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Lundi 31 Mars 2008 Chenaouy Diane 6FRC Commentaire : Celui qui n’avait jamais vu la mer LE CLEZIO La mer était belle ! Les gerbes blanches fusaient dans la lumière, très haut et très droit, puis retombaient en nuages de vapeur qui glissaient dans le vent. L’eau nouvelle emplissait les creux des roches, lavait la croûte blanche, arrachait les touffes d’algues. Loin, près des falaises, la route blanche de la plage brillait. Daniel pensait au naufrage de Sindbad, quand il avait été porté par les vagues jusqu’à l’île du roi Mihrage, et c’était tout à fait comme cela, maintenant. Il courait vite sur les rochers, ses pieds nus choisissaient les meilleurs passages, sans même qu’il ait eu le temps d’y penser. C’était comme s’il avait vécu ici depuis toujours, sur la plaine du fond de la mer, au milieu des naufrages et des tempêtes. Il allait à la même vitesse que la mer, sans s’arrêter, sans reprendre son souffle, écoutant le bruit des vagues. Elles venaient de l’autre bout du monde, hautes, penchées en avant, portant l’écume, elles glissaient sur les roches lisses et elles s’écrasaient dans les crevasses. Le soleil brillait de son éclat fixe, tout près de l’horizon. C’était de lui que venait toute cette force, sa lumière poussait les vagues contre la terre. C’était comme une danse qui ne pouvait pas finir, la danse du sel quand la mer était basse, la danse des vagues et du vent quand le flot remontait vers le rivage. Celui qui n’avait jamais vu la mer est une nouvelle écrite par Le Clézio en 1978. Cet extrait décrit la première vision du narrateur de la mer avec une pointe de lyrisme et tout son enthousiasme face à elle. Ce que cette description a de particulier, c’est la place qu’elle accorde aux mouvements, que ce soit de la mer ou du vent, ainsi qu’à la luminosité. Nous étudierons cela dans une première partie. Par la suite, nous verrons comment le narrateur adhère complètement à ces éléments naturels et réussit à être en harmonie avec eux. La description de la mer est du point de vue émerveillé de Daniel, le narrateur de la nouvelle. Voir la mer a toujours été son rêve et c’est pourquoi il la décrit avec une grande sensibilité. Le texte possède à cause de cet émerveillement des touches de lyrisme. Celui-ci est perceptible quand le narrateur utilise des métaphores et comparaisons pour exprimer ce que cette scène évoque pour lui. Lorsque il écrit, par exemple, « C’était comme une danse qui ne pouvait pas finir » il lui donne en plus un sens artistique. Cette sensibilité se traduit aussi, entre autre, par du style indirecte libre, faisant ainsi percevoir au lecteur de façon simple et immédiate son admiration : « La mer était belle ! ». Sa vision de la plage et de l’eau accorde une grande importance à la luminosité; le champs lexical de la clarté étant prépondérant dans ce texte : « la croûte blanche », « la route blanche de la plage brillait »... Cela montre à quel point tout cela est somptueux : il réalise son rêve, tout le

Celui qui n'avait jamais vu la mer commentaire de texte

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Celui qui n’avait jamais vu la mer est une nouvelle écrite par Le Clézio en 1978. Cet extrait décrit la première vision du narrateur de la mer avec une pointe de lyrisme et tout son enthousiasme face à elle. Ce que cette description a de particulier, c’est la place qu’elle accorde aux mouvements, que ce soit de la mer ou du vent, ainsi qu’à la luminosité. Nous étudierons cela dans une première partie. Par la suite, nous verrons comment le narrateur adhère complètement à ces éléments naturels et réussit à être en harmonie avec eux.

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Lundi 31 Mars 2008Chenaouy Diane6FRC

Commentaire :Celui qui n’avait jamais vu la mer

LE CLEZIO

La mer était belle ! Les gerbes blanches fusaient dans la lumière, très haut et très droit, puis retombaient en nuages de vapeur qui glissaient dans le vent. L’eau nouvelle emplissait les creux des roches, lavait la croûte blanche, arrachait les touffes d’algues. Loin, près des falaises, la route blanche de la plage brillait. Daniel pensait au naufrage de Sindbad, quand il avait été porté par les vagues jusqu’à l’île du roi Mihrage, et c’était tout à fait comme cela, maintenant. Il courait vite sur les rochers, ses pieds nus choisissaient les meilleurs passages, sans même qu’il ait eu le temps d’y penser. C’était comme s’il avait vécu ici depuis toujours, sur la plaine du fond de la mer, au milieu des naufrages et des tempêtes.

Il allait à la même vitesse que la mer, sans s’arrêter, sans reprendre son souffle, écoutant le bruit des vagues. Elles venaient de l’autre bout du monde, hautes, penchées en avant, portant l’écume, elles glissaient sur les roches lisses et elles s’écrasaient dans les crevasses. Le soleil brillait de son éclat fixe, tout près de l’horizon. C’était de lui que venait toute cette force, sa lumière poussait les vagues contre la terre. C’était comme une danse qui ne pouvait pas finir, la danse du sel quand la mer était basse, la danse des vagues et du vent quand le flot remontait vers le rivage.

Celui qui n’avait jamais vu la mer est une nouvelle écrite par Le Clézio en 1978. Cet extrait décrit la première vision du narrateur de la mer avec une pointe de lyrisme et tout son enthousiasme face à elle. Ce que cette description a de particulier, c’est la place qu’elle accorde aux mouvements, que ce soit de la mer ou du vent, ainsi qu’à la luminosité. Nous étudierons cela dans une première partie. Par la suite, nous verrons comment le narrateur adhère complètement à ces éléments naturels et réussit à être en harmonie avec eux.

La description de la mer est du point de vue émerveillé de Daniel, le narrateur de la nouvelle. Voir la mer a toujours été son rêve et c’est pourquoi il la décrit avec une grande sensibilité. Le texte possède à cause de cet émerveillement des touches de lyrisme. Celui-ci est perceptible quand le narrateur utilise des métaphores et comparaisons pour exprimer ce que cette scène évoque pour lui. Lorsque il écrit, par exemple, « C’était comme une danse qui ne pouvait pas finir » il lui donne en plus un sens artistique. Cette sensibilité se traduit aussi, entre autre, par du style indirecte libre, faisant ainsi percevoir au lecteur de façon simple et immédiate son admiration : « La mer était belle ! ». Sa vision de la plage et de l’eau accorde une grande importance à la luminosité; le champs lexical de la clarté étant prépondérant dans ce texte : «  la croûte blanche », « la route blanche de la plage brillait»... Cela montre à quel point tout cela est somptueux : il réalise son rêve, tout le paysage brille (le mot est utilisé aux lignes 5 et 16) et pourrait même être assimilé à un paradis. Cependant pour contrebalancer cette luminosité, on nous rappelle les touches plus sombres. L’eau par exemple « emplissait le creux des roches », ou encore les vagues qui « s’écrasaient dans les crevasses ». Cela donne un effet de clair-obscur, contrastant ainsi ce tableau. Malgré l’aspect idyllique et le regard subjectif du narrateur, on voit qu’on a voulu faire une peinture réaliste dans cette description. Car s’il n’y figure pas de détails minutieux, on sent la volonté, à l’aide de touche de couleurs parsemées dans le texte, de ce que cette plage et cette mer soient clairement visibles dans l’esprit du lecteur, comme elles peuvent l’être pour Daniel. Cela se voit dans des phrases comme

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« Les gerbes blanches fusaient dans la lumière, très haut et très droit, puis retombaient en nuages de vapeur qui glissaient dans le vent. » D’ailleurs, on sent bien là que le point de vue est interne, car là où un romancier réaliste tel que Zola nous décrirait les moindres détails, nous avons ici une vision globale telle qu’elle apparaîtrait à un être humain.

La description présente aussi une autre dimension : elle n’est pas statique. Au contraire elle est très mouvementée, que ce soit à cause du narrateur ou des éléments naturels. C’est en fait une particularité de ce texte : il est certainement une description, d’ailleurs presque tous les verbes sont conjugués à l’imparfait, pourtant ces mêmes verbes sont quasiment tous des verbes d’action. Cela est expliqué par le fait que pour le narrateur, la mer représente justement ce mouvement. Elle n’est pas de ces paysages fixes et inchangeables, elle représente au contraire la « danse du sel » ou la « danse des vagues et du vent ». Ce mouvement perpétuel permet de faire rêver le garçon : « [Les vagues] venaient de l’autre bout du monde ». Ces vagues lui apportent une forme d’évasion, un exotisme : elles qui viennent de si loin, lui peut les voir. Quelque chose de remarquable à noter, c’est le rôle de la lumière et du soleil. Celui-ci, en effet, « [pousse] les vagues contre la terre. ». On est de fait au couché ou au levé et du soleil, car ce dernier est tout près de l’horizon, mais on ne lui décrit pas les couleurs irisées habituelles, mais lui confère un pouvoir, une force immuable : « son éclat est fixe   », il est la seule entité immobile du texte, d’où son importance. Il existe cependant une rupture dans cette luminosité lorsque le narrateur évoque « naufrages et tempêtes ». On voit alors que si dans ce texte le soleil est doté d’une grande force, il arrive qu’il soit éclipsé, justement lorsque la mer en mouvement, par gros temps, l’éclipse. Les naufrages évoquent en effet la disparition des navires dans les profondeurs, voués à ne plus jamais revoir la lumière.

Tandis que tout bouge, Daniel, le narrateur, coure aussi. Il se sent appartenir à ce milieu, et dans sa course et à cause de ce sentiment, il se dégage une harmonie entre lui et la nature.

Le narrateur fait référence à un conte des Milles et une nuits, Sindbad le marin, et déclare que la mer et la plage qu’il a sous les yeux, « C’était tout à fait comme cela. ». On retrouve une projection dans l’univers imaginaire de l’enfance : ce qu’il a cherché, il l’a trouvé et peut à présent le comparer à ce conte, y retrouver ce qu’il avait imaginé avant. Ainsi, ce monde n’est pas la découverte de l’inconnu, mais la redécouverte de ce dont il n’avait entendu parler que grâce aux livres. D’ailleurs, il dit bien que « C’était comme s’il avait vécu ici depuis toujours ». Cela permet aussi d’évoquer à nouveau le paradis dont il était question plus tôt : nous avons la un univers merveilleux, lumineux, « comme dans les contes ». On se rend compte que le narrateur est vraiment à sa place car il s’y sent parfaitement à l’aise. Alors qu’il est en train de courir, il est dit que ses pieds « choisissaient les meilleurs passages, sans même qu’il ait eu le temps d’y penser ». Cette aisance instinctive de Daniel montre que, sans études des lieux, sans même utiliser sa réflexion, ce qui est propre à l’homme, il réussit à s’adapter dans un milieu pourtant sauvage. D’ailleurs, il a les pieds nus. Directement en contacte avec les roches, habituellement coupantes et dangereuses, et la nature, il n’y a pas l’habituel barrage

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des vêtements protecteurs. Nous avons vu précédemment la place prise par le mouvement dans la description : on peut parler d’une imbrication du récit avec cette dernière. Daniel est en mouvement lui aussi, il est même écrit qu’il « allait à la même vitesse que la mer », pourtant, concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Il s’agit, en quelque sorte, d’une fréquence : lui est en écho avec celle de la mer et du vent, il coure, il ne respire plus dit-on : « sans s’arrêter, sans reprendre son souffle », il semble qu’il ait décidé d’arrêter momentanément de respirer afin d’ « écouter le bruit des vagues », laissant ainsi la mer respirer pour lui. Les dernières lignes de l’extrait évoquent la « danse » des éléments. Le narrateur s’y immisce et essaie d’en faire partie.

En conclusion, ce texte présente les caractéristiques d’une description semblable à un tableau, à la fois mouvementée et poétique. Le narrateur a accès à ce qu’il considérait comme un rêve, il est émerveillé. De plus il cherche l’harmonie avec la nature, et parce qu’il est plein d’admiration pour elle, y réussit.