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Berbères,de rives en rêves

Berbères,de rives en rêves

CHEMINS DU PATRIMOINE EN FINISTÈRE - ABBAYE DE DAOULASMUSÉE DES CIVILISATIONS DE L’EUROPE ET LA MÉDITERRANÉE, MARSEILLE

Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition « Berbères, de rives en rêves » à l’Abbaye de Daoulas du 16 mai 2008 au 4 janvier 2009

Pendentif Maroc, FiguigArgent, verreH : 7 cmGenève, Musée d’Ethnographie

Avant-Propos, Monde berbères , Pierre Maille, Président du Conseil Général du Finistère 6

Carte des zones culturelles berbères en Afrique du Nord et en Europe 9

Introduction, Exposer le patrimoine berbère, Michel Colardelle 10

IDENTITÉS 15

Berbérie–Tamazgha, de la préhistoire à la modernité : la permanence berbère. L’apport de Gabriel Camps (1927-2002) - Salem Chaker 16

Éloge des Berbères - Ibn Khaldûn, traduction d’Abdesselam Cheddadi 24

Architectures de terre, l’exemple de Siwa - Vincent Battesti 32

Entre chacal et chien, représentations touarègues du monde nomade - Catherine Hincker 44

Les rituels de la naissances à Merzouga (Maroc), importance et valorisation du lait - Marie-Luce Gélard 54

Cosmogonie et croyances populaires des Berbères - Nedjma Plantade 66

PATRIMOINES 79

Bijoux du Maghreb : héritage berbère - Tatiana Benfoughal 80

Terres de femme, poteries du monde berbère - Mireille Jacotin 92

Les « palmes » au savoir-faire, tressage de vanneries dans les oasis du Sahara maghrébin - Tatiana Benfoughal 102

La laine, richesse des berbères - Mireille Jacotin 110

De la steppe aux alpages, la transhumance des moutons africains - Guillaume Lebaudy 118

TRANSMISSIONS 129

La littérature kabyle contemporaine : une littérature émergente - Ameziane 130

Inventaire-à-la-Berbère des réserves bretonnes… - François Coulon 138

Varations berbères, de rives en rêves, une rencontre… - Hacène Larbi 146

Slimane Azem (1918-1983) et l’exil - Rachid Merabet et Mireille Jacotin 156

Les Berbères : du mythe à la réalité politique - Salem Chaker 170

Safia, Les Hommes plats 178

Bibliographie 180

Crédits photographiques 187

Réalisation 189

Remerciements 190

SOMMAIRE

BERBÈRES, DE RIVES EN RÊVES

« En fait, il n’y a aujourd’hui ni une langue berbère, dans le sens où celle-ci serait le reflet

d’une communauté ayant conscience de son unité, ni un peuple berbère et encore moins

une race berbère. Sur ces aspects négatifs tous les spécialistes sont d’accord… et cependant

les Berbères existent. »1

Qu’est-ce qui fonde l’identité de ces populations qu’à

priori tout divise : une situation dispersée sur plusieurs

états, des dialectes différents – même s’il existe une lan-

gue avec un socle commun ? Est-ce la résistance, celle

qui a permis à cette culture de survivre aux invasions et

conquêtes successives, romaine, byzantine, arabe, fran-

çaise ? Est-ce l’appartenance à une terre, ce qui explique

la ferveur à démontrer la primauté des Berbères sur le

territoire de l’Afrique du Nord, est-ce le partage de mê-

mes traits culturels ?

Plus que d’autres, les Berbères, par la singularité et la

complexité de leur situation, représentent un « cas

d’école » pour tenter de comprendre ce qui constitue

et fonde l’originalité d’un groupe humain quelles qu’en

soient l’organisation sociale, les coutumes, les croyan-

ces… Que recoupe le sentiment d’appartenance aussi

bien en terme d’identité collective que d’identité indi-

viduelle ?

Au delà des aspects historiques et patrimoniaux de la

culture berbère, l’exposition évoque ces interrogations

au regard de l’actualité de la diaspora berbère et de la

persistance d’une identité dans les conditions d’exil et le

contexte de mondialisation.

L’ensemble de ces réflexions est fidèle à l’orientation très

générale que s’est donnée l’abbaye de Daoulas dans ses

expositions depuis plus de vingt ans : « la rencontre des

civilisations », pour rencontrer l’autre, pour remettre

« en question l’idée que l’on se fait de soi et de sa propre

culture », pour mieux comprendre le monde dans lequel

nous vivons, avec ces nécessaires confrontations entre

le passé et le présent, entre l’ici et l’ailleurs.

Ce projet a été mené en partenariat avec le Musée

des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée

(MuCEM). Je remercie toute l’équipe du MuCEM, et

très chaleureusement son directeur, Michel Colardelle,

pour le travail mené en commun, la qualité des échan-

ges scientifiques et aussi humains.

Pierre Maille

Président du Conseil Général du Finistère

1 Gabriel Camps, Les Berbères, mémoire et identité, Actes Sud, 2007

MONDES BERBÈRES

BERBÈRES, DE RIVES EN RÊVES6 7

Cette carte a été réalisée à partir des sources suivantes :

- Centre de Recherche Berbère – Inalco, Paris

- Galand L. : 1998 – « Le Berbère », Les langues dans le

monde ancien et moderne, 3e partie : Les langues chamito-

sémitiques, Paris, C.N.R.S.

TACHEL

HIT TAM

AZ

IGH

T

RIFAIN

ELYBAK

CHAOUIA

ZONE DE PARCOURSDES TOUAREGS

ALGÉRIE LIBYE

TUNISIE

MAURITANIE

SAHARAOCCIDENTAL

MALI

MAROC

NIGER

TCHAD

BURKINA-FASO

MZAB

GOURARA

O.RIGH

TASSILI N'AJJARE

AHAGGAR

IFOGHAS

ATR

TIDIKELT

KSOURS DUSUD-ORANAIS

TEN

HA

RIDYUOM

Haut-Atlas

Anti-Atlas

Moyen- Atlas

M e r M é d i t e r r a n é eOcéanAtlantique

ESPAGNE

SICILE

ITALIESARDAIGNE

500 km0

AURÈS

SINUT

abannAREGLA

narO

Tanger

RABATCasablanca

Agadir

Essaouira

Constantine

TRIPOLI

CHAOUIA

AURÈS Région

Langue ou dialecte

Zones et îlots Berbères

Berbérophones dans quelques pays européens

Centre de Recherche Berbère –Inalco, Paris

BERBÈRES, DE RIVES EN RÊVES8 9

En janvier 2007, le MuCEM (Musée des civilisa-

tions de l’Europe et de la Méditerranée) signait

avec l’Inalco (Institut national des langues et

civilisations orientales) une convention de coopération

destinée à favoriser la représentation de la culture berbère

dans l’activité patrimoniale et culturelle d’un musée dont

la vocation comparatiste est extrêmement large : l’Europe

de l’Oural à l’Atlantique, l’ensemble du bassin méditer-

ranéen jusqu’au Sahel du point de vue géographique ; du

Moyen Âge au présent du point de vue chronologique. La

mise en commun des compétences scientifiques fortes qui

existent dans l’université et de technicités patrimoniales

telles qu’un musée national peut en présenter est précieu-

se, en effet, pour qu’une tradition aussi riche et diversifiée

qu’est la culture berbère, matérielle autant qu’immaté-

rielle (langues et littératures notamment), soit représen-

tée à son meilleur niveau dans les collections nationales.

L’initiative, prise par l’E.P.C.C. Chemins du patrimoine en

Finistère - dont le siège se trouve à l’Abbaye de Daoulas,

justement liée à la mémoire d’un Berbère célèbre, saint

Augustin -, de consacrer son exposition annuelle aux Ber-

bères, offrait la possibilité d’un premier essai de mise à

disposition du public de ce patrimoine. Nous remercions

cette institution culturelle qui a à son actif de nombreu-

ses et magistrales expositions, de sa détermination et de

son efficacité dans cette entreprise difficile.

Premier essai : il ne peut, en effet, que s’agir d’une expé-

rience, qui devrait susciter des réactions de la part du pu-

blic et des chercheurs, précieuses pour l’avenir. La question

Exposer le patrimoine berbèreMICHEL COLARDELLECONSERVATEUR GÉNÉRAL DU PATRIMOINE, DIRECTEUR DU MUSÉE DES CIVILISATIONS DE L’EUROPE ET DE LA MÉDITERRANÉE (MuCEM), MARSEILLE

Jarre à huile Maroc, Jbala, Ouled ArfaTerre cuite vernisséeH : 70 cm ; D : 35 cmMarseille, Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée/MuCEM

12 BERBÈRES, DE RIVES EN RÊVES 11

Pour autant, les études relatives aux mondes berbères sont

assez cloisonnées, qu’elles traitent de la ruralité (le Rif,

le Sous, la Kabylie…), des espaces linguistiques et de leur

évolution respective, ou d’aspects particuliers de la cul-

ture matérielle (le tissage, la poterie…) ou de l’anthro-

pologie (les pèlerinages, l’islam confrérique…). Un autre

écueil des études berbères a aussi été, légué par la pério-

de coloniale : opposer arabité et islamité à la berbérité,

alors même que, dans l’espace méditerranéen, les diffé-

rentes identités juxtaposées font souvent bien davantage

preuve de porosité que d’opposition clairement tranchée,

comme en témoigne justement l’usage de plusieurs lan-

gues, et non d’une seule, dans la pratique quotidienne.

Les travaux de Gabriel Camps ont permis, néanmoins, de

souligner l’originalité de la culture de l’aire berbère et la

continuité de nombre de ses signes distinctifs au Maghreb

depuis la période néolithique (« proto-Berbères »). Mal-

gré cette permanence, les cultures berbères ne peuvent

en aucun cas, être considérées comme résiduelles, puis-

qu’elles se sont en permanence transformées, adaptées,

sans jamais se fondre. C’est dans la trace de cet éminent

savant, récemment disparu, que nous nous situons pour

témoigner de cette spécificité berbère.

Au-delà de l’attraction justifiée que suscite traditionnel-

lement le patrimoine berbère, l’exposition « Berbères, de

rives en rêves » a été l’occasion de repenser les valeurs

dont ces sociétés sont porteuses, dans une approche syn-

thétique, que le grand public doit pouvoir s’approprier.

N’était-il pas grand temps de privilégier une telle appro-

che, évitant ainsi de donner l’image d’une société tradi-

tionnelle « folklorisée », mais au contraire de témoigner

d’une culture méditerranéenne vivante, en recomposition

et réinvention permanentes ? •

Coffre de mariageAlgérie, Kabylie2e moitié XIXe siècleBois, métalH : 94 cm ; L : 26 cm ; P : 104 cmMarseille, Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée/MuCEM

de l’identité berbère, dans son infinie complexité, mais

aussi sa richesse, rassemble à elle seule, en une synthèse

exemplaire, toutes les difficultés que présente aujourd’hui,

dans le village planétaire, la diversité culturelle : critères

de reconnaissance par ceux qui s’en réclament ou ceux

qui les observent, filiations et ramifications, recompo-

sitions et reconstructions en diasporas, confrontations

avec les pouvoirs au sein d’entités nationales dont la mor-

phologie est indépendante de la cartographie culturelle à

laquelle elle s’oppose même, passage de contextes ruraux à

des univers urbains, relations délicates entre les pratiques

religieuses spécifiques et les religions « canoniques »…

Même la « culture de résistance » issue d’un affronte-

ment multiséculaire et souvent violent avec les systèmes

coloniaux variés (romain, vandale, byzantin, arabe, otto-

man puis européen) dans son apparente spécificité, n’est

que l’une des figures possibles d’un classique jeu de forces.

Globalement antagonistes, et parfois convergentes, elles

sont constitutives en leur couple dynamique de l’identité

en question. Une extraordinaire capacité à être transmise

de génération en génération en dehors de tout système

de protection patrimoniale au niveau étatique spécifie la

culture berbère. Le grand écrivain Kateb Yacine le rap-

pelle dans La guerre de deux mille ans : l’usage, le modèle

et l’oralité, alliés à une structuration sociale communau-

taire très particulière, ont suffi à conférer sa solidité à une

culture d’autant plus essentielle qu’elle seule permettait

de fonder des solidarités vitales. Et les Berbères perdurent

finalement, bien au-delà de leur territoire originel de réfé-

rence, en se réclamant toujours de leur culture.

Nul doute que, malgré la solidité scientifique de Salem

Chaker, professeur de langue et civilisation berbère à

l’Inalco qui a bien voulu valider son contenu, l’exposition

dont la préparation a été coordonnée par Mireille Jaco-

tin, conservateur au MuCEM, n’est ni aussi exhaustive, ni

aussi objective que nous l’aurions voulu ; il aurait fallu da-

vantage de temps de préparation, d’autres collaborations

scientifiques. L’exil de nombreuses personnes d’origine

berbère, en suscitant des réactions identitaires, a égale-

ment généré la création d’un puissant courant associa-

tif, avec lequel il aurait été intéressant de travailler, pour

mieux agréger à la réflexion la dimension sociologique

contemporaine. Mais n’est-ce pas aussi le rôle de telles

manifestations, qui, par la mise en espace concrète des

objets, des images et des paroles, que d’initier d’autres tra-

vaux, d’engager d’autres réflexions ? Je forme le vœu qu’il

en soit ainsi pour un thème d’un immense intérêt, non

seulement pour lui-même, mais aussi pour son caractère

heuristique dans la réflexion qui s’impose sur la diversité

culturelle en période de mondialisation en même temps

que du réveil des ethnonationalismes.

Le projet, en effet, était ambitieux. Qu’est-ce qui donne

finalement leur unité à des mondes qui apparaissent si

fragmentaires et si parcellisés ? Les îlots de la berbérité

ponctuent le Maghreb, depuis le littoral atlantique jus-

qu’à l’oasis de Siwa en Egypte. Ils sont eux-mêmes pro-

longés par d’autres qui se sont développés et continuent

à le faire en contexte diasporique, notamment en Europe

occidentale et dans l’espace francophone depuis la fin du

XIXe siècle à la faveur de l’immigration en provenance du

Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie. C’est d’abord, bien

sûr, l’appartenance à une communauté linguistique – du

moins à une même famille linguistique dont ils se récla-

ment tous -, et aussi à une « tradition » sociale qu’expri-

ment des formes spécifiques de la pratique religieuse et

par des fêtes ou d’autres manifestations collectives ; une

grande diversité des formes sociales, depuis les commu-

nautés villageoises des Aurès jusqu’aux aristocraties guer-

rières des Touarègues nomades ; et, pour aller au-delà des

clichés et même des postures explicites, par une certaine

attitude intellectuelle et morale.

BERBÈRES, DE RIVES EN RÊVES12 13

IDENTITÉS

15BERBÈRES, DE RIVES EN RÊVES14

BERBÉRIE – TAMAZGHADE LA PRÉHISTOIRE À LA MODERNITÉ : LA PERMANENCE BERBÈRE.L’APPORT DE GABRIEL CAMPS (1927-2002)SALEM CHAKER PROFESSEUR DE LANGUE BERBÈRE À L’INSTITUT NATIONAL DES LANGUES ET CIVILISATIONS ORIENTALES (INALCO), PARIS

Au milieu du XXe siècle, l’ensemble des connais-

sances sur les Berbères et l’Afrique du Nord, dans

toutes leurs dimensions – historique, ethnologi-

que, linguistique… – constituait déjà un corpus considéra-

ble. À partir de la prise d’Alger (1830), la recherche occi-

dentale, principalement française, a accumulé une masse

considérable de savoirs, d’observations et de documents sur

cette région et ses populations. Très vite, après la phase de

conquête militaire et d’exploration, le système académique

français investira lourdement ces terrains. Dès la fin du

XIXe siècle – notamment autour de l’École Supérieure des

Lettres d’Alger qui va rapidement devenir la Faculté des Let-

tres d’Alger –, un puissant dispositif scientifique se met en

place, dans toutes les disciplines et commence à produire

ses premières grandes synthèses. Les noms de Hanoteau,

Le Medracen. Le Medracen [Med asen], important monument d’une vingtaine de mètres de hauteur, est situé en Algérie orientale dans la wilaya de Batna, entre Aïn Yagout et El-Mader. Édifié vers la fin du IVe/ début du IIIe siècle avant J.-C., il s’agit certainement d’un mausolée de la dynastie Massyle (ou Numide), celle de Massinissa et Micipsa, notamment. Le nom de ce monument réfère sans doute à celui de l’un des ancêtres mythiques des Berbères, Madghis [Mad is] (Cf. Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères).Ce type de monument funéraire appartient à une tradition indigène de tumulus tronconiques, dont le fameux « Tombeaux de la Chrétienne » (entre Tipaza et Cherchell en Algérie ; très certainement un mausolée de la dynastie maurétanienne de Juba) est une forme tardive et évoluée.[Sur le sujet, voir Gabriel Camps : Aux origines de la Berbérie, monuments et rites funéraires proto-histori-ques, Paris, Arts et métiers graphiques. 1962.]Photo G. Camps

BERBÈRES, DE RIVES EN RÊVES16 17

Masqueray, René Basset, Stéphane Gsell, et tant d’autres –

qui publient entre 1860 et 1930 –, sont encore aujourd’hui

des références obligées.

Mais à l’exception de quelques très rares francs-tireurs

isolés dont les travaux n’étaient pas exempts de fragilités

et de beaucoup d’approximations, tous ces savoirs étaient

caractérisés par la fragmentation et l’étanchéité, entre les

périodes historiques et entre les disciplines.

Étanchéité tellement marquée que l’Afrique du Nord don-

nait, jusqu’au milieu du XXe siècle, l’impression d’être

constituée de compartiments étrangers les uns aux autres ;

de juxtaposer une série de mondes disjoints : périodes pré-

historiques, période antique – elles-mêmes subdivisées en

caissons distincts –, période médiévale…, monde carthagi-

nois, romano-chrétien, arabo-musulman, mondes indigè-

nes… Tout ceci dans une succession et une juxtaposition

brutales. Ces différentes périodes et ces différents mondes

apparaissaient comme indépendants les uns des autres,

comme si l’Afrique du Nord, préhistorique, carthaginoise,

romaine, chrétienne, vandale, byzantine, arabo-musulma-

ne, ottomane, et française s’était à chaque fois constituée

sur un vide humain ou, d’un seul coup, sans transition ou

continuité, avait totalement renouvelé son environnement

humain.

La même situation prévalait entre les disciplines : les scien-

ces historiques avaient connu un développement formida-

ble en un siècle ; il en allait de même pour tout ce qui avait

trait à la langue berbère, dans ses nombreuses variétés,

ainsi que pour l’ethnologie des Berbères. Mais là encore, les

différents savoirs disciplinaires se présentaient et se déve-

loppaient dans une autonomie presque totale ; non pas que

les individus, qui étaient souvent de grands savants, igno-

raient ce qui se faisait en dehors de leur champs de spécia-

lité, mais quasiment rien n’en transparaissait dans leurs

Gabriel Camps (1927-2002)

Page ci-contre :Jean-Michel Atlan (1913-1960)La Kahena, Reine mythique du XIIIe siècle avant J.C.

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