE

rdquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A REFUSE DrsquoANNULER LA PROCEDURE A COMPTER DE

LrsquoINTERPELLATION DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 rdquoAUX MOTIFS QUE LA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRAIENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE AVAIT CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIAIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE

QUrsquoAU COURS DE CE CONTROLE KANDE AVAIT FAIT CONNAITRE SON IDENTITE DE

TELLE SORTE QUE LES FORMALITES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-3 ET SUIVANTS DE LA LOI DU 10 JUIN 1983 NrsquoETAIENT PAS APPLICABLES

rdquoALORS QUE DrsquoUNE PART LA PRETENDUE FREQUENCE DES INFRACTIONS DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN NE PEUT PAS CONSTITUER LA ldquoMENACE IMMEDIATErdquo EXIGEE PAR LA LOI ndeg 83-466 DU 10 JUIN 1983 POUR AUTORISER LES CONTROLES DrsquoIDENTITE

rdquoALORS QUE DrsquoAUTRE PART LORSQUE A LA SUITE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE UNE

PERSONNE EST RETENUE POUR QUELQUE CAUSE QUE CE SOIT LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE DOIT A PEINE DE NULLITE EXPOSER LES MOTIFS DE CE CONTROLE DANS UN PROCES-VERBAL LEQUEL MENTIONNE SOUS LA MEME SANCTION LES CONDITIONS

3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute

8

DANS LESQUELLES LA PERSONNE A ETE PRESENTEE DEVANT LEDIT OFFICIER INFORMEE DE SES DROITS ET MISE EN MESURE DE LES EXERCER

rdquo VU LESDITS ARTICLES ATTENDU DrsquoUNE PART QUrsquoAUX TERMES DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE

PROCEDURE PENALE LrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE PEUT ETRE CONTROLEE DANS DES LIEUX DETERMINES LA OU LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS SE TROUVE IMMEDIATEMENT MENACEE

ATTENDU DrsquoAUTRE PART QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR DES MOTIFS

PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE KANDE A ETE INTERPELLE LE 14

OCTOBRE 1983 A 10 HEURES A LA STATION STALINGRAD DU METROPOLITAIN DE PARIS PAR DES GARDIENS DE LA PAIX AGISSANT SUR LES INSTRUCTIONS DE LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE CHARGE DU SERVICE DE PROTECTION DE LA R A T P

QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET PORTEUR DrsquoUN TITRE DE SEJOUR IRREGULIER QUrsquoIL A ETE AINSI POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR AVOIR

PENETRE OU SEJOURNE EN FRANCE SANS SE CONFORMER AUX DISPOSITIONS LEGALES DELIT PREVU ET REPRIME PAR LrsquoARTICLE 19 DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 MODIFIEE PAR LA LOI DU 29 OCTOBRE 1981

ATTENDU QUE POUR REJETER LES CONCLUSIONS DU PREVENU FAISANT VALOIR

LrsquoILLEGALITE DU CONTROLE DrsquoIDENTITE ET LA NULLITE DE LA PROCEDURE SUBSEQUENTE LA COUR DrsquoAPPEL SE BORNE A ENONCER QUE ldquoLA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE A CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS EST IMMEDIATEMENT MENACEErdquo

QUrsquoELLE EN DEDUIT QUE LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE A ETE EFFECTUE

CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

MAIS ATTENDU QUrsquoEN LrsquoETAT DE CE SEUL MOTIF DrsquoORDRE GENERAL ET QUI NE SE

REFERE A AUCUN ELEMENT DE LA PROCEDURE LA COUR DrsquoAPPEL QUI NrsquoA PAS PRECISE EN QUOI LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE A LA STATION STALINGRAD LORSQUE LES SERVICES DE POLICE ONT PROCEDE AU CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 A 10 HEURES NrsquoA PAS JUSTIFIE SA DECISION AU REGARD DU TEXTE SUSVISE

DrsquoOU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF PAR CES MOTIFS ET SANS QUrsquoIL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE SECOND MOYEN CASSE ET

ANNULE LrsquoARRET SUSVISE DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983

Publication Bulletin criminel 1984 Ndeg 287

9

Ndeg de pourvoi 84-92916 Publieacute au bulletin

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A PLACE LrsquoACTION DES

GARDIENS DE LA PAIX DANS LE CADRE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE SOUMIS AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ALORS QUrsquoILS AGISSAIENT DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 EN DEMANDANT A VUCKOVIC DE LEUR PRESENTER LES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS IL ETAIT AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCErdquo

SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 593 DU

CODE DE PROCEDURE PENALE ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE NrsquoA PAS REPONDU AUX REQUISITIONS DU MINISTERE PUBLIC SOUTENANT QUrsquoIL SrsquoAGISSAIT EN LrsquoESPECE NON PAS DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE REALISE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE MAIS DrsquoUNE VERIFICATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS UN ETRANGER EST AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE REALISEE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 REGLEMENTANT LES CONDITIONS DrsquoENTREE ET LE SEJOUR DES ETRANGERSrdquo

CES MOYENS ETANT REUNIS ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE VUCKOVIC A ETE INTERPELLE SUR

UN QUAI DE GARE PAR DES GARDIENS DE LA PAIX QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET EN SEJOUR IRREGULIER SUR LE TERRITOIRE

FRANCAIS QUrsquoIL A ETE POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR INFRACTION

A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS ATTENDU QUE POUR ECARTER IMPLICITEMENT LrsquoARGUMENTATION DU REPRESENTANT

DU MINISTERE PUBLIC QUI SOUTENAIT QUE LES SERVICES DE POLICE AVAIENT PU PROCEDER A LrsquoINTERPELLATION DE VUCKOVIC UNIQUEMENT EN VERTU DE LrsquoARTICLE 1ER DU DECRET DU 18 MARS 1946 ET DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 PRIS EN APPLICATION DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 LA COUR DrsquoAPPEL RELEVE QUE LES GARDIENS DE LA PAIX ONT EFFECTUE A LrsquoEGARD DU PREVENU UN CONTROLE DrsquoIDENTITE AU TITRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE TEL QUE PREVU PAR LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

ATTENDU QUrsquoEN STATUANT AINSI LA COUR DrsquoAPPEL NrsquoA AUCUNEMENT VIOLE LES

TEXTES VISES AU MOYEN QUrsquoEN EFFET POUR QUE LES AGENTS DE LrsquoAUTORITE AIENT LA FACULTE DE REQUERIR

LA PRESENTATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS LES ETRANGERS SONT AUTORISES A SEJOURNER EN FRANCE IL FAUT QUE DES ELEMENTS OBJECTIFS DEDUITS DE CIRCONSTANCES EXTERIEURES A LA PERSONNE MEME DE LrsquoINTERESSE SOIENT DE NATURE A FAIRE APPARAITRE SA QUALITE DrsquoETRANGER

4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC

10

QUrsquoEN LrsquoABSENCE DE TELS ELEMENTS LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DOIT ETRE

PREALABLEMENT EFFECTUE SOUS LES CONDITIONS ET DANS LES FORMES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE

DrsquoOU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES (hellip)

Ndeg de pourvoi 92-83352 Publieacute au bulletin REJET du pourvoi formeacute par le procureur geacuteneacuteral

pregraves la cour drsquoappel de Paris contre lrsquoarrecirct de la chambre drsquoaccusation de ladite Cour en date du 27 mai 1992 qui dans la proceacutedure suivie contre Yvon ou Yvan Bassilika pour infractions agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers a prononceacute la nulliteacute des actes de lrsquoinformation et apregraves avoir eacutevoqueacute a constateacute qursquoil ne restait rien sur quoi instruire

LA COUR Vu le meacutemoire produit Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 78-2 alineacutea 2 et 593

alineacuteas 1 et 2 du Code de proceacutedure peacutenale fausse application contradiction de motifs deacutefaut de reacuteponse aux reacutequisitions du ministegravere public

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoYvon Bassilika a eacuteteacute interpelleacute le 23 deacutecembre 1991 agrave

15 heures 15 aux abords de la gare de Villepinte (Seine-Saint-Denis) par des gardiens de la paix agissant sur les instructions permanentes de lrsquoofficier de police judiciaire chef de la circonscription de police urbaine qursquoil srsquoest reacuteveacuteleacute ecirctre eacutetranger et deacutepourvu de titre de seacutejour qursquoune information a eacuteteacute ouverte contre lui pour infraction agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers sur la base des articles 5 16 19 et 27 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945

Attendu que saisie par le juge drsquoinstruction en application de lrsquoarticle 171 du Code de proceacutedure peacutenale la chambre drsquoaccusation pour prononcer la nulliteacute du procegraves-verbal base des poursuites et des actes drsquoinformation subseacutequents constate que pour justifier lrsquointerpellation de Bassilika puis le controcircle de son identiteacute les agents de la force publique se sont borneacutes agrave eacutenoncer que ldquocirculant aux abords de la gare de Villepinte lieu propice aux vols agrave la roulotte ldquo ils ont remarqueacute ldquo deux individus srsquoexprimant en une langue eacutetrangegravere ldquo

Attendu qursquoen prononccedilant ainsi la chambre drsquoaccusation qui a reacutepondu comme elle le devait aux reacutequisitions du ministegravere public loin de meacuteconnaicirctre le sens et la porteacutee des textes viseacutes au moyen en a fait lrsquoexacte application

Qursquoen effet lrsquoapplication de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 2 du Code de proceacutedure peacutenale est subordonneacutee agrave la preacutevention ldquo drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public ldquo qui soit directement rattachable au comportement de la personne dont lrsquoidentiteacute est controcircleacutee

Qursquoil srsquoensuit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli

5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika

11

Et attendu que lrsquoarrecirct est reacutegulier en la forme REJETTE le pourvoi Publication Bulletin criminel 1992 Ndeg 370 p 1024 Dalloz 21 janvier 1993 ndeg 3 p 36 note D MAYER

LE CONSEIL CONSTITUTIONNELVu la Constitution Vu la Convention dapplication de laccord de

Schengen signeacutee le 19 juin 1990 Vu lordonnance ndeg 58-1067 du 7 novembre 1958

modifieacutee portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

Vu le code de proceacutedure peacutenale notamment son article 78-2

Le rapporteur ayant eacuteteacute entendu Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine deacutefegraverent au Conseil constitutionnel la loi relative

aux controcircles et veacuterifications didentiteacute dans son ensemble en faisant valoir que larticle 1er de cette loi meacuteconnaicirctrait diffeacuterents principes et regravegles de valeur constitutionnelle et que les autres dispositions de ladite loi eacutenonceacutees agrave ses articles 2 et 3 sont inseacuteparables de larticle 1er

Consideacuterant que larticle 1er de la loi insegravere dans larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale un sixiegraveme un septiegraveme et un huitiegraveme alineacuteas lesquels remplacent le sixiegraveme alineacutea actuellement en vigueur

- SUR LE SIXIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cet alineacutea preacutevoit un cas suppleacutementaire dans lequel peuvent ecirctre engageacutees des

proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique pour la recherche et la poursuite dinfractions dans des lieux et pour une peacuteriode de temps qui doivent ecirctre preacuteciseacutes par ce magistrat quil indique que le fait que de tels controcircles didentiteacute reacutevegravelent des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Consideacuterant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette derniegravere preacutecision meacuteconnaicirct la liberteacute individuelle et sa protection par lautoriteacute judiciaire que garantit larticle 66 de la Constitution degraves lors que la prise en compte dinfractions qui ne seraient pas eacutenonceacutees a priori par le procureur de la Reacutepublique prive selon eux lautoriteacute judiciaire de toute maicirctrise effective de lopeacuteration

Consideacuterant quil appartient au leacutegislateur dassurer la conciliation entre dune part lexercice des liberteacutes constitutionnellement garanties et dautre part les besoins de la recherche des auteurs dinfractions qui sont neacutecessaires lun et lautre agrave la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle quil incombe agrave lautoriteacute judiciaire conformeacutement agrave larticle 66 de la Constitution dexercer un controcircle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par lesquelles le leacutegislateur a entendu assurer cette conciliation

Consideacuterant que le leacutegislateur a confieacute au procureur de la Reacutepublique magistrat de lordre judiciaire la responsabiliteacute de deacutefinir preacuteciseacutement les conditions dans lesquelles les proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute quil prescrit doivent ecirctre effectueacutees que la circonstance que le deacuteroulement de ces opeacuterations conduise les autoriteacutes de police judiciaire agrave relever des infractions qui nauraient pas eacuteteacute viseacutees preacutealablement par ce magistrat ne saurait eu eacutegard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions priver ces autoriteacutes des pouvoirs quelles tiennent de faccedilon geacuteneacuterale des dispositions du code de proceacutedure peacutenale que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code notamment agrave leacutegard du procureur de la Reacutepublique que degraves lors les garanties attacheacutees au respect de la liberteacute individuelle sous le controcircle de lautoriteacute judiciaire ne sont pas meacuteconnues quainsi le grief invoqueacute doit ecirctre eacutecarteacute

- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute

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Consideacuterant que cet alineacutea reprend des dispositions deacutejagrave en vigueur en vertu desquelles un controcircle didentiteacute peut ecirctre opeacutereacute selon les mecircmes modaliteacutes que dans les autres cas pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens en ajoutant la preacutecision nouvelle selon laquelle peut ecirctre controcircleacutee lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement

Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant agrave autoriser des controcircles didentiteacute sans que soient justifieacutes les motifs de lopeacuteration effectueacutee porte une atteinte excessive agrave la liberteacute individuelle en la privant de garanties leacutegales

Consideacuterant que la preacutevention datteintes agrave lordre public notamment datteintes agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens est neacutecessaire agrave la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle que toutefois la pratique de controcircles didentiteacute geacuteneacuteraliseacutes et discreacutetionnaires serait incompatible avec le respect de la liberteacute individuelle que sil est loisible au leacutegislateur de preacutevoir que le controcircle didentiteacute dune personne peut ne pas ecirctre lieacute agrave son comportement il demeure que lautoriteacute concerneacutee doit justifier dans tous les cas des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque datteinte agrave lordre public qui a motiveacute le controcircle que ce nest que sous cette reacuteserve dinterpreacutetation que le leacutegislateur peut ecirctre regardeacute comme nayant pas priveacute de garanties leacutegales lexistence de liberteacutes constitutionnellement garanties

Consideacuterant quil appartient aux autoriteacutes administratives et judiciaires de veiller au respect inteacutegral de lensemble des conditions de forme et de fond poseacutees par le leacutegislateur quen particulier il incombe aux tribunaux compeacutetents de censurer et de reacuteprimer les illeacutegaliteacutes qui seraient commises et de pourvoir eacuteventuellement agrave la reacuteparation de leurs conseacutequences dommageables quainsi il revient agrave lautoriteacute judiciaire gardienne de la liberteacute individuelle de controcircler en particulier les conditions relatives agrave la leacutegaliteacute agrave la reacutealiteacute et agrave la pertinence des raisons ayant motiveacute les opeacuterations de controcircle et de veacuterification didentiteacute quagrave cette fin il lui appartient dappreacutecier sil y a lieu le comportement des personnes concerneacutees

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cette disposition autorise le controcircle de lidentiteacute de toute personne en vue de

veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux mais encore dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en deccedilagrave que cette distance peut ecirctre porteacutee jusquagrave quarante kilomegravetres par arrecircteacute interministeacuteriel dans des conditions agrave preacutevoir par deacutecret en Conseil dEtat

Consideacuterant que larticle 3 de la loi deacutefeacutereacutee preacutevoit que les dispositions de cet alineacutea ne prendront effet quagrave la date dentreacutee en vigueur de ladite Convention

Consideacuterant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alineacutea imposent agrave la liberteacute individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties leacutegales quelles meacuteconnaissent les principes deacutegaliteacute devant la loi et dindivisibiliteacute de la Reacutepublique dans la mesure ougrave elles imposent agrave certaines personnes sans justification approprieacutee des contraintes particuliegraveres lieacutees agrave leurs attaches avec certaines parties du territoire franccedilais quils ajoutent quen reconnaissant au pouvoir reacuteglementaire la latitude daccroicirctre tregraves sensiblement les zones concerneacutees le leacutegislateur a meacuteconnu sa propre compeacutetence

Consideacuterant que les stipulations de la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 suppriment les controcircles aux frontiegraveres inteacuterieures concernant les personnes sauf pour une peacuteriode limiteacutee lorsque lordre public ou la seacutecuriteacute nationale lexigent que le leacutegislateur a estimeacute que par les dispositions contesteacutees il prenait dans le cadre de lapplication de ces stipulations des mesures neacutecessaires agrave la recherche des auteurs dinfractions et agrave la preacutevention datteintes agrave lordre public

Consideacuterant que sagissant dune part des zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouvertes au trafic international dautre part de celles qui sont comprises entre les frontiegraveres terrestres de la France avec les Etats parties agrave la Convention et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave le leacutegislateur a degraves lors que certains controcircles aux frontiegraveres seraient supprimeacutes autoriseacute des controcircles didentiteacute que ceux-ci doivent ecirctre conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opeacuterations sont de maniegravere geacuteneacuterale soumises que ces controcircles sont effectueacutes en vue dassurer le respect des obligations preacutevues par la loi de deacutetention de port et de preacutesentation de titres et documents que les zones concerneacutees preacuteciseacutement deacutefinies dans leur nature et leur eacutetendue preacutesentent des risques particuliers dinfractions et datteintes agrave lordre public lieacutes agrave la circulation

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internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

14

personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

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Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 4: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

[NB cet alineacutea 4 a eacuteteacute modifieacute par la Loppsi 2 suite agrave lrsquoaffaire Melki et Abdeli ndash v infra] Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel nordm 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel nordm 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Dans une zone comprise entre les frontiegraveres terrestres ou le littoral du deacutepartement de la Guyane et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en-deccedilagrave et sur une ligne traceacutee agrave cinq kilomegravetres de part et dautre ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire de la commune de Reacutegina lidentiteacute de toute personne peut ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi

Pendant cinq ans agrave compter de la publication de la loi nordm 2006-911 du 24 juillet 2006 relative agrave limmigration et agrave linteacutegration lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea du preacutesent article en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi

1ordm En Guadeloupe dans une zone comprise entre le littoral et une ligne traceacutee agrave un kilomegravetre en deccedilagrave ainsi que dans une zone dun kilomegravetre de part et dautre dune part de la route nationale 1 sur le territoire des communes de Basse-Terre Gourbeyre et Trois-Riviegraveres et dautre part de la route nationale 4 sur le territoire des communes du Gosier et de Sainte-Anne et Saint-Franccedilois

2ordm A Mayotte dans une zone comprise entre le littoral et une ligne traceacutee agrave un kilomegravetre en deccedilagrave

NOTA (1) Loi 2006-64 du 23 janvier 2006 art 32 Les dispositions induites par larticle 3 sont applicables jusquau 31 deacutecembre 2008

(hellip)

Article 78-3(Loi nordm 83-466 du 10 juin 1983 art 21 Journal Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)

(Loi nordm 86-1004 du 3 septembre 1986 art 3 Journal Officiel du 4 septembre 1986)

4

(Loi nordm 93-2 du 4 janvier 1993 art 162 Journal Officiel du 5 janvier 1993 en vigueur le 1er mars 1993)

(Loi nordm 93-992 du 10 aoucirct 1993 art 2 Journal Officiel du 11 aoucirct 1993)(Loi nordm 93-1013 du 24 aoucirct 1993 art 20 Journal Officiel du 25 aoucirct 1993 en vigueur le 2 septembre

1993)(Loi nordm 99-291 du 15 avril 1999 art 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)

(Loi nordm 2006-911 du 24 juillet 2006 art 114 Journal Officiel du 25 juillet 2006) Si linteacuteresseacute refuse ou se trouve dans limpossibiliteacute de justifier de son identiteacute il peut en

cas de neacutecessiteacute ecirctre retenu sur place ou dans le local de police ougrave il est conduit aux fins de veacuterification de son identiteacute Dans tous les cas il est preacutesenteacute immeacutediatement agrave un officier de police judiciaire qui le met en mesure de fournir par tout moyen les eacuteleacutements permettant deacutetablir son identiteacute et qui procegravede sil y a lieu aux opeacuterations de veacuterification neacutecessaires Il est aussitocirct informeacute par celui-ci de son droit de faire aviser le procureur de la Reacutepublique de la veacuterification dont il fait lobjet et de preacutevenir agrave tout moment sa famille ou toute personne de son choix Si des circonstances particuliegraveres lexigent lofficier de police judiciaire preacutevient lui-mecircme la famille ou la personne choisie

Lorsquil sagit dun mineur de dix-huit ans le procureur de la Reacutepublique doit ecirctre informeacute degraves le deacutebut de la reacutetention Sauf impossibiliteacute le mineur doit ecirctre assisteacute de son repreacutesentant leacutegal

La personne qui fait lobjet dune veacuterification ne peut ecirctre retenue que pendant le temps strictement exigeacute par leacutetablissement de son identiteacute La reacutetention ne peut exceacuteder quatre heures ou huit heures agrave Mayotte agrave compter du controcircle effectueacute en application de larticle 78-2 et le procureur de la Reacutepublique peut y mettre fin agrave tout moment

Si la personne interpelleacutee maintient son refus de justifier de son identiteacute ou fournit des eacuteleacutements didentiteacute manifestement inexacts les opeacuterations de veacuterification peuvent donner lieu apregraves autorisation du procureur de la Reacutepublique ou du juge dinstruction agrave la prise dempreintes digitales ou de photographies lorsque celle-ci constitue lunique moyen deacutetablir lidentiteacute de linteacuteresseacute

La prise dempreintes ou de photographies doit ecirctre mentionneacutee et speacutecialement motiveacutee dans le procegraves-verbal preacutevu ci-apregraves

Lofficier de police judiciaire mentionne dans un procegraves-verbal les motifs qui justifient le controcircle ainsi que la veacuterification didentiteacute et les conditions dans lesquelles la personne a eacuteteacute preacutesenteacutee devant lui informeacutee de ses droits et mise en demeure de les exercer Il preacutecise le jour et lheure agrave partir desquels le controcircle a eacuteteacute effectueacute le jour et lheure de la fin de la reacutetention et la dureacutee de celle-ci

Ce procegraves-verbal est preacutesenteacute agrave la signature de linteacuteresseacute Si ce dernier refuse de le signer mention est faite du refus et des motifs de celui-ci

Le procegraves-verbal est transmis au procureur de la Reacutepublique copie en ayant eacuteteacute remise agrave linteacuteresseacute dans le cas preacutevu par lalineacutea suivant

Si elle nest suivie agrave leacutegard de la personne qui a eacuteteacute retenue daucune proceacutedure denquecircte ou dexeacutecution adresseacutee agrave lautoriteacute judiciaire la veacuterification didentiteacute ne peut donner lieu agrave une mise en meacutemoire sur fichiers et le procegraves-verbal ainsi que toutes les piegraveces se rapportant agrave la veacuterification sont deacutetruits dans un deacutelai de six mois sous le controcircle du procureur de la Reacutepublique

Dans le cas ougrave il y a lieu agrave proceacutedure denquecircte ou dexeacutecution adresseacutee agrave lautoriteacute judiciaire et assortie du maintien en garde agrave vue la personne retenue doit ecirctre aussitocirct informeacutee de son droit de faire aviser le procureur de la Reacutepublique de la mesure dont elle fait lobjet

Les prescriptions eacutenumeacutereacutees au preacutesent article sont imposeacutees agrave peine de nulliteacute

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REJET DU POURVOI DE X (OLIVIER) PARTIE CIVILE CONTRE UN ARRET DE LA CHAMBRE DACCUSATION DE LA COUR DAPPEL DE PARIS EN DATE DU 11 JANVIER 1972 QUI DANS UNE INFORMATION SUIVIE CONTRE X DES CHEFS DARRESTATION ET SEQUESTRATION ARBITRAIRES A CONFIRME LORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE DINSTRUCTION LA COUR

VU LE MEMOIRE PRODUIT (hellip)

AU FOND SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LARTICLE 7 DE LA DECLARATION DES DROITS DE LHOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOUT 1789 DE LARTICLE 66 DE LA CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DES ARTICLES 114 ET SUIVANTS 341 DU CODE PENAL DES ARTICLES 30 53 ET SUIVANTS 61 77 575 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE DE LARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964 ET DE LARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810 POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE EN CE QUE LARRET ATTAQUE A PRONONCE UN NON-LIEU DES CHEFS DATTENTAT A LA LIBERTE DARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES

AUX MOTIFS QUE LES MESURES DENONCEES PAR LA PARTIE CIVILE - ET DONT LA MATERIALITE NEST PAS CONTESTEE - ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE PAR LARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964

QUE CES MESURES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE LORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX

QUEN CONSEQUENCE LINTERPELLATION DE X PUIS LA CONTRAINTE TEMPORAIRE SUBIE PAR LUI DANS UN CENTRE AFFECTE A CET USAGE PENDANT LES VERIFICATIONS DIDENTITE QUI SAVERAIENT NECESSAIRES AYANT ETE PRATIQUEES EN LESPECE DANS LE CHAMP DAPPLICATION DES POUVOIRS DE POLICE DU MAINTIEN DE LORDRE ET EN CONFORMITE AUX REGLES EN USAGE DONC DANS DES CONDITIONS EXCLUSIVES DE TOUTE INTENTION COUPABLE LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DES INFRACTIONS VISEES AU REQUISITOIRE INTRODUCTIF NE SONT PAS REUNIS

ALORS DUNE PART QUAUCUN POUVOIR DE POLICE ADMINISTRATIVE NE PERMET AU PREFET DE POLICE OU AUX FONCTIONNAIRES QUI DEPENDENT DE LUI DARRETER ET DE DETENIR UN CITOYEN FRANCAIS ET ALORS DAUTRE PART QUE LE FAIT POUR UN POLICIER MEME SIL PRETEND AGIR EN VUE DE MAINTENIR LORDRE DARRETER ET DE PRIVER DE LIBERTE UN CITOYEN FRANCAIS CONSTITUE LE CRIME DATTENTAT A LA LIBERTE

QUE LELEMENT INTENTIONNEL DE CE CRIME RESULTE DE CE QUE LE POLICIER PEUT ET DOIT CONNAITRE LILLEGALITE MANIFESTE DUNE ARRESTATION ET DUNE DETENTION INSUSCEPTIBLES DETRE JUSTIFIEES PAR UN TEXTE LEGAL ET CONTRAIRES AUX DISPOSITIONS AUSSI FONDAMENTALES QUELEMENTAIRES DE LA CONSTITUTION

ATTENDU QUUNE INFORMATION OUVERTE CONTRE X DU CHEF DARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES SUR PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE X OLIVIER A ETE CLOSE PAR UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU DONT LE DEMANDEUR A RELEVE APPEL

ATTENDU QUE STATUANT SUR CET APPEL LA CHAMBRE DACCUSATION EXPOSE DANS LARRET ATTAQUE 1deg QUE DIVERS GROUPEMENTS DE TENDANCES CONTRAIRES AYANT ANNONCE QUILS PROCEDERAIENT DANS LA JOURNEE DU 26 FEVRIER 1970 A DES DEMONSTRATIONS PUBLIQUES LE PREFET DE POLICE AVAIT ETE AMENE A INTERDIRE UNE REUNION DU MOUVEMENT ORDRE NOUVEAU PREVUE AU PALAIS DE LA MUTUALITE AINSI

2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel

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QUE DES MANIFESTATIONS DE RUES AUXQUELLES LUNION NATIONALE DES ETUDIANTS DE FRANCE ET UN COMITE NATIONAL DE GREVE DES ETUDIANTS DE PARIS ENTENDAIENT SE LIVRER

2deg QUE POUR EVITER DEVENTUELS AFFRONTEMENTS PREJUDICIABLES A LORDRE PUBLIC UN IMPORTANT SERVICE DORDRE AVAIT ETE MIS EN PLACE NOTAMMENT RUE SOUFFLOT DONT LES MEMBRES GARDIENS DE LA PAIX OU MILITAIRES DE LA GENDARMERIE MOBILE AVAIENT POUR MISSION DEVITER LE REGROUPEMENT DE NOMBREUX JEUNES GENS QUI SAMASSAIENT RUE SOUFFLOT ET A SES ABORDS

3deg QUE DANS LE CADRE DE CETTE MISSION QUI AMENAIT LE SERVICE DORDRE A CONTROLER LIDENTITE DES PASSANTS X AVAIT ETE INTERPELLE VERS 15 HEURES PAR UN POLICIER EN UNIFORME AUQUEL IL AVAIT PRESENTE UNE CARTE DIDENTITE NATIONALE

4deg QUE CETTE CARTE DIDENTITE COMPORTANT COMME LE PRECISE LARRET UNE PHOTOGRAPHIE QUI NE PARAISSAIT PAS CORRESPONDRE AU VISAGE DE X CE DERNIER AVAIT ETE CONDUIT AU CENTRE BEAUJON POUR EXAMEN PLUS APPROFONDI DE SA SITUATION

5deg QUENFIN APRES QUUN CLICHE PHOTOGRAPHIQUE EUT ETE PRIS ET QUE LES VERIFICATIONS DARCHIVES ET DE DOMICILE AIENT ETE EFFECTUEES X AVAIT ETE RELACHE LE 27 FEVRIER A 0H55

ATTENDU QUEN CET ETAT CEST A TORT ET PAR SUITE DUNE ERREUR DE DROIT QUIL CONVIENT DE CENSURER QUE LA CHAMBRE DACCUSATION A CONFIRME LORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE DINSTRUCTION AUX MOTIFS QUE LES MESURES INCRIMINEES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE LORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX ET QUE LESDITES MESURES ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE

QUEN EFFET LES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE SILS PERMETTENT QUAND DES CIRCONSTANCES PARTICULIERES LEXIGENT DE PROCEDER A DES VERIFICATIONS DIDENTITE NAUTORISENT PAS A RETENIR FUT-CE PROVISOIREMENT DES PERSONNES QUI NONT COMMIS AUCUNE INFRACTION OU QUI NE SONT PAS SOUPCONNEES DEN AVOIR COMMIS

QUE DAUTRE PART LA COUR NE POUVAIT COMME ELLE LA FAIT ECARTER TOUTE INTENTION COUPABLE AU SEUL MOTIF DE REGLES EN USAGE QUI MEME SI ELLES EXISTAIENT NE POURRAIENT CONSTITUER UNE CAUSE DE JUSTIFICATION OU UNE EXCUSE QUE LA LOI NE PREVOIT PAS

MAIS ATTENDU QUE LA COUR DE CASSATION A LE POUVOIR DE SUBSTITUER UN MOTIF DE PUR DROIT A UN MOTIF ERRONE OU INOPERANT SUR LEQUEL SE FONDE UNE DECISION ATTAQUEE ET DE JUSTIFIER AINSI LADITE DECISION

- QUE DANS LA PRESENTE ESPECE ELLE EST EN MESURE DE SASSURER QUAPRES AVOIR ETE REGULIEREMENT INTERPELLE EN VUE DUN CONTROLE DIDENTITE QUE LES CIRCONSTANCES JUSTIFIAIENT X A ETE MAINTENU TEMPORAIREMENT A LA DISPOSITION DES SERVICES DE POLICE A LOCCASION DUNE RECHERCHE DE POLICE JUDICIAIRE

QUIL SE DEDUIT EN EFFET DES CONSTATATIONS SOUVERAINES DE LARRET QUE LA CARTE DIDENTITE DETENUE PAR X TELLE QUELLE EST DECRITE PAR LA COUR ET QUI A ETE PRESENTEE A LA POLICE ETAIT SUSPECTE ET QUE SA POSSESSION LAISSAIT PRESUMER QUE DES INFRACTIONS POUVAIENT AVOIR ETE COMMISES

- QUAINSI LES SERVICES DE POLICE EN GARDANT X A LEUR DISPOSITION DU 26 FEVRIER A 15 HEURES AU 27 FEVRIER A 0H55 SOIT PENDANT DIX HEURES NONT PAS EXCEDE LES POUVOIRS QUE LEUR CONFERAIENT LES ARTICLES 53 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET SPECIALEMENT LES ARTICLES 61 PARAGRAPHE 2 ET 63 DUDIT CODE LE PREMIER DISPOSANT

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QUE TOUTE PERSONNE DONT IL APPARAIT NECESSAIRE AU COURS DE RECHERCHES JUDICIAIRES DETABLIR OU DE VERIFIER LIDENTITE DOIT A LA DEMANDE DE LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE OU DE LUN DES AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE ENUMERES A LARTICLE 20 SE PRETER AUX OPERATIONS QUEXIGE CETTE MESURE - LE SECOND AUTORISANT LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE A GARDER A SA DISPOSITION POUR LES NECESSITES DE LENQUETE UNE OU PLUSIEURS DES PERSONNES VISEES AUX ARTICLES 61 ET 62 A LA CONDITION DE NE PAS LES RETENIR PLUS DE VINGT-QUATRE HEURES

QUIL SENSUIT QUELQUE REGRETTABLE QUE SOIT LERREUR DE DROIT COMMISE PAR LA CHAMBRE DACCUSATION QUE LE MOYEN DOIT ETRE REJETE

REJETTE LE POURVOI

Ndeg de pourvoi 83-94341 Publieacute au bulletin

STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR - KANDE ABDOULAYE - CONTRE UN ARRET

DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS DIXIEME CHAMBRE EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983 QUI POUR INFRACTION A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS A ORDONNE SA RECONDUITE A LA FRONTIERE AVEC EXECUTION PROVISOIRE

VU LE MEMOIRE PRODUIT SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 78-2 78-3

174 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE

rdquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A REFUSE DrsquoANNULER LA PROCEDURE A COMPTER DE

LrsquoINTERPELLATION DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 rdquoAUX MOTIFS QUE LA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRAIENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE AVAIT CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIAIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE

QUrsquoAU COURS DE CE CONTROLE KANDE AVAIT FAIT CONNAITRE SON IDENTITE DE

TELLE SORTE QUE LES FORMALITES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-3 ET SUIVANTS DE LA LOI DU 10 JUIN 1983 NrsquoETAIENT PAS APPLICABLES

rdquoALORS QUE DrsquoUNE PART LA PRETENDUE FREQUENCE DES INFRACTIONS DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN NE PEUT PAS CONSTITUER LA ldquoMENACE IMMEDIATErdquo EXIGEE PAR LA LOI ndeg 83-466 DU 10 JUIN 1983 POUR AUTORISER LES CONTROLES DrsquoIDENTITE

rdquoALORS QUE DrsquoAUTRE PART LORSQUE A LA SUITE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE UNE

PERSONNE EST RETENUE POUR QUELQUE CAUSE QUE CE SOIT LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE DOIT A PEINE DE NULLITE EXPOSER LES MOTIFS DE CE CONTROLE DANS UN PROCES-VERBAL LEQUEL MENTIONNE SOUS LA MEME SANCTION LES CONDITIONS

3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute

8

DANS LESQUELLES LA PERSONNE A ETE PRESENTEE DEVANT LEDIT OFFICIER INFORMEE DE SES DROITS ET MISE EN MESURE DE LES EXERCER

rdquo VU LESDITS ARTICLES ATTENDU DrsquoUNE PART QUrsquoAUX TERMES DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE

PROCEDURE PENALE LrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE PEUT ETRE CONTROLEE DANS DES LIEUX DETERMINES LA OU LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS SE TROUVE IMMEDIATEMENT MENACEE

ATTENDU DrsquoAUTRE PART QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR DES MOTIFS

PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE KANDE A ETE INTERPELLE LE 14

OCTOBRE 1983 A 10 HEURES A LA STATION STALINGRAD DU METROPOLITAIN DE PARIS PAR DES GARDIENS DE LA PAIX AGISSANT SUR LES INSTRUCTIONS DE LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE CHARGE DU SERVICE DE PROTECTION DE LA R A T P

QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET PORTEUR DrsquoUN TITRE DE SEJOUR IRREGULIER QUrsquoIL A ETE AINSI POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR AVOIR

PENETRE OU SEJOURNE EN FRANCE SANS SE CONFORMER AUX DISPOSITIONS LEGALES DELIT PREVU ET REPRIME PAR LrsquoARTICLE 19 DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 MODIFIEE PAR LA LOI DU 29 OCTOBRE 1981

ATTENDU QUE POUR REJETER LES CONCLUSIONS DU PREVENU FAISANT VALOIR

LrsquoILLEGALITE DU CONTROLE DrsquoIDENTITE ET LA NULLITE DE LA PROCEDURE SUBSEQUENTE LA COUR DrsquoAPPEL SE BORNE A ENONCER QUE ldquoLA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE A CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS EST IMMEDIATEMENT MENACEErdquo

QUrsquoELLE EN DEDUIT QUE LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE A ETE EFFECTUE

CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

MAIS ATTENDU QUrsquoEN LrsquoETAT DE CE SEUL MOTIF DrsquoORDRE GENERAL ET QUI NE SE

REFERE A AUCUN ELEMENT DE LA PROCEDURE LA COUR DrsquoAPPEL QUI NrsquoA PAS PRECISE EN QUOI LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE A LA STATION STALINGRAD LORSQUE LES SERVICES DE POLICE ONT PROCEDE AU CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 A 10 HEURES NrsquoA PAS JUSTIFIE SA DECISION AU REGARD DU TEXTE SUSVISE

DrsquoOU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF PAR CES MOTIFS ET SANS QUrsquoIL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE SECOND MOYEN CASSE ET

ANNULE LrsquoARRET SUSVISE DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983

Publication Bulletin criminel 1984 Ndeg 287

9

Ndeg de pourvoi 84-92916 Publieacute au bulletin

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A PLACE LrsquoACTION DES

GARDIENS DE LA PAIX DANS LE CADRE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE SOUMIS AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ALORS QUrsquoILS AGISSAIENT DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 EN DEMANDANT A VUCKOVIC DE LEUR PRESENTER LES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS IL ETAIT AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCErdquo

SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 593 DU

CODE DE PROCEDURE PENALE ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE NrsquoA PAS REPONDU AUX REQUISITIONS DU MINISTERE PUBLIC SOUTENANT QUrsquoIL SrsquoAGISSAIT EN LrsquoESPECE NON PAS DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE REALISE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE MAIS DrsquoUNE VERIFICATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS UN ETRANGER EST AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE REALISEE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 REGLEMENTANT LES CONDITIONS DrsquoENTREE ET LE SEJOUR DES ETRANGERSrdquo

CES MOYENS ETANT REUNIS ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE VUCKOVIC A ETE INTERPELLE SUR

UN QUAI DE GARE PAR DES GARDIENS DE LA PAIX QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET EN SEJOUR IRREGULIER SUR LE TERRITOIRE

FRANCAIS QUrsquoIL A ETE POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR INFRACTION

A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS ATTENDU QUE POUR ECARTER IMPLICITEMENT LrsquoARGUMENTATION DU REPRESENTANT

DU MINISTERE PUBLIC QUI SOUTENAIT QUE LES SERVICES DE POLICE AVAIENT PU PROCEDER A LrsquoINTERPELLATION DE VUCKOVIC UNIQUEMENT EN VERTU DE LrsquoARTICLE 1ER DU DECRET DU 18 MARS 1946 ET DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 PRIS EN APPLICATION DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 LA COUR DrsquoAPPEL RELEVE QUE LES GARDIENS DE LA PAIX ONT EFFECTUE A LrsquoEGARD DU PREVENU UN CONTROLE DrsquoIDENTITE AU TITRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE TEL QUE PREVU PAR LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

ATTENDU QUrsquoEN STATUANT AINSI LA COUR DrsquoAPPEL NrsquoA AUCUNEMENT VIOLE LES

TEXTES VISES AU MOYEN QUrsquoEN EFFET POUR QUE LES AGENTS DE LrsquoAUTORITE AIENT LA FACULTE DE REQUERIR

LA PRESENTATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS LES ETRANGERS SONT AUTORISES A SEJOURNER EN FRANCE IL FAUT QUE DES ELEMENTS OBJECTIFS DEDUITS DE CIRCONSTANCES EXTERIEURES A LA PERSONNE MEME DE LrsquoINTERESSE SOIENT DE NATURE A FAIRE APPARAITRE SA QUALITE DrsquoETRANGER

4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC

10

QUrsquoEN LrsquoABSENCE DE TELS ELEMENTS LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DOIT ETRE

PREALABLEMENT EFFECTUE SOUS LES CONDITIONS ET DANS LES FORMES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE

DrsquoOU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES (hellip)

Ndeg de pourvoi 92-83352 Publieacute au bulletin REJET du pourvoi formeacute par le procureur geacuteneacuteral

pregraves la cour drsquoappel de Paris contre lrsquoarrecirct de la chambre drsquoaccusation de ladite Cour en date du 27 mai 1992 qui dans la proceacutedure suivie contre Yvon ou Yvan Bassilika pour infractions agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers a prononceacute la nulliteacute des actes de lrsquoinformation et apregraves avoir eacutevoqueacute a constateacute qursquoil ne restait rien sur quoi instruire

LA COUR Vu le meacutemoire produit Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 78-2 alineacutea 2 et 593

alineacuteas 1 et 2 du Code de proceacutedure peacutenale fausse application contradiction de motifs deacutefaut de reacuteponse aux reacutequisitions du ministegravere public

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoYvon Bassilika a eacuteteacute interpelleacute le 23 deacutecembre 1991 agrave

15 heures 15 aux abords de la gare de Villepinte (Seine-Saint-Denis) par des gardiens de la paix agissant sur les instructions permanentes de lrsquoofficier de police judiciaire chef de la circonscription de police urbaine qursquoil srsquoest reacuteveacuteleacute ecirctre eacutetranger et deacutepourvu de titre de seacutejour qursquoune information a eacuteteacute ouverte contre lui pour infraction agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers sur la base des articles 5 16 19 et 27 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945

Attendu que saisie par le juge drsquoinstruction en application de lrsquoarticle 171 du Code de proceacutedure peacutenale la chambre drsquoaccusation pour prononcer la nulliteacute du procegraves-verbal base des poursuites et des actes drsquoinformation subseacutequents constate que pour justifier lrsquointerpellation de Bassilika puis le controcircle de son identiteacute les agents de la force publique se sont borneacutes agrave eacutenoncer que ldquocirculant aux abords de la gare de Villepinte lieu propice aux vols agrave la roulotte ldquo ils ont remarqueacute ldquo deux individus srsquoexprimant en une langue eacutetrangegravere ldquo

Attendu qursquoen prononccedilant ainsi la chambre drsquoaccusation qui a reacutepondu comme elle le devait aux reacutequisitions du ministegravere public loin de meacuteconnaicirctre le sens et la porteacutee des textes viseacutes au moyen en a fait lrsquoexacte application

Qursquoen effet lrsquoapplication de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 2 du Code de proceacutedure peacutenale est subordonneacutee agrave la preacutevention ldquo drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public ldquo qui soit directement rattachable au comportement de la personne dont lrsquoidentiteacute est controcircleacutee

Qursquoil srsquoensuit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli

5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika

11

Et attendu que lrsquoarrecirct est reacutegulier en la forme REJETTE le pourvoi Publication Bulletin criminel 1992 Ndeg 370 p 1024 Dalloz 21 janvier 1993 ndeg 3 p 36 note D MAYER

LE CONSEIL CONSTITUTIONNELVu la Constitution Vu la Convention dapplication de laccord de

Schengen signeacutee le 19 juin 1990 Vu lordonnance ndeg 58-1067 du 7 novembre 1958

modifieacutee portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

Vu le code de proceacutedure peacutenale notamment son article 78-2

Le rapporteur ayant eacuteteacute entendu Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine deacutefegraverent au Conseil constitutionnel la loi relative

aux controcircles et veacuterifications didentiteacute dans son ensemble en faisant valoir que larticle 1er de cette loi meacuteconnaicirctrait diffeacuterents principes et regravegles de valeur constitutionnelle et que les autres dispositions de ladite loi eacutenonceacutees agrave ses articles 2 et 3 sont inseacuteparables de larticle 1er

Consideacuterant que larticle 1er de la loi insegravere dans larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale un sixiegraveme un septiegraveme et un huitiegraveme alineacuteas lesquels remplacent le sixiegraveme alineacutea actuellement en vigueur

- SUR LE SIXIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cet alineacutea preacutevoit un cas suppleacutementaire dans lequel peuvent ecirctre engageacutees des

proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique pour la recherche et la poursuite dinfractions dans des lieux et pour une peacuteriode de temps qui doivent ecirctre preacuteciseacutes par ce magistrat quil indique que le fait que de tels controcircles didentiteacute reacutevegravelent des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Consideacuterant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette derniegravere preacutecision meacuteconnaicirct la liberteacute individuelle et sa protection par lautoriteacute judiciaire que garantit larticle 66 de la Constitution degraves lors que la prise en compte dinfractions qui ne seraient pas eacutenonceacutees a priori par le procureur de la Reacutepublique prive selon eux lautoriteacute judiciaire de toute maicirctrise effective de lopeacuteration

Consideacuterant quil appartient au leacutegislateur dassurer la conciliation entre dune part lexercice des liberteacutes constitutionnellement garanties et dautre part les besoins de la recherche des auteurs dinfractions qui sont neacutecessaires lun et lautre agrave la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle quil incombe agrave lautoriteacute judiciaire conformeacutement agrave larticle 66 de la Constitution dexercer un controcircle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par lesquelles le leacutegislateur a entendu assurer cette conciliation

Consideacuterant que le leacutegislateur a confieacute au procureur de la Reacutepublique magistrat de lordre judiciaire la responsabiliteacute de deacutefinir preacuteciseacutement les conditions dans lesquelles les proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute quil prescrit doivent ecirctre effectueacutees que la circonstance que le deacuteroulement de ces opeacuterations conduise les autoriteacutes de police judiciaire agrave relever des infractions qui nauraient pas eacuteteacute viseacutees preacutealablement par ce magistrat ne saurait eu eacutegard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions priver ces autoriteacutes des pouvoirs quelles tiennent de faccedilon geacuteneacuterale des dispositions du code de proceacutedure peacutenale que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code notamment agrave leacutegard du procureur de la Reacutepublique que degraves lors les garanties attacheacutees au respect de la liberteacute individuelle sous le controcircle de lautoriteacute judiciaire ne sont pas meacuteconnues quainsi le grief invoqueacute doit ecirctre eacutecarteacute

- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute

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Consideacuterant que cet alineacutea reprend des dispositions deacutejagrave en vigueur en vertu desquelles un controcircle didentiteacute peut ecirctre opeacutereacute selon les mecircmes modaliteacutes que dans les autres cas pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens en ajoutant la preacutecision nouvelle selon laquelle peut ecirctre controcircleacutee lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement

Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant agrave autoriser des controcircles didentiteacute sans que soient justifieacutes les motifs de lopeacuteration effectueacutee porte une atteinte excessive agrave la liberteacute individuelle en la privant de garanties leacutegales

Consideacuterant que la preacutevention datteintes agrave lordre public notamment datteintes agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens est neacutecessaire agrave la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle que toutefois la pratique de controcircles didentiteacute geacuteneacuteraliseacutes et discreacutetionnaires serait incompatible avec le respect de la liberteacute individuelle que sil est loisible au leacutegislateur de preacutevoir que le controcircle didentiteacute dune personne peut ne pas ecirctre lieacute agrave son comportement il demeure que lautoriteacute concerneacutee doit justifier dans tous les cas des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque datteinte agrave lordre public qui a motiveacute le controcircle que ce nest que sous cette reacuteserve dinterpreacutetation que le leacutegislateur peut ecirctre regardeacute comme nayant pas priveacute de garanties leacutegales lexistence de liberteacutes constitutionnellement garanties

Consideacuterant quil appartient aux autoriteacutes administratives et judiciaires de veiller au respect inteacutegral de lensemble des conditions de forme et de fond poseacutees par le leacutegislateur quen particulier il incombe aux tribunaux compeacutetents de censurer et de reacuteprimer les illeacutegaliteacutes qui seraient commises et de pourvoir eacuteventuellement agrave la reacuteparation de leurs conseacutequences dommageables quainsi il revient agrave lautoriteacute judiciaire gardienne de la liberteacute individuelle de controcircler en particulier les conditions relatives agrave la leacutegaliteacute agrave la reacutealiteacute et agrave la pertinence des raisons ayant motiveacute les opeacuterations de controcircle et de veacuterification didentiteacute quagrave cette fin il lui appartient dappreacutecier sil y a lieu le comportement des personnes concerneacutees

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cette disposition autorise le controcircle de lidentiteacute de toute personne en vue de

veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux mais encore dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en deccedilagrave que cette distance peut ecirctre porteacutee jusquagrave quarante kilomegravetres par arrecircteacute interministeacuteriel dans des conditions agrave preacutevoir par deacutecret en Conseil dEtat

Consideacuterant que larticle 3 de la loi deacutefeacutereacutee preacutevoit que les dispositions de cet alineacutea ne prendront effet quagrave la date dentreacutee en vigueur de ladite Convention

Consideacuterant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alineacutea imposent agrave la liberteacute individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties leacutegales quelles meacuteconnaissent les principes deacutegaliteacute devant la loi et dindivisibiliteacute de la Reacutepublique dans la mesure ougrave elles imposent agrave certaines personnes sans justification approprieacutee des contraintes particuliegraveres lieacutees agrave leurs attaches avec certaines parties du territoire franccedilais quils ajoutent quen reconnaissant au pouvoir reacuteglementaire la latitude daccroicirctre tregraves sensiblement les zones concerneacutees le leacutegislateur a meacuteconnu sa propre compeacutetence

Consideacuterant que les stipulations de la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 suppriment les controcircles aux frontiegraveres inteacuterieures concernant les personnes sauf pour une peacuteriode limiteacutee lorsque lordre public ou la seacutecuriteacute nationale lexigent que le leacutegislateur a estimeacute que par les dispositions contesteacutees il prenait dans le cadre de lapplication de ces stipulations des mesures neacutecessaires agrave la recherche des auteurs dinfractions et agrave la preacutevention datteintes agrave lordre public

Consideacuterant que sagissant dune part des zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouvertes au trafic international dautre part de celles qui sont comprises entre les frontiegraveres terrestres de la France avec les Etats parties agrave la Convention et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave le leacutegislateur a degraves lors que certains controcircles aux frontiegraveres seraient supprimeacutes autoriseacute des controcircles didentiteacute que ceux-ci doivent ecirctre conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opeacuterations sont de maniegravere geacuteneacuterale soumises que ces controcircles sont effectueacutes en vue dassurer le respect des obligations preacutevues par la loi de deacutetention de port et de preacutesentation de titres et documents que les zones concerneacutees preacuteciseacutement deacutefinies dans leur nature et leur eacutetendue preacutesentent des risques particuliers dinfractions et datteintes agrave lordre public lieacutes agrave la circulation

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internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

14

personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

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Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 5: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

(Loi nordm 93-2 du 4 janvier 1993 art 162 Journal Officiel du 5 janvier 1993 en vigueur le 1er mars 1993)

(Loi nordm 93-992 du 10 aoucirct 1993 art 2 Journal Officiel du 11 aoucirct 1993)(Loi nordm 93-1013 du 24 aoucirct 1993 art 20 Journal Officiel du 25 aoucirct 1993 en vigueur le 2 septembre

1993)(Loi nordm 99-291 du 15 avril 1999 art 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)

(Loi nordm 2006-911 du 24 juillet 2006 art 114 Journal Officiel du 25 juillet 2006) Si linteacuteresseacute refuse ou se trouve dans limpossibiliteacute de justifier de son identiteacute il peut en

cas de neacutecessiteacute ecirctre retenu sur place ou dans le local de police ougrave il est conduit aux fins de veacuterification de son identiteacute Dans tous les cas il est preacutesenteacute immeacutediatement agrave un officier de police judiciaire qui le met en mesure de fournir par tout moyen les eacuteleacutements permettant deacutetablir son identiteacute et qui procegravede sil y a lieu aux opeacuterations de veacuterification neacutecessaires Il est aussitocirct informeacute par celui-ci de son droit de faire aviser le procureur de la Reacutepublique de la veacuterification dont il fait lobjet et de preacutevenir agrave tout moment sa famille ou toute personne de son choix Si des circonstances particuliegraveres lexigent lofficier de police judiciaire preacutevient lui-mecircme la famille ou la personne choisie

Lorsquil sagit dun mineur de dix-huit ans le procureur de la Reacutepublique doit ecirctre informeacute degraves le deacutebut de la reacutetention Sauf impossibiliteacute le mineur doit ecirctre assisteacute de son repreacutesentant leacutegal

La personne qui fait lobjet dune veacuterification ne peut ecirctre retenue que pendant le temps strictement exigeacute par leacutetablissement de son identiteacute La reacutetention ne peut exceacuteder quatre heures ou huit heures agrave Mayotte agrave compter du controcircle effectueacute en application de larticle 78-2 et le procureur de la Reacutepublique peut y mettre fin agrave tout moment

Si la personne interpelleacutee maintient son refus de justifier de son identiteacute ou fournit des eacuteleacutements didentiteacute manifestement inexacts les opeacuterations de veacuterification peuvent donner lieu apregraves autorisation du procureur de la Reacutepublique ou du juge dinstruction agrave la prise dempreintes digitales ou de photographies lorsque celle-ci constitue lunique moyen deacutetablir lidentiteacute de linteacuteresseacute

La prise dempreintes ou de photographies doit ecirctre mentionneacutee et speacutecialement motiveacutee dans le procegraves-verbal preacutevu ci-apregraves

Lofficier de police judiciaire mentionne dans un procegraves-verbal les motifs qui justifient le controcircle ainsi que la veacuterification didentiteacute et les conditions dans lesquelles la personne a eacuteteacute preacutesenteacutee devant lui informeacutee de ses droits et mise en demeure de les exercer Il preacutecise le jour et lheure agrave partir desquels le controcircle a eacuteteacute effectueacute le jour et lheure de la fin de la reacutetention et la dureacutee de celle-ci

Ce procegraves-verbal est preacutesenteacute agrave la signature de linteacuteresseacute Si ce dernier refuse de le signer mention est faite du refus et des motifs de celui-ci

Le procegraves-verbal est transmis au procureur de la Reacutepublique copie en ayant eacuteteacute remise agrave linteacuteresseacute dans le cas preacutevu par lalineacutea suivant

Si elle nest suivie agrave leacutegard de la personne qui a eacuteteacute retenue daucune proceacutedure denquecircte ou dexeacutecution adresseacutee agrave lautoriteacute judiciaire la veacuterification didentiteacute ne peut donner lieu agrave une mise en meacutemoire sur fichiers et le procegraves-verbal ainsi que toutes les piegraveces se rapportant agrave la veacuterification sont deacutetruits dans un deacutelai de six mois sous le controcircle du procureur de la Reacutepublique

Dans le cas ougrave il y a lieu agrave proceacutedure denquecircte ou dexeacutecution adresseacutee agrave lautoriteacute judiciaire et assortie du maintien en garde agrave vue la personne retenue doit ecirctre aussitocirct informeacutee de son droit de faire aviser le procureur de la Reacutepublique de la mesure dont elle fait lobjet

Les prescriptions eacutenumeacutereacutees au preacutesent article sont imposeacutees agrave peine de nulliteacute

5

REJET DU POURVOI DE X (OLIVIER) PARTIE CIVILE CONTRE UN ARRET DE LA CHAMBRE DACCUSATION DE LA COUR DAPPEL DE PARIS EN DATE DU 11 JANVIER 1972 QUI DANS UNE INFORMATION SUIVIE CONTRE X DES CHEFS DARRESTATION ET SEQUESTRATION ARBITRAIRES A CONFIRME LORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE DINSTRUCTION LA COUR

VU LE MEMOIRE PRODUIT (hellip)

AU FOND SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LARTICLE 7 DE LA DECLARATION DES DROITS DE LHOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOUT 1789 DE LARTICLE 66 DE LA CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DES ARTICLES 114 ET SUIVANTS 341 DU CODE PENAL DES ARTICLES 30 53 ET SUIVANTS 61 77 575 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE DE LARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964 ET DE LARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810 POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE EN CE QUE LARRET ATTAQUE A PRONONCE UN NON-LIEU DES CHEFS DATTENTAT A LA LIBERTE DARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES

AUX MOTIFS QUE LES MESURES DENONCEES PAR LA PARTIE CIVILE - ET DONT LA MATERIALITE NEST PAS CONTESTEE - ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE PAR LARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964

QUE CES MESURES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE LORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX

QUEN CONSEQUENCE LINTERPELLATION DE X PUIS LA CONTRAINTE TEMPORAIRE SUBIE PAR LUI DANS UN CENTRE AFFECTE A CET USAGE PENDANT LES VERIFICATIONS DIDENTITE QUI SAVERAIENT NECESSAIRES AYANT ETE PRATIQUEES EN LESPECE DANS LE CHAMP DAPPLICATION DES POUVOIRS DE POLICE DU MAINTIEN DE LORDRE ET EN CONFORMITE AUX REGLES EN USAGE DONC DANS DES CONDITIONS EXCLUSIVES DE TOUTE INTENTION COUPABLE LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DES INFRACTIONS VISEES AU REQUISITOIRE INTRODUCTIF NE SONT PAS REUNIS

ALORS DUNE PART QUAUCUN POUVOIR DE POLICE ADMINISTRATIVE NE PERMET AU PREFET DE POLICE OU AUX FONCTIONNAIRES QUI DEPENDENT DE LUI DARRETER ET DE DETENIR UN CITOYEN FRANCAIS ET ALORS DAUTRE PART QUE LE FAIT POUR UN POLICIER MEME SIL PRETEND AGIR EN VUE DE MAINTENIR LORDRE DARRETER ET DE PRIVER DE LIBERTE UN CITOYEN FRANCAIS CONSTITUE LE CRIME DATTENTAT A LA LIBERTE

QUE LELEMENT INTENTIONNEL DE CE CRIME RESULTE DE CE QUE LE POLICIER PEUT ET DOIT CONNAITRE LILLEGALITE MANIFESTE DUNE ARRESTATION ET DUNE DETENTION INSUSCEPTIBLES DETRE JUSTIFIEES PAR UN TEXTE LEGAL ET CONTRAIRES AUX DISPOSITIONS AUSSI FONDAMENTALES QUELEMENTAIRES DE LA CONSTITUTION

ATTENDU QUUNE INFORMATION OUVERTE CONTRE X DU CHEF DARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES SUR PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE X OLIVIER A ETE CLOSE PAR UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU DONT LE DEMANDEUR A RELEVE APPEL

ATTENDU QUE STATUANT SUR CET APPEL LA CHAMBRE DACCUSATION EXPOSE DANS LARRET ATTAQUE 1deg QUE DIVERS GROUPEMENTS DE TENDANCES CONTRAIRES AYANT ANNONCE QUILS PROCEDERAIENT DANS LA JOURNEE DU 26 FEVRIER 1970 A DES DEMONSTRATIONS PUBLIQUES LE PREFET DE POLICE AVAIT ETE AMENE A INTERDIRE UNE REUNION DU MOUVEMENT ORDRE NOUVEAU PREVUE AU PALAIS DE LA MUTUALITE AINSI

2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel

6

QUE DES MANIFESTATIONS DE RUES AUXQUELLES LUNION NATIONALE DES ETUDIANTS DE FRANCE ET UN COMITE NATIONAL DE GREVE DES ETUDIANTS DE PARIS ENTENDAIENT SE LIVRER

2deg QUE POUR EVITER DEVENTUELS AFFRONTEMENTS PREJUDICIABLES A LORDRE PUBLIC UN IMPORTANT SERVICE DORDRE AVAIT ETE MIS EN PLACE NOTAMMENT RUE SOUFFLOT DONT LES MEMBRES GARDIENS DE LA PAIX OU MILITAIRES DE LA GENDARMERIE MOBILE AVAIENT POUR MISSION DEVITER LE REGROUPEMENT DE NOMBREUX JEUNES GENS QUI SAMASSAIENT RUE SOUFFLOT ET A SES ABORDS

3deg QUE DANS LE CADRE DE CETTE MISSION QUI AMENAIT LE SERVICE DORDRE A CONTROLER LIDENTITE DES PASSANTS X AVAIT ETE INTERPELLE VERS 15 HEURES PAR UN POLICIER EN UNIFORME AUQUEL IL AVAIT PRESENTE UNE CARTE DIDENTITE NATIONALE

4deg QUE CETTE CARTE DIDENTITE COMPORTANT COMME LE PRECISE LARRET UNE PHOTOGRAPHIE QUI NE PARAISSAIT PAS CORRESPONDRE AU VISAGE DE X CE DERNIER AVAIT ETE CONDUIT AU CENTRE BEAUJON POUR EXAMEN PLUS APPROFONDI DE SA SITUATION

5deg QUENFIN APRES QUUN CLICHE PHOTOGRAPHIQUE EUT ETE PRIS ET QUE LES VERIFICATIONS DARCHIVES ET DE DOMICILE AIENT ETE EFFECTUEES X AVAIT ETE RELACHE LE 27 FEVRIER A 0H55

ATTENDU QUEN CET ETAT CEST A TORT ET PAR SUITE DUNE ERREUR DE DROIT QUIL CONVIENT DE CENSURER QUE LA CHAMBRE DACCUSATION A CONFIRME LORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE DINSTRUCTION AUX MOTIFS QUE LES MESURES INCRIMINEES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE LORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX ET QUE LESDITES MESURES ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE

QUEN EFFET LES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE SILS PERMETTENT QUAND DES CIRCONSTANCES PARTICULIERES LEXIGENT DE PROCEDER A DES VERIFICATIONS DIDENTITE NAUTORISENT PAS A RETENIR FUT-CE PROVISOIREMENT DES PERSONNES QUI NONT COMMIS AUCUNE INFRACTION OU QUI NE SONT PAS SOUPCONNEES DEN AVOIR COMMIS

QUE DAUTRE PART LA COUR NE POUVAIT COMME ELLE LA FAIT ECARTER TOUTE INTENTION COUPABLE AU SEUL MOTIF DE REGLES EN USAGE QUI MEME SI ELLES EXISTAIENT NE POURRAIENT CONSTITUER UNE CAUSE DE JUSTIFICATION OU UNE EXCUSE QUE LA LOI NE PREVOIT PAS

MAIS ATTENDU QUE LA COUR DE CASSATION A LE POUVOIR DE SUBSTITUER UN MOTIF DE PUR DROIT A UN MOTIF ERRONE OU INOPERANT SUR LEQUEL SE FONDE UNE DECISION ATTAQUEE ET DE JUSTIFIER AINSI LADITE DECISION

- QUE DANS LA PRESENTE ESPECE ELLE EST EN MESURE DE SASSURER QUAPRES AVOIR ETE REGULIEREMENT INTERPELLE EN VUE DUN CONTROLE DIDENTITE QUE LES CIRCONSTANCES JUSTIFIAIENT X A ETE MAINTENU TEMPORAIREMENT A LA DISPOSITION DES SERVICES DE POLICE A LOCCASION DUNE RECHERCHE DE POLICE JUDICIAIRE

QUIL SE DEDUIT EN EFFET DES CONSTATATIONS SOUVERAINES DE LARRET QUE LA CARTE DIDENTITE DETENUE PAR X TELLE QUELLE EST DECRITE PAR LA COUR ET QUI A ETE PRESENTEE A LA POLICE ETAIT SUSPECTE ET QUE SA POSSESSION LAISSAIT PRESUMER QUE DES INFRACTIONS POUVAIENT AVOIR ETE COMMISES

- QUAINSI LES SERVICES DE POLICE EN GARDANT X A LEUR DISPOSITION DU 26 FEVRIER A 15 HEURES AU 27 FEVRIER A 0H55 SOIT PENDANT DIX HEURES NONT PAS EXCEDE LES POUVOIRS QUE LEUR CONFERAIENT LES ARTICLES 53 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET SPECIALEMENT LES ARTICLES 61 PARAGRAPHE 2 ET 63 DUDIT CODE LE PREMIER DISPOSANT

7

QUE TOUTE PERSONNE DONT IL APPARAIT NECESSAIRE AU COURS DE RECHERCHES JUDICIAIRES DETABLIR OU DE VERIFIER LIDENTITE DOIT A LA DEMANDE DE LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE OU DE LUN DES AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE ENUMERES A LARTICLE 20 SE PRETER AUX OPERATIONS QUEXIGE CETTE MESURE - LE SECOND AUTORISANT LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE A GARDER A SA DISPOSITION POUR LES NECESSITES DE LENQUETE UNE OU PLUSIEURS DES PERSONNES VISEES AUX ARTICLES 61 ET 62 A LA CONDITION DE NE PAS LES RETENIR PLUS DE VINGT-QUATRE HEURES

QUIL SENSUIT QUELQUE REGRETTABLE QUE SOIT LERREUR DE DROIT COMMISE PAR LA CHAMBRE DACCUSATION QUE LE MOYEN DOIT ETRE REJETE

REJETTE LE POURVOI

Ndeg de pourvoi 83-94341 Publieacute au bulletin

STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR - KANDE ABDOULAYE - CONTRE UN ARRET

DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS DIXIEME CHAMBRE EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983 QUI POUR INFRACTION A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS A ORDONNE SA RECONDUITE A LA FRONTIERE AVEC EXECUTION PROVISOIRE

VU LE MEMOIRE PRODUIT SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 78-2 78-3

174 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE

rdquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A REFUSE DrsquoANNULER LA PROCEDURE A COMPTER DE

LrsquoINTERPELLATION DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 rdquoAUX MOTIFS QUE LA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRAIENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE AVAIT CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIAIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE

QUrsquoAU COURS DE CE CONTROLE KANDE AVAIT FAIT CONNAITRE SON IDENTITE DE

TELLE SORTE QUE LES FORMALITES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-3 ET SUIVANTS DE LA LOI DU 10 JUIN 1983 NrsquoETAIENT PAS APPLICABLES

rdquoALORS QUE DrsquoUNE PART LA PRETENDUE FREQUENCE DES INFRACTIONS DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN NE PEUT PAS CONSTITUER LA ldquoMENACE IMMEDIATErdquo EXIGEE PAR LA LOI ndeg 83-466 DU 10 JUIN 1983 POUR AUTORISER LES CONTROLES DrsquoIDENTITE

rdquoALORS QUE DrsquoAUTRE PART LORSQUE A LA SUITE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE UNE

PERSONNE EST RETENUE POUR QUELQUE CAUSE QUE CE SOIT LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE DOIT A PEINE DE NULLITE EXPOSER LES MOTIFS DE CE CONTROLE DANS UN PROCES-VERBAL LEQUEL MENTIONNE SOUS LA MEME SANCTION LES CONDITIONS

3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute

8

DANS LESQUELLES LA PERSONNE A ETE PRESENTEE DEVANT LEDIT OFFICIER INFORMEE DE SES DROITS ET MISE EN MESURE DE LES EXERCER

rdquo VU LESDITS ARTICLES ATTENDU DrsquoUNE PART QUrsquoAUX TERMES DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE

PROCEDURE PENALE LrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE PEUT ETRE CONTROLEE DANS DES LIEUX DETERMINES LA OU LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS SE TROUVE IMMEDIATEMENT MENACEE

ATTENDU DrsquoAUTRE PART QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR DES MOTIFS

PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE KANDE A ETE INTERPELLE LE 14

OCTOBRE 1983 A 10 HEURES A LA STATION STALINGRAD DU METROPOLITAIN DE PARIS PAR DES GARDIENS DE LA PAIX AGISSANT SUR LES INSTRUCTIONS DE LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE CHARGE DU SERVICE DE PROTECTION DE LA R A T P

QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET PORTEUR DrsquoUN TITRE DE SEJOUR IRREGULIER QUrsquoIL A ETE AINSI POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR AVOIR

PENETRE OU SEJOURNE EN FRANCE SANS SE CONFORMER AUX DISPOSITIONS LEGALES DELIT PREVU ET REPRIME PAR LrsquoARTICLE 19 DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 MODIFIEE PAR LA LOI DU 29 OCTOBRE 1981

ATTENDU QUE POUR REJETER LES CONCLUSIONS DU PREVENU FAISANT VALOIR

LrsquoILLEGALITE DU CONTROLE DrsquoIDENTITE ET LA NULLITE DE LA PROCEDURE SUBSEQUENTE LA COUR DrsquoAPPEL SE BORNE A ENONCER QUE ldquoLA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE A CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS EST IMMEDIATEMENT MENACEErdquo

QUrsquoELLE EN DEDUIT QUE LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE A ETE EFFECTUE

CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

MAIS ATTENDU QUrsquoEN LrsquoETAT DE CE SEUL MOTIF DrsquoORDRE GENERAL ET QUI NE SE

REFERE A AUCUN ELEMENT DE LA PROCEDURE LA COUR DrsquoAPPEL QUI NrsquoA PAS PRECISE EN QUOI LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE A LA STATION STALINGRAD LORSQUE LES SERVICES DE POLICE ONT PROCEDE AU CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 A 10 HEURES NrsquoA PAS JUSTIFIE SA DECISION AU REGARD DU TEXTE SUSVISE

DrsquoOU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF PAR CES MOTIFS ET SANS QUrsquoIL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE SECOND MOYEN CASSE ET

ANNULE LrsquoARRET SUSVISE DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983

Publication Bulletin criminel 1984 Ndeg 287

9

Ndeg de pourvoi 84-92916 Publieacute au bulletin

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A PLACE LrsquoACTION DES

GARDIENS DE LA PAIX DANS LE CADRE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE SOUMIS AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ALORS QUrsquoILS AGISSAIENT DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 EN DEMANDANT A VUCKOVIC DE LEUR PRESENTER LES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS IL ETAIT AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCErdquo

SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 593 DU

CODE DE PROCEDURE PENALE ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE NrsquoA PAS REPONDU AUX REQUISITIONS DU MINISTERE PUBLIC SOUTENANT QUrsquoIL SrsquoAGISSAIT EN LrsquoESPECE NON PAS DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE REALISE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE MAIS DrsquoUNE VERIFICATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS UN ETRANGER EST AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE REALISEE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 REGLEMENTANT LES CONDITIONS DrsquoENTREE ET LE SEJOUR DES ETRANGERSrdquo

CES MOYENS ETANT REUNIS ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE VUCKOVIC A ETE INTERPELLE SUR

UN QUAI DE GARE PAR DES GARDIENS DE LA PAIX QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET EN SEJOUR IRREGULIER SUR LE TERRITOIRE

FRANCAIS QUrsquoIL A ETE POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR INFRACTION

A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS ATTENDU QUE POUR ECARTER IMPLICITEMENT LrsquoARGUMENTATION DU REPRESENTANT

DU MINISTERE PUBLIC QUI SOUTENAIT QUE LES SERVICES DE POLICE AVAIENT PU PROCEDER A LrsquoINTERPELLATION DE VUCKOVIC UNIQUEMENT EN VERTU DE LrsquoARTICLE 1ER DU DECRET DU 18 MARS 1946 ET DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 PRIS EN APPLICATION DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 LA COUR DrsquoAPPEL RELEVE QUE LES GARDIENS DE LA PAIX ONT EFFECTUE A LrsquoEGARD DU PREVENU UN CONTROLE DrsquoIDENTITE AU TITRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE TEL QUE PREVU PAR LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

ATTENDU QUrsquoEN STATUANT AINSI LA COUR DrsquoAPPEL NrsquoA AUCUNEMENT VIOLE LES

TEXTES VISES AU MOYEN QUrsquoEN EFFET POUR QUE LES AGENTS DE LrsquoAUTORITE AIENT LA FACULTE DE REQUERIR

LA PRESENTATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS LES ETRANGERS SONT AUTORISES A SEJOURNER EN FRANCE IL FAUT QUE DES ELEMENTS OBJECTIFS DEDUITS DE CIRCONSTANCES EXTERIEURES A LA PERSONNE MEME DE LrsquoINTERESSE SOIENT DE NATURE A FAIRE APPARAITRE SA QUALITE DrsquoETRANGER

4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC

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QUrsquoEN LrsquoABSENCE DE TELS ELEMENTS LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DOIT ETRE

PREALABLEMENT EFFECTUE SOUS LES CONDITIONS ET DANS LES FORMES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE

DrsquoOU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES (hellip)

Ndeg de pourvoi 92-83352 Publieacute au bulletin REJET du pourvoi formeacute par le procureur geacuteneacuteral

pregraves la cour drsquoappel de Paris contre lrsquoarrecirct de la chambre drsquoaccusation de ladite Cour en date du 27 mai 1992 qui dans la proceacutedure suivie contre Yvon ou Yvan Bassilika pour infractions agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers a prononceacute la nulliteacute des actes de lrsquoinformation et apregraves avoir eacutevoqueacute a constateacute qursquoil ne restait rien sur quoi instruire

LA COUR Vu le meacutemoire produit Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 78-2 alineacutea 2 et 593

alineacuteas 1 et 2 du Code de proceacutedure peacutenale fausse application contradiction de motifs deacutefaut de reacuteponse aux reacutequisitions du ministegravere public

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoYvon Bassilika a eacuteteacute interpelleacute le 23 deacutecembre 1991 agrave

15 heures 15 aux abords de la gare de Villepinte (Seine-Saint-Denis) par des gardiens de la paix agissant sur les instructions permanentes de lrsquoofficier de police judiciaire chef de la circonscription de police urbaine qursquoil srsquoest reacuteveacuteleacute ecirctre eacutetranger et deacutepourvu de titre de seacutejour qursquoune information a eacuteteacute ouverte contre lui pour infraction agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers sur la base des articles 5 16 19 et 27 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945

Attendu que saisie par le juge drsquoinstruction en application de lrsquoarticle 171 du Code de proceacutedure peacutenale la chambre drsquoaccusation pour prononcer la nulliteacute du procegraves-verbal base des poursuites et des actes drsquoinformation subseacutequents constate que pour justifier lrsquointerpellation de Bassilika puis le controcircle de son identiteacute les agents de la force publique se sont borneacutes agrave eacutenoncer que ldquocirculant aux abords de la gare de Villepinte lieu propice aux vols agrave la roulotte ldquo ils ont remarqueacute ldquo deux individus srsquoexprimant en une langue eacutetrangegravere ldquo

Attendu qursquoen prononccedilant ainsi la chambre drsquoaccusation qui a reacutepondu comme elle le devait aux reacutequisitions du ministegravere public loin de meacuteconnaicirctre le sens et la porteacutee des textes viseacutes au moyen en a fait lrsquoexacte application

Qursquoen effet lrsquoapplication de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 2 du Code de proceacutedure peacutenale est subordonneacutee agrave la preacutevention ldquo drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public ldquo qui soit directement rattachable au comportement de la personne dont lrsquoidentiteacute est controcircleacutee

Qursquoil srsquoensuit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli

5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika

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Et attendu que lrsquoarrecirct est reacutegulier en la forme REJETTE le pourvoi Publication Bulletin criminel 1992 Ndeg 370 p 1024 Dalloz 21 janvier 1993 ndeg 3 p 36 note D MAYER

LE CONSEIL CONSTITUTIONNELVu la Constitution Vu la Convention dapplication de laccord de

Schengen signeacutee le 19 juin 1990 Vu lordonnance ndeg 58-1067 du 7 novembre 1958

modifieacutee portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

Vu le code de proceacutedure peacutenale notamment son article 78-2

Le rapporteur ayant eacuteteacute entendu Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine deacutefegraverent au Conseil constitutionnel la loi relative

aux controcircles et veacuterifications didentiteacute dans son ensemble en faisant valoir que larticle 1er de cette loi meacuteconnaicirctrait diffeacuterents principes et regravegles de valeur constitutionnelle et que les autres dispositions de ladite loi eacutenonceacutees agrave ses articles 2 et 3 sont inseacuteparables de larticle 1er

Consideacuterant que larticle 1er de la loi insegravere dans larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale un sixiegraveme un septiegraveme et un huitiegraveme alineacuteas lesquels remplacent le sixiegraveme alineacutea actuellement en vigueur

- SUR LE SIXIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cet alineacutea preacutevoit un cas suppleacutementaire dans lequel peuvent ecirctre engageacutees des

proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique pour la recherche et la poursuite dinfractions dans des lieux et pour une peacuteriode de temps qui doivent ecirctre preacuteciseacutes par ce magistrat quil indique que le fait que de tels controcircles didentiteacute reacutevegravelent des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Consideacuterant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette derniegravere preacutecision meacuteconnaicirct la liberteacute individuelle et sa protection par lautoriteacute judiciaire que garantit larticle 66 de la Constitution degraves lors que la prise en compte dinfractions qui ne seraient pas eacutenonceacutees a priori par le procureur de la Reacutepublique prive selon eux lautoriteacute judiciaire de toute maicirctrise effective de lopeacuteration

Consideacuterant quil appartient au leacutegislateur dassurer la conciliation entre dune part lexercice des liberteacutes constitutionnellement garanties et dautre part les besoins de la recherche des auteurs dinfractions qui sont neacutecessaires lun et lautre agrave la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle quil incombe agrave lautoriteacute judiciaire conformeacutement agrave larticle 66 de la Constitution dexercer un controcircle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par lesquelles le leacutegislateur a entendu assurer cette conciliation

Consideacuterant que le leacutegislateur a confieacute au procureur de la Reacutepublique magistrat de lordre judiciaire la responsabiliteacute de deacutefinir preacuteciseacutement les conditions dans lesquelles les proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute quil prescrit doivent ecirctre effectueacutees que la circonstance que le deacuteroulement de ces opeacuterations conduise les autoriteacutes de police judiciaire agrave relever des infractions qui nauraient pas eacuteteacute viseacutees preacutealablement par ce magistrat ne saurait eu eacutegard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions priver ces autoriteacutes des pouvoirs quelles tiennent de faccedilon geacuteneacuterale des dispositions du code de proceacutedure peacutenale que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code notamment agrave leacutegard du procureur de la Reacutepublique que degraves lors les garanties attacheacutees au respect de la liberteacute individuelle sous le controcircle de lautoriteacute judiciaire ne sont pas meacuteconnues quainsi le grief invoqueacute doit ecirctre eacutecarteacute

- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute

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Consideacuterant que cet alineacutea reprend des dispositions deacutejagrave en vigueur en vertu desquelles un controcircle didentiteacute peut ecirctre opeacutereacute selon les mecircmes modaliteacutes que dans les autres cas pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens en ajoutant la preacutecision nouvelle selon laquelle peut ecirctre controcircleacutee lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement

Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant agrave autoriser des controcircles didentiteacute sans que soient justifieacutes les motifs de lopeacuteration effectueacutee porte une atteinte excessive agrave la liberteacute individuelle en la privant de garanties leacutegales

Consideacuterant que la preacutevention datteintes agrave lordre public notamment datteintes agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens est neacutecessaire agrave la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle que toutefois la pratique de controcircles didentiteacute geacuteneacuteraliseacutes et discreacutetionnaires serait incompatible avec le respect de la liberteacute individuelle que sil est loisible au leacutegislateur de preacutevoir que le controcircle didentiteacute dune personne peut ne pas ecirctre lieacute agrave son comportement il demeure que lautoriteacute concerneacutee doit justifier dans tous les cas des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque datteinte agrave lordre public qui a motiveacute le controcircle que ce nest que sous cette reacuteserve dinterpreacutetation que le leacutegislateur peut ecirctre regardeacute comme nayant pas priveacute de garanties leacutegales lexistence de liberteacutes constitutionnellement garanties

Consideacuterant quil appartient aux autoriteacutes administratives et judiciaires de veiller au respect inteacutegral de lensemble des conditions de forme et de fond poseacutees par le leacutegislateur quen particulier il incombe aux tribunaux compeacutetents de censurer et de reacuteprimer les illeacutegaliteacutes qui seraient commises et de pourvoir eacuteventuellement agrave la reacuteparation de leurs conseacutequences dommageables quainsi il revient agrave lautoriteacute judiciaire gardienne de la liberteacute individuelle de controcircler en particulier les conditions relatives agrave la leacutegaliteacute agrave la reacutealiteacute et agrave la pertinence des raisons ayant motiveacute les opeacuterations de controcircle et de veacuterification didentiteacute quagrave cette fin il lui appartient dappreacutecier sil y a lieu le comportement des personnes concerneacutees

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cette disposition autorise le controcircle de lidentiteacute de toute personne en vue de

veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux mais encore dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en deccedilagrave que cette distance peut ecirctre porteacutee jusquagrave quarante kilomegravetres par arrecircteacute interministeacuteriel dans des conditions agrave preacutevoir par deacutecret en Conseil dEtat

Consideacuterant que larticle 3 de la loi deacutefeacutereacutee preacutevoit que les dispositions de cet alineacutea ne prendront effet quagrave la date dentreacutee en vigueur de ladite Convention

Consideacuterant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alineacutea imposent agrave la liberteacute individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties leacutegales quelles meacuteconnaissent les principes deacutegaliteacute devant la loi et dindivisibiliteacute de la Reacutepublique dans la mesure ougrave elles imposent agrave certaines personnes sans justification approprieacutee des contraintes particuliegraveres lieacutees agrave leurs attaches avec certaines parties du territoire franccedilais quils ajoutent quen reconnaissant au pouvoir reacuteglementaire la latitude daccroicirctre tregraves sensiblement les zones concerneacutees le leacutegislateur a meacuteconnu sa propre compeacutetence

Consideacuterant que les stipulations de la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 suppriment les controcircles aux frontiegraveres inteacuterieures concernant les personnes sauf pour une peacuteriode limiteacutee lorsque lordre public ou la seacutecuriteacute nationale lexigent que le leacutegislateur a estimeacute que par les dispositions contesteacutees il prenait dans le cadre de lapplication de ces stipulations des mesures neacutecessaires agrave la recherche des auteurs dinfractions et agrave la preacutevention datteintes agrave lordre public

Consideacuterant que sagissant dune part des zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouvertes au trafic international dautre part de celles qui sont comprises entre les frontiegraveres terrestres de la France avec les Etats parties agrave la Convention et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave le leacutegislateur a degraves lors que certains controcircles aux frontiegraveres seraient supprimeacutes autoriseacute des controcircles didentiteacute que ceux-ci doivent ecirctre conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opeacuterations sont de maniegravere geacuteneacuterale soumises que ces controcircles sont effectueacutes en vue dassurer le respect des obligations preacutevues par la loi de deacutetention de port et de preacutesentation de titres et documents que les zones concerneacutees preacuteciseacutement deacutefinies dans leur nature et leur eacutetendue preacutesentent des risques particuliers dinfractions et datteintes agrave lordre public lieacutes agrave la circulation

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internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

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personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

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Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 6: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

REJET DU POURVOI DE X (OLIVIER) PARTIE CIVILE CONTRE UN ARRET DE LA CHAMBRE DACCUSATION DE LA COUR DAPPEL DE PARIS EN DATE DU 11 JANVIER 1972 QUI DANS UNE INFORMATION SUIVIE CONTRE X DES CHEFS DARRESTATION ET SEQUESTRATION ARBITRAIRES A CONFIRME LORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE DINSTRUCTION LA COUR

VU LE MEMOIRE PRODUIT (hellip)

AU FOND SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LARTICLE 7 DE LA DECLARATION DES DROITS DE LHOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOUT 1789 DE LARTICLE 66 DE LA CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DES ARTICLES 114 ET SUIVANTS 341 DU CODE PENAL DES ARTICLES 30 53 ET SUIVANTS 61 77 575 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE DE LARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964 ET DE LARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810 POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE EN CE QUE LARRET ATTAQUE A PRONONCE UN NON-LIEU DES CHEFS DATTENTAT A LA LIBERTE DARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES

AUX MOTIFS QUE LES MESURES DENONCEES PAR LA PARTIE CIVILE - ET DONT LA MATERIALITE NEST PAS CONTESTEE - ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE PAR LARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964

QUE CES MESURES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE LORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX

QUEN CONSEQUENCE LINTERPELLATION DE X PUIS LA CONTRAINTE TEMPORAIRE SUBIE PAR LUI DANS UN CENTRE AFFECTE A CET USAGE PENDANT LES VERIFICATIONS DIDENTITE QUI SAVERAIENT NECESSAIRES AYANT ETE PRATIQUEES EN LESPECE DANS LE CHAMP DAPPLICATION DES POUVOIRS DE POLICE DU MAINTIEN DE LORDRE ET EN CONFORMITE AUX REGLES EN USAGE DONC DANS DES CONDITIONS EXCLUSIVES DE TOUTE INTENTION COUPABLE LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DES INFRACTIONS VISEES AU REQUISITOIRE INTRODUCTIF NE SONT PAS REUNIS

ALORS DUNE PART QUAUCUN POUVOIR DE POLICE ADMINISTRATIVE NE PERMET AU PREFET DE POLICE OU AUX FONCTIONNAIRES QUI DEPENDENT DE LUI DARRETER ET DE DETENIR UN CITOYEN FRANCAIS ET ALORS DAUTRE PART QUE LE FAIT POUR UN POLICIER MEME SIL PRETEND AGIR EN VUE DE MAINTENIR LORDRE DARRETER ET DE PRIVER DE LIBERTE UN CITOYEN FRANCAIS CONSTITUE LE CRIME DATTENTAT A LA LIBERTE

QUE LELEMENT INTENTIONNEL DE CE CRIME RESULTE DE CE QUE LE POLICIER PEUT ET DOIT CONNAITRE LILLEGALITE MANIFESTE DUNE ARRESTATION ET DUNE DETENTION INSUSCEPTIBLES DETRE JUSTIFIEES PAR UN TEXTE LEGAL ET CONTRAIRES AUX DISPOSITIONS AUSSI FONDAMENTALES QUELEMENTAIRES DE LA CONSTITUTION

ATTENDU QUUNE INFORMATION OUVERTE CONTRE X DU CHEF DARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES SUR PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE X OLIVIER A ETE CLOSE PAR UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU DONT LE DEMANDEUR A RELEVE APPEL

ATTENDU QUE STATUANT SUR CET APPEL LA CHAMBRE DACCUSATION EXPOSE DANS LARRET ATTAQUE 1deg QUE DIVERS GROUPEMENTS DE TENDANCES CONTRAIRES AYANT ANNONCE QUILS PROCEDERAIENT DANS LA JOURNEE DU 26 FEVRIER 1970 A DES DEMONSTRATIONS PUBLIQUES LE PREFET DE POLICE AVAIT ETE AMENE A INTERDIRE UNE REUNION DU MOUVEMENT ORDRE NOUVEAU PREVUE AU PALAIS DE LA MUTUALITE AINSI

2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel

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QUE DES MANIFESTATIONS DE RUES AUXQUELLES LUNION NATIONALE DES ETUDIANTS DE FRANCE ET UN COMITE NATIONAL DE GREVE DES ETUDIANTS DE PARIS ENTENDAIENT SE LIVRER

2deg QUE POUR EVITER DEVENTUELS AFFRONTEMENTS PREJUDICIABLES A LORDRE PUBLIC UN IMPORTANT SERVICE DORDRE AVAIT ETE MIS EN PLACE NOTAMMENT RUE SOUFFLOT DONT LES MEMBRES GARDIENS DE LA PAIX OU MILITAIRES DE LA GENDARMERIE MOBILE AVAIENT POUR MISSION DEVITER LE REGROUPEMENT DE NOMBREUX JEUNES GENS QUI SAMASSAIENT RUE SOUFFLOT ET A SES ABORDS

3deg QUE DANS LE CADRE DE CETTE MISSION QUI AMENAIT LE SERVICE DORDRE A CONTROLER LIDENTITE DES PASSANTS X AVAIT ETE INTERPELLE VERS 15 HEURES PAR UN POLICIER EN UNIFORME AUQUEL IL AVAIT PRESENTE UNE CARTE DIDENTITE NATIONALE

4deg QUE CETTE CARTE DIDENTITE COMPORTANT COMME LE PRECISE LARRET UNE PHOTOGRAPHIE QUI NE PARAISSAIT PAS CORRESPONDRE AU VISAGE DE X CE DERNIER AVAIT ETE CONDUIT AU CENTRE BEAUJON POUR EXAMEN PLUS APPROFONDI DE SA SITUATION

5deg QUENFIN APRES QUUN CLICHE PHOTOGRAPHIQUE EUT ETE PRIS ET QUE LES VERIFICATIONS DARCHIVES ET DE DOMICILE AIENT ETE EFFECTUEES X AVAIT ETE RELACHE LE 27 FEVRIER A 0H55

ATTENDU QUEN CET ETAT CEST A TORT ET PAR SUITE DUNE ERREUR DE DROIT QUIL CONVIENT DE CENSURER QUE LA CHAMBRE DACCUSATION A CONFIRME LORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE DINSTRUCTION AUX MOTIFS QUE LES MESURES INCRIMINEES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE LORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX ET QUE LESDITES MESURES ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE

QUEN EFFET LES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE SILS PERMETTENT QUAND DES CIRCONSTANCES PARTICULIERES LEXIGENT DE PROCEDER A DES VERIFICATIONS DIDENTITE NAUTORISENT PAS A RETENIR FUT-CE PROVISOIREMENT DES PERSONNES QUI NONT COMMIS AUCUNE INFRACTION OU QUI NE SONT PAS SOUPCONNEES DEN AVOIR COMMIS

QUE DAUTRE PART LA COUR NE POUVAIT COMME ELLE LA FAIT ECARTER TOUTE INTENTION COUPABLE AU SEUL MOTIF DE REGLES EN USAGE QUI MEME SI ELLES EXISTAIENT NE POURRAIENT CONSTITUER UNE CAUSE DE JUSTIFICATION OU UNE EXCUSE QUE LA LOI NE PREVOIT PAS

MAIS ATTENDU QUE LA COUR DE CASSATION A LE POUVOIR DE SUBSTITUER UN MOTIF DE PUR DROIT A UN MOTIF ERRONE OU INOPERANT SUR LEQUEL SE FONDE UNE DECISION ATTAQUEE ET DE JUSTIFIER AINSI LADITE DECISION

- QUE DANS LA PRESENTE ESPECE ELLE EST EN MESURE DE SASSURER QUAPRES AVOIR ETE REGULIEREMENT INTERPELLE EN VUE DUN CONTROLE DIDENTITE QUE LES CIRCONSTANCES JUSTIFIAIENT X A ETE MAINTENU TEMPORAIREMENT A LA DISPOSITION DES SERVICES DE POLICE A LOCCASION DUNE RECHERCHE DE POLICE JUDICIAIRE

QUIL SE DEDUIT EN EFFET DES CONSTATATIONS SOUVERAINES DE LARRET QUE LA CARTE DIDENTITE DETENUE PAR X TELLE QUELLE EST DECRITE PAR LA COUR ET QUI A ETE PRESENTEE A LA POLICE ETAIT SUSPECTE ET QUE SA POSSESSION LAISSAIT PRESUMER QUE DES INFRACTIONS POUVAIENT AVOIR ETE COMMISES

- QUAINSI LES SERVICES DE POLICE EN GARDANT X A LEUR DISPOSITION DU 26 FEVRIER A 15 HEURES AU 27 FEVRIER A 0H55 SOIT PENDANT DIX HEURES NONT PAS EXCEDE LES POUVOIRS QUE LEUR CONFERAIENT LES ARTICLES 53 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET SPECIALEMENT LES ARTICLES 61 PARAGRAPHE 2 ET 63 DUDIT CODE LE PREMIER DISPOSANT

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QUE TOUTE PERSONNE DONT IL APPARAIT NECESSAIRE AU COURS DE RECHERCHES JUDICIAIRES DETABLIR OU DE VERIFIER LIDENTITE DOIT A LA DEMANDE DE LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE OU DE LUN DES AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE ENUMERES A LARTICLE 20 SE PRETER AUX OPERATIONS QUEXIGE CETTE MESURE - LE SECOND AUTORISANT LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE A GARDER A SA DISPOSITION POUR LES NECESSITES DE LENQUETE UNE OU PLUSIEURS DES PERSONNES VISEES AUX ARTICLES 61 ET 62 A LA CONDITION DE NE PAS LES RETENIR PLUS DE VINGT-QUATRE HEURES

QUIL SENSUIT QUELQUE REGRETTABLE QUE SOIT LERREUR DE DROIT COMMISE PAR LA CHAMBRE DACCUSATION QUE LE MOYEN DOIT ETRE REJETE

REJETTE LE POURVOI

Ndeg de pourvoi 83-94341 Publieacute au bulletin

STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR - KANDE ABDOULAYE - CONTRE UN ARRET

DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS DIXIEME CHAMBRE EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983 QUI POUR INFRACTION A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS A ORDONNE SA RECONDUITE A LA FRONTIERE AVEC EXECUTION PROVISOIRE

VU LE MEMOIRE PRODUIT SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 78-2 78-3

174 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE

rdquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A REFUSE DrsquoANNULER LA PROCEDURE A COMPTER DE

LrsquoINTERPELLATION DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 rdquoAUX MOTIFS QUE LA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRAIENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE AVAIT CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIAIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE

QUrsquoAU COURS DE CE CONTROLE KANDE AVAIT FAIT CONNAITRE SON IDENTITE DE

TELLE SORTE QUE LES FORMALITES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-3 ET SUIVANTS DE LA LOI DU 10 JUIN 1983 NrsquoETAIENT PAS APPLICABLES

rdquoALORS QUE DrsquoUNE PART LA PRETENDUE FREQUENCE DES INFRACTIONS DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN NE PEUT PAS CONSTITUER LA ldquoMENACE IMMEDIATErdquo EXIGEE PAR LA LOI ndeg 83-466 DU 10 JUIN 1983 POUR AUTORISER LES CONTROLES DrsquoIDENTITE

rdquoALORS QUE DrsquoAUTRE PART LORSQUE A LA SUITE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE UNE

PERSONNE EST RETENUE POUR QUELQUE CAUSE QUE CE SOIT LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE DOIT A PEINE DE NULLITE EXPOSER LES MOTIFS DE CE CONTROLE DANS UN PROCES-VERBAL LEQUEL MENTIONNE SOUS LA MEME SANCTION LES CONDITIONS

3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute

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DANS LESQUELLES LA PERSONNE A ETE PRESENTEE DEVANT LEDIT OFFICIER INFORMEE DE SES DROITS ET MISE EN MESURE DE LES EXERCER

rdquo VU LESDITS ARTICLES ATTENDU DrsquoUNE PART QUrsquoAUX TERMES DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE

PROCEDURE PENALE LrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE PEUT ETRE CONTROLEE DANS DES LIEUX DETERMINES LA OU LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS SE TROUVE IMMEDIATEMENT MENACEE

ATTENDU DrsquoAUTRE PART QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR DES MOTIFS

PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE KANDE A ETE INTERPELLE LE 14

OCTOBRE 1983 A 10 HEURES A LA STATION STALINGRAD DU METROPOLITAIN DE PARIS PAR DES GARDIENS DE LA PAIX AGISSANT SUR LES INSTRUCTIONS DE LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE CHARGE DU SERVICE DE PROTECTION DE LA R A T P

QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET PORTEUR DrsquoUN TITRE DE SEJOUR IRREGULIER QUrsquoIL A ETE AINSI POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR AVOIR

PENETRE OU SEJOURNE EN FRANCE SANS SE CONFORMER AUX DISPOSITIONS LEGALES DELIT PREVU ET REPRIME PAR LrsquoARTICLE 19 DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 MODIFIEE PAR LA LOI DU 29 OCTOBRE 1981

ATTENDU QUE POUR REJETER LES CONCLUSIONS DU PREVENU FAISANT VALOIR

LrsquoILLEGALITE DU CONTROLE DrsquoIDENTITE ET LA NULLITE DE LA PROCEDURE SUBSEQUENTE LA COUR DrsquoAPPEL SE BORNE A ENONCER QUE ldquoLA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE A CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS EST IMMEDIATEMENT MENACEErdquo

QUrsquoELLE EN DEDUIT QUE LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE A ETE EFFECTUE

CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

MAIS ATTENDU QUrsquoEN LrsquoETAT DE CE SEUL MOTIF DrsquoORDRE GENERAL ET QUI NE SE

REFERE A AUCUN ELEMENT DE LA PROCEDURE LA COUR DrsquoAPPEL QUI NrsquoA PAS PRECISE EN QUOI LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE A LA STATION STALINGRAD LORSQUE LES SERVICES DE POLICE ONT PROCEDE AU CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 A 10 HEURES NrsquoA PAS JUSTIFIE SA DECISION AU REGARD DU TEXTE SUSVISE

DrsquoOU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF PAR CES MOTIFS ET SANS QUrsquoIL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE SECOND MOYEN CASSE ET

ANNULE LrsquoARRET SUSVISE DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983

Publication Bulletin criminel 1984 Ndeg 287

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Ndeg de pourvoi 84-92916 Publieacute au bulletin

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A PLACE LrsquoACTION DES

GARDIENS DE LA PAIX DANS LE CADRE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE SOUMIS AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ALORS QUrsquoILS AGISSAIENT DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 EN DEMANDANT A VUCKOVIC DE LEUR PRESENTER LES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS IL ETAIT AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCErdquo

SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 593 DU

CODE DE PROCEDURE PENALE ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE NrsquoA PAS REPONDU AUX REQUISITIONS DU MINISTERE PUBLIC SOUTENANT QUrsquoIL SrsquoAGISSAIT EN LrsquoESPECE NON PAS DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE REALISE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE MAIS DrsquoUNE VERIFICATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS UN ETRANGER EST AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE REALISEE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 REGLEMENTANT LES CONDITIONS DrsquoENTREE ET LE SEJOUR DES ETRANGERSrdquo

CES MOYENS ETANT REUNIS ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE VUCKOVIC A ETE INTERPELLE SUR

UN QUAI DE GARE PAR DES GARDIENS DE LA PAIX QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET EN SEJOUR IRREGULIER SUR LE TERRITOIRE

FRANCAIS QUrsquoIL A ETE POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR INFRACTION

A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS ATTENDU QUE POUR ECARTER IMPLICITEMENT LrsquoARGUMENTATION DU REPRESENTANT

DU MINISTERE PUBLIC QUI SOUTENAIT QUE LES SERVICES DE POLICE AVAIENT PU PROCEDER A LrsquoINTERPELLATION DE VUCKOVIC UNIQUEMENT EN VERTU DE LrsquoARTICLE 1ER DU DECRET DU 18 MARS 1946 ET DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 PRIS EN APPLICATION DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 LA COUR DrsquoAPPEL RELEVE QUE LES GARDIENS DE LA PAIX ONT EFFECTUE A LrsquoEGARD DU PREVENU UN CONTROLE DrsquoIDENTITE AU TITRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE TEL QUE PREVU PAR LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

ATTENDU QUrsquoEN STATUANT AINSI LA COUR DrsquoAPPEL NrsquoA AUCUNEMENT VIOLE LES

TEXTES VISES AU MOYEN QUrsquoEN EFFET POUR QUE LES AGENTS DE LrsquoAUTORITE AIENT LA FACULTE DE REQUERIR

LA PRESENTATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS LES ETRANGERS SONT AUTORISES A SEJOURNER EN FRANCE IL FAUT QUE DES ELEMENTS OBJECTIFS DEDUITS DE CIRCONSTANCES EXTERIEURES A LA PERSONNE MEME DE LrsquoINTERESSE SOIENT DE NATURE A FAIRE APPARAITRE SA QUALITE DrsquoETRANGER

4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC

10

QUrsquoEN LrsquoABSENCE DE TELS ELEMENTS LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DOIT ETRE

PREALABLEMENT EFFECTUE SOUS LES CONDITIONS ET DANS LES FORMES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE

DrsquoOU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES (hellip)

Ndeg de pourvoi 92-83352 Publieacute au bulletin REJET du pourvoi formeacute par le procureur geacuteneacuteral

pregraves la cour drsquoappel de Paris contre lrsquoarrecirct de la chambre drsquoaccusation de ladite Cour en date du 27 mai 1992 qui dans la proceacutedure suivie contre Yvon ou Yvan Bassilika pour infractions agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers a prononceacute la nulliteacute des actes de lrsquoinformation et apregraves avoir eacutevoqueacute a constateacute qursquoil ne restait rien sur quoi instruire

LA COUR Vu le meacutemoire produit Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 78-2 alineacutea 2 et 593

alineacuteas 1 et 2 du Code de proceacutedure peacutenale fausse application contradiction de motifs deacutefaut de reacuteponse aux reacutequisitions du ministegravere public

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoYvon Bassilika a eacuteteacute interpelleacute le 23 deacutecembre 1991 agrave

15 heures 15 aux abords de la gare de Villepinte (Seine-Saint-Denis) par des gardiens de la paix agissant sur les instructions permanentes de lrsquoofficier de police judiciaire chef de la circonscription de police urbaine qursquoil srsquoest reacuteveacuteleacute ecirctre eacutetranger et deacutepourvu de titre de seacutejour qursquoune information a eacuteteacute ouverte contre lui pour infraction agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers sur la base des articles 5 16 19 et 27 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945

Attendu que saisie par le juge drsquoinstruction en application de lrsquoarticle 171 du Code de proceacutedure peacutenale la chambre drsquoaccusation pour prononcer la nulliteacute du procegraves-verbal base des poursuites et des actes drsquoinformation subseacutequents constate que pour justifier lrsquointerpellation de Bassilika puis le controcircle de son identiteacute les agents de la force publique se sont borneacutes agrave eacutenoncer que ldquocirculant aux abords de la gare de Villepinte lieu propice aux vols agrave la roulotte ldquo ils ont remarqueacute ldquo deux individus srsquoexprimant en une langue eacutetrangegravere ldquo

Attendu qursquoen prononccedilant ainsi la chambre drsquoaccusation qui a reacutepondu comme elle le devait aux reacutequisitions du ministegravere public loin de meacuteconnaicirctre le sens et la porteacutee des textes viseacutes au moyen en a fait lrsquoexacte application

Qursquoen effet lrsquoapplication de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 2 du Code de proceacutedure peacutenale est subordonneacutee agrave la preacutevention ldquo drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public ldquo qui soit directement rattachable au comportement de la personne dont lrsquoidentiteacute est controcircleacutee

Qursquoil srsquoensuit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli

5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika

11

Et attendu que lrsquoarrecirct est reacutegulier en la forme REJETTE le pourvoi Publication Bulletin criminel 1992 Ndeg 370 p 1024 Dalloz 21 janvier 1993 ndeg 3 p 36 note D MAYER

LE CONSEIL CONSTITUTIONNELVu la Constitution Vu la Convention dapplication de laccord de

Schengen signeacutee le 19 juin 1990 Vu lordonnance ndeg 58-1067 du 7 novembre 1958

modifieacutee portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

Vu le code de proceacutedure peacutenale notamment son article 78-2

Le rapporteur ayant eacuteteacute entendu Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine deacutefegraverent au Conseil constitutionnel la loi relative

aux controcircles et veacuterifications didentiteacute dans son ensemble en faisant valoir que larticle 1er de cette loi meacuteconnaicirctrait diffeacuterents principes et regravegles de valeur constitutionnelle et que les autres dispositions de ladite loi eacutenonceacutees agrave ses articles 2 et 3 sont inseacuteparables de larticle 1er

Consideacuterant que larticle 1er de la loi insegravere dans larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale un sixiegraveme un septiegraveme et un huitiegraveme alineacuteas lesquels remplacent le sixiegraveme alineacutea actuellement en vigueur

- SUR LE SIXIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cet alineacutea preacutevoit un cas suppleacutementaire dans lequel peuvent ecirctre engageacutees des

proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique pour la recherche et la poursuite dinfractions dans des lieux et pour une peacuteriode de temps qui doivent ecirctre preacuteciseacutes par ce magistrat quil indique que le fait que de tels controcircles didentiteacute reacutevegravelent des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Consideacuterant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette derniegravere preacutecision meacuteconnaicirct la liberteacute individuelle et sa protection par lautoriteacute judiciaire que garantit larticle 66 de la Constitution degraves lors que la prise en compte dinfractions qui ne seraient pas eacutenonceacutees a priori par le procureur de la Reacutepublique prive selon eux lautoriteacute judiciaire de toute maicirctrise effective de lopeacuteration

Consideacuterant quil appartient au leacutegislateur dassurer la conciliation entre dune part lexercice des liberteacutes constitutionnellement garanties et dautre part les besoins de la recherche des auteurs dinfractions qui sont neacutecessaires lun et lautre agrave la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle quil incombe agrave lautoriteacute judiciaire conformeacutement agrave larticle 66 de la Constitution dexercer un controcircle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par lesquelles le leacutegislateur a entendu assurer cette conciliation

Consideacuterant que le leacutegislateur a confieacute au procureur de la Reacutepublique magistrat de lordre judiciaire la responsabiliteacute de deacutefinir preacuteciseacutement les conditions dans lesquelles les proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute quil prescrit doivent ecirctre effectueacutees que la circonstance que le deacuteroulement de ces opeacuterations conduise les autoriteacutes de police judiciaire agrave relever des infractions qui nauraient pas eacuteteacute viseacutees preacutealablement par ce magistrat ne saurait eu eacutegard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions priver ces autoriteacutes des pouvoirs quelles tiennent de faccedilon geacuteneacuterale des dispositions du code de proceacutedure peacutenale que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code notamment agrave leacutegard du procureur de la Reacutepublique que degraves lors les garanties attacheacutees au respect de la liberteacute individuelle sous le controcircle de lautoriteacute judiciaire ne sont pas meacuteconnues quainsi le grief invoqueacute doit ecirctre eacutecarteacute

- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute

12

Consideacuterant que cet alineacutea reprend des dispositions deacutejagrave en vigueur en vertu desquelles un controcircle didentiteacute peut ecirctre opeacutereacute selon les mecircmes modaliteacutes que dans les autres cas pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens en ajoutant la preacutecision nouvelle selon laquelle peut ecirctre controcircleacutee lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement

Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant agrave autoriser des controcircles didentiteacute sans que soient justifieacutes les motifs de lopeacuteration effectueacutee porte une atteinte excessive agrave la liberteacute individuelle en la privant de garanties leacutegales

Consideacuterant que la preacutevention datteintes agrave lordre public notamment datteintes agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens est neacutecessaire agrave la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle que toutefois la pratique de controcircles didentiteacute geacuteneacuteraliseacutes et discreacutetionnaires serait incompatible avec le respect de la liberteacute individuelle que sil est loisible au leacutegislateur de preacutevoir que le controcircle didentiteacute dune personne peut ne pas ecirctre lieacute agrave son comportement il demeure que lautoriteacute concerneacutee doit justifier dans tous les cas des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque datteinte agrave lordre public qui a motiveacute le controcircle que ce nest que sous cette reacuteserve dinterpreacutetation que le leacutegislateur peut ecirctre regardeacute comme nayant pas priveacute de garanties leacutegales lexistence de liberteacutes constitutionnellement garanties

Consideacuterant quil appartient aux autoriteacutes administratives et judiciaires de veiller au respect inteacutegral de lensemble des conditions de forme et de fond poseacutees par le leacutegislateur quen particulier il incombe aux tribunaux compeacutetents de censurer et de reacuteprimer les illeacutegaliteacutes qui seraient commises et de pourvoir eacuteventuellement agrave la reacuteparation de leurs conseacutequences dommageables quainsi il revient agrave lautoriteacute judiciaire gardienne de la liberteacute individuelle de controcircler en particulier les conditions relatives agrave la leacutegaliteacute agrave la reacutealiteacute et agrave la pertinence des raisons ayant motiveacute les opeacuterations de controcircle et de veacuterification didentiteacute quagrave cette fin il lui appartient dappreacutecier sil y a lieu le comportement des personnes concerneacutees

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cette disposition autorise le controcircle de lidentiteacute de toute personne en vue de

veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux mais encore dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en deccedilagrave que cette distance peut ecirctre porteacutee jusquagrave quarante kilomegravetres par arrecircteacute interministeacuteriel dans des conditions agrave preacutevoir par deacutecret en Conseil dEtat

Consideacuterant que larticle 3 de la loi deacutefeacutereacutee preacutevoit que les dispositions de cet alineacutea ne prendront effet quagrave la date dentreacutee en vigueur de ladite Convention

Consideacuterant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alineacutea imposent agrave la liberteacute individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties leacutegales quelles meacuteconnaissent les principes deacutegaliteacute devant la loi et dindivisibiliteacute de la Reacutepublique dans la mesure ougrave elles imposent agrave certaines personnes sans justification approprieacutee des contraintes particuliegraveres lieacutees agrave leurs attaches avec certaines parties du territoire franccedilais quils ajoutent quen reconnaissant au pouvoir reacuteglementaire la latitude daccroicirctre tregraves sensiblement les zones concerneacutees le leacutegislateur a meacuteconnu sa propre compeacutetence

Consideacuterant que les stipulations de la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 suppriment les controcircles aux frontiegraveres inteacuterieures concernant les personnes sauf pour une peacuteriode limiteacutee lorsque lordre public ou la seacutecuriteacute nationale lexigent que le leacutegislateur a estimeacute que par les dispositions contesteacutees il prenait dans le cadre de lapplication de ces stipulations des mesures neacutecessaires agrave la recherche des auteurs dinfractions et agrave la preacutevention datteintes agrave lordre public

Consideacuterant que sagissant dune part des zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouvertes au trafic international dautre part de celles qui sont comprises entre les frontiegraveres terrestres de la France avec les Etats parties agrave la Convention et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave le leacutegislateur a degraves lors que certains controcircles aux frontiegraveres seraient supprimeacutes autoriseacute des controcircles didentiteacute que ceux-ci doivent ecirctre conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opeacuterations sont de maniegravere geacuteneacuterale soumises que ces controcircles sont effectueacutes en vue dassurer le respect des obligations preacutevues par la loi de deacutetention de port et de preacutesentation de titres et documents que les zones concerneacutees preacuteciseacutement deacutefinies dans leur nature et leur eacutetendue preacutesentent des risques particuliers dinfractions et datteintes agrave lordre public lieacutes agrave la circulation

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internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

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personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

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Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 7: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

QUE DES MANIFESTATIONS DE RUES AUXQUELLES LUNION NATIONALE DES ETUDIANTS DE FRANCE ET UN COMITE NATIONAL DE GREVE DES ETUDIANTS DE PARIS ENTENDAIENT SE LIVRER

2deg QUE POUR EVITER DEVENTUELS AFFRONTEMENTS PREJUDICIABLES A LORDRE PUBLIC UN IMPORTANT SERVICE DORDRE AVAIT ETE MIS EN PLACE NOTAMMENT RUE SOUFFLOT DONT LES MEMBRES GARDIENS DE LA PAIX OU MILITAIRES DE LA GENDARMERIE MOBILE AVAIENT POUR MISSION DEVITER LE REGROUPEMENT DE NOMBREUX JEUNES GENS QUI SAMASSAIENT RUE SOUFFLOT ET A SES ABORDS

3deg QUE DANS LE CADRE DE CETTE MISSION QUI AMENAIT LE SERVICE DORDRE A CONTROLER LIDENTITE DES PASSANTS X AVAIT ETE INTERPELLE VERS 15 HEURES PAR UN POLICIER EN UNIFORME AUQUEL IL AVAIT PRESENTE UNE CARTE DIDENTITE NATIONALE

4deg QUE CETTE CARTE DIDENTITE COMPORTANT COMME LE PRECISE LARRET UNE PHOTOGRAPHIE QUI NE PARAISSAIT PAS CORRESPONDRE AU VISAGE DE X CE DERNIER AVAIT ETE CONDUIT AU CENTRE BEAUJON POUR EXAMEN PLUS APPROFONDI DE SA SITUATION

5deg QUENFIN APRES QUUN CLICHE PHOTOGRAPHIQUE EUT ETE PRIS ET QUE LES VERIFICATIONS DARCHIVES ET DE DOMICILE AIENT ETE EFFECTUEES X AVAIT ETE RELACHE LE 27 FEVRIER A 0H55

ATTENDU QUEN CET ETAT CEST A TORT ET PAR SUITE DUNE ERREUR DE DROIT QUIL CONVIENT DE CENSURER QUE LA CHAMBRE DACCUSATION A CONFIRME LORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE DINSTRUCTION AUX MOTIFS QUE LES MESURES INCRIMINEES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE LORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX ET QUE LESDITES MESURES ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE

QUEN EFFET LES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE SILS PERMETTENT QUAND DES CIRCONSTANCES PARTICULIERES LEXIGENT DE PROCEDER A DES VERIFICATIONS DIDENTITE NAUTORISENT PAS A RETENIR FUT-CE PROVISOIREMENT DES PERSONNES QUI NONT COMMIS AUCUNE INFRACTION OU QUI NE SONT PAS SOUPCONNEES DEN AVOIR COMMIS

QUE DAUTRE PART LA COUR NE POUVAIT COMME ELLE LA FAIT ECARTER TOUTE INTENTION COUPABLE AU SEUL MOTIF DE REGLES EN USAGE QUI MEME SI ELLES EXISTAIENT NE POURRAIENT CONSTITUER UNE CAUSE DE JUSTIFICATION OU UNE EXCUSE QUE LA LOI NE PREVOIT PAS

MAIS ATTENDU QUE LA COUR DE CASSATION A LE POUVOIR DE SUBSTITUER UN MOTIF DE PUR DROIT A UN MOTIF ERRONE OU INOPERANT SUR LEQUEL SE FONDE UNE DECISION ATTAQUEE ET DE JUSTIFIER AINSI LADITE DECISION

- QUE DANS LA PRESENTE ESPECE ELLE EST EN MESURE DE SASSURER QUAPRES AVOIR ETE REGULIEREMENT INTERPELLE EN VUE DUN CONTROLE DIDENTITE QUE LES CIRCONSTANCES JUSTIFIAIENT X A ETE MAINTENU TEMPORAIREMENT A LA DISPOSITION DES SERVICES DE POLICE A LOCCASION DUNE RECHERCHE DE POLICE JUDICIAIRE

QUIL SE DEDUIT EN EFFET DES CONSTATATIONS SOUVERAINES DE LARRET QUE LA CARTE DIDENTITE DETENUE PAR X TELLE QUELLE EST DECRITE PAR LA COUR ET QUI A ETE PRESENTEE A LA POLICE ETAIT SUSPECTE ET QUE SA POSSESSION LAISSAIT PRESUMER QUE DES INFRACTIONS POUVAIENT AVOIR ETE COMMISES

- QUAINSI LES SERVICES DE POLICE EN GARDANT X A LEUR DISPOSITION DU 26 FEVRIER A 15 HEURES AU 27 FEVRIER A 0H55 SOIT PENDANT DIX HEURES NONT PAS EXCEDE LES POUVOIRS QUE LEUR CONFERAIENT LES ARTICLES 53 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET SPECIALEMENT LES ARTICLES 61 PARAGRAPHE 2 ET 63 DUDIT CODE LE PREMIER DISPOSANT

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QUE TOUTE PERSONNE DONT IL APPARAIT NECESSAIRE AU COURS DE RECHERCHES JUDICIAIRES DETABLIR OU DE VERIFIER LIDENTITE DOIT A LA DEMANDE DE LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE OU DE LUN DES AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE ENUMERES A LARTICLE 20 SE PRETER AUX OPERATIONS QUEXIGE CETTE MESURE - LE SECOND AUTORISANT LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE A GARDER A SA DISPOSITION POUR LES NECESSITES DE LENQUETE UNE OU PLUSIEURS DES PERSONNES VISEES AUX ARTICLES 61 ET 62 A LA CONDITION DE NE PAS LES RETENIR PLUS DE VINGT-QUATRE HEURES

QUIL SENSUIT QUELQUE REGRETTABLE QUE SOIT LERREUR DE DROIT COMMISE PAR LA CHAMBRE DACCUSATION QUE LE MOYEN DOIT ETRE REJETE

REJETTE LE POURVOI

Ndeg de pourvoi 83-94341 Publieacute au bulletin

STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR - KANDE ABDOULAYE - CONTRE UN ARRET

DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS DIXIEME CHAMBRE EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983 QUI POUR INFRACTION A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS A ORDONNE SA RECONDUITE A LA FRONTIERE AVEC EXECUTION PROVISOIRE

VU LE MEMOIRE PRODUIT SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 78-2 78-3

174 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE

rdquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A REFUSE DrsquoANNULER LA PROCEDURE A COMPTER DE

LrsquoINTERPELLATION DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 rdquoAUX MOTIFS QUE LA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRAIENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE AVAIT CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIAIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE

QUrsquoAU COURS DE CE CONTROLE KANDE AVAIT FAIT CONNAITRE SON IDENTITE DE

TELLE SORTE QUE LES FORMALITES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-3 ET SUIVANTS DE LA LOI DU 10 JUIN 1983 NrsquoETAIENT PAS APPLICABLES

rdquoALORS QUE DrsquoUNE PART LA PRETENDUE FREQUENCE DES INFRACTIONS DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN NE PEUT PAS CONSTITUER LA ldquoMENACE IMMEDIATErdquo EXIGEE PAR LA LOI ndeg 83-466 DU 10 JUIN 1983 POUR AUTORISER LES CONTROLES DrsquoIDENTITE

rdquoALORS QUE DrsquoAUTRE PART LORSQUE A LA SUITE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE UNE

PERSONNE EST RETENUE POUR QUELQUE CAUSE QUE CE SOIT LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE DOIT A PEINE DE NULLITE EXPOSER LES MOTIFS DE CE CONTROLE DANS UN PROCES-VERBAL LEQUEL MENTIONNE SOUS LA MEME SANCTION LES CONDITIONS

3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute

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DANS LESQUELLES LA PERSONNE A ETE PRESENTEE DEVANT LEDIT OFFICIER INFORMEE DE SES DROITS ET MISE EN MESURE DE LES EXERCER

rdquo VU LESDITS ARTICLES ATTENDU DrsquoUNE PART QUrsquoAUX TERMES DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE

PROCEDURE PENALE LrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE PEUT ETRE CONTROLEE DANS DES LIEUX DETERMINES LA OU LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS SE TROUVE IMMEDIATEMENT MENACEE

ATTENDU DrsquoAUTRE PART QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR DES MOTIFS

PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE KANDE A ETE INTERPELLE LE 14

OCTOBRE 1983 A 10 HEURES A LA STATION STALINGRAD DU METROPOLITAIN DE PARIS PAR DES GARDIENS DE LA PAIX AGISSANT SUR LES INSTRUCTIONS DE LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE CHARGE DU SERVICE DE PROTECTION DE LA R A T P

QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET PORTEUR DrsquoUN TITRE DE SEJOUR IRREGULIER QUrsquoIL A ETE AINSI POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR AVOIR

PENETRE OU SEJOURNE EN FRANCE SANS SE CONFORMER AUX DISPOSITIONS LEGALES DELIT PREVU ET REPRIME PAR LrsquoARTICLE 19 DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 MODIFIEE PAR LA LOI DU 29 OCTOBRE 1981

ATTENDU QUE POUR REJETER LES CONCLUSIONS DU PREVENU FAISANT VALOIR

LrsquoILLEGALITE DU CONTROLE DrsquoIDENTITE ET LA NULLITE DE LA PROCEDURE SUBSEQUENTE LA COUR DrsquoAPPEL SE BORNE A ENONCER QUE ldquoLA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE A CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS EST IMMEDIATEMENT MENACEErdquo

QUrsquoELLE EN DEDUIT QUE LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE A ETE EFFECTUE

CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

MAIS ATTENDU QUrsquoEN LrsquoETAT DE CE SEUL MOTIF DrsquoORDRE GENERAL ET QUI NE SE

REFERE A AUCUN ELEMENT DE LA PROCEDURE LA COUR DrsquoAPPEL QUI NrsquoA PAS PRECISE EN QUOI LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE A LA STATION STALINGRAD LORSQUE LES SERVICES DE POLICE ONT PROCEDE AU CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 A 10 HEURES NrsquoA PAS JUSTIFIE SA DECISION AU REGARD DU TEXTE SUSVISE

DrsquoOU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF PAR CES MOTIFS ET SANS QUrsquoIL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE SECOND MOYEN CASSE ET

ANNULE LrsquoARRET SUSVISE DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983

Publication Bulletin criminel 1984 Ndeg 287

9

Ndeg de pourvoi 84-92916 Publieacute au bulletin

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A PLACE LrsquoACTION DES

GARDIENS DE LA PAIX DANS LE CADRE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE SOUMIS AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ALORS QUrsquoILS AGISSAIENT DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 EN DEMANDANT A VUCKOVIC DE LEUR PRESENTER LES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS IL ETAIT AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCErdquo

SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 593 DU

CODE DE PROCEDURE PENALE ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE NrsquoA PAS REPONDU AUX REQUISITIONS DU MINISTERE PUBLIC SOUTENANT QUrsquoIL SrsquoAGISSAIT EN LrsquoESPECE NON PAS DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE REALISE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE MAIS DrsquoUNE VERIFICATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS UN ETRANGER EST AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE REALISEE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 REGLEMENTANT LES CONDITIONS DrsquoENTREE ET LE SEJOUR DES ETRANGERSrdquo

CES MOYENS ETANT REUNIS ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE VUCKOVIC A ETE INTERPELLE SUR

UN QUAI DE GARE PAR DES GARDIENS DE LA PAIX QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET EN SEJOUR IRREGULIER SUR LE TERRITOIRE

FRANCAIS QUrsquoIL A ETE POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR INFRACTION

A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS ATTENDU QUE POUR ECARTER IMPLICITEMENT LrsquoARGUMENTATION DU REPRESENTANT

DU MINISTERE PUBLIC QUI SOUTENAIT QUE LES SERVICES DE POLICE AVAIENT PU PROCEDER A LrsquoINTERPELLATION DE VUCKOVIC UNIQUEMENT EN VERTU DE LrsquoARTICLE 1ER DU DECRET DU 18 MARS 1946 ET DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 PRIS EN APPLICATION DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 LA COUR DrsquoAPPEL RELEVE QUE LES GARDIENS DE LA PAIX ONT EFFECTUE A LrsquoEGARD DU PREVENU UN CONTROLE DrsquoIDENTITE AU TITRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE TEL QUE PREVU PAR LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

ATTENDU QUrsquoEN STATUANT AINSI LA COUR DrsquoAPPEL NrsquoA AUCUNEMENT VIOLE LES

TEXTES VISES AU MOYEN QUrsquoEN EFFET POUR QUE LES AGENTS DE LrsquoAUTORITE AIENT LA FACULTE DE REQUERIR

LA PRESENTATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS LES ETRANGERS SONT AUTORISES A SEJOURNER EN FRANCE IL FAUT QUE DES ELEMENTS OBJECTIFS DEDUITS DE CIRCONSTANCES EXTERIEURES A LA PERSONNE MEME DE LrsquoINTERESSE SOIENT DE NATURE A FAIRE APPARAITRE SA QUALITE DrsquoETRANGER

4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC

10

QUrsquoEN LrsquoABSENCE DE TELS ELEMENTS LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DOIT ETRE

PREALABLEMENT EFFECTUE SOUS LES CONDITIONS ET DANS LES FORMES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE

DrsquoOU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES (hellip)

Ndeg de pourvoi 92-83352 Publieacute au bulletin REJET du pourvoi formeacute par le procureur geacuteneacuteral

pregraves la cour drsquoappel de Paris contre lrsquoarrecirct de la chambre drsquoaccusation de ladite Cour en date du 27 mai 1992 qui dans la proceacutedure suivie contre Yvon ou Yvan Bassilika pour infractions agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers a prononceacute la nulliteacute des actes de lrsquoinformation et apregraves avoir eacutevoqueacute a constateacute qursquoil ne restait rien sur quoi instruire

LA COUR Vu le meacutemoire produit Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 78-2 alineacutea 2 et 593

alineacuteas 1 et 2 du Code de proceacutedure peacutenale fausse application contradiction de motifs deacutefaut de reacuteponse aux reacutequisitions du ministegravere public

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoYvon Bassilika a eacuteteacute interpelleacute le 23 deacutecembre 1991 agrave

15 heures 15 aux abords de la gare de Villepinte (Seine-Saint-Denis) par des gardiens de la paix agissant sur les instructions permanentes de lrsquoofficier de police judiciaire chef de la circonscription de police urbaine qursquoil srsquoest reacuteveacuteleacute ecirctre eacutetranger et deacutepourvu de titre de seacutejour qursquoune information a eacuteteacute ouverte contre lui pour infraction agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers sur la base des articles 5 16 19 et 27 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945

Attendu que saisie par le juge drsquoinstruction en application de lrsquoarticle 171 du Code de proceacutedure peacutenale la chambre drsquoaccusation pour prononcer la nulliteacute du procegraves-verbal base des poursuites et des actes drsquoinformation subseacutequents constate que pour justifier lrsquointerpellation de Bassilika puis le controcircle de son identiteacute les agents de la force publique se sont borneacutes agrave eacutenoncer que ldquocirculant aux abords de la gare de Villepinte lieu propice aux vols agrave la roulotte ldquo ils ont remarqueacute ldquo deux individus srsquoexprimant en une langue eacutetrangegravere ldquo

Attendu qursquoen prononccedilant ainsi la chambre drsquoaccusation qui a reacutepondu comme elle le devait aux reacutequisitions du ministegravere public loin de meacuteconnaicirctre le sens et la porteacutee des textes viseacutes au moyen en a fait lrsquoexacte application

Qursquoen effet lrsquoapplication de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 2 du Code de proceacutedure peacutenale est subordonneacutee agrave la preacutevention ldquo drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public ldquo qui soit directement rattachable au comportement de la personne dont lrsquoidentiteacute est controcircleacutee

Qursquoil srsquoensuit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli

5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika

11

Et attendu que lrsquoarrecirct est reacutegulier en la forme REJETTE le pourvoi Publication Bulletin criminel 1992 Ndeg 370 p 1024 Dalloz 21 janvier 1993 ndeg 3 p 36 note D MAYER

LE CONSEIL CONSTITUTIONNELVu la Constitution Vu la Convention dapplication de laccord de

Schengen signeacutee le 19 juin 1990 Vu lordonnance ndeg 58-1067 du 7 novembre 1958

modifieacutee portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

Vu le code de proceacutedure peacutenale notamment son article 78-2

Le rapporteur ayant eacuteteacute entendu Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine deacutefegraverent au Conseil constitutionnel la loi relative

aux controcircles et veacuterifications didentiteacute dans son ensemble en faisant valoir que larticle 1er de cette loi meacuteconnaicirctrait diffeacuterents principes et regravegles de valeur constitutionnelle et que les autres dispositions de ladite loi eacutenonceacutees agrave ses articles 2 et 3 sont inseacuteparables de larticle 1er

Consideacuterant que larticle 1er de la loi insegravere dans larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale un sixiegraveme un septiegraveme et un huitiegraveme alineacuteas lesquels remplacent le sixiegraveme alineacutea actuellement en vigueur

- SUR LE SIXIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cet alineacutea preacutevoit un cas suppleacutementaire dans lequel peuvent ecirctre engageacutees des

proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique pour la recherche et la poursuite dinfractions dans des lieux et pour une peacuteriode de temps qui doivent ecirctre preacuteciseacutes par ce magistrat quil indique que le fait que de tels controcircles didentiteacute reacutevegravelent des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Consideacuterant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette derniegravere preacutecision meacuteconnaicirct la liberteacute individuelle et sa protection par lautoriteacute judiciaire que garantit larticle 66 de la Constitution degraves lors que la prise en compte dinfractions qui ne seraient pas eacutenonceacutees a priori par le procureur de la Reacutepublique prive selon eux lautoriteacute judiciaire de toute maicirctrise effective de lopeacuteration

Consideacuterant quil appartient au leacutegislateur dassurer la conciliation entre dune part lexercice des liberteacutes constitutionnellement garanties et dautre part les besoins de la recherche des auteurs dinfractions qui sont neacutecessaires lun et lautre agrave la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle quil incombe agrave lautoriteacute judiciaire conformeacutement agrave larticle 66 de la Constitution dexercer un controcircle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par lesquelles le leacutegislateur a entendu assurer cette conciliation

Consideacuterant que le leacutegislateur a confieacute au procureur de la Reacutepublique magistrat de lordre judiciaire la responsabiliteacute de deacutefinir preacuteciseacutement les conditions dans lesquelles les proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute quil prescrit doivent ecirctre effectueacutees que la circonstance que le deacuteroulement de ces opeacuterations conduise les autoriteacutes de police judiciaire agrave relever des infractions qui nauraient pas eacuteteacute viseacutees preacutealablement par ce magistrat ne saurait eu eacutegard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions priver ces autoriteacutes des pouvoirs quelles tiennent de faccedilon geacuteneacuterale des dispositions du code de proceacutedure peacutenale que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code notamment agrave leacutegard du procureur de la Reacutepublique que degraves lors les garanties attacheacutees au respect de la liberteacute individuelle sous le controcircle de lautoriteacute judiciaire ne sont pas meacuteconnues quainsi le grief invoqueacute doit ecirctre eacutecarteacute

- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute

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Consideacuterant que cet alineacutea reprend des dispositions deacutejagrave en vigueur en vertu desquelles un controcircle didentiteacute peut ecirctre opeacutereacute selon les mecircmes modaliteacutes que dans les autres cas pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens en ajoutant la preacutecision nouvelle selon laquelle peut ecirctre controcircleacutee lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement

Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant agrave autoriser des controcircles didentiteacute sans que soient justifieacutes les motifs de lopeacuteration effectueacutee porte une atteinte excessive agrave la liberteacute individuelle en la privant de garanties leacutegales

Consideacuterant que la preacutevention datteintes agrave lordre public notamment datteintes agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens est neacutecessaire agrave la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle que toutefois la pratique de controcircles didentiteacute geacuteneacuteraliseacutes et discreacutetionnaires serait incompatible avec le respect de la liberteacute individuelle que sil est loisible au leacutegislateur de preacutevoir que le controcircle didentiteacute dune personne peut ne pas ecirctre lieacute agrave son comportement il demeure que lautoriteacute concerneacutee doit justifier dans tous les cas des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque datteinte agrave lordre public qui a motiveacute le controcircle que ce nest que sous cette reacuteserve dinterpreacutetation que le leacutegislateur peut ecirctre regardeacute comme nayant pas priveacute de garanties leacutegales lexistence de liberteacutes constitutionnellement garanties

Consideacuterant quil appartient aux autoriteacutes administratives et judiciaires de veiller au respect inteacutegral de lensemble des conditions de forme et de fond poseacutees par le leacutegislateur quen particulier il incombe aux tribunaux compeacutetents de censurer et de reacuteprimer les illeacutegaliteacutes qui seraient commises et de pourvoir eacuteventuellement agrave la reacuteparation de leurs conseacutequences dommageables quainsi il revient agrave lautoriteacute judiciaire gardienne de la liberteacute individuelle de controcircler en particulier les conditions relatives agrave la leacutegaliteacute agrave la reacutealiteacute et agrave la pertinence des raisons ayant motiveacute les opeacuterations de controcircle et de veacuterification didentiteacute quagrave cette fin il lui appartient dappreacutecier sil y a lieu le comportement des personnes concerneacutees

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cette disposition autorise le controcircle de lidentiteacute de toute personne en vue de

veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux mais encore dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en deccedilagrave que cette distance peut ecirctre porteacutee jusquagrave quarante kilomegravetres par arrecircteacute interministeacuteriel dans des conditions agrave preacutevoir par deacutecret en Conseil dEtat

Consideacuterant que larticle 3 de la loi deacutefeacutereacutee preacutevoit que les dispositions de cet alineacutea ne prendront effet quagrave la date dentreacutee en vigueur de ladite Convention

Consideacuterant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alineacutea imposent agrave la liberteacute individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties leacutegales quelles meacuteconnaissent les principes deacutegaliteacute devant la loi et dindivisibiliteacute de la Reacutepublique dans la mesure ougrave elles imposent agrave certaines personnes sans justification approprieacutee des contraintes particuliegraveres lieacutees agrave leurs attaches avec certaines parties du territoire franccedilais quils ajoutent quen reconnaissant au pouvoir reacuteglementaire la latitude daccroicirctre tregraves sensiblement les zones concerneacutees le leacutegislateur a meacuteconnu sa propre compeacutetence

Consideacuterant que les stipulations de la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 suppriment les controcircles aux frontiegraveres inteacuterieures concernant les personnes sauf pour une peacuteriode limiteacutee lorsque lordre public ou la seacutecuriteacute nationale lexigent que le leacutegislateur a estimeacute que par les dispositions contesteacutees il prenait dans le cadre de lapplication de ces stipulations des mesures neacutecessaires agrave la recherche des auteurs dinfractions et agrave la preacutevention datteintes agrave lordre public

Consideacuterant que sagissant dune part des zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouvertes au trafic international dautre part de celles qui sont comprises entre les frontiegraveres terrestres de la France avec les Etats parties agrave la Convention et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave le leacutegislateur a degraves lors que certains controcircles aux frontiegraveres seraient supprimeacutes autoriseacute des controcircles didentiteacute que ceux-ci doivent ecirctre conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opeacuterations sont de maniegravere geacuteneacuterale soumises que ces controcircles sont effectueacutes en vue dassurer le respect des obligations preacutevues par la loi de deacutetention de port et de preacutesentation de titres et documents que les zones concerneacutees preacuteciseacutement deacutefinies dans leur nature et leur eacutetendue preacutesentent des risques particuliers dinfractions et datteintes agrave lordre public lieacutes agrave la circulation

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internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

14

personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

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Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

16

Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 8: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

QUE TOUTE PERSONNE DONT IL APPARAIT NECESSAIRE AU COURS DE RECHERCHES JUDICIAIRES DETABLIR OU DE VERIFIER LIDENTITE DOIT A LA DEMANDE DE LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE OU DE LUN DES AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE ENUMERES A LARTICLE 20 SE PRETER AUX OPERATIONS QUEXIGE CETTE MESURE - LE SECOND AUTORISANT LOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE A GARDER A SA DISPOSITION POUR LES NECESSITES DE LENQUETE UNE OU PLUSIEURS DES PERSONNES VISEES AUX ARTICLES 61 ET 62 A LA CONDITION DE NE PAS LES RETENIR PLUS DE VINGT-QUATRE HEURES

QUIL SENSUIT QUELQUE REGRETTABLE QUE SOIT LERREUR DE DROIT COMMISE PAR LA CHAMBRE DACCUSATION QUE LE MOYEN DOIT ETRE REJETE

REJETTE LE POURVOI

Ndeg de pourvoi 83-94341 Publieacute au bulletin

STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR - KANDE ABDOULAYE - CONTRE UN ARRET

DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS DIXIEME CHAMBRE EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983 QUI POUR INFRACTION A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS A ORDONNE SA RECONDUITE A LA FRONTIERE AVEC EXECUTION PROVISOIRE

VU LE MEMOIRE PRODUIT SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 78-2 78-3

174 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE

rdquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A REFUSE DrsquoANNULER LA PROCEDURE A COMPTER DE

LrsquoINTERPELLATION DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 rdquoAUX MOTIFS QUE LA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRAIENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE AVAIT CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIAIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE

QUrsquoAU COURS DE CE CONTROLE KANDE AVAIT FAIT CONNAITRE SON IDENTITE DE

TELLE SORTE QUE LES FORMALITES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-3 ET SUIVANTS DE LA LOI DU 10 JUIN 1983 NrsquoETAIENT PAS APPLICABLES

rdquoALORS QUE DrsquoUNE PART LA PRETENDUE FREQUENCE DES INFRACTIONS DANS

LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN NE PEUT PAS CONSTITUER LA ldquoMENACE IMMEDIATErdquo EXIGEE PAR LA LOI ndeg 83-466 DU 10 JUIN 1983 POUR AUTORISER LES CONTROLES DrsquoIDENTITE

rdquoALORS QUE DrsquoAUTRE PART LORSQUE A LA SUITE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE UNE

PERSONNE EST RETENUE POUR QUELQUE CAUSE QUE CE SOIT LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE DOIT A PEINE DE NULLITE EXPOSER LES MOTIFS DE CE CONTROLE DANS UN PROCES-VERBAL LEQUEL MENTIONNE SOUS LA MEME SANCTION LES CONDITIONS

3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute

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DANS LESQUELLES LA PERSONNE A ETE PRESENTEE DEVANT LEDIT OFFICIER INFORMEE DE SES DROITS ET MISE EN MESURE DE LES EXERCER

rdquo VU LESDITS ARTICLES ATTENDU DrsquoUNE PART QUrsquoAUX TERMES DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE

PROCEDURE PENALE LrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE PEUT ETRE CONTROLEE DANS DES LIEUX DETERMINES LA OU LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS SE TROUVE IMMEDIATEMENT MENACEE

ATTENDU DrsquoAUTRE PART QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR DES MOTIFS

PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE KANDE A ETE INTERPELLE LE 14

OCTOBRE 1983 A 10 HEURES A LA STATION STALINGRAD DU METROPOLITAIN DE PARIS PAR DES GARDIENS DE LA PAIX AGISSANT SUR LES INSTRUCTIONS DE LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE CHARGE DU SERVICE DE PROTECTION DE LA R A T P

QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET PORTEUR DrsquoUN TITRE DE SEJOUR IRREGULIER QUrsquoIL A ETE AINSI POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR AVOIR

PENETRE OU SEJOURNE EN FRANCE SANS SE CONFORMER AUX DISPOSITIONS LEGALES DELIT PREVU ET REPRIME PAR LrsquoARTICLE 19 DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 MODIFIEE PAR LA LOI DU 29 OCTOBRE 1981

ATTENDU QUE POUR REJETER LES CONCLUSIONS DU PREVENU FAISANT VALOIR

LrsquoILLEGALITE DU CONTROLE DrsquoIDENTITE ET LA NULLITE DE LA PROCEDURE SUBSEQUENTE LA COUR DrsquoAPPEL SE BORNE A ENONCER QUE ldquoLA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE A CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS EST IMMEDIATEMENT MENACEErdquo

QUrsquoELLE EN DEDUIT QUE LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE A ETE EFFECTUE

CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

MAIS ATTENDU QUrsquoEN LrsquoETAT DE CE SEUL MOTIF DrsquoORDRE GENERAL ET QUI NE SE

REFERE A AUCUN ELEMENT DE LA PROCEDURE LA COUR DrsquoAPPEL QUI NrsquoA PAS PRECISE EN QUOI LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE A LA STATION STALINGRAD LORSQUE LES SERVICES DE POLICE ONT PROCEDE AU CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 A 10 HEURES NrsquoA PAS JUSTIFIE SA DECISION AU REGARD DU TEXTE SUSVISE

DrsquoOU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF PAR CES MOTIFS ET SANS QUrsquoIL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE SECOND MOYEN CASSE ET

ANNULE LrsquoARRET SUSVISE DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983

Publication Bulletin criminel 1984 Ndeg 287

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Ndeg de pourvoi 84-92916 Publieacute au bulletin

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A PLACE LrsquoACTION DES

GARDIENS DE LA PAIX DANS LE CADRE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE SOUMIS AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ALORS QUrsquoILS AGISSAIENT DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 EN DEMANDANT A VUCKOVIC DE LEUR PRESENTER LES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS IL ETAIT AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCErdquo

SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 593 DU

CODE DE PROCEDURE PENALE ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE NrsquoA PAS REPONDU AUX REQUISITIONS DU MINISTERE PUBLIC SOUTENANT QUrsquoIL SrsquoAGISSAIT EN LrsquoESPECE NON PAS DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE REALISE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE MAIS DrsquoUNE VERIFICATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS UN ETRANGER EST AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE REALISEE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 REGLEMENTANT LES CONDITIONS DrsquoENTREE ET LE SEJOUR DES ETRANGERSrdquo

CES MOYENS ETANT REUNIS ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE VUCKOVIC A ETE INTERPELLE SUR

UN QUAI DE GARE PAR DES GARDIENS DE LA PAIX QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET EN SEJOUR IRREGULIER SUR LE TERRITOIRE

FRANCAIS QUrsquoIL A ETE POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR INFRACTION

A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS ATTENDU QUE POUR ECARTER IMPLICITEMENT LrsquoARGUMENTATION DU REPRESENTANT

DU MINISTERE PUBLIC QUI SOUTENAIT QUE LES SERVICES DE POLICE AVAIENT PU PROCEDER A LrsquoINTERPELLATION DE VUCKOVIC UNIQUEMENT EN VERTU DE LrsquoARTICLE 1ER DU DECRET DU 18 MARS 1946 ET DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 PRIS EN APPLICATION DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 LA COUR DrsquoAPPEL RELEVE QUE LES GARDIENS DE LA PAIX ONT EFFECTUE A LrsquoEGARD DU PREVENU UN CONTROLE DrsquoIDENTITE AU TITRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE TEL QUE PREVU PAR LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

ATTENDU QUrsquoEN STATUANT AINSI LA COUR DrsquoAPPEL NrsquoA AUCUNEMENT VIOLE LES

TEXTES VISES AU MOYEN QUrsquoEN EFFET POUR QUE LES AGENTS DE LrsquoAUTORITE AIENT LA FACULTE DE REQUERIR

LA PRESENTATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS LES ETRANGERS SONT AUTORISES A SEJOURNER EN FRANCE IL FAUT QUE DES ELEMENTS OBJECTIFS DEDUITS DE CIRCONSTANCES EXTERIEURES A LA PERSONNE MEME DE LrsquoINTERESSE SOIENT DE NATURE A FAIRE APPARAITRE SA QUALITE DrsquoETRANGER

4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC

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QUrsquoEN LrsquoABSENCE DE TELS ELEMENTS LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DOIT ETRE

PREALABLEMENT EFFECTUE SOUS LES CONDITIONS ET DANS LES FORMES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE

DrsquoOU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES (hellip)

Ndeg de pourvoi 92-83352 Publieacute au bulletin REJET du pourvoi formeacute par le procureur geacuteneacuteral

pregraves la cour drsquoappel de Paris contre lrsquoarrecirct de la chambre drsquoaccusation de ladite Cour en date du 27 mai 1992 qui dans la proceacutedure suivie contre Yvon ou Yvan Bassilika pour infractions agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers a prononceacute la nulliteacute des actes de lrsquoinformation et apregraves avoir eacutevoqueacute a constateacute qursquoil ne restait rien sur quoi instruire

LA COUR Vu le meacutemoire produit Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 78-2 alineacutea 2 et 593

alineacuteas 1 et 2 du Code de proceacutedure peacutenale fausse application contradiction de motifs deacutefaut de reacuteponse aux reacutequisitions du ministegravere public

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoYvon Bassilika a eacuteteacute interpelleacute le 23 deacutecembre 1991 agrave

15 heures 15 aux abords de la gare de Villepinte (Seine-Saint-Denis) par des gardiens de la paix agissant sur les instructions permanentes de lrsquoofficier de police judiciaire chef de la circonscription de police urbaine qursquoil srsquoest reacuteveacuteleacute ecirctre eacutetranger et deacutepourvu de titre de seacutejour qursquoune information a eacuteteacute ouverte contre lui pour infraction agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers sur la base des articles 5 16 19 et 27 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945

Attendu que saisie par le juge drsquoinstruction en application de lrsquoarticle 171 du Code de proceacutedure peacutenale la chambre drsquoaccusation pour prononcer la nulliteacute du procegraves-verbal base des poursuites et des actes drsquoinformation subseacutequents constate que pour justifier lrsquointerpellation de Bassilika puis le controcircle de son identiteacute les agents de la force publique se sont borneacutes agrave eacutenoncer que ldquocirculant aux abords de la gare de Villepinte lieu propice aux vols agrave la roulotte ldquo ils ont remarqueacute ldquo deux individus srsquoexprimant en une langue eacutetrangegravere ldquo

Attendu qursquoen prononccedilant ainsi la chambre drsquoaccusation qui a reacutepondu comme elle le devait aux reacutequisitions du ministegravere public loin de meacuteconnaicirctre le sens et la porteacutee des textes viseacutes au moyen en a fait lrsquoexacte application

Qursquoen effet lrsquoapplication de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 2 du Code de proceacutedure peacutenale est subordonneacutee agrave la preacutevention ldquo drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public ldquo qui soit directement rattachable au comportement de la personne dont lrsquoidentiteacute est controcircleacutee

Qursquoil srsquoensuit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli

5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika

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Et attendu que lrsquoarrecirct est reacutegulier en la forme REJETTE le pourvoi Publication Bulletin criminel 1992 Ndeg 370 p 1024 Dalloz 21 janvier 1993 ndeg 3 p 36 note D MAYER

LE CONSEIL CONSTITUTIONNELVu la Constitution Vu la Convention dapplication de laccord de

Schengen signeacutee le 19 juin 1990 Vu lordonnance ndeg 58-1067 du 7 novembre 1958

modifieacutee portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

Vu le code de proceacutedure peacutenale notamment son article 78-2

Le rapporteur ayant eacuteteacute entendu Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine deacutefegraverent au Conseil constitutionnel la loi relative

aux controcircles et veacuterifications didentiteacute dans son ensemble en faisant valoir que larticle 1er de cette loi meacuteconnaicirctrait diffeacuterents principes et regravegles de valeur constitutionnelle et que les autres dispositions de ladite loi eacutenonceacutees agrave ses articles 2 et 3 sont inseacuteparables de larticle 1er

Consideacuterant que larticle 1er de la loi insegravere dans larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale un sixiegraveme un septiegraveme et un huitiegraveme alineacuteas lesquels remplacent le sixiegraveme alineacutea actuellement en vigueur

- SUR LE SIXIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cet alineacutea preacutevoit un cas suppleacutementaire dans lequel peuvent ecirctre engageacutees des

proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique pour la recherche et la poursuite dinfractions dans des lieux et pour une peacuteriode de temps qui doivent ecirctre preacuteciseacutes par ce magistrat quil indique que le fait que de tels controcircles didentiteacute reacutevegravelent des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Consideacuterant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette derniegravere preacutecision meacuteconnaicirct la liberteacute individuelle et sa protection par lautoriteacute judiciaire que garantit larticle 66 de la Constitution degraves lors que la prise en compte dinfractions qui ne seraient pas eacutenonceacutees a priori par le procureur de la Reacutepublique prive selon eux lautoriteacute judiciaire de toute maicirctrise effective de lopeacuteration

Consideacuterant quil appartient au leacutegislateur dassurer la conciliation entre dune part lexercice des liberteacutes constitutionnellement garanties et dautre part les besoins de la recherche des auteurs dinfractions qui sont neacutecessaires lun et lautre agrave la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle quil incombe agrave lautoriteacute judiciaire conformeacutement agrave larticle 66 de la Constitution dexercer un controcircle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par lesquelles le leacutegislateur a entendu assurer cette conciliation

Consideacuterant que le leacutegislateur a confieacute au procureur de la Reacutepublique magistrat de lordre judiciaire la responsabiliteacute de deacutefinir preacuteciseacutement les conditions dans lesquelles les proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute quil prescrit doivent ecirctre effectueacutees que la circonstance que le deacuteroulement de ces opeacuterations conduise les autoriteacutes de police judiciaire agrave relever des infractions qui nauraient pas eacuteteacute viseacutees preacutealablement par ce magistrat ne saurait eu eacutegard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions priver ces autoriteacutes des pouvoirs quelles tiennent de faccedilon geacuteneacuterale des dispositions du code de proceacutedure peacutenale que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code notamment agrave leacutegard du procureur de la Reacutepublique que degraves lors les garanties attacheacutees au respect de la liberteacute individuelle sous le controcircle de lautoriteacute judiciaire ne sont pas meacuteconnues quainsi le grief invoqueacute doit ecirctre eacutecarteacute

- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute

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Consideacuterant que cet alineacutea reprend des dispositions deacutejagrave en vigueur en vertu desquelles un controcircle didentiteacute peut ecirctre opeacutereacute selon les mecircmes modaliteacutes que dans les autres cas pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens en ajoutant la preacutecision nouvelle selon laquelle peut ecirctre controcircleacutee lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement

Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant agrave autoriser des controcircles didentiteacute sans que soient justifieacutes les motifs de lopeacuteration effectueacutee porte une atteinte excessive agrave la liberteacute individuelle en la privant de garanties leacutegales

Consideacuterant que la preacutevention datteintes agrave lordre public notamment datteintes agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens est neacutecessaire agrave la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle que toutefois la pratique de controcircles didentiteacute geacuteneacuteraliseacutes et discreacutetionnaires serait incompatible avec le respect de la liberteacute individuelle que sil est loisible au leacutegislateur de preacutevoir que le controcircle didentiteacute dune personne peut ne pas ecirctre lieacute agrave son comportement il demeure que lautoriteacute concerneacutee doit justifier dans tous les cas des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque datteinte agrave lordre public qui a motiveacute le controcircle que ce nest que sous cette reacuteserve dinterpreacutetation que le leacutegislateur peut ecirctre regardeacute comme nayant pas priveacute de garanties leacutegales lexistence de liberteacutes constitutionnellement garanties

Consideacuterant quil appartient aux autoriteacutes administratives et judiciaires de veiller au respect inteacutegral de lensemble des conditions de forme et de fond poseacutees par le leacutegislateur quen particulier il incombe aux tribunaux compeacutetents de censurer et de reacuteprimer les illeacutegaliteacutes qui seraient commises et de pourvoir eacuteventuellement agrave la reacuteparation de leurs conseacutequences dommageables quainsi il revient agrave lautoriteacute judiciaire gardienne de la liberteacute individuelle de controcircler en particulier les conditions relatives agrave la leacutegaliteacute agrave la reacutealiteacute et agrave la pertinence des raisons ayant motiveacute les opeacuterations de controcircle et de veacuterification didentiteacute quagrave cette fin il lui appartient dappreacutecier sil y a lieu le comportement des personnes concerneacutees

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cette disposition autorise le controcircle de lidentiteacute de toute personne en vue de

veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux mais encore dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en deccedilagrave que cette distance peut ecirctre porteacutee jusquagrave quarante kilomegravetres par arrecircteacute interministeacuteriel dans des conditions agrave preacutevoir par deacutecret en Conseil dEtat

Consideacuterant que larticle 3 de la loi deacutefeacutereacutee preacutevoit que les dispositions de cet alineacutea ne prendront effet quagrave la date dentreacutee en vigueur de ladite Convention

Consideacuterant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alineacutea imposent agrave la liberteacute individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties leacutegales quelles meacuteconnaissent les principes deacutegaliteacute devant la loi et dindivisibiliteacute de la Reacutepublique dans la mesure ougrave elles imposent agrave certaines personnes sans justification approprieacutee des contraintes particuliegraveres lieacutees agrave leurs attaches avec certaines parties du territoire franccedilais quils ajoutent quen reconnaissant au pouvoir reacuteglementaire la latitude daccroicirctre tregraves sensiblement les zones concerneacutees le leacutegislateur a meacuteconnu sa propre compeacutetence

Consideacuterant que les stipulations de la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 suppriment les controcircles aux frontiegraveres inteacuterieures concernant les personnes sauf pour une peacuteriode limiteacutee lorsque lordre public ou la seacutecuriteacute nationale lexigent que le leacutegislateur a estimeacute que par les dispositions contesteacutees il prenait dans le cadre de lapplication de ces stipulations des mesures neacutecessaires agrave la recherche des auteurs dinfractions et agrave la preacutevention datteintes agrave lordre public

Consideacuterant que sagissant dune part des zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouvertes au trafic international dautre part de celles qui sont comprises entre les frontiegraveres terrestres de la France avec les Etats parties agrave la Convention et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave le leacutegislateur a degraves lors que certains controcircles aux frontiegraveres seraient supprimeacutes autoriseacute des controcircles didentiteacute que ceux-ci doivent ecirctre conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opeacuterations sont de maniegravere geacuteneacuterale soumises que ces controcircles sont effectueacutes en vue dassurer le respect des obligations preacutevues par la loi de deacutetention de port et de preacutesentation de titres et documents que les zones concerneacutees preacuteciseacutement deacutefinies dans leur nature et leur eacutetendue preacutesentent des risques particuliers dinfractions et datteintes agrave lordre public lieacutes agrave la circulation

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internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

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personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

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Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 9: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

DANS LESQUELLES LA PERSONNE A ETE PRESENTEE DEVANT LEDIT OFFICIER INFORMEE DE SES DROITS ET MISE EN MESURE DE LES EXERCER

rdquo VU LESDITS ARTICLES ATTENDU DrsquoUNE PART QUrsquoAUX TERMES DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE

PROCEDURE PENALE LrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE PEUT ETRE CONTROLEE DANS DES LIEUX DETERMINES LA OU LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS SE TROUVE IMMEDIATEMENT MENACEE

ATTENDU DrsquoAUTRE PART QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR DES MOTIFS

PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE KANDE A ETE INTERPELLE LE 14

OCTOBRE 1983 A 10 HEURES A LA STATION STALINGRAD DU METROPOLITAIN DE PARIS PAR DES GARDIENS DE LA PAIX AGISSANT SUR LES INSTRUCTIONS DE LrsquoOFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE CHARGE DU SERVICE DE PROTECTION DE LA R A T P

QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET PORTEUR DrsquoUN TITRE DE SEJOUR IRREGULIER QUrsquoIL A ETE AINSI POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR AVOIR

PENETRE OU SEJOURNE EN FRANCE SANS SE CONFORMER AUX DISPOSITIONS LEGALES DELIT PREVU ET REPRIME PAR LrsquoARTICLE 19 DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 MODIFIEE PAR LA LOI DU 29 OCTOBRE 1981

ATTENDU QUE POUR REJETER LES CONCLUSIONS DU PREVENU FAISANT VALOIR

LrsquoILLEGALITE DU CONTROLE DrsquoIDENTITE ET LA NULLITE DE LA PROCEDURE SUBSEQUENTE LA COUR DrsquoAPPEL SE BORNE A ENONCER QUE ldquoLA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS LrsquoENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QUrsquoOFFRENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE LAQUELLE A CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS JUSTIFIENT LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE TOUTE PERSONNE EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS EST IMMEDIATEMENT MENACEErdquo

QUrsquoELLE EN DEDUIT QUE LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE A ETE EFFECTUE

CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

MAIS ATTENDU QUrsquoEN LrsquoETAT DE CE SEUL MOTIF DrsquoORDRE GENERAL ET QUI NE SE

REFERE A AUCUN ELEMENT DE LA PROCEDURE LA COUR DrsquoAPPEL QUI NrsquoA PAS PRECISE EN QUOI LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE A LA STATION STALINGRAD LORSQUE LES SERVICES DE POLICE ONT PROCEDE AU CONTROLE DrsquoIDENTITE DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 A 10 HEURES NrsquoA PAS JUSTIFIE SA DECISION AU REGARD DU TEXTE SUSVISE

DrsquoOU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF PAR CES MOTIFS ET SANS QUrsquoIL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE SECOND MOYEN CASSE ET

ANNULE LrsquoARRET SUSVISE DE LA COUR DrsquoAPPEL DE PARIS EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983

Publication Bulletin criminel 1984 Ndeg 287

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Ndeg de pourvoi 84-92916 Publieacute au bulletin

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A PLACE LrsquoACTION DES

GARDIENS DE LA PAIX DANS LE CADRE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE SOUMIS AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ALORS QUrsquoILS AGISSAIENT DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 EN DEMANDANT A VUCKOVIC DE LEUR PRESENTER LES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS IL ETAIT AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCErdquo

SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 593 DU

CODE DE PROCEDURE PENALE ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE NrsquoA PAS REPONDU AUX REQUISITIONS DU MINISTERE PUBLIC SOUTENANT QUrsquoIL SrsquoAGISSAIT EN LrsquoESPECE NON PAS DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE REALISE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE MAIS DrsquoUNE VERIFICATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS UN ETRANGER EST AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE REALISEE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 REGLEMENTANT LES CONDITIONS DrsquoENTREE ET LE SEJOUR DES ETRANGERSrdquo

CES MOYENS ETANT REUNIS ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE VUCKOVIC A ETE INTERPELLE SUR

UN QUAI DE GARE PAR DES GARDIENS DE LA PAIX QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET EN SEJOUR IRREGULIER SUR LE TERRITOIRE

FRANCAIS QUrsquoIL A ETE POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR INFRACTION

A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS ATTENDU QUE POUR ECARTER IMPLICITEMENT LrsquoARGUMENTATION DU REPRESENTANT

DU MINISTERE PUBLIC QUI SOUTENAIT QUE LES SERVICES DE POLICE AVAIENT PU PROCEDER A LrsquoINTERPELLATION DE VUCKOVIC UNIQUEMENT EN VERTU DE LrsquoARTICLE 1ER DU DECRET DU 18 MARS 1946 ET DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 PRIS EN APPLICATION DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 LA COUR DrsquoAPPEL RELEVE QUE LES GARDIENS DE LA PAIX ONT EFFECTUE A LrsquoEGARD DU PREVENU UN CONTROLE DrsquoIDENTITE AU TITRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE TEL QUE PREVU PAR LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

ATTENDU QUrsquoEN STATUANT AINSI LA COUR DrsquoAPPEL NrsquoA AUCUNEMENT VIOLE LES

TEXTES VISES AU MOYEN QUrsquoEN EFFET POUR QUE LES AGENTS DE LrsquoAUTORITE AIENT LA FACULTE DE REQUERIR

LA PRESENTATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS LES ETRANGERS SONT AUTORISES A SEJOURNER EN FRANCE IL FAUT QUE DES ELEMENTS OBJECTIFS DEDUITS DE CIRCONSTANCES EXTERIEURES A LA PERSONNE MEME DE LrsquoINTERESSE SOIENT DE NATURE A FAIRE APPARAITRE SA QUALITE DrsquoETRANGER

4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC

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QUrsquoEN LrsquoABSENCE DE TELS ELEMENTS LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DOIT ETRE

PREALABLEMENT EFFECTUE SOUS LES CONDITIONS ET DANS LES FORMES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE

DrsquoOU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES (hellip)

Ndeg de pourvoi 92-83352 Publieacute au bulletin REJET du pourvoi formeacute par le procureur geacuteneacuteral

pregraves la cour drsquoappel de Paris contre lrsquoarrecirct de la chambre drsquoaccusation de ladite Cour en date du 27 mai 1992 qui dans la proceacutedure suivie contre Yvon ou Yvan Bassilika pour infractions agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers a prononceacute la nulliteacute des actes de lrsquoinformation et apregraves avoir eacutevoqueacute a constateacute qursquoil ne restait rien sur quoi instruire

LA COUR Vu le meacutemoire produit Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 78-2 alineacutea 2 et 593

alineacuteas 1 et 2 du Code de proceacutedure peacutenale fausse application contradiction de motifs deacutefaut de reacuteponse aux reacutequisitions du ministegravere public

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoYvon Bassilika a eacuteteacute interpelleacute le 23 deacutecembre 1991 agrave

15 heures 15 aux abords de la gare de Villepinte (Seine-Saint-Denis) par des gardiens de la paix agissant sur les instructions permanentes de lrsquoofficier de police judiciaire chef de la circonscription de police urbaine qursquoil srsquoest reacuteveacuteleacute ecirctre eacutetranger et deacutepourvu de titre de seacutejour qursquoune information a eacuteteacute ouverte contre lui pour infraction agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers sur la base des articles 5 16 19 et 27 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945

Attendu que saisie par le juge drsquoinstruction en application de lrsquoarticle 171 du Code de proceacutedure peacutenale la chambre drsquoaccusation pour prononcer la nulliteacute du procegraves-verbal base des poursuites et des actes drsquoinformation subseacutequents constate que pour justifier lrsquointerpellation de Bassilika puis le controcircle de son identiteacute les agents de la force publique se sont borneacutes agrave eacutenoncer que ldquocirculant aux abords de la gare de Villepinte lieu propice aux vols agrave la roulotte ldquo ils ont remarqueacute ldquo deux individus srsquoexprimant en une langue eacutetrangegravere ldquo

Attendu qursquoen prononccedilant ainsi la chambre drsquoaccusation qui a reacutepondu comme elle le devait aux reacutequisitions du ministegravere public loin de meacuteconnaicirctre le sens et la porteacutee des textes viseacutes au moyen en a fait lrsquoexacte application

Qursquoen effet lrsquoapplication de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 2 du Code de proceacutedure peacutenale est subordonneacutee agrave la preacutevention ldquo drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public ldquo qui soit directement rattachable au comportement de la personne dont lrsquoidentiteacute est controcircleacutee

Qursquoil srsquoensuit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli

5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika

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Et attendu que lrsquoarrecirct est reacutegulier en la forme REJETTE le pourvoi Publication Bulletin criminel 1992 Ndeg 370 p 1024 Dalloz 21 janvier 1993 ndeg 3 p 36 note D MAYER

LE CONSEIL CONSTITUTIONNELVu la Constitution Vu la Convention dapplication de laccord de

Schengen signeacutee le 19 juin 1990 Vu lordonnance ndeg 58-1067 du 7 novembre 1958

modifieacutee portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

Vu le code de proceacutedure peacutenale notamment son article 78-2

Le rapporteur ayant eacuteteacute entendu Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine deacutefegraverent au Conseil constitutionnel la loi relative

aux controcircles et veacuterifications didentiteacute dans son ensemble en faisant valoir que larticle 1er de cette loi meacuteconnaicirctrait diffeacuterents principes et regravegles de valeur constitutionnelle et que les autres dispositions de ladite loi eacutenonceacutees agrave ses articles 2 et 3 sont inseacuteparables de larticle 1er

Consideacuterant que larticle 1er de la loi insegravere dans larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale un sixiegraveme un septiegraveme et un huitiegraveme alineacuteas lesquels remplacent le sixiegraveme alineacutea actuellement en vigueur

- SUR LE SIXIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cet alineacutea preacutevoit un cas suppleacutementaire dans lequel peuvent ecirctre engageacutees des

proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique pour la recherche et la poursuite dinfractions dans des lieux et pour une peacuteriode de temps qui doivent ecirctre preacuteciseacutes par ce magistrat quil indique que le fait que de tels controcircles didentiteacute reacutevegravelent des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Consideacuterant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette derniegravere preacutecision meacuteconnaicirct la liberteacute individuelle et sa protection par lautoriteacute judiciaire que garantit larticle 66 de la Constitution degraves lors que la prise en compte dinfractions qui ne seraient pas eacutenonceacutees a priori par le procureur de la Reacutepublique prive selon eux lautoriteacute judiciaire de toute maicirctrise effective de lopeacuteration

Consideacuterant quil appartient au leacutegislateur dassurer la conciliation entre dune part lexercice des liberteacutes constitutionnellement garanties et dautre part les besoins de la recherche des auteurs dinfractions qui sont neacutecessaires lun et lautre agrave la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle quil incombe agrave lautoriteacute judiciaire conformeacutement agrave larticle 66 de la Constitution dexercer un controcircle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par lesquelles le leacutegislateur a entendu assurer cette conciliation

Consideacuterant que le leacutegislateur a confieacute au procureur de la Reacutepublique magistrat de lordre judiciaire la responsabiliteacute de deacutefinir preacuteciseacutement les conditions dans lesquelles les proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute quil prescrit doivent ecirctre effectueacutees que la circonstance que le deacuteroulement de ces opeacuterations conduise les autoriteacutes de police judiciaire agrave relever des infractions qui nauraient pas eacuteteacute viseacutees preacutealablement par ce magistrat ne saurait eu eacutegard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions priver ces autoriteacutes des pouvoirs quelles tiennent de faccedilon geacuteneacuterale des dispositions du code de proceacutedure peacutenale que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code notamment agrave leacutegard du procureur de la Reacutepublique que degraves lors les garanties attacheacutees au respect de la liberteacute individuelle sous le controcircle de lautoriteacute judiciaire ne sont pas meacuteconnues quainsi le grief invoqueacute doit ecirctre eacutecarteacute

- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute

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Consideacuterant que cet alineacutea reprend des dispositions deacutejagrave en vigueur en vertu desquelles un controcircle didentiteacute peut ecirctre opeacutereacute selon les mecircmes modaliteacutes que dans les autres cas pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens en ajoutant la preacutecision nouvelle selon laquelle peut ecirctre controcircleacutee lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement

Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant agrave autoriser des controcircles didentiteacute sans que soient justifieacutes les motifs de lopeacuteration effectueacutee porte une atteinte excessive agrave la liberteacute individuelle en la privant de garanties leacutegales

Consideacuterant que la preacutevention datteintes agrave lordre public notamment datteintes agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens est neacutecessaire agrave la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle que toutefois la pratique de controcircles didentiteacute geacuteneacuteraliseacutes et discreacutetionnaires serait incompatible avec le respect de la liberteacute individuelle que sil est loisible au leacutegislateur de preacutevoir que le controcircle didentiteacute dune personne peut ne pas ecirctre lieacute agrave son comportement il demeure que lautoriteacute concerneacutee doit justifier dans tous les cas des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque datteinte agrave lordre public qui a motiveacute le controcircle que ce nest que sous cette reacuteserve dinterpreacutetation que le leacutegislateur peut ecirctre regardeacute comme nayant pas priveacute de garanties leacutegales lexistence de liberteacutes constitutionnellement garanties

Consideacuterant quil appartient aux autoriteacutes administratives et judiciaires de veiller au respect inteacutegral de lensemble des conditions de forme et de fond poseacutees par le leacutegislateur quen particulier il incombe aux tribunaux compeacutetents de censurer et de reacuteprimer les illeacutegaliteacutes qui seraient commises et de pourvoir eacuteventuellement agrave la reacuteparation de leurs conseacutequences dommageables quainsi il revient agrave lautoriteacute judiciaire gardienne de la liberteacute individuelle de controcircler en particulier les conditions relatives agrave la leacutegaliteacute agrave la reacutealiteacute et agrave la pertinence des raisons ayant motiveacute les opeacuterations de controcircle et de veacuterification didentiteacute quagrave cette fin il lui appartient dappreacutecier sil y a lieu le comportement des personnes concerneacutees

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cette disposition autorise le controcircle de lidentiteacute de toute personne en vue de

veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux mais encore dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en deccedilagrave que cette distance peut ecirctre porteacutee jusquagrave quarante kilomegravetres par arrecircteacute interministeacuteriel dans des conditions agrave preacutevoir par deacutecret en Conseil dEtat

Consideacuterant que larticle 3 de la loi deacutefeacutereacutee preacutevoit que les dispositions de cet alineacutea ne prendront effet quagrave la date dentreacutee en vigueur de ladite Convention

Consideacuterant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alineacutea imposent agrave la liberteacute individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties leacutegales quelles meacuteconnaissent les principes deacutegaliteacute devant la loi et dindivisibiliteacute de la Reacutepublique dans la mesure ougrave elles imposent agrave certaines personnes sans justification approprieacutee des contraintes particuliegraveres lieacutees agrave leurs attaches avec certaines parties du territoire franccedilais quils ajoutent quen reconnaissant au pouvoir reacuteglementaire la latitude daccroicirctre tregraves sensiblement les zones concerneacutees le leacutegislateur a meacuteconnu sa propre compeacutetence

Consideacuterant que les stipulations de la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 suppriment les controcircles aux frontiegraveres inteacuterieures concernant les personnes sauf pour une peacuteriode limiteacutee lorsque lordre public ou la seacutecuriteacute nationale lexigent que le leacutegislateur a estimeacute que par les dispositions contesteacutees il prenait dans le cadre de lapplication de ces stipulations des mesures neacutecessaires agrave la recherche des auteurs dinfractions et agrave la preacutevention datteintes agrave lordre public

Consideacuterant que sagissant dune part des zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouvertes au trafic international dautre part de celles qui sont comprises entre les frontiegraveres terrestres de la France avec les Etats parties agrave la Convention et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave le leacutegislateur a degraves lors que certains controcircles aux frontiegraveres seraient supprimeacutes autoriseacute des controcircles didentiteacute que ceux-ci doivent ecirctre conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opeacuterations sont de maniegravere geacuteneacuterale soumises que ces controcircles sont effectueacutes en vue dassurer le respect des obligations preacutevues par la loi de deacutetention de port et de preacutesentation de titres et documents que les zones concerneacutees preacuteciseacutement deacutefinies dans leur nature et leur eacutetendue preacutesentent des risques particuliers dinfractions et datteintes agrave lordre public lieacutes agrave la circulation

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internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

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personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

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Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 10: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

Ndeg de pourvoi 84-92916 Publieacute au bulletin

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE A PLACE LrsquoACTION DES

GARDIENS DE LA PAIX DANS LE CADRE DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE SOUMIS AUX DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ALORS QUrsquoILS AGISSAIENT DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 EN DEMANDANT A VUCKOVIC DE LEUR PRESENTER LES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS IL ETAIT AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCErdquo

SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE LrsquoARTICLE 593 DU

CODE DE PROCEDURE PENALE ldquoEN CE QUE LrsquoARRET ATTAQUE NrsquoA PAS REPONDU AUX REQUISITIONS DU MINISTERE PUBLIC SOUTENANT QUrsquoIL SrsquoAGISSAIT EN LrsquoESPECE NON PAS DrsquoUN CONTROLE DrsquoIDENTITE REALISE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE MAIS DrsquoUNE VERIFICATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS UN ETRANGER EST AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE REALISEE DANS LE CADRE DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 REGLEMENTANT LES CONDITIONS DrsquoENTREE ET LE SEJOUR DES ETRANGERSrdquo

CES MOYENS ETANT REUNIS ATTENDU QUrsquoIL RESULTE DE LrsquoARRET ATTAQUE QUE VUCKOVIC A ETE INTERPELLE SUR

UN QUAI DE GARE PAR DES GARDIENS DE LA PAIX QUrsquoIL SrsquoEST REVELE ETRE ETRANGER ET EN SEJOUR IRREGULIER SUR LE TERRITOIRE

FRANCAIS QUrsquoIL A ETE POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR INFRACTION

A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS ATTENDU QUE POUR ECARTER IMPLICITEMENT LrsquoARGUMENTATION DU REPRESENTANT

DU MINISTERE PUBLIC QUI SOUTENAIT QUE LES SERVICES DE POLICE AVAIENT PU PROCEDER A LrsquoINTERPELLATION DE VUCKOVIC UNIQUEMENT EN VERTU DE LrsquoARTICLE 1ER DU DECRET DU 18 MARS 1946 ET DE LrsquoARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 PRIS EN APPLICATION DE LrsquoORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 LA COUR DrsquoAPPEL RELEVE QUE LES GARDIENS DE LA PAIX ONT EFFECTUE A LrsquoEGARD DU PREVENU UN CONTROLE DrsquoIDENTITE AU TITRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE TEL QUE PREVU PAR LrsquoARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

ATTENDU QUrsquoEN STATUANT AINSI LA COUR DrsquoAPPEL NrsquoA AUCUNEMENT VIOLE LES

TEXTES VISES AU MOYEN QUrsquoEN EFFET POUR QUE LES AGENTS DE LrsquoAUTORITE AIENT LA FACULTE DE REQUERIR

LA PRESENTATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS LES ETRANGERS SONT AUTORISES A SEJOURNER EN FRANCE IL FAUT QUE DES ELEMENTS OBJECTIFS DEDUITS DE CIRCONSTANCES EXTERIEURES A LA PERSONNE MEME DE LrsquoINTERESSE SOIENT DE NATURE A FAIRE APPARAITRE SA QUALITE DrsquoETRANGER

4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC

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QUrsquoEN LrsquoABSENCE DE TELS ELEMENTS LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DOIT ETRE

PREALABLEMENT EFFECTUE SOUS LES CONDITIONS ET DANS LES FORMES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE

DrsquoOU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES (hellip)

Ndeg de pourvoi 92-83352 Publieacute au bulletin REJET du pourvoi formeacute par le procureur geacuteneacuteral

pregraves la cour drsquoappel de Paris contre lrsquoarrecirct de la chambre drsquoaccusation de ladite Cour en date du 27 mai 1992 qui dans la proceacutedure suivie contre Yvon ou Yvan Bassilika pour infractions agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers a prononceacute la nulliteacute des actes de lrsquoinformation et apregraves avoir eacutevoqueacute a constateacute qursquoil ne restait rien sur quoi instruire

LA COUR Vu le meacutemoire produit Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 78-2 alineacutea 2 et 593

alineacuteas 1 et 2 du Code de proceacutedure peacutenale fausse application contradiction de motifs deacutefaut de reacuteponse aux reacutequisitions du ministegravere public

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoYvon Bassilika a eacuteteacute interpelleacute le 23 deacutecembre 1991 agrave

15 heures 15 aux abords de la gare de Villepinte (Seine-Saint-Denis) par des gardiens de la paix agissant sur les instructions permanentes de lrsquoofficier de police judiciaire chef de la circonscription de police urbaine qursquoil srsquoest reacuteveacuteleacute ecirctre eacutetranger et deacutepourvu de titre de seacutejour qursquoune information a eacuteteacute ouverte contre lui pour infraction agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers sur la base des articles 5 16 19 et 27 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945

Attendu que saisie par le juge drsquoinstruction en application de lrsquoarticle 171 du Code de proceacutedure peacutenale la chambre drsquoaccusation pour prononcer la nulliteacute du procegraves-verbal base des poursuites et des actes drsquoinformation subseacutequents constate que pour justifier lrsquointerpellation de Bassilika puis le controcircle de son identiteacute les agents de la force publique se sont borneacutes agrave eacutenoncer que ldquocirculant aux abords de la gare de Villepinte lieu propice aux vols agrave la roulotte ldquo ils ont remarqueacute ldquo deux individus srsquoexprimant en une langue eacutetrangegravere ldquo

Attendu qursquoen prononccedilant ainsi la chambre drsquoaccusation qui a reacutepondu comme elle le devait aux reacutequisitions du ministegravere public loin de meacuteconnaicirctre le sens et la porteacutee des textes viseacutes au moyen en a fait lrsquoexacte application

Qursquoen effet lrsquoapplication de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 2 du Code de proceacutedure peacutenale est subordonneacutee agrave la preacutevention ldquo drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public ldquo qui soit directement rattachable au comportement de la personne dont lrsquoidentiteacute est controcircleacutee

Qursquoil srsquoensuit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli

5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika

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Et attendu que lrsquoarrecirct est reacutegulier en la forme REJETTE le pourvoi Publication Bulletin criminel 1992 Ndeg 370 p 1024 Dalloz 21 janvier 1993 ndeg 3 p 36 note D MAYER

LE CONSEIL CONSTITUTIONNELVu la Constitution Vu la Convention dapplication de laccord de

Schengen signeacutee le 19 juin 1990 Vu lordonnance ndeg 58-1067 du 7 novembre 1958

modifieacutee portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

Vu le code de proceacutedure peacutenale notamment son article 78-2

Le rapporteur ayant eacuteteacute entendu Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine deacutefegraverent au Conseil constitutionnel la loi relative

aux controcircles et veacuterifications didentiteacute dans son ensemble en faisant valoir que larticle 1er de cette loi meacuteconnaicirctrait diffeacuterents principes et regravegles de valeur constitutionnelle et que les autres dispositions de ladite loi eacutenonceacutees agrave ses articles 2 et 3 sont inseacuteparables de larticle 1er

Consideacuterant que larticle 1er de la loi insegravere dans larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale un sixiegraveme un septiegraveme et un huitiegraveme alineacuteas lesquels remplacent le sixiegraveme alineacutea actuellement en vigueur

- SUR LE SIXIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cet alineacutea preacutevoit un cas suppleacutementaire dans lequel peuvent ecirctre engageacutees des

proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique pour la recherche et la poursuite dinfractions dans des lieux et pour une peacuteriode de temps qui doivent ecirctre preacuteciseacutes par ce magistrat quil indique que le fait que de tels controcircles didentiteacute reacutevegravelent des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Consideacuterant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette derniegravere preacutecision meacuteconnaicirct la liberteacute individuelle et sa protection par lautoriteacute judiciaire que garantit larticle 66 de la Constitution degraves lors que la prise en compte dinfractions qui ne seraient pas eacutenonceacutees a priori par le procureur de la Reacutepublique prive selon eux lautoriteacute judiciaire de toute maicirctrise effective de lopeacuteration

Consideacuterant quil appartient au leacutegislateur dassurer la conciliation entre dune part lexercice des liberteacutes constitutionnellement garanties et dautre part les besoins de la recherche des auteurs dinfractions qui sont neacutecessaires lun et lautre agrave la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle quil incombe agrave lautoriteacute judiciaire conformeacutement agrave larticle 66 de la Constitution dexercer un controcircle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par lesquelles le leacutegislateur a entendu assurer cette conciliation

Consideacuterant que le leacutegislateur a confieacute au procureur de la Reacutepublique magistrat de lordre judiciaire la responsabiliteacute de deacutefinir preacuteciseacutement les conditions dans lesquelles les proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute quil prescrit doivent ecirctre effectueacutees que la circonstance que le deacuteroulement de ces opeacuterations conduise les autoriteacutes de police judiciaire agrave relever des infractions qui nauraient pas eacuteteacute viseacutees preacutealablement par ce magistrat ne saurait eu eacutegard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions priver ces autoriteacutes des pouvoirs quelles tiennent de faccedilon geacuteneacuterale des dispositions du code de proceacutedure peacutenale que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code notamment agrave leacutegard du procureur de la Reacutepublique que degraves lors les garanties attacheacutees au respect de la liberteacute individuelle sous le controcircle de lautoriteacute judiciaire ne sont pas meacuteconnues quainsi le grief invoqueacute doit ecirctre eacutecarteacute

- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute

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Consideacuterant que cet alineacutea reprend des dispositions deacutejagrave en vigueur en vertu desquelles un controcircle didentiteacute peut ecirctre opeacutereacute selon les mecircmes modaliteacutes que dans les autres cas pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens en ajoutant la preacutecision nouvelle selon laquelle peut ecirctre controcircleacutee lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement

Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant agrave autoriser des controcircles didentiteacute sans que soient justifieacutes les motifs de lopeacuteration effectueacutee porte une atteinte excessive agrave la liberteacute individuelle en la privant de garanties leacutegales

Consideacuterant que la preacutevention datteintes agrave lordre public notamment datteintes agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens est neacutecessaire agrave la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle que toutefois la pratique de controcircles didentiteacute geacuteneacuteraliseacutes et discreacutetionnaires serait incompatible avec le respect de la liberteacute individuelle que sil est loisible au leacutegislateur de preacutevoir que le controcircle didentiteacute dune personne peut ne pas ecirctre lieacute agrave son comportement il demeure que lautoriteacute concerneacutee doit justifier dans tous les cas des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque datteinte agrave lordre public qui a motiveacute le controcircle que ce nest que sous cette reacuteserve dinterpreacutetation que le leacutegislateur peut ecirctre regardeacute comme nayant pas priveacute de garanties leacutegales lexistence de liberteacutes constitutionnellement garanties

Consideacuterant quil appartient aux autoriteacutes administratives et judiciaires de veiller au respect inteacutegral de lensemble des conditions de forme et de fond poseacutees par le leacutegislateur quen particulier il incombe aux tribunaux compeacutetents de censurer et de reacuteprimer les illeacutegaliteacutes qui seraient commises et de pourvoir eacuteventuellement agrave la reacuteparation de leurs conseacutequences dommageables quainsi il revient agrave lautoriteacute judiciaire gardienne de la liberteacute individuelle de controcircler en particulier les conditions relatives agrave la leacutegaliteacute agrave la reacutealiteacute et agrave la pertinence des raisons ayant motiveacute les opeacuterations de controcircle et de veacuterification didentiteacute quagrave cette fin il lui appartient dappreacutecier sil y a lieu le comportement des personnes concerneacutees

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cette disposition autorise le controcircle de lidentiteacute de toute personne en vue de

veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux mais encore dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en deccedilagrave que cette distance peut ecirctre porteacutee jusquagrave quarante kilomegravetres par arrecircteacute interministeacuteriel dans des conditions agrave preacutevoir par deacutecret en Conseil dEtat

Consideacuterant que larticle 3 de la loi deacutefeacutereacutee preacutevoit que les dispositions de cet alineacutea ne prendront effet quagrave la date dentreacutee en vigueur de ladite Convention

Consideacuterant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alineacutea imposent agrave la liberteacute individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties leacutegales quelles meacuteconnaissent les principes deacutegaliteacute devant la loi et dindivisibiliteacute de la Reacutepublique dans la mesure ougrave elles imposent agrave certaines personnes sans justification approprieacutee des contraintes particuliegraveres lieacutees agrave leurs attaches avec certaines parties du territoire franccedilais quils ajoutent quen reconnaissant au pouvoir reacuteglementaire la latitude daccroicirctre tregraves sensiblement les zones concerneacutees le leacutegislateur a meacuteconnu sa propre compeacutetence

Consideacuterant que les stipulations de la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 suppriment les controcircles aux frontiegraveres inteacuterieures concernant les personnes sauf pour une peacuteriode limiteacutee lorsque lordre public ou la seacutecuriteacute nationale lexigent que le leacutegislateur a estimeacute que par les dispositions contesteacutees il prenait dans le cadre de lapplication de ces stipulations des mesures neacutecessaires agrave la recherche des auteurs dinfractions et agrave la preacutevention datteintes agrave lordre public

Consideacuterant que sagissant dune part des zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouvertes au trafic international dautre part de celles qui sont comprises entre les frontiegraveres terrestres de la France avec les Etats parties agrave la Convention et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave le leacutegislateur a degraves lors que certains controcircles aux frontiegraveres seraient supprimeacutes autoriseacute des controcircles didentiteacute que ceux-ci doivent ecirctre conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opeacuterations sont de maniegravere geacuteneacuterale soumises que ces controcircles sont effectueacutes en vue dassurer le respect des obligations preacutevues par la loi de deacutetention de port et de preacutesentation de titres et documents que les zones concerneacutees preacuteciseacutement deacutefinies dans leur nature et leur eacutetendue preacutesentent des risques particuliers dinfractions et datteintes agrave lordre public lieacutes agrave la circulation

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internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

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personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

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Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
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QUrsquoEN LrsquoABSENCE DE TELS ELEMENTS LE CONTROLE DrsquoIDENTITE DOIT ETRE

PREALABLEMENT EFFECTUE SOUS LES CONDITIONS ET DANS LES FORMES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE

DrsquoOU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES (hellip)

Ndeg de pourvoi 92-83352 Publieacute au bulletin REJET du pourvoi formeacute par le procureur geacuteneacuteral

pregraves la cour drsquoappel de Paris contre lrsquoarrecirct de la chambre drsquoaccusation de ladite Cour en date du 27 mai 1992 qui dans la proceacutedure suivie contre Yvon ou Yvan Bassilika pour infractions agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers a prononceacute la nulliteacute des actes de lrsquoinformation et apregraves avoir eacutevoqueacute a constateacute qursquoil ne restait rien sur quoi instruire

LA COUR Vu le meacutemoire produit Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 78-2 alineacutea 2 et 593

alineacuteas 1 et 2 du Code de proceacutedure peacutenale fausse application contradiction de motifs deacutefaut de reacuteponse aux reacutequisitions du ministegravere public

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoYvon Bassilika a eacuteteacute interpelleacute le 23 deacutecembre 1991 agrave

15 heures 15 aux abords de la gare de Villepinte (Seine-Saint-Denis) par des gardiens de la paix agissant sur les instructions permanentes de lrsquoofficier de police judiciaire chef de la circonscription de police urbaine qursquoil srsquoest reacuteveacuteleacute ecirctre eacutetranger et deacutepourvu de titre de seacutejour qursquoune information a eacuteteacute ouverte contre lui pour infraction agrave la leacutegislation relative aux eacutetrangers sur la base des articles 5 16 19 et 27 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945

Attendu que saisie par le juge drsquoinstruction en application de lrsquoarticle 171 du Code de proceacutedure peacutenale la chambre drsquoaccusation pour prononcer la nulliteacute du procegraves-verbal base des poursuites et des actes drsquoinformation subseacutequents constate que pour justifier lrsquointerpellation de Bassilika puis le controcircle de son identiteacute les agents de la force publique se sont borneacutes agrave eacutenoncer que ldquocirculant aux abords de la gare de Villepinte lieu propice aux vols agrave la roulotte ldquo ils ont remarqueacute ldquo deux individus srsquoexprimant en une langue eacutetrangegravere ldquo

Attendu qursquoen prononccedilant ainsi la chambre drsquoaccusation qui a reacutepondu comme elle le devait aux reacutequisitions du ministegravere public loin de meacuteconnaicirctre le sens et la porteacutee des textes viseacutes au moyen en a fait lrsquoexacte application

Qursquoen effet lrsquoapplication de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 2 du Code de proceacutedure peacutenale est subordonneacutee agrave la preacutevention ldquo drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public ldquo qui soit directement rattachable au comportement de la personne dont lrsquoidentiteacute est controcircleacutee

Qursquoil srsquoensuit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli

5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika

11

Et attendu que lrsquoarrecirct est reacutegulier en la forme REJETTE le pourvoi Publication Bulletin criminel 1992 Ndeg 370 p 1024 Dalloz 21 janvier 1993 ndeg 3 p 36 note D MAYER

LE CONSEIL CONSTITUTIONNELVu la Constitution Vu la Convention dapplication de laccord de

Schengen signeacutee le 19 juin 1990 Vu lordonnance ndeg 58-1067 du 7 novembre 1958

modifieacutee portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

Vu le code de proceacutedure peacutenale notamment son article 78-2

Le rapporteur ayant eacuteteacute entendu Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine deacutefegraverent au Conseil constitutionnel la loi relative

aux controcircles et veacuterifications didentiteacute dans son ensemble en faisant valoir que larticle 1er de cette loi meacuteconnaicirctrait diffeacuterents principes et regravegles de valeur constitutionnelle et que les autres dispositions de ladite loi eacutenonceacutees agrave ses articles 2 et 3 sont inseacuteparables de larticle 1er

Consideacuterant que larticle 1er de la loi insegravere dans larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale un sixiegraveme un septiegraveme et un huitiegraveme alineacuteas lesquels remplacent le sixiegraveme alineacutea actuellement en vigueur

- SUR LE SIXIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cet alineacutea preacutevoit un cas suppleacutementaire dans lequel peuvent ecirctre engageacutees des

proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique pour la recherche et la poursuite dinfractions dans des lieux et pour une peacuteriode de temps qui doivent ecirctre preacuteciseacutes par ce magistrat quil indique que le fait que de tels controcircles didentiteacute reacutevegravelent des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Consideacuterant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette derniegravere preacutecision meacuteconnaicirct la liberteacute individuelle et sa protection par lautoriteacute judiciaire que garantit larticle 66 de la Constitution degraves lors que la prise en compte dinfractions qui ne seraient pas eacutenonceacutees a priori par le procureur de la Reacutepublique prive selon eux lautoriteacute judiciaire de toute maicirctrise effective de lopeacuteration

Consideacuterant quil appartient au leacutegislateur dassurer la conciliation entre dune part lexercice des liberteacutes constitutionnellement garanties et dautre part les besoins de la recherche des auteurs dinfractions qui sont neacutecessaires lun et lautre agrave la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle quil incombe agrave lautoriteacute judiciaire conformeacutement agrave larticle 66 de la Constitution dexercer un controcircle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par lesquelles le leacutegislateur a entendu assurer cette conciliation

Consideacuterant que le leacutegislateur a confieacute au procureur de la Reacutepublique magistrat de lordre judiciaire la responsabiliteacute de deacutefinir preacuteciseacutement les conditions dans lesquelles les proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute quil prescrit doivent ecirctre effectueacutees que la circonstance que le deacuteroulement de ces opeacuterations conduise les autoriteacutes de police judiciaire agrave relever des infractions qui nauraient pas eacuteteacute viseacutees preacutealablement par ce magistrat ne saurait eu eacutegard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions priver ces autoriteacutes des pouvoirs quelles tiennent de faccedilon geacuteneacuterale des dispositions du code de proceacutedure peacutenale que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code notamment agrave leacutegard du procureur de la Reacutepublique que degraves lors les garanties attacheacutees au respect de la liberteacute individuelle sous le controcircle de lautoriteacute judiciaire ne sont pas meacuteconnues quainsi le grief invoqueacute doit ecirctre eacutecarteacute

- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute

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Consideacuterant que cet alineacutea reprend des dispositions deacutejagrave en vigueur en vertu desquelles un controcircle didentiteacute peut ecirctre opeacutereacute selon les mecircmes modaliteacutes que dans les autres cas pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens en ajoutant la preacutecision nouvelle selon laquelle peut ecirctre controcircleacutee lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement

Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant agrave autoriser des controcircles didentiteacute sans que soient justifieacutes les motifs de lopeacuteration effectueacutee porte une atteinte excessive agrave la liberteacute individuelle en la privant de garanties leacutegales

Consideacuterant que la preacutevention datteintes agrave lordre public notamment datteintes agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens est neacutecessaire agrave la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle que toutefois la pratique de controcircles didentiteacute geacuteneacuteraliseacutes et discreacutetionnaires serait incompatible avec le respect de la liberteacute individuelle que sil est loisible au leacutegislateur de preacutevoir que le controcircle didentiteacute dune personne peut ne pas ecirctre lieacute agrave son comportement il demeure que lautoriteacute concerneacutee doit justifier dans tous les cas des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque datteinte agrave lordre public qui a motiveacute le controcircle que ce nest que sous cette reacuteserve dinterpreacutetation que le leacutegislateur peut ecirctre regardeacute comme nayant pas priveacute de garanties leacutegales lexistence de liberteacutes constitutionnellement garanties

Consideacuterant quil appartient aux autoriteacutes administratives et judiciaires de veiller au respect inteacutegral de lensemble des conditions de forme et de fond poseacutees par le leacutegislateur quen particulier il incombe aux tribunaux compeacutetents de censurer et de reacuteprimer les illeacutegaliteacutes qui seraient commises et de pourvoir eacuteventuellement agrave la reacuteparation de leurs conseacutequences dommageables quainsi il revient agrave lautoriteacute judiciaire gardienne de la liberteacute individuelle de controcircler en particulier les conditions relatives agrave la leacutegaliteacute agrave la reacutealiteacute et agrave la pertinence des raisons ayant motiveacute les opeacuterations de controcircle et de veacuterification didentiteacute quagrave cette fin il lui appartient dappreacutecier sil y a lieu le comportement des personnes concerneacutees

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cette disposition autorise le controcircle de lidentiteacute de toute personne en vue de

veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux mais encore dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en deccedilagrave que cette distance peut ecirctre porteacutee jusquagrave quarante kilomegravetres par arrecircteacute interministeacuteriel dans des conditions agrave preacutevoir par deacutecret en Conseil dEtat

Consideacuterant que larticle 3 de la loi deacutefeacutereacutee preacutevoit que les dispositions de cet alineacutea ne prendront effet quagrave la date dentreacutee en vigueur de ladite Convention

Consideacuterant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alineacutea imposent agrave la liberteacute individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties leacutegales quelles meacuteconnaissent les principes deacutegaliteacute devant la loi et dindivisibiliteacute de la Reacutepublique dans la mesure ougrave elles imposent agrave certaines personnes sans justification approprieacutee des contraintes particuliegraveres lieacutees agrave leurs attaches avec certaines parties du territoire franccedilais quils ajoutent quen reconnaissant au pouvoir reacuteglementaire la latitude daccroicirctre tregraves sensiblement les zones concerneacutees le leacutegislateur a meacuteconnu sa propre compeacutetence

Consideacuterant que les stipulations de la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 suppriment les controcircles aux frontiegraveres inteacuterieures concernant les personnes sauf pour une peacuteriode limiteacutee lorsque lordre public ou la seacutecuriteacute nationale lexigent que le leacutegislateur a estimeacute que par les dispositions contesteacutees il prenait dans le cadre de lapplication de ces stipulations des mesures neacutecessaires agrave la recherche des auteurs dinfractions et agrave la preacutevention datteintes agrave lordre public

Consideacuterant que sagissant dune part des zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouvertes au trafic international dautre part de celles qui sont comprises entre les frontiegraveres terrestres de la France avec les Etats parties agrave la Convention et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave le leacutegislateur a degraves lors que certains controcircles aux frontiegraveres seraient supprimeacutes autoriseacute des controcircles didentiteacute que ceux-ci doivent ecirctre conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opeacuterations sont de maniegravere geacuteneacuterale soumises que ces controcircles sont effectueacutes en vue dassurer le respect des obligations preacutevues par la loi de deacutetention de port et de preacutesentation de titres et documents que les zones concerneacutees preacuteciseacutement deacutefinies dans leur nature et leur eacutetendue preacutesentent des risques particuliers dinfractions et datteintes agrave lordre public lieacutes agrave la circulation

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internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

14

personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

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Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
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Et attendu que lrsquoarrecirct est reacutegulier en la forme REJETTE le pourvoi Publication Bulletin criminel 1992 Ndeg 370 p 1024 Dalloz 21 janvier 1993 ndeg 3 p 36 note D MAYER

LE CONSEIL CONSTITUTIONNELVu la Constitution Vu la Convention dapplication de laccord de

Schengen signeacutee le 19 juin 1990 Vu lordonnance ndeg 58-1067 du 7 novembre 1958

modifieacutee portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

Vu le code de proceacutedure peacutenale notamment son article 78-2

Le rapporteur ayant eacuteteacute entendu Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine deacutefegraverent au Conseil constitutionnel la loi relative

aux controcircles et veacuterifications didentiteacute dans son ensemble en faisant valoir que larticle 1er de cette loi meacuteconnaicirctrait diffeacuterents principes et regravegles de valeur constitutionnelle et que les autres dispositions de ladite loi eacutenonceacutees agrave ses articles 2 et 3 sont inseacuteparables de larticle 1er

Consideacuterant que larticle 1er de la loi insegravere dans larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale un sixiegraveme un septiegraveme et un huitiegraveme alineacuteas lesquels remplacent le sixiegraveme alineacutea actuellement en vigueur

- SUR LE SIXIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cet alineacutea preacutevoit un cas suppleacutementaire dans lequel peuvent ecirctre engageacutees des

proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute sur reacutequisitions eacutecrites du procureur de la Reacutepublique pour la recherche et la poursuite dinfractions dans des lieux et pour une peacuteriode de temps qui doivent ecirctre preacuteciseacutes par ce magistrat quil indique que le fait que de tels controcircles didentiteacute reacutevegravelent des infractions autres que celles viseacutees dans les reacutequisitions du procureur de la Reacutepublique ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes

Consideacuterant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette derniegravere preacutecision meacuteconnaicirct la liberteacute individuelle et sa protection par lautoriteacute judiciaire que garantit larticle 66 de la Constitution degraves lors que la prise en compte dinfractions qui ne seraient pas eacutenonceacutees a priori par le procureur de la Reacutepublique prive selon eux lautoriteacute judiciaire de toute maicirctrise effective de lopeacuteration

Consideacuterant quil appartient au leacutegislateur dassurer la conciliation entre dune part lexercice des liberteacutes constitutionnellement garanties et dautre part les besoins de la recherche des auteurs dinfractions qui sont neacutecessaires lun et lautre agrave la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle quil incombe agrave lautoriteacute judiciaire conformeacutement agrave larticle 66 de la Constitution dexercer un controcircle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par lesquelles le leacutegislateur a entendu assurer cette conciliation

Consideacuterant que le leacutegislateur a confieacute au procureur de la Reacutepublique magistrat de lordre judiciaire la responsabiliteacute de deacutefinir preacuteciseacutement les conditions dans lesquelles les proceacutedures de controcircle et de veacuterification didentiteacute quil prescrit doivent ecirctre effectueacutees que la circonstance que le deacuteroulement de ces opeacuterations conduise les autoriteacutes de police judiciaire agrave relever des infractions qui nauraient pas eacuteteacute viseacutees preacutealablement par ce magistrat ne saurait eu eacutegard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions priver ces autoriteacutes des pouvoirs quelles tiennent de faccedilon geacuteneacuterale des dispositions du code de proceacutedure peacutenale que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code notamment agrave leacutegard du procureur de la Reacutepublique que degraves lors les garanties attacheacutees au respect de la liberteacute individuelle sous le controcircle de lautoriteacute judiciaire ne sont pas meacuteconnues quainsi le grief invoqueacute doit ecirctre eacutecarteacute

- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute

12

Consideacuterant que cet alineacutea reprend des dispositions deacutejagrave en vigueur en vertu desquelles un controcircle didentiteacute peut ecirctre opeacutereacute selon les mecircmes modaliteacutes que dans les autres cas pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens en ajoutant la preacutecision nouvelle selon laquelle peut ecirctre controcircleacutee lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement

Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant agrave autoriser des controcircles didentiteacute sans que soient justifieacutes les motifs de lopeacuteration effectueacutee porte une atteinte excessive agrave la liberteacute individuelle en la privant de garanties leacutegales

Consideacuterant que la preacutevention datteintes agrave lordre public notamment datteintes agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens est neacutecessaire agrave la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle que toutefois la pratique de controcircles didentiteacute geacuteneacuteraliseacutes et discreacutetionnaires serait incompatible avec le respect de la liberteacute individuelle que sil est loisible au leacutegislateur de preacutevoir que le controcircle didentiteacute dune personne peut ne pas ecirctre lieacute agrave son comportement il demeure que lautoriteacute concerneacutee doit justifier dans tous les cas des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque datteinte agrave lordre public qui a motiveacute le controcircle que ce nest que sous cette reacuteserve dinterpreacutetation que le leacutegislateur peut ecirctre regardeacute comme nayant pas priveacute de garanties leacutegales lexistence de liberteacutes constitutionnellement garanties

Consideacuterant quil appartient aux autoriteacutes administratives et judiciaires de veiller au respect inteacutegral de lensemble des conditions de forme et de fond poseacutees par le leacutegislateur quen particulier il incombe aux tribunaux compeacutetents de censurer et de reacuteprimer les illeacutegaliteacutes qui seraient commises et de pourvoir eacuteventuellement agrave la reacuteparation de leurs conseacutequences dommageables quainsi il revient agrave lautoriteacute judiciaire gardienne de la liberteacute individuelle de controcircler en particulier les conditions relatives agrave la leacutegaliteacute agrave la reacutealiteacute et agrave la pertinence des raisons ayant motiveacute les opeacuterations de controcircle et de veacuterification didentiteacute quagrave cette fin il lui appartient dappreacutecier sil y a lieu le comportement des personnes concerneacutees

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cette disposition autorise le controcircle de lidentiteacute de toute personne en vue de

veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux mais encore dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en deccedilagrave que cette distance peut ecirctre porteacutee jusquagrave quarante kilomegravetres par arrecircteacute interministeacuteriel dans des conditions agrave preacutevoir par deacutecret en Conseil dEtat

Consideacuterant que larticle 3 de la loi deacutefeacutereacutee preacutevoit que les dispositions de cet alineacutea ne prendront effet quagrave la date dentreacutee en vigueur de ladite Convention

Consideacuterant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alineacutea imposent agrave la liberteacute individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties leacutegales quelles meacuteconnaissent les principes deacutegaliteacute devant la loi et dindivisibiliteacute de la Reacutepublique dans la mesure ougrave elles imposent agrave certaines personnes sans justification approprieacutee des contraintes particuliegraveres lieacutees agrave leurs attaches avec certaines parties du territoire franccedilais quils ajoutent quen reconnaissant au pouvoir reacuteglementaire la latitude daccroicirctre tregraves sensiblement les zones concerneacutees le leacutegislateur a meacuteconnu sa propre compeacutetence

Consideacuterant que les stipulations de la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 suppriment les controcircles aux frontiegraveres inteacuterieures concernant les personnes sauf pour une peacuteriode limiteacutee lorsque lordre public ou la seacutecuriteacute nationale lexigent que le leacutegislateur a estimeacute que par les dispositions contesteacutees il prenait dans le cadre de lapplication de ces stipulations des mesures neacutecessaires agrave la recherche des auteurs dinfractions et agrave la preacutevention datteintes agrave lordre public

Consideacuterant que sagissant dune part des zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouvertes au trafic international dautre part de celles qui sont comprises entre les frontiegraveres terrestres de la France avec les Etats parties agrave la Convention et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave le leacutegislateur a degraves lors que certains controcircles aux frontiegraveres seraient supprimeacutes autoriseacute des controcircles didentiteacute que ceux-ci doivent ecirctre conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opeacuterations sont de maniegravere geacuteneacuterale soumises que ces controcircles sont effectueacutes en vue dassurer le respect des obligations preacutevues par la loi de deacutetention de port et de preacutesentation de titres et documents que les zones concerneacutees preacuteciseacutement deacutefinies dans leur nature et leur eacutetendue preacutesentent des risques particuliers dinfractions et datteintes agrave lordre public lieacutes agrave la circulation

13

internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

14

personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

15

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

16

Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

18

Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 13: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

Consideacuterant que cet alineacutea reprend des dispositions deacutejagrave en vigueur en vertu desquelles un controcircle didentiteacute peut ecirctre opeacutereacute selon les mecircmes modaliteacutes que dans les autres cas pour preacutevenir une atteinte agrave lordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens en ajoutant la preacutecision nouvelle selon laquelle peut ecirctre controcircleacutee lidentiteacute de toute personne quel que soit son comportement

Consideacuterant que les deacuteputeacutes auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant agrave autoriser des controcircles didentiteacute sans que soient justifieacutes les motifs de lopeacuteration effectueacutee porte une atteinte excessive agrave la liberteacute individuelle en la privant de garanties leacutegales

Consideacuterant que la preacutevention datteintes agrave lordre public notamment datteintes agrave la seacutecuriteacute des personnes ou des biens est neacutecessaire agrave la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle que toutefois la pratique de controcircles didentiteacute geacuteneacuteraliseacutes et discreacutetionnaires serait incompatible avec le respect de la liberteacute individuelle que sil est loisible au leacutegislateur de preacutevoir que le controcircle didentiteacute dune personne peut ne pas ecirctre lieacute agrave son comportement il demeure que lautoriteacute concerneacutee doit justifier dans tous les cas des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque datteinte agrave lordre public qui a motiveacute le controcircle que ce nest que sous cette reacuteserve dinterpreacutetation que le leacutegislateur peut ecirctre regardeacute comme nayant pas priveacute de garanties leacutegales lexistence de liberteacutes constitutionnellement garanties

Consideacuterant quil appartient aux autoriteacutes administratives et judiciaires de veiller au respect inteacutegral de lensemble des conditions de forme et de fond poseacutees par le leacutegislateur quen particulier il incombe aux tribunaux compeacutetents de censurer et de reacuteprimer les illeacutegaliteacutes qui seraient commises et de pourvoir eacuteventuellement agrave la reacuteparation de leurs conseacutequences dommageables quainsi il revient agrave lautoriteacute judiciaire gardienne de la liberteacute individuelle de controcircler en particulier les conditions relatives agrave la leacutegaliteacute agrave la reacutealiteacute et agrave la pertinence des raisons ayant motiveacute les opeacuterations de controcircle et de veacuterification didentiteacute quagrave cette fin il lui appartient dappreacutecier sil y a lieu le comportement des personnes concerneacutees

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE LARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE Consideacuterant que cette disposition autorise le controcircle de lidentiteacute de toute personne en vue de

veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux mais encore dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave vingt kilomegravetres en deccedilagrave que cette distance peut ecirctre porteacutee jusquagrave quarante kilomegravetres par arrecircteacute interministeacuteriel dans des conditions agrave preacutevoir par deacutecret en Conseil dEtat

Consideacuterant que larticle 3 de la loi deacutefeacutereacutee preacutevoit que les dispositions de cet alineacutea ne prendront effet quagrave la date dentreacutee en vigueur de ladite Convention

Consideacuterant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alineacutea imposent agrave la liberteacute individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties leacutegales quelles meacuteconnaissent les principes deacutegaliteacute devant la loi et dindivisibiliteacute de la Reacutepublique dans la mesure ougrave elles imposent agrave certaines personnes sans justification approprieacutee des contraintes particuliegraveres lieacutees agrave leurs attaches avec certaines parties du territoire franccedilais quils ajoutent quen reconnaissant au pouvoir reacuteglementaire la latitude daccroicirctre tregraves sensiblement les zones concerneacutees le leacutegislateur a meacuteconnu sa propre compeacutetence

Consideacuterant que les stipulations de la Convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 suppriment les controcircles aux frontiegraveres inteacuterieures concernant les personnes sauf pour une peacuteriode limiteacutee lorsque lordre public ou la seacutecuriteacute nationale lexigent que le leacutegislateur a estimeacute que par les dispositions contesteacutees il prenait dans le cadre de lapplication de ces stipulations des mesures neacutecessaires agrave la recherche des auteurs dinfractions et agrave la preacutevention datteintes agrave lordre public

Consideacuterant que sagissant dune part des zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouvertes au trafic international dautre part de celles qui sont comprises entre les frontiegraveres terrestres de la France avec les Etats parties agrave la Convention et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave le leacutegislateur a degraves lors que certains controcircles aux frontiegraveres seraient supprimeacutes autoriseacute des controcircles didentiteacute que ceux-ci doivent ecirctre conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opeacuterations sont de maniegravere geacuteneacuterale soumises que ces controcircles sont effectueacutes en vue dassurer le respect des obligations preacutevues par la loi de deacutetention de port et de preacutesentation de titres et documents que les zones concerneacutees preacuteciseacutement deacutefinies dans leur nature et leur eacutetendue preacutesentent des risques particuliers dinfractions et datteintes agrave lordre public lieacutes agrave la circulation

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internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

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personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

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Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 14: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

internationale des personnes que degraves lors la suppression de certains controcircles aux frontiegraveres qui deacutecoulerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le leacutegislateur agrave prendre les dispositions susmentionneacutees sans rompre leacutequilibre que le respect de la Constitution impose dassurer entre les neacutecessiteacutes de lordre public et la sauvegarde de la liberteacute individuelle que les contraintes suppleacutementaires ainsi occasionneacutees pour les personnes qui reacutesident ou se deacuteplacent dans les zones concerneacutees du territoire franccedilais ne portent pas atteinte au principe deacutegaliteacute degraves lors que les autres personnes sont placeacutees dans des situations diffeacuterentes au regard des objectifs que le leacutegislateur sest assigneacute quen outre de telles dispositions ne sauraient ecirctre regardeacutees en elles-mecircmes comme portant atteinte agrave lindivisibiliteacute de la Reacutepublique

Consideacuterant en revanche quen meacutenageant la possibiliteacute de porter la limite de la zone frontaliegravere concerneacutee au-delagrave de vingt kilomegravetres le leacutegislateur a apporteacute en labsence de justifications approprieacutees tireacutees dimpeacuteratifs constants et particuliers de la seacutecuriteacute publique et compte tenu des moyens de controcircle dont par ailleurs lautoriteacute publique dispose de faccedilon geacuteneacuterale des atteintes excessives agrave la liberteacute individuelle que de surcroicirct le leacutegislateur a meacuteconnu sa compeacutetence en deacuteleacuteguant au pouvoir reacuteglementaire le soin de fixer cette extension que degraves lors doivent ecirctre deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution les mots suivants cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes qui en sont inseacuteparables

D E C I D E Article premier - Sont deacuteclareacutes contraires agrave la Constitution au quatriegraveme alineacutea de larticle 1er de la loi

les mots cette ligne pouvant ecirctre porteacutee dans des conditions fixeacutees par deacutecret en Conseil dEtat jusquagrave 40 kilomegravetres par arrecircteacute conjoint du ministre de linteacuterieur et du ministre de la justice et les mots conjoint des deux ministres susviseacutes

Article 2 - La preacutesente deacutecision sera publieacutee au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

Ndeg de pourvoi 99-50089Publieacute au bulletin Sur le moyen unique Attendu selon lrsquoordonnance attaqueacutee rendue

par un premier preacutesident (Metz 27 octobre 1999) que M Daka ressortissant albanais a eacuteteacute interpelleacute par des policiers en patrouille dont lrsquoattention avait eacuteteacute attireacutee par un groupe drsquoindividus ne srsquoexprimant pas en franccedilais qursquoeacutetant en situation irreacuteguliegravere sur le territoire franccedilais il a fait lrsquoobjet drsquoun arrecircteacute de reconduite agrave la frontiegravere et de maintien en reacutetention pris par le preacutefet de la Moselle qursquoun juge deacuteleacutegueacute a ordonneacute la prolongation de cette mesure

Attendu que le preacutefet de la Moselle fait grief agrave lrsquoordonnance drsquoavoir annuleacute le controcircle drsquoidentiteacute et ordonneacute la leveacutee de la mesure de reacutetention alors selon le moyen que crsquoest lrsquoeacuteclat des voix drsquoun groupe drsquoindividus srsquoexprimant en langue eacutetrangegravere sur la voie publique qui a attireacute lrsquoattention des policiers et que le fait de converser en groupe qui relegraveve drsquoun comportement volontaire deacutecideacute ou accepteacute doit ecirctre consideacutereacute comme un eacuteleacutement objectif et exteacuterieur agrave la personne physique permettant de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger quand bien mecircme cet eacuteleacutement nrsquoatteste pas la nationaliteacute et drsquoeffectuer reacuteguliegraverement en application de lrsquoarticle 8 de lrsquoordonnance du 2 novembre 1945 et conformeacutement aux principes et regravegles de valeur constitutionnelle sans qursquoil y ait discrimination la veacuterification des documents deacutetenus par M Daka

Mais attendu que lrsquoordonnance retient agrave bon droit que pour que les agents de lrsquoautoriteacute aient la faculteacute de requeacuterir la preacutesentation des documents sous le couvert desquels les eacutetrangers sont autoriseacutes agrave seacutejourner en France sans qursquoil soit preacutealablement proceacutedeacute agrave un controcircle drsquoidentiteacute dans les conditions deacutetermineacutees par les articles 78-1 et suivants du Code de proceacutedure peacutenale il faut que des eacuteleacutements objectifs deacuteduits de circonstances exteacuterieures agrave la

7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA

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personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

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Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 15: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

personne mecircme de lrsquointeacuteresseacute soient de nature agrave faire apparaicirctre sa qualiteacute drsquoeacutetranger que le fait de srsquoexprimer dans une langue eacutetrangegravere ne constitue pas un eacuteleacutement objectif deacuteduit des circonstances exteacuterieures agrave la personne susceptible de preacutesumer la qualiteacute drsquoeacutetranger

Drsquoougrave il suit que le moyen nrsquoest pas fondeacute PAR CES MOTIFS REJETTE le pourvoi

Ndeg de pourvoi 02-81008 Statuant sur le pourvoi formeacute par contre lrsquoarrecirct de la cour drsquoappel de LYON 4egraveme

chambre en date du 18 deacutecembre 2001 qui pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier drsquoun

eacutetranger en France faux et usage de faux document deacutelivreacute par une administration publique lrsquoa condamneacute agrave 9 mois drsquoemprisonnement et 10 ans drsquointerdiction du territoire franccedilais

Vu le meacutemoire produit

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 78-2 593 du Code de proceacutedure peacutenale deacutefaut de motifs manque de base leacutegale

rdquoen ce que lrsquoarrecirct attaqueacute a rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute

rdquoaux motifs que le procegraves-verbal de saisine et drsquointerpellation du 4 janvier 1999 vise lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale et mentionne que les fonctionnaires de police en proceacutedant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain) ont proceacutedeacute au controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoEvian (Haute-Savoie) que mecircme si cette gare ne figure pas sur la liste fixeacutee par lrsquoarrecircteacute du 23 mars 1995 deacutesignant les lieux ouverts au trafic international elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France que les services de police procegravedent dans le peacuterimegravetre consideacutereacute agrave de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits drsquoentreacutee ou seacutejour irreacuteguliers en France et agrave de nombreuses autres infractions ldquoqursquoainsi le procegraves-verbal se reacutefegravere agrave une situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises qui se sont reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre public qui a motiveacute ledit controcirclerdquo

rdquoalors qursquoaux termes de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale lrsquoidentiteacute de toute personne ne saurait ecirctre controcircleacutee que pour preacutevenir une atteinte agrave lrsquoordre public notamment agrave la seacutecuriteacute des personnes et des biens que lrsquoarrecirct attaqueacute qui pour rejeter lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute souleveacutee par le preacutevenu ayant fait lrsquoobjet drsquoun controcircle drsquoidentiteacute dans une gare agrave la descente du train se reacutefegravere de maniegravere abstraite agrave la situation geacuteographique de cette gare agrave de nombreuses infractions commises dans le ldquopeacuterimegravetre restreint du controcirclerdquo et agrave une situation ldquopeacuterennerdquo sans preacuteciser en quoi la sucircreteacute des personnes et des biens eacutetait immeacutediatement menaceacutee lors du controcircle a priveacute sa deacutecision de base leacutegalerdquo

8 ndash Cour de Cassation crim 15 janvier 2003X Ibrahima

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Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 16: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

Attendu qursquoil reacutesulte de lrsquoarrecirct attaqueacute qursquoIbrahima X a eacuteteacute interpelleacute le 4 janvier 1999 vers 8 heures agrave la gare de Bellegarde-sur-Valserine par des fonctionnaires de la DDCILEC de lrsquoAin

que pour justifier le controcircle drsquoidentiteacute de lrsquointeacuteresseacute les policiers eacutenoncent dans leur procegraves-verbal que ldquola position geacuteographique particuliegravere de la garerdquo susviseacutee ldquopremiegravere gare franccedilaise sur le trajet Genegraveve-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontiegravere franco-suisserdquo fait drsquoelle un ldquopocircle drsquoattraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontiegravere terrestre franco-suisse et deacutesirant emprunter les transports ferroviaires agrave destination de Paris et de Lyonrdquo qursquoainsi ldquode nombreuses proceacuteduresrdquo ont eacuteteacute eacutetablies par leur service ldquoau cours des anneacutees preacuteceacutedentes agrave un rythme pluri-hebdomadaire pour des faits drsquoentreacutees ou de seacutejours irreacuteguliers en France constateacutes sur des voyageurs en correspondance ou en partance sur les grandes lignesrdquo qursquoils ajoutent avoir proceacutedeacute ldquoau controcircle drsquoidentiteacute drsquoun voyageur descendant du train en provenance drsquoEvianrdquo qursquoenfin agrave lrsquoissue de ce controcircle lrsquointeacuteresseacute qui a deacuteclareacute spontaneacutement ecirctre de nationaliteacute comorienne a eacuteteacute interpelleacute pour entreacutee ou seacutejour irreacutegulier en France faute drsquoavoir eacuteteacute en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents exigeacutes

Attendu que pour confirmer le jugement ayant rejeteacute lrsquoexception de nulliteacute du controcircle drsquoidentiteacute la cour drsquoappel apregraves avoir rappeleacute les interpellations quasi-quotidiennes pratiqueacutees pour des faits non seulement drsquoentreacutee ou de seacutejour irreacutegulier en France mais aussi drsquoaide au seacutejour irreacutegulier voire de trafics de stupeacutefiants drsquoobjets de valeur ou de faux documents administratifs organiseacutes par des ressortissants franccedilais ou eacutetrangers profitant de lrsquo ldquointeacuterecirct strateacutegiquerdquo des lieux et ajouteacute que lrsquoimportance du trafic ferroviaire permet agrave ldquodes individus arriveacutes clandestinement en France de passer inaperccedilus dans le flot des voyageurs en correspondance y compris et surtout un 4 janvier agrave 8 heuresrdquo retient que le procegraves-verbal se reacutefegravere ainsi agrave ldquoune situation peacuterenne loin drsquoecirctre abstraite mais objectivement constateacutee relatant des infractions nombreuses et preacutecises reacutealiseacutees dans le peacuterimegravetre restreint du controcircle opeacutereacute en lrsquooccurrence sur le quai ndeg 1 de la gare agrave lrsquoeacutegard drsquoun voyageur descendant drsquoun train en provenance drsquoune ville frontaliegravere et justifie parfaitement des circonstances particuliegraveres eacutetablissant le risque seacuterieux et actuel drsquoune atteinte agrave lrsquoordre publicrdquo ayant motiveacute ledit controcircle

Attendu qursquoen cet eacutetat la cour drsquoappel a justifieacute sa deacutecision Drsquoougrave il suit que le moyen ne saurait ecirctre accueilli (hellip)

REJETTE le pourvoi

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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
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Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen

Dans un arrecirct de grande chambre tregraves attendu rendu en proceacutedure acceacuteleacutereacutee la Cour de justice reacutepond aux deux questions preacutejudicielles de la Cour de cassation (Cass QPC 16 avr 2010 MM Melki et Abdeli ndeg 10-40002 Actualiteacutes droits-liberteacutes du 23 avril 2010 et CPDH 22 avril 2010) et tranche ainsi si ce nrsquoest une laquo guerre des juges raquo au moins drsquoimportantes querelles doctrinales et meacutediatiques Le juge luxembourgeois valide la conformiteacute au droit communautaire de la question prioritaire de constitutionnaliteacute (QPC) et ce semble-t-il en tenant compte des deacutecisions rendues depuis la

saisine preacutejudicielle par le Conseil constitutionnel et le Conseil drsquoEacutetat Par ailleurs autre apport non neacutegligeable mais quelque peu occulteacute par les deacutebats sur la QPC il estime contraire agrave lrsquoarticle 67sect2 TFUE et aux articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 intituleacute laquo Franchissement des frontiegraveres inteacuterieures raquo (ou Code frontiegraveres Schengen) les controcircles drsquoidentiteacute de la laquo bande des 20 km Schengen raquo preacutevus agrave lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale Deacutepassant le strict cadre franco-franccedilais de cette controverse les enjeux de cette affaire ont ameneacute lrsquointervention de plusieurs gouvernements drsquoEacutetats membresRappelons qursquoen lrsquoespegravece deux Algeacuteriens en situation irreacuteguliegravere ont eacuteteacute controcircleacutes par la police agrave la frontiegravere franco-belge en application de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 code de proceacutedure peacutenale Faisant lrsquoobjet le 23 mars 2010 drsquoune reconduite agrave la frontiegravere et drsquoun placement en reacutetention ils ont deacuteposeacute devant le juge des liberteacutes et de la deacutetention une question de constitutionnaliteacute Ils estimaient qursquoune violation du principe de libre circulation garanti par lrsquoarticle 67sect 2 TFUE constituerait par ricochet une violation de lrsquoarticle 88-1 de la Constitution qui consacre la participation de la France agrave lrsquoUnion europeacuteenne La Cour de cassation estimait que lrsquoarticle 62 de la Constitution lrsquoempecirccherait de poser une question preacutejudicielle agrave la CJUE apregraves que le Conseil constitutionnel se soit prononceacute sur une QPC transmise auparavant au sujet drsquoune mecircme disposition leacutegislative En conseacutequence et en lrsquoespegravece la Cour avait poseacute ces deux questions preacutejudicielles au lieu de transmettre la QPC au Conseil constitutionnelApregraves avoir deacuteclareacute recevables ces deux questions compte tenu de la laquo preacutesomption de pertinence raquo dont elles sont revecirctues et alors mecircme que les deux requeacuterants ont eacuteteacute libeacutereacutes (sectsect25-26) la Cour estime 1deg- Sur la conformiteacute du caractegravere prioritaire de la question de constitutionnaliteacute au

regard du droit communautaire (hellip)

9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010

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La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 18: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

La Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo Sans refuser le principe mecircme des controcircles la Cour de Luxembourg estime ce dispositif contraire au droit communautaire car lrsquoarticle 67 paragraphe 2 TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du regraveglement ndeg 5622006 (laquo code frontiegravere Schengen )raquo laquo srsquoopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lrsquoEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de 20 kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les Eacutetats parties agrave la Convention drsquoapplication des accords de Schengen lrsquoidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquoEn effet lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 qui autorise des controcircles laquo indeacutependamment du comportement de la personne concerneacutee et de circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque drsquoatteinte agrave lrsquoordre public raquo ne contient aux yeux de la Cour et en eacutecho agrave la deacutecision du Conseil constitutionnel du 5 aoucirct 1993 laquo ni preacutecisions ni limitations de la compeacutetence ainsi accordeacutee notamment relatives agrave lrsquointensiteacute et agrave la freacutequence des controcircles pouvant ecirctre effectueacutes sur cette base juridique raquo Or de telles carences conduit la CJUE agrave relever que ces controcircles preacutesentent un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees par lrsquoarticle 21 a) du laquo Code frontiegravere Schengen raquo (sect 73) Par ailleurs si le fait que les controcircles concernent une zone frontaliegravere ne suffit pas agrave eacutetayer en soi la qualification de ceux-ci en de telles veacuterifications aux frontiegraveres prohibeacutees les laquo regravegles particuliegraveres relatives [au] champ drsquoapplication territorial raquo des controcircles des controcircles agrave bord drsquoun train effectuant une liaison internationale et sur les autoroutes viennent elles conforter une telle qualification (sect 72) La Cour indique donc que pour satisfaire aux exigences des articles 20 et 21 du CFS laquo interpreacuteteacutes agrave la lumiegravere de lrsquoexigence de seacutecuriteacute juridique raquo lrsquoarticle 78-2 al 4 laquo doit preacutevoir lrsquoencadrement neacutecessaire de la compeacutetence confeacutereacutee agrave ces autoriteacutes afin notamment de guider le pouvoir drsquoappreacuteciation dont disposent ces derniegraveres dans lrsquoapplication pratique de ladite compeacutetence raquo Cette deacutecision ouvre ainsi la voie agrave la contestation de nombreuses proceacutedures initieacutees agrave la suite drsquointerpellations dans la bande des 20 km sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4

La zone Schengen

CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 19: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

Actualiteacutes droits-liberteacutes du 22 juin 2010 par Serge SLAMA et Nicolas HERVIEU

Ndeg de pourvoi 09-70462Publieacute au bulletin Rejet

M Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de preacutesident) preacutesident

SCP Delaporte Briard et Trichet avocat(s)

LA COUR DE CASSATION PREMIEgraveRE CHAMBRE CIVILE a rendu larrecirct suivant

Sur le moyen releveacute doffice apregraves avertissement donneacute aux parties

Attendu selon lordonnance attaqueacutee rendue par le premier preacutesident dune cour dappel (Montpellier 4 septembre 2009) et les piegraveces de la proceacutedure que M X X de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France a eacuteteacute interpelleacute en gare de Cerbegravere dans le train en provenance de Montpellier et agrave destination de Barcelone (Espagne) sur le fondement de larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale quil a fait lobjet dune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative quun juge des liberteacutes et de la deacutetention a prolongeacute cette reacutetention que le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales fait grief agrave lordonnance davoir infirmeacute cette deacutecision et dit ny avoir lieu agrave prolonger la reacutetention

Attendu que par arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice de lUnion europeacuteenne a dit pour droit que larticle 67 paragraphe 2 du TFUE et les articles 20 et 21 du regraveglement (CE) ndeg 562 2006 du Parlement europeacuteen et du Conseil du 15 mars 2006 eacutetablissant un code communautaire relatif au reacutegime de franchissement des frontiegraveres par les personnes (code frontiegraveres Schengen) sopposent agrave une leacutegislation nationale confeacuterant aux autoriteacutes de police de lEacutetat membre concerneacute la compeacutetence de controcircler uniquement dans une zone de vingt kilomegravetres agrave partir de la frontiegravere terrestre de cet Eacutetat avec les parties agrave la convention dapplication de laccord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Eacutetats de lUnion eacuteconomique Benelux de la Reacutepublique feacutedeacuterale dAllemagne et de la Reacutepublique franccedilaise relatif agrave la suppression graduelle des controcircles aux frontiegraveres communes signeacute agrave Schengen (Luxembourg) le 19 juin 1990 lidentiteacute de toute personne indeacutependamment du comportement de celle-ci et des circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque datteinte agrave lordre public en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi sans preacutevoir lencadrement neacutecessaire de cette compeacutetence garantissant que lexercice pratique de ladite compeacutetence ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres

Attendu que larticle 78-2 alineacutea 4 du code de proceacutedure peacutenale neacutetant assorti daucune disposition offrant une telle garantie les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte

10 Cour de cassation 1egravere

civ 23 feacutevrier 2011 M X X

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sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 20: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

sont irreacuteguliers que par ce motif de pur droit substitueacute agrave celui critiqueacute la deacutecision se trouve leacutegalement justifieacutee

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi

Ainsi fait et jugeacute par la Cour de cassation premiegravere chambre civile et prononceacute par le preacutesident en son audience publique du vingt-trois feacutevrier deux mille onze

MOYEN ANNEXE au preacutesent arrecirct

Moyen produit par la SCP Delaporte Briard et Trichet avocat aux Conseils pour le preacutefet des Pyreacuteneacutees-Orientales

IL EST FAIT GRIEF agrave lordonnance attaqueacutee davoir infirmeacute lordonnance entreprise et statuant agrave nouveau annuleacute la proceacutedure et ordonneacute la remise en liberteacute de Monsieur X X

AUX MOTIFS QUlaquo il convient de ne statuer que sur le moyen tireacute de la violation de larticle 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (et non pas alineacutea 8 comme mentionneacute par erreur) tel que celui-ci appert du meacutemoire de lappelant annexeacute au dossier que larticle preacuteciteacute preacutevoit le controcircle didentiteacute agrave bord dun train effectuant une liaison internationale sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere que larrecircteacute du 26 avril 2006 deacutesignant les arrecircts sur les liaisons ferroviaires internationales pouvant donner lieu agrave lapplication de larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale preacutecise expresseacutement que pour les liaisons franco-espagnoles empruntant la ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuterault) le premier arrecirct se situe en gare de Montpellier que cet arrecircteacute vise explicitement la ligne ferroviaire uniquement dans le sens Port-Bou Montpellier que par ailleurs larticle preacuteciteacute preacutecise que le controcircle peut ecirctre opeacutereacute entre le premier arrecirct qui se situe audelagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere quil est eacutevident que ces textes ont eacuteteacute promulgueacutes pour permettre deffectuer des controcircles frontaliers par deacuterogation aux accords de Schengen que partant il est logique de consideacuterer que ne sont concerneacutees que les personnes qui entrent sur le territoire franccedilais et non celles qui en sortent quenfin il nest pas inutile de rappeler que ces textes sont dapplication stricte et quil en reacutesulte que les controcircles de police preacutevus par larticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale ne peuvent sopeacuterer sur la ligne ferroviaire internationale que pour le train circulant dans le sens Port-Bou Montpellier quau cas particulier le controcircle ayant eacuteteacute opeacutereacute en gare de Cerbere (66) dans un train circulant de France vers lEspagne il est eacutevident que linteacuteresseacute sapprecirctait agrave quitter le territoire national et que son interpellation est irreacuteguliegravere ce qui entraicircne la nulliteacute de la proceacutedure sans quil soit neacutecessaire dexaminer dautres moyens raquo

ALORS QUE les articles 78-2 alineacutea 3 du Code de proceacutedure peacutenale (issu de la loi ndeg 2006-64 du 23 janvier 2006) et 1er-3deg de larrecircteacute du 26 avril 2006 eacutetendant la possibiliteacute de proceacuteder agrave un controcircle didentiteacute agrave bord des trains internationaux ne comportent aucune restriction dapplication relative au sens de circulation des trains et ne mentionnent pour le premier quune zone geacuteographique autour de la frontiegravere et pour le second les deux terminus de la ligne (laquo ligne ferroviaire entre Port-Bou (Espagne) et Montpellier (Heacuteraut 34) gare de Perpignan (Pyreacuteneacutees-Orientales 66) raquo) que la Cour dappel qui a estimeacute que

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larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 21: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

larrecircteacute du 26 avril 2006 nouvrait la possibiliteacute de controcircles sur la ligne ferroviaire concerneacutee que dans le sens PORT-BOU MONTPELLIER a meacuteconnu les textes preacuteciteacutes en leur ajoutant une condition quils ne comportaient pas

Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteennepar

Crsquoest en proceacutedure peacutenale que le laquo psychodrame raquo relatif au caractegravere prioritaire de la QPC vient de connaicirctre lrsquoun de ses derniers soubresauts la premiegravere chambre civile de la Cour de cassation venant de juger irreacuteguliers les controcircles drsquoidentiteacute dits laquo Schengen raquo en ce qursquoils heurtent le droit de lrsquoUnion Lrsquoon sait en effet que dans un arrecirct du 16 avril 2010 la Cour de cassation avait adresseacute agrave la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne une question preacutejudicielle portant sur la compatibiliteacute au droit de lrsquoUnion non seulement de la proceacutedure de QPC mais aussi de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale relatif auxdits controcircles laquo Schengen raquo (Cass QPC 16 avril 2010 ndeg 10-40002 Abdeli et Melki ndash ADL du 23 avril 2010 ) Selon ce texte adopteacute agrave la suite de lrsquoentreacutee en vigueur de la Convention drsquoapplication de lrsquoaccord de Schengen du 19 juin 1990 ayant mis en place un espace de libre circulation sans laquo frontiegraveres inteacuterieures raquo aux Etats qui y sont parties lrsquoidentiteacute de laquo toute personne raquo peut ecirctre controcircleacutee dans certaines zones en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi Sauf hypothegraveses particuliegraveres ces espaces sont constitueacutes drsquoune part par la zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Eacutetats-parties agrave la Convention et une ligne traceacutee vingt kilomegravetres en deccedilagrave et drsquoautre part par les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par un arrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003

Dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice a consideacutereacute que cette disposition pour ce qui concerne les controcircles intervenant dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo est contraire au principe de libre circulation des personnes tel qursquoeacutenonceacute notamment par lrsquoarticle 67 sect 2 du TFUE En effet selon elle de tels controcircles systeacutematiques drsquoidentiteacute entravent de maniegravere non neacutecessaire et disproportionneacutee la liberteacute de circuler en ce qursquoils peuvent ecirctre mis en œuvre sans qursquoil soit neacutecessaire de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoeacuteleacutements de soupccedilon de commission drsquoune infraction ndash hypothegravese du controcircle de police judiciaire ndash ni de

11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011

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circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 22: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

circonstances particuliegraveres eacutetablissant un risque de trouble agrave lrsquoordre public ndash hypothegravese du controcircle de police administrative ndash (CJUE 22 juin 2010 C-18810 et C-18910 Aziz Melki et Seacutelim Abdeli ndash ADL du 22 juin 2010) De la sorte la Cour de Luxembourg rappelait que toute entrave agrave la liberteacute de circulation des personnes doit neacutecessairement ecirctre justifieacutee au regard de la reacuteserve drsquoordre public sauf agrave meacuteconnaicirctre le droit de lrsquoUnion (voir par exemple CJCE 4

deacutecembre 1974 Van Duyn ndeg 4174) Agrave la suite de cet arrecirct le principe de primauteacute du droit de lrsquoUnion imposait une modification des pratiques franccedilaises (voir pour une premiegravere ordonnance de remise en liberteacute eacutemanant drsquoun JLD TGI Lille 24 juin 2010 M S ndash CPDH du 25 juin 2010) Crsquoest preacuteciseacutement ce qursquoa indiqueacute lrsquoassembleacutee pleacuteniegravere de la Cour de cassation dans son arrecirct du 29 juin 2010 (Cass ass pleacuten 29 juin 2010 ndeg 10-40002 ndash ADL du 2 juillet 2010) en affirmant que laquo degraves lors que lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoest assorti drsquoaucune disposition offrant une [hellip] garantie [de nature agrave preacuteserver la liberteacute de circulation] il appartient au juge des liberteacutes et de la deacutetention drsquoen tirer les conseacutequences au regard de la reacutegulariteacute de la proceacutedure dont il a eacuteteacute saisi raquo

Dans un arrecirct du 23 feacutevrier 2011 la premiegravere Chambre civile de la Cour de cassation applique cette solution (Cass civ 1egravere 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462) En lrsquoespegravece une personne de nationaliteacute colombienne en situation irreacuteguliegravere en France avait eacuteteacute interpelleacutee dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo de la frontiegravere franco-espagnole et avait fait lrsquoobjet drsquoune mesure de reconduite agrave la frontiegravere et de placement en reacutetention administrative Le premier preacutesident de la Cour drsquoappel de Montpellier avait neacuteanmoins infirmeacute lrsquoordonnance du juge des liberteacutes et de la deacutetention ayant prolongeacute cette reacutetention Se fondant sur lrsquoarrecirct Melki et Abdeli la Haute juridiction affirme que laquo llsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale nrsquoeacutetant assorti drsquoaucune disposition offrant [la garantie que lrsquoexercice pratique de tels controcircles ne puisse pas revecirctir un effet eacutequivalent agrave celui des veacuterifications aux frontiegraveres] les controcircles opeacutereacutes sur le fondement de ce texte sont irreacuteguliers raquo et rejette donc le pourvoi formeacute par le preacutefet

Une telle solution qui consiste agrave faire une application immeacutediate des exigences issues de la jurisprudence de la Cour de justice contraste singuliegraverement avec le report au 1er juillet 2011 des effets de la deacuteclaration drsquoinconventionnaliteacute des dispositions du Code de proceacutedure peacutenale relative agrave la garde agrave vue deacutecideacute par la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass crim 19 octobre 2010 ndeg 10-82902 ndeg 10-82306 et ndeg10-82051 ndash ADL du 19 octobre 2010) En pratique les enquecircteurs se trouvent donc dans la situation pour le moins paradoxale de devoir faire une application diffeacuterencieacutee du droit europeacuteen selon le type drsquoacte drsquoinvestigation entrepris ce qui nrsquoest pas pour faciliter la compreacutehension par ceux-ci de la force obligatoire des normes europeacuteennes hellip Quoi qursquoil en soit la solution deacutegageacutee dans lrsquoarrecirct du 23 feacutevrier 2011 si elle apparaicirct satisfaisante dans la perspective drsquoun encadrement effectif des atteintes agrave la liberteacute de circulation demeure parcellaire puisqursquoelle ne concerne que les controcircles pratiqueacutes dans la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo Qursquoen est-il alors des controcircles meneacutes dans les zones accessibles au public des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international deacutesigneacutes par lrsquoarrecircteacute ministeacuteriel du 23 avril 2003 Sur ce point il convient de souligner que dans son arrecirct du 22 juin 2010 la Cour de justice ne srsquoest prononceacutee qursquoagrave propos de la zone laquo des vingt kilomegravetres raquo tout en reproduisant lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 78-2 du Code de proceacutedure peacutenale A contrario lrsquoon pourrait donc raisonnablement en deacuteduire la conformiteacute au droit de lrsquoUnion des controcircles drsquoidentiteacute meneacutes dans les autres zones Malgreacute tout plusieurs juridictions du fond se sont prononceacutees en faveur drsquoune application geacuteneacuterale de la jurisprudence Melki et Abdeli Ainsi le 10 septembre 2010 la Cour drsquoappel de Douai (ord ndeg 1000441) a ordonneacute la

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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
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libeacuteration immeacutediate drsquoun eacutetranger interpelleacute en situation irreacuteguliegravere en assimilant les controcircles pratiqueacutes dans les gares ouvertes au trafic international agrave ceux de laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo

Le salut devrait finalement venir du Parlement puisque le projet de loi drsquoorientation et de programmation pour la performance de la seacutecuriteacute inteacuterieure (laquo LOPPSI 2 raquo) qui a fait lrsquoobjet drsquoune saisine du Conseil constitutionnel le 15 feacutevrier dernier preacutevoit dans son article 69 de limiter agrave six heures conseacutecutives la dureacutee des opeacuterations de controcircle drsquoidentiteacute lesquelles ne devront en aucun cas ecirctre systeacutematiques Or ces modifications concerneront aussi bien les controcircles drsquoidentiteacute dans laquo la bande des vingt kilomegravetres raquo que ceux opeacutereacutes dans les ports aeacuteroports et gares ouverts au trafic international et viseacutes par lrsquoarrecircteacute Dans lrsquoattente de lrsquoentreacutee en vigueur de ce texte la pratique des controcircles systeacutematiques aux frontiegraveres devrait cesser en tout cas sur le fondement de lrsquoarticle 78-2 alineacutea 4 du Code de proceacutedure peacutenale En effet aujourdrsquohui encore de tels controcircles systeacutematiques demeurent opeacutereacutes sur un autre fondement celui de lrsquoalineacutea 2 du mecircme texte Lrsquoastuce deacutenonceacutee par la Cimade consiste pour le parquet agrave multiplier les reacutequisitions aux fins drsquoaccomplissement de controcircles drsquoidentiteacute dans un objectif supposeacute de lutte contre le terrorisme ou le trafic de stupeacutefiants qui mises bout agrave bout permettent de reacuteintroduire la pratique des controcircles systeacutematiques Malgreacute tout cette strateacutegie de contournement du droit europeacuteen devrait ecirctre censureacutee par la Cour de cassation qui dans des circonstances similaires nrsquoa pas heacutesiteacute agrave eacutevoquer le laquo caractegravere manifestement deacuteloyal raquo drsquoune telle pratique (Cass crim 3 feacutevrier 2010 ndeg 08-21419 ) srsquoinspirant en cela de la position de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquoHomme (Cour EDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni req ndeg 415805 arrecirct qui constate une violation de lrsquoarticle 8 de la Convention en ce que notamment les opeacuterations de laquo stop and search raquo sont illimiteacutees dans le temps ndash ADL du 13 janvier 2010 V cateacutegorie CPDH ldquocontrocircle drsquoidentiteacuterdquo)

La gare internationale de Cerbegraveres agrave la frontiegravere franco-espagnole ougrave la requeacuterante a eacuteteacute irreacuteguliegraverement interpelleacutee compte tenu de lrsquoimpossibiliteacute depuis lrsquoarrecirct Melki et Abdeli de la CJUE du 22 juin 2010 de reacutealiser des controcircles dans la bande des 20 kms fondeacutes sur lrsquoarticle 78-2 al 4 du Code de proceacutedure peacutenale car il est contraire au droit de lrsquoUnion europeacuteenne

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Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 24: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

Cour de cassation premiegravere chambre civile 23 feacutevrier 2011 ndeg 09-70462 - Actualiteacutes Droits- Liberteacutes du 1 er mars 2011 par Olivier BACHELET (CREDHO - Paris Sud)

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Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 25: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

Dans une zone comprise entre la frontiegravere terrestre de la France avec les Etats parties agrave la convention signeacutee agrave Schengen le 19 juin 1990 et une ligne traceacutee agrave 20 kilomegravetres en deccedilagrave (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public

des ports aeacuteroports et gares ferroviaires ou routiegraveres ouverts au trafic international et deacutesigneacutes par arrecircteacute pour la preacutevention et la recherche des infractions lieacutees agrave la criminaliteacute transfrontaliegravere (Dispositions deacuteclareacutees non conformes agrave la Constitution par deacutecision du Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993) lidentiteacute de toute personne peut eacutegalement ecirctre controcircleacutee selon les modaliteacutes preacutevues au premier alineacutea en vue de veacuterifier le respect des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevues par la loi Lorsque ce controcircle a lieu agrave bord dun train effectuant une liaison internationale il peut ecirctre opeacutereacute sur la portion du trajet entre la frontiegravere et le premier arrecirct qui se situe au-delagrave des vingt kilomegravetres de la frontiegravere Toutefois sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et preacutesentant des caracteacuteristiques particuliegraveres de desserte le controcircle peut eacutegalement ecirctre opeacutereacute entre cet arrecirct et un arrecirct situeacute dans la limite des cinquante kilomegravetres suivants Ces lignes et ces arrecircts sont deacutesigneacutes par arrecircteacute ministeacuteriel (1) Lorsquil existe une section autoroutiegravere deacutemarrant dans la zone mentionneacutee agrave la premiegravere phrase du preacutesent alineacutea (1) et que le premier peacuteage autoroutier se situe au-delagrave de la ligne des 20 kilomegravetres le controcircle peut en outre avoir lieu jusquagrave ce premier peacuteage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce peacuteage et les aires de stationnement attenantes Les peacuteages concerneacutes par cette disposition sont deacutesigneacutes par arrecircteacute Le fait que le controcircle didentiteacute reacutevegravele une infraction autre que celle de non-respect des obligations susviseacutees ne constitue pas une cause de nulliteacute des proceacutedures incidentes Pour lapplication du preacutesent alineacutea le controcircle des obligations de deacutetention de port et de preacutesentation des titres et documents preacutevus par la loi ne peut ecirctre pratiqueacute que pour une dureacutee nexceacutedant pas six heures conseacutecutives dans un mecircme lieu et ne peut consister en un controcircle systeacutematique des personnes preacutesentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionneacutes au mecircme alineacutea raquo

12 Article 78-2 CPPModifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)

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SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 26: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

SynthegraveseLes citoyens franccedilais drsquoorigine immigreacutee et en particulier ceux drsquoorigine nord-africaine et subsaharienne se plaignent depuis longtemps de ce que les fonctionnaires de police les soumettent agrave des controcircles drsquoidentiteacute injustes discriminatoires et deacutepourvus de neacutecessiteacute Si ces perceptions eacutetaient aveacutereacutees cela signifierait que les fonctionnaires de police fondent leurs deacutecisions sur la couleur de la peau des

personnes plutocirct que sur leur comportementEn 2007 la Open Society Justice Initiative a lanceacute une eacutetude pour examiner si et dans quelle mesure les policiers controcirclent les individus en fonction de leur apparence Cette eacutetude a eacuteteacute reacutealiseacutee en collaboration avec Fabien Jobard et Reneacute Leacutevy chercheurs au Centre National de la Recherche Scientifique et sous la supervision technique de Lamberth ConsultingEn examinant cinq sites parisiens (dans et autour de la Gare du Nord et de la station Chacirctelet-Les Halles) importants points de transit du centre de Paris ougrave lrsquoon observe une forte activiteacute policiegravere lrsquoeacutetude a recueilli des donneacutees sur les controcircles de police au premier rang desquelles des donneacutees sur lrsquoapparence des personnes controcircleacutees (origine acircge sexe style vestimentaire types de sacs porteacutes) Cette eacutetude qui preacutesente des donneacutees uniques sur plus de 500 controcircles de police est la seule meneacutee agrave ce jour propre agrave deacutetecter le controcircle agrave faciegraves en FranceLrsquoeacutetude a utiliseacute une meacutethodologie fondeacutee sur la comparaison systeacutematique entre les personnes controcircleacutees et la population disponible sur les sites en question durant les mecircmes tranches horaires Tant les donneacutees de reacutefeacuterence (le benchmark) que celles sur les controcircles ont eacuteteacutes classeacutees en fonction de lrsquoorigine perccedilue de lrsquoacircge des vecirctements et du type de sac porteacute En observant les controcircles drsquoidentiteacute les observateurs ont eacutegalement releveacute le deacuteroulement et lrsquoissue des controcircles et lorsque crsquoeacutetait possible ont proceacutedeacute agrave une bregraveve entrevue avec la personne controcircleacutee pour savoir agrave quelle freacutequence elle disait faire lrsquoexpeacuterience des controcircles de police quel jugement elle portait sur le comportement des policiers pendant le controcircle quelle reacuteaction eacutemotionnelle le fait drsquoecirctre controcircleacutee entraicircnait chez elleLrsquoeacutetude a confirmeacute que les controcircles drsquoidentiteacute effectueacutes par les policiers se fondent principalement sur lrsquoapparence non pas sur ce que les gens font mais sur ce qursquoils sont ou paraissent ecirctre Les reacutesultats montrent que les personnes perccedilues comme laquo Noires raquo (drsquoorigine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perccedilues comme laquo Arabes raquo (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont eacuteteacutes controcircleacutees de maniegravere disproportionneacutee par rapport aux personnes perccedilues comme laquo Blanches raquo Selon les sites drsquoobservation les Noirs couraient entre 33 et 115 fois plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible agrave ecirctre controcircleacutee par la police (ou la douane) Les Arabes ont eacuteteacute geacuteneacuteralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs agrave ecirctre controcircleacutes globalement ils couraient quant agrave eux entre 18 et 148 fois

P O U R

A P P R O F O N D I R

Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009

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plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 27: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

plus de risques que les Blancs drsquoecirctre controcircleacutes par la police (ou la douane) sur les sites retenus eacutegalement au regard de la composition de la population disponible Les entretiens de suivi reacutealiseacutes avec les personnes qui venaient drsquoecirctre controcircleacutees donnent agrave penser que les Noirs comme les Arabes subissent drsquoordinaire davantage de controcircles de police que les BlancsUn autre facteur deacuteterminant a eacuteteacute le style de vecirctements porteacutes par les personnes controcircleacutees Bien que les personnes portant des vecirctements aujourdrsquohui associeacutes agrave diffeacuterentes laquo cultures jeunes raquo franccedilaises (laquo hip-hop raquo laquo tecktonic raquo laquo punk raquo ou laquo gothique raquo etc) ne forment que 10 de la population disponible elles constituent jusque 47 de ceux qui ont eacuteteacute effectivement controcircleacutes Il ressort de notre eacutetude que lrsquoapparence vestimentaire des jeunes est aussi preacutedictive du controcircle drsquoidentiteacute que lrsquoapparence raciale Lrsquoeacutetude montre une forte relation entre le fait drsquoecirctre controcircleacute par la police lrsquoorigine apparente de la personne controcircleacutee et le style de vecirctements porteacutes deux tiers des individus habilleacutes laquo jeunes raquo relegravevent de minoriteacutes visibles Aussi il est probable que les policiers considegraverent le fait drsquoappartenir agrave une minoriteacute visible et de porter des vecirctements typiquement jeunes comme eacutetroitement lieacutes agrave une propension agrave commettre des infractions ou des crimes appelant ainsi un controcircle drsquoidentiteacuteAlors qursquoen regravegle geacuteneacuterale les personnes interrogeacutees ont qualifieacute de laquo poli raquo et de laquo neutre raquo le comportement des fonctionnaires qui les avaient controcircleacutees et ce quelles que soient les origines supposeacutees agrave la question de savoir quel effet ce controcircle avait produit sur les inteacuteresseacutes les Noirs et les Arabes interrogeacutes ont exprimeacute des impressions fortement neacutegatives au regard de celles exprimeacutees par les Blancs contraste dont la cause possible est la plus grande freacutequence agrave laquelle les membres des minoriteacutes visibles disent ecirctre controcircleacutes

En lrsquoabsence de strateacutegies policiegraveres leacutegitimes qui expliqueraient ces controcircles drsquoidentiteacute autrement que par lrsquoapparence des inteacuteresseacutes les diffeacuterentes forces de police pratiquent ce que lrsquoon appelle couramment en France le controcircle au faciegraves (ou au plan europeacuteen laquo profilage racial raquo) Ceci est en contradiction avec la leacutegislation nationale franccedilaise anti-discrimination et le Code de deacuteontologie de la police Il contredit aussi les normes europeacuteennes sur les droits de lrsquoHomme qui interdisent les distinctions fondeacutees sur lrsquoapparence si elles sont deacutepourvues de justification objective et raisonnable Les eacuteleacutements recueillis dans des eacutetudes eacutemanant drsquoEurope et des Eacutetats-Unis suggegraverent que les pratiques de controcircle au faciegraves ne remplissent pas ce double critegravere car leurs effets neacutegatifs lrsquoemportent largement sur leurs avantagesEn visant certaines personnes agrave cause de ce qursquoelles sont (ou ont lrsquoair drsquoecirctre) et non agrave cause de ce qursquoelles ont fait ou font les policiers perpeacutetuent des steacutereacuteotypes sociaux et raciaux Lrsquoattention accrue que la police accorde agrave certaines personnes peut entraicircner une augmentation des conflits avec la police lourds de conseacutequences agrave la fois pour la seacutecuriteacute du public et celle des fonctionnaires eux-mecircmes Une relation police-public insatisfaisante suscite une meacutefiance envers la police et ne preacutedispose pas les gens agrave la soutenir ce qui diminue son efficaciteacute en matiegravere de preacutevention et de deacutetection des crimes et des deacutelits Les controcircles de police ont drsquoailleurs eacuteteacute des eacuteleacutements deacuteterminants agrave lrsquoarriegravere-plan drsquoeacutemeutes urbaines majeures au Royaume-Uni aux Eacutetats-Unis et en FranceLes effets neacutegatifs du controcircle au faciegraves en France se sont refleacuteteacutes dans une seacuterie drsquoeacutemeutes violentes qui ont eacutebranleacute la France au cours des deux derniegraveres deacutecennies les plus reacutecentes eacutetant celles de 2005 et 2007 Ils se font sentir aussi dans les altercations quotidiennes qui ont lieu entre la police et les jeunes drsquoorigine immigreacutee et dans la perte de confiance envers le systegraveme de la justice peacutenale franccedilaiseLes politiques actuellement adopteacutees en France si elles ont accru la sensibiliteacute des organisations policiegraveres aux problegravemes de deacuteontologie et de discrimination semblent encore insuffisamment armeacutees pour faire face au problegraveme speacutecifique du controcircle au faciegraves Pour

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traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 28: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

traiter cette forme particuliegravere de discrimination et renouer avec lrsquoessence de lrsquoideacuteal reacutepublicain franccedilais il faut drsquoabord la reconnaicirctre comme un problegraveme en soi

Agrave cette fin la Justice Initiative fait les recommandations suivantes

Agrave lrsquointention des autoriteacutes politiques bull Reconnaicirctre publiquement lrsquoexistence drsquoun problegraveme de controcircle au faciegraves dans la police franccedilaisebull Encourager et financer les recherches pour deacuteterminer lrsquoampleur du problegraveme que constitue le profilage racial en Francebull Entreprendre un examen approfondi des normes juridiques des politiques et des pratiques qui sous-tendent les habitudes de controcircle au faciegravesbull Modifier lrsquoarticle 782 du Code de proceacutedure peacutenale afin drsquointerdire explicitement la discrimination raciale de clarifier et de renforcer lrsquoexistence de laquo raisons plausibles de soupccedilonner raquo claires et deacutefinies comme seules justifications des controcircles drsquoidentiteacute et afin eacutegalement de clarifier les raisons qui amegravenent agrave la palpation ou la fouille des inteacuteresseacutesbull Maintenir et soutenir les organes de controcircle speacutecialiseacutes et indeacutependants des forces de seacutecuriteacute tels que la Commission nationale de la deacuteontologie de la seacutecuriteacute les doter des ressources mateacuterielles et humaines suffisantes pour donner suite aux requecirctes dont ils sont saisis afin de leur permettre drsquoidentifier drsquoeacuteventuelles pratiques discriminatoires y compris indirectesbull Engager un travail avec les communauteacutes locales et les associations sur les probleacutematiques de non-discrimination pour discuter la nature du problegraveme et eacutelaborer des reacuteponses politiques susceptibles de beacuteneacuteficier drsquoun consensus social reacuteel

Agrave lrsquointention des autoriteacutes de police franccedilaises bull Enregistrer systeacutematiquement les controcircles drsquoidentiteacute agrave lrsquoaide drsquoun formulaire y compris lrsquoapparence raciale de la personne controcircleacutee le motif et le reacutesultat des controcircles afin que leur efficaciteacute et leur impartialiteacute puissent ecirctre veacuterifieacutees Une copie du formulaire devrait ecirctre fournie agrave la personne controcircleacutee qui pourrait ainsi attester lors drsquoun autre controcircle eacuteventuel qursquoelle srsquoest deacutejagrave faite controcircler dans un passeacute proche Ces donneacutees devraient par ailleurs servir agrave constituer des statistiques anonymes permettant de veacuterifier lrsquoexistence du profilage racial Les informations statistiques sur les controcircles drsquoidentiteacute devront ecirctre analyseacutees au regard de populations de reacutefeacuterence pertinentes codeacutees selon les mecircmes variablesbull Exiger que les policiers expliquent les raisons du controcircle aux personnes concerneacutees et leur fournissent une information concernant les droits et les responsabiliteacutes respectifs des policiers et des personnes controcircleacuteesbull Analyser de faccedilon reacuteguliegravere les donneacutees issues des controcircles drsquoidentiteacute Les reacutesultats de ces analyses devraient ecirctre utiliseacutes dans le cadre des briefings et de lrsquoencadrement des agents Ils devraient eacutegalement ecirctre mobiliseacutes agrave lrsquooccasion de la preacuteparation des opeacuterations cibleacutees afin drsquoassurer que les pouvoirs de controcircle seront utiliseacutes de maniegravere efficace et impartialebull Rendre publiques les informations statistiques concernant les controcircles drsquoidentiteacute et leurs reacutesultats et les employer comme instruments de discussion concernant les prioriteacutes et les pratiques policiegraveres aussi bien au niveau local que nationalCes donneacutees devraient constituer la base drsquoune ouverture et drsquoun dialogue avec les citoyens des diffeacuterentes localiteacutes pour discuter la nature et les motifs de toute surrepreacutesentation constateacutee et pour rechercher des approches alternatives fondeacutees sur un diagnostic local de seacutecuriteacute partageacute

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bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 29: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

bull Soumettre agrave examen les directives opeacuterationnelles et les proceacutedures drsquoapplication des normes qui reacuteglementent le comportement de la police et srsquoassurer qursquoelles sont conformes aux principes de non-discrimination Offrir une formation speacutecifique aux fonctionnaires de police dans le domaine du laquo profilage racial raquo en particulier sur lrsquoutilisation leacutegitime ou non de lrsquoapparence raciale des individus dans le ciblage des controcircles drsquoidentiteacutebull Eacutevaluer et si neacutecessaire renforcer le controcircle de la maniegravere dont les agents de police utilisent les controcircles drsquoidentiteacute en vue drsquoameacuteliorer leur efficaciteacute et leur impartialiteacutebull Examiner tous les cas litigieux afin de veacuterifier srsquoils ne traduisent pas une hostiliteacute routiniegravere dans les controcircles meneacutes de la part de certains agents uniteacutes ou services de la Police Nationale de la Gendarmerie Nationale des Douanes et des autres forces de seacutecuriteacute Si tel est le cas la situation doit ecirctre corrigeacutee via les politiques drsquoemploi de formation et de reacuteaffectation des agents ainsi que par lrsquoaction disciplinaire de lrsquoadministration selon la graviteacute du problegraveme constateacutebull Eacutetablir des proceacutedures permettant de recueillir les appreacuteciations des citoyens sur la qualiteacute des services rendus par la police afin drsquoidentifier les bonnes et les mauvaises pratiques (laquo boicirctes agrave ideacutees raquo sondages suivi qualitatif aupregraves drsquoassociations locales etc)

Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires

A la suite drsquoun controcircle de police un mineur acircgeacute agrave lrsquoeacutepoque de seize ans a eacuteteacute conduit avec un de ses amis au commissariat drsquoAsniegraveres-sur-Seine A cette occasion ils ne furent pas placeacutes en garde agrave vue mais demeuregraverent dans le cadre de la proceacutedure de veacuterification drsquoidentiteacute (Art 78-3

du Code de proceacutedure peacutenale) Deux heures plus tard le mineur fut transfeacutereacute agrave lrsquohocircpital avec laquo des contusions du globe oculaire droit du poignet et du dos de multiples eacuterosions cutaneacutees du visage et du cou de multiples heacutematomes du cuir chevelu [ainsi qursquo] une fracture du testicule droit avec contusions et heacutematomes raquo (sect 7) Il fut eacutetabli que les violences eurent lieu lorsque lrsquointeacuteresseacute une fois arriveacute au commissariat refusa drsquoecirctre menotteacute alors qursquoil ne lrsquoavait pas eacuteteacute jusque lagrave Au terme drsquoune enquecircte de lrsquoinspection geacuteneacuterale des services de la preacutefecture de police (sect 9) deux policiers furent mis en examen pour violences volontaires Le tribunal de grande instance de Nanterre les condamna laquo agrave quatre et huit mois drsquoemprisonnement avec sursis pour violence volontaire par un deacutepositaire de lrsquoautoriteacute publique suivie drsquoincapaciteacute supeacuterieure agrave huit jours raquo et au paiement de 7 000 euros de dommages-inteacuterecircts Toutefois dans un arrecirct devenu deacutefinitif la Cour drsquoappel de Versailles reacuteduisit la condamnation agrave une amende contraventionnelle de 800 euros par policier les faits ayant eacuteteacute requalifieacutes en laquo blessures

Nicolas Hervieu laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France ) raquo CPDH 05 novembre 2010

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involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 30: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

involontaires raquo Il en fut de mecircme pour les dommages-inteacuterecircts rameneacutes agrave 5 000 euros (sect 20) Aucune sanction disciplinaire ne fut prononceacutee

Saisie par la victime de ces violences la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme condamne la France agrave lrsquounanimiteacute pour violation de lrsquoarticle 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou deacutegradants) Apregraves avoir admis la recevabiliteacute de ce grief en estimant qursquoil avait bien eacuteteacute laquo invoqueacute devant les juridictions internes au moins en substance raquo (sect 27 ndash Sur lrsquoexigence drsquoeacutepuisement des voies de recours internes ndash Art 35 ndash v Cour EDH 2e Sect 12 octobre 2010 Nur Radyo Ve Televizyon Yayinciliği AŞ c Turquie (no 2) Req ndeg 4228405 ndash ADL du 12 octobre 2010 ) les juges europeacuteens abordent successivement et au fond deux seacuteries de consideacuterations afin de parvenir agrave ce constat de violation Suivant implicitement la distinction entre les facettes substantielle et proceacutedurale des obligations conventionnelles (sur lrsquoArt 3 v Cour EDH 2e Sect 17 mars 2009 Salmanoğlu et Polattaş c Turquie Req ndeg 1582803 ndash ADL du 20 mars 2009 Sur lrsquoArt 2 ndash droit agrave la vie ndash v Cour EDH 2e Sect 14 septembre 2010 Dink c Turquie Req ndeg 266807 et s ndash ADL du 19 septembre 2010) ils caracteacuterisent ainsi la responsabiliteacute des forces de police dans les comportements contraires agrave lrsquoarticle 3 avant de pointer lrsquoinsuffisance des sanctions prononceacutees agrave lrsquoencontre de ces derniegraveres

Concernant le premier point la Cour est sans surprise drsquoune grande fermeteacute sur le terrain de lrsquointerdiction absolue de la torture et des traitements inhumains ou deacutegradants (sect 34 ndash v Cour EDH 3e Sect 20 juillet 2010 A c Pays-Bas Req ndeg 490006 ndash ADL du 26 juillet 2010 ) Le niveau strasbourgeois drsquoexigence srsquoeacutelegraveve encore plus lorsque ces traitements affectent des personnes priveacutees de liberteacute telles que celles laquo en garde agrave vue [qui de ce fait] sont en situation de vulneacuterabiliteacute et que les autoriteacutes ont le devoir de les proteacuteger Un Etat est responsable de toute personne placeacutee en garde agrave vue car cette derniegravere est entiegraverement aux mains des fonctionnaires de police raquo (sect 36 - Cour EDH 3e Sect 20 avril 2010 Slyusarev c Russie Req ndeg 6033300 ndash ADL du 20 avril 2010 Cour EDH 2e Sect 16 juillet 2009 Sulejmanovic c Italie Req ndeg 2263503 ndash ADL du 19 juillet 2009 Voir cateacutegorie ldquotraitements inhumains et deacutegradantsrdquo et ldquogarde agrave vuerdquo ) Ces preacutesupposeacutes protecteurs conduisent les juges agrave estimer ici que les violences subies par le requeacuterant laquo qui ont provoqueacute douleurs et souffrances physiques [ayant] atteint un seuil de graviteacute suffisant pour tomber sous le coup de lrsquoarticle 3 de la Convention raquo (sect 38) sont imputables aux policiers Ceci est notamment valable pour la laquo fracture testiculaire raquo car mecircme si laquo cette blessure grave est resteacutee sans explication claire quant agrave son origine raquo le fait qursquoelle ait eacuteteacute subie laquo dans lrsquoenceinte drsquoun local de police raquo et alors que lrsquointeacuteresseacute eacutetait sous la responsabiliteacute de la police emporte lrsquoapplication drsquoune preacutesomption de responsabiliteacute des autoriteacutes (sect 42 et 36 ndash pour une solution similaire v Cour EDH 2e Sect 9 feacutevrier 2010 Emine Yaşar c Turquie Req ndeg 86304 ndash ADL du 9 feacutevrier 2010 ) La graviteacute des blessures a bien sucircr contribueacute au constat final de disproportion de lrsquousage de la force policiegravere mais deux autres eacuteleacutements semblent avoir emporteacute la conviction de la juridiction strasbourgeoise Drsquoabord lrsquoacircge du requeacuterant qui nrsquoeacutetait drsquoailleurs pas connu des services de police au moment des faits (sect 40) a peseacute sur la conclusion selon laquelle laquo il nrsquoexistait aucun risque seacuterieux et imminent pouvant justifier lrsquoemploi drsquoune telle force par les policiers raquo et que laquo drsquoautres meacutethodes [eacutetaient envisageables] pour calmer le requeacuterant raquo (sect 43 ndash sur des tortures infligeacutees agrave un mineur en garde agrave vue v Cour EDH 2e Sect 16 feacutevrier 2010 Alkes c Turquie Req no 304404 ndash ADL du 16 feacutevrier 2010 Voir cateacutegorie ldquodroit des enfantsrdquo) Ensuite la Cour critique assez vivement la deacutecision des policiers de recourir au laquo menottage raquo ceci eacutetant drsquoailleurs lieacute au point preacuteceacutedent puisque la reacutesistance du requeacuterant est neacutee de cette deacutecision Il est certes rappeleacute que laquo le port des menottes ne pose normalement pas de problegraveme au regard de lrsquoarticle 3 de la Convention lorsqursquoil est lieacute agrave une arrestation ou une deacutetention leacutegales et nrsquoentraicircne pas lrsquousage de la force ni drsquoexposition

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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
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publique raquo (sect 41 ndash v en ce sens Cour EDH 5e Sect 29 octobre 2009 Paradysz c France Req ndeg 1702005 ndash ADL du 2 novembre 2009 ) Neacuteanmoins en lrsquoespegravece la Cour souligne que laquo les raisons justifiant le menottage du requeacuterant restent obscures celui-ci nrsquoayant pas eacuteteacute placeacute en garde agrave vue raquo ou mecircme eacuteteacute entraveacute lors de son trajet vers le commissariat Surtout agrave lrsquoaide de lrsquoavis rendu dans cette affaire par la Commission nationale de deacuteontologie de la seacutecuriteacute (sect 16 - voir avis 2001-1 du 23 mai 2002 saisine de Robert Badinter rapport CNDS 2002 page 17) elle laquo eacutemet [hellip] de seacuterieux doutes quant agrave la neacutecessiteacute de menotter le requeacuterant celui-ci ne srsquoeacutetant montreacute ni agressif ni dangereux ni mecircme agiteacute avant le menottage raquo (sect 41) Cet ensemble de circonstances conduit donc les juges europeacuteens laquo agrave consideacuterer que les traitements exerceacutes sur la personne du requeacuterant ont revecirctu un caractegravere inhumain et deacutegradant raquo (sect 44)

En vertu du principe de subsidiariteacute la France aurait pu eacutechapper agrave une condamnation pour le moins infamante en particulier le jour du soixantiegraveme anniversaire de la Convention europeacuteenne des droits de lrsquohomme Si les faits litigieux avaient eacuteteacute ducircment poursuivis et reacuteprimeacutes par les juridictions internes juges de droit commun de la Convention la violation de lrsquoarticle 3 aurait eacuteteacute en effet laquo redresseacutee raquo et le requeacuterant aurait agrave cette occasion perdu laquo la qualiteacute de victime raquo de cette violation (sect 45 ndash v Cour EDH GC 1er juin 2010 Gaumlfgen c Allemagne Req no 2297805 ndash ADL du 1er juin 2010 ) Tel nrsquoest cependant pas le cas en lrsquoespegravece car si aucune lacune dans la proceacutedure drsquoenquecircte nrsquoest identifieacutee (sect 47) les sanctions finalement infligeacutees aux deux policiers sont jugeacutees insuffisantes Ainsi non seulement la Cour doute que la qualification peacutenale de laquo violences involontaires raquo finalement retenue puisse ecirctre regardeacutee comme laquo une reconnaissance de violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 46) Mais surtout les peines drsquoamendes sont jugeacutees laquo modiques raquo (sect 48) lrsquoabsence de sanctions disciplinaires (sect 48) et la reacuteduction de lrsquoindemniteacute accordeacutee au requeacuterant (sect 50) nrsquoeacutetant pas de nature agrave compenser cette situation Aux yeux des juges europeacuteens cette laquo sanction manifestement disproportionneacutee agrave une violation de lrsquoun des droits essentiels de la Convention nrsquoa pas lrsquoeffet dissuasif neacutecessaire pour preacutevenir drsquoautres transgressions de lrsquointerdiction des mauvais traitements dans des situations difficiles qui pourraient se preacutesenter agrave lrsquoavenir raquo (sect 49 et 48 ndash v Cour EDH preacutec Gaumlfgen c Allemagne ndash ADL du 1er juin 2010) En conseacutequence laquo le requeacuterant peut toujours se preacutetendre victime d[e la] violation de lrsquoarticle 3 raquo (sect 51) identifieacutee preacuteceacutedemment drsquoougrave la condamnation de la France agrave ce titre (sect 53)

Darraj c France (Cour EDH 5e Sect 4 novembre 2010 Req ndeg 3458807)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 32: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

Actualiteacutes droits-liberteacutes du 4 novembre 2010 par Nicolas HERVIEU

En marge drsquoune ldquofoire aux armesrdquo organiseacutee agrave Londres et de la manifestation preacutevue contre celle-ci un homme qui souhaitait rejoindre cette manifestation et une journaliste qui voulait la filmer furent arrecircteacutes briegravevement (vingt agrave trente minutes) et fouilleacutes par les forces de police Les inteacuteresseacutes contestegraverent sans succegraves ces arrestations et fouilles - reacutealiseacutees au nom de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo adopteacute en 2000 au Royaume-Uni (V sect 28-48 pour une description de son contenu et de son application) - devant les juridictions britanniques La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme commence par refuser drsquoexaminer les griefs des requeacuterants sur le terrain de lrsquoarticle 5 (droit

agrave la liberteacute et agrave la sureteacute) Elle estime pourtant eu eacutegard agrave ldquolrsquoeacuteleacutement de coercitionrdquo qui a conduit agrave ldquoune complegravete privation de liberteacute de mouvementrdquo - mecircme bregraveve - que la situation entre dans le champ drsquoapplication de cet article mais preacutefegravere statuer sur le terrain de lrsquoarticle 8 (droit au respect de la vie priveacutee) combineacute neacuteanmoins agrave ce droit agrave la liberteacute et agrave la sureteacute (sect 57)Premiegraverement la Cour estime que la fouille preacutevue agrave lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo constitue bien une ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacutee Dans le prolongement de sa lecture large du champ drsquoapplication de ce droit (sect 61) elle eacutenonce ainsi que ldquolrsquousage des pouvoirs de coercition confeacutereacutes par la leacutegislation pour exiger drsquoun individu qursquoil se soumette agrave une fouille sur sa personne ses vecirctements et ses effets personnels constituent une claire ingeacuterence au sein du droit au respect de la vie priveacuteeldquo la ldquonature publique de la fouillerdquo renforccedilant cet aspect (sect 63) Par ailleurs en reacuteponse au gouvernement deacutefendeur les juges europeacuteens font une inteacuteressante distinction entre les fouilles reacutealiseacutees ldquodans les aeacuteroports ou agrave lrsquoentreacutee drsquoun bacirctiment publicldquo et celles ici en cause en jugeant les premiegraveres moins intrusives car ldquoun usager de services aeacuteroportuaires peut ecirctre regardeacute comme ayant consenti agrave une telle fouille en choisissant de voyagerrdquo et donc en preacutevision de la fouille peut eacuteviter que certains effets personnels en soit lrsquoobjet (sect 65) Lrsquoingeacuterence ainsi identifieacutee est ensuite jugeacutee non conforme agrave la premiegravere condition de lrsquoarticle 8 sect 2 telle qursquointerpreacuteteacutee par la Cour (rdquola loi [preacutevoyant lrsquoingeacuterence] doit ecirctre suffisamment accessible et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave lrsquoindividu - en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes - de reacutegler sa conduiterdquo - sect 76) En effet selon la Cour ldquoles garanties preacutevues par la loi interne [hellipne] constituent [pas] une reacuteelle limitation des larges pouvoirs accordeacutes [aux autoriteacutes] de faccedilon agrave offrir une protection individuelle adeacutequate contre les ingeacuterences arbitrairesrdquo (sect 79)Sont ainsi souligneacutes le flou du motif par lequel le directeur de la police peut autoriser les agents agrave arrecircter et agrave fouiller des personnes dans un espace geacuteographique donneacute (srsquoil ldquole juge opportun pour la preacutevention des actes terroristesldquo) et lrsquoabsence drsquoexigence de neacutecessiteacute et de proportionnaliteacute de ladite mesure ce qui constitue

Nicolas Hervieu laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni ) raquo CPDH 14 janvier 2010

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ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

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Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

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  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
Page 33: Droit des libertés fondamentales - Points de vue …combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr/files/2011/04/fiche-td-dlf2010... · Cass. 2ème civ. 14 décembre 2000 ... (Loi nº 99-291

ldquoun obstacle redoutablerdquo agrave toute contestation judiciaire ulteacuterieure (sect 80) Lrsquoabsence de reacuteelles limites temporelles - vingt huit jours mais indeacutefiniment renouvelable - et geacuteographiques agrave ces mesures participent eacutegalement agrave cette situation (sect 81) ldquoLe large pouvoir discreacutetionnairerdquo du policier qui deacutecide sur le terrain de proceacuteder agrave une arrestation et agrave une fouille est eacutegalement releveacute car ce dernier nrsquoa pas ldquoagrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun doute raisonnablerdquo pesant sur la personne qui en est lrsquoobjet mais seulement que cette fouille a ldquopour but de rechercher des objets utilisables dans le cadre drsquoaction terroristerdquo (sect 83) ldquoLe grand risque drsquoarbitraire [creacutee par] lrsquooctroi drsquoun large pouvoir discreacutetionnairerdquo est enfin confirmeacute par certains rapports qui reacutevegravelent que sur les dizaines de milliers de fouilles aucune en 2007 nrsquoeacutetait lieacutee agrave une infraction terroriste - avec de nombreux cas drsquoabsence eacutevidente de lien avec cet objet - (sect 84) et qursquoil existe ldquoun risque [aveacutereacute] drsquousage discriminatoire de ces pouvoirsrdquo agrave lrsquoencontre des populations noires ou asiatiques (sect 85)En conseacutequence la Cour relegraveve ici une violation de lrsquoarticle 8 faute pour lrsquoingeacuterence drsquoavoir eacuteteacute preacutevue par une leacutegislation suffisamment restrictive et protectrice (sect 87)Par la geacuteneacuteraliteacute de ses motifs cette condamnation srsquoapparente drsquoailleurs agrave une sanction in abstracto de lrsquoarticle 44 du ldquoTerrorism Actrdquo (qui dans certaines de ses modaliteacutes ressemble agrave la technique franccedilaise des controcircle drsquoidentiteacutes sur reacutequisition du Procureur de la Reacutepublique - Art 78-2 al 2 du Code de proceacutedure peacutenale - par laquelle ce dernier fixe un espace geacuteographique donneacute durant une peacuteriode indeacutefiniment renouvelable ainsi que la liste des infractions rechercheacutees mecircme si les controcircles en reacutevegravelent drsquoautres) Cet arrecirct confirme donc le souhait de la Cour drsquoencadrer les leacutegislations qui sous couvert de motifs geacuteneacuteraux et leacutegitimes tels que la lutte contre le terrorisme eacutelargissent excessivement et sans garanties les pouvoirs de police

Gillan et Quinton c Royaume-Uni (Cour EDH 4e Sect 12 janvier 2010 Req ndeg 415805)

- En anglais

33

Actualiteacutes droits-liberteacutes du 13 janvier 2010 par Nicolas HERVIEU

Examinez ces documents originaux et deacuteterminez dans le cadre de quelle proceacutedure cette personne a eacuteteacute interpelleacutee

Pour info+Article L611-1 CESEDA

laquo En dehors de tout controcircle didentiteacute les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere doivent ecirctre en mesure de preacutesenter les piegraveces ou documents sous le couvert desquels elles sont autoriseacutees agrave circuler ou agrave seacutejourner en France agrave toute reacutequisition des officiers de police judiciaire et sur lordre et sous la responsabiliteacute de ceux-ci des agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionneacutes aux articles 20 et 21 (1deg) du code de proceacutedure peacutenale

A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

E N P R A T I Q U E

34

  • Documents joints
  • Document DrsquoOUVERTURE
  • Biblio-graphie
  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Une condamnation infamante de la France pour mauvais traitement policier drsquoun mineur en veacuterification drsquoidentiteacute pour les 60 ans de la CEDH (CEDH 4 novembre 2010 Darraj c France) raquo
      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires
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A la suite dun controcircle didentiteacute effectueacute en application des articles 78-1 78-2 et 78-2-1 du code de proceacutedure peacutenale les personnes de nationaliteacute eacutetrangegravere peuvent ecirctre eacutegalement tenues de preacutesenter les piegraveces et documents viseacutes agrave lalineacutea preacuteceacutedent raquo

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  • 1 CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Leacutegislative)
  • Chapitre III Des controcircles des veacuterifications et des releveacutes didentiteacute
  • 2 ndash Cour de Cassation crim 5 janvier 1973 Friedel
  • 3 ndash Cour de cassation crim 4 octobre 1984 Kandeacute
  • 4 ndash Cour de Cassation crim 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC
  • 5 ndash Cour de Cassation crim 10 novembre 1992 Bassilika
  • 6 ndash Conseil constitutionnel ndeg 93-323 DC du 5 aoucirct 1993
  • Loi relative aux controcircles et veacuterifications didentiteacute
  • 7 ndash Cour de Cassation civ 2 14 deacutecembre 2000 DAKA
  • 8 ndash Cour de Cassation crim
  • 15 janvier 2003
  • X Ibrahima
  • 9 Nicolas Hervieu et Serge Slama laquo QPC la Cour de Luxembourg allume le calumet de la paix et explose les controcircles de la bande ldquoSchengenrdquo (CJUE 22 juin 2010 A Melki et S Abdeli) raquo CPDH 23 juin 2010
  • 10 Cour de cassation 1egravere civ 23 feacutevrier 2011 M X X
  • 11 Olivier Bachelet laquo Confirmation de lrsquoilleacutegaliteacute des controcircles de la bande des 20 km ldquoSchengenrdquo jusqursquoagravehellip la LOPPSI 2 (Cass 1egravere civ 23 feacutevrier 2011) raquo CPDH 03 mars 2011
  • 12 Article 78-2 CPP
  • Modifieacute par LOI ndeg2011-267 du 14 mars 2011 - art 69 (LOPPSI 2)
    • Pour approfondir
      • Fabien JOBARD ET Reneacute LEVY Police et minoriteacutes visibles les controcircles drsquoidentiteacute agrave Paris Open society Justice initiative 2009
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      • CPDH 05 novembre 2010
      • Nicolas Hervieu
      • laquo Leacutegislation antiterrorisme fouille agrave lrsquoentreacutee des lieux publics bregraveve arrestation agrave cette fin (laquo Stop and Search raquo) (CEDH 12 janvier 2010 Gillan et Quinton c Royaume-Uni) raquo
      • CPDH 14 janvier 2010
        • En pratique
          • Fascicule 7 Seacutecuriteacute et liberteacutes (I)
          • Controcircles et veacuterification drsquoidentiteacute
            • Validation sous reacuteserves du meacutecanisme de la QPC et non-conformiteacute des controcircles de la bande des 20 km Schengen
            • 2deg- Sur la laquo bande des 20 km Schengen raquo
            • Neutralisation des controcircles drsquoidentiteacute laquo Schengen raquo par le droit de lrsquoUnion europeacuteenne
            • par
            • Violences policiegraveres sur un mineur et insuffisance des sanctions peacutenales et disciplinaires