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NOUVELLE GESTION PUBLIQUE CHANCES ET LIMITES D'UNE RÉFORME DE L'ADMINISTRATION Travaux CETEL, N° 48 - Février 1997 Centre d'étude, de technique et d'évaluation législatives (CETEL) Université de Genève Faculté de droit Uni Mail CH 1211 GENÈVE 4

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NOUVELLE GESTION PUBLIQUE

CHANCES ET LIMITESD'UNE RÉFORME DE L'ADMINISTRATION

Travaux CETEL, N° 48 - Février 1997

Centre d'étude, de techniqueet d'évaluation législatives(CETEL)Université de GenèveFaculté de droitUni MailCH 1211 GENÈVE 4

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TABLES DES MATIÈRES

DELLEY Jean-Daniel

Nouvelle gestion publique. Quand l'Etat se donne les moyens de son

action 1

HALDMEMANN Theo

Zum Stand der NPM / WOV-Reformprojekte in der Schweiz 15

HALDEMANN Theo

Prinzipien des New Public Management (NPM) and der

wirkungsorientierten Verwaltungsfiihrung (WOV) 31

FINGER Mathias

Le New Public Management - reflet et initiateur d'un changement

dans la gestion des affaires publiques 41

HORBER-PAPAZIAN Katia

La nouvelle gestion publique: le point de vue du politologue 61

KNOEPFEL Peter

Le New Public Management: Attentes insatisfaites ou échecs prépro-

grammés - Une critique à la lumière de l'analyse des politiques publiques 73

MASTRONARDI Philippe

Aspects juridiques du nouveau management public 93

MARSAUD Jacques

Recul, redéploiement ou déploiement du management dans les communes?

Questions et tentatives de réponses à partir de l'expérience de Saint-Denis ....105

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Ce cahier contient les exposés présentés lors d'un colloque sur la nouvellegestion publique organisé par l'Institut universitaire Kurt Bôsch (Sion) et leCentre d'étude, de technique et d'évaluation législatives de la Faculté de droit(Université de Genève) et qui s'est tenu à Sion du 2 au 4 octobre 1996.

Liste des intervenants

Bernard DAFFLON, professeur à l'Université de FribourgJean-Daniel DELLEY, maître d'enseignement et de recherche à l'Université de

GenèveMathias FINGER, professeur à l'Institut de Hautes Etudes en administration

publique, LausanneTheo HALDEMANN, collaborateur scientifique à l'Université de Saint GallKatia HORBER-PAPAZIAN, professeur-suppléant à l'Institut de Hautes Etudes

en administration publique, LausannePeter KNOEPFEL, professeur à l'Institut de Hautes Etudes en administration

publique, LausanneJacques MARSAUD, Secrétaire général de la Mairie de Saint-Denis, chargé de

cours à la Sorbonne et à l'Institut d'études politiques, ParisPhilippe MASTRONARDI, professeur à l'Université de Saint Gall

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Nouvelle gestion publiqueQuand l'Etat se donne les moyens de son action

Jean-Daniel Delley

1. Introduction

Les idées de la nouvelle gestion publique (NGP) ont fait une entréeremarquée sur le marché helvétique des réformes. Articles, collo-ques, conférences se succèdent à un rythme soutenu et des appli-cations concrètes sont mises en oeuvre dans de nombreuses collec-tivités publiques (Confédération, cantons, communes).

S'agit-il d'un effet de mode, fréquent dans le domaine de la gestiond'entreprise, ou d'une campagne de promotion savamment orches-trée ? Ou faut-il y voir une perfidie des néo-libéraux, revêtant del'habit de la modernité gestionnaire leur volonté d'affaiblir l'Etat etde restituer au secteur privé les activités publiques rentables ? Lesoupçon est justifié si l'on se réfère à l'expérience anglaise amorcéepar Margaret Thatcher et que poursuit l'actuel gouvernement con-servateur, mais aussi à la vague de démantélement des prestationspubliques qui submerge aujourd'hui les Etats-Unis.

S'agit-il plus prosaïquement de recettes très pragmatiques suscitéespar les impasses budgétaires des collectivités publiques et le refusdes contribuables de voir augmenter la charge fiscale ? Des recetteshâtivement recouvertes d'un vernis théorique?

Il est difficile de répondre de manière péremptoire à ces interro-gations. Chacune d'elles contient peut-être une part de vérité. Laréponse est d'autant plus ardue que les catégories politiques sontsérieusement mises à mal par les expériences concrètes de NGP. DesEtats-Unis à Saint-Denis, dans la banlieue rouge de Paris, en passantpar la Suisse, on voit des exécutifs situés aussi bien à droite qu'àgauche de l'échiquier politique s'essayer à ces réformes.

Au-delà des raisons conjoncturelles qui peuvent expliquer la séduc-tion exercée par les principes de la NGP et leur application plus oumoins fidèle, se pose une question plus fondamentale: y a-t-il une

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transformation du rôle de l'Etat et de ses rapports avec la sociétéqui justifie des modes d'action nouveaux et des changements radi-caux dans le fonctionnement de l'appareil administratif ? Et en quoice qu'on désigne comme la NGP répond-il à cette transformation?C'est à ces deux questions que nous voulons tenter de répondre.

2. La transformation du rôle de I' Etat

Avant d'examiner si la NGP constitue une réponse adéquate à latransformation du rôle et des tâches de l'Etat contemporain, il fautbrièvement décrire les étapes de cette transformation.

La description ci-après est sommaire. Elle se limite à cerner destypes qui n'ont bien sûr jamais existé à l'état pur et qui se sontconcrétisés historiquement à des degrés divers et à des momentsdifférents selon les pays. Par ailleurs, ces types ne se sont pas suc-cédés, par élimination du type ancien au profit du type nouveau,mais plutôt complétés par adjonction: ainsi l'Etat libéral n'a pas cédéla place un beau jour à l'Etat interventionniste; il s'est progressive-ment modifié, sous la pression des demandes de la société, perdantfinalement les traits majeurs du type libéral tout en en conservantcertains aspects.

Pour chacune de ces étapes, nous évoquerons succintement deuxchamps d'intervention -la lutte contre l'alcoolisme et la protectionde l'air (encadrés)- de manière à mettre en évidence les transfor-mations successives du rôle de l'Etat et de ses rapports avec la so-ciété.

2.1 L'Etat libéral

Les sociétés modernes rompent avec le pouvoir monarchique et ledroit divin en faisant appel, pour la conduite de leurs affaires, auxmécanismes du contrat et du marché. Pour assurer le bon fonction-nement de ces mécanismes, l'Etat est investi d'une fonction d'ordre;il définit les règles du jeu dans le cadre desquelles les individus,libres et égaux, peuvent déployer leurs activités en vue de maximi-ser leurs intérêts, et il veille au respect de ces règles.

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Pour le surplus et conformément au principe de subsidiarité, l'Etatlibéral n'exerce qu'une fonction supplétive, lorsque la société civilene parvient plus à résoudre ses problèmes.

La lutte contre l'alcoolisme

En matière sociale, l'Etat laisse à la société civile le soin deproduirer et d'organiser la solidarité. Dans le cas de la lutte contrel'alcoolisme, on observe l'existence d'un réseau d'acteurs privés quiprend en charge ce problème et joue un rôle actif dans la définitiond'une politique publique. L'Etat, mis sous pression par ces acteurs,se limite à préciser les règles du jeu, en renforcant le contrôle sur laproduction et la vente des spiritueux, et à distribuer le produit dela dîme de l'alcool (Bütschi/Cattacin 1994)

La protection de l'air

Dans le cadre de l'Etat libéral, le problème de la pollutionatmosphérique est essentiellement abordé par le biais du droit depropriété, c'est-à-dire du droit privé. Le droit de propriété permetau propriétaire de se défendre contre des émissions excessives duvoisinage qui porteraient atteinte au libre usage de son bien. Mais àl'inverse, ce droit autorise également à émettre des émissionspolluantes pour autant que ces dernières n'incommodent pas demanière abusive les propriétaires voisins.Le fait que la qualité de l'air ne soit pas perçu comme un biencollectif ressort également des quelques règles de comportementqu'établit le droit de police dans le but de protéger l'ordre public.(Delley 1992)

2.2 L'Etat interventionniste

L'Etat interventionniste, qu'on qualifie également de social ou deprovidence, n'apparaît pas soudainement. Il se développe d'abord

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au gré de la prise de conscience des inégalités et des injustices quele marché et le libre jeu des volontés ne parviennent pas à élimineret des revendications exprimées pour les atténuer.

A la fonction d'ordre qui caractérise l'Etat libéral, se superpose cellede redistribution de la richesse et de fourniture de biens et deservices qui doivent compenser les inégalités.

La crise économique de l'entre-deux guerre et le deuxième conflitmondial donnent une impulsion décisive à l'Etat interventionniste.Ce dernier ne se limite plus à effectuer des corrections sociales; ildevient un acteur dominant dans le processus de développement dela société. C'est à lui qu'il incombe d'assurer les fonctions-clé de lacroissance économique: la construction des équipements et desinfrastructures, la formation et la recherche notamment. C'est à luiencore que revient la tâche de maintenir les grands équilibres éco-nomiques (monnaie, emploi, prix) et d'arbitrer l'occupation d'unterritoire limité et convoité de toutes parts. Le temps est aux politi-ques publiques, aux conceptions globales et à la planification. L'Etatse fixe des objectifs ambitieux qui visent à la transformation de lasociété et s'investit activement dans leur réalisation.

La lutte contre l'alcoolisme

Le développement de l'Etat-providence se traduit par la préémi-nence étatique dans la production et l'organisation de la solidarité.L'Etat n'intervient plus à titre subsidiaire mais prend en main etdéfinit les orientations de la politique sociale.Dans la lutte contre l'alcoolisme, par exemple, l'Etat relègue ausecond plan les acteurs privés qui maintenant conforment leuraction aux modèles de gestion définis par l'Etat, dans un cadremédicalisé et professionnalisé (Bütschi/Cattacin 1994).

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La protection de l'air

Le réglement des conflits sur la base du droit privé et les mesuresde police, appliquées de manière ponctuelle, ne permettent pas derépondre à l'aggravation de la pollution atmosphérique provoquéepar le développement économique et l'explosion du trafic automo-bile. L'Etat met en place une politique globale de l'environnementdont la protection de l'air constitue l'un des volets. Il fixe des stan-dards de qualité de l'air et édicte une série de mesures destinées àatteindre ces objectifs. Mais le droit édicté ne constitue pas un ca-dre, une règle du jeu dont le seul respect garantirait la réalisationdes buts visés; il n'est qu'un instrument au service de ces buts, ins-trument susceptible d'adaptations constantes au gré des résultatsobtenus.Ainsi, lorsque les valeurs d'immissions (les indicateurs de la qualitéde l'air recherchée) ne sont pas respectées, les prescriptions sontrenforcées et de nouvelles mesures sont imposées (Delley 1992).

2.3 La crise de l'Etat-providence

Les difficultés économiques qui se manifestent dès le début desannées 70 ont certainement contribué à révéler les limites de l'Etat-providence. Mais révélation ne vaut pas explication. Certes la criseéconomique met en difficulté les finances publiques et freine lacroissance continue des dépenses de l'Etat comme mode de réponseaux problèmes de la société. Mais la mise en question de l'Etat-providence ne résulte pas seulement et d'abord d'une impassefinancière.

De manière générale, on observe un désenchantement à l'égard del'action étatique, une crise de confiance qui résulte du fossé entreles ambitions affichées par l'Etat interventionniste et les résultatsdont il peut se prévaloir. En matière sociale et dans le domaine dela santé, le soupçon pointe que l'accroissement du bien-être n'estpas proportionnel à l'augmentation des dépenses publiques. Dans lechamp économique, l'action de l'Etat apparaît plus paralysante questimulante, quand elle n'est pas tout simplement contre-productive.

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Les analystes de ce qu'on a appelé "la crise de l'Etat-providence"(Cf. notamment Ewald 1986, Habermas 1981, Morand 1991,Rosanvallon 1981, Willke 1992) sont d'accord pour imputer cettecrise à la complexification croissante de la société et à l'impossibilitéoù se trouve l'Etat de piloter cette société sans une collaborationétroite avec les acteurs sociaux. Cette complexité accrue se traduitpar une autonomisation des grands sous-systèmes sociétaux (éco-nomie, science, éducation, santé...) dont la logique de fonctionne-ment met en échec le guidage étatique.

Le modèle de l'Etat-providence a bien fonctionné aussi longtempsqu'il s'est agi de fournir des prestations de base homogènes dansune société relativement stable et homogène elle aussi. Le modèle acommencé à se gripper lorsqu'il a été confronté à une société enévolution de plus en plus rapide, sociologiquement éclatée et expri-mant par conséquent des demandes différenciées.

L'Etat a peine à réagir à cette évolution. Son administration, orga-nisée hiérarchiquement et soumise au principe de légalité -l'actionpublique doit constamment s'appuyer sur une base légale-, manquede souplesse pour répondre à la diversification et à la transforma-tion des demandes de la société. Elle conduit son action selon lesrègles de droit qui détaillent les comportements auxquels elle doitse conformer, et non en fonction du principe d'efficacité. En matièrede dépenses, elle est totalement liée à un budget pointilleux qui a laprétention de définir, une année à l'avance, l'affectation précise desressources disponibles.

Le cadre de l'action administrative n'est pas adapté aux ambitionsde l'Etat interventionniste. Ni les instruments juridiques ni l'organi-sation de l'appareil étatique ne répondent aux exigences d'une con-duite finalisée de la société. Or les ambitions de l'Etat intervention-niste, le rôle qu'il s'est vu confier dans la préservation des grandséquilibres de la société sont devenus des critères de sa légitimité:les autorités ne sont plus légitimées dans leur action par leur seulstatut et par la grâce des procédures démocratiques qui ont présidéà leur désignation; elles tirent leur légitimité surtout des résultatsqu'elles peuvent faire valoir. Lorsque les résultats ne sont pas à lahauteur des attentes, c'est la légitimité des autorités qui est affai-

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blie, c'est l'Etat interventionniste qui doit faire face à une crise deconfiance.

La lutte contre l'alcoolisme

Le rôle prédominant de l'Etat et la para-étatisation de la lutte con-tre l'alccolisme induisent des modèles standardisés de prévention etde prise en charge qui ne parviennent pas à répondre de manièreefficace à la diversité et à la complexité des situations d'alcoolisme.La perte d'autonome des organisations privées -elles ne jouent plusqu'un rôle complémentaire à celui de l'Etat- rend plus difficile lecontact avec les personnes visées par les mesures de lutte contrel'alcoolisme (Bütschi/Cattacin 1994).

La protection de l'air

On observe que le respect des prescriptions réglementaires par lesémetteurs de substances polluantes ne constitue pas une conditionsuffisante du succès de la politique de protection de l'air. Une ges-tion de type réglementaire se heurte à la complexité des causes dela pollution de l'air et aux logiques de comportement des acteursi mpliqués. Le rapport coût/résultat -l'efficience- des mesures pres-crites est loin d'être optimal: l'assainissement de certains émetteursexige un investissement relativement élevé pour une faible réduc-tion de la pollution; à l'inverse, d'autres émetteurs, qui pourraientréduire facilement et à moindre frais leurs émissions bien en-des-sous des valeurs prescrites, ne le font pas par manque d'incitation(Delley 1994a).

2.4 L'Etat propulsif

L'Etat libéral exerce une fonction supplétive dans une société quifonctionne pour l'essentiel par auto-régulation. De l'Etat interven-tionniste, parce qu'il prend en charge directement les problèmes dela société -fixant des objectifs et gérant les moyens de les réaliser-,on a pu dire qu'il colonise la société (Habermas).En réaction à cette emprise croissante de l'Etat sur la société et àl'échec relatif de l'Etat interventionniste s'est développé un discours

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dit "néo-libéral", plaidant pour un Etat plus modeste et un recoursaccru aux mécanismes du marché comme principe régulateur de lasociété. S'agit-il d'un retour au modèle de l'Etat libéral? A ne pren-dre en considération que le discours, on pourrait le croire. La réali-té, même si elle varie d'un Etat à l'autre, est plus complexe.

En effet, derrière les déréglementations et le retrait de l'Etat, par-fois effectifs mais le plus souvent déclaratifs, on peut observer unréajustement de l'action publique et des rapports entre l'Etat et lasociété. Le principe de subsidiarité revient au premier plan, maisavec un sens nouveau. Contrairement à l'Etat libéral qui n'intervientqu'en dernier ressort, lorsque l'échec de la société civile est mani-feste, contrairement à l'Etat interventionniste qui conçoit et appli-que directement ses solutions, l'Etat incitateur, qu'on qualifie égale-ment de propulsif ou de réflexif, table sur la coopération étroite dela société civile et de ses expressions organisationnelles pour réali-ser des objectifs collectifs. Cette coopération se traduit par l'adop-tion de programmes d'action qui épousent la logique de comporte-ment des acteurs sociaux, logique dorénavant instrumentalisée auservice de l'intérêt public. Elle se concrétise également par le re-cours accru à ces acteurs privés pour assurer la mise en oeuvre despolitiques publiques. Pour FEtat incitateur, la subsidiarité porte surles moyens de réaliser les objectifs qu'il a lui-même préalablementdéfinis.

La lutte contre l'alcoolisme"Dans le cas de l'alcoolisme, cette réactivation de la subsidiarité,assortie d'une action organisatrice de la part de l'acteur étatique, aeu pour effet une réintégration des stratégies des acteurs privésdans l'élaboration de politiques publiques marquées par des effortsd'épargne. A différents niveaux, on oberve que l'Etat transfère destâches étatiques à des acteurs privés, que ce soient des tâches decoordination (...) ou des tâches spécifiques (...). Aux efforts d'épar-gne correspond également une rationalisation du secteur. Une desprincipales stratégies de rationalisation consiste à inclure le pro-blème de l'alcoolisme dans des programmes plus généraux de pré-vention de la santé et à distribuer des subventions selon des critè-

Ires précis" (Bütschi/Cattacin 1994:243).

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La protection de l'airDans ce domaine, on en est encore aux intentions. L'idée consiste àrenforcer la lutte contre la pollution atmosphérique en favorisantune allocation optimale des investissements.: l'entreprise qui par-vient à réduire ses émissions en-dessous des valeurs limites auto-risées reçoit en contre-partie des bons de pollution qu'elle peutcéder contre rémunération à d'autres entreprises pour qui le res-pect de ces valeurs représente un investissement lourd. Ou encore,un ensemble d'entreprises situées en un lieu déterminé se voitimposer une quantité globale d'émissions, libres à elles de répartircette quantité entre les différents émetteurs de l'ensemble selon lecritère de l'efficience (Delley 1994a).

3. La nouvelle gestion publique

L'émergence des nouvelles formes d'action qui caractérisent l'Etatpropulsif (incitateur, réflexif) ne s'explique pas d'abord et seule-ment par les difficultés financières de collectivités publiques. Certesces difficultés ont stimulé la réflexion et les réformes de l'agir étati-que. Mais ces nouvelles formes d'action trouvent leur justificationpremière dans la prise de conscience des limites de l'Etat providen-ce confronté à la complexité croissante de la société. Le fait est quecette société ne peut plus être dirigée par un pilote central jouissantd'une autorité pré-établie et dictant aux sous-systèmes sociétauxdes comportements garants à la fois de l'intérêt public et de lasatisfaction des besoins de la société (Willke 1991).

Ce constat ne signifie pas pour autant que l'Etat, reconnaissant sonéchec à transformer la société et à réaliser de grandes finalitéscollectives, se retire purement et simplement, laissant aux acteurssociaux et aux mécanismes du marché le soin de la régulation desdomaines maintenant abandonnés par lui. Un tel scénario implique-rait le retour en force de l'Etat libéral. Or le scénario qui semble sejouer actuellement est d'une autre nature: il ne traduit pas tant uneretraite honteuse et un désintérêt de la puissance publique à l'é-gard de certains problèmes sociétaux qu'une réorientation de la

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stratégie de l'agir étatique. Cette stratégie, fondée sur la coopérationavec la société civile et sur le dynamisme d'acteurs sociaux dontl'autonomie est pleinement reconnue, exige des modifications radi-cales dans l'organisation interne de l'Etat et dans les rapports quece dernier entretient avec la société. C'est dans ce sens que nousi nterprétons l'intérêt manifesté aujourd'hui pour les principes de lanouvelle gestion publique (NGP).

3.1 Le renforcement de la capacité de pilotage

Dans l'accomplissement de ses tâches -régulation et fourniture deprestations- l'Etat incitateur veille à ne jamais perdre de vue lesbuts recherchés et à adapter en permanence son action. Lorsqu'iltransfère des tâches -que ce soit au secteur associatif ou au secteurprivé marchand-, c'est parce qu'il en attend une exécution plus effi-ciente et plus efficace. Ce transfert n'est pas abandon mais déléga-tion dans le cadre d'une "vision programmatique"(Bütschi/Cattacin),en fonction d'objectifs que les autorités ont elles-mêmes définis etdans des conditions qui assurent un contrôle des résultats obtenus.Voilà ce que préconisent les adeptes de la NGP.

Pour reprendre l'expression d'Osborne et Gaebler, les pouvoirs pu-blics se préoccupent moins de ramer que de tenir le gouvernail. Enclair, ils fixent les priorités collectives, évaluent les différentes pos-sibilités d'action, dégagent des ressources financières, formulent desmissions plus qu'il ne s'investissent dans les détails de la réalisa-tion. Identifier et définir les problèmes, formuler des buts, attri-buer des mandats, évaluer les résultats obtenus et, le cas échéant,redresser le gouvernail, telle est la fonction prioritaire de l'Etat, safonction stratégique.

L'accent mis sur le rôle stratégique de l'Etat signifie une réhabili-tation du politique, de la fonction de gouvernement, au sens étymo-logique du terme. Pouvoir exécutif et législatif, libérés de la gestiondu quotidien et des contrôles tâtillons qu'elle implique, sont alorsdisponibles pour leur tâche de pilotage. Le paradoxe n'est qu'appa-rent: en en faisant moins, en renoncant à cette agitation permanen-te et ponctuelle qui caractérise l'Etat interventionniste, en accordantl a priorité aux fonctions de catalyse et de coordination, l'Etat incita-

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teur et son administration se donnent les moyens d'une politiqueplus compréhensive, plus stable et, en définitive, d'un meilleuri mpact sur le devenir de la société.

3.2 L'exigence d'autonomie

Le renforcement du rôle stratégique de l'Etat et de ses autorités vade pair avec une grande autonomie du niveau opérationnel, desservices administratifs qui ont mandat de concrétiser une politique.comme des usagers ou des destinataires de cette politique.L'attribution de responsabilité au niveau le plus proche du terrainoù se déroule l'action est une exigence qui découle de la complexitédu réel à gérer. C'est cette proximité qui assure l'adéquation entreles moyens engagés et les besoins et qui facilite le fonctionnementdes mécanismes de contrôle et d'adaptation.

Ainsi l'administration doit disposer d'une liberté suffisante dansl'affectation des ressources à sa disposition, dans le cadre d'un man-dat qui lui est confié; c'est à cette exigence que répond la techniquedu budget par enveloppes. Ainsi, dans la mesure du possible, lesusagers se verront attribuer les moyens financiers et information-nels d'acquérir une prestation (liberté de choix) et non imposerdirectement une prestation standardisée.

L'Etat incitateur, parce qu'il ne prétend pas détenir lui seul et apriori le savoir de l'agir social, est aussi un Etat expérimentateur.L'autonomie de l'administration et des acteurs sociaux crée lesconditions de cette expérimentation tout comme des possibilitésd'erreur. Mais contrairement au scénario de l'Etat-providence,l'erreur ne conduit pas à un renforcement de l'emprise étatique surla société: elle est une occasion d'apprentissage et d'améliorationdes mécanismes de régulation.

4. Conclusion

Insistons une fois encore: l'Etat propulsif n'a pas et ne va pasremplacer l'Etat interventionniste, pas plus que ce dernier n'aéliminé l'Etat libéral. Ces différentes formes coexistent selon despondérations qui varient dans le temps. Aujourd'hui, les limites

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reconnues de l'Etat interventionniste, conjugées aux difficultésfinancières des collectivités publiques, semblent ouvrir la voie à desmodalités d'action nouvelles qui caractérisent ce que nous avonsappelé l'Etat propulsif (incitateur, réflexif).

Ces modalités d'action impliquent une réforme profonde dufonctionnement de l'appareil étatique, afin que ce dernier puisseexercer sa tâche de pilotage, dans un rapport de coopération avecune société complexe et hétérogène.

Dans la mesure où la NGP préconise la réhabilitation de cettefonction de pilotage et valorise l'autonomie des acteurs impliquésdans l'agir étatique, elle répond au besoin de réforme du servicepublic qu'appelle l'émergence de l'Etat incitateur.

Méfions-nous néanmoins des formules séduisantes et des effets demode. Si la NGP ne consiste qu'à habiller de neuf l'entreprise d'af-faiblissement de l'Etat conçue par les néo-libéraux, alors elle necorrespond en rien aux exigences des sociétés modernes. Elle necontribuera qu'à accélérer la désagrégation et l'exclusion sociales enfaisant porter aux plus démunis le prix de l'assainissement des fi-nances publiques et de l'amélioration des conditions de la compé-tition économique.

Face aux expériences en cours dans notre pays, il faut donc fairepreuve d'esprit critique. De la NGP, nous n'attendons pas seulementet d'abord des économies. Au-delà d'un meilleur rapport qualité-prix des prestations proposées et d'une meilleure adéquation del'offre de biens publics à la demande sociale, la NGP met en valeurle citoyen-usager, libre de ses choix contrairement au citoyen-administré, la société civile et ses initiatives; elle implique lerespect de la diversité sociale contre le traitement réducteur desproblèmes et l'amélioration des conditions de travail de la fonctionpublique (Delley 1994b). C'est sur ces critères que nous jugerons lesrésultats.

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Bibliographie

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Zum Stand der NPM / WOV-Reformprojekte in der SchweizGliederung und Kurzfassung des Referats von

Theo Haldemann1) Einleitung

- Umfassende NPM/WOV-Reformprojekte in der Schweiz- Reformprojekte mit ausgew hlten NPMiWOV-Elementen

2) Produktdefinition- Produkt-Blatt- Beispiel: Produktegruppen and Produkte des Kantonalen Labors SH- Beispiel: Produkt Immissionsmessungen des Kantonalen Labors SH

3) Leistungsvereinbarungen- Vereinbarungsebenen- Leistungsvereinbarungen and Kontrakte- Controlling-Instanzen and Berichtswesen

4) Globalbudgets and Prod uktegruppenbudgets- Detail- and Produktebudget- Beispiel: Alte Budgetgliederung (nach Kostenarten)- Beispiel: Neue Budgetgliederung (nach Produktegruppen)

5) Anwendung weiterer Verwaltungsreform-Methoden- Management-Techniken- Kunden-Orientierung und Qualit âts-Sicherung- Markt- Konkurrenz- und Wettbewerbs-Elemente

6) Schlussfolgerungen

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1) Einleitung

I n der Schweiz sind zur Zeit folgende umfassenden NPM/WOV-Reformpro-jekte ( Projektname i n Klammern) bereits angelaufen bzw. i n Vorbereitung:

Bund: Reform des Eidg. Milit6rdepartements (EMD 95), Führen mit Lei-stungsauftrag and Globalbudget (FLAG);

Kantone: Aargau, Basel-Landschaft (Leiste), Basel-Stadt (PuMa), Bern( NEF 2000), Freiburg (NPM), Genf (NPM), Graubünden (NPM), Luzern(WOV), Schaffhausen (WOV), Solothurn (Schlanker Staat), Wallis(Administration 2000, Education 2000, Justice 2000 usw.), Zurich (wif!);

Stadte: Baden AG (WOV), Bern BE (NSB), Kdniz BE (DUK 2000), ThunBE (?), Zurich ZH (WOV), Winterthur ZH (WOV), Uster ZH (Optimus),Dübendorf ZH (Verwaltungsreform 97), Wadenswil ZH (?);

Gemeinden: Aarberg BE, Dürrenroth BE, Langnau BE, Saanen BE,Sigriswil BE, Wohlen BE and Worb BE (7 Berner Gemeinden ais neu-zeitliche Dienstleistungsunternehmen), Oberriet SG (WOV), OberuzwilSG (WOV).

Diese NPM/WOV-Reformprojekte setzen aile bel der Definition von(Verwaltungs)Produkten ein und bauen die neuen SteurungsinstrumenteLeistungsvereinbarung und Globalbudget auf. Daneben existieren auf aliendrei Staatsebenen eine Vielzahl von Reformprojekten mit ausgewâ hltenNPM- bzw. WOV-Elementen wie zum Beispiel Leistungsauftrâgen im Spi-tal- und Strassenbaubereich, Globalbudgets im Kultur- und Universit âts-bereich usw., weiche so auf die aktuellen Sparvorgaben reagieren.

These 1: Die schweizerischen WOV-Reformprojekte folgen einem prag-matischen Personal- and Organisations-Entwicklungs-Ansatz, weicherVerwaltung, Regierung and Parlament mdglichst von Anfang an in denReformprozess mit einbezieht.

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2) Produktdefinition

Mit der Definition von Produkten and Produktegruppen werden die Aufga-ben, die Aktivitôten and die Leistungen der ôffentlichen Verwaltung so ge-bündelt, dass sich auch die direkten Abnehmer/innen dieser Leistungengenau identifizieren lassen, n âmlich die Kundinnen and Kunden. Weiterwird für diese Produkte versucht, die übergeordneten Zielsetzungen ausden gesetzlichen Vorschriften and den politischen Weisungen so einfachwie môglich and so umfassend wie nôtig zu formulieren. Daraus kônnendann die operativen Mengen-, Qualit âts-, Fristen-, Kosten- and Zufrieden-heitsziele abgeleitet and mit Kosten- bzw. Leistungsindikatoren versehenwe rd en.Erst so definierte Produkte und Produktegruppen, d.h. Gruppen von ver-wandten Produkten, ermôglichen dann den Übergang von der Input-Steue-rung (Ressourcen-Steuerung) zur Output-Steuerung (Kosten-, Leistungs-und Wirkungssteuerung) mittels Leistungsvereinbarungen und Global-budgets.These 2:. Die Produktdefinition von NPM/WOV ermôglicht erstmals einesystematische Vermessung und Optimierung der Verwaltungsleistungen,welche nach innen erbracht oder nach aussen abgegeben werden.

3) Leistungsvereinbarungen

Die Leistungsvereinbarungen stellen nichts anderes als enen zwischenDepartement (Direktion) und Dienststelle (Amt) getroffenen Management-Kontrakt über die Leistungserstellung dar, weicher die Rahmenbedingun-gen für eine Vierjahresperiode (sog. Rahmenkontrakt) und die Zielsetzun-gen für das nôchste Jahr beinhaitet (sog. Jahreskontrakt). Neben einerAufzôhlung der zu erstellenden Produkte beihaltet der Rahmenkontrakt

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auch Vorgaben zur Qualitâtssicherung, zum Berichtswesen und zur Depar-tementsaufsicht. Die einzelnen Produkte werden erst im Jahreskontraktaufgelistet - zusammen mit der Kontraktsumme und den aktuellen Jahres-zielen der Dienststelle.Für die Dauer des NPM/WOV-Versuchsbetriebs beinhalten sie auch sâmt-li che Ausnahmeregelungen, welche es den Versuchsdienststellen ermdg-lichen, von den gültigen Finanzhaushalts- and Personalbewirtschaftungs-Vorschriften bis zu einem gewissen Grad abzuweichen.

These 3: Leistungsvereinbarungen verschaffen Volk, Parlament undRegierung nicht bloss Transparenz über die Staatstâtigkeit, sondern auchvermehrt gestalterische Einflussnahme auf Kosten, Leistungen und Wir-kungen dieser Staatstâtigkeit. Und innerhalb der Verwaltung kann dadurchmittels abteilungs- und mitarbeiterbezogenen Zielvereinbarungen( Management by Objectives) erstmals tatsâchlich geführt werden.

4) Globalbudgets und Prod uktegruppen budgets

Die neuen Globalbudgets der NPM- bzw. WOV-Dienststellen weichen vonder bisherigen Budgetgliederung des neuen Rechnungsmodells (FDK-Modells) wie folgt ab: Staff detaiiliert nach Aufwands- und Ertragsarten istdas neue Globalbudget nur noch grob nach Produktegruppen spezifiziert -es wird deshalb auch als Produktegruppenbudget bezeichnet. Es beinhaltetaber nicht bloss die bisherigen Aufwands- und Ertragspositionen, sonderndie vollen Kosten und Ertrâge, welche i n der jeweiligen Dienststelle anfal-l en, d.h. sâmtliche internen Verrechnungen für die Leistungsbezüge (wiez.B. Râumlichkeiten, Informatikmittel, Büromaterial usw.) sowie sâmtlichekaiku(atorischen Zuschlâge für die Kapitalbeanspruchung (wie z.B. kalkula-torische Zinsen).

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Beim neuen Globalbudget werden vom Parlament bloss die Nettokostenpro Produktegruppe sowie die Nettokosten pro Dienststelle rechtsverbind-li ch beschlossen; dies ermôglicht innerhalb der Produktegruppe eine ge-wisse Verschiebbarkeit der Budgetmittel von einem Produkt zum anderen,ohne dass dafür eine Kreditverschiebung oder ein Nachtragskredit beimParlament eingeholt werden muss. Die zus,~tzlichen Angaben zum Amts-auftrag, zu den übergeordneten Zielsetzungen einer Produktegruppe undzu den jeweiligen Kosten-, Leistungs- und Wirkungsindikatoren habenlediglich informativen Charakter - sie sind also nicht Teil des Budget-beschlusses.

These 4: Produktegruppenbudget (Globalbudgets) bringen input- and out-putbezogene Informationen über die Staatst â tigkeit erstmals systematischzusammen; wâhrend die Kosten des Ressourceneinsatzes nur in globali-sierter Form beschlossen werden, sollen Leistungs- and Wirkungsindika-toren zu den einzelnen Produktegruppen detailliert Auskunft geben.

5) Anwendung weiterer Verwaltungsreform-Methoden

W6 hrend die Management-Techniken aus der Privatwirtschaft - wie z.B.Aufgaben-Dezentralisierung und Kompetenz-Delegation (Agency-Bildung)oder Führen mit Zielvereinbarungen (Management by Objectives) - beisbmtlichen NPM/WOV-Reformprojekten i n der Schweiz Einzug erhaltenhaben, dürften folgende Optimierungs-Techniken und Reorganisations-Methoden i n der dffentlichen Verwaltung erst noch eingesetzt werden:

Kunden-Orientierung and Qualitâts-Sicherung durch Total Quality Mana-gement (TQM), Process Reengineering, Qualitatszirkel (Kaizen) oder' Search for Excellence', um den Kund/innen die gewünschte Leistungs-

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qualit6t bzw. den Mitarbeiter/innen die gewünschte Prozessqualit M künf-tig besser zu ermdglichen.

o Markt-, Konkurrenz- and Wettbewerbselemente des ' Benchmarking', des'Competitive Tendering' oder des 'Contracting In/Out'.

Diese beiden Verwaltungsreform-Methoden finden sich bisher eher beidenjenigen Projekten i n den schweizerischen Verwaltungen, welche nureinzelne NPM- oder WOV-Elemente umzusetzen versuchen, z.B. im Spital-oder Strassenbaubereich.These 5: Die Anwendung weiterer Reform-Methoden wie z. B. kunden-orientierte Reorganisation, Zertifizierung nach ISO 9000 ff. oder Ausschrei-bungen erfolgt in der Regel vor oder nach der Einführung neuerNPM/WOV-Steuerungsinstrumente, nicht parallel dazu.

6) Schlussfolgerungen

Bei den eigentlichen, d.h. umfassenden NPM/WOV-Reformprojekten i n derSchweiz besteht nach dem Aufbau der neuen Steuerungs-InstrumenteLeistungsvereinbarung und Globalbudget noch eine grosser Nachholbedarffür die Umsetzung von Qualitatssicherungs-Massnahmen, Kunden-Orien-tierungen und Konkurrenz- und Wettbewerbs-Elementen. Die meist erst indiesem Jahr angelaufenen NPM/WOV-Versuche lassen somit noch kein"genuin schweizerisches Muster" der Verwaltungsreform erkennen.These 6: Erste Trends zur Entwicklung der schweizerischen NPM/WOV-Reformprojekte lassen sich erst nach der Fertigstellung der Jahresberichte1996 zuverl ,;jssig abschatzen, d.h. nach Abschluss des ersten Versuchs-j ahres i n den Dienststellen.

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Produkt-BlattProdukt

Produkte-gruppe

Kunden

übergeord-netes Ziel

Finanzierung

Mass-nahmen

operative Ziele and Indikatoren

Ziel A

Ziel B

Ziel C

Vorj ahr

Vorj ahr

Vorj ahr

Soll

Soll

Soll

Ist

Ist

Ist

Kommentar

Kommentar

Kommentar

5%

26%

Gebühren® Kontraktsumme

~

Kommerzielle Ertrage1

21J

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wov SH: Produkte und Produktegruppen des Kantonalen Laboratorium für Lebensmitteikontrolte und Uniweltschutz(Stand 27.1.96)

Produktgruppen ProdukteLebensmittelkontro1le 11 Untersuchung und Beurteilung von Lebensmitteln, Zusatzstoffen und

12Gebrauchsgegenstanden,I nspektion und Beurteilung von Lebensrnittelbetrieben.

13 I ntegrale Kontrolle von Trinkwasser und Trinkwasserversorgung.

Abfall- und 21 Ueberwachung des Verkehrs mit Giften und Stoffen.22 Abfallbewirtschaftung.Chemikalienbewirtschaftung 23 Giftentsorgung.24 Ueberwachung der Deponien, Verdachtsflâchen und Altlastenstandorte inkl,

25Bewilligungswesen.Integrale Beurteilung aller Umweltbelange in kant. Baubewilligungsverfahren.

Gewâsser- und Bodenschutz 31 Ûberwachung und Beratung in Gewasserschutzbelangen (Landwirtschaft,

32I ndustrie und Gewerbe usw).Uberwachung und Beratung der Khranlagebetreiber.

33 Überwachung und Beratung in Belangen des Bodenschutzes.

Lufthygiene, Lârm 41 I mmissionsmessungen42 Ueberwachung und Steuerung der Emissionen

Risikovorsorge / 51 Risikovorsorge.

Ereignisbearb'eitung 52 Ereignisbearbeitung.

Vollzugsvorbereitung (Projekte) 61 Zwischenbilanz und Fortschreibung Massnahmenpian Lufthygiene62 I nterre. II Klett • au

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23

Produktgruppe: Lufthygiene, Làrm

Produkt: Immissionsmessungen 41Bestelfer: Departement des innern

Kunden: N4-Büro, Buwal, Offentiichkeit

LJbergeordnete Ziele: Die Qualitàt der Luft soil gezielt und projektorientiert ermittelt und kommu-niziert werden.

Operative Ziele IndikatorenMenge Messreihen zur Weiterf ihrung der Lang-

zeitmessungen von gasfdrrniaen Luft-verunreinigungenverunreinigungen sowie Betreiben einesStaubmessnetzes.

Anzahl Messreihen.

1Qualit ili t VollstAndige Messreihen ais brauchbare

Basis für eventuelle lufthygienische Ent-scheidungen.

Anteil der Messreihen mit reprasentati-ven Resultaten ùber 70%.

Fristen Standortberichte, Jahresausweriung,Monatsauswertungen sowie Publikationtermingerecht erstellt.

Anteil termingerechter Berichte über90%.

1Kostert KostengUnstige Messreihen.

Kostendeckungsgrad.

Franken pro Messreihe.

x°1y%.1dKunden-zu- Zufriedene Kunden (N4, Buwal. Medien . Anteil zufriedener Kunden mind. 80 %.

friedenheit

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Produktbudget

Departements-auftr ge

yC.,CL

EC)LLrC~$L1,Q)Q

Kontrakte

Vereinbarungsebenen

EQ)

Bürgerinnen, Bürger

CQ)EQ)c'3L],C)Q

CCm3QJ

Parlament

Exekutive

CQ)EQ)

rCC)EC)ylrCGL].C

CCJEC)1-4CGO..CJQ

Leistungs-finanzierer

LeistungseinkauferiCQ)EQ)y+LrccaQ)o

Leistungs-erbringer

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Globalbudgets und Leistungsvereinbarungen

Checkliste für die Prüfung eines Rahmenkontraktes:

1. Hinweis auf gesetzliche Grundlagen und generelle Regelungen

2. Bezeichnung der Kontraktparteien

3. Dauer des Rahmenkontraktes

4. Auflistung s amtlicher Produktegruppen (Kunden, Ziele)

5. Besondere Regelungen für NPM/WOV-Pilotprojekte:

a)

Gemeinwirtschaftliche Leistungenb)

Kommerzielle (freiwillige) Leistungenc)

Zahlungskonditionen und Rechnungsfuhrungd)

Subventionene)

I nvestitionenf)

Versicherungeng)

Personal

6. Kompetenzen und Kompetenzvorbehalte

7. Aufsicht durch das Departement

8. Qualit tssicherung und Berichtswesen

9. Anderung und Auflüsung des Kontraktes

Checkliste für die Prüfung eines Jahreskontraktes:

1. Auflistung der einzelnen Produkte einer Produktegruppe2. Kontraktsumme

3. Jahresziele

25

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26

Control li ng-l nstanzen

0

0

I

m issios

aiOMAlens

Führungsbereich [ Controlling-Bereich

(Support/informell/fach

"I

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Alte Darstellung

Detaillierte (bis vierstellige)Artengliederungje Funktion oder Institution(ebenfalls bis vierstellig)

O Aufwand Ertrag

Neue Darstellung

Produktgruppe (PG) Kosten

ABCD

p.m.

Detail- and Produktbudget

Erlose

Netto fürDiens telle:

kalkulatorische Zuschlage:Leistungen anderer Dienststellen

kalkulatorische Abschlage:Leistungen fur andere Dienststellen

Netto pro PG

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28 .1

FURSORGE- UND GESUNDHEITS-DIREKTION

voranschlag

Au` and

1995

Errag

Voranschlag 1994 Rechnung 1447

36

KINDERKRIPPEN

Fr. Fr. F Fr .

TOTAL AUFWANO 8 433 980 - 8 470 290 8088638.40TOTAL ERTRAG 2 122 610 2 227 730 - 2 099 395.35-NETTO-AUFWANO 6 316 370 - 6 242 560 5989243.05

0:0.00 Lùhr.e und Zulacan 6 226 140 - 6 220 160 5 811 231.70030.00 Arbaitgeberbeitrïge an

Soz:alversicheruncen 418 290 - 333 400 343 873.50040.00 Arbeitgeberbeitrâge an Stàdt.

Personalvorsorcekasse 492 990 - 496 040 477 936.45050.00 Arbeitgeberbeitr â ge an Unfall und

Krankenversicherungen 93 620 - 85 210 62 299.40071.00 Laufender Einbau der Teuerungs-

zulagen fùr Rentner - 45 730 51 290.-090.00 Aus- und Weiterbildung Personal 61 310 - 60 420 39 700.10r 1.00 Personalwerbung 32 540 - 32 040 18 394.-- 3.00 Verschiedene Personalkosten 5450 - 5 340 2357.601 00.00 Bùromaterial. Drucksachen. Inserate . . . . 7040 - 6 9E0 7410.75

1 04.00 Fachliteratur und Zeitschriften 3420 - 2 640 3464.95; 1 06.00 Schuirnaterialien fù. Unterricht 1 5 300 - 16 220 1 6 751.70H10.00 Anschafiung von Mobilien,

Maschinen, Fahrzeugen 21 240 - 28 100 25 420.953113.00 Anschafiung von W â sche, Kleidern,

Geschirr 6760 - 2070 9448.703120.0O Wasser, Energie und Heizmaterialien . . . . 8; 170 - 94 180 82 986.303130.00 Betriebs- und Verbrauchsmaterialien .

. . 37 760 - 44 800 44 547.853132.00 Lebensmittel und Getrznke 311 020 - 302 260 311 067.353140.00 Dienstleistuncen Dritter f. den

baulichen Unterhalt 23 940 - 29 700 1 26 993.153153.00 Dienstleistungen Dritter für

den übrigen Unterhalt '1 1 400 - 12 000 12 057.603160.00 Miete. Pacht und Benütungskosten 178 910 - 1 80 460 177 188.353170.00 Reise- und Spesenentschâdigungen . . . . 3370 - 3 720 3582.75

.00 Exkursionen. Schuireisen. Lager 11 020 - 14 250 11 631.453180.00 Honorare und Entschzdigungen

für Dienstleistungen Dritter 3030 - 3 360 4770.303183.00 Porti- und Postcheckgebühren 2660 - 2 520 2867.403134.00 Telefon -, Telefaxgebühren 2-' 320 - 23 350 24 197.803136.00 Versicherungspràmien 14 970 - 18 430 1 5 021.903127.00 Steuern und Abgaben, übrige

Gebühren 1 S270 - 21 160 1 9 155.053199.00 Ubriger Sachaufwand 3 600 - 7 440 3587.353660.00 Beitri ge an private Haushalte 1 3 870 - 1 3 630 1 2503.-3902.00 Verrechneter Sachaufwand 8 560 - 7 410 8560.-3903.00 Verrechnete Dienstleistungen . . 294 010 - 307 290 353336.-4320.00 Verpflegung. Unterkunft Personal

. . . . 132 610 1 30 630 - 122381,70-

43-'0.00 Andere Benützungsgebühren,Dienstleistungen _ 1 915140 2 023 600- 1 877574.90 -

1360.00 Rùckerstattungen Dritter . • . . . • . . . 38 840' 38000 - 63799.95 -1390.00 Ubrige Entgelte • , • . . 36 020 35 500 - 35638.80-

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Seite 23

Jugendamt

Total

Nettokosten

Kostendeckungsgrad: 53.7

Ûbergeordnete Ziele:

Produktegruppe Tagesstatten

Voranschlag 1996

Voranschlag 1995

Rechnung 1994Kosten

ErtragFr.

Fr.

Fr.

Fr.

20 812 440.-

11 180 340.-

9 632 100.-

Unterstützung der Eltern (sofern die Selbsthilfe nicht ausreicht) durch familien-ergânzende Einrichtungen der Tages- and Teilzeitbetreuung and Schaffung derRahmenbedingungen, die zur bundesgesetzlich garantierten Gleichstellung vonMann and Frau notwendig sind. Die professionelle Betreuung soil effizient and inhoher Oualitàt erfolgen. Abbau der Warteliste.

pro Platz

pro Platz

durchschnittliche Bruttokosten proKrippen- bzw. Tagesheimplatz

durchschnittliche Bruttokosten proPlatz nach Abzug der Elternbeitrâge

29

∎ Angemessener Ressourceneinsatz

Betreuungsverhaltnis bei stâdt. Angebot 1 : 4Betreuungsverhâltnis bei subv. Angebot 1 : 4Kosten pro Betreuungstag (stâdt.) 121.-

Kosten pro Betreuungstag (subv.) 99.-

Produkte: ∎ Tagesbetreuung für Kinder i m Vorschulalter i n stâdtischen Krippen∎ Tagesbetreuung für Kinder i m Schulalter in stâdtischen Tagesheimen∎ Tagesbetreuung für Kinder i m Vorschulalter i n priva, geführten. subventionierten

Einrichtungen

Operative Ziele:

Leistungsindikator Vorjahr

Soll

1st Bemerkungen

∎ Optimale Bereitstellung der Betreuungplâtze

Anzahl stâdtischer Plâtze 300+220 Krippen- bzw. Tagesheimplâtze

Anzahl subventionierter Pl5tze 245Auslastungsgrad der stâdtischen Plâtze >95%

Auslastungsgrad der subv. Plâtze >95%

Wartequote Anz Pers. auf Warteliste geteiltdurch Total verfügbare Plâtze

a Zufriedene Kundinnen. und Kunden

Anteil zufriedener Eltern bei stâdt. Angebot 75% zufrieden bis sehr zufrieden

Anteil zufriedener Eltern bei subv. Angebot 75% zufrieden bis sehr zufrieden

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Prinzipien des New PublicManagement (NPM)and der wirkungsorientiertenVerwaltungsführung (WOV)Gliederung and Kurzfassung des Referats von

Theo Haidemann1) Einleitung

- Problemstellung- Ldsungsansatze

2) Philosophie des New Public Management (NPM)- I nternationale Trends im Verwaitungsmanagement- NPM-Reformen

3) Modell der wirkungsorientierten Verwaltungsführung (WOV)- Wirkungsorientierte Verwaltungsführung- WOV-Kernelemente

4) Methoden der Verwaltungsoptimierung- Management-Techniken- Kunden-Orientierung and Qualitats-Sicherung- Markt-, Konkurrenz- and Wettbewerbs-Elemente

5) Schlussfolgerungen- Entwicklungsziele- Herausforderungen an die Kommunikation- NPM/WOV-Botschaft

Literaturverzeichnis NPM/WOV (Einführungen)

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1) Einleitung

Die sozialen, ôkonomischen und ôkologischen Ansprüche an den Staatnehmen heute weiter zu, wôhrend die dffentlichen Finanzen immer knapperwerden. Ein Ende dieser gegenldufigen Entwicklungen 1 st nicht absehbar;die finanzpolitischen Probleme verschârfen sich zunehmend: Die Verschul-dung der dffentlichen Hand nimmt stark zu, die Substanzerhaltung derdffentlichen lnfrastrukturbauten ist heute nicht mehr gewâhrleistet.Deshalb braucht es vermehrt ôkonomische Lôsungsansatze, welche auchi n Politik und Verwaltung ein besseres Preis-/Leistungsverhdltnis bei dendffentlichen und meritorischen Gütern erzielen helfen. Bei diesen Reformengeht es nicht urn blosses Sparen (=Reduktion des I nputs, d.h. Budgetkür-zungen und Stellenabbau) oder Privatisieren (=Verzicht auf dffentlicheProblemldsung), sondern um eine gezielte ôkonomische Optimierung derstaatlichen Leistungserbringung und Wirkungserzeugung.These 1: Das New Public Management (N PM) and die wirkungsorientierteVerwaltungsführung (WOV) versuchen, durch eine gezielte ôkonomischeOptimierung der Kosten, Leistungen and Wirkungen der Staatstâtigkeit diesteigenden Ansprüche der Bevôlkerung, der Wirtschaft and der Umwelt beiknapperen dffentlichen Finanzen besser zu befriedigen.

2) Philosophie des New Public Management (NPM) 1

Die Entwicklung einer neuen Management-Philosophie für die dffentlicheVerwaltung ging anfangs/mitte der 80er Jahre von Australien and Neusee-land aus: Regierungen der Labour Party wie der Conservatives bautenvermehrt Führungskonzepte der Privatwirtschaft (Dezentralisierung vonAufgaben, Delegation von Kompetenzen and Verantwortungen) sowieMarkt- and Wettbewerbselemente (Ausschreibungen, Teilprivatisierungen)

' siehe auch Haidemann (1995.1 ff)32

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i n den ôffentlichen Bereich ein. Sie Ibsten damit nicht bloss eine nachhal-tige Verwaltungsreform, sondern eine richtiggehende Verwaltungsrevolu-tion aus, weiche weltweit als "New Public Management" bekannt wurde.I n Grossbritannien erfolgte eine tiefgreifende and umfangreiche Reformdes dffentlichen Sektors and der dffentlichen Verwaltung in der AraThatcher, and zwar in Form einer "neoliberalen Revolution von oben", wel-che vor allem staatliche Betriebe (z. B. British Leyland, British Telecom) pri-vatisierte and sozialdemokratische Grossstadte in einzelnen Politik-bereichen (z.B. Fürsorge- and Gesundheitswesen) gezielt entmachtete(' Financial Management Initiative', 'Next Steps Initiative', 'Local GovernmentAct'). In den Vereinigten Staaten von Amerika versuchen hingegen dieDemokraten in der Ara Clinton/Gore, die bundeseigenen Vollzugsbehbrdenzu erhalten and insbesondere in den republikanischen Staaten and StiJidtenzu verteidigen, indem sie deren Leistungen umfassend messen sowie ge-zielt optimieren and publizieren ('Performance Measurement Program').I n den Niederlanden 1st die Stadt Tilburg mit i hrem Kontrakt-Management-Modell bekannt geworden, indem verwaltungsinterne Leistungen von einerAbteilung zur anderen nicht bloss pro forma verrechnet, sondern überinterne Kontrakte (=Management-Vereinbarungen) effektiv gesteuert wer-den. I n Skandinavien, i nsbesondere i n Schweden, wurden im Zuge derbreitangelegten Gemeindereform auf die staatliche Regulierung und Kon-trolle der lokalen und regionalen Kbrperschaften weitgehend verzichtet; vorallem bei den Organisations- und Verfahrensvorschriften wurde drastischreduziert (' Free Commune Experiments'). Und i n Deutschland wurde dasTilburger Modell für die kommunale Ebene adaptiert und zum sog. 'NeuenSteuerungsmodell' weiterentwickelt, welches jetzt auch Eingang i n dieLâ ndesverwaltungen gefunden hat - die Bundesebene bieibt vorerst nochabwartend und zurückhaltend.

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These 2: Die i nternationalen Erfahrungen aus dem anglo-amerikanischenRaum zeigen, dass NPM von Haus aus parteipolitisch neutral ist; es istdeshalb zu erwarten, dass NPM auch i n der Schweiz weder als ein linkesnoch als ein rechtes Staats- und Verwaltungs reform konzept begriffen wird.

3) Modell der wirkungsorientierten Verwaltungsführung (WOV) 2

I m Unterschied zur (anglo-amerikanischen) New Public Management-Phi-l osophie beinhaltet das Modell der wirkungsorientierten Verwaltungs-führung ein angepasstes Steuerungsmodeil für Politik und Verwaltung i nder Schweiz, welches auf folgenden drei Kernelementen beruht:

Leistungsvereinbarungen (sog. Kontrakte) und Produktegruppenbudgets(sog. Globalbudgets),

Kompetenzdelegationen an die flexibilisierten Verwaltungsabteilungen('Agencies') and Partizipation der Mitarbeiter/innen (Anreizsysteme),

Konkurrenz und Wettbewerb zwischen internen und externen Anbietern.Die wirkungsorientierte Verwaitungsführung zeigt in der Schweiz einengewissen Nachhol- and Verânderungsbedarf i n folgenden Gebieten auf:1) Marketing, d.h. Kund/innen-Orientierung, 2) Lean Management, d.h.schianke Verwaltung and Qualitâts-Management, 3) Wettbewerb, d.h.i nterne and externe Mârkte, 4) Programm-Evaluation, d.h. umfassendeWirkungsprüfungen, 5) Organisationsformen, d.h. konzern- oder holding-âhniiche Verwaltungsstrukturen sowie 6) mehr Finalsteuerung and wenigerKonditionalsteuerung durch das Recht, d.h. mehr Auftrâge, weniger Regeinfür die Verwaltungsführung.

2 siehe auch Schedler (1995 13ff).3 4

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These 3: Die (deutsch)schweizerischen Reformprojekte versuchen nichtbloss die angloamerikanische New Public Management-Philosophieumzusetzen, sondern auch ein angepasstes Steuerungsmodell für dieSchweiz anzuwenden.

4) Methoden der Verwaltungsoptimierung

Sâmtlichen internationalen Reformen des New Public Management (NPM)Reformen and schweizerischen Projekten der wirkungsorientierten Verwal-tungsführung (WOV) sind folgende Kernelemente gemeinsam:

• Management-Techniken wie Aufgaben-Dezentralisierung and Kompe-tenz-Delegation, Führen mit Zielvereinbarungen (MBO), Lean Admini-stration;

Kund/innen-Orientierung and Qualit5ts-Sicherung durch Total QualityManagement (TQM), Process Reengineering usw.;

Markt-, Konkurrenz- and Wettbewerbselemente des ' Benchmarking','Competitive Tendering' oder 'Contracting In/Out'.

These 4: Auch i n der Schweiz werden dffentliche Verwaltungen und privateFirmen werden einander immer 6hnlicher werden, sie kdnnen z.T. diesel-ben Optimierungs-Methoden anwenden, insbesondere bei der LeanAdministration, der Kund/innen-Orientierung und der Qualit 6ts-Sicherung.

5) Schlussfolgerungen

NPM and WOV stellen eine grosse Herausforderung für die politischeKommunikation in der Schweiz dar, weil sich zunachst'no facts and nofigures' liefern:

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• Der permanente Reformprozess kennt wenige Einzelereignisse, die sichsofort publizistisch umsetzen and verwerten lassen.

Der mittelfristige Reformprozess wirkt weniger spektakul 6 r ais ein kurz-fristiges Sanierungsprogramm.

Der von den einzelnen Verwaltungsabteilungen getragene 'Bottom-Up-Ansatz' Ii sst sich weniger gut darstellen als eine von der Regierung aus-gel6ste 'Top-Down-Reformstrategie'.

These 5: I n der Schweiz sind die NPM/WOV-Reformprojekte mit dem An-spruch angetreten, eine umfassende Kultur-, Prozess- and Strukturânde-rung in Politik and Verwaltung einzuleiten; dies stellt insbesondere hoheAnforderungen an die verwaltungsinterne Information von Mitarbeiterinnenand Mitarbeiter sowie der verwaltungsexternen Information von Stimmbür-gerinnen and Stimmbürgern, von Parlamentarierinnen and Parlamentariernsowie von Kundinnen and Kunden der ôffentlichen Verwaltung.Die NPM/WOV-Botschaft kdnnte in der Schweiz somit tauten:

These 6: Um die staatliche Aufgabenerfüilung auch i n Zukunft sicherzu-stellen und zu finanzieren, brauchen wir eine dkonomische Optimierung derVerwaltungstâtigkeiten im Sinne von NPM und WOV; rechtsstaatliche Ver-fahren und demokratische Legimation ailein genügen hier noch nicht.Meine Damen and Herren, ich hoffe, Ihnen damit aufgezeigt zu haben,dass es such in der Schweiz eine Erneuerung der Politik- and Verwal-tungskultur braucht. NPM and WOV geben uns nicht hier nicht bioss eineVision, sondern auch den Entwicklungspfad für these Reform vor: Packenwir's also an!

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copyright: IFF St. Gallen

I nternationale Trends im Verwaltungsmanagement

Skandinavien:Free Commune

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copyright: IFF SI. Gallen

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Literaturverzeichnis NPM / WOV (Einführungen)

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BUSCHOR Ernst 1995: Das Konzept des New Public Management. DerAnsatz der wirkungsgefuhrten Verwaltung, in: Schweizer Arbeitgeber Nr.6/16. Marz 1995, Seiten 272-276

HABLÜTZEL Peter 1995: New Public Management. Ein Verwaltungs-reformkonzept for die Schweiz? in: VOP Nr. 3/1995, Seiten 142-147

HABLÜTZEL Peter / HALDEMANN Theo / SCHEDLER Kuno / SCHWAARKarl (Hrsg.) 1995: Umbruch in Politik and Verwaltung. Ansichten and Erfah-rungen zum New Public Management in der Schweiz, Bern/Stuttgart/Wien:Haupt, 505 Seiten

HALDEMANN Theo 1995: New Public Management: Ein neues Konzept fordie Verwaltungsführung des Bundes? (Schriftenreihe des Eidg. Personal-amtes, 1), Bern: EDMZ, 50 Seiten

METZEN Heinz 1994: Schlankheitskur for den Staat. Lean Management inder dffentlichen Verwaltung, Frankfurt a.M./New York: Campus, 287 Seiten

OSBORNE David / GAEBLER Ted 1992: Reinventing government. Howthe entrepreneurial spirit is transforming the public sector, Reading MA:Addison-Wesley 1993, 405 Seiten

SCHEDLER Kuno 1994: Die Verwaltung auf der Suche nach Wirksamkeit,i n: VOP Nr. 3/1994, Seiten 191-196

SCHEDLER Kuno 1995: Der frustrierte Bürokrat - Bild der Vergangenheit.New Public Management and Personalführung, in: Schweizer ArbeitgeberNr. 6/16. M5rz 1995, Seiten 291-294

tSCHEDLER Kuno 1995: Ansi tze einer wirkungsorientierten Verwaltungs-fuhrung. Von der Idee des New Public Managements (NPM) zum konkretenGestaitungsmodell. Fallbeispiel Schweiz, Bern/Stuttgart/Wien: Haupt, 295Seiten

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Le New Public Management - reflet et initiateur d'un changement deparadigme dans la gestion des affaires publiques

Matthias Finger, IDHEAP'

Ce texte considère l'ensemble du "système de gestion des affaires publiques", et satransformation à l'âge de la globalisation économique et financière. Dans mon approche,dialectique, je considère que le New Public Management (NPM) déséquilibre ce systèmed'une part, mais d'autre part essaie également de réintroduire un nouvel équilibre dans unsystème qui est déjà passablement déstabilisé par une série de mutations globales. C'estdonc ce changement de paradigme dans la gestion des affaires publiques que j'aimeraisexplorer dans ce texte. Si la globalisation économique et financière constitue la principaleraison d'être de ce changement de paradigme, la nature même de ce changement réside parcontre dans le passage d'un Etat territorial avec des politiques publiques sectorielles versune approche organisationnelle de gestion des affaires publiques. Le NPM est, à monavis, au coeur de ce passage.

Ce texte est construit de la manière suivante: dans un premier temps, je situerai le systèmede gestion des affaires publiques dans un contexte plus général de changement deparadigme global. Dans un deuxième temps, j'analyserai les pressions qui s'exercentactuellement sur ce système. Ceci me permettra de mesurer les défis auxquels le systèmede gestion des affaires publiques est aujourd'hui confronté. Dans un troisième temps, jeclarifierai les différences irréductibles entre le public et le privé, car ces différencesconstituent l'arrière-plan contre lequel le nouveau système de gestion des affaires publicdoit être défini. Je présenterai les grandes lignes de ce nouveau système dans unquatrième temps. Dans une dernière partie, j'évoquerai les dangers du NPM résultant à lafois du passage de l'ancien au nouveau système.

Le changement de paradigme dans la gestion des affaires publiques

A mon avis, la véritable nouveauté du New Public Management (NPM) ne sont pas sesinstruments, ni même l'idée du NPM. Ces instruments sont présents dans le secteur privédepuis un certain temps déjà, et l'idée d'appliquer des instruments de gestion venant duprivé dans le contexte du secteur public peut être retracée jusqu'au début des années 70,où l'on commence à parler du "management public" (Denhardt, 1993). Plutôt, ce qui estvéritablement neuf dans le NPM est le fait que, pour la première fois, nous considéronsl'ensemble du ss sy tème de gestion des affaires publiques, qui comprend non seulementl'administration, mais également les citoyens, les différents acteurs politiques etjuridiques, et les tiers, comme les organisations non-gouvernementales (ONGs) etl'industrie privée. Dans ce sens, c'est d'un nouveau système de gouvernance qu'il fautparler. 2 De plus, les rapports entre ces différents acteurs sont en train d'être redéfinis.Ceci signifie que ce nouveau système de gestion des affaires publiques a des incidences,comme nous le verrons, sur l'organisation territoriale, la démocratie et surtout la

' Professeur de Management des Entreprises Publiques, Institut de Hautes Etudes enAdministration Publique (IDHEAP), 21 route de la Maladière, 1022 Chavannes-près-Renens; tél: 021.694.06.50; fax: 021.694.06.09; Senior Associate, Global Affairs Institute,Maxwell School of Citizenship and Public Affairs, Syracuse University, Syracuse NY 13244-1090, U.S.A.; Email: [email protected].

2 Pour l'instant, le terme de "gouvernance" ou "governance" est essentiellement utilisé auniveau de la politique internationale, où il définit l'inclusion d'acteurs multiples et diversdans la gestion commune des affaires publiques (voir: Falk, 1995; Held, 1995; Young,1994); en cela, il est en rapport avec la théorie des régimes ("regime theory"), inspiré parla gestion communautaire des ressources naturelles.

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démocratie directe, le rapport entre le public et le privé, la distribution des pouvoirs entreles niveaux fédéral, régional, cantonal, et local, ainsi que sur la nature même despolitiques publiques. Dans ce premier chapitre, je vais d'abord présenter le changement deparadigme global, en montrant combien le système de gestion des affaires publiques n'estpas excepté de ce changement. Ensuite, je présenterai brièvement le système de gestiondes affaires publiques avant ce changement de paradigme, et j'indiquerai, finalement,dans quelle direction, ce système sera appelé à changer.

Le changement de paradigme global

C'est donc d'un véritable nouveau paradigme que j'aimerais parler ici. Le NPM ne peut, àmon avis, être dissocié d'un changement de paradigme global. En effet, il n'est pascompréhensible pourquoi quasiment tous les aspects de la société moderne se sontprofondément transformés depuis la Deuxième Guerre Mondiale -- et surtout depuis ledébut des années 1980 --, et que le système de gestion des affaires publiques est restéplus ou moins inchangé. Aujourd'hui, ce système et ses principales composantes -- quesont le législatif, l'exécutif, l'administration, les institutions judiciaires, les citoyens. --sont obligés de suivre le pas. Rappelons que nous avons assisté au cours des 20 à 30dernières années à des changements de paradigme, notamment dans les domaines de latechnologie, de la production, du travail, du management, et de la culture. Sans pouvoiraller dans les détails ici il faut mentionner, dans le domaine des mutations technologiques,les révolutions en matière d'informatique et de communication. En matière de production,nous avons assisté, depuis les années 60, au passage de la production industrielle à uneéconomie de services liée à la production d'informations. Ceci a conduit à des mutationsprofondes dans l'organisation du travail même, et donc au passage du fordisme à ce quel'on a appelé "post-fordisme", c.à.d. à une organisation du travail plus flexible et moinsparcellisée. Tout naturellement, le management a dû s' adapter à ces transformations de latechnologie, de la production et de l'organisation du travail: le modèle militaire dumanagement, conceptualisée d'après la production industrielle lourde, est actuellement entrain de se transformer en une approche beaucoup plus systémique, modelée d'aprèsl'informatique et la biologie. Dans le domaine de la culture, finalement, de profondesmutations ont eu lieu, marquant le passage de la culture dite "industrielle" à une "sociétépost-industrielle" ou à une culture post-moderne. A la cohérence de la société s'estsubstituée la fragmentation, l'individualisme et la fin des idéologies ou des récitsintégrateurs. Nous nous trouvons donc aujourd'hui dans une situation où quasiment tousles aspects de la société se sont profondément modifiés ... sauf le système de gestion desaffaires publiques.

Le système traditionnel de gestion des affaires publiques

Ainsi, nous fonctionnons dans les démocraties occidentales, pour la plupart, encore avecun système de gestion des affaires publiques datant de la Révolution Française ou dumoins de la fin du 19ème siècle, c.à.d. de la période de création des Etats-Nations. Cesystème précède donc même la Révolution Industrielle, à ne pas parler le changement deparadigme susmentionné. Ce système traditionnel de gestion des politiques publiques estd'abord organisé de manière hiérarchique ou "top-down", car les autorités politiquescontrôlent entièrement l'administration qui exécute les décisions politiques au service descitoyens. Ce système hiérarchique est à son tour "contrôlé" par le fait que les citoyens --qui constituent les "objets" des actes administratifs -- élisent les autorités politiques. Parlà-même, les citoyens légitiment non seulement la politique, mais égalementl'administration et donc l'ensemble du système de gestion des politiques publiques. Del'autre coté, ce même système contrôle également les citoyens. La notion de "citoyen-soldat" illustre parfaitement cette relation ambivalente entre le citoyen et l'ensemble de cesystème dont il fait partie. En effet, selon la vision originelle de la démocratiereprésentative, les citoyens sont des individus autonomes et responsables, qui participentà ce système en vertu de leur conscience individuelle. Pour assurer la cohérence d'une

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telle société d'individus, en danger permanent d'éclatement, il faut non seulement lesimpliquer par le biais de la participation politique, mais également leur infliger untraitement parfaitement égalitaire et homogène, voire les contrôler. D'où l'idée quel'administration, simple instrument de la politique, "homogénéise" en quelque sorte lasociété par ses actes administratifs. Dans le monde allemand et dans le mondefrancophone, ceci justifie même l'existence d'un système de droit spécifique à tout ce quirelève de la gestion des affaires publiques, à savoir le droit public par opposition au droitprivé. En d'autres termes, le droit public codifie en fait la spécificité du fonctionnement dusystème de gestion des affaires publiques, et le protège en quelque sorte contre leschangements qui adviennent et adviendront dans la société plus généralement.

L'administration publique est donc conçue pour exécuter de la façon la plus précise et laplus neutre la volonté politique exprimée dans les lois votées par le Parlement. L'activitéde celle-ci a été formellement définie pour qu'elle exerce ses fonctions de la manière laplus objective et la plus prévisible. Les juristes du début du siècle ont pris le partid'assurer la liberté des citoyens par une prévisibilité maximale des actions de laditebureaucratie. Sa légitimité devait reposer sur sa rationalité et son impersonnalité et sur lefait que le système subordination/domination dans la hiérarchisation des fonctions assuraitla permanence de l'autorité légale. Quelques principes encadraient cette structureorganisationnelle et en accroissait la légitimité et l'objectivité: la permanence de labureaucratie au-delà des changements de gouvernements, un traitement égalitaire descitoyens, et la neutralité. La bureaucratie, telle qu'imaginée pour assurer la plus grandeséparation des pouvoirs possible, se concrétise par des caractéristiques propres, commepar exemple la soumission des fonctionnaires à un régime dérogatoire au droit commundu travail (qui se justifie par le fait que le fonctionnaire est au service de l'intérêt général etnon au service d'un gouvernement temporaire ou particulier). Le mode de formation desdécisions est un mode légal fondé sur la norme, la règle et la loi, échappant ainsi àl'arbitraire d'un calcul utilitariste individuel et limitant la corruption. Une bureaucratie doitdonc être dépersonnalisée pour éliminer tout ce qui, étant irrationnel et émotionnel,échappe au calcul. Elle se caractérise par une hiérarchie stricte et continue, laspécialisation, la division du travail, la prédominance de la fonction sur la personne, unecodification écrite des procédures, l'objectivation des critères de recrutement, depromotion et de rémunération. L'ensemble de ces caractéristiques assure précision,discrétion et réduction des conflits. La procédure administrative formelle permet en outred'assurer la légalité des actes du fonctionnaire, mais aussi de les contrôler. Cetteprédominance de la règle et le caractère juridique de la gestion publique limitent le champd'intervention des bureaucraties et, par ailleurs, leur confère leur légitimité. Labureaucratie formelle est donc explicitement conçue pour exécuter et non pour économiserou pour imaginer. Le fonctionnaire a pour mission essentielle d'appliquer des règlementset doit se conduire selon des précédents. De plus, de l'appartenance à la fonction publiquedécoulent des obligations pour le fonctionnaire liées à l'idée de service de l'intérêt général.Ces obligations sont les suivantes: le fonctionnaire ne doit avoir qu'une seule activité; il ala responsabilité de ses travaux, et doit les réaliser conformément aux instructionsdonnées par le supérieur hiérarchique; il est tenu par le devoir de réserve; il doit informerle public; il doit être honnête et désintéressé; sa nomination lui assure une rémunérationaussi longtemps qu'il le désire, à moins d'une faute grave de sa part. Ces quelquescaractéristiques formelles engendrent certes des applications différenciées et plus oumoins proches du système théorique, elles n'en contraignent pas moins peu ou prou touteactivité des agents de la fonction publique. Ce système tire sa légitimité et sa rationalité dela conformité à ces normes, principes et procédures et se réfère ainsi à un monderelativement stable.

Il faut ainsi encore rappeler que ce système de gestion des affaires publiques se place dansun contexte très particulier et dans un moment historique unique. Il s'agit de la période dedéveloppement industriel et du contexte d'un environnement stable et planifiable. L'Etat-nation, dans cette perspective, n'est pas seulement un "territoire de développement", maiségalement une "agence de développement" pour ce territoire. La gestion des affairespubliques s'inscrit donc dans cette perspective de développement et signifie ainsi "gestion

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du développement au service du public". C'est ainsi que l'on peut comprendre l'accentmis, par ce système, sur la planification et le pilotage par les inputs. L'Etat non seulementplanifie, mais également commande et contrôle: d'une part, les politiques publiquesprennent cette forme de "command and control", et d'autre part c'est toute l'administrationqui est gérée de cette manière. En d'autres termes, "command and control" est le mode degestion privilégié de la bureaucratie qui a besoin de prévoir et de planifier toute action etcontrôler son exécution. Mentionnons encore que l'Etat, en tant qu'agent dudéveloppement, bénéficie généralement d'un monopole, qui est souvent naturel puisqu'ils'agit d'un investissement à long terme, notamment dans le case des infrastructures. Maisce monopole se justifie également parce que ce développement se fait en principe pourl'ensemble du territoire national, et bénéficie, théoriquement du moins, à tout le peuple.

Implications du changement de paradigme sur le système traditionnel de gestion desaffaires publiques

Le nouveau système de gestion des affaires publiques -- ledit New Public Management --s'inscrit par contre dans un contexte totalement différent. Si dans le système traditionnel laperspective était celle du développement, le nouveau système opère par contre dans uneperspective de crise voire de fin du développement. De ce fait, la planification à longterme, notamment la planification du développement n'est plus d'actualité. Le système estobligé de gérer à plus court terme, de manière plus pragmatique, et souvent également demanière réactive. Pour la plupart, il s'agit maintenant pour ce système de résoudre lesproblèmes engendrés par le développement industriel, que ce soient des problèmeséconomiques (déflation, désindustrialisation, etc.), sociaux (crise de 1'Etat-providence,perte de l'emploi, chômage, santé publique), écologiques (notamment des problèmesd'écologie globale), et culturels (fragmentation, individualisme, fondamentalisme, etc.).L'approche des affaires publiques par le "command and control" est remplacé par despolitiques facilitatrices qui ne s'appuient plus sur la force de la planification étatique etrationnelle, mais sur les forces ambiantes, dont notamment les forces du marché et deshumains. En effet, ces derniers sont de plus en plus appelés à contribuer à la gestion desaffaires publiques autrement que par la légitimation des actes politiques et administratifs,et financés au moyen des impôts. Ainsi, émerge graduellement un nouveau système degestion des affaires publiques. Tout logiquement, dans ce nouveau système, les citoyensne sont plus simplement des "soldats", mais également des participants, qui revendiquentdésormais d'être traités autrement que comme des simples administrés ou assujettis.

Si cette perspective de la fin du développement industriel permet de comprendre lesfonctions principales du nouveau système de gestion (collectif) des affaires publiques quise dessine à l'horizon, le processus de la globalisation nous aide à identifier les pressionsconcrètes et immédiates qui font en sorte que le système traditionnel de gestion desaffaires publiques doit inéluctablement se transformer.

Les pressions qui s'exercent sur le système traditionnel de gestion des politiquespubliques

Si dans le chapitre précédent j'ai introduit les principales caractéristiques du systèmetraditionnel de gestion des affaires publiques, j'ai aussi montré qu'il faisait partie d'uncontexte particulier, à savoir celui du développement industriel et de sa gestion territorialepar l'Etat et pour ses citoyens par le moyen de politiques publiques. L'administrationpublique était, dans ce système, l'unique lieu et l'instrument privilégié de cette gestion. Entant que telle, elle est un outil des politiques publiques qui, elles, sont le reflet etl'articulation de la volonté politique. J'ai ensuite postulé l'émergence graduelle d'unnouveau système de gestion des affaires publiques -- système dont fera partie le NPM --,parallèlement au changement de paradigme plus général. Dans ce chapitre, j'aimeraismaintenant présenter les principales forces -- dont notamment celles de la globalisationéconomique et financière -- qui poussent aujourd'hui à la transformation de fond en

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comble du système traditionnel de gestion des politiques publiques. Si les forces de laglobalisation restent encore relativement abstraites, leurs conséquences sur les financespubliques et la légitimité politique constituent par contre des pressions incontournables surle système traditionnel de gestion des politiques publiques. Dans ce chapitre j'évoqueraiégalement, pour conclure, le rôle joué par la pression idéologique néo-libérale dans latransformation du système de gestion des politiques publiques, car ce rôle est souventévoqué par les critiques du NPM.

Globalisations

La globalisation est un processus double: d'une part, les activités industrielles sedéroulent de plus en plus indépendamment du lieu géographique de production et deconsommation et à une échelle planétaire; d'autre part, les manières de voir se globalisentégalement (Waters, 1995). La globalisation a donc de multiples dimensions, comme parexemple la globalisation culturelle, technologique et écologique. Mais, ce sont lesdimensions économique et surtout financière de la globalisation qui nous intéressent iciplus particulièrement, car ce sont elles qui affectent directement la compétitivité et donc laviabilité des Etats et de leurs administrations.

En effet, la globalisation de la production et de la consommation implique que le lieugéographique de toute activité économique perd de son importance. Ce phénomène dedélocalisation ou de perte de place ("placelessness"; Knoke, 1996) de la production et dela consommation, combinée avec la mobilité du capital, affecte les Etats d'une manièreinédite. Certes, ce sont les Etats eux-mêmes qui, dans les années 1970, ont initié ladérégulation des taux de change et des taux d'intérêt et ont, de ce fait, substantiellementaccéléré le processus de globalisation économique et financière. Mais aujourd'hui, c'estcette même mobilité du capital qui contraint de plus en plus les Etats à faire des effortspour attirer des investissements et pour protéger la production nationale. Dans uneéconomie de plus en plus globale, les Etats entrent ainsi de plus en plus en compétition lesuns avec les autres pour être le lieu géographique capable d'offrir les meilleuresconditions de production et de consommation ("Standortwettbewerb"). Les Etats n'étanteux-mêmes pas mobiles doivent ainsi tout faire pour attirer ce qui est mobile, à savoir lecapital, la main d'oeuvre qualifiée, etc. (Thurow, 1996).

Ce processus de compétition inter-étatique résultant de la globalisation est encore renforcépar trois facteurs supplémentaires, à savoir la dérégulation et la privatisation, la croissancedes multinationales et le développement de la spéculation financière à une échelleplanétaire. En effet, pour favoriser leur compétitivité, certains Etats ont d'abordcommencé à déréguler certains secteurs, dont notamment le secteur bancaire, celui destransports aériens, celui des télécommunications, etc. D'autres, pour s'adapter et ainsipouvoir maintenir leur compétitivité, ont ensuite dû déréguler ces mêmes secteurs, ce quia considérablement accéléré le processus de globalisation financière et économique(Martin, 1993). Ce processus est encore dynamisé par la croissance sans précédent desmultinationales (Korten, 1995), c.à.d. de ces entreprises qui ont la capacité matérielle dedélocaliser leurs activités et de les implanter, momentanément, à l'endroit géographique leplus avantageux pour eux. Le développement, également sans précédent, de la spéculationfinancière à une échelle planétaire constitue une pression supplémentaire en direction de lacompétition inter-étatique (Bourguinat, 1995). Désormais, les Etats se battent donc aussipour accéder au capital bon marché.

Ces phénomènes de globalisation font que nous assistons aujourd'hui à l'équivalent d'unajustement structurel, non plus à un niveau étatique, mais cette fois-ci à un niveauplanétaire (Miller, 1995). Le résultat inéluctable de ce processus est le suivant: touteactivité rentable tend à se globaliser, tandis que toute activité non-rentable tend à selocaliser ou à se socialiser. En d'autres termes, les activités économiques sur un territoirenational, même celles entreprises par l'Etat-nation, ont tendance à se globaliser et donc àéchapper au contrôle de l'Etat, comme en témoignent les stratégies de développement des

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entreprises publiques, notamment dans les secteurs des transports aériens, destélécommunications et de l'électricité (Gugler, 1992; Thimm, 1992; Stoffaës, 1995). Al'inverse, tout ce qui est non-rentable, dont notamment les interventions sociales(chômage, pauvreté, etc.) et écologiques résultant, entre autres, des conséquencesnégatives des activités globalisées, doit toujours plus être pris en charge par les Etats ouautres collectivités publiques. Or, ce processus rend les ressources financières des Etatsde plus en plus précaires. Ainsi, cet ajustement structurel global conduit inéluctablement àl'affaiblissement des Etats-nations, tant au niveau économique qu'au niveau politique. Lesdeux conséquences les plus tangibles, et qui sont aussi les aspects les plus pertinents pourcomprendre les pressions en faveur du NPM, en sont la crise financière d'une part et laperte de légitimité des Etats d'autre part.

Crise financière

Avec la globalisation économique et financière, les Etats-nations perdent peu à peu leurcontrôle sur le développement économique global, voire national. De ce fait, ils perdent lecontrôle sur leurs ressources financières, c.à.d. fiscales, qui constituent la base de l'Etat-providence, mais plus généralement la base de toute activité étatique, même régalienne. Eneffet, étant donné que ce qui est rentable a tendance à se globaliser, les activitéséconomiques les plus lucratives, les entreprises les plus profitables, et les personnes lesplus riches sont en même temps les plus mobiles. Elles ne peuvent donc être taxées qu'àdes taux comparables à ceux appliqués dans d'autres pays. Il y a par conséquent unelimite supérieure aux ressources fiscales à retirer de tout ce qui est mobile, et cette limite atendance à baisser parallèlement à la globalisation économique et financière, c.à.d. àl'augmentation de la mobilité. Parallèlement, nous assistons à la tendance qui consiste àtaxer plus ce qui n'est pas mobile.

En même temps, l'Etat ou d'autres collectivités publiques doivent continuer à assumer lesfonctions de service public, dont notamment les fonctions régaliennes, sociales, voire lesfonctions de production, et en plus, comme nous l'avons vu, les nouvelles fonctionssociales et écologiques découlant de la globalisation. En d'autres termes, avec laglobalisation économique et financière, les demandes sociales et donc financières vis-à-visde l'Etat-providence augmentent inévitablement. En outre, ce constat ne tient pas comptedes changements internes aux pays, dont notamment le vieillissement de la population oules problèmes accrus de santé qui renforcent encore cette tendance.

Cette pression financière sur les Etats-nations est encore accentuée par deux phénomènessupplémentaires, à savoir le problème des entreprises publiques d'une part, etl'endettement public d'autre part. En effet, les entreprises publiques s'inscrivaient dans lapériode de l'Après-guerre dans la perspective du développement. Le fonctionnement d'ungrand nombre d'entre elles répondait au principe du "cercle vertueux" (McGowan, 1993):la demande croissante due à la croissance économique continue de l'après-guerreentraînait des investissements à large échelle abaissant les coûts de production par unité,ce qui induisait à son tour une nouvelle demande. Ceci était particulièrement vrai pour lesentreprises publiques de production d'énergie, d'eau et de gaz, mais aussi pour lesentreprises publiques de transport et de communication. Ainsi, même si certaines de cesentreprises publiques étaient déficitaires, l'Etat avait les moyens d'absorber leurs déficits.Ceci a changé radicalement avec les crises du pétrole des années 1970 et la criseéconomique qui s'ensuivit. Le cercle vertueux des entreprises publiques a été remplacépar un "cercle vicieux": une baisse de la demande face à des investissements lourds, aaugmenté le coût de production par unité entraînant tout logiquement une baissesupplémentaire de la demande, et ainsi de suite. De ce fait, beaucoup d'entreprisespubliques constituent depuis les années 1980 une pression supplémentaire sur les financespubliques. Leur existence et leur service public s'en trouvent remis en cause. Et mêmedans le cas où les entreprises publiques pourraient être rentables en développant denouveaux produits et en conquérant de nouveaux marchés, des limites importantes sontimposées aux activités lucratives du secteur public, notamment par le GATT et l'OMC.

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L'endettement des Etats et des collectivités publiques amène encore une pressionsupplémentaire sur les finances publiques. D'une part, parce que les intérêts de la dettereprésentent désormais une partie non-négligeable des dépenses étatiques, et d'autre part,parce que, notamment pour les pays en développement, les organisations internationalesqui prêtent l'argent et financent des projets de développement, dont notamment le FondsMonétaire International (FMI) et la Banque Mondiale, attachent des conditionsd'ajustement structurel et d'austérité à ces prêts (Berthélemy, 1995).

Nous assistons ainsi à une double pression financière sur les Etats, en quelque sorte unepression par le haut et une pression par le bas. Les deux résultent de la globalisationéconomique et financière. D'une part, les Etats doivent faire face au fait que tout ce qui estrentable et donc intéressant du point de vue des recettes fiscales à tendance à se globaliseret à échapper au contrôle étatique. D'autre part, les Etats doivent non seulement assurerleurs fonctions traditionnelles de service public, mais en plus assumer de nouvellesfonctions pour pallier aux effets négatifs de la globalisation économique et financière. Lacrise des finances publiques qui en est la conséquence inéluctable oblige donc les Etats àfaire les mêmes activités voire plus d'activités avec moins de ressources. Il en résultenécessairement une pression vers l'efficacité de l'Etat et de ses services publics, et ceciconstitue la première raison d'être du NPM.

Crise de légitimité

La deuxième raison d'être du NPM se déduit d'un autre phénomène qui, lui aussi,découle de la globalisation, à savoir la perte de légitimité des Etats. En effet, à l'âge de laglobalisation notamment économique et financière, les Etats deviennent de plus en plusimpuissants et réactifs, pressés qu'ils sont par le haut (global) et par le bas (local).

Certes, peu d'Etats industrialisés sont dans la situation peu confortable des pays endéveloppement, qui, en raison de la crise financière chronique qui les affecte, perdent leursouveraineté nationale au profit d'organisations multilatérales, voire même d'entreprisesmultinationales (Raghavan, 1995). Toutefois, même dans le monde dit développé, laglobalisation économique et financière réduit de plus en plus la marge de manoeuvre desEtats en matière de politique économique et financière au profit d'organisationsmultilatérales ou supranationales (OMC, UE, ALENA, etc.), voire simplement au profitdu marché économique mondial (Ohmae, 1995). Tout logiquement, cette perte desouveraineté est accompagnée d'une perte de légitimité publique.

D'un autre côté, les conséquences économiques et sociales de la globalisation induisentdes demandes locales supplémentaires vis-à-vis de l'Etat (-providence), mais ce dernieraura de moins en moins les moyens pour satisfaire ces demandes. De plus, en raison de lafragmentation et de l'individualisation croissante de la société, ces demandes auronttendance à être incohérentes, appelant des réponses ponctuelles qui ne s'inscrivent pasdans une politique d'ensemble (Finger & Sciarini, 1990). L'incapacité des Etats-nations àrépondre à ces différentes et diverses demandes locales, induira une perte de légitimitésupplémentaire, et donc la recherche de solutions locales ou régionales aux problèmes queles Etats-nations ne seront plus en mesure de solutionner tout seuls.

Nous assistons ainsi à une double pression sur la légitimité des Etats. D'une part, unepression du haut provenant du marché, des multinationales, des organisationsmultilatérales et des organisations supranationales, et érodant la marge de manoeuvrepolitique des Etats, et donc leur légitimité aux yeux des citoyens. D'autre part, de plus enplus une pression du bas, où l'incapacité des Etats à répondre aux demandes croissanteset incohérentes des citoyens se traduit par une perte de légitimité supplémentaire et en larecherche de solutions à des niveaux inférieurs à celui de l'Etat-nation. Cette doublepression pousse les Etats et toutes les collectivités publiques à essayer de rétablir leurl égitimité. Considérant les contraintes financières susmentionnées, un des seuls moyens

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pour le faire réside peut-être dans la recherche de la qualité du service public en s'orientantplus vers le citoyen devenant ainsi également client. En plus de la recherche de l'efficacité(financière), la recherche de la qualité constitue ainsi la deuxième réponse des Etats et descollectivités publiques aux pressions de la globalisation. C'est en cela que réside, à monavis, la deuxième raison d'être du NPM.

Le néo-libéralisme

Le néo-libéralisme n'est pas une raison d'être du NPM au même titre que la crisefinancière ou la crise de légitimité. Tout au plus, le néo-libéralisme donne une certaineorientation au NPM, comme j'aimerais le montrer dans cette section.

En effet, il est important de clairement séparer cette dimension du néo-libéralisme desdifférentes pressions qui s'exercent aujourd'hui sur l'Etat et ses organisations de servicepublic. Ceci d'autant plus que de nombreux auteurs cherchent à faire croire que le NPMdérive du néo-libéralisme, et non pas de problèmes plus fondamentaux pour l'Etat à l'âgede la globalisation (Knoepfel, 1995; Pollitt, 1990; Walsh, 1995). Je ne partage pas unetelle vision idéologique du NPM. Au contraire, comme j'ai essayé de le montrer plushaut, le NPM doit être vu comme une tentative de la part de l'Etat et de ses organisationsde service public à répondre à la globalisation en cherchant une plus grande efficacité etune certaine légitimité à la suite des pressions résultant de la globalisation économique etfinancière. Le néo-libéralisme, en tant que discours idéologique, ne fait aucunementréférence à la globalisation et ignore en fait les problèmes qui en résultent pour l'Etat et lescollectivités publiques.

De plus, le néo-libéralisme est un discours d'économie politique qui se limite à la questiondu rôle que l'Etat doit jouer ou ne pas jouer dans l'économie nationale. A la différence dulibéralisme qui voulait limiter l'intervention étatique à ce que le marché ne pouvait pasrégler par lui-même, le néo-libéralisme a développé des arguments supplémentaires pourjustifier l'extension du marché dans des domaines habituellement réservés à l'Etat, commepar exemple les monopoles ou les services publics (Self, 1993). En cela il est unaccélérateur du processus de la globalisation économique et financière.

Le néo-libéralisme est ainsi un discours qui s'adresse d'abord aux politiciens. Il nes'adresse pas aux organisations de service public comme l'administration publique, mêmesi l'on a cherché à en déduire par la suite des principes de "gestion des administrations"par la politique, qui ne sont donc pas des principes de "gestion administrative" (Clarke &Pitelis, 1993). En effet, le néo-libéralisme ne propose pas d'améliorer l'efficacité et laqualité des services de l'Etat. Il vise tout simplement à réduire, voire à supprimerl'intervention de l'Etat et de son instrument qu'est l'administration dans l'économienationale. Dans tous les cas, ces principes de gestion de l'administration par la politiquene sont pensés ni à partir de la globalisation financière et économique, ni même à partirdes problèmes financiers et de légitimité qui en résultent pour les Etats et les collectivitéspubliques. Il reste donc à voir si ces principes de gestion de l'administration par lapolitique tels qu'ils résultent du néo-libéralisme constituent effectivement des réponsesappropriées aux défis de la globalisation. Pour le moins, le néo-libéralisme peut constituerune justification pour une politique en mal de ressources, lorsqu'elle cherche, parexemple, à se débarrasser d'activités de service public, soit parce qu'elles coûtent tropcher à l'Etat, soit parce que leurs ventes est un moyen de renflouer les caisses de I'Etat.Mais en aucun cas le néo-libéralisme est la cause de la pression sur l'Etat, comme il nepeut pas constituer une philosophie de gestion des organisations de service public. Toutau plus, le néo-libéralisme est un discours de gestion des politiques publiques par lapolitique. En cela, le néo-libéralisme reste à l'intérieur de la vision traditionnelle de lagestion des politiques publiques. Le NPM peut éventuellement faire partie de cette visionnéo-libérale lorsqu'il est imposé par la politique à l'administration.

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Conclusion: les défis auxquels le système de gestion des affaires publiques est confronté

Cependant, à mon avis le NPM constitue une tentative non-idéologique de répondre à lacrise financière et à la crise de légitimité de l'Etat et des collectivités publiques à l'âge de laglobalisation économique et financière. Il en découle, tout logiquement, une recherched'efficacité et de qualité de la part du système de gestion des affaires publiques, donc de lapart de l'Etat et des organisations de service public dans leur ensemble. Mais, à mon avis,il ne s'agit ici que de la première étape dans la réaction de ce système face à laglobalisation, réaction durant laquelle le système se concentre encore essentiellement surl'adaptation de l'instrument, c.à.d. des organisations de service public ou del'administration. Il ne s'agit donc pas encore ici -- c.à.d. dans le cas du NPM -- de cenouveau système de gestion des affaires publiques, correspondant à ce changement deparadigme plus global. Dans le prochain chapitre me concentrerai donc uniquement surcette phase d'adaptation ou de transformation de l'instrument -- l'administration --, et nonpas sur la transformation de l'ensemble du système de gestion des affaires publiques,même si je montrerai par la suite comment cette transformation de l'instrument doit êtrereliée à la transformation des autres éléments de ce système. Mais même cettetransformation de l'instrument qu'est l'administration doit être vue dans le contexte dusecteur public qui le façonne. C'est vers cette spécificité des organisations de servicepublic que je vais me tourner maintenant.

Les spécificités du secteur public et leurs implications sur la transformation desorganisations de service public

Nous l'avons vu, les effets de la globalisation sur le secteur public sont en fait plussérieux que ceux sur le secteur privé, du fait d'un double défi. Non seulement, unegrande partie du secteur public est soumise à la compétition, mais encore, la substancemême du secteur public -- tant du côté des finances que du côté de la légitimité -- estsérieusement mise en doute. Ainsi, le secteur public doit notamment faire face à deuxtensions, l'une économique et financière, et l'autre culturelle et politique. Ainsi, laglobalisation pousse d'une part à la privatisation de tout ce qui est rentable etpotentiellement profitable, tandis que de l'autre côté tout ce qui est non-rentable, dontnotamment les conséquences (sociales et écologiques) négatives de la globalisation, serontsocialisées. L'Etat-nation et ses collectivités publiques doivent ainsi assumer de plus enplus de tâches avec de moins en moins de moyens. A un niveau culturel, la globalisationpousse d'une part à des visions de plus en plus globales et trans-culturelles, maisengendre d'autre part des réactions de plus en plus locales et de plus en plus défensives,voire même fondamentalistes. Il en résulte un problème de fond pour la gestiontraditionnelle des affaires publiques, car celle-ci, dans le modèle traditionnel, était baséesur les moyens financiers découlant du contrôle du territoire et sur une certaine idéed'homogénéité et de cohérence de la société. C'est notamment la politique, mais plusgénéralement l'ensemble du système de gestion des affaires publiques, qui se trouvedésormais coincée entre les impératifs globaux et les réactions locales. C'est cette tensionentre global et local qui affecte particulièrement le secteur public et les organisations qui lecomposent, et qui fait que la transformation de ces organisations ne peut pas êtreconceptualisée de la même manière que celle des organisations du secteur privé. En effet,à première vue il serait tentant d'appliquer aux organisations de service public destransformations semblables à celles subies par les organisations du secteur privé sous despressions financières comparables. Et même si beaucoup d'outils du privé peuvent êtreappliqués sans autre aux organisations du service public, il n'en reste pas moins quecertaines différences fondamentales persistent. Dans ce chapitre, je présenterai d'abordces différences fondamentales entre le secteur public et le secteur privé. Ceci mepermettra, ensuite, d'identifier la véritable spécificité des organisations de service public,ainsi qu'en troisième lieu leurs implications sur la transformation de ces organisations.

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Public versus privé

La différence entre le secteur public et le secteur privé relève principalement du fait que lesorganisations de service public s'inscrivent dans l'ensemble du système traditionnel degestion des politiques publiques. De cela se laissent dériver un certain nombre de limitesdans l'application des principes du secteur privé dans le secteur public. Ces limitesrelèvent des cinq différences fondamentales suivantes:

premièrement, la mission d'une organisation de service public est définie non pas entermes entrepreneuriaux, comme ceci est le cas dans le secteur privé, mais en termespolitiques. De ce fait, la mission des organisations de service public contient toujoursaussi des éléments dits de service public, c.à.d. des éléments qui peuvent ne pas faireun sens en termes entrepreneuriaux. Ceci a des conséquences en matière de gestiondes organisations de service public, parce que les missions sont souvent définies en-dehors de ces organisations. Il en résulte donc un problème de leadership, ouautrement dit, dans le cas des organisations de service public, il existe le danger qu'ily ait plusieurs leaders, des leaders politiques et des leaders gestionnaires desorganisations publiques. Il existe donc ici un potentiel de conflit et de concurrence.

Deuxièmement, les organisations de service public poursuivent tout logiquement desintérêts généraux, et non pas des intérêts spécifiques. Ce sont ces intérêts générauxqui sont définis par la politique et en dernier lieu par le souverain. Ces intérêtsgénéraux sont identiques à l'aspect service public. La grande difficulté de managementconsiste à réconcilier les intérêts généraux avec les intérêts spécifiques qui sonttoujours également poursuivis par ces organisations de service public. Le défi consisteainsi à trouver des modèles de gestion qui permettent de mettre à profit les outils degestion utilisés pour la poursuite des intérêts particuliers également à des finsd'intérêts généraux, c.à.d. d'utiliser le principe de marché à des fins d'intérêtsgénéraux.

Troisièmement, la responsabilité des organisations de service public est en fin decompte devant le souverain, et non pas devant les actionnaires. Ceci signifie que lesouverain doit pouvoir sauvegarder la possibilité d'influencer l'orientation (et lamission) des organisations de service public. Ceci signifie aussi que le souverain -- lepeuple et la politique -- ne peut pas être conceptualisé comme un simple "stakeholder",comme ceci est généralement le cas dans la conception de la gestion du secteur privé.On est actuellement à la recherche de modèles de gestion pour mettre une certainedistance entre la politique et les entreprises publiques, notamment. On crée ainsi desconseils d'administration, combinant compétence et représentation politique. Ceci, àmon avis, relève plutôt encore de la recherche d'une manière adéquate de tenir comptedu souverain que d'une solution.

Quatrièmement, le financement des organisations de service public -- du moins de lapartie service public -- relève et doit continuer à relever en majorité des impôts, et nonpas des clients (taxes d'utilisation, émoluments, etc.). Il est généralement admis queles clients peuvent payer une partie des coûts du produit, voire même l'ensemble dude ces coûts, mais ne contribuent pas, par ce biais-là au financement des intérêtsgénéraux. De l'autre côté, les impôts ne peuvent pas être utilisés à financer desprestations des organisations de service public qui sont offerts en libre concurrencesur le marché (interdiction des subsides croisés). Le modèle du marché rencontre doncde sérieuses limites dans le cadre du secteur public du fait que (1) les organisationspubliques ont des limites (relevant de leurs missions) dans leurs activitéscommerciales, et que (2) leur financement ne dépend pas directement de leurperformance sur le marché.

Cinquièmement, les citoyens-clients des organisations de service public ne sont pashomogènes. En effet, du fait que les organisations de service public répondent à desmissions politiquement définies et satisfont un intérêt général, leur "clientèle" estnécessairement hétérogène, du moins plus hétérogène que la clientèle du secteur privé.En plus, les organisations de service public sont obligées, de par leur mission deservice public, de servir leur clientèle. Ceci a des implications non seulement sur le

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financement (voir ci-dessus), mais également sur le marketing, qui dans le secteurpublic devient nécessairement spécifique.

Les spécificités des organisations de service public

Cette présentation me permet maintenant de clarifier les spécificités des organisations deservice public par rapport aux organisations du secteur privé. Je distinguerai entre troistypes de spécificités, la première relevant du contexte politique, la deuxième de contraintesparticulières, et la troisième des organisations de service public elle-mêmes. A mon avis,seulement la première est, et sera à terme, véritablement spécifique au secteur public. Lesdeux autres sont historiques, et disparaîtront à terme. Passons les maintenant en revue ici:•

Les spécificités relevant du contexte politique sont celles que je viens de présenter ci-dessus et qui constituent la véritable différence entre le secteur public et le secteurprivé. Les organisations de service public sont et resteront toujours spécifique de parleur mission, leur responsabilité vis-à-vis du souverain, leur poursuite de l'intérêtgénéral, leur mode de financement, et leurs citoyens-clients non-homogènes. A monavis, ceci rend le management de ces organisations non pas différent du managementdes organisations du secteur privé, mais plus complexe. Cette complexité apparaîtnotamment dans la relation entre les organisations de service public avec la politique,leurs citoyens-clients, et les tiers, ,et affecte en particulier la dimension stratégique desorganisations de service public.

Les contraintes spécifiques des organisations de service public sont à mon avishistoriques. Je pense ici en particulier au fait que, dans le secteur public, les syndicatssont plus forts que dans le secteur privé, ce qui résulte en fait d'un compromishistorique entre technocrates et fonctionnaires au détriment des clients. En Europefrancophone et allemande l'existence du droit public constitue une contraintesupplémentaire, qui aujourd'hui pour la plupart n'est plus justifiée. Cette contrainteopère notamment dans les domaines de la gestion financière et de la gestion dupersonnel. Toutefois, je considère que la plupart de ces contraintes peuvent êtreminimisées, voire annulées. Doivent être maintenues seulement les contraintes qui sejustifient au vu du contexte politique évoqué ci-dessus.

D'un point de vue organisationnel il n'y a pas vraiment de différences entre uneorganisation du secteur privé et une organisation du secteur public. Toutefois, leurhistoire fait apparaître les organisations de service public comme étant particulièrementuniques. En effet, celles-ci ont été protégées par les monopoles et les cartels de lacompétition et de la comparaison, si bien que les organisations de service public sontaujourd'hui particulièrement bureaucratiques. Cette tendance à la bureaucratisation,même si elle n'est pas réservée au secteur public, est encore renforcée par des règlesparticulières relevant des caractéristiques propres à la bureaucratie politique. Ainsi,une organisation bureaucratique se caractérise par la division du travail et laspécialisation des tâches, la formalisation et l'accent mis sur l'écrit, la hiérarchieformelle et le chemin des instances (y compris l'ordre et l'obéissance), la discipline, lerespect des procédures, la prévisibilité, le contrôle, etc. (voir aussi: Reichard, 1995).Ces caractéristiques rendent une organisation particulièrement lente, rigide, inflexible,segmentée et coûteuse. Elles constituent autant d'empêchements à la transformation del'administration en organisations de service public efficace. De plus, dans unebureaucratie, chaque fonctionnaire ne dispose que d'une très faible influence. Soncomportement est contrôlé et sa responsabilité limitée. En effet, la notion deresponsabilité du fonctionnaire est intrinsèquement liée à l'obligation d'obéissancehiérarchique. Le fonctionnaire n'est ainsi pas responsable d'un résultat, mais del'obéissance à son supérieur. Le seul risque encouru par l'agent public est celui de lanon conformité aux instructions et aux normes et non celui de la contre-performancede service. Il peut se prémunir contre cette non-conformité en tenant son supérieurhiérarchique constamment informé. L'organisation hiérarchique et l'obligationd'obéissance, la technique statutaire, la loi et la réglementation visent ainsi à assurer la

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neutralité éthique du fonctionnaire et la permanence d'une autorité légitime, mais de cefait limitent son champ d'action. Toute entorse à ces règles, quelle que soit sanécessité, remet directement en cause la légitimité de l'intervention de l'Etat. Cette"irresponsabilité organisée" constitue donc la troisième spécificité des organisations deservice public, dont il s'agit de tenir compte lorsque l'on cherche à les transformer.

Pour résumer, on peut dire que la seule différence entre des organisations de servicepublic et des organisations du secteur privé réside en fin de compte dans le contextepolitique qui est spécifique dans le secteur public. Ce contexte a des influences sur lefonctionnement des organisations de secteur public, mais rend leur management non pasdifférent, mais simplement plus complexe.

Implications sur la transformation des organisations de service public

Toutefois, lorsqu'il s'agit maintenant de conceptualiser la transformation desorganisations de service public depuis leur situation actuelle en des organisationspubliques efficaces et efficientes, il faut évidemment tenir compte de toutes les troisspécificités sus-mentionnées. De ce fait, cette transformation devra particulièrement faireattention aux trois aspects suivants, à savoir à la dimension organisationnelle de cettetransformation, à la dimension processuelle, et à la dimension globale.

Compte tenu du fait que les organisations de service public, à l'heure actuelle, sontessentiellement encore des bureaucraties, il faut faire attention, du moins dans unepremière phase de leur transformation, aux caractéristiques organisationnellesspécifiques d'une bureaucratie. Je pense ici en particulier aux caractéristiques décritespar Crozier, à savoir les stratégies des acteurs et les jeux de pouvoir. Ces élémentssont généralement négligés dans les théories organisationnelles traditionnelles.

Compte tenu du fait que les organisations de service public opèrent dans un contextepolitique, et qui implique donc la présence de plusieurs acteurs lors de leurtransformation, une vision globale de cette transformation est indiquée. En effet, onne peut pas, dans le contexte des organisations de service public, se limiter àl'organisation proprement dite pour conceptualiser sa transformation. Il faut toujoursavoir également en vue la transformation de l'ensemble du système de gestion desaffaires publiques, en particulier le rapport entre politique et organisation de servicepublic (voir ci-dessus).

Pour les deux raisons précédentes -- existence d'une bureaucratie et implication demultiples acteurs dans la transformation du système de gestion des affaires publiques-- il est évident que la transformation des organisations de service public doitnécessairement être conceptualisée comme un processus et non pas comme uneintervention ponctuelle. Cette vision interventionniste est généralement la vision dumanagement des organisations, mais aussi la vision des consultants qui le conseillent.

Vers un nouveau système de gestion des affaires publiques

Après ainsi avoir clarifié les différences entre le secteur public et le secteur privé, lesspécificités qui en découlent pour les organisations de service public, ainsi que lesimplications pour la transformation de ces organisations, j'aimerais maintenant présenter,d'un point de vue théorique et abstrait, le nouveau système de gestion des affairespubliques, tel qu'il est conceptualisé par le NPM. Ce NPM est bine sûr à géométrievariable, et c'est pour cela que je procéderai, dans ce chapitre, en trois temps. Dans unpremier temps, je discuterai les principes du NPM. Mais, contrairement au "managementpublic" des années 70, où ce management était strictement limité à l'introduction d'outilsde gestion provenant du privé dans le système de gestion des affaires publiques sans pourautant le modifier, le NPM, par contre, affecte l'ensemble de ce système, y compris lerapport entre administration et politique, ainsi que le rapport entre administration etcitoyen. C'est d'ailleurs dans la transformation de ces rapports, et non pas dans les outils

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de gestion, que réside à mon avis la véritable nouveauté du NPM par rapport aumanagement public des années 70. Dans un deuxième temps, je présenterai donc toujoursd'un point de vue théorique et abstrait, le rôle des principaux acteurs dans le NPM, etdans un troisième temps le rôle des nouveaux outils de gestion de l'ensemble du système,qui de ce fait évolue d'un système traditionnel de gestion des politiques publiques vers unnouveau système de gestion des affaires publiques.

Les principes du NPM

Ainsi, le NPM se laisse caractériser par trois transformations qui, dans leur ensemble,font sa spécificité, à savoir (1) un processus de distanciation, d' autonomisation ou dedésenchevêtrement de l'administration vis-à-vis de la politique traditionnelle, (2) unprocessus de rapprochement de l'administration vis-à-vis du citoyen, qui de ce fait devientégalement client, et (3) un processus de dynamisation ou plutôt de transformationorganisationnelle de l'administration. Sous-jacent à ces trois transformations est d'unepart (4) un processus de décentralisation, et d'autre part (5) une orientation plus grandevers les résultats. Regardons maintenant chacun de ces cinq éléments de plus près:•

le NPM implique d'abord une certaine distanciation entre administration et politique,du moins une certaine clarification des rôles mutuels (désenchevêtrement). Commenous le verrons dans la section prochaine, cette clarification des rôles se fait d'une partrapport au pouvoir de décision et d'autre part par rapport au pouvoir de contrôle. Elleintroduit ainsi une certaine professionnalisation dans les relations entre politique etadministration. Cette clarification des rôles est institutionnalisée dans ledit "contrat deprestation" entre une instance politique (généralement l'exécutif) et l'administration(généralement un chef de service).

Parallèlement à la distanciation entre politique et administration, nous assistons dans leNPM à un rapprochement entre administration ou organisations de service public etcitoyen. Ce rapprochement passe par la redéfinition des citoyens en clients ou groupesde clients, pour lesquels seront ensuite définis les produits et les services, ainsi queles processus de production correspondants. Ce nouveau rapport entre administrationet citoyens-clients est institutionnalisé, entre autres, sous la forme d'indicateurs desatisfaction des clients.

Ces deux processus conduisent nécessairement à une dynamisation del'administration. Celle-ci doit se transformer d'un modèle bureaucratique en uneorganisation soucieuse de la qualité de ses services, flexible et efficace. Quatreéléments caractérisent, à mon avis cette nouvelle organisation, à savoir (1) une plusgrande décentralisation, délégation et autonomie de gestion à l'intérieur del'administration même, (2) une plus grande transparence, notamment des coûts, maiségalement de la circulation des informations, des services, des prestations, etc., (3)une certaine compétition à l'intérieur même de l'administration, et (4) une certaine"privatisation", dans le sens où l'administration sous-traite ce qui peut être fait demanière plus efficace par des privés, voire d'autres organisations de service public.

L'ensemble du NPM se caractérise ainsi également par un processus dedécentralisation du pouvoir de décision et de gestion, si bien que les activités del'administration se rapprochent de plus en plus des citoyens-clients.

Finalement, l'ensemble du système de gestion des affaires publiques se caractériseégalement par une plus grande orientation vers des résultats, notamment des résultatsmesurables. Ceci combine le souci des citoyens-clients avec celui de la politique,soucieuse de l'efficacité et de l'effectivité, avec celui de l'administration, soucieused'une plus grande marge de manoeuvre dans la gestion.

Le NPM annonce ainsi et est en fait une transformation de fond en comble de l'ensembledu système traditionnel de gestion des politiques publiques qui englobe donc égalementles citoyens, l'administration, la politique, les organisations de la société civile, ainsi queles organisations (entreprises) privées. Il faut reconnaître que jusqu'à date, le législatif et

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le peuple ont quelque peu été négligés dans cette réflexion. Le juridique a même étéentièrement laissé de côté. C'est pour cela que dans la prochaine section il s'agitmaintenant d'examiner de plus près le rôle exact de chacun de ces acteurs dans le NPM.

Le rôle des acteurs dans le nouveau système de gestion des affaires publiques

Le statut et le rôle des acteurs notamment politiques dans le NPM, en particulier dulégislatif et de l'exécutif, se déduit du premier principe évoqué ci-haut, à savoir celui de ladistanciation et de l'autonomisation de l'administration vis-à-vis de la politique. En effet,l'idée de base du NPM est celle du désenchevêtrement ("Entflechtung") des décisionsstratégiques des activités opérationnelles: le peuple et le parlement définiraient les objectifsfondamentaux, à savoir les stratégies et les orientations générales de la politique, tandisque le gouvernement et l'administration s'occuperaient de l'interprétation et de la mise enpratique efficiente, efficace et effective des décisions parlementaires fondamentales. Ils'agit donc dans le cas du NPM d'une séparation claire entre "formulation" et"implémentation" des politiques (Rickenbacher, 1995:405). Mentionnons encore que cetteséparation est rendue plus difficile dans le cas de la Suisse à cause de la culturedémocratique ambiante (démocratie directe, parlements de milice), ainsi qu'à cause dufédéralisme, même si Klôti (1995) argumente que sur le fond l'idée du fédéralisme(principe de subsidiarité) serait parfaitement compatible avec le NPM (structure enholding).

A partir de ce principe de désenchevêtrement entre décisions stratégiques et gestionopérationnelle, l'on peut maintenant déduire, en théorie, les rôles respectifs des acteursdans le système du NPM:•

Ainsi, le Parlement s'occuperait du niveau normatif. Il déterminerait les grandsobjectifs politiques et y allouerait des budgets correspondants. Au travers d'un certainnombre d'indicateurs agrégés, il serait en mesure d'évaluer l'implémentation desobjectifs décidés (effectivité et effectivité allocative). Les organes de contrôle degestion administrative et financière répondraient également au parlement, même s'ilsseraient organisationnellement indépendants de lui. Le parlement, dans ce nouveausystème de gestion des affaires publiques, jouera un rôle clé. Il doit se pencher surson pouvoir budgétaire et s'interroger sur de nouveaux modèles comptables et denouveaux instruments budgétaires. En ce qui concerne son pouvoir de contrôle, leparlement doit développer encore son propre contrôle financier et surtout son contrôlede gestion par des audits, des évaluations des politiques publiques, et lebenchmarking. Par ailleurs, il doit retrouver son pouvoir d'initiative dans desdomaines comme les politiques à l'égard des organisations internationales et quilimitent la marge de manoeuvre de la politique en matière de gestion publique.

Le gouvernement s'occuperait de la stratégie. Il concrétiserait les objectifs générauxdu parlement, les traduirait en objectifs stratégiques, définirait des critères deperformance (effectivité, satisfaction des citoyens-clients), et négocierait les contratsde prestation avec les unités administratives. Par le controlling au moyen d'un certainnombre d'indicateurs, il serait en mesure de piloter l'implémentation de ses objectifsstratégiques.

L'administration -- ou plus précisément les différentes unités administratives --s'occuperait de la gestion opérationnelle. A cet effet, elle identifierait les besoins descitoyens-clients, élaborerait un contrat de prestation, et fournirait les prestations surlesquelles elle s'est engagée. La fourniture des prestations ressemblerait dans lesgrandes lignes à celle d'une entreprise de service, impliquant une planificationstratégique, une gestion professionnelle des ressources, et un controlling portantnotamment sur les critères d'efficacité et de satisfaction des clients.

Jusqu'à date les rôles respectifs du peuple et du juridique n'ont pas encore étéclairement définis, car le NPM s'est surtout occupé du management del'administration, et dans le cas des entreprises publiques également du management de

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la nouvelle relation entre politique et administration. Le peuple doit jouer un rôle accrudans le nouveau système, alors qu'à l'heure actuelle, son rôle n'est pas très important.En tant que citoyen, le peuple doit recevoir des droits référendaires en matière deproduits ou de groupes de produit, ce qui doit remplacer le référendum financier. Entant que client, le peuple doit être associé à la définition des standards de performance,à l'évaluation des performances, voire même à la gestion. Mais en outre, il faudraexplicitement associer à la nouvelle gestion publique des organisations non-gouvernementales, représentants d'intérêts spécifiques mais publics. Ces ONGsdevraient être associés à la définition des standards, à l'évaluation des prestations,voire au management proprement dit, et devraient être consultés, voir participer auxdécision politiques.

Le système juridique jouera un rôle accru dans la nouvelle gestion publique, mais àposteriori en adjudication et non pas à priori en réglementation.

• Les organes de contrôle, notamment les organes de contrôle financier et de gestion,doivent être autonomisés par rapport à la politique et par rapport à l'administration etfaire des rapports à l'intention des principaux acteurs politiques et de la société civile.

Les acteurs de la société civile et les privés joueront également un rôle croissant dansce nouveau système.

Cette claire répartition des tâches, du moins en théorie, entre les différents acteurs, telleque la prévoit le NPM, n'est pourtant pas sans problèmes. Certains la considèrent mêmeimpossible (Knoepfel, 1996). Il est certain que le NPM introduit un déséquilibre dans lesystème traditionnel de gestion des politiques publiques, et il est même probable que danscette vision traditionnelle cette séparation claire est impossible. De manière générale,cependant, il faut relever que le NPM multiplie le nombre des acteurs impliqués dans lenouveau système de gestion des affaires publiques. Même si leur rôle n'est pas encoretoujours très clair, il est cependant certain qu'ils joueront un rôle, et ceci dans le sens de lagouvemance collective des affaires publiques.

Le rôle des instruments dans le nouveau système de gestion des affaires publiques

Outre la redéfinition des rôles des acteurs, le NPM propose également toute une série denouveaux instruments pour le pilotage et le contrôle du nouveau système de gestion desaffaires publiques. Je distingue ici quatre instruments:•

Il s'agit d'abord d'un système d'indicateurs simples, facilement compréhensibles, ettransparents, mesurant l'efficience, l'efficacité, l'effectivité, et la satisfaction desclients. Ces indicateurs constituent l'outil principal de gestion du nouveau système. Siles indicateurs garantissent une meilleure gestion, leur définition par contre estessentiellement un enjeu stratégique et de pouvoir entre les acteurs. Il est doncimportant de clarifier quels acteurs sont habilités à définir quels indicateurs.

Un deuxième type d'instruments est constitué par les contrats. En effet, le NPMfonctionnaire grâce à un système cohérent de contrats entre les différents acteursimpliqués. Ces contrats attribueront à chaque acteur des tâches précises, des devoirs ,et des droits. Il n'y aura donc pas simplement un contrat entre exécutif et unitésadministratives, mais également entre législatif et exécutif (contrat politique), ainsiqu'un contrat plutôt implicite entre unités administratives et clients. Ce dernier secaractérise notamment par la transparence des coûts et des services. A l'intérieur desunités administratives, nous aurons des contrats aux différents niveaux quis'apparentent essentiellement à du MbO (Management by Objectives).

Troisièmement, ce nouvel équilibre passe par une clarification des différentesfonctions et pouvoirs de contrôle, distinguant entre le monitoring et l'ajustementpermanent selon des critères d'efficience, d'efficacité et de satisfaction des clients auniveau de l'administration, le controlling selon des critères d'efficacité et d'effectivitéqui se situe au niveau du gouvernement, et l'évaluation selon des critères d'effectivité

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et d'effectivité allocative qui se situe au niveau du parlement. Le contrôle de gestion etle contrôle financier devraient s'opérer de manière indépendante des trois acteurs, parexemple par une fiduciaire pour le premier et un régulateur pour le deuxième. Lesrapports correspondants devraient être votés par le parlement, et pourraient êtresoumis au référendum facultatif. Dans le NPM les contrôles et les organes de contrôlejoueront un rôle clé. Leur définition et leur pouvoir est de nouveau une affairepolitique et devra être faite avec beaucoup de soins.

Quatrièmement, le nouvel équilibre passera également par des évaluationssystématiques, permettant un apprentissage permanent et collectif. Ces évaluations nesont pas identiques aux contrôles mais se greffent, autant que possible, sur lesrapports de contrôle qui eux bâtissent autant que possible sur les indicateurs déjàrecueillis. Par ces évaluations on cherche à identifier des déséquilibres et à proposerdes corrections avant même des sanctions. Il s'agit d'une approche flexible etpragmatique d'un processus de transformation qui est pour l'essentiel un processusd'apprentissage

Conclusion

Le NPM induit ainsi des transformations de fond en comble de l'ensemble du système degestion des politiques publiques et propose l'inclusion et le redéfinition de nouveauxacteurs et de nouveaux instruments de management de ce système. Au travers du NPMnous en arrivons ainsi à une approche plus organisationnelle et plus managériale desaffaires publiques. Celles-ci sont maintenant vues comme un système qu'il s'agit de gérerde manière collective avec les acteurs en place. Dans la transition vers ce nouveau systèmetoute une série de problèmes peuvent cependant surgir. Ces problèmes ne sont pasforcément ceux que les critiques du NPM mettent généralement en lumière -- comme parexemple la perte de démocratie ou l'érosion de l'Etat de droit --, alors qu'ils contiennentun danger non négligeable de perversion du processus NPM. Je les évoque ici en guise deconclusion.

Les implications du NPM sur le système traditionnel de gestion des affaires publiques: lesdangers de la transformation

Il est évident que ces principes du NPM, combiné avec le nouveau comportement desdifférents acteurs aura des conséquences sur le système traditionnel de gestion despolitiques publiques, système qui sera considérablement déséquilibré. En effet, dans leNPM de multiples zones d'incertitude surgissent, notamment entre la politique etl'administration, entre l'administration et les citoyens, entre la politique et les tiers, entrel'administration et les tiers, et probablement également entre la politique et les citoyens.Dans cette section, j'aimerais maintenant examiner de plus près les différentsdéséquilibres qui peuvent résulter du NPM, notamment les possibles alliances entre lesacteurs. J'essaierai par la suite d'en dégager les conséquences à court, à moyen, et à longterme.•

Nous constatons, premièrement, un déséquilibre potentiel entre l'administration d'unepart et la politique d'autre part. En effet, avec le NPM, plus précisément avec ladistanciation entre administration et politique, émergeront des comportementsstratégiques de part et d'autres. D'une part, la politique va développer des attitudesstratégiques vis-à-vis de leurs unités administratives, en les mettant par exemple encompétition avec d'autres unités, voir avec des privés, ou encore en développant desplans pour les privatiser. De l'autre côté, les unités administratives vont développerdes attitudes et des comportements tout aussi stratégiques pour survivre et sedévelopper sur les marchés extérieurs.

Un deuxième déséquilibre peut émerger entre l'administration et l'exécutif d'un côté etle parlement de l'autre. En effet, l'on peut imaginer que l'exécutif se mette du côté de

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l'administration et forme une espèce d'alliance technocratique contre "l'inefficacitéparlementaire".

Un troisième déséquilibre potentiel pourrait résulter de l'alliance entre les citoyens-clients et les unités administratives d'un côté et les politiciens de l'autre. Cette"alliance de défense du service public" s'opposerait à des considérations politiques,telles que celles qui, pour des raisons idéologiques essentiellement, voudraientprivatiser certains services. Un exemple actuel est la Poste Britannique (Royal Mail).

Un quatrième déséquilibre résulterait de l'alliance entre les citoyens et les politiciensd'un côté et l'administration de l'autre. Cette alliance que l'on pourrait qualifierd"'anti-bureaucratique" ou "anti-fonctionnaire" s'opère déjà aujourd'hui et pousse enfaveur de la transformation des organisations de service public, souvent en faveur deleur privatisation. Il s'agit ici d'un argument essentiellement idéologique, mais il estévident que le déséquilibrage du système de gestion des affaires publiques susciterad'importantes réaction idéologiques.

Un dernier déséqulibrage s'opérera à l'intérieur de l'administration elle-même. Eneffet, il est évident que le NPM introduira une fragmentation dans une administrationqui jusqu'à maintenant a essentiellement été considérée comme cohérente et unifiée.Le NPM, en cherchant à faire rapprocher l'administration des citoyens-clients, qui parailleurs sont très hétérogènes, introduire des rythmes et fonctionnements différents.Ainsi, le NPM fragmentera l'administration, voire mettra même des unitésadministratives en compétition les unes avec les autres. Ceci sera un défi particulierpour la gestion de l'administration.

A partir de ces considérations, j'aimerais maintenant dégager un certain nombred'implications sur le système de gestion des affaires publiques. Je distinguerai entre desimplications à court, à moyen et à long terme.•

A court terme, il est probable que les unités administratives qui s'engagent dans leNPM sont renforcées par la démarche. Egalement l'exécutif en sortira renforcé,phénomène qui est pourtant observable plus généralement. Par contre, c'est lelégislatif qui est affaibli à court terme par la démarche NPM. En effet, ce dernier nedisposera pas des instruments de pilotage, ni de contrôle des unités administratives enNPM et perdra ainsi encore plus son contrôle sur l'administration. Par ailleurs, lelégislatif est déjà considérablement fragmenté par les intérêts particuliers et lelobbying, ce qui ne favorisera pas une approche cohérente de sa part de latransformation de l'ensemble du système de gestion des affaires publiques. Il fautdonc se demander, si à court terme, le législatif sera vraiment à la hauteur du NPM.

A moyen terme, c'est cependant un autre problème qui se posera, essentiellementinterne à l'administration. En effet, comme décrit ci-dessus, les unités administrativesvont s'engager, grâce au NPM, dans des directions différentes et ceci à des rythmesdifférents. Chaque unité administrative va vouloir obtenir des exceptions spécifiques àsa situations, notamment dans les domaines de la gestion financière et de la gestion dupersonnel. D'ailleurs le contrat de prestation va en quelque sorte codifier cettespécificité. L'administration va ainsi perdre encore plus sa cohérence, et la principaledifficulté va consister à gérer cette administration. Ceci d'autant plus que les fonctionstransversales, comme le personnel et les finances, vont perdre du pouvoir avec leNPM, et ne plus être en mesure de contrôler l'unité de l'administration. D'autresfonctions transversales, comme la formation, l'informatique ou la gestion desbâtiments, vont être autonomisées, voire privatisées, contribuant encore à la perted'unité de l'administration. Il se pose la question si, à moyen terme, l'administrationcontinuera à exister en tant que telle. Ceci posera évidemment un grand problème depilotage de l'administration. Seulement un exécutif fort aura la capacité de maintenirune certaine cohérence dans l'administration.

C'est ainsi qu'à long terme émergera un conflit potentiel entre le législatif et l'exécutif.En effet, graduellement des instruments de pilotage et de contrôle vont êtredéveloppés, si bien que le législatif -- en particulier ses commissions des finances et

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de gestion -- disposeront de moyens considérables pour piloter l'administration. Ladétermination des grandes orientations va donc graduellement glisser vers le législatif,ou du moins certaines commissions du législatif. Pour l'exécutif se posera alors leproblème de son rôle. Soit il glissera de plus en plus vers un rôle de management del'administration (Konzernleitung), au cas où il rentre en conflit avec les chefs deservice, soit il maintiendra un rôle essentiellement politique, au cas où il rentrer enconflit avec les parlementaires. A long terme, le rôle de l'exécutif reste donc flou.

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Katia HORBER-PAPAZIAN

Les quelques points repris dans ce texte ont été développés dans le cadre duséminaire organisé par le CETEL et l'institut Kurt Bosch du 2 au 4 octobre 1996 surle thème de la nouvelle gestion publique. Chances et limites d'une réforme del'administration.'

1. Trois questions et un constat au centre de la réflexion

Fidèle à lui-même le politologue dans le cadre du débat sur la nouvelle gestionpublique (NGP) se plaît à porter un regard interrogateur. C'est donc sous forme dequestions-réponses que ce texte est construit. Les différentes caractéristiques de laNGP2 ayant été définies dans le texte de Théo Haldemann, je vais retenir troisquestions comme charnières de ma réflexion.Tout d'abord, je me demanderai quels sont les pièges dans lesquels la nouvellegestion publique se doit de ne pas tomber. Ensuite, face à la transformation de rôledes acteurs de l'action publique à . laquelle la nouvelle gestion publique conduit, jem'interrogerai sur les conditions requises pour que de telles transformationspuissent se réaliser. C'est sur ce point que je focaliserais mon attention. Finalementj'examinerai s'il y a compatibilité entre la nouvelle gestion publique et le fédéralisme.Je conciuerais sur un constat qui est en filigrane de toute cette réflexion: quelquesoit l'avenir de la NGP en Suisse, elle est un parfait miroir des imperfections denotre système politique.L'expérience étrangère démontre que la NGP est un concept à géométrie variable. Ilen va de même en Suisse où sous des appellations le plus souvent différentes (NewPublic Management, wirkungsorientierte Verwaltungsführung, nouvelle gestionpublique, Management by Results...), des expériences sont menées en mettantl'accent sur l'un ou l'autre des aspects de la NGP. Les quelques remarques quisuivent sont trop succintes pour qu'il soit possible de nuancer chaque point entenant compte de cette variation.Convaincue que des réformes du secteur public sont indispensables, je prendscependant le parti dans ce texte de mettre en exergue les difficultés et les limitesauxquelles toute tentative de transformation risque d'être confrontée. Mon objectifn'est pas de peindre le diable sur la muraille, mais de mettre en évidence les zonesde conflits potentiels pour permettre à ceux qui auront pour charge de mettre enplace des structures de NGP d'anticiper les difficultés pour mieux les surmonter.

' Je remercie Anne-Béatrice Bullinger pour sa précieuse collaboration.2 Un pilotage par les objectifs plutôt que par les procédures,une séparation claire des aspectsstratégiques des aspects opérationnels, une administration orientée vers les clients et lescollaborateurs, une action administrative concentrée sur la recherche de la qualité, l'introduction de laconcurrence entre prestataires, une réorganisation de l'administration en agences autonomes et unedécentralisation de la responsabilité.

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2. Les pièges tendus à la NGP

La popularité

La nouvelle gestion publique et ses principes développés notamment par Osborneet Gaebler (1993), a suscité beaucoup de débats et d'espoirs de par le monde. EnSuisse, les réformes inspirées de la NGP aux trois niveaux étatiques sont recenséesdepuis 1995. (Haldemann et Schedler, 1995). Sur la base des quelques projetspilotes réalisés principalement en Suisse alémanique et vu l'avancement des projetsdont la plupart en sont encore au stade de conceptualisation ou de mise en place, ilest encore trop tôt pour tirer de quelconques conclusions sur l'incidence possible etréelle de la NGP dans ce pays.A ce stade, deux attitudes sont cependant envisageables. On peut soit généraliserle plus rapidement possible les expériences de NGP en profitant de sa popularitétrès grande avant que les problèmes relatifs à sa mise en oeuvre ne soient tropapparents, soit se préoccuper de mettre en évidence les préalables et les conditionsindispensables à la mise en place de structures de NGP dans le système politiquesuisse sur la base d'hypothèses et d'explorations. Ces attitudes face à la NGPpeuvent toutes deux lui être néfastes. La course contre la montre risque rapidementd'être bloquée par une somme de problèmes niés ou repoussés lors de la mise enplace de réformes qui finalement ressurgissent au moment de la mise en oeuvresans qu'il soit possible d'y répondre par manque d'anticipation ou parce-que lesproblèmes sont trop complexes. Les détracteurs de la NGP pourront alors sansvergogne montrer du doigt le trône chancelant de cette reine dont la popularitérisquerait de ne plus être qu'éphémère. La deuxième attitude peut être aussipérilleuse puisqu'elle implique de prendre le temps de la réflexion. Que restera-t-ilde l'engouement suscité par la NGP le jour où il sera enfin possible de dire quels ensont les aspects qui sont adaptables au système politique et administratif et à quellecondition.Un équilibre entre témérité et réflexion doit de toute évidence être trouvé. Lanécessité des réformes étant reconnue, il faut espérer que la volonté politique dechangement qui les accompagne persistera et ira en s'amplifiant.

La frustration d'éminents analystes

Nouvelle gestion publique ! Que des réformes soient préconisées cela n'a rien detrès nouveau, que le concept qui coiffe des réformes fondamentales du secteurpublic soit présenté comme nouveau, voilà ce qui peut être attractif pour certains etsuspect pour d'autres. Juristes, économistes, politistes et politologues, preuves àl'appui, ont tenté de démontrer que bien avant les papes de la NGP ils avaient parléd'indispensables réformes des structures administratives et de coordination(Knoepfel, 1990), de stratégies visant à lutter contre l'inefficience de l'Etat(Jeanrenaud, 1988), d'enchevêtrement de compétences (Germann, 1986), de droitsouple (Morand,1991), de nécessité d'évaluer l'action de l'Etat (Mader, 1985,Bussmann 1995), d'un nécessaire rapprochement du citoyen (Horber-Papazian1990). Alors en quoi ce qui est présenté sous le label de NGP est-il si nouveau etrévolutionnaire?

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Avec le recul, plus personne ne peut contester que la NGP reprend un certainnombre de propositions vieilles pour certaines de plus de 20 ans pour en faire unesorte de patchwok qui touche à l'ensemble du secteur public. NPM, like mostadministrative labels, is a loose term. Its usefulness lies in its convenience as ashorthand name for the set of broadly similar administrative doctrines whichdominated the bureaucratic reform agenda in many of the OECD group of countriesfrom the late 1970s. (Hood, 1991, p.3-4). Ce qui est alors réellement nouveau, c'estprécisément ce patchwork et la capacité que ses concepteurs ont eu à "vendre" leconcept aux décideurs en le présentant comme salvateur. Cette stratégie, digne dumeilleur marketing remet une fois de plus en question la relation du mondescientifique avec le monde politique et la difficulté avec laquelle le mondescientifique rend ses idées intelligibles aux décideurs.

Les conditions de mise en oeuvre

Les exemples de mise en oeuvre de la NGP foisonnent. Il est cependant intéressantde constater que ce soit aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, enAustralie, en Nouvelle Zélande, en Allemagne en Scandinavie ou en Suisse, lescollectivités publiques ne se tournent vers des réformes qu'en dernier recours,lorsque la pression est forte. La pression a pour nom déficit budgétaire. La nouvellegestion publique apparaît alors comme la panacée qui va permettre de rétablirl'équilibre budgétaire. Si le rapprochement avec le citoyen est évoqué au même titreque la recherche de la qualité de la prestation publique, ils ne constituent jamais àeux seuls les moteurs de profondes réformes, qui reste le manque de ressourcesfinancières. Under intense fiscal pressure, state and local leaders had no choice butto change the way they did business. (Osborne et Gaebler, 1993, p. 17).Cette condition cadre de la mise en place de structures de NGP est à mon sensnéfaste parce qu'elle risque d'occulter totalement les réels besoins de réformes dusecteur public comme elle risque de dénaturer le concept même de réforme proposépar la NGP.

De vains espoirs

S'il paraît évident que la poursuite d'objectifs clairs, la chasse aux doublons et à lamauvaise coordination administrative, le contrôle systématique des procédures et larecherche de l'adéquation des ressources aux prestations à fournir ainsi quel'adéquation des prestations fournies à la résolution du problème visé sont sourcesd'une plus grande efficence, il paraît tout aussi évident que la mise en place detelles réformes coûte, prend du temps et n'a d'effet réel qu'à long terme.La NGP peut introduire une réduction des effectifs, une redistrubution des tâchesentre acteurs publics et privés par souci d'efficacité et par là être sourced'économies substantielles, mais son but premier est, ou devrait être à mon sens larecherche de l'efficacité de l'action publique avec pour corrolaire son efficience. Cepoint d'entrée est très différent de celui de la recherche de la réduction des coûtssans examiner les conséquences de cette démarche sur la mission première del' Etat qui est de résoudre des problèmes que la société n'est pas à même d'assumerseule. Acculés par les déficits budgétaires, conscients enfin que les coupes linéairesne résolvent rien, le risque est cependant grand que les décideurs s'en remettentaveuglément à des faiseurs de miracles en oubliant que les miracles dépendent de

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leur capacité à décider en connaissance de cause, à assumer leurs décisions et lesrôles qui sont attendus d'eux.

3. Des slogans à la réalité: une transformation des rôlesdouloureuse, mais de nouvelles opportunitésIl m'est arrivé à de nombreuses reprises de présenter à des responsables politiqueset administratifs ce que la mise en place de la NGP pourrait entraîner commetransformation dans leur rôle. Jamais je n'ai rencontré d'interlocuteur qui me dise cerôle je n'en veux pas, je ne pourrais pas l'assumer. Souvent je me suis demandéej usqu'à quel point chacun des acteurs clé est conscient des modifications profondesqu'une application à la lettre de la NGP pourrait impliquer. Aussi vais-je m'appliquerà reprendre les principaux rôles que la NGP voudrait voir assumer par l'exécutif,l'administration, le législatif, le client-citoyen et m'interroger sur les conséquencespossibles de cette transformation et sur les opportunités qu'elle offre.

Le législatif

L'introduction de la NGP devrait permettre au parlement de jouer son rôle desouverain en se prononçant sur les groupes de produits et les budgets globaux et enrenforçant ses moyens de contrôle. Par contre les questions relevant de la mise enoeuvre devraient lui échapper.

Approuve des groupes de produits et des budgets globaux correspondants.

Après avoir fixé les objectifs généraux, le rôle central des parlements devrait être liéà l'approbation des groupes de produits et des budgets globaux. Se prononcer surdes budgets globaux implique que le parlement doit renoncer à examiner comme ille fait actuellement chaque ligne budgétaire. Il accepte d'allouer une somme de xfrancs pour que l'administration remplisse telle ou telle tâche, mais la façon dontl'administration remplit sa tâche n'est plus de son ressort. Certains analystes voientdans cette modification une diminution du rôle du législatif. D'autres doutent que leparlement à long terme accepte de telles modifcations. Ob er dièseWàhlerbedürfnisse schon bei der Formulierung der Leistungsaufrtràge erkennt,dürfte zu bezweifeln sein. Vermutlich werden Parlamentarier bald einmai dagegenprotestieren, dass sie zu blossen Leistungsbestellern bei der Verwaltung degradiertwerden, und dass sie infolge die Leistungsauftràge kaum etwas zu sagen haben.(Knoepfel, 1996, p. 27).La position du parlement peut cependant être renforcée par l'informationsupplémentaire qui sera mise à sa disposition au moment de l'approbation desbudgets globaux. Le parlement en optant pour telle ou telle variante sauraexactement quelles sont les incidences de ses choix sur les budgets et surtout ceque l'administration peut s'engager à offrir comme prestation avec une telleenveloppe. La plus grande partie des décisions sont actuellement prises enméconnaissance totale des prestations à fournir pour atteindre les objectifspolitiques définis et le coût réel des prestations.

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Exerce de nouveaux contrôles

Fidèle au modèle wébérien, l'administration se doit d'être un instrument neutre etprévisible au service du pouvoir politique. Son activité doit respecter strictement uncertain nombre de procédures légales prédéterminées et un ensemble de principesconstitutionnels régissant le droit administratif tels que la légalité, l'égalité detraitement, la proportionnalité, l'interdiction de l'arbitraire, la bonne foi, l'intérêt publicet la non rétroactivité. (Knapp, 1982, pp.61-85). Dans ce contexte les contrôlesexercés par les parlements sont principalement des contrôles a postériori de légalitéet de régularité. Dans le cadre de la NGP, tous les efforts visant à effectuer de telscontrôles ne sont pas suffisants, puisque la question centrale sera de savoir si lesrésultats escomptés sont atteints sur la base de critères prédéfinis. Cettetransformation fondamentale devrait impérativement compléter la teneur descontrôles exercés par les parlements. Ces derniers devraient se doter de réelsinstruments d'évaluation et de contrôle de l'efficacité et de l'efficience des politiquespubliques à l'instar des parlements étrangers. (Derlien, 1990). De timides tentativessont entreprises en Suisse au niveau du parlement fédéral ou de parlementscantonaux (Berne, Genève). Ce n'est qu'en renforçant leurs moyens de pilotage etde contrôle que les parlements pourront assumer leur missions premières avec ousans NGP.

L'exécutif

Après avoir organisé et contrôlé les détails de la production de prestations, l'exécutifvoit son rôle se transformer en pilote, négociateur, contrôleur et coordinateur.

Pilote

Les auteurs de la NGP mettent les exécutifs devant le choix de ramer ou de piloter.Face à cette alternative il semble difficile à un membre d'un exécutif de choisir de"ramer" plutôt que de °piloter" et pourtant...Piloter implique d'avoir une vision la plus globale possible des problèmes à résoudresur le court, le moyen et le long terme, de déterminer les ressources nécessaires àl'action, de définir la stratégie à mener en s'appuyant sur les ressources disponiblesou à réunir, et d'avoir une aptitude importante à réorienter l'action en fonction desrésultats.Or, on peut se demander pourquoi l'ensemble des exécutifs n'agissent pas de lasorte. Il serait caricatural de dire que jusqu'à nos jours les exécutifs n'ont pas pilotéet qu'à l'avenir tout pourrait changer. Pourtant ce rôle de pilote est difficile à tenir parla capacité d'anticipation, d'analyse et la maîtrise de situations complexes etconflictuelles qu'il exige. Cette exigence peut être très lourde pour les nombreuxexécutifs de milice en place. Les mutations qui caractérient notre société ne facilitentpas non plus les projections. Pourtant elles sont indispensables si l'on veut menerune réelle politique.

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Définit des objectifs et des critères d'évaluation clairs

Plus les objectifs sont clairs plus il est facile d'agir et, surtout, plus il est possible demesurer l'efficacité de l'action administrative en fonction de l'atteinte des objectifssur la base de critères prédéfinis.Les responsables politiques ont-ils avantage et la possibilité de définir des objectifsclairs? Je me dois de répondre aux deux questions par la négative. Plus les objectifssont flous, plus la marge de manoeuvre des instances de mise en oeuvre est grandeet moins le contrôle est possible. De plus, dans un pays caractérisé par desgouvernements multipartistes, la recherche de consensus ne peut déboucher quesur des objectifs de consensus difficilement opérationalisables tels que l'« utilisationmesurée du sol » ou la recherche d'un « développement harmonieux » qui sont lesobjectifs de la loi du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire (RS 700, art. 1,al.1) pour laquelle le consensus a été particulièrement difficile à trouver.

Négocie les mandats de prestations avec l'administration

Les objectifs à atteindre, les critères d'évaluation, la périoidicité et le moded'évaluation font l'objet d'une négociation. Or s'il y a négociation, il doitnécessairement y avoir partage de pouvoir. Même s'il paraît évident qu'il appartientà l'exécutif de définir les règles du jeu, ce nouveau type de partage de pouvoir necorrespond pas aux rapports hiérarchiques habituels entre un éxécutif et sonadministration. Dans le cadre de la NGP, l'administration peut refuser d'assumer telou tel aspect d'un mandat, si les moyens nécessaires ne lui sont pas alloués. Deplus, la NGP introduit un élément nouveau qui est le partage clair des compétencesentre le pilotage et la production des prestations. En d'autres termes, le politiques'occupe des aspects stratégiques, et l'administration des aspects opérationnels.Cette distinction sera probablement difficile à respecter par des exécutifs habitués àse prononcer sur tout, de la couleur des meubles au nombre de pelles en passantpar l'heure d'ouverture des crèches ou les qualifications indispensables deséducatrices chargées de la petite enfance. Ces questions qui peuvent paraîtrehautement statégiques, ne devraient pourtant plus être de leur ressort. La questionqui reste largement ouverte est de savoir sur la base de quels critères la distinctionentre éléments stratégiques et opérationnels sera faite et si les politiciensaccepteront les transformations qui en découlent. C'est ce point qui sera trèscertainement controversé. Une trop grande rigueur dans l'application des règles dujeu risque à mon sens de démotiver de nombreux responsables politiques partisansdes réformes. Par conséquent, une certaine souplesse pourrait être la meilleurealliée des réformateurs.

Contrôle la réalisation des objectifs et l'efficacité et l'efficience del'administration

Dans son rôle de contrôleur, l'éxécutif risque d'être très dépendant des rapportsfournis par l'administration, c'est la raison pour laquelle il devrait être maître de ladéfinition des critères d'évaluation et compléter les informations fournies pard'autres sources. Les critères actuellement retenus par les expériences pilotes sontpour la plupart des critères quantitatifs visant à mesurer le nombre de clientstouchés, le nombre de prestations fournies, ou le coût des prestations (Arn et al.,1995). L'attention est totalement focalisée sur la prestation ou l'output et très peu,

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pour ne pas dire aucune réflexion n'est réellement faite sur la question del'adéquation des prestations aux problèmes à résoudre et sur la nécessité de piloterles politiques publiques pour atteindre cet objectif. Or c'est bien au pilotage depolitiques publiques que l'exécutif devra se consacrer en proposant au législatif deréajuster les objectifs et les ressources en fonction des résultats obtenus.

Coordonne les différentes politiques.

Le risque est grand que chaque service agisse pour produire un certain nombre deprestations sans avoir réellement conscience du poids et du rôle de la prestationdans la réalisation de politiques publiques. On risque de produire des produits pourproduire des produits, et non pas pour résoudre des problèmes. (Knoepfel 1995, p.136). Seul l'exécutif peut avoir ce regard global et s'assurer que telle action vientrenforcer telle autre plutôt que la contrecarrer.De même que pour le législatif, la plupart des mutations souhaitées par la NGP dansle mode d'intervention des exécutifs paraissent indispensables. Pour faire face auxquestions à l'ordre du jour, il paraît impensable en effet que les exécutifs n'aient pasune vision statégique de leur action, ni ne coordonnent ou ne contrôlent l'ensembledes activités réalisées sous leur responsabilité. La NGP ne fait que remettre ledébat à l'ordre du jour. La question qui reste ouverte est de savoir, s'il existe uneréelle volonté de changement.

L'administration

La NGP devrait apporter à l'administration trois modifications importantes dans sonmode de fonctionnement: un rapprochement du client-citoyen, la possibilité deproposer, de fournir et de gérer des prestations de façon autonome, et la capacitéd'agir en entrepreneur. La NGP implique aussi des transformations dans les modesd'information et de communication.

Se rapproche du citoyen

C'est à l'administration qu'il appartiendra de mettre en évidence, sur la base desondages, de consultations ou de groupes de travail, les besoins de la populationcible. Le type et le mode de l'implication du client dans les décisions renvoie audébat que l'on a connu dans les années70-80 sur la participation du citoyen auxdécisions avec son lot d'éternelles questions jamais résolues sur qui doit participer,les participants sont-ils représentatifs des différents intérêts ou à des questionsbeaucoup plus classiques sur la fiabilité de l'avis du citoyen et sa capacité àanticiper et à juger d'une situation au-delà de son intérêt particulier.

Transforme les modes d'information et de communication

L'administration devra laisser un libre accès à l'information au citoyen, de sorte à cequ'il puisse suivre les dossiers qui le concernent et qu'il puisse se forger une idéesur le fonctionnement de l'administration. Seul le canton de Berne ne soumet plus lapublicité au secret. La loi cantonale bernoise sur l'information du public (Lin) préciseque les autorités informent sur leurs activités, créant ainsi les conditions d'une libreformation de l'opinion (article 14 al 1 Lin) et la nouvelle Constitution cantonaleprécise à son article 17, al. 3 que toute personne a le droit de consulter les

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documents officiels pour autant qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'yoppose. Partout ailleurs, la pratique en matière d'information se base sur le principequi subordonne la publicité au secret.Une plus grande proximité au client implique non seulement un renforcement desmodes d'information, mais aussi la mise au point de systèmes de rétroaction quipermettent de tenir compte de son avis et d'instaurer un véritable système decommunication. Beaucoup d'espoirs sont mis actuellement sur la généralisation del'offre de prestations par les pouvoirs publics sur le réseau internet à travers lenouveau concept du « Government on-line ». Des tentatives sont menéesactuellement au niveau fédéral, et Genève a fait oeuvre de pionnier avec la mise enplace d'un site par le canton, en vue de la votation populaire du 9 juin 1996 sur latraversée de la Rade. Les mentalités devront encore changer puisque sur 41000connexions enregistrées entre le 11 avril et le 9 juin, seules 42 personnes sontentrées réellement en communication avec le Département des travaux publics et del'énergie (Satineau, 1996, p. 11-12).

Propose les prestations et le budget prévisionnel, négocie les mandats deprestations

L'administration prépare non seulement les décisions et le budget prévisionnel aumême titre qu'elle le fait aujourd'hui, mais elle voit son rôle se renforcer par lapossibilité qui lui est donnée de négocier les prestations qu'elle doit founir enfonction des ressources qui lui sont allouées. Sa marge de manoeuvre dans lesnégociations va dépendre des règles du jeu que l'exécutif choisira de définir.

Fournit et gère les prestations de façon autonome, agit en entrepreneur

Totalement maîtresse des aspects opérationnels, l'administration décide de sescollaborations avec des partenaires privés, gère ses enveloppes budgétaires commeelle l'entend et s'organise de sorte à répondre à ses engagements. Le but est nonseulement d'atteindre les objectifs fixés mais de les atteindre au moindre coût.Chaque service a une enveloppe budgétaire à gérer. S'il fait des bénéfices, il peutallouer, à l'exemple de la ville de Berne, la moitié des bénéfices à la Ville et la moitiéau service pour la réalisation de nouvelles prestations. En cas de dépassement decrédit, le service peut puiser dans un fonds commun, mais il se voit pénalisé, car ildoit payer des intérêts négatifs sur les sommes empruntées qui devront êtrerendues.Le succès de ces modifications implique une forte motivation des cadres et dupersonnel administratif qui se voient fortement responsabilisés. La question de laresponsabilité finale du chef de service et du personnel administratif en cas d'échecreste ouverte. Ce point devrait être discuté au moment de la négociation desmandats de prestations, au même titre que la question des récompenses et dessanctions.La liste des tâches à assumer par l'administration pourrait nous amener à conclureque la NGP renforce fortement son rôle. Est-ce réellement le cas? La NGP va-t-ellevéritablement amener un grand changement par rapport à la pratique actuelle? Jene le pense pas. L'administration est déjà aujourd'hui l'acteur central de l'actionpublique. C'est au sein des services que les dossiers sont réellement traités, que lesvariantes sont définies et que les budgets sont préparés. La NGP clarifie simplement

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le jeu en apportant un élément fondamental qui est l'orientation client, avec ce quecela implique comme transformation au niveau des systèmes d'information.

Les clients-citoyens:

Avec Ia'NGP, l'administré est remplacé par le client et sa satisfaction est au centrede toute la démarche. Le client ne sera plus consulté comme opposant potentiel,mais comme objet de l'intervention étatique. Aussi se verra-t-il sollicité à donner sonavis sur ses besoins et la qualité des prestations offertes. Il pourra de plus, s'il estde nationalité suisse, s'exprimer à un double titre, en tant que client et en tant quecitoyen.

S'impliquent dans la définition et l`évaluation des prestations

Sollicité à exprimer ses besoins et à évaluer la qualité des prestations, l'administréva voir son rôle se transformer en acteur charnière de l'action publique Primaryaccountability will no longer be to the President through departmental lines andcentral management agencies, but to the customer (Moe, 1994, p. 116). Cettesituation nouvelle pose la question de la capacité de mobilisation du client. Le tauxde participation même au niveau local illustre le peu d'inclinaison que le client a àparticiper à la chose publique. Les expériences menées cependant, en particulierdans les domaines de l'urbanisme et de l'aménagement local, démontrent que s'ilest directement touché dans son intérêt le client- citoyen est enclin à se mobiliser.Espérons que l'adminstration saura créer des relations de confiance et trouver lemoyen de lui monter qu'en s'impliquant il peut avoir une influence sur sonenvironnement.

Les différentes remarques qui viennent d'être énoncées quant au rôle des acteursmettent en évidence le fait que les transformations souhaitées par la NGP exigentoutre la mise en place de nouvelles structures et pratiques, des modifications dementalité et l'acceptation du changement. Ce résultat ne peut être à mon sens quele fruit d'un processus d'apprentissage important. Les démarches entreprisesactuellement sont centrées sur des questions opérationnelles et organisationnellesprincipalement. Un effort important doit être consenti à la sensibilisation et à laformation de l'ensemble des personnes concernées.Outre sur une transformation de rôles la NGP peut avoir des répercussions sur lesystème démocratique et le fédéralisme. Il s'agit donc de s'interroger sur leurcompatibilité. La question relative à la démocratie étant traitée dans les textes deMatthias Finger et de Peter Knoepfel, je ne retiendrai que celle du fédéralisme.

4. Y a-t-il compatibilité entre la NGP et le fédéralisme?Aucune expérience de NGP n'englobe aujourd'hui les trois instances du systèmefédéraliste. Pourtant du point de vue théorique, il n'y a pas d'incompatibilité entre laNGP et le fédéralisme Zusammenfassend lâsst sich somit festhalten, dass in derTheorie und auf der Ebene der Grundprinzipien keine lnkompatibilitàt zwischenFdderalismus und NPM besteht. Organisationsstrukturen, Entscheidungsverfahren,die Zèle der Kunden- und Bürgernâhe sowie die Effizienz lassen sich gutmiteinander verbinden. Fôderalismus erleichtert die Einführung von NPM. NPM und

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Fdderalismus scheinen sich zu ergànzen und in Teilen zu verstârken. (Klôti, 1995, p.413). En effet, la NGP prône la décentralisation; la séparation des aspectsopérationnels et stratégiques correspond au principe de subsidiarité; la proximité aucitoyen est déja assurée dans le système fédéraliste. De plus, le fédéralisme devraitfaciliter la mise en place de la NGP, car la structure de l'Etat permet de faire desexpériences à petite échelle.Des doutes sont pourtant permis. La tendance à l'uniformisation dûe à la mise enplace d'indicateurs de performances homogènes ne risque-t-elle pas d'aller àl'encontre de la richesse du système politique suisse qui permet une adaptation desmesures aux particularités locales? « Le NPM mènera à une centralisation sousjacente de notre secteur public: pour être comparables, les produits doivent êtremesurés selon un même modèle d'évaluation pour tous les cantons et lescommunes suisses. « (Knoepfel, 1995, p. 136). La question est ouverte si l'on seréfère aux mandats de prestations des ORP qui prescrivent jusqu'au nombred'entretiens de conseil par conseiller et par mois. Une autre question non résolueparce-que pas encore d'actualité a trait aux communes. Qu'adviendra-t-il descommunes dans le cadre des négociations entre cantons et Confédération sur lesmandats de prestations? Les communes ne bénéficiant pas de l'immédiatetéfédérale, elles seront exclues d'un débat qui risque d'autant plus de les concernerque les mandats de prestations seront détaillés. Ne deviendront-elles à l'avenir queles gérantes d'aspects opérationnels de politiques publiques? Accepteront-elles queles questions stratégiques relevant de leurs communes soient traitées uniquementpar les cantons? J'en doute.L'autre question qui reste totalement ouverte relève du mode de négociation quipourrait s'instaurer entre cantons et communes quant aux mandats de prestations.Attendra-t-on les mêmes prestations d'une commune de 17 ou de plus de 100.000habitants? Où, comment et selon quels critères se feront les lignes de démarcation?Qui sera le partenaire des négociations? Les autorités cantonales vaudoises nepourront pas aller négocier avec 385 communes. Il est difficile d'imaginer quel' Union des communes vaudoises puisse représenter tous les intérêts et ait lalégitimité de le faire. Ces questions qui me semblent fondamentales sont aujourd'huien suspens. Peut-être que les promoteurs de la NGP n'ont jamais osé imaginers'attaquer à Dame Helvétie en son entier. Cette hypothèse est pour l'instant vérifiée,il n'y a en effet à ce jour aucune coordination entre les différentes expériences deNGP menées en Suisse.

5. Conclusion: quoi qu'il advienne, la NGP est notre meilleur miroirQue l'on soit dans le camp des "pour", des "contres", ou des "sceptiques", force estde constater que beaucoup des modifications proposées par la NGP paraissentindispensables à une "bonne" gestion publique 3 .

Toutes les idées avancées ne pourront jamais être appliquées telles quelles pourdes raisons institutionnelles, de volonté politique, de masse critique etd'infrastructure. Dans ce contexte, la NGP a l'avantage d'être un concept àgéométrie variable. Le grand danger est que tout le débat se focalise sur la

' Définition claire des objectifs et des critères d'évaluation, répartition claire des compétences entreacteurs publics des différents niveaux étatiques, suivi et évaluation des perstations, adéquation desprestations aux besoins.

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séparation entre aspects stratégiques et opérationnels. Les réfractaires risquent des'accrocher à cet argument et se fermer à toute réforme.A ce stade du débat, un point me paraît cependant évident. Quoi qu'il advienne de laNGP, elle a le mérite d'être le parfait miroir des imperfections de notre systèmepolitico-administratif puisque jour après jour elle met en évidence:- la nécessité de clarifier les compétences et les rôles;- l'indispensable désenchevêtrement politique, financier et adminstratif;- le besoin de la qualité dans la gestion administrative;- la nécessité d'évaluer l'activité étatique sur la base de critères clairement définis;- la sous-utilisation d'outils d'aide à la décision et dévaluation de l'action publique;- l'indispensable attribution des coûts aux prestations;- la nécessité d'un rapprochement avec le citoyen;- les lacunes en matière de communication et d'information;

Traiter de ces questions implique de repenser le rôle de l'Etat et de l'administration.Je souhaite qu'au-delà des guerres de chapelles, nous saisirons l'opportunité quinous est offerte d'avoir un vrai débat de fond.

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LE NEW PUBLIC MANAGEMENT:ATTENTES INSATISFAITES OU ÉCHECS PRÉPROGRAMMÉS - UNE CRITIQUE

A LA LUMIÈRE DE L'ANALYSE DES POLITIQUES PUBLIQUES 2

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Peter KNOEPFEL

1. INTRODUCTION

These complicated and boringprocedures and organizationalarrangements ... are legitimately ... partof government (but) can be altered toi mprove efficiency without changingthe governments' "basic character".

DownsfLarkey 1

En Suisse comme ailleurs, on ne s'est qu'insuffisamment penché sur les causespolitico-administratives et structurelles des dysfonctionnements de l'actionpublique - fort critiqués au demeurant - auxquels le New Public Management sepropose de remédier. Conséquence de ce manque de réflexion et d'analyse, leNPM est un concept de gestion stratégique par trop réductionniste, dont la miseen oeuvre risque de rester elle-même déficitaire par rapport aux objectifs viséspar ce mouvement. Ce constat, dont nous nous proposons de développer ici lesfondements, ne date pas d'aujourd'hui. La majorité des arguments se trouventdéjà, sous une forme plus détaillée et documentée, dans un article publié en 1994déjà par Hans Brinckmann, qui étudie la question depuis des années sur la basedes débats allemands et internationaux y relatifs 3 . Partant du principe que leslecteurs ont connaissance des principaux postulats du NPM, ceux-ci ayant déjàfait l'objet de nombreuses contributions, je m'appuie essentiellement sur l'articlede Christopher Hood, paru en 1991 et intitulé "A Public Management for all

G. Downs, P. D. Larkey, 1986, p. 240.Le présent article est une traduction (avec quelques adaptations) de ma contribution allemandeintitulée "New Public Management: Vorprogrammierte Enttüuschungen oder politischeFlursehüden. Eine Kritik aus der Sicht der Politikanalyse" in: P. Hablützel, Th. flaldemann,K. Schedler, K. Schwaar (Hrsg.) 1995, p. 453 - 470. Je remercie Françoise De Coulon et SergeTerribilini pour leurs travaux de traduction.H. Brinckmann, 1994, pp. 167-242.Autres ouvrages où apparaît également ce discours critique: F. Naschold, Modernisierung desStaates, zur Ordnungs- und Innovationspolitik des dffentlichen Sektors, 1994; F. Naschold,M. Prdhl (Ed.), Produktivitât ôffentlicher Dienstleistungen, Dokumentation Bineswissenschaftlichen Diskurses zum Produktivitâtsbegriff, 1994; A. Picot, B. Wolff, Zurbkonomischen Organisation bffentlicher Leistungen: "Lean Management" im bffentlichen Sektor?,in: F. Naschold, M. Prdhl (Ed.), 1994; F. Naschold, Produktivitlt dffentlicher Diensleistungen,1994.

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Seasons" 4 . J'ai toutefois rajouté à ce débat un élément nouveau, à savoir laconfrontation du NPM avec les résultats de recherches et les recommandations

de l'analyse des politiques publiques classiques puis, me fondant sur des

études plus récentes6 , avec une analyse des politiques publiques élargie à des

facteurs structurels et institutionnels.

J'ai retenu pour cette confrontation sept postulats du NPM que je considèrecomme essentiels. Mon propos est de démontrer, à la faveur de l'analyse despolitiques publiques classique, que ces postulats ne peuvent être mis en oeuvre

qu'au prix de réformes bien plus importantes que ne le prétendent leurspartisans. En effet, même en recourant à cette analyse pourtant relativementsimpliste, on s'aperçoit que les causes du prétendu dysfonctionnement del'administration publique auxquels le NPM se propose de remédier sont bienplus profondes que ses promoteurs ne le supposent. Le bilan n'est en outreguère plus réjouissant lorsque l'on confronte le NPM à une analyse despolitiques publiques élargie à des facteurs structurels et institutionnels.

Cette approche a toute sa raison d'être, car l'analyse des politiques publiquesclassique semble des plus appropriée pour favoriser des réformes administrativesqui, en surface tout au moins, ressemblent, en partie, aux recommandations duNPM. Comme on va le voir, les apparences sont cependant trompeuses: lerecours à l'analyse des politiques publiques à des fins interprétatives est,aujourd'hui encore, une méthode très complexe, et les conclusions auxquelleselle aboutit ne sont pas de simples recettes. L'analyse élargie à des facteursstructurels et institutionnels permet de mieux saisir la complexité del'administration et de la société actuelles, et met de fait en évidence les déficitsdu NPM sur un plan plus théorique. Il en ressort que le NPM risque de ne paspouvoir satisfaire les attentes qu'il suscite, voire de porter un préjudiceconsidérable aux principes fondamentaux régissant la structure institutionnellede notre État de droit démocratique et social.

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Ch. Hood, 1991, pp. 3-19.Selon les concepts de J. Pressmann, A Wildavski, 1973; R. Mayntz, 1980, 1983; A. Windhoff-Héritier, 1987; Y. Meny, J.-C. T'h ônig, 1989; P. Müller, 1990.Cf. à ce sujet les articles recueillis par A. Héritier, 1993.

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2. LE NPM A LA LUMIERE DE l'ANALYSE DES POLITIQUESPUBLIQUES CLASSIQUE

Développée à l'origine aux États-Unis, puis également de façon croissante parles pays européens depuis le milieu des années soixante-dix, l'analyse despolitiques publiques a pour objet de comprendre et d'expliquer la création desprogrammes politico-administratifs, puis leur mise en oeuvre, qui relève le plus

souvent de processus décisionnels complexes se déroulant en de nombreusesphases. Son point de départ réside dans des observations sur l'évolution ou lamodification des problèmes que l'on cherche à résoudre (outcomes). Il s'agit

d'expliquer ces outcomes en observant, sur la base de données empiriques, lesmodifications de comportement de groupes cibles censés être ia cause duproblème à régler et visé par les mesures d'une ou de plusieurs politiquespubliques. La démarche part de l'hypothèse que ces modifications sont - demanière plus ou moins probable - induites par les produits de ces politiquespubliques, soit leurs outputs. Finalement, ces derniers permettent de questionnerle processus de décision politico-administratif lui-même. L'enjeu empiriqueconsiste à expliquer la répartition spatiale, temporelle et sociale des outputs parle biais de facteurs tels que la législation pertinente (les programmesadministratifs), la constellation des acteurs (arrangements politico-administratifs),l'influence des groupes cibles et les rapports de force entre groupes cibles etpersonnes concernées. L'analyse des politiques publiques classique recourtégalement à des paramètres qui, bien que n'étant pas intrinsèquement liés à la

création ou à la mise en oeuvre d'une politique publique, n'en influent pas moinsdurablement sur ces processus, dans la mesure où ils peuvent renforcer ouatténuer la position de l'un ou l'autre acteur institutionnel de l'arrangementpolitico-administratif ou d'acteurs sociaux importants. Selon qu'elles subissentdes modifications fréquentes sur l'axe du temps ou qu'elles sont au contrairestables sur de longues périodes, ces variables sont dites situatives ou

structurelles7 .

Le fondement de la démarche de l'analyse des politiques publiques classique (leplus souvent basée sur des comparaisons diachroniques et/ou synchroniques)repose sur la définition et l'identification des politiques publiques. Leschercheurs s'attachent notamment, et c'est une des fonctions de leurquestionnement fort varié, à circonscrire l'ensemble des décisions qui ont présidéà la programmation ainsi que, consécutivement ou en parallèle (par incréments),

Cf. P. Knoepfel, en collaboration avec C. Larrue et I Kissling-Naf, 1995.

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à la planification en général ou lors du traitement de cas particuliers. En ce sens,les politiques publiques sont en partie, aujourd'hui encore 8 , un construit des

analystes. Il en va de même lorsque ces derniers délimitent l'espace politico-administratif à l'intérieur duquel certains acteurs sociaux et institutionnelss'allient ou s'opposent autour des enjeux des politiques publiques, soit larésolution de problèmes collectifs. Les uns comme les autres se fixent des règlesdu jeu en matière de contenu et de procédure (programmes administratifs) pourproduire des décisions individuelles (outputs) qui conviennent au mieux à leurs

intérêts. Les arrangements politico-administratifs (ensemble des acteursinstitutionnels), le "problème" à résoudre et l'extrait de loi, d'ordonnance ou dedirective (= programme administratif) sont souvent eux aussi des construitsanalytiques, dans le contexte européen en tous les cas9 .

L'analyse des politiques publiques classique et le NPM ont en commun cettedémarche "reconstructive" des politiques publiques, démarche qui, situant sonpoint de départ au niveau de l'outcome, puis de l'output, suppose que l'on peutidentifier et distinguer ces dernières de leur environnement. Ceci constituecependant une des plus grandes faiblesses de l'analyse des politiques publiquesclassique puisque, de la sorte, elle est conduite à postuler notamment que le

policy designer et les acteurs institutionnels participant à l'arrangement politico-administratif ont une liberté d'action considérable - ce que les résultatsempiriques démentent largement - , que le "problème" est reconnu comme tel etqu'il est aisément identifiable par tous les protagonistes. Même si le NPMs'appuie sur des prémisses tout aussi embarrassantes, nous montrerons par lasuite qu'il possède des qualités nettement inférieures. En effet, l'analyse despolitiques publiques tente, dans sa forme classique également, de déterminer

pourquoi, lors de la création et, plus encore, de la mise en oeuvre d'une politique

publique, les acteurs institutionnels ne peuvent souvent pas agir comme ils levoudraient. Elle cherche à savoir pourquoi les décideurs po litico- administratifs

(surtout) ont une marge de manoeuvre limitée, en premier lieu au niveau des

acteurs de l'administration publique, notamment dans leurs rapports avec lesgroupes cibles des différentes politiques.

Le NPM, pour sa part, ne tient pas suffisamment compte de ces phénomènes, etencore moins de leurs causes. Nous tenterons de le démontrer en traitant ci-dessous ses sept postulats fondamentaux retenus pour cet article:

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9

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Même si les acteurs institutionnels se considèrent de plus en plus eux-mêmes comme des acteursde politiques publiques bien déterminées qu'ils ont pour mission de mettre en oeuvre.De par leur genèse et leurs fondements institutionnels, les politiques américaines peuvent être plusfacilement isolées et correspondent de ce fait mieux à la "réalité".

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• Le NPM préconise de concentrer le pilotage et le contrôle des politiques

publiques sur l'output et de réduire le pilotage par l'input et par le proces-

sus de mise en oeuvre. Or, un des résultats majeurs enregistrés par l'analysedes politiques publiques est que les choix politiques à opérer dans le

processus de mise en oeuvre et ceux ayant trait aux caractéristiques des

arrangements politico-administratifs ayant la charge de la politique ont uneinfluence capitale sur la qualité des outputs. En d'autres termes, la mise en

oeuvre d'une politique publique est un processus non pas technique, maishautement politique, dont les enjeux et les choix se répercutent directement

sur les profils des outputsl 0 Il apparaît dès lors bien naïf de vouloir réduire le

pilotage d'une politique publique à la simple détermination des outputs,activité qu'il est difficile, voire impossible, de mener sans procéder à des choixpolitiques déterminants aux niveaux des procédures et du choix des acteursinstitutionnels (et sociaux) compétents pour la mise en oeuvre. 11 Si ce

postulat se réalisait, les choix politiques, toujours présents dans la mise en

oeuvre de programmes administratifs - aussi précis que ceux-ci puissent être -seraient, non plus explicites, mais simplement camouflés sous un jargontechnicisé malheureusement toujours présent dans les millieux de

management.

Les acteurs sociaux et administratifs sont et restent cependant plus avertisque les promoteurs du NPM. Ils ne laisseront pas un décret les priver de leurpossibilité d'exercer une pression politique sur les processus de mise enoeuvre. Selon le concept du NPM, ces décisions devraient être prises sansconsidération politique et sans jugement de valeur, à l'image des managers, etnon pas en procédant à une pesée d'intérêts, principe politique pourtantlégitime car il oblige les politiciens à assumer leurs responsabilités. Lemanager deviendra, en fait, un politicien; dans un premier temps, il s'entourera

10

11

S. Terribilini, 1995, en a donné un bon exemple en relation avec les mesures de modération dutrafic. Autre exemple: P. Knoepfel, R. Imhof, W. Zimmermann, 1995, p. 40ss.Malheureusement, les chambres fédérales ne semblent pas avoir été conscientes de ce fait lors deleur adoption, sans discussion, des articles 42 al. 4 ("Le Conseil fédéral peut modifier en touttemps la répartition des départements."), 50 al. 2 (" Le Conseil fédéral fixe, par voie d'ordonnance,la subdivision de l'administration fédérale en offices...."), 50 al. 3 ("Le Conseil fédéral répartit lesoffices entre les départements en fonction des impératifs de gestion, de la connexité des tâches et del'équilibre matériel et politique. Il peut revoir cette répartition en tout temps.") et 50 al. 4 (" Leschefs de département déterminent la structure des offices rattachés à leur département. Ils peuventréunir certains offices en groupements, avec l'approbation du Conseil fédéral.") de la loi surl'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA) du 6 octobre 1995, refusée (à causede la création de postes de secrétaires d'Etat) lors de la votation du 9 juin 1996. Ces dispositions neprévoiaient rien d'autre qu'un transfert quasiment complet du pouvoir organisationnel augouvernement et, partant, un affaiblissement considérable du pouvoir décisionnel du parlementrelativement aux politiques publiques fondées sur sa propre législation. Heureusement, uneminorité du Conseil des Mats reviendra prochainement sur ce point, passé inapperçu lors desdélibérations relatives à la première moulure de la loi. (cf. NZZ du 25 Nov. 1996, p. 14).

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de conseillers politiques, et finalement se définira comme un managerpolitique, conscient et sûr de son pouvoir, mais bien décidé à se dérober à saresponsabilité politique chaque fois que nécessaire.

• Le NPM exige impérativement des indicateurs précis permettant de mesureravec exactitude le succès ou l'échec des politiques publiques au niveau desoutputs, voire même, partiellement, au niveau des impacts ou des outcomes.Il est vrai que ces indicateurs font aujourd'hui défaut dans maints domaines.Même l'analyse des politiques publiques classique a établi, en observantisolément l'une ou l'autre politique, que cette absence était systématique. Unconseiller d'État a même dit un jour que l'arbitraire était ce qu'il y avait de plusbeau dans le pouvoir. Et en effet, si l'on se réfère aux données empiriquesrelevées par l'analyse des politiques publiques, rares sont les cas où lalégislation définisse des plans d'action déterminant préalablement les profilsdes outputs, ou encore indiquant précisément comment résoudre lesproblèmes visés à l'aide de critères d'évaluation qualitatifs, voirequantitatifs 12 . Le flou qui caractérise les programmes politico-administratifss'explique notamment par l'intérêt qu'ont les acteurs à garder un contrôle surle processus de mise en oeuvre. Une plus grande précision des programmesleur ferait perdre ce pouvoir. Les objectifs des politiques publiques sont enfait le résultat de compromis politiques volontairement formulés de façonvague, afin d'éviter toute décision trop discriminatoire; si les objectifs étaientplus explicites, certains acteurs, voire des groupes entiers, se verraientsouvent exclus du processus de mise en oeuvre.

L'analyse des politiques publiques montre qu'il faut être bien naïf pourimaginer que les politiciens seront prêts à recourir à un nombre plus élevéd'indicateurs permettant de quantifier le succès ou l'échec des politiquespubliques. Par expérience, il est évident qu'un "plus" ne pourrait être obtenuqu'au niveau d'éléments politiquement insignifiants des outputs. Le NPMexprime là une sorte de self fulfilling prophecy: si l'attribution de pointsbudgétaires est facilement réalisable pour des produits finaux mesurables,mais de moindre importance pour la bonne conduite de la politique enquestion, elle ne l'est en revanche pas pour ce qui concerne des décisions deplanification qui portent sur des ensembles d'outputs ou sur le travailnécessaire à la conception des profils de ces prestations. En recourant ausystème des points, on risque fort de confiner l'administration dans

Cf. P. Knoepfel, en collaboration avec C. Larrue et 1. Kissling-Nâf, 1995, p. 141.

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l'élaboration de produits d'importance secondaire et de négliger ce qui n'estpas quantifiable. Un tel "accroissement de l'efficience" peut se traduire, aumoment de la mise en oeuvre d'une politique publique, par une productioninefficace de dossiers due à l'incohérence et l'inconsistance de ces derniers.

• Le NPM préconise de renoncer au pilotage conditionnel en faveur d'unpilotage finalisé. En effet, l'analyse des politiques publiques révèle au niveauempirique qu'un nombre croissant d'éléments finalisés ont été introduits dansles programmes administratifs des politiques publiques durant les annéesquatre-vingt. Elle reconnaît que ces éléments finalisés ont contribué à ce quela mise en oeuvre soit plus rationnelle et tienne mieux compte descaractéristiques des problèmes à résoudre 13 . Elle établit toutefois que lepilotage conditionnel n'en a pas disparu pour autant, ce que les chercheursexpliquent notamment par le scepticisme décrit ci-dessus à l'égardd'indicateurs d'outcomes mesurables 14 . Ce phénomène est également dû ausouhait des acteurs tant institutionnels que sociaux de pouvoir prévoir lesconséquences d'une politique publique 1

5, soucieux qu'ils sont que chacunpuisse avoir des attentes claires et sans ambiguité quant à ces dernières. Cesoucis de stabiliser les attentes est aussi la cause principale de la tendance àfinaliser de plus en plus les politiques publiques de manière à fixer des seuilsd'intervention précis. Mais ces seuils ne remplacent pas le pilotageconditionnel. Ils déterminent, tout comme le schéma classique ("si - alors"),des conditions d'intervention prévisibles, sans pour autant définir lesconséquences qui, pour être juridiquement valables, nécessitent toujours desbases légales supplémentaires. Même sous l'angle de l'analyse des politiques

publiques classique, il ne paraît guère réaliste de postuler une finalisation despolitiques publiques doublée d'une "déconditionalisation".

• Le NPM préconise la création d'agences étatiques indépendantes (à

l'exemple des "Independent Agencies" américaines), disposant d'uneautonomie budgétaire, d'un mandat de prestations clairement défini et d'unbudget pluriannuel. Aux termes de ce postulat, la structure dite monolithique

Ch.-A. Morand, 1991; Ch.-A. Morand, 1992, p. 167ss.Contrairement à une opinion largement répandue, les éléments finalisés des programmesadministratifs d'une politique publique ne se rapportent ni aux outputs ni aux impacts d'unepolitique publique, mais à ses outcomes. L'objectif d'une politique publique n est pas de verser desprestations en espèces, ni d'imposer des obligations et des interdictions (outputs), ni de modifier lecomportement des groupes cibles (impacts), en tant que tels, mais bien de susciter desmodifications de comportement par le biais d'outputs qui doivent permettre de résoudre le problèmesocial visé (outcomes).P. Knoepfel, en collaboration avec R. Imhof, 1991, pp. 107-148.

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de l'État n'aurait plus cours et chaque politique publique devrait être plusautonome afin de gagner en efficacité. Ce postulat est confirmé par lesrésultats empiriques de l'analyse des politiques publiques classique. Ceux-cirévèlent en effet une tendance à la dissolution de l'État dont l'unicité seraiten fait une fiction. Le postulat du NPM enfonce donc des portes ouvertes,parce que l'autonomie qu'il requiert est déjà une réalité. Cependant, selonl'analyse des politiques publiques, cette dynamique centrifuge n'est pas liéeau statut de droit formel régissant, aussi bien pour la formulation que pour lamise en oeuvre des politiques publiques, les arrangements politico-administratifs compétents. Elle serait bien plus due à des mécanismesstructurels très profonds qui font que l'on assiste, depuis les années soixante-dix, à la constitution d'unités politiques cloisonnées, dont les acteurs ont étérecrutés au sein de sous-systèmes sociaux de plus en plus fragmentés 16 . Vuesous cet angle, la création d'agences n'est rien d'autre qu'une illustration dumonde réel, à savoir de la société postindustrielle ("Chaque politiquepublique pour soi et Dieu pour tous."). Au reste, la conviction du NPM selonlaquelle la dissolution de la structure monolithique de l'État pourrait êtrepilotée ou accélérée en intervenant sur le degré d'autonomie formel d'uneautorité est bien trop réductionniste, même du point de vue de l'analyse despolitiques publiques classique.

• Le NPM préconise de remplacer le mode de gestion de type bureaucratiqueet militaire par des méthodes de management inspirées de l'économie privée.Forts de résultats empiriques, les analystes des politiques publiquessouscrivent à ce postulat, car il apparaît que de nombreux problèmes serésolvent effectivement mieux s'ils sont traités au sein d'une "organisation deprojet" non bureaucratique 17. Celle-ci fait encore toutefois figure d'exceptionet ne prend jamais totalement la relève des organisations bureaucratiquesdans lesquelles, il est vrai, les hiérarchies sont aujourd'hui quelque peu"aplanies" et "modernisées". On y recourt pour des projets de grandeenvergure, pour des affaires sujettes à contestation au niveau politique, ouencore pour des dossiers qui, dans une administration "normale", capoteraientde toute façon, quelqu'en soit la raison. Mais l'analyse des politiquespubliques classique révèle une résistance étonnante des structuresadministratives bureaucratiques qu'elle explique - en un raccourci un peuhâtif peut-être - par le fait que les arrangements politico-administratifs ontbesoin d'une certaine centralisation, afin que les outputs qu'ils produisent

N. Luhmann, 1973; N. Luhmann, 1988.1. Kissling-Nüf, 1995.

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soient suffisamment cohérents pour être acceptés par les groupes cibles. La"bureaucratie", dont le degré est encore étonnamment élevé dansl'administration courante, répondrait donc à ce besoin de cohérence et desécurité.

• Le NPM préconise d'être plus proche des clients et de structurerl'administration en conséquence. Il ressort de l'analyse des politiquespubliques classique que certains obstacles à la mise en oeuvre sont et effetdus au fait que les structures administratives, axées par tradition plutôt sur leslégislations que sur les groupes de clients, sont préjudiciables à la constitutiond'arrangements politico-administratifs qui, pour produire des outputs plusefficaces, devraient plus largement tenir compte des intérêts et des besoinsdes groupes cibles 18 .

Si tel n'est pas le cas aujourd'hui, c'est parce que les acteurs institutionnelss'appliquent à défendre leur territoire, ce qui est manifestement plus facile sichacun administre "sa loi" plutôt que "ses clients". Si l'on en croit cetteexplication - qui paraît des plus plausibles -, il va de soi que les acteursinstitutionnels préfèrent que les groupes de clients et les problèmes qui lesconcernent soient "morcelés". Chaque acteur de l'arrangement politico-administratif peut ainsi s'affirmer, jouer de son poids et de son pouvoir commemoyen d'échange et concourir ainsi à la pérennité de la structureorganisationnelle 19 . Vue sous cette angle, la logique "bureaucratique"contribue à cimenter cette dernière, si bien que rares sont les cas où la logiqueentrepreneuriale prend le relais. Si ces considérations sont exactes, cepostulat présente ainsi, lui aussi, certaines limites.

• Le NPM déplore que les citoyens et citoyennes ne disposent pas d'une plusgrande liberté de choix dans le domaine des prestations offertes par l'État, unphénomène qui serait dû au manque de concurrence. A ce constat, qui peutêtre confirmé empiriquement, l'analyse des politiques publiques classiquetrouve aussi une explication: si les citoyens-clients pouvaient choisirlibrement des produits politiques, cela conduirait à une dynamique de marchédéstabilisante tant pour les fournisseurs que pour les demandeurs, ce qui nepermettrait, à court terme, ni de prévoir la résolution des problèmes ni deservir les intérêts personnels des acteurs concernés. Des structurescartellisées, en revanche, ont un effet stabilisateur sur les attentes des

Ch. Baitsch, 1993, p. 94s.: P. Knoepfel, Ch. Baitsch. A. Eberle.P. Knoepfel, W. Zimmermann, 1987, p. 158s.

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administrés et sur les rapports de loyauté qui, sur le marché politique, senblentêtre plus importantes que dans le monde du commerce. De plus, lesprestations politiques ne sont pas destinées à résoudre des problèmesindividuels (satisfaction du besoin), mais des problèmes collectifs. Leur objetn'est pas la consommation en tant que telle, mais la solution du problème quele législateur tente de résoudre par le biais de cette consommation. Si lemanque de liberté de choix persiste, c'est pour garantir la stabilité desattentes, les rapports de loyauté et la résolution des problèmes. L'introductionde la liberté de choix entraînerait en outre, selon l'analyse des politiquespubliques, une diminution du niveau des prestations dans toutes lespolitiques dont les outputs sont empreints du principe de solidarité. Ainsi, uneliberté de choix provoquerait non pas un accroissement, mais une perted'efficacité.

3. LE NPM A LA LUMIERE DE L'ANALYSE DES POLITIQUESPUBLIQUES ÉLARGIE A DES FACTEURS STRUCTURELS ETINSTITUTIONNELS

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, l'analyse des politiques publiques aconnu une évolution réjouissante. Ses résultats laissent pourtant entrevoir leNPM sous un jour encore plus sombre. Cette évolution, due à une tendance deplus en plus répandue en faveur du courant néoinstitutionnaliste, metparticulièrement en cause l'application au cas européen de la démarche postuléepar l'analyse des politiques publiques classique et héritée des Etats-Unis selonlaquelle chaque politique publique peut être analysée de manière isolée etdécontextualisée. Ceci a des effets directs sur l'évaluation du NPM dans lamesure où une telle réorientation révèle qu'aussi bien le facteur institutionnelque le facteur normatif qui lui est lié ont été sous-estimés 20 . En effet, force estaujourd'hui de reconnaître que les limites posées par des éléments extérieurs auxpolitiques publiques ont été sous-évaluées, à l'image de ce qui s'était déjàproduit au début des années soixante-dix

21 .

Depuis quelques années, cette approche "politique par politique" a été remise enquestion à plus d'un titre. Les chercheurs ont admis qu'en isolant les différentes

Cf. les contributions d'A. Héritier, pp. 9-38 et pp. 432-450; R. Mayntz, pp. 39-56; G. Majone,pp. 97-115; P. Sabatier, pp. 116-148; D. Braun, pp. 199-224, in: Héritier, 1993."Binnenstrukturelle versus externe Restriktionen des Staaies", cf. à ce sujet R. Mayntz,F. Scharpf, 1973; C. Offe, 1973; P. Grouian, 1974; P. Grottian, A. Murswieck, 1974;P. Knoepfel, 1977, p. 162ss.

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politiques publiques, on ne tenait pas assez compte du facteur institutionnel,particulièrement dans le domaine des arrangements poli tico-administratifs 22 . Eneffet, les acteurs étatiques sont limités dans leurs options non seulement enraison de leur insertion dans l'arrangements politico-administratifs propre à lapolitique en question, mais également par leur appartenance à des institutionsadministratives et politiques. Une forte intégration de diverses politiquespubliques étrangères les unes des autres au sein de ces dernières peutnotamment avoir pour conséquences l'apparition dans certaines politiquesd'éléments jugés "irrationnels" par leurs protagonistes car provenant d'unpilotage politique et gouvernemental ayant à assumer la gestion de plusieursdossiers différents23.

Contrairement à la thèse avancée par l'analyse des politiques publiquesclassique, le pilotage politique et le contrôle juridique est bien plus présent qu'onne le pensait à l'origine, ce qui s'explique par l'intégration des arrangementspolitico-administratifs dans l'ensemble des grandes institutions politiques etadministratives. On observe également ce facteur institutionnel notamment auniveau local ou régional de la mise en oeuvre des politiques publiques, quoiquesous une forme un peu différente: à cet échelon, les politiques publiquesconstituent un "tapis de politiques" 24 plus ou moins dense, dans le cadre duquelles rapports de force se jouent d'une politique à l'autre. La mise en oeuvre nepeut y être satisfaisante que si la politique publique peut être insérée avecsuccès au sein de ce "tapis" préexistant et des rapports de force locaux ourégionaux qui le sous-tendent.

Le facteur institutionnel est également caractérisé par un élément dont on sous-estime à mon avis l'importance: la force structurante des principes de l'État dedroit social et démocratique. Étonnamment, on en trouve la trace dans denombreuses politiques publiques, même lorsque ces dernières, considérées sousl'angle de l'efficience et de l'efficacité managériale, se révèlent contre-productives. Ces principes sont, d'une part, le principe de l'Etat de droit (plusprécisément la nécessité de disposer d'une base légale, le principe d'égalité detraitement ou le droit d'être entendu) et, d'autre part, le principe démocratique(c'est-à-dire un pilotage par les inputs (= ressources de l'action étatique25) et parles processus de mise en oeuvre effectué par des organes étatiques

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Mais aussi au niveau des programmes administratifs.P. Knoepfel, en collaboration avec C. Larrue et I. Kissling-N4f, 1995, p. 89ss.P. Knoepfel, 1. Kissling-Naf, 1993, p. 276.Cf. P. J. Klok 1995, p. 22s.

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démocratiquement légitimés). Indépendamment de l'importance politique quel'observateur accorde à ces principes censés régir la conduite de l'ensemble despolitiques publiques de notre pays, leur portée dans la culture administrative

suisse est encore considérable.

A la lumière de cette nouvelle analyse des politiques publiques, les lacunes duNPM apparaissent de façon encore plus marquée.

• Quiconque s'aventure à supprimer le pilotage par les inputs ou par les

processus de mise en oeuvre au sein d'une politique publique doit êtreconscient que, ce faisant, il touche aux principes normatifs fondamentauxde la démocratie et de l'Etat de droit qui, dans la pratique, sont toujoursd'actualité. L'expérience montre que le pilotage par les ressources et lesprocédures confère, aujourd'hui encore, à la plupart des politiquespubliques leur légitimité démocratique. La participation des groupes cibleset des personnes concernées au pilotage des processus de mise en oeuvre

est l'émanation du principe de la légalité énoncé dans les actes d'habeascorpus de 1679 déjà, aux termes desquels les personnes concernées ont le

droit d'être entendues avant l'édiction de tout acte administratif.Contrairement à une opinion largement répandue, ce principe n'est pas unfrein mais une condition fondamentale pour l'efficacité à long terme detoute politique publique26 car il est susceptilbe de stabiliser les attentes et,

partant, de fixer les règles du jeu nécessaires au pilotage de toute politiquepublique.

• Quiconque entend imposer pour une politique publique la définition d'indicateurs qui permettent de quantifier les objectifs ne tardera pas à se

heurter au principe de souveraineté des parlements et des gouvernements,dont l'efficacité est avérée dans la réalité poltico-administrative actuelle. Ladétermination du degré de concrétisation des objectifs est, dans la réalitéempirique, un élément essentiel du pouvoir politique démocratiquementlégitimé, et seules des conditions extrêmes contraindront ses détenteurs àl'abandonner. Le même constat vaut - probablement - pour le postulat d'untransfert du pouvoir organisationnel au gouvernement. 27

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Même Rail 2000 ne passerait pas la rampe s'il ne recueillait pas un minimum de consensus auprèsdes personnes concernées.Cf. note 11 ci-dessus.

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• Même si le postulat préconisant une finalisation plus poussée desprogrammes administratifs est approprié du point de vue fonctionnel, lasuppression systématique du pilotage conditionnel va à l'encontre duprincipe de légalité dont l'un des rôles est le contrôle juridique del'administration. Les politiques publiques ne peuvent donc imposer desdroits et des obligations aux groupes cibles que si une base légale les yautorise, ce qui réduit également les possibilités de conduite managérialedes politiques axées sur l'efficacité. La plus importante raison d'être duprincipe de légalité réside finalement dans sa fonction modératrice, fonctionqui constitue un rampart contre toute dérive autoritaire, dont l'une descaractéristique est souvent de se présenter comme garante d'une certaineefficacité. L'histoire nous a montré suffisamment d'exemples de politiquesefficientes à outrance mises en oeuvre à l'aide de baïonnettes.

• L'analyse des politiques publiques élargie à des facteurs structurels etinstitutionnels éclaire le postulat préconisant la constitution d'agencesindépendantes sous un angle nouveau. Ce dernier donne en effet à voirque la tendance à une dissolution du caractère monolithique de l'Étatconstatée par l'analyse des politiques publiques classique devrait être pluslimitée qu'on ne l'avait tout d'abord pensé, dans les États d'Europecontinentale en tout cas. En fait, le mode de gestion postulé par le NPM,fondé sur des mandats de prestations et des budgets globaux, devraitpouvoir être adopté sans problème. Par contre, le fait de restreindre lecontrôle de ces agences au pilotage par les outputs risque fort, selon leurdegré de proximité au "noyau central" de l'administration, de rencontrer desobstacles semblables à ceux que nous avons évoqués en cas desuppression du pilotage par les inputs et par les processus de mise enoeuvre. Contrairement à l'économie privée, une légitimation fondéeexclusivement sur la qualité des prestations ne sera pas à même, à longterme, de satisfaire tous les clients. La définition des groupes de clients, deleur participation à la production de prestations et des modèles de sélectionpasse en effet inévitablement par des décisions politiques.

De par le besoin croissant et généralisé de coordination, les interventionsponctuelles des organes politiquement légitimés dans le domaine opératifde la fourniture de prestations ne peuvent guère être supprimées par décret.Si les clients de référence manifestent leur mécontentement vis-à-vis de laqualité des prestations, même une agence formellement indépendante severra politiquement responsabilisée pour des activités purement opératives.

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C'est dire que la délimitation postulée par le NPM entre les domainesstratégique et opératif est souvent fonction de la conjoncture politique àtrès court terme. Il s'avère dès lors illusoire de s'imaginer qu'uneautonomisation des principales fonctions administratives par le biais d'unsimple acte juridique permette de protéger celles-ci de toute interventionpolitique.

• Considéré sous l'angle de la nouvelle analyse des politiques publiques, il nedevrait guère y avoir d'obstacles à la suppression des niveaux hiérarchiquessuperflus, pas plus qu'à la restructuration des administrations publiques,afin de les rendre plus fortement axées sur des groupes de produitscohérents. Il devrait par contre y en avoir pour ce qui est des organisationsde projets, notamment au moment de transposer les solutions de compromisqu'elles auront élaborées en actes formels de mise en oeuvre28 . Lalégitimation par la prestation ("compromis acceptable par tous") risque eneffet de l'emporter temporairement sur la légitimation par la procédureformelle 29 - un facteur dont l'expérience a montré l'extrême importance - etpar le chef de l'exécutif politiquement responsable et démocratiquementlégitimé. Une solution peut en outre s'avérer "bonne" pour une politiquepublique individuelle sans pour autant être acceptable pour les autrespolitiques publiques concernées. Lors de la moindre tempête politique, si lesorganisations de projets ne bénéficient pas d'un appui politiquesuffisamment large, elles risquent fort, même avec les meilleurs managers dumonde, de faire figure de coquilles de noix face au paquebot politiquementlégitimé de l'administration générale. Un navire "débureaucratisé" résisteramieux aux cyclones que des petites organisations de projets bien managées,pour autant bien sûr que tous les timoniers potentiels soient sur le pontquand il le faut, et non occupés à barrer ces frêles embarcations.

• En observant les institutions de nos administrations publiques, on s'aperçoitque les limites à la proximité des clients sont, en réalité, plus importantesque ne le révèlent l'analyse des politiques publiques classique et. même les apriori implicites des postulats du NPM. Ces limites sont notammentinhérentes à la crainte encore largement répandue qu'éprouvent lesfonctionnaires à l'idée de devoir affronter les groupes cibles, mais aussi lesaffectés et les bénéficiaires de prestations publiques. Une crainte confortéed'ailleurs par des mécanismes institutionnels que ne cesse de dénoncer le

O. Renn, Th, Webler, 1995, pp. 191-235; Il. Weidner, 1995, pp. 105-124.c'est-à-dire la composition et mode de fonctionnement des membres de l'organisation de projets.

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3031

NPM, mais qui ont la vie dure, à savoir le souci de perfectionnisme etl'interdiction pour les fonctionnaires de "commettre des erreurs",particulièrement au contact des clients. Soulignons par ailleurs que toutemédaille à son revers; en l'occurrence, l'amabilité à l'égard des clients a pourrevers la corruption. Quel client ne sera pas tenté d'y recourir pour être plusimportant que les autres? Il convient cependant de relever que lesinstitutions, soucieuses de respecter le principe de la légalité, veillent à nepas privilégier de groupes de clients, même si cela pouvait s'avérernécessaire au bon fonctionnement d'une politique publique. La situationd'un fonctionnaire, en termes de risques et d'innovations que suscite laproximité des clients, n'est pas comparable à celle d'un manager. Si lepremier commet des erreurs, il ne peut pas, comme le second, se contenter destocker sa marchandise en attendant des jours meilleurs, car son action peutporter gravement atteinte aux droits de ceux des clients ne bénéficiant pasdu statut de privilégiés. Tous les représentants du NPM m'accorderont quele fait de conférer un caractère marchand à des statuts juridiques, à la façon

de ce que le jeune Karl Marx avait dénoncé pour le 19ème siècle, doit être

rejeté en ce que cela n'est pas compatible avec les principesconstitutionnels actuels.

• Du point de vue d'une politique individuelle, la liberté accordée aux

groupes cibles ou aux bénéficiaires de choisir entre deux ou plusieurs

offres d'outputs peut s'avérer un bon moyen de garantir un surcroîtd'efficacité. Cela est valable pour les politiques environnementales

30,

sociales et sanitaires notamment. Mais l'État n'est pas un magasin danslequel chacun peut se servir à sa guise. Le NPM postule cependant que lesoutputs des politiques publiques devraient être considérés comme des biensofferts sur un marché des prestations où la concurrence serait assurée etauquel même des acteurs du secteur privé devraient avoir accès. Selon cepostulat, ce serait là le seul moyen pour que le citoyen-client détermine lui-même l'offre de prestation qui lui convient. On s'aperçoit toutefoisrapidement que ce moyen n'est approprié que pour une infime minorité depolitiques publiques, à savoir celles dont les prestations ne sont ni imposéespar les autorités, ni vitales 31 . Par chance, dans la réalité, les mécanismes

Exemple: l'ordonnance du 22 août 1990 sur les emballages pour boissons (OEB, RS 814.017).Dans de telles prestations se pose, en effet, la question de la privatisation, si le fondement de laprestation dans un intérêt public quelconque ne peut (plus) être identifié (expl.: Les prestations duharas fédéral d'Avenches de la Division principale Animaux de rente de l' Offce fédéral del'agriculture dans le Département fédéral de l'économie publique selon les art. 40ss de l'Ordonnancefédérale sur l'élevage chevalin du 12 novembre 1980, RS 916.320).

87

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institutionnels de ces dernières veillent à assurer une répartition égale desproduits, au sens des principes de l'État de droit social et démocratique.

4. UN BILAN MITIGE

A première vue, les sept postulats du NPM retenus ici semblent plausibles. Lebilan est toutefois décevant lorsqu'on les confronte aux résultats de recherchesprésentés par l'analyse des politiques publiques aussi bien classique qu'élargieaux facteurs structurels et institutionnels, car on se rend compte alors que leurintroduction ne répondrait pas aux attentes qu'ils suscitent et risquerait même dese traduire par des échecs. En effet, même considérés sous la perspective- restrictive - des politiques publiques individuelles, les inconvénients qu'ilscombattent ont des causes trop profondes pour pouvoir être supprimés d'unsimple trait de plume. De plus, si l'on tente de les éliminer systématiquement pourl'ensemble des politiques publiques, on se heurte rapidement aux limites propresà des de facteurs institutionnels. Ceux-ci sont en réalité des principesd'organisation qui, dans le concert polyphonique d'actes étatiques souventcontradictoires, confèrent aux politiques publiques des similitudes plus grandesque ne l'admettent tant les partisans du NPM que ceux de l'analyse despolitiques publiques classique. Les interventions sur le front d'une politiquepublique peuvent vite se répercuter sur d'autres politiques et nuire au bonfonctionnement de ces facteurs institutionnels qui représentent des acquishistoriques de grande valeur. Se pose alors la question de savoir dans quellemesure il est pertinent de déroger aux principes de l'État de droit social etdémocratique pour augmenter l'efficacité de quelques politiques seulement.

A mon avis, les débats sur le New Public Management devraient aujourd'hui sesituer à ce niveau. Pour ma part, la réponse à la question est claire: si ces prin-cipes sont supprimés dans l'intérêt d'un accroissement à court terme del'efficience et de l'efficacité de quelques politiques publiques, d'autres politiques,puis toutes, risquent d'être soumises à la dictature d'indicateurs, de managers etd'apôtres de l'approche individualiste des politiques publiques. Contrairement àla démarche du NPM, l'analyse des politiques publiques est un outil de travailsérieux et incontesté qui s'attache à mettre en évidence les causes dedysfonctionnements qui, sans doute, existent. Élargie aux facteurs structurels etinstitutionnels, elle est tout à fait appropriée pour contribuer à la dynamisation

- indispensable - de nos administrations publiques suisses. Elle permet de com-prendre, puis d'expliquer, et enfin d'élaborer des propositions de réforme d'un

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niveau de complexité raisonnable sans qu'il soit besoin de recourir aux recettesmiracles du trop réductionniste New Public Management.

Je partage personnellement beaucoup des propositions de réforme présentéessous le libellé du NPM. J'en ai d'ailleurs retenues quelques-unes dans des projetsconcrets d'analyse de politiques publiques ainsi que pour des travaux derestructuration d'administrations publiques 32 . Il n'est cependant pas nécessaired'être un farouche partisan du New Public Management pour les justifier.Cependant, en se référant à l'esprit du NPM, manifestement soumis aureaganisme et au thatcherisme ou simplement aux concepts de managementpropres à l'économie privée, on risque de rencontrer tous les dangers décritsdans cette contribution33.

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ASPECTS JURIDIQUES DU NOUVEAU MANAGEMENT PUBLIC

A. Exigences de droit public

Philippe Mastronardi

1 . Les principes structurels de l'Etat

La Constitution fédérale énumère quelques buts étatiques ainsi que les tâches multiples

qui incombent à la Confédération. Toutefois, les principes structurels de l'Etatt qui sous-

tendent ce large éventail, sont pour la plupart non-écrits et développés par la doctrine et la

pratique. Il s'agit des principes de l'Etat de droit et de la démocratie, de l'Etat national et

fédéral, de l'Etat prestatairee et de l'Etat acteur économique. Pour faciliter notre

argumentation, nous présentons ces six principes sous forme d'un hexagone, ce qui nous

permet d'y situer également le nouveau management public (NMP).

Etat national

Démocratie

Etat acteur économique

Etat fédéral

1.1 Etat de droit

Dans l'Etat de droit, le pouvoir décisionnel de l'Etat est réparti entre les différentes

i nstances selon l'ordre des compétences . Cet ordre crée ainsi des secteurs administratifs

clairement définis.

La garantie de procédure de l'Etat de droit exige une protection juridique et une voie de

recours interne, ce qui implique une hiérarchisation de l'ordre des compétences.

9 3

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Un ordre des compétences clair et une procédure garantissant une voie de recours fondentainsi la structure sectorielle de l'administration et sa hiérarchie.

1.2 Démocratie

Le principe démocratique contient les concepts fondamenatux de souveraineté populaire

et de responsabilité gouvernementale.

La souveraineté populaire légitime les décisions étatiques dans la mesure où ces dernières

découlent d'organes démocratiques représentatifs. L'administration n'est pas un organe

de ce type. C'est pourquoi elle ne peut légitimer ses actions qu'indirectement, à travers

une délégation de compétences des autorités démocratiquement élues.

Par contre, le principe de responsabilité dans l'exercice de l'action étatique peut être

directement appliqué à l'administration. Ce principe oblige l'administration à répondre de

son action devant les instances de surveillance.

Le principe hiérarchique de la structure administrative est donc également une exigence

démocratique.

1.3 Etat prestataire et Etat acteur économique

Le principe de l'Etat prestataire exprime la responsabilité de l'Etat à l'égard de la sécurité

sociale, du bien-être, des services et des travaux publics ainsi que de l'environnement.

Le principe de l'Etat acteur économique englobe la responsabilité de l'Etat à l'égard de la

prospérité économique du pays. Ce principe détermine le niveau de l'action publique à la

fois nécessaire au bien-être économique et supportable pour l'économie.

Ces principes directeurs imposent au droit d'organisation des exigences de capacité,

d'e icacité et d'efficience.

La capacité de l'administration nécessite une organisation de la structure et des

procédures telle que les qualités de chaque acteur soient utilisées de manière optimale.

L'efficacité de l'administration implique que les différents services disposent des

procédures qui leur permettent de percevoir les effets de leur action. Il ne suffit pas que

l'administration agisse de manière conforme à ses buts et dans la légalité. Les effets

94

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qu'elle provoque dans l'économie et la société doivent contribuer à réaliser effectivement

les buts qui lui sont fixés.

Selon le principe de l'efficience, la structure et les procédures doivent être organisées de

manière à ce que la relation entre dépenses et résultats soit favorable.

Le NMP est en parfaite harmonie avec les principes de l'Etat prestataire et de l'Etat

d'économie. Comme eux, il met l'accent sur les effets et vise une efficacité optimale dans

l'action administrative.

Etat national

Démocratie

Etat acteur économique

Etat fédéral

Le NMP traduit bien l'organisation administrative de l'Etat prestataire et de l'Etat

d'économie. Sa légitimité ne peut être misen en doute lorsque l'Etat fournit des

prestations de nature économique. Il faut néanmoins préciser que dans ces domaines les

principes démocratique et de l'Etat de droit restent entièrement valables. Il est donc

inévitable que dans certains cas des tensions surgissent entre les différents principes .

1.4 Les tensions entre les principes

Les conflits se présentent avant tout entre les principes de l'Etat de droit et de la

démocratie d'une part, de l'Etat prestataire et de l'Etat d'économie d'autre part. Les

limites imposées par le droit public au NMP sont les plus visibles

Ces limites apparaîtront avant tout dans les domaines suivant de l'activité étatique : la

justice, la police, la politique des étrangers, les finances et la politique du personnel. Dans

d'autres domaines encore, tels que celui de la santé publique ou de la politique sociale, les

9.5

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actes d'autorité administratifs jouent un rôle central et doivent être soumis par conséquent

à un contrôle de droit public. Par ailleurs, on peut inventorier des tâches étatiques de

nature économique ou orientée vers les prestations: c'est notamment le cas de l'économie

intérieure et extérieure, de l'agriculture, des entreprises de transports ou de la production

dans le secteur militaire. Entre deux se situe un vaste champ d'activités étatiques qu'il est

difficile de classer dans l'une ou l'autre des deux catégories précitées. Une analyse plus

fine montrerait que, dans la plupart des cas, les différents principes constitutifs de l'Etat

sont présents dans tous les types d'activités. Ainsi nous ne pouvons déceler des domaines

de prédilection du NMP et des domaines qui ne toléreraient aucun élément de NMP.

Chacune des tâches étatiques se réfère à plusieurs buts politiques et juridiques supérieurs.

2

Problèmes choisis

2.1 Le principe de légalité

Le NMP demande au droit d'en rabattre sur les exigences du principe de légalité : il exige

la renonciation à la définition préçise des conditions préalables de l'action et de l'action

elle-même. Le NMP implique la fixation de buts en lieu et place de l'indication des

moyens. Cela signifie-t-il une moindre sécurité du droit ?

Dans l'Etat de droit, la liberté d'action de l'administration est limitée par la règle de droit

conditionnelle et la plus préçise possible. Selon les principes de l'égalité devant la loi et de

la sécurité du droit, la loi doit montrer clairement aux destinataires quels sont leurs droits

et leurs devoirs et comment l'administration se comportera à leur égard.

Le NMP, basé sur des programmes finalisés, implique un rééquilibrage des sources de

légitimité de l'administration au détriment de l'Etat de droit et en faveur de l'Etat

prestataire et d'économie, ainsi qu'une modification du processus de légitimation

démocratique. Le principe démocratique est rejeté hors du système administratif, lequel se

rend autonome du système politique. Cette séparation entre le politique et l'administration

est illustrée par la question différente à laquelle elles ont à répondre: le politique répond à

la question du quoi faire alors que l'administration donne la réponse à la question du

comment faire. Cette répartition des rôles révèle une conception technocratique depuis

longtemps dépassé, aussi bien dans le droit que dans les sciences administratives. Car

dans un Etat moderne, "administrer" signifie "créer", "réaliser" une politique. Ainsi, le

NMP est plus politique qu'il ne le prétend. Alors qu'il s'affirme seulement comme un

nouveau mode de conduite de l'administration, il ambitionne en réalité d'être un

nouveau mode de conduite de l'Etat.

9 6

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Notons cependant que le NMP, à l'instar de la théorie administrative traditionnelle peut se

référer à des principes constitutionnels. Tout comme l'Etat de droit et la démocratie ont

engendré l'organisation administrative classique, l'Etat prestataire et acteur économique

cherchent à créer maintenant leur propre organisation.

Du point de vue du droit public, il faut bien constater que dans de nombreux domaines

d'activités de l'Etat prestataire la gestion administrative par la règle de droit est tenue en

échec. Il s'agit donc de vérifier dans quelle mesure les instruments du controlling peuvent

se substituer à cette gestion. Le cas échéant, la transparence et l'adéquation aux buts de

l'action administrative sont mieux assurés ainsi que par des règles de droit.

Néanmoins, cette perspective n'est valide que globalement, si l'on considère l'action

administrative sous l'angle statistique. Pour des cas particuliers, cette nouvelle gestion

n'offre pas les mêmes garanties que la règle de droit traditionnelle. La question reste

ouverte de savoir si le NMP prévoit des procédures qui garantissent suffisamment la

protection des particuliers. C'est pourquoi le principe de légalité doit continuer à

prévaloir, au-moins dans les cas où les particuliers peuvent faire valoir des droits envers

l'administration. Tous les droits des particuliers doivent continuer à être définis le plus

précisément possible par des règles de droit, de manière à ce que la protection juridique

puisse être assurée par les tribunaux.

2.2 Les droits fondamentaux

Le NMP, comme toute activité administrative, est soumis au respect de la Constitution

principe de légalité, intérêt public, proportionnalité, égalité de droit et bonne foi. Pour ce

qui est du NMP, deux aspects paraissent particulièrement importants

2.2.1 La protection juridique des individus

La diminution de la densité normative provoque un affaiblissement de la protection

juridique. La programmation finalisée ne peut remplacer les règles de droit traditionnelles

que dans la mesure où des droits de procédure (y inclus ceux des tiers) assurent une

participation effective des personnes concernées à l'élaboration des solutions et la

possibilité de recourir à une instance compétente pour procéder à un contrôle d'équité.

97

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2.2.2 L'égalité de droit

La délégation de compétences aux fonctionnaires de terrain signifie qu'une multitude

d'autorités se subsituent à une autorité unique. Néanmoins, selon la jurisprudence

actuelle, l'égalité de droit ne sera violée que si la même autorité traite de manière inégale

deux cas semblables. L'inégalité de traitement par des autorités différentes ne peut être

examinée à la lumière du principe de l'égalité. Ainsi, dans le cas de délégation de tâches

(outsourcing), on ne devrait pas par principe attribuer de pouvoirs de décision à des tiers.

Si des raisons pertinentes justifient cette attribution, il y aura lieu d'assurer l'unité de la

pratique par le moyen des voies de droit.

2.3 La démocratie

Le principe de légalité, nous le savons, présente un double aspect : l'un juridique (la

réserve de la loi) et l'autre démocratique (la réserve de la compétence parlementaire).

Ainsi, toute réduction de la portée du principe de légalité ne sera valide que si elle peut

être justifiée par rapport aux exigences démocratiques.

2.3.1 Les droits du Parlement

Le NMP touche à une compétence classique du Parlement, la compétence budgétaire. Il

viole tout au moins deux principes budgétaires, celui de la spécification et celui de la

présentation du produit brut. Le NMP ne peut être introduit que dans la mesure où les

instruments du controlling et de la révision atteignent un niveau suffisant pour garantir la

transparence nécessaire.

2.3.2 Les relations entre le Parlement et le Gouvernement

Le NMP postule un nouveau mode de collaboration entre les deux pouvoirs. Il vise une

modification de la répartition des tâches, orientée vers une coopération entre les autorités

plutôt qu'organisée de manière rigide selon le principe de la séparation des pouvoirs (dans

le sens d'une séparation des compétences). Chaque autorité devrait pouvoir intervenir

dans la sphère de compétence, pour autant que cette collaboration se révèle importante

pour la capacité d'action du système.

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Ainsi, le Gouvernement devient responsable de l'élaboration de la planification politique

et de l'attribution des mandats de prestation à l'administration. De son côté, le Parlement

peut donner des mandats au Gouvernement dans les domaines de compétences de ce

dernier. Il conserve également sa compétence budgétaire, dans une forme modifiée. Le

budget portant sur des groupes de produits et les indicateurs de prestation doivent

permettre au Parlement - malgré un budget moins détaillé - d'exercer une influence plus

grande sur l'administration.

2.3.3 Les droits populaires

Si le Parlement devait réduire le degré de précision de ses textes normatifs, cela conduirait

à une limitation des droits populaires. Le référendum ne pourrait plus porter sur des

questions concrètes qui actuellement font l'objet de lois formelles. Le droit d'initiative

populaire serait également réduit si les textes d'initiative ne devaient plus contenir de

règles conditionnelles mais seulement des buts à atteindre. Tout ce qui est politiquement

important devra donc continuer à pouvoir être réglé par des règles conditionnelles.

2.3.4 Les relations entre le client et le citoyen

En considérant l'usager comme un client, le NMP veut démocratiser les relations entre

l'administration et les administrés. La légitimation de l'administration par le citoyen-client

doit constituer une nouvelle forme de justification démocratique de l'administration.

L'idée est séduisante , mais elle fait problème sur quelques points importants

Cette forme marchande de la démocratie directe court le risque de dégénérer en une

croyance naïve dans la "démocratie par questionnaire". Elle pose des problèmes difficiles

à la recherche sociale empirique et représente un coût important. De plus, la valeur d'un

bien public ne réside pas dans son utilité pour les personnes directement concernées, mais

dans son apport au bien-être collectif de la société. Cette évaluation ne peut se faire

autrement que par la procédure démocratique.

De plus, le NMP ne dispose actuellement d'aucun moyen pour distinguer les clients des

lobbies. La raison de cet aveuglement réside probablement dans la perspective

économique qui sous-tend le NPM : le lobbying est le comportement normal des clients à

l'égard de l'administration.

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La réalisation du NMP impose une amélioration de la transparence des modalités d'action

de l'administration (et non seulement des effets de son action). A défaut, on assistera au

renforcement du pouvoir de l'administration et de l'économie au détriment des citoyennes

et citoyens et des autorités politiques. Le NMP lui aussi doit se légitimer par le biais de

procédures adéquates. Il faut avant tout développer des procédures aptes à promouvoir la

rationalité politique des décisions de l'administration. Ces procédures doivent notamment

garantir qu'une même attention soit portée à tous les intérêts, qu'ils soient privés,

spécifiques à un groupe ou généraux. Finalement, il sera décisif que le NMP puisse

légitimer de manière appropriée la confiance accrue dans l'administration qu'il prétend

instaurer.

B . Le droit administratif

A ce sujet, nous allons nous limiter à quelques questions choisies

1 . Le contrat de prestation entre le département et l'office

Fonctionnellement, le contrat de prestation remplace la directive par laquelle, au sein de

l'administration actuelle, le supérieur mandate ses subordonnés.

Le contrat de prestation n'est pas un contrat au sens juridique du terme. Il comporte certes

certains éléments contractuels : l'expression d'une volonté commune, la réciprocité de la

prestation et du financement ainsi que la détermination de la prestation qui constitue

l'objet de la relation entre les partenaires. Par contre, les partenaires n'ont pas la qualité de

parties contractantes; la volonté de se lier juridiquement et la soumission à une

jurisprudence et à la contrainte étatique font défaut. Les partenaires ne possèdent pas la

qualité de parties contractantes parce qu'ils ne sont pas des sujets autonomes de droit

public. Le département et l'office sont tous deux parties du même sujet de droit et ne

peuvent donc pas justifier des droits et des devoirs mutuels. Cela ne serait possible que si

le prestataire n'appartenait pas à la même administration que le commanditaire, c'est-à-

dire s'il était un établissement autonome de droit public ou un sujet de droit privé.

Actuellement il n'existe pas de figure dogmatique qui attibuerait une capacité de contracter

entre elles à des unités administratives dépendantes appartenant au même sujet de droit

étatique. Sur la base des contrats de prestation conclus jusqu'à maintenant au sein des

administrations, une telle figure n'apparaît pas nécessaire. Un deuxième élément

fondamental du contrat manque à ces accords, à savoir la volonté de se lier juridiquement.

En cas de non réalisation de l'une ou l'autre des clause du contrat de prestation, les

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partenaires n'envisagent pas d'intenter une action en dommages-intérêts ou de même de

demander une amende conventionnelle. Les sanctions qui doivent conduire à l'exécution

de ce type de contrat sont celles de la hiérarchie administrative traditionnelle. En cas

d'exécution incorrecte de la part du prestataire, le droit du commanditaire d'imposer des

directives de par sa position hiérarchique subsiste intégralement et s'il y a des divergences

d'opinion, c'est au supérieur hiérarchique commun de trancher.

Ainsi, les contrats de prestation constituent plutôt des ordonnances administratives, qui

règlent des relations non-juridiques à l'intérieur de l'administration, notamment

l'organisation et les obligations. Les partenaires d'un contrat de prestation ont certes des

obligations juridiques. Mais ces dernières trouvent leur fondement juridique dans les

devoirs de fonction des partenaires, fixés par leur position hiérarchique au sein de

l'administration, et non dans le contrat de prestation. L'exécution d'un mandat de

prestation repose sur la hiérarchie administrative; elle est ainsi l'affaire des supérieurs

hiérarchiques, par le biais du controlling.

2. Les mandats de prestation horizontaux au sein de l'administration

L'orientation verticale du NMP ne doit pas conduire à négliger la collaboration horizontale

au sein de l'administration. Les unités administratives de même niveau peuvent être

conduites à conclure entre elles des contrats de prestation. Les principes que nous venons

d'évoquer à propos des contrats verticaux s'appliquent également aux contrats de

prestation horizontaux. Dans les premiers comme dans les seconds manque la qualité de

parties contractantes et la volonté de se lier juridiquement. Bien que les contrats de

prestation ressemblent à des contrats, ils n'en sont pas au sens du droit des obligations ou

du droit public. Il s'agit plutôt d'accords administratifs dont les obligations juridiques ne

résultent que des devoirs de fonction des partenaires. La responsabilité de l'exécution des

contrats de prestation horizontaux incombe à la hiérarchie et dépend des supérieurs

communs aux unités administratives concernées.

C. Conclusion

Ces réflexions d'ordre politique et constitutionnelle nous amènent à la conclusion qu'il

n'y a pas lieu d'imposer intégralement le NMP en tant que système. Il faut plutôt le

considérer comme une carrière d'où l'on peut tirer des éléments de réforme. Mais à

chaque fois ces éléments doivent être adaptés aux caractéristiques de la tâche publique à

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accomplir, dans le respect des exigences constitutionnelles et en tenant compte des

avantages qu'offrent les formes traditionnelles de l'administration.

En intégrant des éléments empruntés à l'entreprise privée, le management public n'en

devient pas pour autant un management d'économie privée. Il reste un management

exécutif voué à la fonction gouvernementale.

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INTRODUCTION

SAINT-DENIS ET SON SYSTEME DE GESTION

Recu redéploiement ou deploiemenmanagement dans les commu

estions et tentatives de réponses a partir dexperience de SAINT-DENIS

Jacques MARSH UD,Administrateur territorial,

Secrétaire Général de la Mairie de SAINT-DENIS

La gestion territoriale a profondément évolué ces dix dernières années. Ces mutationsconcernent tout autant l'environnement que le contenu de la gestion dans toutes sescomposantes . L'évolution est telle qu'elle peut avoir un effet déstabilisateur sur l'organisationmunicipale, et sur ceux de ses acteurs qui, élus ou fonctionnaires, se sont formés à l'école desannées 70 ou 80. Cela est si vrai que l'on entend parler ici et là d'adaptation douloureuse de lagestion publique locale aux contraintes d'un environnement incertain et complexe, d'un recul dumanagement face à la crise. Mais n'y a-t-il pas une autre manière d'appréhender cette évolution,celle de considérer aussi, ou plutôt, qu'il pourrait s'agir d'une phase (d'une crise ?) de croissancedu management. Recul, redéploiement, déploiement du management dans les collectivitésterritoriales, telle est la problématique à partir de laquelle nous souhaitons, non pas apporter uneréponse, mais alimenter une réflexion et contribuer au débat. Nous le ferons à partir del'expérience vécue à SAINT-DENIS, qui nous semble assez largement révélatrice d'une évolutiongénérale.

SAINT-DENIS, commune de 91 000 habitants avec ses caractéristiques : ville industrielle avec desressources fiscales confortables, ville populaire avec des besoins sociaux importants, villecommuniste avec une politique sociale marquée, dispose d'un service public au champ très large.2 800 agents travaillent pour la Mairie dont 2 100 à temps complet. Le budget 1996 s'élève à1 milliard 250 millions de francs : 950 millions en fonctionnement, 300 en investissement.

La crise économique n'a pas épargné SAINT-DENIS. Le tissu social se délite. Le taux dechômage atteint 16 % de la population active. Les grandes cités HLM périphériques, construitesaprès guerre, sont aujourd'hui le cadre de tous les problèmes urbains générés par la criseéconomique et sociale.

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Face à cette situation, le Conseil Municipal affiche, comme priorité de ses orientations politiques,l'emploi et l'insertion professionnelle, l'éducation, la culture, la vie sociale, l'aménagement de laville, l'environnement, l'action sur le terrain au plus près des problèmes, la démocratie locale.

Le système de gestion que connaît aujourd'hui la Mairie est le fruit de différentes approches quel'on peut identifier en trois phases plus ou moins successives

- la phase instrumentale qui correspond, en fait, à la mise en place d'outils et de procédures degestion inspirés du secteur privé et adaptés à la réalité de la gestion publique.

Cette phase, qui se situe au début des années 1980, correspond à la mise en place d'un serviceanalyse de gestion et d'éléments de comptabilité analytique, à la déconcentration des procéduresde recrutement et de gestion du personnel, à l'émergence de la gestion de la trésorerie et desemprunts, au développement de la prospective financière et de la planification desinvestissements. C'est aussi à cette époque qu'est mise en place la nouvelle procédured'élaboration budgétaire qui va devenir, en fait, la clef de voûte du système de gestion. Cetteprocédure vise, en fait, deux objectifs

la recherche de la meilleure utilisation des moyens par la mise en place de budgetsglobaux déconcentrés au niveau des services regroupant, tant pour la prévision que pour laréalisation toutes les dépenses et recettes d'activités, les dépenses de personnel et lesdépenses d'investissement directement liées à l'activité,

le moyen de mieux adapter le service public aux besoins ; en d'autres termes, celui defavoriser les arbitrages politiques par la présentation, lors de la préparation du budget, deplusieurs niveaux de propositions

. budget minimumbudget de développement gagé sur ressources internesbudget de développement.

Cette nouvelle procédure d'élaboration budgétaire va conduire à la mise en place de centres deresponsabilité, donc à la définition d'un nouvel organigramme administratif avec l'émergenced'une focntion direction générale. C'est aussi dans le cadre de cette phase qu'apparaissent lespremiers éléments de contrôle de gestion rendus nécessaires par la déconcentration de lapréparation et de la gestion budgétaire.

-* La phase Gestion des Ressources Humaines

Plusieurs années de pratique du budget minimum et l'apparition des premiers signesd'essoufflement nous amènent à prendre conscience que les principales réserves d'efficacitérésident dans la gestion des ressources humaines, domaine jusqu'alors plutôt négligé au profit dela fonction financière. L'objectif principal sera alors d'élargir la démarche participative descentres de responsabilité, de mieux mobiliser les hommes pour prolonger l'optimisation desmoyens financiers.

Cette phase correspond à la mise en place de procédures de définition de poste, de missions, denégociation des objectifs et d'évaluation du travail, en liaison avec la notation, l'avancement, lesrégimes indemnitaires. Ce travail se poursuit par l'élaboration participative d'un plan deformation ayant pour objectif de mobiliser l'encadrement et le personnel sur l'analyse desmissions et des besoins, sur l'amélioration des qualifications et des savoir-faire.

- La phase politique publique locale

C'est celle, en fait, où la démarche commence à s'externaliser et à se finaliser. Disposer de bonsoutils de gestion, mobiliser, former les hommes pour bien les utiliser est nécessaire mais cela neconstitue pas une finalité en soi. L'objectif du service public local est de bien connaître la sociétélocale pour bien agir, pour contribuer au développement de la ville et à la satisfaction desbesoins bien compris de sa population.

C'est au cours de cette phase qu'est mise en place une fonction Etudes locales pour développer laconnaissance de la société locale et de ses besoins. C'est aussi pendant cette période que l'on vatravailler plus particulièrement à la formalisation des orientations et des objectifs : Projet deMairie, rapports d'orientation, plans d'action administrative. L'accent est mis également sur

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l'amélioration des processus décisionnels avec la formalisation des relationspolitique/administration.

Apparaissent également les premiers éléments d'évaluation des politiques locales au travers desbilans d'activité, d'indicateurs d'activité et d'impact. C'est également le temps du développementde la "transversalité" pour mieux prendre en compte la globalité des problèmes et des besoins,celui de la mise en place de groupes de projet.

Tout cela conduit à la formalisation d'un système de gestion intégré.

Nous retrouvons en fait, au travers de ces trois approches assez pragmatiques, les attributsessentiels du management public local tel qu'on l'identifie. Jusque là, tout va bien. Tout semblelogique jusqu'à une période relativement récente, trois ou quatre ans, où apparait de fait unenouvelle évolution, sensible, destabilisatrice de l'organisation et du fonctionnement traditionnel.

LES SIGNES DE L'EVOLUTION -

Ceux-ci sont variés, relèvent de domaines différents, mais présentent néanmoins une certainecohérence. Nous les énumérons ici, tels qu'ils nous apparaissent sur notre lieu de travail et dansles autres villes.

• Une importance toujours plus grande accordée à la qualité des prestations apportées à lapopulation, une attention accrue à prendre en compte ses aspirations, notamment celles quitouchent à l'environnement quotidien.

• La volonté de contribuer au règlement ou au traitement des grands problèmes de société, bienau-delà des compétences locales, en relais ou en amont de la politique globale de la ville(toxicomanie, délinquance, formation, insertion, emploi).

• Le recul de l'idée, même chez les plus libéraux, de la délégation de service public commecomposante essentielle de la modernisation du service public et la réhabilitation de la régiedirecte comme mode de gestion efficace.

Le développement de "pratiques démocratiques" des élus locaux qui recherchent et multiplientde nouvelles formes d'information, de consultation et de participation des citoyens.

La mise en place de nouvelles méthodes de travail et formes d'organisation tant politiquesqu'administratives permettant de mieux intervenir à l'échelle des quartiers .

• L'apparition de nouveaux métiers correspondant, non pas à de nouvelles compétences, mais àdes politiques et pratiques nouvelles des communes : chargés de mission sur les quartiers ouréférents sociaux gérant des interfaces tout à la fois entre les citoyens et les élus, entre lescitoyens et l'administration, entre les différents intervenants publics, entre les citoyens eux-mêmes.

• La recherche de partenariats les plus larges et les plus divers, avec les autres collectivitéspubliques, avec les associations, avec le secteur privé, avec les citoyens pour agir plusefficacement.

La promotion de la "transversalité" comme élément majeur de l'efficacité de l'action publiquelocale.

• La contestation encore sourde, mais non moins réelle des "centres de responsabilité" commebastions des logiques sectorielles, donc bureaucratiques, et comme obstacle au développementdes coopérations inter-secteurs, et donc à une plus grande efficacité de l'action municipale.

• Une mobilisation plus importante de l'organisation municipale sur les moyens de mieuxrépondre aux attentes de la population (à "l'approche client" pour reprendre une terminologiei mpropre et dépassée, mais malheureusement à la mode) au détriment d'une certaine "rigueur de

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gestion", expression souvent utilisée pour évoquer le souci permanent d'économie, de maîtrisedes dépenses, notamment de fonctionnement .

Ces différents signes, en tendance, affectent donc aussi bien les politiques locales, les aspectsorganisationnels, la gestion des ressources humaines, les comportements des responsables locaux,qu'ils soient élus ou fonctionnaires. Il pourrait donc bien s'agir d'une évolution en profondeur.

LES CAUSES DE L'EVOLUTION

Celles-ci sont diverses et n'ont certainement pas toutes la même importance.

Certaines sont institutionnelles, sociologiques et on peut penser qu'elles produiront des effetsdurables.

D'autres sont plus conjoncturelles, et leur disparition pourra entraîner d'autres évolutions rapidesou retour en arrière.

c> Les mutations sociales et l'évolution de la demande sociale qui positionnent de plus en plusla ville comme lieu d'expression et de prise en compte des besoins

rD Les effets de la décentralisation qui a généré une vraie dynamique locale, un ensemble deforces en interactivité

c~> La crise de la politique qui a laissé un champ libre dans le domaine de la citoyenneté enmême temps qu'un rejet de l'Etat

c> Le dépérissement des idéologies qui fait que l'éveil politique, l'écoute, le dialogue, l'expertise,la réflexion, l'analyse des situations locales tendent aujourd'hui à se substituer à des référentsorganisationnels et idéologiques en crise.

m> La crise économique qui a redonné au service public en général, et au local en particulier,toutes ses lettres de noblesse.

QUEL EST LE SENS DE CETTE EVOLUTION ?

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Il y a donc incontestablement évolution. Les causes que nous avons essayé d'identifier sontdiverses, plus ou moins importantes, durables. Disons qu'elles offrent le contexte,l'environnement, peu discutable, de ces mutations qui semblent traverser assez largement l'actionpublique locale.

Au-delà, il y a lieu de s'interroger sur la signification de ces nouvelles tendances de la gestioncommunale tant elles sont révélatrices, nous semble-t-il, d'un mouvement en profondeur.

Certaines explications viennent en premier lieu à l'esprit. Même si elles sont réelles et loin d'êtrenégligeables, elle ne paraissent pas essentielles. D'autres semblent beaucoup plus intéressantes etconstructives.

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u L'effet de balancier ?

L'histoire des idées, des organisations est souvent faite de réactions excessives aux excès de lapériode précédente. On peut effectivement penser que les abus de discours, de pratiquesmanagériales, parfois mal digérées, aient suscité chez les acteurs de la gestion locale, etprincipalement chez les élus, mais aussi de la part des personnels, des effets de rejet. La culturecommunale, après avoir subi la colonisation d'une culture étrangère, résistante, reprendrait "ledessus". Alors on commencerait à brocarder les cercles de qualité, les groupes de progrès, lecontrôle de gestion, la comptabilité analytique, les économies de gestion, le budget minimum,pour réhabiliter les relations humaines, la qualité du service rendu, les développements d'activité,le politique. Même si les choses sont plus compliquées que cela, il y a sans doute un peu de vraidans cette analyse.

u L'adaptation à la crise ?

On peut également penser que lorsque le chômage et l'exclusion deviennent dans nos villes desphénomènes structurels, lorsque la "violence urbaine" éclate dans les quartiers difficiles, lespouvoirs publics, les communes décrètent l'état d'urgence. A situations exceptionnelles, mesuresexceptionnelles.

On n'aurait plus le temps de rationaliser, il faudrait agir, quel qu'en soit le prix, en se servantcertes, chaque fois que cela est possible, des outils de gestion dont on a appris à se servir pourêtre plus efficaces.

Cela n'est pas totalement faux, pas plus ni moins que la première explication. Mais si nousdevions nous en tenir à ce type d'argument, il faudrait admettre que l'évolution que nousconstatons aujourd'hui serait une régression du management dans les collectivités locales, aumieux une adaptation, un redéploiement. Or. nous avons la conviction et nous voulons faire lepari qu'il s'agit d'une tendance beaucoup plus profonde, plus intéressante, en quelque sorte undéploiement du management public dans sa spécificité.

u Un déploiement "démocratique" du management public local ?

b Les spécificités du management public territorial

""La finalité" de l'entreprise privée est introvertie, elle n'est pas de changer un état du monde ouplus modestement de son environnement... L'organisation publique type, à l'inverse, trouve sajustification dans la volonté de changer un état de l'environnement ou (ce qui revient au même)de le préserver s'il est menacé ... Le résultat final de l'activité administrative peut être qualifié"d'impact"".

C'est en ces termes qu'il y a dix ans, Patrick GIBERT (1) définit les caractéristiques particulières de lagestion publique. C'est cette double "fonction de production", la production d'un service, laréalisation d'abord, puis la recherche d'un impact qui confère au management public saspécificité.

Et comme le souligne par ailleurs Patrick GIBERT, la commune, en tant qu'organisation publique,possède de fortes particularités (2)

- proximité de la gestion communale par rapport au politique d'une part, aux citoyensadministrés d'autre part,

- e diversification de ses activités

Patrick GIBERT. Economica 1984Patrick GIBERT. Le management communal : ses spécificités. Institut de Management Public 1983 (Note)

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(3)

-, autonomie d'objectifs et dans une certaine mesure de définition des moyens.

Le management public territorial présente donc une double spécificité : celle du service publicd'une part, celle du service public décentralisé d'autre part.

Il est compréhensible que dans un premier temps, les. communes, à la recherche d'une plusgrande efficacité, aient d'abord importé les techniques du management de l'entreprise privée.Cela correspond à la première phase du management communal : celle des outils de gestion, dela comptabilité analytique, des tableaux de bord, de la planification des investissements, desétudes d'organisation ; en quelque sorte celle du management introverti où l'organisation essayede s'améliorer en elle-même.

Prenant conscience des limites d'une simple approche instrumentale, les communes se sontintéressées dans une deuxième phase à la gestion des ressources humaines. C'est l'époque desplans de formation, des centres de responsabilité, de la responsabilisation, de la motivation, descercles de qualité, de la communication interne. En privilégiant après les outils les hommes, onprocède certes à une avancée, mais on reste encore introverti .

Une première ouverture vers l'extérieur va s'opérer avec une troisième étape : celle des projetscommunaux, des plans d'action, des politiques locales. C'est alors le temps des rapportsd'orientation, de l'analyse des besoins, de la formalisation des objectifs, de la recherche departenariat institutionnel, des velléités de l'évaluation des politiques locales. L'intérêt se focalisecette fois sur l'impact de l'action municipale.

Cette évolution assez largement constatée et admise ( 3 ), si elle n'est pas bien évidemment aussischématique et linéaire, correspond à une réalité certaine.

Or, les mutations que nous connaissons depuis quelques années sont suffisamment importantespour que l'on puisse considérer que nous entrons dans une phase nouvelle. Celle-ci peutcorrespondre à un pas supplémentaire du management vers l'extérieur de l'organisation, avec laprise en compte du citoyen non plus comme un administré, un usager, un "client", mais unacteur.

Entendons-nous bien : il ne s'agit pas ici de prétendre que l'action municipale ne se préoccupaitpas jusqu'alors de l'environnement, des habitants de la commune. Bien au contraire, le premiersouci des élus, de leur action politique a toujours été celui-là. Mais la transformation estqualitative : la relation du politique à ses concitoyens évolue de manière telle qu'elle entraînel'ensemble de l'organisation municipale, notamment l'administration, et par voie de conséquencele système de gestion, la recherche d'une plus grande efficacité, dans des pratiques nouvelles etdéstabilisatrices.

Pour tenter d'éclaircir ce point de vue, nous nous attacherons à trois aspects que nous vivons dansnotre commune, mais que nous constatons également ailleurs.

' Une aspiration croissante des citoyens à participer aux politiques locales

Pour illustrer cette constatation, nous prendrons deux ou trois exemples.

> Depuis quelques années, nous assistons comme nous l'avons signalé au début de l'exposé, à lamise en place et au développement de pratiques politiques et de gestion, institutionnalisées auniveau du quartier, au plus près de ses habitants. Ces méthodes de travail, largement répanduesdésormais, sous des formes diverses dans les communes, et accompagnées par les politiquesnationales de la Ville (Développement Social de Quartier) ont pris le nom à SAINT-DENIS de"démarches quartiers".

Un maire-adjoint et un secrétaire général adjoint reçoivent respectivement du maire et dusecrétaire général délégation pour coordonner une action plus efficace sur le quartier, de

Voir à ce propos "Les réponses nianagériales apportées jusqu'à présent aux collectivités territoriales et leurs limites".Nicole CHAMBRON - Actes du colloque sur le management territorial. MARSEILLE 14 et 15 octobre 1991. Editionsdu CNFPT 1992

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l'ensemble des élus et des secteurs de l'administration. Un chargé de mission, puisprogressivement une petite équipe de "nouveaux fonctionnaires territoriaux" sont mis en placesur le terrain pour, au quotidien, traquer les dysfonctionnements, dialoguer avec les forces vives,jouer les interfaces entre la population et la mairie, interpeller les services, parfois les élus. Uncomité de quartier (érigé depuis peu en "Comité consultatif" de la loi du 6 février 1992),informel, est constitué, regroupant tous les institutionnels, les responsables d'associations, lesrelais d'opinions, puis progressivement tout citoyen qui en exprime le désir. Il se réunit deux outrois fois par trimestre, accueille à son ordre du jour toutes les préoccupations du secteur, et yinscrit en prolongement quelques grands thèmes de l'action municipale. Les élus concernés, lesfonctionnaires, très largement, y sont invités selon les circonstances.

D'abord, ces démarches, ces structures ne sont pas nées de rien. Elles ont répondu d'une certainemanière à une demande de la population. Pour une part, cette demande était implicite : le malvivre, les dysfonctionnements, les problèmes de la vie quotidienne étaient et sont tels danscertains quartiers qu'il y a nécessité de développer de nouvelles méthodes de travail, moinsbureaucratiques, plus pragmatiques pour y répondre. Aussi n'est-il pas un hasard si cesdémarches quartiers sont nées dans les secteurs les plus difficiles de la ville. Mais la demande aété aussi explicite : celle de certains citoyens, les plus actifs, de participer aux "affaires" de leurquartier, d'être consultés, mais aussi de suggérer, de proposer, de décider d'agir.

Puis, le fait que ces nouvelles pratiques existent ont révélé et révèlent des participationscitoyennes souvent étonnantes. On y donne son avis, on propose, on débat, on participe, oninitie. On intervient auprès des jeunes fauteurs de troubles, on discute avec eux, on tente de lesresponsabiliser. La vie associative se développe. Des fêtes de quartier font leur apparition. Ontravaille avec les "équipes municipales de terrain", on interpelle les services, et parmi eux lesfonctionnaires "sans grade" délégués sur le quartier, qui n'en sont pas encore tous revenus d'êtreconnus et reconnus.

> La construction à SAINT-DENIS du "Grand Stade" pour la Coupe du Monde de 1998 nousen donne un autre exemple. Dans les semaines qui ont suivi le choix de SAINT-DENIS pourl'implantation de cet équipement, deux associations, bien indépendantes et sans lien avec laMunicipalité, ni même avec les forces politiques traditionnelles, se sont constituées

"Inquiets des conditions de réalisation du projet du Grand Stade et des conséquences de celui-ciquant au cadre de vie urbain et à l'avenir de La Plaine, nous avons décidé de créer unObservatoire Indépendant de suivi du Grand Stade.Nous pensons en effet que les Dionysiens (4) doivent être présents dans le débat et informés pasà pas de toutes les décisions concernant le projet, ce, notamment, afin de pouvoir peser auprèsdes différents partenaires institutionnels, quant au respect des engagements pris.L'enjeu nous semble ici suffisamment important pour que les méthodes classiques de simpleinformation ponctuelle des habitants soient dépassées, et pour que les conditions soient crééesd'une réelle transparence à chaque moment d'évolution du projet."écrivent au Maire les membres de l'assemblée générale constitutive.

L'association "Les Huigs" " Humanisation de l'implantation du Grand Stade", se donne, quant àelle, pour objet

"Rassembler, dans un esprit humaniste toutes personnes physiques ou morales concernées deprès ou de loin et à n'importe quel titre, par l'implantation du grand stade dans la PlaineSaint-DenisRecueillir et diffuser toutes informations susceptibles d'intéresser ne fut-ce qu'un seul individuadhérentAssurer le suivi de l'exploitation de ces informations en soutien, sans empiéter sur l'action socialede chaque commune.""L'occasion est vraiment trop belle", écrit la Présidente au Maire, "de manifester concrètement uneautre action humaniste où l'homme ordinaire peut apprendre, face à certains types debouleversements de moins en moins accidentels, non à les subir passivement mais, a en êtreégalement l'acteur actif.

(4) Habitants de SAINT-DENIS

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Le tout est de lui rendre l'information accessible et à sa portée, puis de la faire vivre dans sacontinuité, en faisant appel à ses aptitudes créatrices. Il y aura, sans doute, de ce fait desinitiatives intempestives... A nous de les canaliser en faisant valoir toutes les instances en placesusceptibles de les englober.Ainsi de votre action majeure, Monsieur le Maire, que nous serons heureux de soutenir et defaire encore mieux valoir."

Pour répondre à ces demandes, et à celles d'associations de quartier, des clubs sportifs, et decitoyens solitaires, la Municipalité a mis en place un Comité de suivi du Grand Stade, instanceinformelle, pendant spécialisé en quelque sorte des comités des démarches quartiers. Leparallèlisme se poursuit car ce comité de suivi vient d'être transformé en Comité ConsultatifSAINT-DENIS Stade de France.

L'organisation municipale est alors amenée à se positionner non plus seulement par rapport à sesstructures internes, mais aussi par rapport à ces structures nouvelles où apparaissent de nouveauxacteurs. La gestion des projets ne découle plus uniquement des dynamiques politiques, maisl'une et l'autre sont de plus en plus mêlées.

> Mais les initiatives, les demandes peuvent être également individuelles, plus ponctuelles. Ellesexpriment de plus en plus souvent la volonté des habitants à être consultés non plus seulementsur les solutions, mais en amont, à être associés aux diagnostics, aux études.

Soyons clairs, il ne s'agit là que de premiers balbutiements, qui ont encore du mal à bousculer leshabitudes du pouvoir ou les logiques techniques et bureaucratiques. Il ne s'agit là qued'initiatives, d'actes de citoyenneté bien trop isolés. Mais ce qui est important, c'est que celaexiste ; ce qui est intéressant, c'est la tendance, et ce que cela change dans la réflexion, lefonctionnement et la pratique d'une organisation municipale.

b La nécessité pour les communes, pour l'efficacité de leurs politiques, de trouver le relais dedémarches citoyennes

Dans un environnement de plus en plus complexe, face à des problèmes de société de plus enplus lourds, où les communes se trouvent toujours plus responsabilisées, les réponses aux besoinsles plus fondamentaux impliquent aujourd'hui des mobilisations et des engagements au-delà desorganisations communales.

Retisser du lien social aujourd'hui, dans les quartiers difficiles, est essentiel, mais ne se décrètepas. L'intervention des seules structures municipales ne suffit pas en elle-même. Elle est mêmevouée à l'échec si elle ne rencontre le relais des habitants eux-mêmes, ou tout au moins decertains d'entre eux.

La lutte contre le chômage, contre l'exclusion passe de plus en plus souvent au niveau communalpar le développement de politiques locales spécifiques, en prolongement de politiquesnationales. C'est dans ce cadre qu'a été mis en place à SAINT-DENIS un plan local d'insertion avecdes objectifs, des moyens. Mais que peut faire une politique municipale dans ce domaine si ellene trouve pas l'adhésion de ceux qui sont susceptibles de créer des emplois d'insertion.

L'essentiel de l'action des élus et fonctionnaires responsables de ce secteur sera donc de mobiliserles acteurs économiques, de les convaincre du rôle majeur qu'ils ont à jouer. L'association"SAINT-DENIS PROMOTION" regroupant les grandes entreprises de la ville, avec la Mairie, a élaboréune "charte pour l'emploi" par laquelle les 300 entreprises signataires s'engagent à créer desemplois d'insertion, chaque fois qu'elles obtiendront des parts de marché sur les grands travauxde construction du Grand Stade et de ses dessertes. Certes, l'engagement n'est pas désintéressé.Mais il s'accompagne d'un discours nouveau chez certains patrons sur "l'entreprise citoyenne"qui ne pourrait subsister et se développer dans un environnement social aussi déstructuré.

Ces exemples démontrent que dans les situations les plus complexes, les seules politiquespubliques ne suffisent plus, même quand elles ont comme objectif d'agir sur l'environnement etde le faire réagir. Les communes sont donc de plus en plus souvent amenées à initier,développer des "démarches citoyennes" qui seront non seulement le prolongement des politiquespubliques nationales ou locales, mais qui seules peuvent en assurer le succès. Dans cette

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coopération fructueuse, il sera plus aisé d'expérimenter les programmes d'action, d'en évaluer lesrésultats et de procéder aux adaptations nécessaires.

L'efficacité de l'action publique tient cette fois pour une large part à la participation active ducitoyen individuel ou collectif. La personne privée, physique ou morale devient un des acteursde l'action publique.

Ces situations nouvelles ne seront pas sans conséquences sur l'organisation municipale, ainsi quesur le positionnement des fonctionnaires.

cD Le développement de relations nouvelles entre les fonctionnaires territoriauxet la population

Certains peuvent s'étonner que l'on voie dans ce qui peut apparaître comme de simples etnaturelles relations entre les élus et la population une avancée du management local.

Nous avons d'abord essayé de démontrer que dans cette relation-là, il y avait un contenuqualitativement nouveau qui faisait que le rapport élu / citoyen dépassait les cadres traditionnelsde l'information, de la concertation ou de la contestation pour investir celui de la participation.

Un autre indice de cette mutation nous est offert par le rôle et la place des fonctionnaires dansces processus. Auparavant, les fonctionnaires territoriaux se situaient en dehors du jeu de ladémocratie locale. Aujourd'hui, bon nombre d'entre eux sont amenés dans leur activitéprofessionnelle à s'inscrire dans ces nouvelles démarches, à les accompagner, à devenir desinterlocuteurs privilégiés des habitants.

Il en est ainsi pour tous les nouveaux métiers "de la ville" qui oeuvrent dans les quartiers. Leurraison d'être est de travailler en lien direct et quasi permanent avec les habitants, de les écouter,les conseiller, susciter et accompagner leurs initiatives. Aujourd'hui, un chef de projet, un chargéde mission sur un quartier a incontestablement plus de rapports avec la population que l'élu.Certes, le fait que des agents communaux, comme les travailleurs sociaux par exemple, aient descontacts avec les habitants n'est pas nouveau. Ce qui l'est, c'est la nature de ce rapport : ce n'estplus seulement un rapport de fonctionnaire à administré, ou à usager, mais de fonctionnaire àcitoyen.

De plus, cette réalité n'est pas le privilège des métiers de la ville, de ces professions qui ont étéconçues précisément pour intervenir sur le terrain. En révélant les dysfonctionnements d'unquartier, on interpelle le secteur traditionnel : voirie, espaces verts, enfance, jeunesse, sport,urbanisme, etc. Les "démarches quartiers", lieu d'expérimentation de la "transversalité",nécessitent que les services délèguent des correspondants géographiques qui eux-mêmesdeviennent les interlocuteurs de la population.

Il en va de même dans d'autres domaines. Le responsable du service économique entretientdepuis longtemps des rapports avec les chefs d'entreprise en tant que prestataire de service. Avecle plan local d'insertion par l'économique, avec l'association SAINT-DENIS PROMOTION regroupantles entreprises de la ville, il lui est demandé de passer à des rapports de partenariat et decoopération.

Il va sans dire que ces mutations appellent une évolution de l'organisation des services. Maiselles ont aussi des conséquences non négligeables sur la gestion des ressources humaines(qualification, formation, motivation) et sur les relations habituelles au sein des services. Ellesbousculent les rapports hiérarchiques et nécessitent la mise en place de champ de délégation pluslarge.

Le surveillant de voirie, qui n'avait comme seul référent que l'ingénieur responsable de la voirie,rencontre désormais régulièrement dans les démarches quartiers l'élu ainsi que ses collègues desautres secteurs d'activité. Interpellé, reconnu et responsabilisé par les habitants, il ne peut plusavoir le même positionnement au sein de son service.

Nous voyons bien, cela est un exemple parmi bien d'autres, que ces nouvelles méthodes de travaildéstabilisent l'organisation municipale traditionnelle.

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Mais l'émergence du citoyen comme acteur du management territorial est du plus grandintérêt pour l'efficacité de l'action et des politiques publiques.

Certes, cette réalité est balbutiante et fragile. Les démarches, que nous évoquons, ne touchentqu'une petite minorité de la population. Les initiatives "citoyennes" que nous constatons sontencore bien isolées. Leurs auteurs, placés dans la situation qu'ils ont souhaitée, ne savent pastoujours l'exploiter. L'organisation municipale dans sa diversité et sa complexité n'est pastoujours capable de les intégrer durablement et les encourager. Mais il n'en reste pas moins qu'ily a émergence d'aspirations et de pratiques nouvelles qui ne peuvent que se développer. Avecles mutations culturelles, institutionnelles que nous connaissons, face à la complexité dessituations sur lesquelles les communes ont à intervenir, c'est le niveau d'implication des citoyensdans la définition et la mise en oeuvre des politiques locales qui en assurera avec les procédésmanagériaux désormais plus classiques, l'efficacité.

Cela représente en tout cas un des grands enjeux du management public territorial pour cesprochaines années.

Il en est quelques autres auxquels il faut s'attacher si l'on veut accompagner ce mouvement touten en corrigeant les effets pervers.

QUELQUES GRANDS ENJEUX DU MANAGEMENT COMMUNALAUJOURD'HUI

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Les mutations auxquelles nous assistons, leur approfondissement, les adaptations qu'ellesi mpliquent, nécessitent d'améliorer certaines pratiques et certains aspects du managementcommunal.

=> La recherche d'une implication plus large des citoyens

Cela relève d'abord d'une démarche politique. Les élus doivent avoir le souci renforcé de créerles conditions d'une participation toujours plus importante des citoyens aux affaires de lacommune.

Mais dans le même temps, les avancées que l'on constate ici et là, dans les démarches quartiers,lors de l'élaboration de projets, pour positives qu'elles soient, ne doivent pas faire illusion. Nousl'avons dit, c'est une minorité qui se mobilise et qui n'est pas forcément représentative de toute lapopulation. Les associations, actives, ne représentent que ceux qui se sont regroupés. Dans lesdémarches quartiers, ce sont les habitants les plus disponibles, les plus "socialisés" qui sontprésents. Certains deviennent des citoyens professionnels, avec tous les dangers de "lobby" quecela représente. Ceux qui connaissent les problèmes les plus graves sont presque toujoursabsents de ces rencontres. C'est là une difficulté supplémentaire pour les élus. Ceux-ci setrouvent confrontés, d'une part à la nécessité d'imaginer des formes nouvelles et diverses pourrencontrer et mobiliser la population, dialoguer avec elle. D'autre part, une certaine mobilisationcitoyenne ne les dispense pas, bien au contraire, d'un travail politique d'analyse, de décryptage,de ce qui s'exprime et surtout de ce qui ne s'exprime pas. Par contre, l'intervention citoyenne dequelques-uns, en représentant un prolongement sur le terrain de l'action municipale, est un atoutpour élargir la participation aux affaires publiques. Tout cela relève de problématiquespolitiques, certainement plus complexes qu'auparavant, qui concernent avant tout les élus.

Mais elles ne peuvent laisser indifférents les fonctionnaires. En premier lieu, parce que ceux-citravaillent à partir des orientations politiques qui prédéterminent la manière dont ils vonttravailler. Quand l'élu demande à ses cadres, ses services d'être plus à l'écoute de la population,de participer de manière active et permanente aux processus démocratiques, cela change,complique leur travail, et le rend aussi plus intéressant. La demande sociale était avantexclusivement médiatisée par les élus. Aujourd'hui, le fonctionnaire est invité parfois à lapercevoir directement. Mais au-delà, les techniciens doivent modifier leurs pratiques et enquelque sorte leur culture. La "démocratisation" du management public implique un recul de la

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technocratie. Trop souvent encore, la population, et même parfois les élus, sont saisis de projetsélaborés et préarbitrés par l'administration. Les choix politiques seront alors limités auxsolutions techniques proposées. Cela pose d'ailleurs en passant le problème qui n'est toujourspas réglé de la disponibilité, de la formation et du statut de l'élu.

Si l'on veut que le citoyen devienne acteur, il doit être interpellé dès la phase d'identification desproblèmes.

De telles pratiques nécessitent pour les fonctionnaires territoriaux une sérieuse remise en causede leur schéma de fonctionnement.

La raison d'être de certains métiers, ceux de l'insertion, de la politique de la ville, de l'actionsociale, est de travailler pour la mobilisation citoyenne. Ces métiers sont apparus en même tempsque l'émergence de nouvelles pratiques de la gestion territoriale. Mais il faut certainement allerplus loin, mobiliser sur ces objectifs d'autres catégories de fonctionnaires, développer chez lepersonnel communal ces savoir-faire.

b La recherche d'une mobilisation plus large des fonctionnaires territoriaux

Mobiliser le plus grand nombre de citoyens sur la résolution des grands problèmes est unobjectif noble et nécessaire. Mais au moment où cet objectif apparaît presque au centre de nospréoccupations, n'oublions pas qu'une phase précédente du management public territorial estrestée inachevée : celle de la mobilisation des ressources humaines.

C'est J. FIALAIRE qui, dans un article paru dans la revue "Politique et Management Public" de juin1993, constatait que "le management participatif ne touchait que 10 à 15 % des effectifs d'uncentre de responsabilité. Ailleurs, les relations hiérarchiques classiques n'évoluent pas."(5) A lalumière de l'expérience de la Mairie de SAINT-DENIS, qui fonctionne en centres de responsabilitédepuis 10 ans, nous pensons que ces chiffres ne sont pas éloignés de la réalité. Ladéconcentration des responsabilités, la négociation des objectifs, la mise en place de budgetsglobaux au niveau des centres de responsabilité a eu un effet incontestable de motivation et demobilisation des cadres. Ceux-ci sont entrés dans le cercle des décideurs, entraînant pour lesmeilleurs d'entre eux quelques-uns de leurs collaborateurs. Mais le personnel. d'exécution, dansson ensemble, se sent peu concerné et nous le dit. On constate même un -effet pervers, celui del'écart qui s'est creusé entre des cadres qui sont entrés dans les processus décisionnels, et leurséquipes qui sont restées sur place, d'où parfois un risque même de démobilisation du plus grandnombre.

Ceci est un véritable problème. Les 85 ou 90 9o d'agents peu concernés par le managementparticipatif sont pourtant ceux qui, au quotidien, sont au contact avec la population.L'intéressement (6) de ces fonctionnaires est la condition d'une plus grande efficacité du servicepublic. Et là, le terme d'efficacité peut prendre une dimension nouvelle : au-delà d'uneprestation de qualité apportée à la population, au moindre coût pour elle, apparaît la capacité dupersonnel communal, dans son plus grand nombre et sa diversité, à écouter, dialoguer, expliquer,à apporter dans son travail de chaque jour une contribution aussi modeste soit-elle audéveloppement de la citoyenneté. Encore faut-il que l'on crée les conditions pour que ces agentssoient informés, écoutés, reconnus, qu'ils soient eux-mêmes considérés comme des citoyens ausein du service public. Voilà bien un grand challenge sur lequel nous sommes encore en échec.Cela pose bien évidemment tout le problème de la gestion des ressources humaines aujourd'hui,de la conviction, de la capacité de l'encadrement. Cela pose aussi le problème du rôle du cadreaujourd'hui, de son positionnement, de sa disponibilité suffisante pour animer une équipe, aumilieu de charges de travail nouvelles induites par la déconcentration des responsabilités et lesnouvelles pratiques avec la population. Cela appelle certainement de nouvelles formesd'organisation.

(5) Jacques FIALAIRE. Les stratégies de la mise en oeuvre des centres de responsabilité. Politiques et Management Public.Volume 11. Juin 1 993 N° 2

( 6 ) Nous employons i ci ce terme au sens d'intéressement professionnel collectif

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