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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/8 Altermondialisme et islam politique: la gauche face aux conservatismes PAR JOSEPH CONFAVREUX ARTICLE PUBLIÉ LE DIMANCHE 31 MARS 2013 Quasiment personne, au Forum social mondial (FSM) de Tunis, ne se revendique comme islamiste et altermondialiste tout à la fois. Même Tariq Ramadan, qui continue d'incarner, aux yeux de beaucoup, l'épouvantail même de « l'islamo-gauchisme », refuse ce genre de qualification lorsqu'il est interrogé par Mediapart : « Musulman, oui. Islamiste, non. Altermondialiste, j'espère, même si on ne sait plus exactement ce que ça veut dire. » Au FSM de Tunis © JC Le Forum social mondial est venu se ressourcer en plantant ses tentes dans le premier pays arabe ayant fait sa révolution. Un geste politique fort, mais non dénué d'embarras, puisque cette révolution tunisienne, comme son alter ego égyptienne, a entraîné l'accession au pouvoir de partis à référentiel islamique, conservateurs sur les moeurs et libéraux en économie, donc à l'opposé des projets séculiers, progressistes et solidaires portés par l'altermondialisme. En s'installant dans un pays clivé par l'opposition entre laïcs et religieux et en accueillant en son sein des organisations des deux bords, le FSM réactive donc la délicate question des divergences entre la gauche et la religion, notamment quand il est question d'islam. Organisation au cordeau de plus de 1 000 ateliers sur 4 jours, présence en masse, et dans sa diversité, de la société civile tunisienne comme de mouvements internationaux, allant des Y'en a marre sénégalais aux syndicalistes coréens, succès de participation, notamment des jeunes, presse tunisienne abondante et louangeuse : difficile d'imaginer que le bon déroulement du FSM du Tunis a été le fruit d'un compromis entre ennemis. Côté tunisien, les principaux organisateurs, en particulier le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux, avec des organisations comme la centrale syndicale UGTT, l'Association tunisienne des femmes démocrates, ou encore le Front populaire dont Chokri Belaïd, assassiné le 6 février dernier, était l'une des voix influentes, comptent en effet parmi les plus farouches opposants à Ennahda. Cela n'a pas empêché le gouvernement issu des rangs islamiques de faire preuve, selon Gus Massiah, membre de la commission internationale du FSM, d'une « neutralité bienveillante ». Le gouvernement a ainsi mis sur pied un comité interministériel ad hoc et prêté le campus universitaire el-Manar, à l'ouest de Tunis. Le président de la République, Moncef Marzouki, a reçu, samedi 30 mars, une délégation des alter. Et lors de la marche inaugurale du FSM, mardi 26 mars, les autorités ont même annoncé plus de 50 000 participants : « C'est la première fois que je vois la police annoncer plus de manifestants qu'il n'y en a », a alors souri un vieux routier de l'altermondialisme. L'enjeu était en effet de taille, pour une Tunisie en proie à des secousses institutionnelles récurrentes et à une dépression économique croissante, afin de rassurer sur sa capacité d'accueil des touristes occidentaux ayant déserté les plages et les hôtels du pays. L'entrée du campus el-Manar © JC « Les plus grandes organisations de Tunisie ont décidé d'accueillir le FSM, le gouvernement n'avait pas le choix ! affirme toutefois Raja Mrad, de l'Association

Cela n'a pas empêché le gouvernement issu des Côté tunisien, les … sur le... · 2013. 9. 30. · tunisienne des femmes démocrates, ou encore le Front populaire dont Chokri

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    Altermondialisme et islam politique: lagauche face aux conservatismesPAR JOSEPH CONFAVREUXARTICLE PUBLIÉ LE DIMANCHE 31 MARS 2013

    Quasiment personne, au Forum social mondial (FSM)de Tunis, ne se revendique comme islamiste etaltermondialiste tout à la fois. Même Tariq Ramadan,qui continue d'incarner, aux yeux de beaucoup,l'épouvantail même de « l'islamo-gauchisme », refusece genre de qualification lorsqu'il est interrogépar Mediapart : « Musulman, oui. Islamiste, non.Altermondialiste, j'espère, même si on ne sait plusexactement ce que ça veut dire. »

    Au FSM de Tunis © JC

    Le Forum social mondial est venu se ressourcer enplantant ses tentes dans le premier pays arabe ayantfait sa révolution. Un geste politique fort, mais nondénué d'embarras, puisque cette révolution tunisienne,comme son alter ego égyptienne, a entraînél'accession au pouvoir de partis à référentiel islamique,conservateurs sur les mœurs et libéraux en économie,donc à l'opposé des projets séculiers, progressistes etsolidaires portés par l'altermondialisme. En s'installantdans un pays clivé par l'opposition entre laïcset religieux et en accueillant en son sein desorganisations des deux bords, le FSM réactive donc ladélicate question des divergences entre la gauche et lareligion, notamment quand il est question d'islam.

    Organisation au cordeau de plus de 1 000 ateliers sur4 jours, présence en masse, et dans sa diversité, dela société civile tunisienne comme de mouvementsinternationaux, allant des Y'en a marre sénégalaisaux syndicalistes coréens, succès de participation,notamment des jeunes, presse tunisienne abondante

    et louangeuse : difficile d'imaginer que le bondéroulement du FSM du Tunis a été le fruit d'uncompromis entre ennemis.

    Côté tunisien, les principaux organisateurs, enparticulier le Forum tunisien pour les droitséconomiques et sociaux, avec des organisationscomme la centrale syndicale UGTT, l'Associationtunisienne des femmes démocrates, ou encore le Frontpopulaire dont Chokri Belaïd, assassiné le 6 févrierdernier, était l'une des voix influentes, comptent eneffet parmi les plus farouches opposants à Ennahda.Cela n'a pas empêché le gouvernement issu desrangs islamiques de faire preuve, selon Gus Massiah,membre de la commission internationale du FSM,d'une « neutralité bienveillante ».

    Le gouvernement a ainsi mis sur pied un comitéinterministériel ad hoc et prêté le campus universitaireel-Manar, à l'ouest de Tunis. Le président de laRépublique, Moncef Marzouki, a reçu, samedi 30mars, une délégation des alter. Et lors de la marcheinaugurale du FSM, mardi 26 mars, les autorités ontmême annoncé plus de 50 000 participants : « C'estla première fois que je vois la police annoncerplus de manifestants qu'il n'y en a », a alors souriun vieux routier de l'altermondialisme. L'enjeu étaiten effet de taille, pour une Tunisie en proie àdes secousses institutionnelles récurrentes et à unedépression économique croissante, afin de rassurer sursa capacité d'accueil des touristes occidentaux ayantdéserté les plages et les hôtels du pays.

    L'entrée du campus el-Manar © JC

    « Les plus grandes organisations de Tunisie ont décidéd'accueillir le FSM, le gouvernement n'avait pas lechoix ! affirme toutefois Raja Mrad, de l'Association

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    tunisienne des femmes démocrates (ATFD), tout enreconnaissant que « du point de vue logistique, il nenous a pas mis de bâton dans les roues. Au contraire. »

    L'appréhension était notamment grande sur lesquestions de sécurité et les organisateurs craignaientdes débordements fomentés par des petits groupessalafistes, dont une partie du campus el-Manar est unbastion. Mais la protection du FSM est assurée demanière à la fois discrète, ferme et souriante, par lapolice et les bénévoles. À l'entrée, l'un d'eux expliquaità un parlementaire tunisien dépourvu d'accréditationqu'il ne pouvait le laisser entrer : « Même si le fantômede Chokri Belaïd se présentait, sans badge, je nepourrais pas autoriser l'accès. » Alors même que lafigure du démocrate assassiné est, de loin, celle quidomine les différentes affiches qui ornent les mursdu forum. « Cela signifie que, quand la police veutprotéger, elle sait protéger, lâche, amère, Raja Mrad,qui porte un badge à l'effigie de Chokri Belaïd. Elleprotège l'image du pays, mais pas les femmes, les laïcsou les démocrates… »

    L'entrée du camp des jeunes au FSM de Tunis © JC

    Toutefois, bien que les organisateurs principaux sesituent dans le camp de l'opposition frontale auparti islamique au pouvoir en Tunisie, et que lamarche inaugurale se soit terminée par un discoursde 45 minutes de la veuve de Chokri Belaïd, leFSM a réussi à donner la parole à l'ensemblede la société civile tunisienne et internationale :à côté des acteurs de la gauche laïque tunisienneet des habitués venus du France ou du Brésil,des organisations musulmanes étaient présentes, ycompris des féministes musulmanes et voilées, demême que certaines figures aussi emblématiques queclivantes, à l'instar de Tariq Ramadan.

    La matrice confessionnelle del'altermondialisme

    La première raison de cette cohabition possibleentre mouvements laissant la place au référentielmusulman et organisations d'origine marxiste estque l'altermondialisme n'a pas découvert la questionreligieuse, ni l'islam, en posant ses valises à Tunis.

    Lors du Forum social européen (FSE) de Paris en2003, où la présence de Tariq Ramadan avait faitpolémique, mais surtout durant le FSE qui s'étaitdéroulé l'année suivante à Londres, « il y a eudes débats politiques très offensifs sur la religion.La question des relations entre l'altermondialismeet l'islam s'est posée dès ce moment-là », jugeIsabelle Sommier, professeur de sciences politiquesà l’Université Paris I et co-directrice d’un ouvrageintitulé Radiographie du mouvement altermondialiste,paru aux éditions La Dispute. Notamment autourde la question du voile, avec souvent une approchedivergente entre les organisations française etbritannique, dans la foulée de la loi sur les signesreligieux à l'école.

    En outre, l'altermondialisme s'origine dans une doublematrice, à la fois marxiste et chrétienne. Sa généalogieest en effet fortement marquée par un tiers-mondismeporté par des organisations confessionnelles, commele Comité catholique contre la Faim et pour leDéveloppement (CCFD), qui demeure un des poidslourds financier et logistique de l'organisation du FSM.

    « Le mouvement altermondialiste brésilien, berceaudu FSM, est né de la jonction entre des mouvementsde la gauche marxiste et les comités œcuméniquesde base, issus de la théologie de la libération,précise Gus Massiah. Foi et Justice et Caritas Brésilfont partie des fondateurs du FSM, au même titrequ'Attac. La question de la religion et les tensions oucollaborations, qui ont pu exister entre mouvementsde gauche et mouvements religieux, ne sont doncpas nouveaux. Mais une évolution du même typeest-elle possible, dans le monde musulman, entredes mouvements issus de l'islam et les mouvementssociaux ? »

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    Le stand du secours catholique au FSM © JC

    Ludovic Raullin, animateur au Secours catholique deBrest, est venu à Tunis avec une délégation de 80personnes regroupant des bénévoles, des permanentset des personnes accueillies. « Au FSM, nous nesommes pas dans la proposition spirituelle, explique-t-il. L'article premier du Secours catholique préciseque nous accueillons toutes les personnes, quelles quesoient leurs origines, leurs cultures ou leurs religions.Notre présence ici est donc d'abord caritative. »

    Pour Isabelle Sommier, qui a étudié le public des FSMjusqu'au Forum qui s'est tenu en 2011 à Dakar, « prèsde 80 % des participants, à Dakar, se déclaraientcroyants. Les derniers FSM ont été organisés surdes continents religieux. Et les groupes confessionnelss'investissent de plus en plus dans le forum, mêmesi c'est, d'abord, sous des formes caritatives », quipermettent de ne pas heurter les non croyants ou lescroyants des autres religions. Jeudi 28 mars s'est ainsitenu, sur le campus el-Manar, un atelier organisé encommun par le CCFD et le Secours islamique…Le seconde raison est que, vu de près, les clivages quitraversent la société civile tunisienne ne se réduisentpas à l'opposition entre laïcs et religieux. Le FSM de

    Tunis a donc cherché à rassembler, sur des questionssociales, des mouvements divisés sur la religion ou surles mœurs.

    Logo du parti Ennahda

    Comme l'expliquait récemment la chercheuse franco-tunisienne Leyla Daklhi dans un article paru dansLa vie des Idées : « Le sentiment d’une révolutiontrahie coexiste à présent avec le constat, visible, quele processus révolutionnaire est encore en cours. Laplupart des commentateurs font de l’élection du partiislamiste Ennahda après les élections d’octobre 2011la figure de la trahison. La révolution des jeunes, éprisde liberté et de justice, aurait accouché d’un monstreislamiste, conservateur et liberticide. Les premièresélections libres post-révolutionnaires auraient portéau pouvoir des adversaires de la démocratie et dela liberté. (…) À l’analyse, il apparaît que s’il ya eu “trahison” de la révolution, elle ne se situepas forcément dans l’opposition entre “conservateursreligieux” et “progressistes laïcs”. La mise dos à dosde ces deux camps, largement orchestrée par le jeupolitique partisan, masque la difficulté de l’ensemblede la classe politique à répondre aux demandespopulaires de justice sociale. »

    Pour la chercheuse, « la lecture en termes identitairesdes tensions sociales en Tunisie, imposée à la foispar les défenseurs de la laïcité (spécificité tunisienne,héritage bourguibiste) et par les islamistes (quimasquent ainsi leur incapacité à répondre à la

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    demande sociale de justice), est un leurre ». Un constatimportant, qui ne résout néanmoins pas toutes lestensions entre l'altermondialisme et l'islam politique.

    « Mouvements sociaux et islam politique »

    Jeudi 28 mars à 9 h 30 se tenait ainsi une conférencedans le grand amphi de la zone A, intitulée «Mouvements sociaux et islam politique ». Aux côtésd'un sociologue spécialiste du salafisme tunisien,d'une ancienne membre de la commission femmes del'UGTT et d'un activiste nigérien, Tariq Ramadan enétait l'intervenant vedette.

    L'atelier "islam politique et mouvements sociaux" au FSM © JC

    Pour lui, la difficile rencontre entre l'altermondialismeet l'islam politique tient non seulement au fait quece dernier recouvre un spectre très étendu allant dela gauche à la droite capitaliste version américaine,mais aussi à celui que l'islam politique a, en soi, dumal à porter des alternatives économiques. En effet,juge-t-il, « les précurseurs de l'islam politique se sontdéveloppés dans un contexte de colonisation, danslequel le curseur a été mis sur la référence religieuseet la libération politique. Le pan-islamisme a voulurésister par l'unification des pays que la colonisationavait divisés, en réunissant le fait religieux et le faitculturel. L'émancipation n'a pas été posée, d'abord, entermes économiques ».

    Sur mediapart.fr, un objet graphique est disponible à cet endroit.

    Le petit fils d'Hassan el-Banna, fondateur desFrères Musulmans, rappelle toutefois que son grand-père, dès 1942, avait proposé une « économiealternative », fondée sur trois axes : lutte contre laspéculation, réforme agraire et mobilisation des petitesactionnaires.

    Comment explique-t-il alors que les partis musulmansau pouvoir en Tunisie ou en Égypte ne remettent pasen cause l'économie de marché et l'organisation dusystème financier, alors qu'ils ont pris les commandesà la faveur de révolutions déclenchées au nom dela dignité et de la justice sociale ? Pourquoi leleader de l'AKP, Recep Erdogan, est-il entré de plain-pied dans l'ordre économique mondial en suivant lesrecommandations du G8, tandis que son prédécesseurà la tête de l'islamisme turc, Necmettin Erbakan, avaitrêvé d'un projet avorté de D8 : une alternative auG8, regroupant notamment l'Égypte, l'Indonésie, laMalaisie et la Turquie ?

    Tariq Ramadan estime que l'islam politique a été prisdans un double piège, qui le rend aujourd'hui incapablede formuler des propositions alternatives sur la marcheéconomique du monde. Le premier piège est, selonlui, lié à l'histoire des mouvements islamistes. « Quece soit au Maroc, en Tunisie, en Palestine ou enÉgypte, ces groupes d'opposition interdits dans lechamp politique se sont concentrés sur le travailsocial. Ainsi, ils ont manifesté un souci des pauvres,manifesté par un encadrement et une prise en chargeréelle, mais sans se soucier de leur libération commesujets politiques et acteurs économiques. La charitéproduit des assistés, la solidarité produit des libérés.» Or les tenants de l'islam politique se sont toujourstenus du côté de la charité, l'une des recommandationsdu Coran.

    Pour Tariq Ramadan, le second piège est lié auxprocessus de démocratisation : « Cela a fait émergerces courants de l'islam politique comme acteurs dupouvoir, mais, comme les pays en transition libérésdes dictatures vivent dans des situations d'instabilitééconomique, les représentants de l'islam politique aupouvoir ont voulu acquérir la reconnaissance desinstitutions internationales. »

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    Même si la presse se faisait, vendredi 29 mars,l'écho d'une révérencieuse demande de prêt au FMIformulée discrètement par le gouvernement tunisien,l'argument est moins convaincant. Les mouvementsislamistes au pouvoir aujourd'hui en Égypte ou en

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    Tunisie se sont en effet embourgeoisés et convertis aucapitalisme marchand bien avant le renversement desdictatures, dès les années 1980, comme l'indique parexemple le parcours, dans les affaires, du millionnaireKhairat al-Chater, l'influent mentor du présidentégyptien Mohamed Morsi, les études de sociologuescomme Patrick Haenni, qui ont repéré précocementl'émergence d'un « islam de marché » en forme derévolution conservatrice, ou encore le fait que le partitunisien Ennahda se trouve aujourd'hui débordé pardes petits groupes salafistes, qui recrutent dans lesquartiers défavorisés, en captant les aspirations dejeunes, qui ne se retrouvent plus dans le parti aupouvoir.

    Tariq Ramadan au FSM © JC

    Existe-t-il alors des potentialités, dans l'islampolitique, pour résister à l'ordre capitaliste mondial ?Pour Tariq Ramadan, « la réponse est oui, notammentau sujet de la lutte contre la spéculation ». Maisdans la difficulté de la rencontre entre la gauchealtermondialiste et l'islam politique, il pointe aussi laresponsabilité de la première : « Vivant en Europe,je vois des gens très progressistes sur le planéconomique tenir, sur le plan culturel et l'islam, despositions rétrogrades. Dans le monde musulman, jevois des acteurs très conservateurs sur le plan desmœurs et de la morale sociale, mais très progressistessur le plan économique. Soit on continue à se disputer,soit on parvient à construire des alliances, mêmesimprobables, en insistant sur les proximités et nonsur les différences. Je crois à la seconde hypothèse,mais il me semble nécessaire, pour cela, de sortir, àgauche, de la question de savoir qui est conservateuret qui ne l'est pas. Au sein du FSM et de tousles mouvements de gauche européens, il faut unerévolution des mentalités. Qu'on le veuille ou non,

    l'islam est une référence incontournable dans toutesles sociétés musulmanes. La question est donc desavoir sur quelles bases, avec qui, et pour quel objectifon peut bâtir des partenariats. Mais il me sembleaussi limité de penser que l'islam est la solution qued'affirmer que la laïcité est cette solution, parce qu'ilexiste des laïcités exclusives, stupides et racistes. »

    Femmes et féminismes

    Pendant tout son exposé, Tariq Ramadan a prissoin de limiter la thématique de la conférence,« mouvements sociaux et islam politique », auxquestions économiques, sans s'aventurer sur les mœurset la place des femmes, qui font particulièrementclivage, notamment dans le champ tunisien.

    Interrogé à ce sujet, notamment sur la question duvoile, après la conférence, il estime que « le Forumsocial mondial et toute la gauche doivent cesser depenser que la libération de la femme dans le mondemusulman passe par sa façon de s'habiller. On nepeut plus être de gauche et dire : “Montrez-moi lataille de votre foulard et je vous dirais le degré devotre libération.” Ce qui m'intéresse, ce sont d'abordles politiques éducatives ou l'accès à l'emploi desfemmes. Et je préférerais qu'on questionne la Turquie,la Tunisie ou l'Égypte sur ces domaines plutôt que surle nombre de voiles visibles dans la rue ».

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    Raja Mrad, qui assure que l'Association tunisiennedes femmes démocrates, dont elle fait partie,rassemble aussi bien des croyantes que des non-croyantes, avoue, à propos de Tariq Ramadan, «ne pas comprendre ce qu'il fait là ». Avant dese reprendre : « Le FSM est un lieu d'expressionlibre, où tout le monde peut venir du moment qu'ilne prône pas un discours haineux. Mais je meméfie de la stratégie des islamistes, qui consisteà occuper l'espace. » Pour elle, « en Tunisie, lesdroits des femmes sont franchement menacés depuis laRévolution, par des voix réactionnaires, aidées par lepouvoir en place ».

    Sur le campus el-Manar, les séminaires consacrésà l'égalité hommes-femmes, aux violences queces dernières subissent ou à leurs possibilités

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    d'empowerment, sont légions. Mais les positions desunes et des autres sont tellement éloignées queles ateliers se juxtaposent sans que les paroles seconfrontent. Dans celui intitulé « Nous féministes :comment le dire ? Pouvons nous le dire ? », IsmahaneChouder, membre de la commission internationale duFSM et co-présidente voilée du Collectif Féministespour l'égalité, affirme lutter contre « l'idée qui lie leféminisme et la libération des femmes à la laïcité ».À la sortie, elle précise que « ce n'est pas parce qu'ondit que la référence religieuse à l'islam n'empêchepas d'être féministe, que l'on pense qu'un parti àréférentiel islamique défend nécessairement les droitsdes femmes ».

    Au FSM de Tunis © JC

    Mais pour Raja Mrad, « il n'existe pas en Tunisie demouvement à la fois féministe et islamiste, comme parexemple en Thaïlande. De nombreuses associationsqui se définissent ainsi se sont créées depuis 2011,mais elles ont un arrière-fond réactionnaire etpatriarcal. Alors qu'Ennahda est un parti divisé entreles “colombes” et les “faucons” ou entre ceux quiétaient exilés sous la dictature et ceux qui ont connula prison, leur vision de la femme est homogène, parceque, comme les partis fascistes, Ennahda est un partiautoritaire et hiérarchique qui obéit à son chef. »

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    Sur le campus el-Manar, plusieurs voix préfèrentrappeler que cette division entre féministes est aussiliée à la polarisation politique marquée de la Tunisiepost-révolutionnaire. Ainsi, Saïda Garrach, féministehistorique, membre de l'ATFD, et avocate ayantdéfendu la jeune fille violée à l'automne dernier pardes policiers, a rejoint les rangs du parti Nidaa Tounes,

    coalition hétéroclite rassemblant des démocrates, maisaussi des nostalgiques de l'ancien régime, soudés dansle combat contre Ennahda.

    Toutefois, au FSM, on trouve aussi des militantesféministes tunisiennes comme Amel Ben Saïd. Nonvoilée, ancienne membre de la commission femmes del'UGTT et toujours membre de la centrale syndicaleopposée vigoureusement au gouvernement Ennahda,elle était à la fois du débat avec Tariq Ramadan et del'atelier « Toutes féministes » car, explique-t-elle, « onpeut être altermondialiste, féministe et musulmane. Lareligion est un être vivant, qui change avec le supportdans lequel elle évolue, en l'occurrence la société.L'islam, que je connais bien, est une religion ouverteet extensible. La position de la femme musulmane seradonc fonction du degré d'évolution de la société et dela place qu'elle accordera à la dignité et à l'éducationde tous ».

    « Comment l'athéisme est devenu l'opium dupeuple de gauche »

    Si, à gauche de l'échiquier politique, à Tunis comme àParis, les tensions sur la place de la femme musulmanedans la société, et les moyens de son émancipation,s'inscrivent dans un champ de guerre traversé detranchées imprenables où la question du voile faitfigure d'étendard ou d'épouvantail, c'est parce qu'ellescristallisent un affrontement épidermique et théoriquesur la laïcité.

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    Dans un livre récemment paru aux éditionsLa Découverte, Pierre Tevanian, professeur dephilosophie, va même plus loin, en posant la questionde savoir « comment l'athéisme est devenu l'opium dupeuple de gauche ».

    Le créateur du site Les mots sont importantss'intéresse, dans l'espace français, à la « manière dontà gauche (…) le rejet des femmes voilées – et pluslargement des musulmans – s'adosse à un registreargumentatif spécifique qui n'est ni celui de la laïcitéen tant que telle, ni celui du féminisme, mais celuidu combat antireligieux », notamment en répétant,jusqu'à la nausée, la célèbre formule de Marx sur lareligion « opium du peuple ».

    L'ouvrage revient notamment sur le cas d'IlhamMoussaïd, candidate du NPA aux élections régionalesde 2010, qui, dit-il, « fut livrée à la vindicte publiqueau seul motif qu'elle était musulmane et qu'ellecouvrait ses cheveux d'un foulard », et finit pardémissionner. Pierre Tevanian rappelle les nombreuxépisodes où le NPA eut à subir quelques leçons demarxisme, en particulier de la part d'Aurélie Filippetti,alors députée PS, qui déclara sur Canal + : « C'est justen'importe quoi ce que fait le NPA, ils sont dans unedérive idéologique totale. Peut-être qu'ils devraientrelire Marx. »

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    Permettre de relire Marx, et notamment le passageincriminé, est le grand mérite de cet ouvrage, parceque cette lecture ne permet pas de conclure que,pour le marxisme, la religion serait l'ennemi. Danssa Contribution à la critique de la Philosophie dudroit de Hegel, Marx écrit en effet : « Le fondementde la critique irréligieuse est : c'est l'homme quifait la religion, ce n'est pas la religion qui faitl'homme. Certes, la religion est la conscience de soiet le sentiment de soi qu'à l'homme qui ne s'est pasencore trouvé lui-même, ou bien s'est déjà perdu.Mais l'homme, ce n'est pas un être abstrait blottiquelque part hors du monde. L'homme, c'est le mondede l'homme : l'État, la société. (…) La détressereligieuse est pour une part l'expression de la détresseréelle, et pour une autre part la protestation contre la

    détresse réelle. La religion est le soupir de la créatureopprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle estl'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu.Elle est l'opium du peuple. L'abolition de la religionen tant que bonheur illusoire du peuple est doncl'exigence de son bonheur réel : exiger qu'il renonceaux illusions sur sa situation, c'est exiger qu'il renonceà une situation qui a besoin d'illusions. »

    En prenant appui sur d'autres penseurs marxistes,Pierre Tevanian montre que les textes qui inspirent lagauche comportent moins une condamnation en soide la religion, que le constat que les hommes ontbesoin, lorsque le monde réel implique l'oppression etl'inégalité, de se projeter dans un « au-delà » où « lesderniers seront les premiers ».

    Historiquement, la religion a certes souvent été uninstrument de domination, selon la célèbre formule deNapoléon Bonaparte, expliquant ne pas voir dans lareligion « le mystère de l'Incarnation, mais le mystèrede l'Ordre social. La religion rattache au ciel une idéed'égalité qui empêche le riche d'être massacré par lepauvre ».

    Mais l'espérance religieuse, juge Pierre Tevanian, n'estpas « nécessairement l'attente passive d'une justicequi viendra d'elle-même dans l'au-delà. Elle peutaussi devenir la matrice d'un combat actif pour lajustice ici-bas. Elle peut l'être d'autant plus qu'elleaffranchit le croyant des peurs et inhibitions terrestres– la peur de la mort en premier lieu – mais ausside toutes les autres sanctions étatiques, sociales oupsychologiques auxquelles s'expose une révolte contrel'injustice ». Une phrase qui résonne après les révoltesarabes, lors desquelles, si les organisations islamiquesn'étaient pas, au départ, présentes, les jeunes croyantsl'étaient en masse, et puisaient dans leur foi la force derenverser les dictatures.

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    En affirmant que « la crispation antireligieuse danslaquelle se sont enferrés le NPA, et au-delà, une bonnepartie des appareils et du peuple de gauche, repose,quand elle s'autorise de Marx, sur le plus grossierdes révisionnismes historiques », comme en refusantl'homothétie entre soumission à Dieu et soumission

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    à l'ordre patriarcal, Pierre Tevanian juge qu'une «révolution conservatrice » s'est opérée « dans la laïcitéet dans le féminisme », mais aussi « dans la marxologie».

    Sans aller jusqu'à dire que ce serait la gauche,ayant renoncé à améliorer le sort réel des opprimés,qui afficherait le plus ostensiblement sa haine dela religion, Pierre Tevanian juge qu'il en va « en

    somme pour l'irréligieux comme pour les laïcs ou lesféministes : il doit s'élever contre l'instrumentalisationde “ sa chose ” ».

    Un livre à lire si la gauche altermondialiste réunie cettesemaine au FSM de Tunis ne veut pas que la questionde la religion en général, et de l'islam en particulier,n'ait, dixit Isabelle Sommier, « les mêmes effet qu'auNPA… »

    Directeur de la publication : Edwy PlenelDirecteur éditorial : François BonnetLe journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS).Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007.

    Capital social : 32 137,60€.

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  • Après le FSM, la Tunisie face aux salafistes06 avril 2013 Par JJMU MédiapartÉtrange sentiment alors que le Forum social mondial (FSM) vient de se clore en Tunisie. Le pays est à la croisée des chemins. D’un côté, l’émergence d’une société séculière, exigeante en matière de démocratie, de liberté et d’égalité, tout en conciliant les valeurs héritées de l’Islam. De l’autre, la tentation salafiste, virulente et rétrograde. Ces derniers n'ont pas manqué de s'imposer dans le paysage du FSM... en le sponsorisant et manifestant avec clameur dans les espaces où s'exprimaient les femmes palestiniennes. Ce qui n'a pas empêché les mouvements sociaux et la société civile tunisienne de sortir renforcés et dynamisés par le FSM. L’événement, avec ses 50 000 participants, est perçu comme une victoire, un pavé plein d’espoir jeté dans la mare islamiste, des conservateurs d’Ennahda aux groupuscules salafistes.Jean-Jacques M’µ L'article sur Bastamag d'Ivan du Roy (2 avril 2013)http://www.bastamag.net/spip.php?article3011MédiasÀ qui profitent les islamistes ?Si prompts à pointer la menace islamiste, en France, en Tunisie et dans le monde arabe, les médias français dominants n’ont quasiment pas couvert le Forum social mondial qui vient de se clore à Tunis. Il y incarne pourtant une véritable alternative à la vision morbide de l’engagement prônée par les salafistes. Une alternative qui dérange : il est beaucoup plus facile de surfer sur la peur.

    Étrange sentiment alors que le Forum social mondial (FSM) vient de se clore en Tunisie. Le pays est à la croisée des chemins. D’un côté, l’émergence d’une société séculière, exigeante en matière de démocratie, de liberté et d’égalité, tout en conciliant les valeurs héritées de l’Islam. De l’autre, la tentation salafiste et rétrograde. Indéniablement, les mouvements sociaux et la société civile tunisienne sortent renforcés et dynamisés par le FSM. L’événement, avec ses 50 000 participants, est perçu comme une victoire, un pavé plein d’espoir jeté dans la mare islamiste, des conservateurs d’Ennahda aux groupuscules salafistes.Oui, il y a eu des tensions et des altercations, mais pas forcément celles que l’on craignait : tensions entre Marocains et Sahraouis, altercations entre opposants syriens et soutiens du régime de Bachar el-Assad. Mais d’agressions islamistes, point. Pas d’insultes dans les allées de l’Université El Manar visant les déléguées occidentales ou les Tunisiennes dont la tenue vestimentaire ne serait pas réglementaire aux yeux des salafistes. Pas de razzias de barbus sur les terrasses des cafés de l’avenue Bourguiba où les restaurateurs sont encore nombreux, malgré quelques menaces, à servir de l’alcool. Ni dans les concerts de rue et leurs musiques impies. Oui, il y a bien ce petit sit-in dans un couloir de l’administration universitaire, où des femmes, soutenues par quelques militants islamistes, réclament le droit d’assister au cours en niqab. Mais il suffit de jeter un œil dehors pour comprendre comment, pour l’instant, leur revendication est déconnectée de ce que vivent les Tunisiens.

    http://blogs.mediapart.fr/blog/jjmuhttp://www.bastamag.net/spip.php?article3011http://www.bastamag.net/auteur2.html

  • Vivre en s’engageant plutôt que de mourir en martyrLes islamistes tunisiens ne sont pas vaincus, loin de là. Les tensions entre partisans de l’ouverture et ultra-conservateurs secouent discrètement le parti islamiste modéré Ennahda. Le salafisme s’implante dans des quartiers populaires, séduisant des jeunes en perte de repères, leur proposant une mort « héroïque », en martyr, plutôt qu’une vie insignifiante, anonyme. Certains s’embarqueront peut-être pour aller combattre en Syrie, ou descendront au Sahel pour rejoindre la lutte contre l’armée française au Mali. D’autres seront sans doute recrutés pour participer à une prochaine prise d’otages, en Algérie ou ailleurs (11 Tunisiens sur la trentaine de combattants composaient le commando salafiste qui s’est emparé du site gazier d’In Amenas, en Algérie, mi-janvier).Dans ce contexte, le FSM est une indéniable réussite. Plutôt que de faire miroiter à une jeunesse frappée par le chômage, la perspective de devenir un martyr de l’Islam, on y discute coopératives, économie sociale, transition écologique et financements solidaires de projets portés par des jeunes Tunisiens. Plutôt que d’imposer une tenue vestimentaire canonique, on y parle démocratie, transparence et médias libres. Plutôt que de proposer programme de privatisations et alignement sur les exigences austères du FMI – ce que prône le programme d’Ennahda en matière d’économie –, on y débat biens communs, redistribution des richesses, accès à l’eau, à l’éducation ou à la santé. Et quelle claque à la morbide vision salafiste, importée d’Arabie Saoudite ou du Qatar, que cette diversité de culture et de comportements, que ce foisonnement d’idées qui se sont installées, une semaine durant, à l’Université El Manar (lire nos articles). Une vie où l’on se réapproprie son destin plutôt qu’une mort en martyr.Où sont passés les médias français ?D’où vient cette gêne alors ? De la quasi-indifférence du gouvernement et des médias français vis-à-vis de l’évènement. De Paris, éditorialistes et médias dominants sont prompts à crier au péril islamiste, à pointer la menace de l’Islam radical, à stigmatiser la Tunisie. Dans les allées d’El Manar, point de David Pujadas ni de caméras de France 2, encore moins d’équipe de l’émission Envoyé spécial, tant obnubilée par les islamistes tunisiens. Point de Caroline Fourest, encore moins de Christophe Barbier, pour constater ce qui se passe et donner la parole à celles et ceux qui sont en première ligne dans le combat politique face à la tentation islamiste. C’est pourtant bien ici, en Tunisie, que quelque chose se joue.Le ministre de la Coopération Pascal Canfin est bien venu écouter quelques doléances sur le soutien à l’agriculture paysanne, l’appui aux énergies renouvelables ou l’annulation de la dette contractée sous la dictature de Ben Ali. Certes, on ne propose plus de vendre « notre savoir-faire » en matière de sécurité et de répression, comme ce fut le cas sous Ben Ali [1]. Oui, l’Elysée a bien mis la main à la poche pour financer l’événement [2]. Mais la France institutionnelle semble bien absente pour aider durablement le processus de transition démocratique. Un vide que ne suffit pas à combler la présence d’élus ou de responsables d’Europe écologie – Les Verts ou du Front de gauche dans les allées du FSM. L’appui, aujourd’hui, à l’émergence d’une société civile tunisienne jeune et féminisée serait pourtant bien plus efficace que des sanctions sécuritaires et une pression militaire une fois qu’il sera trop tard. Mais peut-être que cette approche pacifique et solidaire de la coopération internationale ne plaît pas à la vision néolibérale du monde, un néolibéralisme en pleine crise qui a bien besoin d’épouvantails pour asseoir son contrôle.Ivan du Roy@IvanduRoy sur twitterNotes :[1] « Nous proposons que le savoir-faire de nos forces de sécurité, qui est reconnu dans le monde entier, permette de régler des situations sécuritaires de ce type », déclarait la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie, le 11 janvier 2011 à l’Assemblée nationale, en pleine révolution tunisienne.[2] Un peu plus de 100 000 euros sur un budget d’environ 800 000 €, selon nos sources. Ont participé également au financement du FSM 2013 : l’ONG anglo-saxonne Oxfam, la fondation allemande Friedrich Ebert, l’ONG française CCFD Terre solidaire, un programme humanitaire des églises protestantes allemandes Brot Für die Welt et l’Institut arabe des droits de l’Homme, une ONG tunisienne.

    http://www.bastamag.net/spip.php?article3011#nh2http://www.bastamag.net/article1373.htmlhttp://www.bastamag.net/spip.php?article3011#nh1https://twitter.com/IvanduRoyhttp://www.bastamag.net/spip.php?article3011#nb2http://www.bastamag.net/spip.php?article3011#nb1http://tempsreel.nouvelobs.com/medias/20130124.OBS6582/tunisie-polemique-autour-d-un-reportage-d-envoye-special.htmlhttp://www.bastamag.net/spip.php?page=dossier&id_mot=77

  • Au FSM de Tunis, le tour de l’alter31 mars 2013 à 20:56 Libération

    Portrait : Ils sont birmans, canadiens ou congolais et ont participé au Forum social mondial qui s’est conclu samedi. Panorama de ces militants et de leurs aspirations.Par CHRISTIAN LOSSON Envoyé spécial à Tunis Rideau sur le Forum social mondial (FSM) de Tunis. Mais pas de voile en vue sur la place forte de l’altermondialisme. N’en déplaise aux Cassandre, cette 12e édition-rendez-vous des partisans d’un «autre monde possible», placée sous le signe de «la dignité», a cartonné. Les ateliers du FSM ont souvent dû refouler du monde, dont beaucoup de jeunes.Autour de 50 000 militants ont ainsi foulé, pendant quatre jours, les allées de l’université El-Manar. Un espace unique au monde où la société civile a notamment pu débattre des liens entre mouvements sociaux et islam politique (ultraminoritaires, les islamistes firent profil bas), des droits des femmes et des migrants, de la démocratie ou de l’urgence d’un nouveau modèle économique, social et environnemental. De quoi réoxygéner un mouvement social européen ces derniers temps atone, qui entend se relancer lors d’un subversive forum, en mai à Zagreb ou d’un alter summit en juin à Athènes pour «contrer l’austérité». De quoi en tout cas pérenniser un processus au long cours.Quatre pays sont candidats pour organiser le FSM de 2015 : le Canada, le Mexique, l’Inde… et la Tunisie. Histoire de revenir sur les attentes et montrer la diversité des délégués, Libération est parti à la rencontre d’alters venus de tous les continents qui, pour la première fois, se rendaient à un FSM. Ils livrent un instantané d’un mouvement en mouvement.

  • Selim Kharrat : «Changer les mentalités ça prend du temps»

    31 mars 2013 Par Reporters Transméditerranée Médiapart

    Al Bawsala (la boussole, en arabe) est une organisation tunisienne née après la Révolution tunisienne qui vise à contrôler et à informer les citoyens sur les actes du Parlement. Un outil de transparence inédit pour accompagner le processus démocratique. Rencontre avec son directeur Selim Kharrat.Propos recueillis par Malek Metoui et Sofien Murat Pouvez-vous présenter votre organisation ?Selim Kharrat : El Bawsala est une organisation fondée depuis un an par un groupe de jeunes qui cherchaient à mettre en place une démarche constructive après l’élection. Pour la première fois de l’histoire tunisienne, une assemblée représentative fut élue démocratiquement. On s’est donc intéressé à cette question : comment suivre ce que font les nouveaux députés ? L’objectif est de ne pas perpétuer les mauvaises habitudes du temps de la dictature et pousser les élus à rendre des comptes. Notre travail consiste à diffuser de manière gratuite toutes les informations qui entrent au sein de l’Assemblée. Depuis un an nous avons réussi à publier plus de 300 procès-verbaux et nous suivons également l’assiduité des élus.Cela consiste-t-il à ‘’fliquer’’ les députés ?S.K. : Un élu nous a dit en effet : « Nous avons l’impression d’être fliqués ! ». Mais nous ne sommes pas des policiers, on ne punit pas les élus. On informe simplement l’opinion publique sur ce qui se passe au niveau de l’Assemblée. On publie également le détail des votes. Nous avons réussi à en publier plus de soixante, en préservant l’anonymat des députés. On souligne aussi la différence qui peut exister entre le discours et l’acte, quand il s’agit de voter ou de prendre des décisions.Quels sont les obstacles rencontrés ?S.K. : Nous sommes conscients qu’on s’attaque à une vraie montagne car pour changer les mentalités, ça prend du temps. Il faut une prise de conscience, et notre stratégie, notre moyen pour changer cette mentalité, c’est le plaidoyer. Le fait d’être en discussion permanente avec les élus, en leur expliquant l’intérêt d’être transparent, les pousse à nous aider, à diffuser des documents. Nous avons été auditionnés par la commission qui s’occupe du règlement intérieur de l’Assemblée. On leur a présenté nos chiffres : sur les derniers mois, les plénières commençaient avec 73 minutes de retard en moyenne et moins de 50% des élus étaient présents. Si cela continue, ils ne pourront donc pas respecter le délai pour la nouvelle Constitution, prévue fin 2013.Avez-vous reçu des menaces ?S.K. : Plutôt des réactions hostiles. Le doyen de l’Assemblée nous a attaqués verbalement en séance

    http://blogs.mediapart.fr/blog/reporters-transmediterranee

  • plénière en prétextant que l’on n’avait rien à faire ici, que l’on n’avait pas le droit d’être ici. Des accusations qu’Al Bawsala réfute catégoriquement. Tout ce que l’on souhaite c’est qu’ils terminent leur travail, le plus rapidement possible, car on est en phase de transition et les enjeux sont très importants. Sans nouvelle Constitution, on ne pourra avoir de nouvelles institutions, un nouveau gouvernement et de nouvelles majorités.Qui vous finance ?S.K. : Nous sommes financés par des ONG et des fondations internationales. Le projet d’observatoire est financé par le réseau international Parliament Watch, basé sur le transfert de savoirs et de compétences, par notre partenaire allemand MCT (Media in Corporation and Transition) et le fonds GLS Bank, des institutions américaines Open Society Institute et la National Endowment for Democracy.N’avez-vous pas peur de tous ces financements étrangers ?S.K. : Il y a en Tunisie, une absence de cadre législatif pour le financement des organisations nationales. Ça n’est pas dans notre tradition, durant 60 ans de dictature, le parti unique n’a fait que contrôler les sociétés civiles, les associations ou les ONG. Pas question pour nous de l’accepter aujourd’hui. Cela ne garantirait pas notre indépendance. Nous refusons les fonds privés en rapport avec les autorités sous la dictature, car nous n’avons aucune garantie sur leurs fonds propres. Pas de possibilités non plus, comme en France, de faire appel aux dons publics, nous n’avons pas de Paypal ou de système de collectes d’argents.Quel est l’apport pour le citoyen tunisien ?S.K. : Pour pouvoir prendre une décision et voter, le citoyen doit être informé. C’est la base de la démocratie. Nous sommes dans une phase historique, nous allons établir une Constitution qui va façonner le pays. Si le citoyen ne s’intéresse pas maintenant à l‘Assemblée, quand le fera-t-il ?Quel regard portez-vous sur cette transition démocratique ?S.K. : Comme toute transition, nous avons connu des hauts et des bas. Nous sortons de 60 ans d’omerta et de tabous où il n’y avait absolument pas de dialogues. Les Tunisiens se découvrent, certains apprennent qu’il y a des conservateurs, tandis que d’autres apprennent que les filles veulent sortir et faire la fête et que la moitié du pays est mis à l’écart du développement économique. L’injustice sociale entre les régions est une question urgente à traiter. On a vécu une première année euphorique avec la chute de Ben Ali, les médias se sont libérés. Ensuite, nous avons connu une phase de décroissance, les gens étaient déçus, car les partis politiques ont promis plein de choses, et ont surtout montré une incapacité à résoudre les problèmes.Existe-t-il d’autres organisations comme la vôtre en dehors de la Tunisie ?S.K. : Nous faisons partie d’un mouvement mondial qui s’appelle, Opening Parliament. Il regroupe 200 organisations qui exercent une veille législative. Ensemble, on a rédigé une déclaration où l’on définit les grandes lignes d’un Parlement ouvert et les recommandations sur la transparence législative. En France, il existe « Regard Citoyens » mais ils font surtout de l’analyse de données, mais d’autres comme « Questionner vos élus.fr » mettent en place un système de questions réponses entre élus et citoyens français. Nous avons été également sollicités par une association marocaine pour la création d’une organisation semblable à la notre au Maroc.Pour en savoir plus : www.albawsala.com

  • Déclaration de l’Assemblée de convergence Palestine Mercredi 3 avril 2013, par Campagne BDS France

    Voici le texte issu de l’Assemblée générale de convergence "Palestine", le 29 mars 2013, à Tunis, rédigé après une semaine cumulant plusieurs dizaines d’activités sur la Palestine. Plusieurs centaines de Palestiniens et autant de militants pour la justice au Proche-Orient, ont ainsi animé de nombreux stands, expositions, manifestations... dont la grande marche de fermeture, le 30 mars, du Forum dédiée à la Palestine à l’occasion de la journée de la Terre.

    A Tunis, cette Assemblée de convergence se réunit au FSM (Forum social mondial) à un moment d’intense lutte populaire en Palestine contre l’apartheid israélien, la colonisation et l’occupation et pour une application totale des droits inaliénables du peuple palestinien. Nous apprécions à sa juste valeur la place centrale dévolue à la Palestine lors de ce forum social à Tunis.L’Assemblée de convergence veut réaffirmer son soutien à la résistance populaire palestinienne et son engagement total pour réaliser les objectifs suivants :

    • Le droit à l’autodétermination pour le peuple palestinien contre l’occupation coloniale et les colonies

    • La réaffirmation de l’importance du vote à l’Assemblée générale des Nations unies pour la reconnaissance de l’Etat de Palestine

    • La fin de l’apartheid et le démantèlement du mur• La liberté pour les prisonniers politiques• La fin du blocus de Gaza et la libération de la Palestine• Le droit au retour en application de la résolution 194 des Nations unies• La fin de la judéisation de Jérusalem et des bouclages

    Nous dénonçons toutes les complicités avec l’Etat d’Israël (Etats, institutions et corporations) qui permettent l’impunité d’Israël. A cet égard, nous dénonçons la politique des Etats-Unis et la mauvaise utilisation de leur veto aux Nations unies.

    Afin de réaliser ces objectifs, nous soutenons les actions et campagnes ci-dessous pour :

    • Renforcer et étendre le mouvement BDS au niveau international (il faut lancer une mobilisation particulière contre G4S, la plus grande compagnie de sécurité internationale, qui travaille avec Israël pour les prisons et les points de contrôle)

    http://www.forumsocial.info/spip.php?auteur68http://www.forumsocial.info/IMG/jpg/p1010825.jpghttp://www.forumsocial.info/IMG/jpg/p1010895.jpghttp://www.forumsocial.info/IMG/jpg/p1010601-001.jpghttp://www.forumsocial.info/IMG/jpg/pic_0378.jpghttp://www.forumsocial.info/IMG/jpg/p1010830.jpg

  • • La suspension de l’Accord d’association UE-Israël (sur la base de l’article 2). Il existe un précédent : le cas du Sri Lanka.

    • Suspendre le commerce des armes avec Israël• La libération des prisonniers palestiniens• Mettre fin au blocus de Gaza par des actions comme la Flottille et l’Arche de Gaza• Porter plainte contre les crimes commis par Israël devant la CPI• Demander la réouverture de la Commission spéciale des Nations unies contre l’apartheid et

    demander la dissolution du Quartette• Soutenir les réfugiés palestiniens qui risquent l’expulsion en Syrie ou d’autres pays• Les syndicats qui soutiennent les droits sociaux et du travail des Palestiniens• Les missions civiles en Palestine• Faire connaître les conclusions du Tribunal Russell sur la Palestine, qui dénoncent les crimes

    israéliens et exigent l’application du droit international

    Nous travaillerions à construire un fort mouvement de solidarité internationale pour la Palestine. Nous continuerons à utiliser le processus des forums sociaux pour renforcer le mouvement de solidarité avec la Palestine.

    http://www.forumsocial.info/IMG/jpg/p1010856.jpghttp://www.forumsocial.info/IMG/jpg/p1010729.jpg

  • Des suites du Forum Social Mondial de Tunis (mars 2013)02 avril 2013 Par Djilali BENAMRANE MédiapartPas de développement humain durable sans paix et sécurité mondiales et sans refondation de l'ONU et de ses composantes.Deux ateliers de débats ont été animés durant le Forum Social Mondial (FSM) de Tunis par le binôme ATTAC-Groupe ONU et le Mouvement de la Paix sur les questions de gouvernance mondiale pour mettre fin à la situation de guerres permanentes qui prévaut et pour la construction concertée d'un autre monde démocratique, de paix, de sécurité et de progrès partagé.Les conclusions des travaux de ces deux ateliers ont été présentés aux assemblées de convergence, lors d'une rencontre de restitution, intitulée : ''Mondialiser la paix, faire face aux violences économiques, sociales et guerrières et construire des convergences pour un monde de justice et de paix''.Lors de ces deux ateliers, il a été rappelé que l'humanité vivait une situation de crises récurrentes, multiples et variées, se nourrissant les unes les autres jusqu'à constituer une crise systémique, une crise globale. La crise-mère de ces crises, c'est celle de la paix et de la sécurité qui rend compte d'un monde aujourd'hui en état de guerres permanentes. Or la Charte des Nations-Unies précise que le but premier de l'ONU c'est le maintien de la paix et de la sécurité internationales. En ce domaine essentiel pour le devenir de l'humanité, la faillite de l'ONU, de son Conseil de sécurité et de ses constituantes (Commissions, Agences, Fonds, organisations affiliées comme le FMI, la Banque Mondiale ou l'OMC), est totale. Certes, l'ONU, seul lieu de concertation multilatérale, aura été des plus utiles à ses débuts, accompagnant les mouvements de décolonisation et la propotion du respect des peuples à disposer d'eux-mêmes et de leurs ressources. Ses mandats ont été vite accaparés par le Conseil de sécurité qui les a répartis entre les Directoires auto-proclamés G20, G8, G7, OTAN, OCDE et les multinationales et leurs lobbys, progressivement érigés en maîtres du monde.La Charte de l'ONU porte en préambule : ''Nous les peuples du monde'', il serait grand temps que les peuples du monde assument leurs responsabilités et se préparent au plus vite à peser dans les débats de la transformation inévitable de la direction du monde sur de nouveaux fondements capables d'en faire un instrument efficace d'anticipation plus que de résolution des crises, et de traitement anticipé des situations de conflits. Reformulé la Charte de la nouvelle institutions à mettre en place par un nouveau préambule : ''Nous les peuples entendons construire un monde de paix et de sécurité dans lequel les guerres où que ce soit et pour quelque motif que ce soit seront considérées comme des crimes contre l'humanité et sanctionnées comme tel !'' et toutes les constituantes de l'ONU seraient refondées dans cette nouvelle vision d'un monde de coopération et non de compétition.Comme éléments versés aux débats :Les Forums sociaux locaux, nationaux, continentaux et mondiaux, constituent des moments forts de mobilisation locale et globale, citoyenne, pour promouvoir des propositions pour la construction d'une autre ONU au service des peuples désireux de vivre dans un monde de paix, de sécurité, de justice et de progrès ;Pour répondre aux impératifs de gouvernance démocratique de la direction du monde, le nouveau pouvoir mondial à construire devrait être le fait de trois forces d'égal pouvoir : i) les peuples : des citoyens du monde s'exprimant aux moyens notamment des Forums sociaux, ii) les parlements qui disposent déjà de pratiques d'expression collective ; et iii) les Etats qui dominent le monde, même s'ils ont délégué leurs pouvoirs aux Directoires et aux multinationales qu'ils contrôlent ;Le pouvoir mondial centralisé en une place, aujourd'hui son siège principal à New York, accessoirement à Genève et marginalement en d'autres capitales, principalement occidentales, a

    http://blogs.mediapart.fr/blog/djilali-benamrane

  • montré ses limites. Il serait temps d'imaginer un système mondial à direction tripolaire, avec une coordination légère pour assurer la cohérence de l'ensemble, se déplaçant d'un pôle à l'autre, d'une ''macro-région'' à l'autre. Les macro-régions seraient constituées et fonctionneraient sur la base de critères objectifs respectant les indicateurs de proximité et de volume de populations, de la taille territoriale, de mélange de composantes équivalentes, riches (au Nord) et pauvres (au Sud), de puissances économiques, industrielles, financières, militaires, etc. D'autres critères de diversité de langues pratiquées, de cultures, de religions, etc, viendraient, le cas , échéantlégitimer la démarche.Un premier schéma de faisabilité de ces hypothèses de travail a décrit les macro-régions possibles comme suit :L'ensemble des Amériques du Nord, du Centre et du Sud ;L'ensemble Europe Afrique et Moyen-Orient ;et l'ensemble Asie - Océanie.Les participants ont convenu de poursuivre et d'approfondir ces réflexions et propositions.La création d'un nouveau niveau de Forum sociaux pourrait s'avérer utile, en plus de l'existant : Ce serait l'expérimentation de Forums sociaux ''macro-régionaux'', pour tester la pertinence et la faisabilité de telles propositions.

  • Les enjeux du Forum Social Mondial de Tunis

    Publié le 21 février 2013 - 13:50 par Gustave Massiah

    Le Forum Social Mondial de Tunis (FSM), du 26 au 30 mars 2013, sera un moment de convergence des mouvements sociaux et citoyens qui inscrivent leur action dans une perspective altermondialiste. En partant des mouvements, il sera l’occasion de penser l’évolution de la situation mondiale et mettra l’accent sur la manière de renforcer le processus au service des mouvements sociaux et citoyens, de leurs mobilisations, de leurs luttes et des alternatives qu’ils portent. Parmi les enjeux, on peut retenir l’évolution de la situation mondiale, la stratégie des mouvements, l’évolution des printemps arabes, le nouveau cycle de luttes et de révolutions ; l’évolution du processus des forums sociaux mondiaux.

    Les mouvements et l’évolution de la situation mondialeLe FSM de Tunis permettra aux mouvements de confronter, à partir de leurs situations, leurs appréciations de l’évolution de l’état du monde. Malgré la profondeur de la crise, la bourgeoisie financière reste encore au pouvoir et la logique dominante reste celle de la financiarisation. Mais la mondialisation est en train d’évoluer et ses contradictions augmentent. Elle se traduit par une différenciation des situations suivant les régions du monde, une sorte de dérive des continents. Chaque grande région évolue avec des dynamiques propres et l’évolution des mouvements sociaux cherche à s’adapter à ces nouvelles situations. Cette évolution modifie les conditions de la convergence des mouvements.En Amérique Latine, des régimes desarrollistas ou développementalistes, mettent en place des politiques post-néolibérales. Des politiques qui ne sont pas du tout anticapitalistes et qui combinent des gages au marché mondial des capitaux et des politiques sociales avec des redistributions. Elles ont pour conséquence une forme de banalisation de l’altermondialisme et une fragmentation des mouvements sociaux. En Asie, des alliances combinent des bourgeoisies étatiques, nationales et mondialisées. Comme en Amérique Latine, se pose la question sur le rôle des mouvements sociaux des nouvelles puissances qu’on appelle faute de mieux « pays émergents ». Dans ces deux régions, le mouvement social s’organise autour des travailleurs en lutte pour leurs droits et leurs salaires, qui passent des alliances spécifiques avec la bourgeoisie étatique, d’autant que cette dernière contrôle une partie de l’appareil productif.Au Moyen Orient, le nouveau cycle de luttes et de révolutions débouche sur une période de fortes contradictions. La présence réelle des mouvements est confrontée à l’émergence de forces politiques se référant à l’islam confrontées au pouvoir gouvernemental, et à l’instrumentalisation des grandes puissances qui cherchent à compenser la chute de leurs alliés dictateurs en jouant des situations. En Afrique, la course aux matières premières et à l’accaparement des terres et la multiplication des conflits et des guerres qui en résulte brouille la dynamique économique réelle et la vivacité des mouvements.En Amérique du Nord, les nouveaux mouvements, occupy et carrés rouges, sont confrontés à la violence de la réaction des pouvoirs économiques et à la montée des conservatismes inquiétants. En Europe, les mouvements sont confrontés à trois défis principaux : la précarité, la xénophobie, la définition d’un projet européen alternatif. Le premier concerne l’indispensable et très difficile alliance pour les luttes communes entre travailleurs précaires et travailleurs non-précaires. Le second concerne la montée des idéologies racistes et xénophobes qui prolifèrent à partir de la peur

    http://www.france.attac.org/Auteurs/gustave-massiah

  • et des insécurités sociales, écologiques et civiques. Le troisième concerne la définition d’un projet européen alternatif qui se dégagerait du projet européen dominant et de ses impasses et qui traduirait en termes politiques et culturels l’unité du mouvement social européen.Confrontés à la nouvelle situation et à la vigueur de la réaction conservatrice, les mouvements déploient une très forte combativité et beaucoup d’inventivité. Ils n’ont pas encore redéfinis les nouvelles formes et les priorités qu’ils veulent accorder à la convergence des luttes internationales. Ils sont conscients de son importance et restent présents dans les espaces existants, notamment dans les forums sociaux, sans toujours les investir avec une attention suffisante.

    La stratégie des mouvementsDans les forums sociaux mondiaux, deux préoccupations sont présentes : la définition de mesures immédiates à imposer par rapport aux conséquences de la crise sur les conditions de vie des couches populaires et la nécessaire définition d’une orientation alternativeDe nombreuses propositions immédiates qui ont été avancées dans le Forums depuis dix ans. Par exemple : la suppression des paradis fiscaux et juridiques ; la taxe sur les transactions financières ; la séparation des banques de dépôts et des banques d’affaires ; la socialisation du secteur financier ; l’interdiction des marchés financiers dérivés ; les redistributions de revenus ; la protection sociale universelle ; etc. Ces propositions ne sont pas révolutionnaires en elle-même. Elles sont reprises aujourd’hui par des économistes de l’establishement et même par certains gouvernements. Mais ces déclarations ne sont pas suivies d’effet car elles nécessitent une rupture avec le dogme néolibéral et la dictature des marchés financiers. Et ce sont toujours ces forces qui sont dominantes et qui n’accepteront pas, sans affrontements, de renoncer à leurs gigantesques privilèges. Dans le FSM la question posée est de mener les mobilisations à la hauteur des enjeux.Une orientation alternative s’est dégagée dans les forums sociaux mondiaux. On peut organiser chaque société et le monde autrement que par la logique dominante de la subordination au marché mondial des capitaux. On peut organiser chaque société et le monde à partir de l’accès aux droits pour tous et de l’égalité des droits, du local au planétaire. Les mouvements sociaux préconisent une rupture, celle de la transition sociale, écologique et démocratique. Ils mettent en avant de nouvelles conceptions, de nouvelles manières de produire et de consommer. Citons : les biens communs et les nouvelles formes de propriété, le contrôle de la finance, le buen-vivir et la prospérité sans croissance, la réinvention de la démocratie, les responsabilités communes et différenciées, les services publics fondés sur les droits, etc. Cette rupture est engagée dès aujourd’hui à travers les luttes, car la créativité naît des résistances, et des pratiques concrètes d’émancipation qui, du niveau local au niveau global, préfigurent les alternativesEntre la question de l’urgence, celle de la dictature du réalisme, et celle de la transformation structurelle, les mouvements sont confrontés à la nécessité de définir une nouvelle pensée stratégique. D’autant que les mouvements sont confrontés à la question très difficile des nouvelles stratégies militaires, celle de la guerre sans fin et de la déstabilisation systématique.

    L’évolution des « printemps arabes »Le FSM aura lieu en Tunisie. Là où a commencé le nouveau cycle de luttes et de révolutions. Les insurrections méditerranéennes portent une espérance révolutionnaire. Ce qu’il y a de nouveau dans ce cycle de révolutions est en gestation ; il n’est pas prédéterminé. La période amène à ouvrir la discussion publique sur les révolutions et les ruptures. Quelques pistes peuvent être dégagées.Le temps des révolutions est un temps long et n’est pas linéaire. Les ruptures ne sont pas définitives. Certaines situations sont déviées pour ramener les insurrections populaires à des guerres civiles. Les révoltes populaires contre les régimes dictatoriaux confrontés à des répressions sanglantes ouvrent, de plus, la possibilité à toutes les manœuvres des puissances dominantes et environnantes. Elles rendent plus difficile la perception des enjeux de long terme par rapport aux situations dramatiques.Au-delà de la démocratisation, étape nécessaire, une orientation alternative à la mondialisation capitaliste est aujourd’hui en gestation. Elle doit répondre aux contradictions sociales, écologiques,

  • géopolitiques, démocratiques. Un autre enjeu majeur est celui d’une nouvelle phase de la décolonisation qui correspondrait au passage de l’indépendance des Etats, qui a caractérisé la première phase de la décolonisation, à l’autodétermination des peuples. Cette nouvelle phase de la décolonisation ne se réduit pas à la montée en puissance des pays dits émergents. Elle se construit dans la convergence des mouvements qui a progressé dans l’espace des Forums sociaux mondiaux. Cette nouvelle phase de la décolonisation va mettre sur le devant de la scène les questions de l’épuisement des ressources naturelles, particulièrement de l’eau, du climat, de la biodiversité, du contrôle des matières premières et de l’accaparement des terres.Une part de ce qui est nouveau cherche son chemin à l’échelle des régions et n’est visible qu’à l’échelle d’une génération. L’Amérique Latine est sortie des dictatures il y a moins de trente ans. La démocratisation a donné naissance à une période de démocraties bourgeoises. Ces régimes ont mis en place des systèmes de croissances néolibérales, conformes à la logique dominante, et des démocratisations plus ou moins limitées. Et les Etats-Unis sont passés du contrôle des dictatures à des formes de contrôle des démocraties bourgeoises. Mais, dans ce processus, de nouveaux mouvements sociaux et citoyens se sont développés, modifiant la situation dans de nombreux pays et dans la Région et ouvrant la possibilité à de nouvelles évolutions.Dans la région Maghreb-Machrek, les contradictions vont s’amplifier entre les tentatives de régimes conservateurs et les nouveaux mouvements sociaux et citoyens. Que seront les nouveaux mouvements sociaux et citoyens qui vont se construire dans la nouvelle période. C’est dans cette perspective que se situe la réflexion sur l’évolution de l’islam politique. C’est aussi dans cette situation que la réalité migratoire dans toutes les régions montre l’importance, exacerbée par la crise, du racisme et de la xénophobie dans toutes les sociétés. Les sociétés sont multiples et le rejet de l’étranger met en danger la cohésion de chaque société.Le FSM de Tunis permettra l’expression de l’émancipation des peuples de la région : tunisien, marocain, sahraoui, algérien, égyptien, syrien, … Le peuple palestinien sera à l’honneur avec notamment la présentation des conclusions du tribunal Russell sur la Palestine et la marche de clôture du Forum qui lui sera dédiée.

    Le nouveau cycle de luttes et de révolutionsLe FSM à Tunis se tiendra là où la réponse des peuples, à l’accentuation de la crise en 2008 et aux politiques répressives d’austérité, a ouvert un nouveau cycle de luttes et de révolutions. Le vent nouveau parti de Tunis s’est d’abord propagé en Egypte. Il a mis en avant la lutte contre les dictatures et il s’est étendu à toute la région Maghreb-Machrek. Il a traversé la Méditerranée et s’est propagé en Europe du Sud, en Espagne, au Portugal, en Grèce en posant la question de la démocratie réelle. Il a trouvé un nouveau souffle en traversant l’Atlantique à travers les “occupy” Wall Street, London, Montréal. Il prend aujourd’hui des formes plus larges dans de nombreux pays du monde, au Chili, au Canada, au Sénégal, en Croatie, autour de la faillite des systèmes d’éducation et de la généralisation de l’endettement. Le pouvoir économique et le pouvoir politique, à travers leur complicité, ont été désignés comme les responsables de la crise. Ce qui a été démasqué c’est la dictature du pouvoir financier et la « démocratie de basse intensité » qui en résulte.Au-delà des spécificités, ce nouveau cycle de luttes met en avant la justice sociale, le refus de la misère, des inégalités, de la corruption ; la revendication de systèmes démocratiques qui garantissent les libertés individuelles et collectives, la dignité de chacun ; les contradictions géopolitiques liées à l’hégémonie occidentale ; les contradictions écologiques de plus en plus sensibles. Elles mettent en lumière des contradictions sociales entre les couches populaires et les oligarchies. Elles remettent en cause l’hégémonie culturelle nécessaire à la domination des valeurs de la bourgeoisie et des élites dirigeantes.Une des questions qui sera discutée à Tunis est celle du rapport entre les nouveaux mouvements et le mouvement altermondialiste. Ces mouvements ne se sont pas organisés dans le mouvement altermondialiste, même si de nombreuses relations ont existé dès le début. Les nouveaux mouvements sociaux ont leur dynamique propre. Les jonctions avec les mouvements plus anciens de l’altermondialisme existent mais elles sont diffuses. Les mouvements plus anciens de

  • l’altermondialisme devront tirer les leçons de leurs avancées et de leurs limites. Et, comme le dit si bien Esther Vivas pour les nouveaux mouvements : « c’est un prologue ».

    La situation en TunisieL’appréciation du contexte tunisien est nécessaire. Un Forum social mondial n’est pas organisé par rapport aux situations internes mais il ne peut s’en désintéresser et chaque FSM a eu un impact sur la situation politique interne du point de vue des mouvements sociaux. Cette interrogation est très forte en Tunisie où la situation est relativement instable. Elle ne paraît pas pour l’instant remettre en cause la sécurité nécessaire à la tenue du FSM. Les différents courants intéressés par le FSM ont aussi affirmé que celui-ci ne serait pas un enjeu des luttes entre les tendances et un espace d’affrontements sur les questions internes à la Tunisie.Le Secrétariat Tunisien du FSM 2013 s’inscrit dans le Comité de suivi du Forum social maghrébin qui en élargit l’assise. Ces mouvements tunisiens représentent une base large inscrite dans la société civile tunisienne. Une des questions posées est celle de l’organisation d’un forum inclusif permettant à tous les courants défendant des positions compatibles avec la Charte des principes du FSM d’y participer. Pour que le forum ne soit pas exclusif, il faut laisser jouer la diversité en l’élargissant aux mouvements qui peuvent naître de l’évolution de l’islam politique.La question de la sécurité du Forum est souvent posée. Cette interrogation est très forte en Tunisie où la situation est instable. Il y a actuellement quatre pôles en confrontation : le pôle aujourd’hui majoritaire avec un groupe dominant, Ennahda dont la qualification va de « frère musulman » à « islamiste modéré » ; le pôle des partis de la gauche laïque dans lequel malgré sa fragmentation on retrouve les principaux organisateurs du forum ; le pôle conservateur traditionnel qui regroupe des forces de l’ancien régime et qui reste influent dans la police et l’administration ; le pôle dit des « salafistes » qualifié aussi de « islamiste radical », minoritaire mais très organisé et déterminé. Cette configuration est propice aux provocations ; chaque incident fait exploser l’ensemble. Pour autant, il y a une forme de stabilité relative dans la mesure où aucun pôle ne peut imposer son hégémonie et où la société reste très mobilisée. Après chaque affrontement, on revient à une situation d’équilibre. Pour l’instant, la sécurité nécessaire à la tenue du FSM n’est pas remise en cause ; bien qu’il n’y ait évidemment pas de situation avec un « risque zéro. Il y a aussi un accord pour que le FSM conserve sa dimension mondiale et ne soit pas un enjeu des luttes entre les tendances et un espace d’affrontements sur les questions internes à la Tunisie.

    La situation du processus des forums sociaux mondiauxLe FSM joue un rôle central dans le processus des forums sociaux. Il est l’occasion d’événements spécifiques qui s’y préparent (Forum Mondial Science et Démocratie, Forums des Autorités locales, Forum de Parlementaires, Forum syndical, Forum des médias libres,..) et de l’organisation d’activités qui sont directement issus d’autres événements qui ont eu lieu ou qui se préparent (Rio+20, Forum des migrants d’Oujda, Forum Free Palestine, Tribunal Russell sur la Palestine, Forum Irakien, Forum Paix et désarmement, Florence+10 sur le mouvement social européen, Forum pan canadien, Forums Paix et désarmement à Sarajevo en 2014, etc.).Les forums nationaux et régionaux explorent des voies de transformations politiques et ouvrent la question de l’évolution des régimes et des rapports entre les mouvements et les Etats. Des politiques post-néolibérales sont en gestation. Elles ne sont pas anticapitalistes mais elles cherchent des voies d’autonomie par rapport au marché mondial des capitaux et des possibilités de redistribution partielle. Par rapport à la fragmentation du mouvement social dans certaines situations, l’autonomie des mouvements sociaux reste la priorité, y compris dans les négociations et dans le soutien à certains régimes. Les forums thématiques approfondissent l’orientation stratégique, celle de l’égalité des droits et des mobilisations contre la logique du capitalisme. La liste des forums thématiques, régionaux et mondiaux s’allonge ; on en compte une cinquantaine pour la période 2012 à début 2013. Par rapport à la nouvelle période, le FSM de Tunis amorcera la mutation du processus des forums sociaux mondiaux.

  • FSM : un Espace climat hors des enceintes confinées des Nations-Unies

    03 avril 2013 Par Maxime Combes Jamais les défis climatiques n'avaient été aussi visibles et discutés au sein d'un Forum Social Mondial qu'à Tunis, occasion de montrer que le climat ne doit plus être seulement l'affaire des négociations de l'ONU.

    En plus d'avoir été un succès, tant en terme de participation que de son organisation, le Forum Social Mondial de Tunis a été l'objet d'une première. Jamais un FSM n'avait hébergé d'espace permanent dédié au climat et à toutes les problématiques que les défis climatiques soulèvent. Visant à « échanger sur les causes, les impacts, les luttes, les alternatives et les stratégies pour faire face au changement climatique »1, l'Espace climat, porté et soutenu par près d'une quarantaine d'organisations internationales2 parmi lesquelles Attac France, visait à regrouper les syndicats, paysans, femmes, indiens, migrants, organisations communautaires, indignés, mouvements Occupy, pour redéfinir une stratégie collective capable de renverser le cours des choses.Avec un programme de 14 activités portant sur les énergies fossiles et la transition énergétique, la financiarisation de la nature et les biens communs, la souveraineté alimentaire et l'agroécologie, les migrations climatiques, les dispositifs REDD et la géoingéniérie, les « climate jobs » et la transition socio-écologique , l'eau et le rôle des multinationales, le bien-vivre et la décroissance, l'Espace climat a contribué à rendre visibles des thématiques et des enjeux jusqu'ici peu mis en évidence dans le processus des Forums sociaux mondiaux. Si le Forum social mondial de Belem avait permis de caractériser la crise économique et financière comme une crise civilisationnelle, tout en adoptant un manifeste pour la récupération des biens communs, jamais les défis climatiques n'avaient eu une telle résonance dans un FSM.Des délégations associatives ou syndicales ont dépêché des militants suivre la quasi-totalité des activités, tandis que des participants occasionnels ont contribué à ce que l'Espace Climat soit bien plus suivi que ne l'attendaient les organisateurs. De nombreux Tunisien-ne-s, jeunes notamment, qu'ils soient chercheurs ou tout récemment impliqués dans des combats écologiques, sont venus prendre contact, exiger des précisions et des références, échanger des informations, et contribuer aux débats. Preuve que les pollutions marines ou terrestres, l'accès et la gestion de l'eau, les alternatives énergétiques, et bien entendu la mobilisation contre les gaz de schiste sont loin d'être perçus comme des enjeux secondaires et pourraient engendrer autant de de futures collaborations autour de la Méditerranée, prémices d'actions conjointes concernant les défis climatiques.Pourtant, à l'échelon international, il n'est habituellement question de climat que lors des seules conférences annuelles de l'ONU. Ces conférences sont bien souvent l'unique occasion de l'année pour que les ONG, syndicats, réseaux internationaux et expert-e-s débattent et se confrontent publiquement au niveau international, que ce soit dans l'enceinte de l'ONU, ou dans des forums alternatifs. Dominent alors l'agenda des négociations officielles et la technicité des débats portant sur la réduction des émissions, l'adaptation, la déforestation ou les technologies. Il est difficile d'y faire entendre un autre son de cloche. Les négociations officielles et débats de la société civile apparaissent de plus en plus déconnectés de ce que vivent les populations touchées par les conséquences des dérèglements climatiques.Le sommet des peuples de Cochabamba, organisée en avril 2010 juste après la conférence de Copenhague, était y compris en grande partie structuré en fonction des négociations de l'ONU.

    http://blogs.mediapart.fr/blog/maxime-combeshttp://climatjustice.org/2010/04/22/cochabamba-presque-en-direct/http://www.framablog.org/index.php/post/2009/05/21/manifeste-pour-la-recuperation-des-biens-communshttp://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/systemic-alternatives-vivir-bien-commons-rights-of-nature-happiness-index-and-others/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/systemic-alternatives-vivir-bien-commons-rights-of-nature-happiness-index-and-others/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/03/22/on-the-road-to-system-change-a-forum-and-strategy-session-on-challenging-ftas-the-wto-and-the-power-of-tncs/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/the-vital-cycle-of-water-and-climate-change-between-the-melting-of-glaciers-freshwater-shortages-and-floods/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/climate-jobs-now-towards-a-low-carbon-economic-future/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/climate-jobs-now-towards-a-low-carbon-economic-future/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/climate-jobs-now-towards-a-low-carbon-economic-future/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/climate-jobs-now-towards-a-low-carbon-economic-future/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/climate-jobs-now-towards-a-low-carbon-economic-future/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/03/13/geoengineering-resisting-climate-manipulation/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/03/13/no-redd-teach-in/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/climate-change-and-migration/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/food-sovereignty-agroecology-and-slow-food-as-solutions-to-climate-change/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/food-sovereignty-agroecology-and-slow-food-as-solutions-to-climate-change/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/commodification-and-financialization-of-nature-green-economy-carbon-markets-redd/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/commodification-and-financialization-of-nature-green-economy-carbon-markets-redd/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/07/fighting-fossil-fuels-and-building-new-alternatives-like-energy-democratization-public-transport-and-others/http://blogs.mediapart.fr/edition/forum-social-mondial-2013/article/030413/fsm-un-espace-climat-hors-des-enceintes-confinees-des-nations-unies#sdfootnote2symhttp://climatespace2013.org/http://blogs.mediapart.fr/edition/forum-social-mondial-2013/article/030413/fsm-un-espace-climat-hors-des-enceintes-confinees-des-nations-unies#sdfootnote1symhttp://blogs.mediapart.fr/files/media_83047/cropped-climate-space.jpg

  • L'objectif était clair : construire un rapport de force international de nature à modifier profondément les négociations officielles. Une telle stratégie, souvent dénommée « inside – outside » a aujourd'hui trouvé ses limites. La tenue et la réussite de l'Espace climat au sein du FSM de Tunis démontre que le climat ne doit plus être seulement l'affaire des négociations de l'ONU. A Tunis, les GCF, MRV, CDM et autres acronymes et technicités incompréhensibles sont restés au placard pour laisser place à l'essentiel : revoir de fond en comble nos modèles de production et de consommation en laissant l'essentiel des réserves prouvées d'énergies fossiles dans le sol. Comme cela a été dit lors de l'Assemblée de convergence :« la bataille principale se situe en dehors des négociations internationales sur le climat, et elle est plutôt ancrée dans les lieux où se déroulent les luttes contre l'exploitation de pétrole, de gaz, de minerais, contre l'agriculture industrielle, la déforestation, la pollution industrielle, la compensation carbone et les projets REDD, l'accaparement des terres et les déplacements de population ».Bien-entendu, cet Espace climat n'est pas exempt de reproches. Les moments d'approfondissement et de travail collaboratif ont manqué. Le lourd programme et le nombre conséquent d'intervenants, qui reflètent par ailleurs la forte implication, auraient sans doute mérité d'être réduits. Prétendre que le foisonnement et la multiplicité des actions et des campagnes existantes ont été dépassés serait sans doute exagéré. Il a été néanmoins clairement annoncé que les défis du climat sont tels qu'ils ne peuvent se résumer à une campagne spécifique, une seule action ou proposition.Au contraire, c'est dans la multiplicité des actions, dans notre capacité à renforcer toutes les luttes existantes sur le terrain mais aussi à irriguer tous les secteurs militants et campagnes en cours – contre les multinationales et les accords commerciaux par exemple – que nous serons en mesure de mobiliser de larges secteurs de la société pour faire face aux défis climatiques. A cette aune, la proposition visant à décliner la campagne « One million climate jobs » dans tous les pays, y compris en Europe, pourrait être une piste à creuser, notamment dans la perspective de l'Alter-Summit en juin à Athènes.Il ressort de cet Espace climat qu'il n'est pas possible d'attendre « un nouveau sommet de la dernière chance » ou de placer ses espoirs dans un quelconque sauveur de l'humanité. Les luttes contre le réchauffement climatique sont celles du quotidien, que ce soit contre les gaz et pétrole de schiste, conte les grands projets d'infrastructure, ou pour la souveraineté alimentaire et la transition écologique, etc.« Nous ne restons pas les bras croisés. Nous nous attaquons aux causes profondes du changement climatique en oeuvrant pour changer de système. Il est temps d'agir, pas de parler. »Maxime Combes, membre d'Attac France et de l'Aitec, engagé dans le projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)Twitter : @MaximCombes1 http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/06/appel-a-rejoindre-lespace-climat-au-fsm-de- tunis-du-26-au-30-mars-2013/2 http://climatespace2013.wordpress.com/about/ et

    http://climatespace2013.wordpress.com/supporters/

    http://climatespace2013.wordpress.com/supporters/http://climatespace2013.wordpress.com/about/http://blogs.mediapart.fr/edition/forum-social-mondial-2013/article/030413/fsm-un-espace-climat-hors-des-enceintes-confinees-des-nations-unies#sdfootnote2anchttp://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/06/appel-a-rejoindre-lespace-climat-au-fsm-de-tunis-du-26-au-30-mars-2013/http://climatespace2013.wordpress.com/2013/02/06/appel-a-rejoindre-lespace-climat-au-fsm-de-tunis-du-26-au-30-mars-2013/http://blogs.mediapart.fr/edition/forum-social-mondial-2013/article/030413/fsm-un-espace-climat-hors-des-enceintes-confinees-des-nations-unies#sdfootnote1anchttp://www.alter-echos.org/http://www.alter-echos.org/http://www.alter-echos.org/http://aitec.reseau-ipam.org/http://www.france.attac.org/http://www.altersummit.eu/http://mouvements.info/Durban-un-bilan-au-dela-de-l-arene.html

  • Entretien sur la Tunisie avec Leyla Dakhli

    Publié le 22 mars 2013 - 16:08 par radio zinzine, Leyla Dakhli, and Attac France •

    À quelques jours du Forum social mondial de Tunis, un entretien de 52’ sur la Tunisie avec Leyla Dakhli, chercheuse à l'Institut de recherche et d'études sur le monde arabe et musulman (CNRS, Aix-en-Provence). Entretien à télécharger

    Radio Toulouse en direct du FSM de Tunis !

    Publié le 29 mars 2013 - 20:03 par Benjamin Malan •

    Les radios associatives toulousaines investissent le Forum Social Mondial de Tunis, par l’intermédiaire d’un envoyé très spécial : Benjamin, de Attac Toulouse. Il a réalisé durant les 4 jours du FSM des interviews de tunisiennes et tunisiens, retransmises en direct sur Canalsud, et en différé sur Radio Campus, radios indépendantes de la ville rôse. Des médias libres à la condition des femmes, du ressenti des jeunes dans cette période post-révolutionnaire agitée à l’impact des nouvelles technologies dans ces mouvements. Les divers sujets traités nous donnent un aperçu du bouillonnement intellectuel actuel de la Tunisie, en pleine incertitude sur son avenir, mais toujours accueillante et pleine d’espoir. Un exemple à suivre... Télécharger ces deux émissions :

    • http://blogs.attac.org/IMG/mp3/publicphpserf8e1.mp3 • http://blogs.attac.org/IMG/mp3/publicphpser22f3.mp3

    http://www.france.attac.org/Auteurs/radio-zinzinehttp://blogs.attac.org/IMG/mp3/publicphpser22f3.mp3http://blogs.attac.org/IMG/mp3/publicphpserf8e1.mp3http://www.france.attac.org/Auteurs/benjamin-malanhttp://nuage.attac.org/public.php?service=files&t=6945d701c3e113c42c62acf004788290&downloadhttp://www.france.attac.org/Auteurs/attac-francehttp://www.france.attac.org/Auteurs/leyla-dakhli

  • Tunis 2013 : un forum social mondial pour la dignité, la solidarité et la justice socialePublié le 6 mars 2013 - par Attac France

    Le forum social mondial (FSM) est un moment de convergence pour les mouvements sociaux et citoyens qui inscrivent leur action dans une perspective altermondialiste. Attac France et le réseau des Attac du monde y voient l’occasion de penser l’évolution de la situation mondiale, de renforcer les mobilisations, les luttes et les alternatives que nous portons. Nous revenons dans ce dossier spécial sur les principaux enjeux de ce Forum : la stratégie des mouvements dans un contexte de crises, l’évolution des printemps arabes, le nouveau cycle de luttes et de révolutions, le processus des forums sociaux mondiaux.Depuis le 6 février dernier et l’assassinat du très respecté militant de la gauche politique Chokri Belaïd, la Tunisie se trouve plongée dans une crise politique interne qu’on n’avait plus connue depuis le 14 janvier 2011. Un nouveau cycle de contestations s’est ouvert dans le pays. Dès le 8 février, le peuple tunisien a massivement pris la rue pour refuser l’escalade de la violence, avec des manifestations qui ont mobilisé bien au-delà des cercles habituels de la gauche critique de la « Troïka ». Accueillir le forum social mondial à Tunis est sans aucun doute un défi pour toute la société civile tunisienne. Un défi technique bien sûr, car l’organisation d’un événement politique accueillant des dizaines de milliers de personnes pendant près d’une semaine l’est toujours, mais surtout un défi politique majeur pour les mouvements tunisiens dans le contexte actuel.

    Solidarité du Sud vers le NordPourtant, réunies dans la ville balnéaire de Hammamet du 15 au 17 février dernier, les organisations du Conseil international des Forums sociaux mondiaux, du Comité de pilotage du Forum social maghrébin et du Comité d’organisation tunisien ont choisi de réaffirmer avec force leur choix de la capitale tunisienne pour tenir le 12ème FSM depuis la première édition organisée à Porto Alegre en 2001. Plus que jamais en effet, les activistes tunisiens et de tout le monde arabe veulent appeler à l’expression de la solidarité internationale et souhaitent que le FSM de Tunis permette de réactiver l’espoir formidable qu’aucune oppression n’est immuable, ce qu’ont montré les révoltes des peuples tunisien, égyptien et libyen, notamment.

    Alors que la crise économique, sociale et écologique frappe les peuples européens avec violence, et que ceux-ci font désormais l’amère expérience de l’ajustement structurel, la solidarité internationale pourrait également s’exprimer du Sud vers le Nord : la rencontre et le dialogue entre mouvements sociaux et citoyens engagés dans la résistance au modèle capitaliste néolibéral pourraient leur offrir un souffle et de nouvelles opportunités de luttes communes